CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 10 janvier 2017 ( 1 )

Affaire C‑682/15

Berlioz Investment Fund SA

contre

Directeur de l’administration des Contributions directes

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour administrative (Luxembourg)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2011/16/UE – Article 1, paragraphe 1 – article 5 – Coopération administrative dans le domaine fiscal – Échange d’informations entre administrations fiscales – Notion de “pertinence vraisemblable” des informations demandées – Refus d’un tiers dans l’État requis de communiquer certaines informations – Sanctions – Application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Article 51, paragraphe 1 – Droit à un recours juridictionnel effectif – Droit de recours contre la demande d’informations adressée au tiers »

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte essentiellement sur l’interprétation de l’article 1, paragraphe 1, et de l’article 5 de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ( 2 ), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2.

Cette demande intervient dans le climat particulier des récentes révélations de « scandales financiers » ( 3 ) et autres éventuels avantages fiscaux accordés par certains pays à des sociétés multinationales dont la presse s’est faite l’écho ces derniers mois ( 4 ). Ces événements ont suscité chez un grand nombre de citoyens le souhait d’une plus grande transparence et d’une plus grande équité en la matière, voire, chez certains, une incompréhension face à l’absence d’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne.

3.

Dans ce contexte, les instruments juridiques qui permettent une meilleure lutte contre la fraude fiscale – tels que la directive 2011/16 – sont de plus en plus utilisés par les États membres. Inéluctablement, le recours accru à ces moyens pose la question de l’équilibre entre, d’une part, l’efficacité administrative et, d’autre part, le respect des droits du citoyen, dont le droit à un recours effectif.

4.

En définitive, c’est cette délicate équation qui est au cœur des questions préjudicielles posées par la Cour administrative (Luxembourg).

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La Charte

5.

L’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial » dispose ce qui suit :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. »

2. La directive 2011/16

6.

Le considérant 9 de la directive 2011/16 dispose ce qui suit :

« Il importe que les États membres échangent des informations concernant des cas particuliers lorsqu’un autre État membre le demande et fassent effectuer les recherches nécessaires pour obtenir ces informations. La norme dite de la “pertinence vraisemblable” vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible et, en même temps, à préciser que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des “recherches tous azimuts” ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné. Les règles de procédure énoncées à l’article 20 de la présente directive devraient être interprétées assez souplement pour ne pas faire obstacle à un échange d’informations effectif. »

7.

Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16 :

« La présente directive établit les règles et procédures selon lesquelles les États membres coopèrent entre eux aux fins d’échanger les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne des États membres relative aux taxes et impôts visés à l’article 2. »

8.

L’article 5 de la directive 2011/16 dispose ce qui suit :

« À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique à l’autorité requérante les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives. »

9.

L’article 7, paragraphe 4, de la directive 2011/16 précise ce qui suit :

« Dans un délai d’un mois suivant la réception de la demande, l’autorité requise notifie à l’autorité requérante les éventuelles lacunes constatées dans la demande ainsi que, le cas échéant, la nécessité de fournir d’autres renseignements de caractère général. Dans ce cas, les délais fixés au paragraphe 1 débutent le jour suivant celui où l’autorité requise a reçu les renseignements additionnels dont elle a besoin. »

10.

Selon l’article 17 de la directive 2011/16, intitulé « Limites » :

« 1.   L’autorité requise d’un État membre fournit à l’autorité requérante d’un autre État membre les informations visées à l’article 5, à condition que l’autorité requérante ait déjà exploité les sources habituelles d’information auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs.

2.   La présente directive n’impose pas à un État membre requis l’obligation de procéder à des enquêtes ou de transmettre des informations dès lors que la réalisation de telles enquêtes ou la collecte des informations en question aux propres fins de cet État membre serait contraire à sa législation.

3.   L’autorité compétente d’un État membre requis peut refuser de transmettre des informations lorsque l’État membre requérant n’est pas en mesure, pour des raisons juridiques, de fournir des informations similaires.

4.   La transmission d’informations peut être refusée dans les cas où elle conduirait à divulguer un secret commercial, industriel ou professionnel ou un procédé commercial, ou une information dont la divulgation serait contraire à l’ordre public.

5.   L’autorité requise informe l’autorité requérante des motifs du rejet de la demande d’informations. »

11.

Aux termes de l’article 18 de la directive 2011/16, intitulé « Obligations » :

« 1.   Si des informations sont demandées par un État membre conformément à la présente directive, l’État membre requis met en œuvre son dispositif de collecte de renseignements afin d’obtenir les informations demandées, même si ces dernières ne lui sont pas nécessaires pour ses propres besoins fiscaux. Cette obligation s’applique sans préjudice de l’article 17, paragraphes 2, 3 et 4, dont les dispositions ne sauraient en aucun cas être interprétées comme autorisant un État membre requis à refuser de fournir des informations au seul motif que ces dernières ne présentent pour lui aucun intérêt.

2.   L’article 17, paragraphes 2 et 4, ne saurait en aucun cas être interprété comme autorisant une autorité requise d’un État membre à refuser de fournir des informations au seul motif que ces informations sont détenues par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire, ou qu’elles se rapportent à une participation au capital d’une personne.

[…] »

12.

Enfin, l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 précise les informations minimales qui doivent figurer dans les formulaires types utilisés dans le cadre de l’échange d’informations. Cette disposition est rédigée comme suit :

« Les formulaires types visés au paragraphe 1 comportent au moins les informations suivantes, que doit fournir l’autorité requérante :

a)

l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ;

b)

la finalité fiscale des informations demandées.

L’autorité requérante peut, dans la mesure où ils sont connus et conformément à l’évolution de la situation internationale, fournir les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des informations demandées, ainsi que tout élément susceptible de faciliter la collecte des informations par l’autorité requise. »

B – Le droit luxembourgeois

1. La loi du 29 mars 2013

13.

La directive 2011/16 a été transposée en droit luxembourgeois par la loi du 29 mars 2013« portant transposition de la directive 2011/16/ […] » (ci-après la « loi du 29 mars 2013 »).

14.

L’article 6 de la loi du 29 mars 2013 prévoit ce qui suit :

« À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise luxembourgeoise lui communique les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne de l’État membre requérant relative aux taxes et impôts visés à l’article 1er, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives. »

15.

L’article 8, paragraphe 1, de la loi du 29 mars 2013 dispose ce qui suit :

« L’autorité requise luxembourgeoise effectue les communications visées à l’article 6 le plus rapidement possible, et au plus tard six mois à compter de la date de réception de la demande. Toutefois, lorsque l’autorité requise luxembourgeoise est déjà en possession des informations concernées, les communications sont effectuées dans un délai de deux mois suivant cette date. »

2. La loi du 25 novembre 2014

16.

La loi du 25 novembre 2014« prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale et modifiant la loi du 31 mars 2010 portant approbation des conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d’échange de renseignements sur demande » (ci-après la « loi du 25 novembre 2014 ») contient les dispositions suivantes.

17.

L’article 1er de la loi du 25 novembre 2014 dispose ce qui suit :

« 1.   La présente loi est applicable à partir de son entrée en vigueur aux demandes d’échange de renseignements formulées en matière fiscale et émanant de l’autorité compétente d’un État requérant en vertu :

[…]

4.   de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal ;

[…] »

18.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 25 novembre 2014 :

« 1.   Les administrations fiscales sont autorisées à requérir les renseignements de toute nature qui sont demandés pour l’application de l’échange de renseignements tel que prévu par les [c]onventions et lois auprès du détenteur de ces renseignements.

2.   Le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés, en totalité, de manière précise, sans altération, endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. Cette obligation comprend la transmission des pièces sans altération sur lesquelles les renseignements sont fondés.

[…] »

19.

Aux termes de l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 :

« 1.   L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements. La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les [c]onventions et lois.

[...]

3.   Si l’administration fiscale compétente ne détient pas les renseignements demandés, le directeur de l’administration fiscale compétente ou son délégué notifie par lettre recommandée adressée au détenteur des renseignements sa décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. La notification de la décision au détenteur des renseignements demandés vaut notification à toute autre personne y visée.

4.   La demande d’échange de renseignements ne peut pas être divulguée. La décision d’injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d’identifier les renseignements demandés.

[…] »

20.

L’article 5, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014 dispose ce qui suit :

« Si les renseignements demandés ne sont pas fournis endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés, une amende administrative fiscale d’un maximum de 250000 euros peut être infligée au détenteur des renseignements. Le montant en est fixé par le directeur de l’administration fiscale compétente ou son délégué. »

21.

Selon l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 :

« 1.   Aucun recours ne peut être introduit contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction visées à l’article 3, paragraphes 1er et 3.

2.   Contre les décisions visées à l’article 5, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. Ce recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés. Le recours a un effet suspensif […]

Les décisions du tribunal administratif peuvent être frappées d’appel devant la Cour administrative. L’appel doit être interjeté dans le délai de [quinze] jours à partir de la notification du jugement par les soins du greffe […] La Cour administrative statue dans le mois à dater de la signification du mémoire de réponse, sinon dans le mois de l’expiration du délai pour le dépôt de ce mémoire. »

III – Les faits du litige au principal

22.

Le 3 décembre 2014, l’autorité compétente de l’administration fiscale française a adressé à l’administration fiscale luxembourgeoise une demande d’informations sur la base de la directive 2011/16 dans le cadre de l’examen de la situation fiscale de la société par actions simplifiée de droit français Cofima SAS. Cette demande portait sur plusieurs informations relatives à la société qui détenait Cofima, à savoir la société anonyme de droit luxembourgeois Berlioz Investment SA (ci-après « Berlioz »).

23.

En effet, Berlioz a bénéficié des dividendes que lui a versés sa filiale, Cofima, en exonération de retenue à la source et l’administration fiscale française s’interrogeait sur le respect des conditions prévues en la matière par le droit français. Elle a souhaité obtenir plusieurs informations de la part de son homologue luxembourgeois.

24.

À la suite de cette demande d’assistance, le directeur de l’administration des Contributions directes luxembourgeoise (ci-après le « directeur ») a, le 16 mars 2015, pris une décision enjoignant à Berlioz de lui communiquer un certain nombre de renseignements (ci-après la « décision d’injonction ») en lui demandant, en particulier :

si la société dispose d’un siège de direction effective au Luxembourg et quelles sont les caractéristiques principales des sièges sociaux successifs (description du siège, surface des bureaux propres à Berlioz, équipement matériel et informatique appartenant à Berlioz, copie du contrat de bail des locaux, adresse de domiciliation), avec pièces à l’appui ;

la fourniture d’une liste des salariés de Berlioz avec leur fonction au sein de la société et l’identification des salariés liés au siège social de la société ;

si Berlioz loue de la main-d’œuvre au Luxembourg ;

s’il existe un contrat entre Berlioz et Cofima et, dans l’affirmative, une copie du contrat ;

l’indication des participations de Berlioz dans d’autres sociétés et comment ces participations ont été financées, avec pièces à l’appui ;

l’indication des noms et adresses des associés de Berlioz ainsi que le montant du capital détenu par chaque associé et le pourcentage de détention de chaque associé, et

l’indication du montant pour lequel les titres Cofima étaient inscrits à l’actif de Berlioz avant l’assemblée générale de Cofima du 7 mars 2012 et la fourniture de l’historique des valeurs d’entrée des titres de Cofima à l’actif lors de l’apport du 5 décembre 2002, de l’apport du 31 octobre 2003 et de l’acquisition du 2 octobre 2007.

25.

Le 21 avril 2015, Berlioz a répondu à l’injonction, sauf en ce qui concerne les noms et les adresses de ses associés, le montant du capital détenu par chacun d’entre eux et le pourcentage de détention de chaque associé, au motif que ces informations n’étaient vraisemblablement pas pertinentes au sens de la directive 2011/16 pour le contrôle effectué par l’administration fiscale française.

26.

Le 22 avril 2015, le directeur a enjoint à Berlioz de lui communiquer les informations demandées pour le 29 avril 2015 à défaut de quoi une amende fiscale administrative pourrait lui être imposée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014. Berlioz persistant dans son refus, le directeur lui a infligé une amende administrative de 250000 euros le 18 mai 2015.

27.

À la suite de cette amende, Berlioz a saisi le tribunal administratif (Luxembourg) d’un recours contre la décision du directeur lui infligeant une sanction en lui demandant de vérifier le bien-fondé de la décision d’injonction.

28.

Par jugement du 13 août 2015, le tribunal administratif a dit le recours principal en réformation partiellement fondé et a réduit l’amende à 150000 euros. Il a rejeté le recours au surplus en indiquant qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation.

29.

Par requête du 31 août 2015, Berlioz a interjeté appel devant la Cour administrative en soutenant que le refus du tribunal administratif de vérifier le bien-fondé de la décision d’injonction, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014, portait atteinte à son droit à un recours juridictionnel effectif tel que garanti par l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ( 5 ).

30.

La Cour administrative a considéré qu’il pouvait être nécessaire de tenir compte de la Charte, notamment de son article 47. Après avoir invité les parties au principal à lui soumettre leurs observations à ce sujet, la Cour administrative a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour à titre préjudiciel.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

31.

Par décision du 17 décembre 2015, parvenue à la Cour le 18 décembre 2015, la Cour administrative a décidé de poser à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Est-ce qu’un État membre met en œuvre le droit de l’Union et rend partant la Charte applicable, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de cette dernière, dans une situation telle celle en l’espèce lorsqu’il fixe à l’égard d’un administré une sanction administrative pécuniaire en raison de manquements reprochés à ce dernier par rapport à ses obligations de coopération découlant d’une décision d’injonction prise par son autorité nationale compétente sur base des règles de procédure de droit interne instaurées à cet effet dans le cadre de l’exécution, par cet État membre en sa qualité d’État requis, d’une demande d’échange de renseignements émanant d’un autre État membre et fondée par ce dernier notamment sur les dispositions de la directive [2011/16] relatives à l’échange de renseignements sur demande ?

2)

En cas d’application vérifiée de la Charte au cas d’espèce, est-ce qu’un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire prévisée fixée à son encontre tendrait à l’obliger à fournir des renseignements dans le cadre de l’exécution, par l’autorité compétente de l’État membre requis dont il est résident, d’une demande de renseignements émanant d’un autre État membre qui serait sans aucune justification quant au but fiscal réel, de manière qu’un but légitime ferait défaut dans le cas d’espèce, et qui viserait à obtenir des renseignements dont la pertinence vraisemblable pour le cas d’imposition concerné ferait défaut ?

3)

En cas d’application vérifiée de la Charte au cas d’espèce, est-ce que le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial tel que consacré par l’article 47 de la Charte requiert, sans que l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ne permette de prévoir des restrictions, que le juge national compétent doit disposer d’une compétence de pleine juridiction et partant du pouvoir de contrôler du moins par voie d’exception la validité d’une décision d’injonction prise par l’autorité compétente d’un État membre dans le cadre de l’exécution d’une demande d’échange de renseignements soumise par l’autorité compétente d’un autre État membre notamment sur base de la directive 2011/16 dans le cadre du recours introduit par le tiers détenteur des renseignements, destinataire de cette décision d’injonction et dirigé contre une décision de fixation d’une sanction administrative pécuniaire en raison du manquement reproché à ce justiciable par rapport à son obligation de collaboration dans le cadre de l’exécution de ladite demande ?

4)

En cas d’application vérifiée de la Charte au cas d’espèce, est-ce que les articles 1, paragraphe 1, et 5 de la directive 2011/16 doivent, à la lumière, d’un côté, du parallélisme avec la norme de la pertinence vraisemblable découlant du Modèle de convention fiscale de l’[Organisation de coopération et de développement économiques] concernant le revenu et la fortune et, d’un autre côté, du principe de la coopération loyale inscrit à l’article 4 TUE, ensemble la finalité de la directive 2011/16, être interprétés en ce sens que le caractère vraisemblablement pertinent, par rapport au cas d’imposition visé et à la finalité fiscale indiquée, des renseignements sollicités par un État membre auprès d’un autre État membre constitue une condition à laquelle la demande de renseignements doit satisfaire en vue de déclencher l’obligation pour l’autorité compétente de l’État membre requis d’y donner suite et de légitimer une décision d’injonction à un tiers détenteur de sa part ?

5)

En cas d’application vérifiée de la Charte au cas d’espèce, est-ce que les dispositions combinées des articles 1, paragraphe 1, et 5 de la directive 2011/16, ainsi que 47 de la Charte doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une disposition légale d’un État membre limitant d’une manière générale l’examen, par son autorité nationale compétente agissant en tant qu’autorité de l’État requis, de la validité d’une demande de renseignements, à un contrôle de la régularité formelle et qu’elles imposent au juge national, dans le cadre d’un recours contentieux tel que décrit dans la troisième question ci-dessus dont il se trouve saisi, de vérifier le respect de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés sous tous ses aspects tenant aux liens avec le cas d’imposition concrètement en cause, à la finalité fiscale invoquée et au respect de l’article 17 de la directive 2011/16 ?

6)

En cas d’application vérifiée de la Charte au cas d’espèce, est-ce que l’article 47, paragraphe 2, de la Charte s’oppose à une disposition légale d’un État membre qui exclut la soumission au juge national compétent de l’État requis, dans le cadre d’un recours contentieux tel que décrit dans la troisième question ci-dessus dont il se trouve saisi, de la demande de renseignements formée par l’autorité compétente d’un autre État membre et impose-t-il la production de ce document devant le juge national compétent et l’accès à accorder au tiers détenteur, voire la production de ce document devant le juge national, sans conférer un accès au tiers détenteur en raison du caractère confidentiel de ce document sous condition que toutes les difficultés causées au tiers détenteur par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant le juge national compétent ? »

32.

Des observations écrites ont été déposées par Berlioz, les gouvernements luxembourgeois, belge, italien, polonais et finlandais, ainsi que par la Commission européenne.

33.

Le représentant du gouvernement luxembourgeois et la Commission se sont exprimés lors de l’audience, qui s’est tenue le 8 novembre 2016. Le représentant du gouvernement allemand et le représentant du gouvernement français, qui n’avaient pas déposé d’observations écrites, ont également pu exposer leurs arguments lors de cette audience.

V – Analyse

A –   Remarque liminaire sur l’article 47 de la Charte et le droit qu’il consacre

34.

L’article 47 de la Charte est intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial ». Avec cette disposition, la Charte reconnaît le droit à un recours effectif consacré à l’article 13 de la CEDH ainsi que le droit à un procès équitable reconnu à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

35.

La filiation entre ces articles de la CEDH et l’article 47 de la Charte est expressément mentionnée dans les Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux : l’article 47, premier alinéa, de la Charte « se fonde sur l’article 13 de la CEDH », le deuxième alinéa « correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH » ( 6 ).

36.

Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de ladite Charte doit donc recevoir un sens et une portée identiques à ceux que leur confère la CEDH. Toutefois, cette disposition précise qu’elle ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

37.

À cet égard, il convient de souligner que l’article 47 de la Charte se montre plus exigeant que l’article 13 de la CEDH puisque le premier exige l’organisation d’un recours effectif devant un « tribunal », alors que l’article 13 de la CEDH se satisfait d’une « instance nationale ». En outre, l’article 47 de la Charte possède un champ d’application matériel plus large. D’une part, il s’applique lorsque « les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés » (qu’ils figurent ou non dans la Charte), alors que l’article 13 de la CEDH requiert une violation des « droits et libertés reconnus dans la [CEDH] » ( 7 ). D’autre part, l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH limite le droit à un procès équitable aux contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou au bien-fondé d’une accusation en matière pénale. Une telle restriction ne se retrouve pas à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ( 8 ).

38.

Enfin, l’article 47 de la Charte ne peut être traité indépendamment de l’article 19, deuxième alinéa, TUE puisque cette disposition impose aux États membres d’établir « les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union » ( 9 ).

39.

C’est avec ces observations à l’esprit qu’il convient d’envisager les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi.

B –   Sur la première question préjudicielle

40.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre met en œuvre le droit de l’Union et rend, par conséquent, la Charte applicable lorsqu’il prévoit dans sa législation une sanction financière à l’égard d’un administré qui refuse de fournir des informations dans le cadre d’un échange d’informations entre autorités fiscales fondé sur une directive.

41.

Selon l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, la mise en œuvre du droit de l’Union est, effectivement, la condition sine qua non de l’applicabilité de la Charte aux États membres. Or, selon les gouvernements luxembourgeois et finlandais, tel ne serait pas le cas de la loi nationale en cause dans l’affaire au principal, car la sanction financière qu’elle instaure ne serait pas prévue par la directive 2011/16.

42.

Avec cet argument, ces États membres distinguent la présente affaire de celle qui a donné lieu à l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105). Dans cet arrêt, la Cour a constaté que, l’article 2, l’article 250, paragraphe 1, et l’article 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 10 ), ainsi que l’article 4, paragraphe 3, TUE, prévoyaient l’application de mesures nécessaires à la perception de la taxe. Sur la base de ce constat, elle a considéré que les sanctions fiscales et les poursuites pénales, telles que celles prévues par la législation nationale en cause, constituaient une mise en œuvre du droit de l’Union qui rendait la Charte applicable.

43.

En premier lieu, je ne partage pas la thèse des gouvernements luxembourgeois et finlandais car j’estime que la distinction qu’ils opèrent n’a pas lieu d’être.

44.

Tout d’abord, il convient de préciser que, au point 28 de son arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105), la Cour a également jugé qu’il n’était pas nécessaire que les lois nationales concernées aient, elles-mêmes, pour objet de transposer une directive de l’Union, dès lors que leur application tendait à sanctionner une violation des dispositions de ladite directive. En d’autres termes, il doit s’agir de la mise en œuvre d’une obligation spécifique, mais pas nécessairement explicite.

45.

Ensuite, l’article 22 de la directive 2011/16 impose aux États membres, d’une façon tout aussi générale que les dispositions invoquées dans l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105) ( 11 ), de prendre « toutes les mesures nécessaires pour [...] garantir le bon fonctionnement du dispositif de coopération administrative prévu par la présente directive […] ». Assurément, un mécanisme sanctionnateur est une mesure nécessaire pour garantir l’efficacité du système d’échange d’informations instauré par la directive 2011/16 ( 12 ). Sans menace de sanction, la norme qui prescrit un comportement est dépourvue d’effectivité.

46.

En deuxième lieu, il est particulièrement étrange pour le gouvernement luxembourgeois de prétendre que la loi du 25 novembre 2014 n’est pas une mise en œuvre du droit de l’Union. En effet, selon l’article 1er de cette loi (qui, selon son intitulé, prévoit la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale), la loi est applicable aux demandes émanant de l’autorité compétente d’un État requérant « en vertu [...] de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal ». Or, c’est cette loi qui transpose la directive 2011/16.

47.

Par conséquent, il m’apparaît difficile de soutenir que ladite loi qui organise la procédure à suivre pour obtenir les informations sollicitées par un État membre sur la base de la directive 2011/16 ne met pas en œuvre cette dernière. En effet, toute mesure prise « dans le cadre » tracé par une obligation qui découle du droit de l’Union relève de celui-ci et constitue une mise en œuvre de ce droit ( 13 ).

48.

En troisième lieu, la Cour a d’ores et déjà confirmé que les règles relatives aux demandes d’informations et à l’utilisation de celles-ci faisaient partie du champ d’application du droit de l’Union. En effet, dans l’arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678), qui portait sur l’interprétation de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs ( 14 ), laquelle a précédé la directive 2011/16, la Cour a estimé que « les questions posées [...] concern[ai]ent la mise en œuvre du droit de l’Union et [que] la Cour [était] compétente pour examiner l’application, dans ce contexte, des droits fondamentaux » ( 15 ). Si, dans cette affaire, la Cour a écarté l’application de la Charte, c’est uniquement en raison du fait qu’elle était entrée en vigueur postérieurement à la procédure d’assistance litigieuse.

49.

Au vu des considérations qui précèdent, je considère que lorsqu’un État membre prévoit dans sa législation une sanction financière à l’égard d’un administré qui refuse de fournir des informations dans le cadre d’un échange d’informations entre autorités fiscales qui se fonde notamment sur les dispositions de la directive 2011/16, il met en œuvre le droit de l’Union, ce qui entraîne l’application de la Charte.

C –   Sur la deuxième question préjudicielle

50.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire qui lui est infligée (en raison de son refus de communiquer des renseignements dans le cadre d’un échange d’informations entre autorités fiscales) se fonde sur une demande d’informations dont il met en doute la validité.

51.

Selon l’article 47, premier alinéa, de la Charte, « [t]oute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article ». La deuxième question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi est, par conséquent, fondamentale, car elle conduit la Cour à préciser le champ d’application de l’article 47 de la Charte. En effet, il s’agit ni plus ni moins de répondre à la question de savoir si l’application de la Charte rend automatiquement son article 47 applicable ou si l’applicabilité de cet article est subordonnée à la violation prétendue d’un droit ou d’une liberté garantis par le droit de l’Union.

52.

Le libellé de l’article 47, premier alinéa, de la Charte tend, certes, à favoriser la seconde branche de l’alternative. Cependant, je pense que cette interprétation ne peut être retenue.

53.

D’une part, une telle interprétation littérale de l’article 47 de la Charte irait à l’encontre du processus de reconnaissance du droit à un recours effectif en droit de l’Union. En effet, ce droit a, initialement, été consacré par la jurisprudence de la Cour en tant que principe général de droit. Or, l’identification systématique d’un droit ou d’une liberté précis comme condition d’application du droit à un recours effectif ne ressort pas de celle-ci (voir section 1 ci-dessous).

54.

D’autre part, cette interprétation irait à l’encontre des différences rédactionnelles que présente l’article 47 de la Charte par rapport aux articles 6 et 13 de la CEDH (voir section 2 ci-dessous).

1. Un bref aperçu de l’évolution historique de la reconnaissance du droit à la protection juridictionnelle effective en droit de l’Union

55.

Tout d’abord, je rappelle que, avant même son inscription formelle dans la Charte, la Cour avait vu dans l’existence d’une voie de recours juridictionnelle un principe général de droit de l’Union.

56.

En effet, en présence d’un droit fondamental comme le droit à la libre circulation des travailleurs, la Cour a estimé que « l’existence d’une voie de recours de nature juridictionnelle contre toute décision d’une autorité nationale refusant le bénéfice de ce droit [était] essentielle pour assurer au particulier la protection effective de son droit. Comme la Cour l’a admis dans son arrêt du 15 mai 1986, (Johnston, 222/84, [EU:C:1986:206]), cette exigence constitue un principe général de droit communautaire qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme » ( 16 ).

57.

Certes, cette affaire mettait en cause la violation d’un droit, le droit à la libre circulation. Cependant, la Cour a, ensuite, franchi une étape supplémentaire en reliant le principe général du droit à un recours effectif à la consécration de l’Union en tant qu’« Union de droit ».

58.

En effet, selon la Cour, cette notion implique que « ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité » ( 17 ), ainsi qu’aux « principes généraux du droit [et aux] droits fondamentaux » ( 18 ).

59.

Dans ce contexte, il apparaît logique que l’identification systématique d’un droit ou d’une liberté précis et garantis par le droit de l’Union comme condition d’application du droit à un recours effectif ne soit pas requise dans la jurisprudence de la Cour.

60.

L’arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software (C‑418/11, EU:C:2013:588), illustre la démarche de la Cour. Dans cet arrêt, la Cour a, tout d’abord, considéré que la législation nationale qui instaure les sanctions encourues en cas de non-respect de l’obligation de publicité de documents comptables ( 19 ) constituait une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte ( 20 ). Ensuite, la Cour en a déduit que les dispositions de la Charte étaient applicables ( 21 ). Enfin, sans chercher à identifier la violation d’un droit ou d’une liberté précis, la Cour a enchaîné avec l’examen du respect de l’article 47 de la Charte ( 22 ).

2. L’interprétation de l’article 47, premier alinéa, de la Charte

61.

En outre, comme je l’ai indiqué dans ma remarque liminaire, l’article 47 de la Charte possède un champ d’application matériel plus large que celui de la CEDH.

62.

Alors que l’article 13 de la CEDH requiert une violation des « droits et libertés reconnus dans la [CEDH] » pour s’appliquer, l’article 47 de la Charte s’applique dès que « les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés », qu’ils figurent ou non dans la Charte.

63.

Or, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, celle-ci n’est opposable aux États membres qu’en présence d’une mise en œuvre du droit de l’Union. Par conséquent, la reconnaissance de l’applicabilité de la Charte implique déjà, nécessairement, l’existence d’un droit garanti par le droit de l’Union ( 23 ). Exiger que cette norme du droit de l’Union, qui entraîne l’applicabilité de la Charte, confère, en plus, un droit subjectif précis susceptible d’avoir été violé à l’égard du justiciable me semble contradictoire avec l’intention libérale qui sous-tend l’article 47 de la Charte.

64.

Je vois, par ailleurs, une consécration de cette intention d’autoriser l’application automatique de l’article 47 de la Charte lorsque celle-ci est elle-même applicable dans l’utilisation du terme « cause » au deuxième alinéa.

65.

En effet, outre l’ouverture de la protection juridictionnelle à l’ensemble du droit de l’Union, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte reconnaît à toute personne le droit de voir sa « cause » entendue par un tribunal indépendant et impartial, là où l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH limite la notion de « cause » aux contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou au bien-fondé d’une accusation en matière pénale.

66.

Enfin lorsque, comme en l’espèce, il s’agit de mettre en cause une décision qui fait grief, l’applicabilité de l’article 47 de la Charte apparaît être la condition sine qua non d’une Union de droit. En effet, comme je l’ai rappelé précédemment, l’Union de droit implique que ni les États membres ni les institutions de l’Union n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes.

67.

En conclusion, j’estime que le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial consacré à l’article 47 de la Charte entraîne nécessairement le droit d’accès à la justice, c’est-à-dire la possibilité pour un particulier de soumettre à un contrôle juridictionnel rigoureux tout acte susceptible de porter atteinte à ses intérêts ( 24 ). Or, c’est aux États membres que l’article 19, deuxième alinéa, TUE impose d’établir « les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ».

68.

Par conséquent, je considère qu’un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire qui lui est infligée se fonde sur une demande d’informations dont il met en doute la validité dès lors que cette demande est effectuée dans le cadre d’une procédure qui est la mise en œuvre du droit de l’Union.

D –   Sur les troisième et cinquième questions préjudicielles

69.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, tel que consacré à l’article 47 de la Charte, requiert que le juge national dispose d’une compétence de pleine juridiction dans le recours introduit contre une sanction administrative pécuniaire infligée au requérant en raison de son refus de communiquer des renseignements dans le cadre d’un échange d’informations fiscales entre États membres.

70.

Dans cette optique, l’exigence de pleine juridiction vise donc la possibilité pour le juge national d’apprécier la proportionnalité de la sanction, mais également celle d’examiner la légalité de la décision d’injonction sur laquelle se fonde cette sanction.

71.

La cinquième question posée par la juridiction de renvoi porte, quant à elle, sur l’étendue du contrôle qui doit être effectué. En effet, par cette question, la Cour administrative cherche à savoir si le contrôle que l’autorité fiscale et le juge de l’État requis doivent effectuer – dans l’hypothèse où une compétence de pleine juridiction devrait lui être reconnue – se limite à la régularité formelle de la demande d’informations.

72.

Puisque je considère que l’article 47 de la Charte impose l’examen de la régularité de la décision d’injonction sur laquelle se fonde la sanction pécuniaire consécutive au refus de répondre à ladite décision d’injonction, j’examinerai ensemble les deux questions.

1. L’exigence d’une compétence de pleine juridiction

73.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, stipule que les droits reconnus par la Charte qui correspondent à des droits garantis par la CEDH doivent recevoir un sens et une portée identiques à ceux que leur confère ladite convention. Sous réserve des observations émises à titre liminaire, tel est le cas de l’article 47 de la Charte par rapport à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH.

74.

Selon l’explication de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de la CEDH, mais aussi par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») ( 25 ). Or, force est de constater que la jurisprudence de la Cour EDH relative à l’exigence d’un recours effectif est constante : en présence d’un système d’amendes administratives – telles que des pénalités fiscales – le droit à un procès équitable (garanti par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte) suppose que la décision d’une autorité administrative qui ne remplit pas par elle-même les conditions de cet article subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ( 26 ).

75.

Selon la Cour EDH, « parmi les caractéristiques d’un tel organe judiciaire, figure le pouvoir de réformer en tous points la décision entreprise rendue par l’organe inférieur. Il doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » ( 27 ).

76.

En outre, il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour EDH qu’une juridiction ne peut être liée par une décision administrative essentielle pour le litige que si la décision en cause a été rendue dans le cadre d’une procédure administrative elle-même conforme aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 28 ).

77.

En l’espèce, deux constats s’imposent. D’une part, l’article 5, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014 qualifie expressément la mesure qui sanctionne le refus de communiquer les renseignements demandés d’« amende administrative fiscale ». D’autre part, il ressort de l’article 6 de cette loi que seul un recours contre la décision imposant la sanction pécuniaire est ouvert aux justiciables, la juridiction compétente étant, implicitement, liée par la décision d’injonction.

78.

Or, il est incontestable que la procédure de coopération administrative dans le domaine fiscal instaurée par la directive 2011/16, transposée en droit luxembourgeois par la loi du 29 mars 2013, et les décisions subséquentes d’injonction et de sanction prises en exécution de ces normes n’offrent pas les garanties de l’article 47 de la Charte. En effet, eu égard à l’objectif de collaboration efficace entre administrations qui guide ces décisions ( 29 ), celles-ci ne sont, logiquement, pas prises par un organe indépendant et impartial après que la partie concernée a pu être entendue équitablement et publiquement.

79.

Si la directive 2011/16 ne confère en elle-même aucun droit aux particuliers ( 30 ), l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire prévue dans le but de faire respecter la directive impose, en revanche, l’accès au juge.

80.

Par conséquent, pour que l’article 47 de la Charte soit respecté, il m’apparaît que la juridiction saisie du recours contre la sanction administrative pécuniaire doit pouvoir examiner la légalité de la décision d’injonction sur laquelle se fonde la sanction. D’une part, le juge national ne peut être lié par la décision d’injonction prise unilatéralement par l’administration. D’autre part, la légalité de cette décision d’injonction est, assurément, une question de droit pertinente pour le litige et sa résolution.

2. L’étendue du recours de pleine juridiction

81.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi que de celle de la Cour EDH que le droit d’accès à un tribunal n’est pas un droit absolu ( 31 ). L’exercice du droit à un recours effectif peut donc être réglementé.

a) La possibilité de limiter le droit à un recours effectif

82.

Selon la Cour, « il ressort d’une jurisprudence constante que les droits fondamentaux ne constituent pas des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et n’impliquent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Dokter e.a. [C‑28/05, EU:C:2006:408], point 75 et jurisprudence citée, ainsi que [Cour EDH], arrêt Fogarty c. Royaume-Uni du 21 novembre 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001‑XI, § 33) » ( 32 ).

83.

Cette approche est largement semblable à celle suivie par la Cour EDH lorsqu’elle examine les limitations apportées aux droits garantis par les articles 6 et 13 de la CEDH ( 33 ).

84.

En réalité, il s’agit ni plus ni moins de respecter le prescrit de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel « une limitation du droit à un recours effectif devant un tribunal au sens de l’article 47 de la charte [...] n’est justifiée que si elle est prévue par la loi, si elle respecte le contenu essentiel dudit droit et si, dans le respect du principe général de proportionnalité, elle est nécessaire et répond effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui » ( 34 ).

85.

L’exercice du droit à un recours effectif peut donc être limité à condition que la substance du droit ne soit pas atteinte. Dans cette optique, la Cour EDH a également précisé que le rôle de l’article 6 de la CEDH n’était pas de garantir l’accès à un tribunal qui pourrait substituer son propre avis à celui des autorités administratives ( 35 ).

86.

Afin d’évaluer le caractère suffisant de l’étendue du contrôle qui peut être effectué par la juridiction nationale compétente, l’objet de la décision attaquée doit être pris en considération. Cet élément est d’autant plus important lorsque la décision « a trait à un domaine spécifique exigeant des connaissances spécialisées ou si, et dans quelle mesure, elle implique l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration » ( 36 ).

87.

Dans ces conditions, il me semble que le contrôle de la validité de la décision d’injonction sur laquelle se fonde la sanction pécuniaire administrative pourrait être limité à condition que cette limitation ne porte pas atteinte à la substance du droit à un recours effectif, poursuive un but légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ( 37 ).

b) L’étendue des contrôles de régularité (par l’administration de l’État requis) et de légalité (par un tribunal du même État) dans le cadre d’une demande d’informations fondée sur la directive 2011/16

88.

En premier lieu, je rappelle que la directive 77/799 avait pour objectif de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales ( 38 ). Les deux premiers considérants de la directive 2011/16 confirment cet objectif. Cette finalité peut également être déduite de l’article 23, paragraphe 2, de ladite directive 2011/16 selon lequel « [l]es États membres communiquent à la Commission toutes les informations pertinentes nécessaires à l’évaluation de l’efficacité de la coopération administrative prévue par la présente directive au regard de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales » ( 39 ).

89.

Or, il ressort d’une jurisprudence désormais constante de la Cour que l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales peut être considéré comme légitime et constitutif d’une raison impérieuse d’intérêt général ( 40 ).

90.

En deuxième lieu, la Cour a jugé que l’État requis était, en principe, tenu de répondre à la demande d’informations présentée par l’autorité compétente d’un autre État membre ( 41 ).

91.

À cet égard, l’emploi de l’indicatif présent à l’article 5 de la directive 2011/16 confirme le caractère obligatoire de la transmission d’informations. En effet, selon cet article, « [à] la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique à l’autorité requérante les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1 […] » ( 42 ). La réserve qui était antérieurement inscrite à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/799 est désormais développée dans un article spécifique de la directive 2011/16 intitulé « Limites », à savoir l’article 17. Néanmoins, l’article 18 de cette directive précise que les dispositions de l’article 17, paragraphes 2, 3 et 4, ne « sauraient en aucun cas être interprétées comme autorisant un État membre requis à refuser de fournir des informations au seul motif que ces dernières ne présentent pour lui aucun intérêt ».

92.

En troisième lieu, il est tout aussi clair que l’État requérant ne peut pas demander n’importe quelle information fiscale. En effet, le renvoi opéré par l’article 5 de la directive 2011/16 à l’article 1er de la même directive impose une limitation claire : cette directive établit les règles et procédures qui permettent aux États membres de coopérer entre eux aux fins d’échanger les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application des législations nationales relatives aux taxes et impôts ( 43 ).

93.

Cette limite est explicitée au considérant 9 de la directive 2011/16 selon lequel « [l]a norme dite de la “pertinence vraisemblable” vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible et, en même temps, à préciser que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des “recherches tous azimuts” ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné […] ».

94.

Il résulte de cette disposition et de son explication que le respect de la norme dite de la « pertinence vraisemblable » conditionne la régularité de la demande d’informations. Celle-ci doit, dès lors, être vérifiée sur ce point par l’autorité requise. L’article 7, paragraphe 4, de la directive 2011/16 l’autorise d’ailleurs à notifier à l’autorité requérante les éventuelles lacunes constatées dans la demande.

95.

Par conséquent, cette norme constitue également le critère au regard duquel la légalité de la décision d’injonction doit être examinée, et ce par un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte.

96.

En quatrième lieu, la rapidité et la discrétion sont évidemment essentielles dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ce que confirment les considérants 4 et 8 de la directive 2011/16. C’est la raison pour laquelle des délais ont été fixés pour la communication d’informations à l’article 7 de cette directive ( 44 ).

97.

Il ressort des quatre observations précédentes que, sous peine de priver d’une grande partie de son efficacité le mécanisme de coopération instauré par la directive 2011/16, la vérification de la régularité de la demande d’informations par l’autorité fiscale de l’État requis et le contrôle de légalité subséquent effectué par le juge national doivent être limités. Une telle restriction est justifiée au regard de l’objectif d’intérêt général de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales poursuivi.

98.

À cet égard, l’article 20 de la directive 2011/16 définit les paramètres utiles à la définition du contrôle à effectuer en imposant des informations minimales qui doivent figurer dans les formulaires types dont l’usage est suggéré par le législateur pour les demandes d’informations visées à l’article 5 de la directive 2011/16 et les réponses qui y sont apportées. Le considérant 9 de la directive 2011/16 qui évoque la norme de la « pertinence vraisemblable » renvoie d’ailleurs expressément à l’article 20.

99.

Les éléments mentionnés à l’article 20, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2011/16 sont l’identité de la personne qui fait l’objet d’un contrôle ou d’une enquête et la finalité fiscale des informations demandées. Le deuxième alinéa ajoute que l’autorité requérante peut également fournir le nom et l’adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des informations demandées.

100.

Sur la base de ces éléments, l’autorité requise doit être en mesure de déterminer si les informations demandées sont vraisemblablement pertinentes pour atteindre l’objectif décrit par l’autorité requérante, c’est-à-dire qu’elles concernent bien la situation fiscale du contribuable concerné et est susceptible d’aider l’autorité requérante dans l’établissement correct du montant de l’impôt dû.

101.

En d’autres termes, l’autorité de l’État requis doit être en mesure de répondre à la question de savoir si les informations demandées sont susceptibles d’être en lien avec l’établissement de l’impôt que cherche à établir l’autorité requérante ( 45 ).

102.

Cette interprétation est confortée par les commentaires relatifs à l’article 26 du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE dont le législateur de l’Union s’est lui-même inspiré ( 46 ). En effet, selon les explications relatives à l’article de la convention précité, il doit y avoir « une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents » ( 47 ). La notion de « pertinence vraisemblable » vise à empêcher qu’un État sollicite des renseignements « dont il est peu probable qu’ils aient un lien avec une enquête ou un contrôle en cours » ( 48 ).

103.

L’objectif légitime poursuivi par la directive 2011/16 impose que les mêmes limites s’appliquent au contrôle de légalité de la décision d’injonction effectué dans le cadre d’un recours juridictionnel introduit à l’encontre de la sanction pécuniaire infligée à la personne qui aurait refusé de communiquer les informations sollicitées.

104.

Concrètement, le juge national doit pouvoir vérifier que la décision d’injonction se fonde sur une demande d’informations qui présente un lien entre, d’une part, les informations demandées, le contribuable concerné, le tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, la finalité fiscale poursuivie.

105.

Pour être sanctionnée, l’inadéquation entre la demande d’informations et la finalité fiscale poursuivie doit être manifeste. Imposer une analyse juridique détaillée au juge de l’État requis supposerait une connaissance approfondie du cadre factuel et juridique existant dans l’État requérant, ce qui ne peut lui être imposé et ne serait d’ailleurs pas réaliste ( 49 ). Je partage l’avis exprimé par la Commission selon lequel la notion de « pertinence vraisemblable » n’impose « [qu’] une vérification “sommaire et formelle, de nature factuelle”» ( 50 ).

106.

De même, les limites à l’obligation de communication développées à l’article 17 de la directive 2011/16 ne me paraissent pas devoir être prises en considération. En effet, l’autorité requise est, en principe, tenue de répondre à la demande d’informations ( 51 ) et les limites inscrites à l’article 17 de ladite directive ne sont que des possibilités laissées à l’appréciation de l’autorité requise de ne pas transmettre des informations ( 52 ). Comme la Cour l’a relevé antérieurement à propos de l’État requérant, par l’emploi du terme « peut », le législateur de l’Union a indiqué que les administrations fiscales nationales disposent d’une faculté ( 53 ). Or, c’est ce verbe qui est utilisé à l’article 17, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/16 ( 54 ).

107.

Dès lors, il n’appartient pas au juge d’apprécier a posteriori l’opportunité d’utiliser ces possibilités si l’autorité requise n’a pas estimé utile de le faire lorsqu’elle a reçu la demande d’informations.

c) Conclusions intermédiaires sur l’étendue des contrôles de régularité et de légalité dans le cadre d’une demande d’informations fondée sur la directive 2011/16

108.

La directive 2011/16 ne confère en elle-même aucun droit aux particuliers.

109.

Toutefois, avant d’adopter une décision d’injonction, l’autorité requise doit être en mesure de déterminer si les informations demandées sont vraisemblablement pertinentes pour atteindre l’objectif décrit par l’autorité requérante, c’est-à-dire de vérifier qu’elles concernent la situation fiscale du contribuable concerné et sont susceptibles d’aider l’autorité requérante dans l’établissement correct du montant de l’impôt dû.

110.

L’imposition d’une sanction administrative pécuniaire prévue dans le but de faire respecter la directive impose, en outre, l’accès à un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte. Cela suppose que la juridiction saisie du recours contre la sanction pécuniaire puisse examiner la légalité de la décision d’injonction sur laquelle elle se fonde.

111.

Cependant, l’objectif légitime de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales poursuivi par la directive 2011/16 impose de limiter comme suit le contrôle de légalité : le tribunal doit uniquement être en mesure de vérifier, sur la base d’un examen sommaire, que la décision d’injonction se fonde sur une demande d’informations qui présente un lien entre, d’une part, les informations demandées, le contribuable concerné, ainsi que le tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, la finalité fiscale poursuivie. Pour entraîner une constatation d’illégalité, l’inadéquation entre la demande d’informations et l’objectif fiscal doit être manifeste.

112.

Ainsi conçu, ce type de contrôle ne me paraît pas vider de sa substance le droit à un recours effectif garanti à l’article 47 de la Charte. En outre, il respecte le principe de proportionnalité dès lors que les limitations imposées sont nécessaires pour garantir l’efficacité de la procédure de collaboration administrative dans le domaine fiscal instaurée par la directive 2011/16 et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

d) Remarque finale sur l’absence d’incohérence avec la situation du contribuable

113.

Dans son arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678), la Cour a jugé qu’il convenait de distinguer, dans le cadre des procédures de contrôle fiscal, la phase d’enquête – à laquelle appartient la demande d’informations d’une administration fiscale à une autre – de la phase contradictoire. Selon la Cour, « le respect des droits de la défense du contribuable n’exige pas que ce dernier participe à la demande d’informations adressée par l’État membre requérant à l’État membre requis » ( 55 ).

114.

Selon la Commission, le même raisonnement devrait s’appliquer pour le tiers à qui l’on demande des informations sous peine d’accorder plus de droits procéduraux aux tiers requis qu’au contribuable visé par l’enquête fiscale, alors que la situation fiscale du premier n’est pas affectée ( 56 ). Par conséquent, le tiers requis ne devrait pas disposer du droit de contester la pertinence vraisemblable de la demande d’informations.

115.

L’argument ne peut être retenu dès lors que le contribuable visé par l’enquête et le tiers requis ne sont pas dans des situations comparables.

116.

En effet, ce qui justifie l’absence de reconnaissance obligatoire de droits procéduraux au contribuable dans l’arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678), c’est le distinguo opéré par la Cour, dans la procédure de contrôle fiscal, entre la phase d’enquête et la phase contradictoire ( 57 ). Celle-ci débute par l’envoi au contribuable d’une proposition de rectification. Or, cette seconde étape entraîne nécessairement pour le contribuable le respect de certains droits dont celui de contester la décision finale éventuelle devant un tribunal.

117.

Le tiers requis n’est pas impliqué dans la seconde phase de la procédure de contrôle fiscal. Il ne pourra donc pas y faire valoir ses droits. En outre, contrairement à la situation du contribuable, peut-on vraiment parler d’enquête pour le tiers requis, surtout lorsqu’une sanction pécuniaire lui est imposée ? Dans ces conditions, il n’est pas incohérent d’apporter à la question du droit à un recours effectif une réponse différente selon qu’il s’agisse du contribuable dont l’État requérant cherche à calculer l’impôt ou du tiers à qui est adressée la décision d’injonction consécutive à la demande d’informations.

E –   Sur la quatrième question préjudicielle

118.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur la portée de la notion de « pertinence vraisemblable » visée à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 5 de la directive 2011/16. En substance, la Cour administrative se demande s’il s’agit d’une condition de validité de la demande d’informations adressée par l’autorité requérante à l’autorité requise et de la décision d’injonction subséquente.

119.

Lors de l’examen des troisième et cinquième questions, j’ai estimé que le renvoi par l’article 5 de la directive 2011/16 à l’article 1er de la même directive imposait une limitation claire à l’obligation imposée à l’autorité requise.

120.

En effet, conformément à ces deux articles, la directive 2011/16 établit les règles et procédures qui imposent aux États membres de coopérer entre eux aux seules fins d’échanger les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne des États membres relatives aux taxes et impôts ( 58 ).

121.

J’en ai déduit que le respect de la norme dite de la « pertinence vraisemblable » conditionnait la régularité de la demande d’informations, ainsi que de la décision d’injonction subséquente, et qu’elle constituait également le critère au regard duquel la légalité de la décision d’injonction devait être examinée par un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte ( 59 ).

122.

En d’autres termes, le caractère vraisemblablement pertinent des renseignements sollicités par un État membre auprès d’un autre État membre constitue une condition à laquelle la demande de renseignements doit satisfaire pour déclencher l’obligation de l’État membre requis d’y donner suite.

F –   Sur la sixième question préjudicielle

123.

Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47, paragraphe 2, de la Charte impose que la demande d’informations qui a été adressée par l’autorité requérante à l’autorité requise soit communiquée au destinataire de la décision d’injonction et au tribunal dans le cadre du recours introduit à l’encontre d’une sanction pécuniaire consécutive au refus de répondre opposé à cette décision.

124.

La question n’est pas anodine. Elle touche au principe du contradictoire qui est considéré comme un principe fondamental dès lors qu’il permet l’exercice des droits de la défense et l’établissement de la vérité judiciaire ( 60 ).

125.

Dans le cadre de la directive 2011/16, les éléments de nature à démontrer le lien entre les informations demandées et la finalité fiscale poursuivie par l’autorité requérante – c’est-à-dire la pertinence vraisemblable des informations demandées – sont, nécessairement, développés dans la demande d’informations. En revanche, il n’est pas certain que lesdits éléments soient reproduits dans la demande d’injonction notifiée au tiers requis. Au contraire, l’article 3, paragraphe 4, de la loi du 25 novembre 2014 précise expressément que la décision d’injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d’identifier les renseignements demandés ( 61 ).

126.

Une décision d’injonction aussi concise ne permet certainement pas de vérifier qu’elle se fonde sur une demande d’informations qui présente un lien entre, d’une part, les informations demandées, le contribuable concerné, ainsi que le tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, la finalité fiscale poursuivie ( 62 ).

127.

Par conséquent, la demande d’informations initiale de l’État requérant doit, nécessairement, être portée à la connaissance du tribunal saisi du recours contre la sanction pécuniaire. À défaut, celui-ci serait dans l’impossibilité d’exercer le contrôle de légalité qu’impose l’article 47 de la Charte.

128.

En effet, comme l’avocat général Bot a eu l’occasion de le rappeler récemment, au point 92 de ses conclusions dans l’affaire ZZ (C‑300/11, EU:C:2012:563), « même lorsqu’une atteinte à la sécurité nationale est alléguée, la garantie d’un recours effectif exige au minimum que l’instance de recours indépendante soit informée des motifs qui ont fondé la décision litigieuse, même si ceux-ci ne sont pas accessibles au public […] » ( 63 ).

129.

Mais qu’en est-il pour le tiers requis ? Le fait de ne pas disposer de la demande d’informations créerait un déséquilibre entre les parties au procès.

130.

Dès le début de la construction européenne, la Cour a jugé que ce serait violer le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif que de fonder une décision juridictionnelle sur des faits ou des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’auraient pas pu prendre connaissance et sur lesquelles elles n’auraient donc pas été en mesure de prendre position ( 64 ).

131.

Certes, le principe du contradictoire n’est, lui non plus, pas absolu. À cet égard, il ne faut pas oublier le cadre dans lequel ce litige s’inscrit : la collaboration entre administrations fiscales dans le but de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Dans ce contexte, il n’est pas exclu que la communication de la demande d’informations au tiers requis puisse nuire à l’efficacité de l’échange d’informations ou diminuer les chances de succès de l’enquête menée par l’autorité requérante. En outre, la divulgation de la demande d’informations au tiers requis ne serait-elle pas de nature à violer le droit à la protection des données personnelles du contribuable qui fait l’objet de l’enquête fiscale ?

132.

Je ne pense toutefois pas que ces motifs justifient de façon générale et absolue l’atteinte aux garanties inhérentes au droit à un recours effectif que constitue l’accès limité aux éléments indispensables à l’appréciation de la légalité de la sanction infligée.

133.

En effet, si la Cour EDH a reconnu que le principe du contradictoire pouvait être restreint, c’est uniquement en vue de préserver le droit fondamental d’un autre individu ou un intérêt public important ( 65 ). Selon elle, seules les mesures qui sont « absolument nécessaires » sont légitimes au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 66 ).

134.

À cet égard, dans le cadre de la directive 2011/16, les droits d’un autre individu ne m’apparaissent pas, a priori, justifier la confidentialité de la demande d’informations à l’égard du tiers requis. En effet, il est probable que les informations relatives au contribuable impliqué par l’enquête fiscale auront déjà été révélées dans la demande d’injonction ( 67 ). En revanche, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constitue certainement un intérêt public important.

135.

Toutefois, même dans des circonstances exceptionnelles liées à la sécurité publique en présence de menaces terroristes supposées, la Cour a jugé qu’il incombait à l’autorité nationale compétente d’apporter la preuve que la sûreté de l’État serait effectivement compromise par une communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement de la décision litigieuse ( 68 ).

136.

Cette exigence s’inscrit également dans la jurisprudence de la Cour EDH qui veut que la restriction au principe du contradictoire soit compensée par des mécanismes procéduraux adéquats susceptibles de garantir un niveau satisfaisant d’équité dans la procédure ( 69 ). En effet, l’appréciation de la nécessité d’une divulgation par le juge a été considérée comme une garantie importante susceptible de pallier le refus de communication par l’autorité compétente ( 70 ).

137.

Eu égard à ces considérations, je considère que la demande d’informations doit donc, nécessairement, être communiquée au tribunal saisi du recours contre la sanction pécuniaire, ainsi qu’au tiers requis. Si l’administration de l’État requis estime que cette dernière communication est susceptible de compromettre l’efficacité de la collaboration entre administrations en vue de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (ou de porter atteinte à un autre intérêt public ou au droit fondamental d’un autre individu), il lui appartient d’en apporter la preuve dans le cadre du recours précité et au juge de trancher la question.

VI – Conclusion

138.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par Cour administrative de la manière suivante :

«1)

Lorsqu’un État membre prévoit dans sa législation une sanction financière à l’égard d’un administré qui refuse de fournir des informations dans le cadre d’un échange d’informations entre autorités fiscales qui se fonde notamment sur les dispositions de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, il met en œuvre le droit de l’Union, ce qui entraîne l’application de la Charte.

2)

Un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire qui lui est infligée se fonde sur une demande d’informations dont il met en doute la validité dès lors que cette demande est effectuée dans le cadre d’une procédure qui est la mise en œuvre du droit de l’Union.

3)

L’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours contre la sanction administrative pécuniaire consécutive au refus de réponse opposé à la décision d’injonction doit pouvoir examiner la légalité de cette décision. Toutefois, étant donné l’objectif légitime de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales poursuivi par la directive 2011/16, le tribunal doit uniquement être en mesure de vérifier, sur la base d’un examen sommaire, que la décision d’injonction se fonde sur une demande d’informations qui présente un lien entre, d’une part, les informations demandées, le contribuable concerné, ainsi que le tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, la finalité fiscale poursuivie. Pour entraîner une constatation d’illégalité, l’inadéquation entre la demande d’informations et l’objectif fiscal doit être manifeste.

4)

Le caractère vraisemblablement pertinent des renseignements sollicités par un État membre auprès d’un autre État membre sur la base de la directive 2011/16 constitue une condition à laquelle la demande de renseignements doit satisfaire pour déclencher l’obligation de l’État membre requis d’y donner suite.

5)

La demande d’informations sur laquelle se fonde la décision d’injonction doit, nécessairement, être communiquée au tribunal saisi du recours contre la sanction pécuniaire, ainsi qu’au tiers requis. Si l’administration de l’État requis estime que cette dernière communication est susceptible de compromettre l’efficacité de la collaboration entre administrations en vue de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (ou de porter atteinte à un autre intérêt public ou au droit fondamental d’un autre individu), il lui appartient d’en apporter la preuve dans le cadre du recours précité et au juge de trancher la question. »


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2011, L 64, p. 1.

( 3 ) Je songe aux enquêtes menées par des journalistes de différents pays réunis au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui ont conduit aux révélations appelées LuxLeaks, SwissLeaks ou encore Panama Papers.

( 4 ) La Commission européenne a ouvert plusieurs enquêtes à l’encontre de différents États membres ayant accordé des taux de taxation avantageux à certaines entreprises tels que le Royaume des Pays-Bas pour Starbucks, l’Irlande pour Apple, le Grand-Duché de Luxembourg pour McDonald’s et Amazon ou encore le Royaume de Belgique pour son système dit d’« excess profits rulings ».

( 5 ) Ci-après la « CEDH ».

( 6 ) JO 2007, C 303, p. 17 à 35, spécialement p. 29 et 30. Voir, notamment, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci (C‑205/15, EU:C:2016:499, point 40). À propos de la jurisprudence de la Cour sur cette question, voir Lebrun, G., « De l’utilité de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », Rev. trim. dr. h., 2016/106, p. 433 à 459, spécialement p. 440.

( 7 ) C’est moi qui souligne. Voir, en ce sens, Braibant, G., La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Éditions du Seuil, Paris, 2001, p. 235 et 236.

( 8 ) Voir, en ce sens, Shelton, D., « Article 47 – Right to an Effective Remedy and to a Fair Trial », in Peers, St., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A. (ed.), The EU Charter of Fundamental Rights – A commentary, Hart Publishing, Oxford, 2014, p. 1197 à 1275, spécialement no 47.44.

( 9 ) Voir, en ce sens, Hofmann, H. Ch., « Article 47 – Right to an Effective Remedy and to a Fair Trial », in Peers, St., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A. (ed.), The EU Charter of Fundamental Rights – A commentary, Hart Publishing, 2014, p. 1197 à 1275, spécialement no 47.50.

( 10 ) JO 2006, L 347, p. 1.

( 11 ) Selon l’article 273, alinéa 1, de la directive 2006/112, « Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA [taxe sur la valeur ajoutée] et pour éviter la fraude [...] ». L’article 2 de la directive 2006/112 définit les opérations soumises à la TVA et l’article 250, paragraphe 1, de la même directive porte sur la déclaration de TVA que doit effectuer l’assujetti.

( 12 ) À cet égard, le fait que la directive (UE) 2016/881 du Conseil, du 25 mai 2016, modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal (JO 2016, L 148, p. 8) insère un nouvel article 25 bis dans la directive 2011/16 qui prévoit expressément que les États membres déterminent le régime de sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de ladite directive à propos d’un article en particulier (le nouvel article 8 bis bis) n’est pas de nature à modifier la portée de la règle énoncée à l’article 22 de la directive 2011/16.

( 13 ) Voir, en ce sens, Safjan, M., Düsterhaus, D., et Guérin, A., « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les ordres juridiques nationaux, de la mise en œuvre à la mise en balance », RTD Eur., 2016, p. 219 à 247, spécialement p. 229.

( 14 ) JO 1977, L 336, p. 15.

( 15 ) Point 27 de cet arrêt. C’est moi qui souligne.

( 16 ) Arrêt du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, EU:C:1987:442, point 14). C’est moi qui souligne.

( 17 ) Arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23). C’est moi qui souligne.

( 18 ) Arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 91), et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 56).

( 19 ) Obligation prévue par la onzième directive 89/666/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d’un autre État (JO 1989, L 395, p. 36).

( 20 ) Voir point 75 de cet arrêt.

( 21 ) Voir point 76 de cet arrêt.

( 22 ) Voir points 77 et suivants de cet arrêt.

( 23 ) Voir, en ce sens, Shelton, D., « Article 47 – Right to an Effective Remedy and to a Fair Trial », in Peers, St., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A. (ed.), The EU Charter of Fundamental Rights – A commentary, Hart Publishing, 2014, p. 1197 à 1275, spécialement nos 47.01 et 47.46.

( 24 ) Voir, en ce sens, Pliakos, A., Le principe général de la protection juridictionnelle efficace en droit communautaire, Sakkoulas/Bruylant, Athènes/Bruxelles, 1997, p. 102, ainsi que Prechal, S., « The Court of justice and effective judicial protection : what has the Charte changed ? » in Paulussen, C., Takács, T., Lazic, V. et Van Rompuy, B. (éd.), Fundamental Rights in International and European Law. Public and Private Law Perspective, Springer, Berlin, 2016, p. 143 à 157, spécialement p. 148.

( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, point 35).

( 26 ) Voir, en ce sens, Cour EDH, 7 juin 2012, Segame SA c. France, CE:ECHR:2012:0607JUD000483706, points 54 et 55.

( 27 ) Cour EDH, 7 juin 2012, Segame SA c. France, CE:ECHR:2012:0607JUD000483706, point 55. Voir, également, à propos d’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, Cour EDH, 15 septembre 2015, Tsanova-Gecheva c. Bulgarie, CE:ECHR:2015:0915JUD0004380012, point 92, ainsi que Cour EDH, 13 février 2003, Chevrol c. France, CE:ECHR:2003:0213JUD004963699, point 77.

( 28 ) Voir, en ce sens, Cour EDH, 16 avril 2013, Fazliyski c. Bulgarie, CE:ECHR:2013:0416JUD004090805, points 59 et 60 ; Cour EDH, 24 novembre 2005, Capital Bank AD c. Bulgarie, CE:ECHR:2005:1124JUD004942999, points 99 à 108, ainsi que Cour EDH, 28 avril 2005, I.D. c. Bulgarie, CE:ECHR:2005:0428JUD004357898, points 50 à 55.

( 29 ) Voir, notamment, considérants 3 et 12 de la directive 2011/16. Selon la Cour, la directive 77/799 avait pour objectif « de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales et [avait] ainsi été adoptée en vue de régir la collaboration entre les autorités fiscales des États membres » (arrêt du 22 octobre 2013, Sabou, C‑276/12, EU:C:2013:678, point 32). Ces objectifs n’ont pas changé avec l’adoption de la directive 2011/16.

( 30 ) Voir, en ce sens, à propos de la directive 77/799, arrêt du 27 septembre 2007, Twoh International (C‑184/05, EU:C:2007:550 point 31). Voir, également, toujours à propos de la directive 77/799 et plus précisément à l’égard du contribuable qui fait l’objet de la demande d’informations, arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, point 36).

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci (C‑205/15, EU:C:2016:499, point 44 et jurisprudence citée).

( 32 ) Arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 63).

( 33 ) Voir, en ce sens, Shelton, D., « Article 47 – Right to an Effective Remedy and to a Fair Trial », in Peers, St., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A. (ed.), The EU Charter of Fundamental Rights – A commentary, Hart Publishing, 2014, p. 1197 à 1275, spécialement no 47.84.

( 34 ) Arrêt du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 49).

( 35 ) Voir, en ce sens, Cour EDH, 15 septembre 2015, Tsanova-Gecheva c. Bulgarie, CE:ECHR:2015:0915JUD0004380012, point 97.

( 36 ) Cour EDH, 15 septembre 2015, Tsanova-Gecheva c. Bulgarie, CE:ECHR:2015:0915JUD0004380012, point 98.

( 37 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, point 60).

( 38 ) Voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2007, Twoh International (C‑184/05, EU:C:2007:550, point 30), et du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, point 32).

( 39 ) C’est moi qui souligne.

( 40 ) Voir, notamment, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2007, Oy AA (C‑231/05, EU:C:2007:439, point 60), et du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, points 40, 45 et 46).

( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, point 34).

( 42 ) C’est moi qui souligne.

( 43 ) À l’exception de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane, des droits d’accises couverts par d’autres textes de la législation de l’Union relatifs à la coopération administrative entre États membres, ainsi que des cotisations sociales (article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/16).

( 44 ) Voir considérant 12 de la directive 2011/16. C’est ainsi, par exemple, que, si l’autorité requise souhaite notifier à l’autorité requérante les lacunes constatées dans la demande d’informations, l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2011/16 lui impose de le faire dans le mois suivant la réception de la demande d’informations.

( 45 ) Je note que, dans la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal du 2 février 2009 [COM(2009)29 final], l’article 5, paragraphe 1, visait « toute information susceptible d’être utile à l’établissement correct des taxes et impôts ». C’est moi qui souligne.

( 46 ) Voir point 570 de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal du 2 février 2009 [COM(2009)29 final]. La Cour a déjà légitimé le fait pour les États membres de s’inspirer d’un modèle de convention OCDE. Voir, par exemple, à propos du modèle de convention en matière de double imposition, arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 32).

( 47 ) Commentaires des dispositions de l’article 26 du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2014 de l’OCDE, point 5. C’est moi qui souligne.

( 48 ) Commentaires des dispositions de l’article 26 du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2014 de l’OCDE. C’est moi qui souligne.

( 49 ) Voir, en ce sens, à propos de la directive 77/799, arrêt du 13 avril 2000, W.N. (C‑420/98, EU:C:2000:209, point 18).

( 50 ) Voir point 50 des observations écrites de la Commission.

( 51 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, point 34).

( 52 ) Seul l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2011/16 conditionne la réponse de l’autorité requise. Toutefois, il est impossible pour celle-ci de vérifier le respect de la condition. En effet, selon cette disposition, l’autorité requise fournit les informations visées à l’article 5 « à condition que l’autorité requérante ait déjà exploité les sources habituelles d’informations auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs ». Cette condition s’impose donc à l’autorité requérante. En vertu du principe de coopération loyale sur laquelle se fonde la directive, le respect de cette condition doit nécessairement être présumé par l’autorité requise. Normalement, l’autorité requérante ne recourt à la directive que lorsqu’elle ne dispose pas elle-même des informations nécessaires.

( 53 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2013, Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:678, point 33), ainsi que du 27 septembre 2007, Twoh International (C‑184/05, EU:C:2007:550, point 32).

( 54 ) L’article 17, paragraphe 2, de la directive 2011/16, indique quant à lui que la directive « n’impose pas à un État membre requis l’obligation de procéder à des enquêtes ou de transmettre des informations dès lors que la réalisation de telles enquêtes ou la collecte des informations en question aux propres fins de cet État membre serait contraire à sa législation » (c’est moi qui souligne).

( 55 ) Point 44 de cet arrêt.

( 56 ) Voir point 70 des observations écrites de la Commission.

( 57 ) Voir, à ce propos, points 56 à 59 des conclusions que l’avocat général Kokott a présentées dans l’affaire Sabou (C‑276/12, EU:C:2013:370). Voir, également, pour la doctrine, Aubert, M., Broussy, E. et Cassagnabère, H., « Chronique de jurisprudence de la CJUE », L’actualité juridique ; droit administratif, 2013, p. 2309 ; Van Eijsden, A., « Sabou. Exchange of information on request. No obligation to inform taxpayer of the request », Highlights & Insights on European Taxation, 2014, no 3, p. 131 à 134, spécialement p. 132 et 133.

( 58 ) À l’exception de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane, des droits d’accises couverts par d’autres textes de la législation de l’Union relatifs à la coopération administrative entre États membres, ainsi que des cotisations sociales (article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/16).

( 59 ) Voir points 94 et 95 des présentes conclusions.

( 60 ) Voir, en ce sens, Miniato, L., Le principe du contradictoire en droit processuel, L.G.D.J., Paris, 2008, no 121.

( 61 ) En l’espèce, le prescrit légal ne semble pas nécessairement respecté. En effet, la demande d’injonction notifiée à Berlioz dans l’affaire au principal comporte d’autres informations que les seuls renseignements demandés (voir note en bas de page 67).

( 62 ) Voir point 111 des présentes conclusions.

( 63 ) C’est moi qui souligne.

( 64 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité (42/59 et 49/59, EU:C:1961:5), et, pour une confirmation récente du principe, arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 56).

( 65 ) Voir, en ce sens, Cour EDH, 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002705295, point 52, et Cour EDH, 19 février 2009, A. et autres c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2009:0219JUD000345505, point 205.

( 66 ) Cour EDH, 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002705295, point 52.

( 67 ) Tel est d’ailleurs le cas en l’espèce puisque la décision d’injonction précise l’identité de la personne morale concernée et la finalité de l’enquête diligentée par les autorités de l’État requérant. Après avoir indiqué que « [l]a personne morale concernée par la demande est la société Cofima SAS » et précisé l’adresse de son siège social en France, la décision d’injonction ajoute expressément que « [l]es autorités fiscales françaises vérifient la situation fiscale de la société SAS Cofima, détenue par la société Berlioz Investment SA, et nécessitent des renseignements afin de pouvoir se prononcer sur l’application des retenues à la source sur les distributions effectuées par SAS Cofima à Berlioz Investment SA » (voir pièce A 1 du dossier déposé par le gouvernement luxembourgeois).

( 68 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 61).

( 69 ) Voir, en ce sens, point 83 des conclusions que l’avocat général Bot a présentées dans l’affaire ZZ (C‑300/11, EU:C:2012:563) et, notamment, Cour EDH, 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002705295, point 52.

( 70 ) Voir, en ce sens, Cour EDH, 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002705295, point 56.