ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

8 septembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Environnement — Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne — Directive 2003/87/CE — Allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit — Décision 2011/278/UE — Modification de l’allocation — Article 24, paragraphe 1 — Obligation d’information par l’exploitant de l’installation — Portée»

Dans l’affaire C‑461/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), par décision du 3 juin 2015, parvenue à la Cour le 28 août 2015, dans la procédure

E.ON Kraftwerke GmbH

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour E.ON Kraftwerke GmbH, par Mes S. Altenschmidt et A. Sitzer, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. E. White et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 130, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre du litige opposant E.ON Kraftwerke GmbH à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) au sujet de l’étendue de l’obligation d’information pesant sur E.ON Kraftwerke pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, compte tenu des modifications apportées à l’exploitation de l’une de ses centrales électriques.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2003/87

3

La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la « directive 2003/87 »), énonce, à son article 7, intitulé « Changements concernant les installations » :

« L’exploitant informe l’autorité compétente de tous changements prévus en ce qui concerne la nature, le fonctionnement de l’installation, ou toute extension ou réduction importante de sa capacité, susceptibles de nécessiter une actualisation de l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre. Le cas échéant, l’autorité compétente actualise l’autorisation. [...] »

4

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2003/87 :

« À compter de 2013, les États membres mettent aux enchères l’intégralité des quotas qui ne sont pas délivrés à titre gratuit conformément aux articles 10 bis et 10 quater [...] »

5

L’article 10 bis de cette directive, intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le 31 décembre 2010 au plus tard, la Commission arrête des mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire relatives à l’allocation harmonisée des quotas [...] »

La décision 2011/278

6

Aux termes de l’article 7 de la décision 2011/278, intitulé « Collecte des données de référence » :

« 1.   Pour chaque installation en place remplissant les conditions d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE, y compris les installations qui ne sont en activité qu’occasionnellement, et notamment les installations de réserve ou de secours et les installations fonctionnant de façon saisonnière, les États membres collectent auprès de l’exploitant, pour toutes les années de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou, le cas échéant, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, durant lesquelles l’installation a été en activité, l’ensemble des informations et des données utiles concernant chacun des paramètres énumérés à l’annexe IV.

2.   Les États membres collectent séparément les données concernant chaque sous-installation. En cas de nécessité, les États membres peuvent demander à l’exploitant de leur communiquer des données complémentaires

[...] »

7

L’article 10, paragraphe 1, de la décision 2011/278 est rédigé dans ces termes :

« Sur la base des données recueillies conformément à l’article 7, les États membres calculent pour chaque année, conformément aux paragraphes 2 à 8, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à partir de 2013 à chacune des installations en place situées sur leur territoire. »

8

Les articles 19 à 21 de la décision 2011/278 définissent les conditions dans lesquelles les États membres allouent les quotas d’émission à délivrer à la suite d’une extension significative ou d’une réduction significative de la capacité de l’installation concernée.

9

L’article 24 de la décision 2011/278, intitulé « Modification de l’exploitation d’une installation », prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que l’exploitant communique, au plus tard le 31 décembre de chaque année à l’autorité compétente, toutes les informations utiles concernant les modifications prévues ou effectives de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation.

2.   En cas de modification de la capacité, du niveau d’activité ou de l’exploitation d’une installation ayant une incidence sur son allocation de quotas d’émission, les États membres communiquent à la Commission, au moyen d’un modèle électronique fourni par celle-ci, toutes les informations utiles, y compris la quantité annuelle totale provisoire révisée de quotas d’émission alloués à titre gratuit à l’installation concernée, déterminée conformément à la présente décision, avant de déterminer la quantité annuelle totale finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit. La Commission peut rejeter la quantité annuelle totale provisoire révisée de quotas d’émission alloués à titre gratuit à l’installation concernée. »

Le règlement (UE) no 601/2012

10

Selon son article 1er, le règlement (UE) no 601/2012 de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87 (JO 2012, L 181, p. 30), définit les règles applicables à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et des données d’activité au titre de la directive 2003/87 pour la période d’échanges du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne qui commence le 1er janvier 2013 et pour les périodes d’échanges ultérieures.

11

L’article 12 du règlement no 601/2012, intitulé « Contenu du plan de surveillance et soumission de celui-ci », énonce :

« 1.   L’exploitant ou l’exploitant d’aéronef soumet un plan de surveillance à l’approbation de l’autorité compétente.

Le plan de surveillance décrit de façon détaillée, exhaustive et transparente la méthode de surveillance appliquée par une installation spécifique ou par un exploitant d’aéronef donné, et contient au moins les éléments indiqués à l’annexe I.

[...]

2.   Si l’annexe I fait référence à une procédure, l’exploitant ou l’exploitant d’aéronef établit, consigne, met en œuvre et tient à jour cette procédure séparément du plan de surveillance.

[...]

3.   Outre les éléments visés aux paragraphes 1 et 2 du présent article, les États membres peuvent exiger que d’autres éléments figurent dans le plan de surveillance des installations pour répondre aux exigences de l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 [...], notamment le résumé d’une procédure garantissant :

a)

que l’exploitant vérifie régulièrement que les informations concernant toute modification prévue ou effective de la capacité, du niveau d’activité ou de l’exploitation d’une installation sont pertinentes en vertu de cette décision ;

b)

que l’exploitant transmet les informations visées au point a) à l’autorité compétente chaque année, au plus tard le 31 décembre. »

Le droit allemand

12

Le 26 septembre 2011, le gouvernement fédéral a adopté la Verordnung über die Zuteilung von Treibhausgas-Emissionsberechtigungen in der Handelsperiode 2013 bis 2020 (règlement d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période d’échange allant de 2013 jusqu’en 2020) (BGBl. I S. 1921, ci-après la « ZuV 2020 »).

13

L’article 22 de la ZuV 2020, intitulé « Modifications de l’exploitation d’une installation », prévoit :

« 1)   L’exploitant est tenu de communiquer à l’autorité compétente toutes les informations utiles concernant les modifications prévues ou effectives de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, au plus tard le 31 janvier de l’année suivante et pour la première fois pour le 31 janvier 2013.

2)   En cas de réduction significative de capacité au titre de l’article 19, l’exploitant de l’installation est tenu de communiquer à l’autorité compétente, sans délai, la capacité retirée et la capacité installée de l’élément d’allocation. En cas de cessation des activités d’une installation, au titre de l’article 20, paragraphe 1, l’exploitant de l’installation est tenu de communiquer à l’autorité compétente, sans délai, la date de la cessation des activités. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

E.ON Kraftwerke est une entreprise du secteur de l’énergie qui exploite en Allemagne plusieurs centrales électriques soumises à l’obligation d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Pour sa centrale de Heyden (Allemagne), elle a sollicité auprès du service allemand de vente de droits d’émission (Deutsche Emissionshandelsstelle, ci-après la « DEHSt ») l’allocation à titre gratuit de droits d’émission pour la troisième période d’échange (2013 à 2020), proportionnellement à la valeur d’émission de chaleur.

15

E.ON Kraftwerke a fait savoir, par lettre du 5 septembre 2013, à la DEHSt que, contrairement à ce que celle-ci exige sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, de la ZuV 2020, elle ne lui communiquerait les données concernant les niveaux d’activité de chaque élément d’allocation que si celles-ci étaient susceptibles d’entraîner une adaptation de la décision d’allocation.

16

Par lettre du 24 septembre 2013, la DEHSt a répondu à cette correspondance en soulignant que les informations utiles dont la communication est exigée en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la ZuV 2020 ne se limitaient pas à celles qui ont pour effet de modifier l’allocation, mais comprenaient toutes les informations se rapportant aux données sur lesquelles l’allocation est fondée.

17

Dans le formulaire de déclaration établi par E.ON Kraftwerke pour l’année 2013, le chiffre « 0 » apparaît dans la rubrique consacrée au niveau d’activité.

18

Par un recours dont elle a saisi le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin), le 27 novembre 2013, E.ON Kraftwerke a demandé que soit constaté, en substance, qu’elle n’était pas tenue, en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la ZuV 2020, de fournir toutes les données ayant un rapport avec la capacité, le niveau d’activité ou l’exploitation de l’installation, mais qu’elle ne devait communiquer que les seules données se rapportant à des changements susceptibles d’influer sur l’allocation des quotas. Tel serait le sens de l’article 24 de la décision 2011/278 de la Commission, ainsi que de son document d’orientation no 7.

19

La DEHSt faisant une autre lecture de ces actes de la Commission a soutenu qu’il appartenait aux États membres de déterminer les informations utiles concernant l’allocation.

20

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a décidé de sursoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quelles informations font partie des informations utiles au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 ? Cette restriction doit-elle être comprise comme étant qualitative ou quantitative ? En particulier, inclut-elle également des informations relatives à des changements prévus ou effectifs de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, lesquels n’ont pas pour conséquence directe la suspension ou l’adaptation de la décision d’allocation conformément aux articles 19 à 21 de la décision 2011/278 et lesquels ne font pas naître une obligation de communication au titre de l’article 24, paragraphe 2, de [cette] décision ?

2)

Dans la négative, l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit à l’État membre d’exiger également de l’exploitant de l’installation des informations relatives à des changements prévus ou effectifs de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, lesquels n’entraînent pas la suspension ou l’adaptation de la décision d’allocation en vertu des articles 19 à 21 de la décision 2011/278 ? »

Sur les questions préjudicielles

21

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre exige des entreprises qui, soumises à l’obligation d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, bénéficient d’une allocation de ces quotas à titre gratuit qu’elles fournissent des informations relatives à tous les changements prévus ou effectifs de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, sans limiter cette exigence aux seules informations relatives aux changements qui auraient une incidence sur cette allocation.

22

La décision 2011/278 régit l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87.

23

Il y a lieu de rappeler à cet égard que la directive 2003/87 vise à réduire, d’ici à l’année 2020, les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union d’au moins 20 % par rapport à leurs niveaux de l’année 1990, dans des conditions économiquement efficaces. Afin d’atteindre cet objectif, le législateur de l’Union a prévu deux mécanismes. Le premier, instauré par l’article 9 de la directive 2003/87, consiste en la réduction de la quantité des quotas disponibles de manière linéaire par l’application d’un facteur de 1,74 % par rapport au total annuel moyen de quotas délivré par les États membres conformément aux décisions de la Commission relatives à leurs plans nationaux d’allocation de quotas pour la période allant de l’année 2008 à l’année 2012. Le second mécanisme est celui de la mise aux enchères des quotas qui devrait également permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces (arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a., C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 81).

24

En ce qui concerne les installations bénéficiaires, dans certains secteurs d’activité, de quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 11, de la directive 2003/87, la quantité allouée de ces quotas est réduite graduellement, à compter de l’année 2013, en vue de parvenir à la suppression des quotas gratuits au cours de l’année 2027 (arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a., C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 82).

25

Dans ce contexte, il est prévu, conformément à l’article 7 de la décision 2011/278, que, pour chaque installation en place remplissant les conditions d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit, les États membres collectent auprès de l’exploitant, pour toutes les années de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou, le cas échéant, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, durant lesquelles l’installation a été en activité, l’ensemble des informations et des données utiles concernant chacun des paramètres qui, énumérés à l’annexe IV de cette décision, permettent de déterminer le montant de cette allocation.

26

Selon l’article 10 de la décision 2011/278, les États membres, sur la base des informations recueillies conformément à cet article 7, calculent pour chaque année, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à partir de l’année 2013 à chacune des installations en place situées sur leur territoire.

27

Ainsi que l’expose le considérant 15 de la décision 2011/278, il convient que les États membres fassent en sorte que les données recueillies auprès des exploitants et utilisées aux fins de l’allocation soient complètes et cohérentes, et présentent le niveau d’exactitude le plus élevé possible.

28

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient, pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, de rechercher quelles sont les « informations utiles » que les États membres sont en droit d’exiger, conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278, de la part des exploitants concernés.

29

À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que la décision 2011/278 ne prescrit pas directement aux exploitants d’obligation d’information, mais confie aux États membres le soin de déterminer eux‑mêmes les moyens d’obtenir auprès des exploitants des données suffisamment pertinentes aux fins de l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

30

En ce qui concerne ces données, il est imparti aux États membres, conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278, de veiller à ce que l’exploitant communique, au plus tard le 31 décembre de chaque année à l’autorité compétente, toutes les informations utiles concernant les modifications prévues ou effectives de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation.

31

Il y a lieu de relever, en deuxième lieu, que l’article 24, paragraphe 2, de la décision 2011/278, dont l’objet est de régir l’obligation pesant sur les États membres de communiquer à la Commission les informations utiles à la détermination de la quantité annuelle totale finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit, limite cette obligation aux seuls cas dans lesquels ces modifications ont une incidence sur l’allocation de quotas d’émission à une installation.

32

En revanche, l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278, qui se réfère à toutes les informations utiles concernant de telles modifications, ne limite pas l’exigence de communication à laquelle sont tenus les exploitants aux seuls cas dans lesquels lesdites modifications ont une incidence sur l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit.

33

Une telle interprétation de l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 est, en troisième lieu, conforme à l’économie de la décision 2011/278 et à ses objectifs.

34

En effet, dans le système d’allocation de quotas d’émission, il incombe aux États membres, comme il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, de calculer pour chaque année, sur la base des informations recueillies conformément à l’article 7 de la décision 2011/278, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à chacune des installations en place situées sur leur territoire. Il n’appartient dès lors qu’aux autorités compétentes des États membres d’apprécier, à partir des informations recueillies auprès des exploitants, si celles-ci sont de nature à avoir une incidence sur la détermination du nombre de quotas alloués.

35

En outre, il ne ressort ni de la directive 2003/87, notamment de son article 7, ni de la décision 2011/278 que le législateur de l’Union ait entendu permettre aux exploitants de choisir les informations qu’ils doivent communiquer, en vertu de ces dispositions, selon l’incidence qu’elles sont supposées avoir sur l’allocation de quotas d’émission.

36

En effet, il ressort des dispositions de l’article 24 de cette décision que celles-ci visent à tenir compte des modifications de l’exploitation des installations afin, d’une part, pour les États membres, de déterminer, dans un premier temps, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à chacune des installations en place situées sur leur territoire et, d’autre part, pour la Commission, dans un second temps, de fixer la quantité annuelle totale finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit.

37

Dans cette perspective, et ainsi qu’il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, les États membres doivent faire en sorte que les données recueillies auprès des exploitants et utilisées aux fins de l’allocation soient complètes et cohérentes, et présentent un niveau d’exactitude le plus élevé possible. Il appartient en conséquence aux États membres de déterminer eux-mêmes quelles données utiles pour les autorités compétentes doivent être recueillies auprès des exploitants.

38

En se référant au caractère utile des informations ainsi sollicitées, l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 autorise les États membres à exiger que soient fournies aux autorités compétentes celles, parmi ces informations, qui leur permettent d’apprécier objectivement les modifications de l’installation en cause, et fait obstacle à ce qu’ils exigent d’autres informations sans rapport avec cette appréciation, telles que celles concernant notamment les causes ou, de manière générale, les nécessités économiques ou commerciales de ces changements, ce qu’il appartient aux juridictions nationales de vérifier. En revanche, cette disposition n’exige pas que la fourniture des informations soit limitée à celles qui sont relatives aux changements qui semblent, aux exploitants, avoir une incidence sur l’allocation des quotas à titre gratuit.

39

Ce constat ne saurait être infirmé par les explications fournies dans un document intitulé « Guidance Document no 7 on the harmonized free allocation methodology for the EU-ETS post 2012 New Entrants and Closures» que la Commission a publié sur son site Internet. En effet, selon l’indication expresse contenue dans ce document, celui-ci n’est pas juridiquement contraignant et ne reflète pas la position officielle de la Commission.

40

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que l’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre exige des entreprises qui, soumises à l’obligation d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, bénéficient d’une allocation de ces quotas à titre gratuit qu’elles fournissent des informations relatives à tous les changements prévus ou effectifs de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, sans limiter cette exigence aux seules informations relatives aux changements qui auraient une incidence sur cette allocation.

Sur les dépens

41

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 24, paragraphe 1, de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre exige des entreprises qui, soumises à l’obligation d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, bénéficient d’une allocation de ces quotas à titre gratuit qu’elles fournissent des informations relatives à tous les changements prévus ou effectifs de la capacité, du niveau d’activité et de l’exploitation d’une installation, sans limiter cette exigence aux seules informations relatives aux changements qui auraient une incidence sur cette allocation.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.