CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 8 septembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑365/15

Wortmann KG Internationale Schuhproduktionen

contre

Hauptzollamt Bielefeld

[demande de décision préjudicielle formée

par le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf, Allemagne)]

«Union douanière et tarif douanier commun — Remboursement de droits à l’importation — Nullité du règlement instituant un droit antidumping — Validité de l’article 241 du règlement (CEE) no 2913/92 — Applicabilité du règlement no 2913/92 — Obligation de paiement d’intérêts»

1. 

La liquidation de droits antidumping sur l’importation de chaussures originaires de Chine et du Viêt Nam ayant été annulée après que la Cour a constaté l’invalidité du règlement qui les a institués ( 2 ), l’administration douanière allemande a restitué le montant indûment versé par l’entreprise importatrice. Cependant, ladite administration a refusé de majorer cette somme des intérêts réclamés par cette entreprise à compter de la date de paiement du principal.

2. 

Le litige entre l’importateur et l’administration douanière allemande doit être tranché par le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf, Allemagne), qui demande à la Cour d’interpréter, par voie préjudicielle, les dispositions du droit de l’Union qui régissent cette matière.

3. 

En l’occurrence, l’administration douanière a refusé de verser les intérêts réclamés en invoquant l’article 241 du règlement (CEE) no 2913/92 ( 3 ), lu en combinaison avec la réglementation nationale selon laquelle ces intérêts ne naissent qu’à compter de la date à laquelle ils sont réclamés en justice. Selon les autorités allemandes, l’application conjointe de ces dispositions fonde son refus de donner suite à la demande de l’importateur.

4. 

Conformément à un principe général issu d’une jurisprudence constante de la Cour, si l’administration doit restituer des montants qu’elle a perçus en violation du droit de l’Union, les sommes restituées doivent être majorées des intérêts y afférents à compter de la date du paiement indu. Néanmoins, l’article 241 du code des douanes exclut (avec certaines nuances) le paiement d’intérêts lorsque les autorités douanières doivent restituer les droits d’importation.

5. 

La tension entre la règle générale (favorable au paiement d’intérêts) et la disposition spécifique (qui s’oppose à ce paiement) a polarisé une grande partie de l’incident préjudiciel, dans le cadre duquel l’invalidité de l’article 241 du code des douanes a été soulevée en raison de son éventuelle incompatibilité avec un principe général du droit de l’Union proclamé par la Cour.

6. 

Le litige fait écho à un débat qui remonte à des siècles dans l’histoire des intérêts légaux, c’est-à-dire les intérêts non convenus par les parties, mais imposés par la loi. Les vestiges du fragment du livre de Paul sur les intérêts, Fiscus ex suis contractibus usuras non dat, sep ipse accipit ( 4 ), consigné dans le Digeste, semblent encore résonner dans les textes légaux qui appliquent cette ancienne distinction, selon qu’il s’agit d’obligations à la charge ou en faveur du fisc.

I – Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le code des douanes

7.

Conformément à l’article 236, paragraphe 1 :

« Il est procédé au remboursement des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de son paiement leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220 paragraphe 2.

[…] »

8.

Aux termes de l’article 241 :

« Le remboursement par les autorités douanières, de montants de droits à l’importation ou de droits à l’exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l’occasion de leur paiement ne donne pas lieu au paiement d’intérêt par ces autorités. Toutefois, un intérêt est payé lorsque :

une décision donnant suite à une demande de remboursement n’est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l’adoption de ladite décision,

les dispositions nationales le prévoient.

[…] »

Le règlement no 1472/2006

9.

Conformément à l’article 1er, paragraphes 1 et 4 :

« 1.   Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à l’exclusion des chaussures de sport, des chaussures à technologie spéciale, des pantoufles et d’autres chaussures d’intérieur et de chaussures avec coquille de protection, originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam et relevant des codes [de la nomenclature combinée] suivants : […]

[…]

4.   Sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables. »

Le droit allemand

L’Abgabenordnung (loi fiscale, ci-après l’« AO »)

10.

Aux termes de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de l’AO :

« 1.   La présente loi s’applique à tous les impôts y compris les remboursements fiscaux régis par le droit fédéral ou par le droit de l’Union européenne, dans la mesure où ils sont administrés par l’administration fédérale des finances ou l’administration régionale des finances. Elle ne s’applique que sous réserve du droit de l’Union européenne […].

3.   Les dispositions de la présente loi s’appliquent par analogie aux autres obligations fiscales sous réserve du droit de l’Union européenne […]. »

11.

L’article 3, paragraphes 3 et 4, dispose ce qui suit :

« 3.   Les droits à l’importation et à l’exportation au sens de l’article 4, points 10 et 11, du code des douanes constituent des impôts au sens de la présente loi.

4.   On entend par autres obligations fiscales […] les intérêts (articles 233 à 237) […] ainsi que les intérêts au sens du code des douanes […]. »

12.

L’article 37, paragraphes 1 et 2, énonce ce qui suit :

« 1.   Les droits tirés d’une dette fiscale sont […] le droit à restitution en vertu du paragraphe 2 […].

2.   En cas de paiement ou de remboursement sans fondement légal d’un impôt […], celui pour le compte duquel le paiement a été réalisé dispose d’un droit à restitution du montant payé ou remboursé à l’encontre du bénéficiaire du paiement […]. »

13.

Conformément à l’article 233 :

« Les droits tirés d’une dette fiscale (article 37) ne sont rémunérés par des intérêts que dans la mesure où la loi le prévoit […]. »

14.

Aux termes de l’article 236, paragraphe 1 :

« 1.   En cas de diminution d’un impôt fixé ou de remboursement fiscal accordé par une décision de justice définitive ou sur la base d’une telle décision, des intérêts sur la somme à restituer ou à rembourser sont calculés, sous réserve du paragraphe 3, à compter du jour de la litispendance jusqu’au jour de déblocage des fonds. […]. »

II – Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

15.

Entre les années 2006 et 2012, Wortmann KG Internationale Schuhproduktionen (ci-après « Wortmann ») a mis en libre pratique, en son propre nom, les marchandises de ses filiales, stockées dans un entrepôt douanier. Il s’agissait de chaussures avec dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam achetées auprès du fournisseur Brosmann Footwear (HK) Ltd (ci-après « Brosmann ») et du fabricant Seasonnable Footwear (Zhongshan) Ltd (ci-après « Seasonable »).

16.

Le Hauptzollamt Bielefeld (bureau des douanes de Bielefeld, Allemagne) a imposé des droits antidumping à Wortmann conformément au règlement no 1472/2006. Sur le fondement de deux affaires pendantes devant la Cour (pourvois C‑247/10 P ( 5 ) et C‑249/10 P ( 6 )), cette société a présenté, à partir du 22 juillet 2010, plusieurs demandes de remboursement des droits antidumping versés depuis l’année 2006.

17.

Dans l’arrêt Brossmann ( 7 ), la Cour a annulé le règlement no 1472/2006 « en tant qu’il concern[ait] Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd […] ».

18.

Au vu de cet arrêt, par décision du 17 avril 2013, le bureau des douanes de Bielefeld a remboursé à Wortmann les droits antidumping versés au titre des exercices 2007 (61895,49 euros) et 2008 (92870,62 euros).

19.

Le 29 novembre 2013, Wortmann a demandé les intérêts afférents à chacun des remboursements, calculés à compter du paiement des droits antidumping. L’administration a rejeté cette demande au motif que les circonstances visées à l’article 241 du code des douanes faisaient défaut : le retard de trois mois dans l’exécution du remboursement accordé ne s’était pas produit et, conformément à la législation allemande, les intérêts ne couraient qu’à compter de la date d’introduction du recours juridictionnel.

20.

Le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf), devant lequel le refus d’octroyer les intérêts a été contesté, estime que, en principe, conformément à l’article 241 du code des douanes, il n’y a pas lieu de les payer, car la demande de la requérante pourrait uniquement se fonder sur les dispositions du droit national, qui reconnaît seulement le droit de réclamer les intérêts découlant d’une obligation fiscale à compter de la date à laquelle une action en justice a été introduite (articles 233 et 236 de l’AO).

21.

Cependant, le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf) nourrit des doutes quant au point de savoir si ce refus est compatible avec les principes généraux du droit de l’Union énoncés dans la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le droit au remboursement ne se limite pas à l’impôt indûment perçu, mais couvre également les montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Cela concerne, plus particulièrement, les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt ( 8 ). Partant, conformément au droit de l’Union, les États membres doivent rembourser les taxes prélevées en violation de ce droit, avec des intérêts.

22.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :

« L’article 241 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire doit-il être interprété en ce sens que le droit national auquel renvoie cet article doit prévoir, en tenant compte du principe d’effectivité prévu par le droit de l’Union, le paiement d’intérêts sur les montants de droits à l’importation restitués pour la période allant de la date du versement de ces droits à celle de leur remboursement, même dans les cas dans lesquels le droit à restitution n’a pas fait l’objet d’une réclamation devant une juridiction nationale ? »

III – La procédure devant la Cour et les allégations des parties

A –   La procédure

23.

La décision de renvoi a été déposée au greffe de la Cour le 14 juillet 2015.

24.

Wortmann, le bureau des douanes de Bielefeld, les gouvernements allemand et italien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites dans le délai prévu à l’article 23, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

25.

En application de l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci a décidé d’adresser au Conseil de l’Union européenne une question pour réponse écrite, dans laquelle elle a invité ce dernier à prendre position sur la question de la validité de l’article 241 du code des douanes au regard de la jurisprudence de la Cour selon laquelle le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit ( 9 ). Le Conseil y a répondu le 2 mai 2016.

26.

Le 13 mai 2016, la Commission a produit les documents afférents à la procédure d’élaboration du règlement (CEE) no 1854/89 ( 10 ) afin qu’ils soient communiqués aux parties et fassent l’objet d’un débat, qui a eu lieu lors de l’audience.

27.

La date de cette audience ayant été indiquée, les parties ont été invitées, conformément à l’article 61, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice, à concentrer leurs plaidoiries sur la possibilité de concilier l’article 241 du code des douanes avec la jurisprudence de la Cour citée dans la question adressée au Conseil, ainsi que, le cas échéant, sur la question de la validité de cette disposition.

28.

Lors de l’audience, qui s’est tenue le 25 mai 2016, Wortmann, le bureau des douanes de Bielefeld, les gouvernements allemand et italien ainsi que la Commission et le Conseil ont comparu.

B –   Résumé des observations des parties

29.

Wortmann estime que l’obligation de paiement d’intérêts comme corollaire de l’annulation du règlement no 1472/2006 par la Cour dans l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) découle non pas de l’application du code des douanes, mais directement du droit primaire de l’Union et, plus particulièrement, d’une part, d’un principe général développé et consacré dans la jurisprudence de la Cour et, d’autre part, de la lecture de cet arrêt en liaison avec l’article 266 TFUE, qui fonde un droit à l’élimination de toutes les conséquences résultant de l’application d’un acte déclaré illégal par la Cour, avec un effet ex tunc.

30.

Wortmann soutient qu’elle est une bénéficiaire directe de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), en tant qu’importatrice des chaussures livrées par ses fournisseurs Brosmann et Seasonable, et que le principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE impose la restitution intégrale, avec intérêts, des droits antidumping indument perçus visés dans cet arrêt, étant donné qu’il s’agit de ressources propres de l’Union européenne qui ont été perçues par l’intermédiaire des autorités douanières des États membres.

31.

En définitive, selon Wortmann, la Cour devrait répondre au juge a quo que l’article 241 du code des douanes n’est pas applicable et qu’un importateur ayant payé des droits antidumping sur la base d’un règlement qui a été annulé par la Cour a droit à la restitution des sommes versées ainsi qu’au paiement des intérêts y afférents, calculés de la date du paiement de ces droits à celle de leur restitution intégrale. Si la Cour jugeait que l’article 241 du code des douanes est applicable, elle propose de l’interpréter en ce sens que le droit national auquel renvoie cet article doit prévoir le paiement d’intérêts sur les droits à l’importation restitués, même si aucun recours n’a été intenté devant une juridiction nationale.

32.

Selon le bureau des douanes de Bielefeld, le gouvernement allemand et la Commission, les deux exceptions visées à l’article 241 du code des douanes font défaut dans l’affaire au principal. Cette disposition du droit de l’Union exclut l’application du principe d’effectivité, bien qu’elle reconnaisse aux États membres la faculté d’instaurer un régime distinct, en tant qu’exception à la règle de l’absence d’obligation de paiement d’intérêts.

33.

Plus particulièrement, le bureau des douanes de Bielefeld estime que l’article 241 du code des douanes ne saurait être interprété en ce sens que le droit national, auquel il renvoie, doit nécessairement prévoir le paiement d’intérêts sur les sommes restituées au titre de droits à l’importation indus.

34.

Le gouvernement allemand soutient une thèse analogue à celle du bureau des douanes de Bielefeld et affirme, par ailleurs, qu’il convient de répondre à la question préjudicielle par la négative pour les raisons suivantes :

le nouveau code des douanes ( 11 ) a supprimé l’exception relative aux éventuelles règles prévues par les législations nationales, ce qui restreint davantage la possibilité de percevoir des intérêts en cas de remboursement ;

l’exclusion du paiement d’intérêts prévue à l’article 241 du code des douanes est justifiée par le mécanisme de liquidation initiale des droits de douane, qui permet aux marchandises d’être immédiatement disponibles pour leur commercialisation.

35.

Le gouvernement italien estime que toute restitution de sommes indument perçues requiert une demande préalable, de telle sorte que les intérêts ne peuvent courir qu’à compter de la date de cette demande. Une réglementation nationale contenant de telles dispositions n’est pas contraire au droit de l’Union. La jurisprudence de la Cour résultant des arrêts Littlewoods Retail e.a. et Irimie ( 12 ) n’est pas transposable à la présente affaire, qui concerne des droits antidumping dus en application d’un règlement du Conseil pleinement valide et effectif au moment du paiement, règlement qui, par la suite, a été annulé par la Cour. Il ajoute que, pour vérifier si les effets de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) affectaient Wortmann, les autorités allemandes ont dû apprécier les circonstances propres à cette entreprise, en sorte que la demande de remboursement des droits versés avait un caractère constitutif du droit au remboursement.

36.

Enfin, le gouvernement italien souligne que, en l’espèce, la violation qui a donné lieu au droit à remboursement serait imputable non pas aux États membres, mais aux institutions de l’Union. Il propose donc à la Cour, si elle décidait d’appliquer la jurisprudence découlant de l’arrêt Irimie ( 13 ), de déclarer que l’État membre concerné peut former un recours contre l’institution de l’Union responsable, pour lui réclamer le remboursement des charges accessoires qu’il aurait supportées.

37.

Outre les arguments susvisés, la Commission ajoute qu’il y a lieu d’opérer une distinction entre intérêts compensatoires et intérêts moratoires et de tenir compte de l’interdiction de l’enrichissement sans cause. Elle considère que la jurisprudence relative au droit d’exiger le paiement d’intérêts ( 14 ) a été élaborée dans des affaires dans lesquelles une réglementation nationale avait violé le droit de l’Union et, en outre, les requérants avaient prouvé les préjudices qu’ils avaient subis. Le paiement d’intérêts compensatoires, qui serait approprié dans la présente affaire, suppose d’apporter la preuve concrète du préjudice subi par la personne qui les réclame.

38.

À titre subsidiaire, la Commission affirme que Wortmann ne peut pas invoquer l’article 266 TFUE à l’appui de ses demandes, car : a) elle n’a pas participé à la procédure devant les juridictions de l’Union qui a donné lieu à l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et b) les intérêts moratoires dus en vertu de l’article 266 TFUE ne naîtraient qu’à compter du prononcé de cet arrêt. Quant aux intérêts compensatoires, la voie pour les exiger serait l’introduction d’un recours en responsabilité extracontractuelle contre le Conseil et la Commission.

39.

En ce qui concerne l’éventuelle violation de règles de rang supérieur par l’article 241 du code des douanes ( 15 ), la Commission souligne que le juge national n’a pas mis en doute la validité de celui-ci. De plus, elle estime que le législateur de l’Union jouit d’une marge discrétionnaire qu’il n’a pas dépassée, car la non-reconnaissance du droit de percevoir des intérêts sur les sommes trop payées suppose un juste équilibre : l’importateur tire profit de la disponibilité immédiate des marchandises et accepte, en contrepartie, de ne pas percevoir d’intérêts pour les éventuels trop-perçus.

40.

Selon la Commission, si la Cour jugeait que des intérêts doivent être payés sur les sommes remboursées, il faudrait garder à l’esprit que : a) le droit au versement d’intérêts compensatoires requiert la preuve d’un dommage ou d’un préjudice concret, qui fait défaut en l’espèce, car l’importateur répercute, en règle générale, le montant du droit antidumping sur l’acquéreur ; b) l’administration défenderesse pourrait opposer l’exception d’enrichissement sans cause de l’importateur ( 16 ), et c) en l’absence d’une réglementation de l’Union, c’est au droit national qu’il appartient de régler toutes questions accessoires ayant trait à la restitution de taxes indûment perçues, y compris le versement d’intérêts, leur taux et la date à partir de laquelle ils doivent être calculés.

41.

En définitive, selon la Commission, l’article 241 du code des douanes exclut le versement d’intérêts compensatoires en cas de perception indue de droits antidumping, à moins que la législation nationale prévoie ce droit. Ladite législation nationale ne doit pas nécessairement prévoir l’obligation de majorer les droits à l’importation restitués d’intérêts, pour la période allant de la date du versement de ces droits à celle de leur remboursement, si cette restitution n’a pas été réclamée en justice au préalable.

42.

Le Conseil défend la validité de l’article 241 du code des douanes en se fondant sur sa genèse historique. Il affirme que la jurisprudence de la Cour citée dans la décision de renvoi n’est pas applicable en l’espèce, dès lors qu’elle vise des situations non régies par le droit de l’Union. En revanche, dans la présente affaire, il existe une disposition expresse relative au calcul des intérêts, l’article 241 du code des douanes, qui reflète l’équilibre que le législateur de l’Union a souhaité maintenir entre les autorités douanières et les importateurs. À titre subsidiaire, il propose une interprétation dudit article 241 conforme au droit primaire pour déduire que les dispositions nationales devraient prévoir le paiement de tels intérêts.

IV – Appréciation

43.

Tout d’abord, il convient de lever tout doute sur le rapport qu’entretient le code des douanes avec le présent litige. D’une part, pour établir les droits antidumping sur les importations de chaussures, le règlement no 1472/2006 renvoyait expressément à ce code ( 17 ). D’autre part, le mécanisme de liquidation des droits antidumping s’appuie essentiellement sur la structure de la liquidation des droits de douane ( 18 ), de telle sorte que, bien que distincts des droits de douane, les premiers sont en réalité indissociables du code des douanes ( 19 ).

44.

Qui plus est, j’estime que cette question est implicitement résolue par la jurisprudence de la Cour ( 20 ), en vertu de laquelle le code des douanes définit des critères pour le remboursement des droits antidumping.

45.

La Cour a trois options en ce qui concerne l’application de l’article 241 du code des douanes au cas d’espèce. La première pencherait en faveur de son interprétation « linéaire », conformément à laquelle la règle générale (c’est‑à‑dire l’exclusion du paiement d’intérêts) primerait, car les deux exceptions visées dans cet article font défaut. La deuxième appellerait à déclarer que, précisément parce qu’elle interdit le paiement d’intérêts s’ajoutant au remboursement du principal, la règle contenue dans cette disposition est contraire à un principe fondamental du droit de l’Union et, partant, invalide. La troisième préconiserait une lecture nuancée de l’article 241 du code des douanes qui exclurait de son champ d’application les situations, telles que le présent cas d’espèce, dans lesquelles le remboursement des droits antidumping s’impose parce que l’acte normatif qui les avait instaurés a été déclaré invalide.

46.

Pour les raisons que j’indiquerai ci-après, j’estime que la troisième option est la plus adéquate, compte tenu des circonstances de la présente affaire. L’article 241 du code des douanes régit les situations « ordinaires » dans lesquelles une liquidation (y compris celle de droits antidumping) est annulée en raison d’erreurs affectant des éléments concrets propres à la dette douanière ( 21 ). Néanmoins, à mon sens, il ne couvre pas les hypothèses dans lesquelles la restitution des sommes indument versées par les importateurs découle de l’annulation du règlement qui prévoyait l’obligation d’effectuer ces paiements.

47.

Afin de mettre à jour les raisons qui sous-tendent la règle générale (qui s’oppose au versement d’intérêts sur le remboursement de droits de douane), il me semble opportun d’examiner la genèse de la disposition, au vu des documents que la Commission a fournis et qui ont fait l’objet d’un débat contradictoire au cours de l’audience.

48.

Conformément à ces documents, nous pouvons constater que l’article 241 du code des douanes trouve son origine dans l’article 17 bis du règlement (CEE) no 1430/79 ( 22 ), inséré par l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1854/89. Selon le projet élaboré par le groupe de travail sur les questions économiques du Conseil, lors des sessions des 11 et 12 mars 1986, le sixième considérant de ce dernier règlement contenait deux phrases qui ont été supprimées par un rectificatif du Conseil du 28 novembre 1988, qui a adopté la rédaction définitive ( 23 ). Or, malgré la suppression de ces phrases, il apparaît que la finalité de la règle était d’établir une certaine symétrie entre la situation des opérateurs et celle de l’administration douanière quant au calcul des intérêts lorsqu’une liquidation initiale devait être modifiée par la suite, dans un sens ou dans un autre, à cause d’erreurs dont elle était susceptible d’être entachée, étant donné la rapidité du système de dédouanement.

49.

La rédaction de ce considérant, qui éclaire le sens véritable de la disposition, place les parties concernées dans une situation raisonnable d’équilibre. Le déroulement de la procédure de fixation initiale de la dette douanière a une base si fragile qu’il justifie que, si cette dette est revue a posteriori aussi bien à la hausse qu’à la baisse, ni l’administration ni le contribuable ne soient tenus, en règle générale, de payer des intérêts pour la (courte) période intermédiaire.

50.

La Commission reconnaît elle-même que, dans certains cas, l’autorité douanière n’inspecte pas les marchandises avant de procéder à leur mainlevée et ne contrôle la régularité des importations que plus tard. Si, à ce moment ultérieur, une nouvelle liquidation s’impose, celle-ci peut conduire aussi bien l’importateur à devoir verser les sommes jusqu’alors impayées (liquidation initiale insuffisante) que l’administration à devoir rembourser le trop-perçu, dans les deux cas sans intérêts.

51.

Ce principe équilibré, qui répond à la pratique habituelle de la mainlevée des marchandises dans de brefs délais, a été incorporé dans le code des douanes et, plus précisément, dans son article 241 ainsi que dans une autre disposition, à savoir l’article 232, paragraphe 1, sous b), qui prévoit que le débiteur verse des intérêts de retard lorsqu’il n’a pas payé le montant des droits dans le délai imparti (indiqué à l’article 222, paragraphe 1, du code des douanes) ( 24 ), ce qui constitue l’inverse de l’exonération générale du paiement d’intérêts par l’autorité douanière conformément à l’article 241 du code des douanes ( 25 ).

52.

Dans ce contexte, l’exonération du paiement d’intérêts est réciproque (administration et opérateurs économiques) et justifiée eu égard aux circonstances normales d’application des éléments nécessaires pour liquider la dette douanière, étant implicite que, ce qui est remis en cause, c’est non pas le cadre normatif qui les régit, mais uniquement le calcul ou certaines circonstances spécifiques entourant ces éléments ou la liquidation qui a été effectuée ( 26 ).

53.

Une règle conçue pour ces hypothèses ne saurait s’appliquer, sans autre forme de procès, à d’autres qui n’ont guère de rapport avec la rapidité du dédouanement ou avec les paramètres propres à chaque liquidation, mais plutôt avec l’invalidité du règlement qui a instauré les droits antidumping. Dans ce dernier cas, selon moi, le droit au remboursement aussi bien du montant indument perçu que des intérêts y afférents découle directement de la déclaration d’invalidité du règlement qui a institué les droits antidumping. Ces derniers demeurent privés de leur fondement juridique, de telle sorte que les obligations qu’ils ont imposées deviennent sans « cause » légitime et les sommes versées à ce titre doivent être remboursées à qui de droit.

54.

Avant de poursuivre, j’estime qu’il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour relative au remboursement des sommes que les administrations nationales (y compris douanières) ont indument perçues en violation du droit de l’Union. Au terme de ce rappel, je proposerai de donner à la juridiction de renvoi une réponse formulée en des termes qui lui seront utiles pour sa décision finale ( 27 ).

55.

Dans les arrêts Metallgesellschaft e.a. et Test Claimants in the FII Group Litigation ( 28 ), les questions du remboursement d’impôts indument versés, de l’application du principe d’autonomie procédurale et du paiement d’intérêts en tant qu’action accessoire ( 29 ) ont été abordées. Plus particulièrement, dans le second arrêt, la Cour a affirmé que, « lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit communautaire, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. […] [C]ela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt » ( 30 ). La compensation pour l’indisponibilité monétaire constitue donc une obligation accessoire au remboursement du principal.

56.

Dans l’arrêt Littlewoods Retail e.a. ( 31 ), rendu dans un cas de restitution à l’assujetti d’un trop-perçu de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dû au non-respect du droit de l’Union, la Cour reprend la jurisprudence antérieure relative au droit d’obtenir le remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des pertes causées par l’indisponibilité monétaire. La Cour a ajouté qu’« il ressort[ait] de cette jurisprudence que le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découl[ait] de ce dernier droit » ( 32 ).

57.

Dans l’arrêt arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a. ( 33 ), rendu dans une procédure préjudicielle de validité, la Cour a constaté la nullité du règlement (CE) no 1193/2009 ( 34 ), dans la mesure où la méthode de calcul qu’il employait était contraire au règlement de base (CE) no 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO 2001, L 178, p. 1). En conséquence, la Cour a déduit que les cotisations à la production de sucre indument payées devaient être remboursées et, réitérant sa jurisprudence antérieure, dit pour droit que « les justiciables ayant droit au remboursement de sommes indûment payées […] fixées par un règlement invalide ont également droit au versement des intérêts y afférents » ( 35 ).

58.

Enfin, dans l’arrêt Irimie ( 36 ), la Cour a reconnu que l’article 110 TFUE s’opposait à une législation nationale instaurant un impôt sur la pollution en cas d’importation d’un véhicule automobile depuis un autre État membre, puis s’est prononcée dans la droite ligne des arrêts antérieurs ( 37 ). Après avoir cité le point 205 de l’arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation ( 38 ), elle a confirmé que « le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découl[ait] de ce dernier droit » ( 39 ).

59.

Dans sa jurisprudence, la Cour a donc proclamé un principe du droit de l’Union selon lequel le remboursement des montants payés indument parce qu’ils l’ont été en application de règles contraires à ce droit s’étend non seulement aux sommes indument perçues, mais également aux intérêts qu’elles produisent à compter de cette perception. Les arrêts précités comportent un élément commun, à savoir l’existence d’une obligation de paiement découlant d’une règle, nationale (arrêt Irimie) ( 40 ) ou de l’Union (arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a.) ( 41 ), qui a par la suite été déclarée inapplicable ou nulle pour avoir violé le droit de l’Union.

60.

De ce point de vue, aussi bien le remboursement du principal que le paiement d’intérêts, sans distinction entre l’un et l’autre, obéissent à la primauté du droit de l’Union, qui (sauf dans des cas exceptionnels et sans préjudice de certains délais) ne permet pas de laisser intacts les effets des règles qui lui sont contraires une fois qu’elles ont été déclarées invalides ou inapplicables dans un arrêt de la Cour. Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes de l’Union, l’article 264 TFUE, premier alinéa, dispose que, si un recours en annulation est accueilli, l’acte contesté est déclaré nul et non avenu. Il s’ensuit, comme le confirme, a contrario, le second alinéa de cet article, que, en principe, les « effets de l’acte annulé » ne peuvent pas subsister.

61.

À ce stade du débat, l’article 266 TFUE, invoqué par Wortmann à l’appui de sa demande, entre en jeu, dans la mesure où il impose aux institutions dont émane l’acte annulé [en l’occurrence le règlement no 1472/2006, qui a fait l’objet de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53)] l’obligation de prendre « les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ».

62.

Selon la Commission, Wortmann n’a pas la qualité pour agir en invoquant un arrêt rendu dans une procédure à laquelle elle n’a pas été partie, d’autant moins que, dans cet arrêt, la Cour a annulé le règlement no 1472/2006 « en tant qu’il concern[ait] » les entreprises requérantes. Cette objection pourrait, en principe, être admissible si Wortmann souhaitait participer à la phase d’exécution de l’arrêt devant l’institution de l’Union qui a adopté ce règlement. En revanche, elle ne l’est pas pour ce qui concerne la faculté de cette entreprise de se prévaloir, devant les autorités nationales, de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), dès lors que Wortmann a un lien étroit avec le règlement no 1472/2006 ainsi qu’avec le litige qui a conduit à son annulation, puisqu’elle importait les chaussures exportées par Brosmann et Seasonable soumises au droit antidumping qu’elle a dû payer.

63.

C’est précisément parce que Wortmann avait la qualité d’opérateur économique directement concerné pouvant bénéficier de l’annulation du règlement no 1472/2006 que, à la suite de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), l’administration douanière allemande lui a remboursé sans émettre de réserve le montant des droits antidumping qu’elle avait perçus au titre de l’exécution de ce règlement. Si elle n’en a pas fait de même à l’égard des intérêts afférents à ce trop-perçu, c’est uniquement à cause de l’obstacle que, selon cette administration, l’article 241 du code des douanes posait. Toutefois, j’insiste sur ce point, les autorités douanières allemandes ont tiré correctement, bien que partiellement, les conséquences ( 42 ) de l’annulation du règlement no 1472/2006 en octroyant le remboursement demandé par Wortmann.

64.

L’article 266 TFUE est, dans ce même contexte, un critère juridique utile pour orienter les actes des administrations nationales (et des juridictions des États membres) lorsque les sommes qu’elles ont indument perçues proviennent du recouvrement de ressources propres de l’Union. Parmi les arrêts susvisés, plusieurs (Littlewoods Retail e.a. ainsi que Zuckerfabrik Jülich e.a.) ( 43 ) avaient précisément trait à certaines de ces ressources (la TVA et les cotisations sur le sucre).

65.

La gestion des ressources propres ( 44 ) (qui incluent les droits antidumping) est assurée conformément à un schéma dans lequel les administrations des États membres sont chargées de leur liquidation et de leur recouvrement, les recettes étant partagées avec l’Union. L’État agit donc comme un instrument des institutions de l’Union. De ce fait, les autorités nationales sont particulièrement liées par un arrêt annulant un règlement antidumping et l’obligation du juge de tenir compte de la jurisprudence de la Cour en la matière ainsi que des critères d’exécution découlant de l’article 266 TFUE est renforcée.

66.

L’acte d’application individuelle des droits antidumping pris par les autorités nationales n’est autre qu’un acte d’exécution du règlement no 1472/2006 : lorsque celui-ci est annulé en tant que base juridique, l’autorité douanière doit prendre les « mesures nécessaires » pour priver d’effet la liquidation qui en résultait, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent. Celles-ci supposent aussi bien le remboursement des droits antidumping indument perçus que le versement des intérêts y afférents à compter du paiement de la liquidation. C’est la seule manière de rétablir la situation telle qu’elle aurait dû être si l’acte d’exécution du règlement annulé par la suite n’avait pas été pris. De plus, étant donné que ce rétablissement s’est produit après une longue période, au cours de laquelle Wortmann n’a pas pu faire usage des sommes qu’elle a indument payées, le versement d’intérêts compense l’indisponibilité de cette partie de son patrimoine.

67.

En définitive, l’invalidité du règlement no 1472/2006 a donné naissance aussi bien à l’obligation de rembourser les droits antidumping payés par Wortmann qu’à celle de majorer cette somme des intérêts y afférents. C’est la seule façon de contrebalancer totalement les effets de la liquidation douanière arrêtée par les autorités allemandes, éliminant ainsi ex tunc toutes ses conséquences. La Cour s’est prononcée en ce sens dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a. ( 45 ), à laquelle la présente affaire est particulièrement analogue.

68.

En outre, conformément à l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a. ( 46 ), ce « droit des justiciables » est indépendant de l’éventuelle absence d’action récursoire permettant aux États membres, tenus de rembourser le principal et les intérêts, de réclamer leur montant aux institutions de l’Union qui ont adopté le règlement annulé ( 47 ). Suivant ce même critère, je ne vois pas pourquoi l’administré, déjà suffisamment lésé par la liquidation d’un droit antidumping de surcroît invalide, devrait dupliquer ses actions en demandant, d’une part, à l’administration nationale le remboursement direct du principal et, d’autre part, le paiement d’intérêts au titre de la responsabilité extracontractuelle des institutions de l’Union en invoquant, comme la Commission semble le suggérer, l’article 340 TFUE.

69.

À mon sens, il n’y a pas non plus le moindre argument convaincant qui permette d’affirmer que le dies a quo du calcul des intérêts doit être la date du prononcé de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) ou, en dernière analyse, celle à laquelle ils ont été réclamé en justice. Pour ce qui concerne cette dernière thèse, dans l’arrêt Irimie ( 48 ), la Cour a dit pour droit que le droit de l’Union « s’oppos[ait] à un régime national […] qui limite les intérêts octroyés lors de la restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union à ceux courant à partir du jour suivant la date de la demande de restitution de cette taxe ».

70.

La Cour s’est prononcée en ce sens parce que, si la règle inverse avait été acceptée, l’assujetti aurait été privé d’une compensation adéquate de la perte occasionnée par le paiement de la taxe contraire au droit de l’Union, perte qui « dépend […] de la durée de l’indisponibilité de la somme indûment payée en violation du droit de l’Union […] dans la période entre la date du paiement indu de la taxe en cause et la date de restitution de celle-ci » ( 49 ). À mon sens, ces considérations valent, mutatis mutandis, à l’égard des intérêts dus en cas de remboursement de droits de douane perçus en application d’un règlement antidumping que la Cour a déclaré contraire au droit de l’Union. Dans un tel cas, l’obligation de paiement dérive directement du droit de l’Union, c’est‑à‑dire ipso jure, sans que sa naissance soit directement liée à la mise en demeure spécifique de payer les intérêts accessoires au principal.

71.

Pour des raisons analogues, en l’espèce, je n’estime pas non plus que le dies a quo du calcul des intérêts doive coïncider avec la date du prononcé de l’arrêt Brosmann (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) (le 2 février 2012). Certes, dans les circonstances particulières de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt Commission/IPK International ( 50 ), la Cour a jugé que le versement d’intérêts moratoires s’imposait en tant que « mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE » ( 51 ) et que « l’octroi d’intérêts compensatoires [, qui] relève […] de l’application du second alinéa de cet article 266, lequel se réfère à l’article 340 TFUE » ( 52 ), ne revêtait pas cette nature, car « le versement d’intérêts moratoires […] vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation » ( 53 ).

72.

Selon moi, l’arrêt Commission/IPK International (C‑336/13 P, EU:C:2015:83) doit être lu en fonction des caractéristiques propres à ce litige, sans que l’on puisse en déduire un revirement par rapport à la jurisprudence de la Cour susvisée ( 54 ). Le principe selon lequel les sommes indument payées aux autorités nationales (en l’occurrence douanières) du fait de règles invalides ou inapplicables, conformément au droit de l’Union, donnent à la personne qui les a payées le droit d’obtenir le remboursement aussi bien des sommes indument perçues que des intérêts y afférents subsiste donc.

73.

Pour ce qui est des autres objections soulevées à l’encontre d’une obligation de remboursement s’étendant aux intérêts dus en raison de l’indisponibilité des sommes perçues, il suffit de constater que l’existence d’un hypothétique enrichissement sans cause de la personne qui a payé les droits antidumping (Wortmann) pour avoir répercuté ces sommes sur des tiers n’a pas été démontrée. Qui plus est, cette circonstance n’a même pas été invoquée à l’égard du principal de la dette par l’administration douanière allemande, qui a remboursé le montant perçu sans émettre de réserve. À plus forte raison, cette objection ne saurait être soulevée pour refuser le paiement d’intérêts découlant, en définitive, de l’impossibilité, pour le payeur, de disposer des sommes d’argent perçues, alors qu’elles ont été – d’un point de vue objectif – indument retenues par l’administration.

V – Conclusion

74.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions posées par le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf, Allemagne) de la manière suivante :

L’obligation des autorités douanières de rembourser les sommes indument payées par un importateur au titre des droits antidumping prévus par un règlement annulé par la Cour s’étend au paiement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date du paiement de ces sommes.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO 2006, L 275, p. 1).

( 3 ) Règlement du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »).

( 4 ) « Le fisc ne paie pas d’intérêts dans ses contrats, mais en perçoit », « Liber singularis de usuris », Paul, D.22.1.17.5. Dans ce contexte, le terme « contrats » désigne les relations obligatoires, comme le dénote le reste de la phrase de Paul.

( 5 ) Arrêt du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710).

( 6 ) Arrêt du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, ci‑après l’« arrêt Brosmann », EU:C:2012:53).

( 7 ) C‑249/10 P, EU:C:2012:53.

( 8 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, points 20 et suiv.).

( 9 ) Courrier du 6 avril 2016.

( 10 ) Règlement du Conseil du 14 juin 1989 relatif à la prise en compte et aux conditions de paiement des montants de droits à l’importation ou de droits à l’exportation résultant d’une dette douanière (JO 1989, L 186, p. 1).

( 11 ) Règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).

( 12 ) Arrêts du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478), ainsi que du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250).

( 13 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250).

( 14 ) Arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, EU:C:2001:134, points 83 et 87 à 95) ; du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, points 197 à 220) ; du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478, points 22 à 34), ainsi que du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, points 16 à 29).

( 15 ) Lors de l’audience, la Commission a plaidé en faveur de la validité de l’article 241 du code des douanes, en se référant à son élaboration et aux conditions sous lesquelles, selon elle, l’obligation de payer des intérêts naît, parmi lesquelles figure la nécessité de prouver un préjudice. Elle a admis que, en dernière analyse, il serait possible d’interpréter cet article conformément au droit de l’Union.

( 16 ) Arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, EU:C:1983:318, point 13).

( 17 ) Voir article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1472/2006, reproduit au point 9 des présentes conclusions.

( 18 ) Dans le cas précis des droits prévus par le règlement no 1472/2006, ils ont été fixés comme un pourcentage sur les droits de douane. L’étape précédant la liquidation consistait donc à appliquer le taux correspondant à la valeur en douane pour déterminer le montant des droits de douane. Par la suite, le pourcentage correspondant au droit antidumping était ajouté à ce montant (article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1472/2006).

( 19 ) Le droit antidumping est formellement exprimé dans la nomenclature de la codification douanière unifiée par l’ajout de quatre caractères alphanumériques aux codes de la nomenclature combinée (code TARIC additionnel). Le règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1) se réfère aux « sous‑positions du TARIC » et renvoie à l’annexe II, dont le point 4 vise les droits antidumping.

( 20 ) Voir, à cet égard, arrêts du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale (C‑351/04, EU:C:2007:547) ; du 14 juin 2012, CIVAD (C‑533/10, EU:C:2012:347), ainsi que du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Dans ces affaires, la Cour a considéré que les droits antidumping payés en vertu d’un règlement déclaré invalide n’étaient pas légalement dus au sens de l’article 236, paragraphe 1, du code des douanes, et qu’il y avait lieu d’interpréter l’article 236, paragraphe 2, dudit code, dès lors qu’il était pertinent pour résoudre le point de savoir si le remboursement était justifié ou non.

( 21 ) Lors de l’audience, la Commission les a qualifiées d’« erreurs techniques ».

( 22 ) Règlement du Conseil du 2 juillet 1979 relatif au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation (JO 1979, L 175, p. 1).

( 23 ) Ce considérant, dont j’ai mis les phrases supprimées en italique, énonçait : « […] compte tenu du développement constant du trafic commercial et de la nécessité de libérer au plus vite les marchandises, les méthodes de contrôle du service des douanes ont été adaptées de telle sorte que ce service ne vérifie les marchandises avant d’en donner mainlevée que dans un nombre très limité de cas ; que le contrôle de la régularité des importations et des exportations est ainsi reporté et consiste le plus souvent en un contrôle comptable, qui peut entraîner le recouvrement a posteriori d’un montant supplémentaire de droits ; que la personne tenue au paiement de ce montant ne doit pas supporter les conséquences éventuelles de ces méthodes de contrôle du service des douanes et qu’un tel recouvrement a posteriori ne doit donc pas donner lieu au paiement d’intérêts à l’autorité douanière ; que ce contrôle a posteriori peut de même entraîner le remboursement d’un montant de droits perçus en trop ; que le montant de droits perçus en trop a été calculé sur la base des éléments de taxation déclarés par l’intéressé lui-même et que celui-ci a pu disposer des marchandises beaucoup plus rapidement que si elles avaient été vérifiées avant l’octroi de la mainlevée ; qu’un tel remboursement ne doit donc pas non plus donner lieu au paiement d’intérêts de la part de l’autorité douanière ».

( 24 ) Dans l’arrêt du 31 mars 2011, Aurubis Balgaria (C‑546/09, EU:C:2011:199), la Cour a jugé que « l’article 232, paragraphe 1, sous b), du […] code des douanes communautaire […] doit être interprété en ce sens que les intérêts de retard relatifs au montant des droits de douane restant à recouvrer ne peuvent être perçus, en vertu de cette disposition, que pour la période postérieure à l’expiration du délai de paiement dudit montant ».

( 25 ) Ce même équilibre a été incorporé dans le nouveau code des douanes [article 114 (qui régit les intérêts de la dette douanière) et article 116, paragraphe 6 (qui porte sur les intérêts en cas de remboursement ou de remise de droits d’importation ou d’exportation), du règlement no 952/2013].

( 26 ) Au cours de l’audience, la Commission a donné l’exemple des erreurs dans la classification douanière des marchandises, dans les quantités dédouanées ou dans les taux des droits de douane liquidés.

( 27 ) Il appartient à la Cour d’« extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de l’acte portant renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation – ou, le cas échéant, une appréciation de validité – compte tenu de l’objet du litige » [arrêt du 29 novembre 1978, Redmond (83/78, EU:C:1978:214, point 26)].

( 28 ) Arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, EU:C:2001:134), ainsi que du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774). Ces deux arrêts portaient sur l’éventuelle violation des libertés d’établissement et de circulation des capitaux, en raison d’une différence dans le traitement fiscal des distributions de dividendes entre les sociétés mères et leurs filiales selon qu’elles étaient résidentes ou non.

( 29 ) L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, EU:C:2001:134), a pour particularité que l’obligation de paiement d’intérêts n’était pas accessoire, mais constituait l’objet même des réclamations des demanderesses au principal.

( 30 ) Arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, point 205).

( 31 ) Arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478).

( 32 ) Arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478, point 26).

( 33 ) Arrêt du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10, EU:C:2012:591).

( 34 ) Règlement de la Commission du 3 novembre 2009, rectifiant les règlements (CE) no 1792/2003, (CE) no 1775/2004, (CE) no 1686/2005, (CE) no 164/2007 et fixant, pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre (JO 2009, L 321, p. 1).

( 35 ) Point 3 du dispositif.

( 36 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250).

( 37 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, point 28). À cet égard, la Cour a réitéré que la « perte dépend[ait] notamment de la durée de l’indisponibilité de la somme indûment payée en violation du droit de l’Union et [survenait] ainsi, en principe, dans la période entre la date du paiement indu de la taxe en cause et la date de restitution de celle‑ci ».

( 38 ) Arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774).

( 39 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, point 22).

( 40 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250).

( 41 ) Arrêt du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10, EU:C:2012:591).

( 42 ) Dans l’arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356), la Cour a jugé qu’un arrêt annulant une décision de la Commission « [la] fai[sait] disparaître rétroactivement […] à l’égard de tous les justiciables. Un tel arrêt d’annulation a ainsi un effet erga omnes, qui lui confère l’autorité absolue de la chose jugée ». Bien que les circonstances de cette affaire diffèrent de celles du présent cas d’espèce, cette affirmation concorde avec l’article 264 TFUE.

( 43 ) Arrêts du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478), ainsi que du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10, EU:C:2012:591).

( 44 ) Le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2016 (JO 2016, L 48, p. 1) contient, dans le titre « Ressources propres » (p. 36), le chapitre relatif aux « Droits de douane et autres droits visés à l’article 2, paragraphe 1, point a), de la décision 2007/436/CE, Euratom », lesquels incluent, outre les droits du tarif douanier commun, les « autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union européenne sur les échanges avec les pays tiers ».

( 45 ) Arrêt du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C-113/10, C-147/10 et C-234/10, EU:C:2012:591).

( 46 ) Aux termes du point 3, in fine, du dispositif de cet arrêt, « [u]ne juridiction nationale ne peut, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, refuser le paiement d’intérêts sur les montants perçus par un État membre sur le fondement d’un règlement invalide au motif que cet État membre ne peut réclamer les intérêts correspondants sur les ressources propres de l’Union européenne ».

( 47 ) Le présent renvoi préjudiciel ne porte pas sur la question, soulevée par le gouvernement italien dans ses observations écrites, de savoir si les autorités allemandes pourraient, à leur tour, intenter une action contre les institutions de l’Union pour obtenir le remboursement de la somme qu’elles ont dû restituer aux personnes auprès desquelles elles ont perçu les droits antidumping prévus par le règlement déclaré invalide.

( 48 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250).

( 49 ) Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, point 28).

( 50 ) Arrêt du 12 février 2015, Commission/IPK International (C‑336/13 P, EU:C:2015:83). Ce litige trouve son origine dans une décision de la Commission de retirer le bénéfice de certaines aides octroyées à IPK, en application de laquelle cette société ne percevait déjà plus certaines sommes et s’était trouvée dans l’obligation de rembourser les montants perçus assortis d’intérêts. Cette décision ayant été annulée, la Commission a payé les sommes dues et celles restituées par IPK, majorées d’« intérêts compensatoires » pour la période antérieure au prononcé de l’arrêt d’annulation.

( 51 ) Arrêt du 12 février 2015, Commission/IPK International (C‑336/13 P, EU:C:2015:83, point 30).

( 52 ) Arrêt du 12 février 2015, Commission/IPK International (C‑336/13 P, EU:C:2015:83, point 37).

( 53 ) Arrêt du 12 février 2015, Commission/IPK International (C‑336/13 P, EU:C:2015:83, point 30). Aux points 37 et 38, la Cour a expliqué les raisons pour lesquelles elle estimait que les intérêts dus dans cette affaire étaient moratoires et non compensatoires et ajouté que « [c]ette catégorie d’intérêts [compensatoires] vise […] à compenser l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation juridictionnelle du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur ». Cette motivation s’éclaire à la lecture du point 92 des conclusions que l’avocat général Bot a présentées dans cette même affaire (EU:C:2014:2170) : « [p]ar suite de l’effet ex tunc de l’annulation, la Commission était donc tenue au paiement d’une dette en principal certaine, déterminée et exigible constituée des sommes à payer ou à restituer à IPK. La créance d’IPK était donc productive d’intérêts moratoires qui couraient, pour la somme à payer, à compter de la réclamation effectuée par IPK et, pour la somme à restituer, à partir de son paiement par IPK à la Commission. »

( 54 ) Voir points 46 et suiv. des présentes conclusions.