ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
7 septembre 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Protection des consommateurs — Pratiques commerciales déloyales — Directive 2005/29/CE — Articles 5 et 7 — Offre conjointe — Vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés — Information substantielle relative au prix — Omission trompeuse — Impossibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels»
Dans l’affaire C‑310/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 17 juin 2015, parvenue à la Cour le 25 juin 2015, dans la procédure
Vincent Deroo-Blanquart
contre
Sony Europe Limited, venant aux droits de Sony France SA,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. D. Šváby, président de chambre, MM. J. Malenovský et M. Safjan (rapporteur), juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
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pour M. Deroo-Blanquart, par Me P. Rémy-Corlay, avocat, |
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pour Sony Europe Limited, venant aux droits de Sony France SA, par Me P. Spinosi, avocat, |
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pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et J. Traband ainsi que par Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et Mme J. Van Holm, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents, |
— |
pour la Commission européenne, par MM. D. Roussanov et M. Van Hoof ainsi que par Mme K. Herbout-Borczak, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5 et 7 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Vincent Deroo-Blanquart, domicilié en France, à Sony Europe Limited (ci-après « Sony »), venant aux droits de Sony France SA, établie en France, au sujet d'une pratique commerciale consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés. |
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
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Aux termes des considérants 13, 14, 17 et 18 de la directive 2005/29 :
[...]
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L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit : « Aux fins de la présente directive, on entend par : [...]
[...]
[...]
[...] » |
5 |
L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 : « La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. » |
6 |
L’article 4 de cette même directive, intitulé « Marché intérieur », prévoit : « Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur. » |
7 |
L’article 5 de la directive 2005/29, intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales », est libellé comme suit : « 1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. 2. Une pratique commerciale est déloyale si :
[...] 4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont :
5. L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. [...] » |
8 |
L'article 6 de cette directive, intitulé « Actions trompeuses », dispose, à son paragraphe 1 : « Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l'autre, elle l’amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n’aurait pas prise autrement : [...] » |
9 |
L’article 7 de ladite directive, intitulé « Omissions trompeuses », énonce : « 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. 2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu'un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n’aurait pas prise autrement. [...] 4. Lors d'une invitation à l'achat, sont considérées comme substantielles, dès lors qu'elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes :
[...]
[...] » |
10 |
L'annexe I de la directive 2005/29, qui contient une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, prévoit au point 29, parmi les pratiques commerciales agressives, la pratique suivante : « Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés [...] (fournitures non demandées). » |
Le droit français
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L'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige au principal, disposait : « Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. » |
12 |
L'article L. 113-3, premier alinéa, de ce code, dans sa version applicable au litige au principal, prévoyait : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre [...] » |
13 |
Aux termes de l'article L. 120-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige au principal : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. [...]
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14 |
L'article L. 121-1 de ce code, dans sa version applicable au litige au principal, était libellé comme suit :
[...] Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :
[...]
[...]
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15 |
L'article L. 122-1, premier alinéa, du code de la consommation, dans sa version applicable au litige au principal, disposait : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit. » |
16 |
L'article L. 122-1, premier alinéa, de ce code, dans sa version en vigueur du 19 mai 2011 au 30 juin 2016, disposait : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1. » |
17 |
L'article L. 122-3, premier alinéa, dudit code, dans sa version applicable au litige au principal, était libellé comme suit : « La fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur est interdite lorsqu'elle fait l'objet d'une demande de paiement. Aucune obligation ne peut être mise à la charge du consommateur qui reçoit un bien ou une prestation de service en violation de cette interdiction. » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 |
Il ressort du dossier de l’affaire au principal que, le 27 décembre 2008, M. Deroo-Blanquart a acquis en France un ordinateur portable de marque Sony, modèle VAIO VGN-NR38E, équipé de logiciels préinstallés tels que, d'une part, le système d’exploitation Microsoft Windows Vista édition Home Premium et, d'autre part, de multiples logiciels applicatifs. |
19 |
Lors de la première utilisation de cet ordinateur, M. Deroo-Blanquart a refusé de souscrire au « Contrat de Licence Utilisateur Final » (CLUF) du système d’exploitation, affiché sur l’écran dudit ordinateur, et a sollicité, le 30 décembre 2008, auprès de Sony, le remboursement de la partie du prix d’achat du même ordinateur correspondant au coût des logiciels préinstallés. |
20 |
Par courrier du 8 janvier 2009, Sony a refusé de procéder à ce remboursement en faisant valoir que les ordinateurs VAIO forment avec les logiciels préinstallés une offre unique et non dissociable. Après discussions, Sony a proposé à M. Deroo-Blanquart, le 15 avril 2009, d'annuler la vente et de lui rembourser la totalité du prix d'achat, soit 549 euros, moyennant le retour du matériel acheté. |
21 |
M. Deroo-Blanquart a décliné cette proposition et, par un acte du 17 février 2011, a assigné Sony devant le tribunal d'instance d’Asnières (France), en paiement, notamment, de la somme de 450 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour des logiciels préinstallés ainsi que de celle de 2500 euros pour le préjudice subi du fait de pratiques commerciales déloyales. |
22 |
Par jugement du 13 septembre 2012, le tribunal d'instance d’Asnières a débouté M. Deroo-Blanquart de l’intégralité de ses demandes. |
23 |
M. Deroo-Blanquart a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Versailles (France). |
24 |
Par arrêt du 5 novembre 2013, cette juridiction a confirmé le jugement appelé, en constatant que la vente en cause ne constituait ni une pratique commerciale déloyale de vente forcée interdite en toutes circonstances, ni une pratique commerciale déloyale de vente liée, ni encore une pratique commerciale trompeuse ou agressive. |
25 |
M. Deroo-Blanquart a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d'appel de Versailles devant la Cour de cassation (France). |
26 |
Après avoir relevé que les dispositions du droit national applicables entrent dans le champ d’application de la directive 2005/29, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur les deuxième et troisième questions
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Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble et en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une pratique commerciale consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29. |
28 |
À cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que les offres conjointes, qui se fondent sur la conjonction d'au moins deux produits ou services distincts en une seule offre, constituent des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci. Il s’ensuit qu'elles constituent bien des pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 et relèvent, en conséquence, du champ d’application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 50). |
29 |
En outre, ainsi que le précise expressément le considérant 17 de la directive 2005/29, seules les pratiques commerciales énumérées dans la liste exhaustive établie à l’annexe I de cette directive sont réputées déloyales en toutes circonstances, sans faire l’objet d’une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de ladite directive (arrêt du 19 septembre 2013, CHS Tour Services, C‑435/11, EU:C:2013:574, point 38 et jurisprudence citée). |
30 |
Or, la Cour a jugé à cet égard que les offres conjointes ne figurent pas parmi les pratiques énumérées à l’annexe I de la directive 2005/29 et que cette directive s’oppose à une interdiction générale et préventive des offres conjointes indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard des critères posés aux articles 5 à 9 de ladite directive (arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, points 57 et 62). |
31 |
Dès lors, c’est à la lumière du contenu et de l’économie générale des articles 5 à 9 de cette même directive qu’il convient d’examiner le caractère éventuellement déloyal des pratiques commerciales telles que celles en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 58). |
32 |
À cet égard, une pratique commerciale ne peut être considérée comme déloyale, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, qu’à la double condition, d’une part, qu’elle soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et, d’autre part, qu’elle altère ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit (voir arrêt du 19 décembre 2013, Trento Sviluppo et Centrale Adriatica, C‑281/12, EU:C:2013:859, point 28). Il convient de rappeler dans ce contexte que, conformément à son considérant 18, cette directive prend comme critère d’évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques. |
33 |
Se pose ainsi, dans un premier temps, la question de savoir si un professionnel qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, ne propose à la vente que des ordinateurs équipés de logiciels préinstallés contrevient aux exigences de la diligence professionnelle, celle-ci étant définie à l’article 2, sous h), de la directive 2005/29, comme le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité. |
34 |
Il convient dès lors de vérifier l’existence, dans le comportement du professionnel, d'un éventuel manquement aux pratiques de marché honnêtes ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité, en l’occurrence la production de matériel informatique destiné au grand public, à la lumière des attentes légitimes d'un consommateur moyen. |
35 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, notamment, que la vente par Sony d’ordinateurs équipés de logiciels préinstallés répond aux attentes, telles qu’elles se dégagent de l’analyse du marché concerné, d'une part importante des consommateurs qui préfèrent l’acquisition d’un ordinateur ainsi équipé et d’utilisation immédiate à l’acquisition séparée d’un ordinateur et de logiciels. Par ailleurs, toujours selon cette décision, avant de procéder à l’achat de l’ordinateur en cause au principal, M. Deroo-Blanquart, en sa qualité de consommateur, a été dûment informé par l’intermédiaire du revendeur de Sony de l’existence des logiciels préinstallés sur cet ordinateur et des caractéristiques précises de chacun de ces logiciels. Enfin, après l’achat, lors de la première utilisation dudit ordinateur, Sony a offert à M. Deroo-Blanquart la possibilité, ou bien, de souscrire au « Contrat de Licence Utilisateur Final », afin de pouvoir utiliser lesdits logiciels, ou bien d’obtenir la révocation de la vente. |
36 |
À cet égard, la Cour a déjà précisé que, moyennant notamment une information correcte du consommateur, une offre conjointe de différents produits ou services peut satisfaire aux exigences de loyauté posées par la directive 2005/29 (voir arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 66). |
37 |
Dans ce contexte, il importe de relever que les circonstances, telles que celles évoquées au point 35 du présent arrêt, à savoir, notamment, l’information correcte du consommateur, la conformité de l’offre conjointe aux attentes d'une part importante des consommateurs ainsi que la possibilité offerte au consommateur d’accepter tous les éléments de cette offre ou d’obtenir la révocation de la vente, sont susceptibles de répondre aux exigences des pratiques de marché honnêtes ou du principe général de bonne foi dans le domaine de la production de matériel informatique destiné au grand public, le professionnel faisant ainsi preuve de soins vis-à-vis d’un consommateur. Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale de les prendre en considération dans le cadre de son appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal sous l’angle du respect des exigences de la diligence professionnelle. |
38 |
Dans un second temps, il convient d’examiner si une pratique commerciale consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés provoque ou est susceptible de provoquer une altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit, à savoir, conformément à l’article 2, sous e), de la directive 2005/29, de compromettre sensiblement son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et de l’amener par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. |
39 |
À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, ainsi qu’il a été relevé au point 35 du présent arrêt, le consommateur a été dûment informé, avant de procéder à l’achat, que le modèle d’ordinateur en cause au principal n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés. |
40 |
S'agissant des éclaircissements donnés au consommateur, il convient de souligner que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 70). |
41 |
Ainsi, dans le cadre de l’examen de la seconde condition posée à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à savoir lorsqu’un consommateur a été dûment informé, avant de procéder à l’achat, que le modèle d’ordinateur faisant l’objet de la vente n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés et qu’il était, de ce fait, en principe libre de choisir un autre modèle d’ordinateur, d’une autre marque, pourvu de caractéristiques techniques comparables, vendu sans logiciels ou associé à d’autres logiciels, l’aptitude de ce consommateur à prendre une décision commerciale en connaissance de cause a été sensiblement compromise. |
42 |
Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions qu'une pratique commerciale consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, à moins qu'une telle pratique soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport à ce produit, ce qu'il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, en tenant compte des circonstances spécifiques de l’affaire au principal. |
Sur la première question
43 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cadre d'une offre conjointe consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun de ces logiciels constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), et de l’article 7 de la directive 2005/29. |
44 |
À cet égard, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 4, sous a), de cette directive prévoit que les pratiques commerciales trompeuses peuvent prendre la forme d’actions trompeuses au sens de l’article 6 de ladite directive ou d’omissions trompeuses au sens de l’article 7 de celle-ci. |
45 |
Ainsi, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/29, une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. L’article 7, paragraphe 4, sous c), de cette directive énonce qu’est considérée comme substantielle l’information sur le prix toutes taxes comprises. |
46 |
Il ressort dès lors du libellé de cette dernière disposition qu'est considéré comme une information substantielle le prix d’un produit proposé à la vente, c’est-à-dire le prix global du produit, et non le prix de chacun de ses éléments. Il en découle que cette disposition fait obligation au professionnel d’indiquer au consommateur le prix global du produit concerné. |
47 |
En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le prix global de l’ensemble composé d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés a été communiqué à M. Deroo-Blanquart. Néanmoins, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans le cas spécifique d’une offre conjointe portant sur un ordinateur et de multiples logiciels préinstallés, les prix des différents éléments composant un ensemble faisant l'objet d'une telle offre sont également susceptibles de constituer des informations substantielles. |
48 |
À cet égard, indépendamment du fait que l’information sur les éléments du prix global ne figure pas parmi les informations que l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2005/29 considère comme substantielles, il importe de souligner que, conformément au considérant 14 de cette directive, constitue une information substantielle une information clé dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. |
49 |
En outre, il résulte de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive que le caractère substantiel d’une information doit être apprécié à l’aune du contexte dans lequel s’inscrit une pratique commerciale et compte tenu de toutes ses caractéristiques. |
50 |
Or, en l’occurrence, ainsi qu'il ressort de la décision de renvoi, l’ordinateur faisant l’objet de la vente en cause au principal n’était, en tout état de cause, offert à la vente qu’équipé des logiciels préinstallés. Au vu de la réponse apportée aux deuxième et troisième questions, une telle pratique commerciale ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29. |
51 |
Par conséquent, eu égard au contexte d’une offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun de ces logiciels n’est ni de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause ni susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Partant, le prix de chacun de ces logiciels ne constitue pas une information substantielle au sens de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2005/29. |
52 |
Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que, dans le cadre d'une offre conjointe consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels préinstallés ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), et de l’article 7 de la directive 2005/29. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le français.