CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 7 avril 2016 ( 1 )

Affaire C‑4/15

Staatssecretaris van Financiën

contre

Argos Supply Trading BV

[demande de décision préjudicielle

formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Régime du perfectionnement passif — Produits compensateurs — Droits à l’importation — Exonération totale ou partielle — Délivrance d’une autorisation — Conditions économiques — Transformateurs communautaires — Règlement (CEE) no 2913/92 — Article 148, sous c) — Abus de droit»

I – Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 148, sous c), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire ( 2 ), tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 ( 3 ) (ci‑après le « code des douanes »).

2.

Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances, Pays‑Bas) à la société Argos Supply Trading BV (ci‑après « Argos ») au sujet du rejet, par les autorités douanières néerlandaises, d’une demande d’autorisation de perfectionnement passif formée par cette société.

3.

La question préjudicielle invite la Cour à clarifier la portée des conditions économiques, énoncées à l’article 148, sous c), du code des douanes, auxquelles est subordonné l’octroi d’une telle autorisation. Plus précisément, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas) cherche à obtenir certaines précisions quant à la notion de « transformateurs communautaires » au sens de cette disposition, dans la mesure où ces conditions économiques se réfèrent à l’absence d’atteinte grave aux intérêts essentiels de ceux‑ci.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement (CEE) no 2473/86

4.

Le règlement (CEE) no 2473/86 du Conseil, du 24 juillet 1986, relatif au régime du perfectionnement passif et au système des échanges standard ( 4 ) prévoyait les dispositions applicables au régime du perfectionnement passif jusqu’à l’entrée en vigueur du code des douanes.

5.

Les premier, quatrième et sixième considérants de ce règlement énonçaient :

« considérant que, dans le cadre de la division internationale du travail, de nombreuses entreprises communautaires recourent au régime du perfectionnement passif, à savoir l’exportation de marchandises en vue de leur réimportation après transformation, ouvraison ou réparation ; que le recours à ce régime est justifié par des motifs de caractère économique ou technique ;

[…]

considérant qu’il faut prévoir un système d’exonération partielle ou totale des droits à l’importation applicables aux produits compensateurs ou aux marchandises qui s’y substituent, afin d’éviter que les marchandises exportées de la Communauté en vue du perfectionnement ne soient taxées ;

[…]

considérant que le bénéfice du régime du perfectionnement passif doit être refusé par les autorités douanières lorsque les intérêts essentiels des transformateurs communautaires risquent d’être gravement affectés.

[…] »

2. Le code des douanes

6.

Le code des douanes institue, à ses articles 84 et suivants, divers régimes douaniers économiques. Ceux‑ci incluent, notamment, les régimes du perfectionnement passif et de la transformation sous douane.

7.

Conformément à l’article 85 de ce code, « [l]e recours à tout régime douanier économique est subordonné à la délivrance par les autorités douanières d’une autorisation ».

a) Dispositions relatives au régime du perfectionnement passif

8.

L’article 145 dudit code énonce :

« 1.   Le régime du perfectionnement passif permet […] d’exporter temporairement des marchandises communautaires en dehors du territoire douanier de la Communauté en vue de les soumettre à des opérations de perfectionnement et de mettre les produits résultant de ces opérations en libre pratique en exonération totale ou partielle des droits à l’importation.

2.   L’exportation temporaire des marchandises communautaires comporte l’application des droits à l’exportation, des mesures de politique commerciale et des autres formalités prévues pour la sortie hors du territoire douanier de la Communauté d’une marchandise communautaire.

3.   On entend par :

a)

marchandises d’exportation temporaire : les marchandises placées sous le régime de perfectionnement passif ;

b)

opérations de perfectionnement : les opérations visées à l’article 114, paragraphe 2, point c), premier, deuxième et troisième tirets ;

c)

produits compensateurs : tous les produits résultant d’opérations de perfectionnement ;

[…] »

9.

Selon l’article 148, sous c), du même code, l’autorisation de perfectionnement passif « n’est accordée que pour autant que l’octroi du bénéfice du régime du perfectionnement passif ne soit pas de nature à porter gravement atteinte aux intérêts essentiels des transformateurs communautaires (conditions économiques) ».

10.

L’article 151, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que « [l]’exonération totale ou partielle des droits à l’importation prévue à l’article 145 consiste à déduire du montant des droits à l’importation afférents aux produits compensateurs mis en libre pratique le montant des droits à l’importation qui seraient applicables à la même date aux marchandises d’exportation temporaire si elles étaient importées sur le territoire douanier de la Communauté en provenance du pays où elles ont fait l’objet de l’opération ou de la dernière opération de perfectionnement ».

11.

L’article 114, paragraphe 2, de ce code est libellé comme suit :

« On entend par :

[…]

c)

opérations de perfectionnement :

l’ouvraison de marchandises, y compris leur montage, leur assemblage, leur adaptation à d’autres marchandises,

la transformation de marchandises,

la réparation de marchandises, y compris leur remise en état et leur mise au point

ainsi que

l’utilisation de certaines marchandises déterminées selon la procédure du comité, qui ne se retrouvent pas dans les produits compensateurs mais qui permettent ou facilitent l’obtention de ces produits, même si elles disparaissent totalement ou partiellement au cours de leur utilisation ;

[…] »

b) Dispositions relatives au régime de la transformation sous douane

12.

L’article 130 du code des douanes dispose que « [l]e régime de la transformation sous douane permet de mettre en œuvre sur le territoire douanier de la Communauté des marchandises non communautaires pour leur faire subir des opérations qui en modifient l’espèce ou l’état et sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation ni aux mesures de politique commerciale, et de mettre en libre pratique aux droits à l’importation qui leur sont propres les produits résultant de ces opérations. Ces produits sont dénommés produits transformés ».

13.

L’article 133 de ce code énonce :

« L’autorisation n’est accordée que :

[…]

e)

dans le cas où sont remplies les conditions nécessaires pour que le régime puisse contribuer à favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation de marchandises dans la Communauté sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires (conditions économiques). Les cas dans lesquels les conditions économiques sont considérées comme remplies peuvent être déterminés selon la procédure du comité. »

3. Le nouveau code des douanes

14.

Le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (refonte) ( 5 ) (ci‑après le « nouveau code des douanes ») prévoit désormais, à son article 211, les conditions d’autorisation applicables dans le cadre de l’ensemble des régimes douaniers économiques (dénommés « régimes particuliers »). Aux termes du paragraphe 4, sous b), de cette disposition, qui vise spécifiquement les régimes de transformation ( 6 ), une autorisation ne peut être accordée que si, notamment, « les intérêts essentiels des producteurs de l’Union ne risquent pas d’être affectés négativement par une autorisation de placement sous un régime de transformation ». Conformément à l’article 288 du nouveau code des douanes ( 7 ), ladite disposition s’appliquera à partir du 1er mai 2016.

4. Le règlement d’application

15.

Le règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 214/2007 de la Commission, du 28 février 2007 (JO L 62, p. 6, ci‑après le « règlement d’application ») contient, sous son titre III intitulé « Régimes douaniers économiques », un chapitre 1 intitulé « Dispositions de base communes à plusieurs régimes ».

16.

Dans ce cadre, l’article 502 de ce règlement dispose :

« 1.   À moins que les conditions économiques soient considérées comme remplies en vertu des dispositions [du chapitre 6], l’autorisation ne peut être accordée sans examen des conditions économiques par les autorités douanières.

[…]

4.   En ce qui concerne le régime de perfectionnement passif (chapitre 6), l’examen doit établir :

a)

si le perfectionnement hors de la Communauté n’est pas de nature à porter gravement atteinte aux intérêts des transformateurs communautaires ou

b)

si le perfectionnement dans la Communauté est économiquement impossible ou n’est pas réalisable pour des raisons techniques ou à cause d’obligations contractuelles. »

17.

Conformément à l’article 503, sous a), dudit règlement, les autorités douanières ont la faculté d’effectuer l’examen des conditions économiques en liaison avec la Commission. L’article 504 du même règlement régit la procédure à suivre lorsqu’il est fait usage d’une telle faculté dans les termes suivants :

« 1.   Lorsqu’un examen est engagé conformément à l’article 503, le cas est transmis à la Commission. Il comporte les conclusions de l’examen déjà opéré.

2.   La Commission adresse un accusé de réception ou, lorsqu’elle agit de sa propre initiative, le notifie aux autorités douanières concernées. Elle détermine, en consultation avec ces dernières, si un examen des conditions économiques par le comité s’impose.

[…]

4.   Les conclusions du comité sont prises en considération par les autorités douanières concernées et par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou demandes d’autorisation similaires.

[…] »

18.

Aux termes de l’article 551, paragraphe 1, du règlement d’application, « [l]e régime de la transformation sous douane est applicable aux marchandises dont la transformation conduit à l’obtention de produits auxquels s’applique un montant de droits à l’importation inférieur au montant applicable aux marchandises d’importation ».

19.

L’article 585, paragraphe 1, de ce règlement, qui figure sous le chapitre 6 du titre III, intitulé « Perfectionnement passif », prévoit que, « [s]auf s’il existe des indications contraires, les intérêts essentiels des transformateurs communautaires sont considérés comme n’étant pas gravement atteints ».

B – Le droit international

20.

La Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers, signée à Kyoto le 18 mai 1973, dans sa version révisée (ci‑après la « convention de Kyoto révisée »), est entrée en vigueur le 3 février 2006. Cette convention vise, ainsi qu’il ressort de son préambule, à simplifier et à harmoniser les régimes douaniers des parties contractantes.

21.

Ladite convention comprend une annexe générale ainsi que plusieurs annexes spécifiques ( 8 ). Chaque annexe est accompagnée de directives qui ne lient pas les parties contractantes ( 9 ).

22.

L’annexe spécifique F, intitulée « Transformation », prévoit, à son chapitre 2, les dispositions applicables au régime du perfectionnement passif. Les directives relatives à l’annexe spécifique F de la convention de Kyoto révisée (ci‑après les « directives de Kyoto ») énoncent, à leur chapitre 2 intitulé « Perfectionnement passif », sous le titre « Conditions économiques » :

« Le bénéfice du régime du perfectionnement passif n’est pas accordé lorsque les opérations envisagées sont de nature à porter gravement atteinte aux intérêts essentiels des transformateurs ou producteurs nationaux.

Dans le cas du régime du perfectionnement passif, les intérêts économiques d’un pays sont difficiles à établir, étant donné que, si ce régime est favorable essentiellement à l’emploi à l’étranger, il est aussi un élément de réduction des coûts de production des fabricants nationaux.

Un équilibre doit donc être trouvé entre une réduction maximale des coûts totaux de production des opérateurs nationaux grâce à la possibilité de sous‑traiter à l’étranger et une réservation des opérations de perfectionnement à d’autres opérateurs nationaux, au risque de rendre l’industrie nationale moins concurrentielle. »

23.

L’Union a adhéré à la convention de Kyoto révisée par la décision 2003/231/CE du Conseil, du 17 mars 2003, portant adhésion de la Communauté européenne au protocole d’amendement à la convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers (convention de Kyoto) ( 10 ). L’Union n’a toutefois pas adhéré à l’appendice III du protocole d’amendement, lequel correspond aux annexes spécifiques de la convention de Kyoto révisée ( 11 ).

III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

24.

Le 30 juin 2008, Argos a introduit auprès de l’inspecteur des douanes néerlandais une demande au titre de l’article 85 du code des douanes en vue de la délivrance d’une autorisation de perfectionnement passif. Cette société entendait placer sous ce régime de l’essence d’origine communautaire destinée à être exportée en vue d’être incorporée à du bioéthanol provenant d’un État tiers et n’ayant pas été mis en libre pratique dans l’Union. Par ce mélange, présentant un rapport d’environ 15 unités d’essence pour 85 unités de bioéthanol, Argos aurait obtenu de l’éthanol 85 (ci‑après l’« E85 »), un biocarburant utilisable dans certains véhicules adaptés, dits à « carburant modulable ».

25.

Selon cette demande, Argos projetait de procéder audit mélange en haute mer. L’essence et le bioéthanol auraient été chargés, depuis un port néerlandais, à bord d’un navire, dans deux compartiments séparés par une cloison. Une fois ce navire parvenu au‑delà des eaux territoriales de l’Union, cette cloison aurait été ôtée de manière à ce que les deux composants se mélangent, l’effet des vagues stimulant ce processus. Le navire serait par la suite retourné aux Pays‑Bas.

26.

L’E85 ainsi obtenu aurait alors été déclaré à la douane pour la mise en libre pratique dans l’Union et soumis aux droits à l’importation afférents à ce produit (au taux de 6,5 % ad valorem). L’application du régime du perfectionnement passif aurait permis à Argos de bénéficier d’une réduction de ces droits d’un montant équivalent à celui des droits de douane (au taux de 4,7 % ad valorem) qui auraient été applicables à la même date à l’essence d’origine communautaire si elle avait été importée et mise en libre pratique dans l’Union en provenance du lieu où elle a été mélangée.

27.

L’inspecteur des douanes a soumis, pour avis, la demande d’Argos à la Commission européenne pour qu’elle examine si les conditions économiques auxquelles l’article 148, sous c), du code des douanes subordonne l’octroi d’une autorisation de perfectionnement passif étaient remplies ( 12 ). La Commission a alors sollicité l’avis du comité du code des douanes (ci‑après le « comité ») ( 13 ).

28.

Le comité a estimé qu’il convenait de refuser à Argos le bénéfice du régime du perfectionnement passif au motif que ces conditions n’étaient pas réunies. Cette conclusion fut adoptée sur la base des arguments exposés par la Commission lors d’une réunion du comité qui s’est tenue le 11 novembre 2009. La Commission faisait valoir que l’E85 importé était en concurrence directe avec le bioéthanol communautaire, dès lors que l’E85 est composé principalement de bioéthanol. Or, en 2008, près de la moitié de la capacité de production d’éthanol industriel de l’Union n’aurait pas été utilisée. Selon la Commission, une importation de bioéthanol en grandes quantités aurait, par conséquent, gravement affecté les intérêts essentiels des producteurs communautaires de bioéthanol.

29.

Par décision du 13 avril 2010, l’inspecteur des douanes a, en se référant à ces arguments, rejeté la demande d’Argos.

30.

Après que le Rechtbank te Haarlem (tribunal de Haarlem) a rejeté son recours, Argos a interjeté appel devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Cette juridiction a infirmé la décision de première instance en considérant, notamment, qu’il convenait d’apprécier si la transformation d’essence communautaire en E85 sous le régime du perfectionnement passif conduirait à porter atteinte aux intérêts, non pas des producteurs communautaires de bioéthanol, mais des producteurs communautaires d’E85. Or, selon ladite juridiction, dès lors que l’inspecteur des douanes avait considéré qu’il ne disposait pas d’éléments indiquant que le bénéfice du régime sollicité aurait conduit à affecter les intérêts essentiels de ces derniers producteurs, il aurait dû considérer les conditions économiques dudit régime comme étant remplies, conformément à la présomption prévue à l’article 585, paragraphe 1, du règlement d’application. Le secrétaire d’État aux finances s’est alors pourvu en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas).

31.

Cette juridiction estime que l’issue du pourvoi dépend de l’interprétation de la notion de « transformateurs communautaires » au sens de l’article 148, sous c), du code des douanes et, plus spécifiquement, de la question de savoir si cette notion inclut, en l’occurrence, les producteurs communautaires de bioéthanol.

32.

Ladite juridiction nourrit, en particulier, des doutes quant à savoir s’il y a lieu d’étendre par analogie au régime du perfectionnement passif la conclusion que la Cour a dégagée, dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods ( 14 ), s’agissant du régime de la transformation sous douane. Il ressort de cet arrêt que, aux fins d’examiner le respect des conditions économiques de ce dernier régime, doivent être pris en compte tant les intérêts économiques des producteurs communautaires du produit fini obtenu à la suite de la transformation que ceux des producteurs communautaires des matières premières utilisées au cours de cette transformation.

33.

Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans le cadre de l’appréciation des conditions économiques requises en vue du régime de perfectionnement passif, convient‑il d’interpréter la notion de “transformateurs communautaires” à l’article 148, sous c), du [code des douanes] en ce sens qu’elle vise notamment des producteurs communautaires des matières premières ou des produits semi‑finis identiques à ceux qui sont transformés en tant que marchandises non communautaires dans le processus de perfectionnement ? »

34.

Argos, les gouvernements hellénique et néerlandais, ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites. Ont comparu à l’audience du 13 janvier 2016 Argos, le gouvernement néerlandais et la Commission.

IV – Appréciation

A – Considérations liminaires

35.

Le litige au principal tire son origine du refus des autorités douanières néerlandaises d’accorder à Argos une autorisation de bénéficier du régime du perfectionnement passif pour l’opération consistant à exporter en haute mer de l’essence communautaire en vue de la mélanger à du bioéthanol non communautaire et à importer ensuite l’E85 ainsi obtenu ( 15 ).

36.

Ainsi que cette société l’a affirmé lors de l’audience, la conduite en haute mer de cette opération obéissait uniquement à la volonté de tirer avantage d’un différentiel de taxation douanière entre le bioéthanol et l’E85.

37.

Considéré comme un produit agricole, le bioéthanol est soumis à ce titre à des droits à l’importation correspondant actuellement, selon la Commission, à un prélèvement d’environ 40 % ad valorem ( 16 ). Une fois mélangé à de l’essence, même dans des proportions infimes, ce produit perd sa nature de produit agricole pour devenir un produit chimique taxé au taux de 6,5 % ad valorem ( 17 ).

38.

Le tarif frappant le produit fini (l’E85) est donc inférieur à celui grevant les matières premières ou les produits semi‑finis (ci‑après, ensemble, les « produits intermédiaires» ( 18 )) d’origine non communautaire utilisés pour obtenir ce produit (le bioéthanol). Une telle situation est communément qualifiée d’« anomalie tarifaire », dès lors que les taux prévus par le tarif douanier commun augmentent en général à mesure de l’ouvraison du produit ( 19 ).

39.

Argos a également précisé, lors de l’audience, qu’elle avait, dans un premier temps, sollicité une autorisation de mélanger les produits susmentionnés sous le régime de la transformation sous douane ( 20 ). L’application de ce régime lui aurait permis de transformer, dans l’Union, du bioéthanol non communautaire sans que ce produit soit soumis aux droits à l’importation, seul le produit résultant de la transformation, dénommé « produit transformé » (l’E85), étant taxé au tarif (inférieur) y afférent lors de sa mise en libre pratique ( 21 ). Ce n’est qu’après avoir essuyé un refus que cette société a, dans un second temps, demandé une autorisation d’effectuer ce mélange en haute mer sous le régime du perfectionnement passif.

40.

Il me semble utile de souligner, à ce stade, qu’Argos n’a pas emprunté la voie qui aurait consisté à mélanger, hors de l’Union, le bioéthanol à de l’essence communautaire placée sous le régime de l’exportation ( 22 ). L’application de ce régime n’est pourtant en principe pas soumise à autorisation préalable ( 23 ). Il demeure d’ailleurs loisible à tout opérateur de mêler, plus simplement, du bioéthanol à de l’essence non communautaire hors de l’Union afin de le transformer en un produit relevant d’une position tarifaire à laquelle s’attachent des droits plus légers. Le recours à de tels mélanges aurait, au demeurant, pris une ampleur considérable ( 24 ).

41.

En procédant à l’opération envisagée sous le régime du perfectionnement passif, Argos aurait cependant bénéficié non seulement de l’application des tarifs frappant l’E85 en lieu et place de ceux grevant le bioéthanol pur, mais aussi d’une réduction des droits à l’importation afférents à l’E85 à concurrence du montant des droits (fictifs) applicables à l’essence exportée temporairement (au taux de 4,7 % ad valorem ( 25 )). En effet, ce régime permet à ses bénéficiaires de déduire du montant des droits à l’importation afférents aux marchandises obtenues à la suite du perfectionnement, dénommées « produits compensateurs », le montant des droits à l’importation qui grèveraient les marchandises communautaires d’exportation temporaire si elles étaient réimportées en l’état ( 26 ).

42.

L’inspecteur des douanes néerlandais a, en l’occurrence, refusé d’octroyer à Argos l’autorisation de perfectionnement passif demandée, au motif que n’était pas remplie l’exigence (désignée sous les termes « conditions économiques »), énoncée à l’article 148, sous c), du code des douanes, selon laquelle une telle autorisation ne peut être accordée « que pour autant que l’octroi du bénéfice [de ce régime] ne soit pas de nature à porter gravement atteinte aux intérêts essentiels des transformateurs communautaires ».

43.

La juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « transformateurs communautaires », au sens de cette disposition, vise uniquement les producteurs communautaires de produits similaires au produit compensateur dont l’élaboration sous le régime du perfectionnement passif est envisagée (l’E85), ou également les producteurs communautaires de produits similaires aux produits intermédiaires non communautaires destinés à être incorporés aux marchandises d’exportation temporaire lors du perfectionnement de celles‑ci (le bioéthanol).

44.

Avant d’aborder cette question, je répondrai à certains arguments invoqués par le gouvernement hellénique et la Commission dans la mesure où, bien que ces derniers n’aient pas formellement soulevé l’irrecevabilité de ladite question, ces arguments visent en substance à convaincre la Cour de son caractère hypothétique.

B – Sur la recevabilité

1. Sur l’applicabilité du régime du perfectionnement passif à des opérations se déroulant en haute mer

45.

Le gouvernement hellénique soutient que le régime du perfectionnement passif ne s’applique pas à des opérations prenant place en haute mer, dès lors que l’article 151, paragraphe 1, du code des douanes exigerait, au vu de son libellé, que les opérations envisagées se déroulent dans un « pays » déterminé.

46.

J’observe, à cet égard, que la formulation utilisée audit article 151, paragraphe 1, de ce code ne se retrouve pas dans les autres dispositions pertinentes. En effet, les articles 145, paragraphe 1, dudit code et 502, paragraphe 4, du règlement d’application se réfèrent respectivement aux opérations de perfectionnement « en dehors du territoire douanier de la Communauté » et « hors de la Communauté ».

47.

Compte tenu de cette divergence de terminologie, il convient de rechercher l’interprétation la plus conforme à l’objectif dudit régime. Celui‑ci consiste, essentiellement, à éviter que les marchandises communautaires issues de la libre circulation et exportées temporairement aux fins de leur perfectionnement ne soient taxées lors de leur réimportation sous la forme de produits compensateurs ( 27 ). L’exonération ainsi recherchée s’applique indépendamment de la destination vers laquelle ces marchandises sont passagèrement expédiées.

48.

à la lumière d’un tel objectif, il importe peu que lesdites marchandises soient acheminées sur le territoire d’un État tiers ou dans une zone ne relevant de la souveraineté d’aucun État (comme la haute mer), pour autant que cette zone se situe en dehors du territoire douanier de l’Union.

49.

Par conséquent, j’estime que le régime du perfectionnement passif peut s’appliquer lorsque les opérations en cause ont lieu en haute mer ( 28 ).

2. Sur l’impossibilité pour la Cour de remettre en cause les conclusions de l’inspecteur des douanes

50.

La Commission conteste, à titre liminaire, la prémisse de la juridiction de renvoi, basée sur la déclaration faite par l’inspecteur des douanes lors de l’audience devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), selon laquelle le bénéfice du régime du perfectionnement passif ne porterait pas, en l’espèce, gravement atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires d’E85 ( 29 ). La Commission renvoie, à ce propos, aux minutes de la réunion du comité du 11 novembre 2009 ( 30 ), desquelles il ressortirait que les producteurs communautaires tant de bioéthanol que d’E85 verraient leurs intérêts sévèrement affectés par l’octroi d’une autorisation de bénéficier de ce régime. Or, toujours selon la Commission, la question préjudicielle serait dépourvue d’intérêt dans l’hypothèse où il serait admis que l’application dudit régime affecterait gravement les intérêts essentiels des producteurs communautaires d’E85.

51.

Sans me prononcer sur la question de savoir si le comité avait effectivement considéré que l’opération envisagée par Argos était de nature à affecter sévèrement les intérêts essentiels des producteurs communautaires tant de bioéthanol que d’E85 ( 31 ), j’observe qu’un tel constat n’est, en tout état de cause, pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de la question.

52.

En effet, d’une part, dans la mesure où les arguments de la Commission s’assimilent à une remise en cause du cadre factuel tel que décrit dans la décision de renvoi, je souligne que l’appréciation des faits de la cause relève de la compétence de la juridiction nationale. La Cour est donc uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de droit communautaire à partir des faits qui lui sont indiqués par cette juridiction ( 32 ).

53.

D’autre part, comme la Cour l’a constaté dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods ( 33 ), les conclusions du comité sont dépourvues de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales ( 34 ). Par conséquent, quand bien même l’inspecteur des douanes s’en serait écarté ( 35 ), une telle circonstance ne serait pas de nature à invalider la décision de ce dernier ni, partant, à rendre la question préjudicielle hypothétique.

54.

Ayant ainsi confirmé la recevabilité de cette question, j’examine à présent celle‑ci sur le plan de la substance.

C – Sur l’interprétation de la notion de « transformateurs communautaires » au sens de l’article 148, sous c), du code des douanes

55.

Selon Argos, la notion de « transformateurs communautaires » vise, en l’occurrence, exclusivement les producteurs communautaires d’E85. Les autres intervenants considèrent, en revanche, que cette notion englobe également les producteurs communautaires de bioéthanol.

56.

Ces approches opposées se basent, en particulier, sur des enseignements divergents tirés de l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods ( 36 ), dans lequel la Cour a interprété l’article 133, sous e), du code des douanes. Cette disposition énonce les conditions économiques du régime de la transformation sous douane et requiert notamment, à ce titre, l’absence d’atteinte grave aux intérêts essentiels des « producteurs communautaires de marchandises similaires ». La Cour a conclu, dans cet arrêt, que l’examen de ces conditions doit tenir compte « non seulement du marché des produits finis mais également de la situation économique du marché des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits» ( 37 ).

57.

Les gouvernements hellénique et néerlandais ainsi que la Commission se prononcent en faveur de l’application par analogie au régime du perfectionnement passif de la conclusion dégagée par la Cour dans ledit arrêt. En revanche, Argos fait valoir que cette conclusion ne saurait être étendue à ce régime eu égard aux différences concernant, d’une part, le texte des dispositions énonçant les conditions économiques des régimes de la transformation sous douane et du perfectionnement passif et, d’autre part, les objectifs respectifs de ceux‑ci.

58.

Pour les raisons exposées ci‑après, la première de ces approches emporte ma conviction.

1. Interprétation littérale

59.

À première vue, certains arguments textuels pourraient plaider en faveur d’une lecture restrictive de l’article 148, sous c), du code des douanes.

60.

Tout d’abord, le terme « transformateurs », dans son sens commun, implique la conduite d’activités consistant à modifier l’état d’un produit préexistant. La notion de « transformateurs communautaires » désignerait ainsi, comme le soutient Argos, les seuls producteurs qui transforment des produits intermédiaires communautaires similaires aux marchandises d’exportation temporaire (l’essence) au sein de l’Union en vue d’obtenir un produit fini similaire au produit compensateur (l’E85) ( 38 ).

61.

Ensuite, l’article 148, sous c), du code des douanes se réfère aux intérêts essentiels des « transformateurs communautaires », tandis que l’article 133, sous e), de ce code évoque ceux des « producteurs communautaires ». On pourrait légitimement défendre que, en usant d’une terminologie divergente dans ces deux dispositions, le législateur entendait leur attacher une signification distincte.

62.

Enfin, bien que le code des douanes ne définisse pas la notion de « transformateurs », 8 des 23 versions linguistiques de ce code utilisent des termes ayant la même racine pour désigner les « transformateurs » au sens de l’article 148, sous c), dudit code et les « opérations de perfectionnement » définies à l’article 114, paragraphe 2, sous c), du même code ( 39 ). Par exemple, la version en langue anglaise de l’article 148, sous c), du code des douanes recourt au terme « processors », lequel renvoie à l’expression « processing » définie à l’article 114, paragraphe 2, sous c), de ce code. De même, ces dispositions, dans la version en langue néerlandaise dudit code, utilisent respectivement les termes « veredelaars » et « veredelingshandelingen ».

63.

Ces considérations ne sauraient, toutefois, dissiper toute ambiguïté concernant l’interprétation de l’article 148, sous c), de ce code.

64.

En effet, les versions en langues bulgare, estonienne, croate, lituanienne et finnoise du code des douanes emploient les mêmes vocables pour désigner les « producteurs » au sens de l’article 133, sous e), et les « transformateurs » au sens de l’article 148, sous c), de ce code. Ces termes, qui se traduisent en français par le mot « producteurs », n’impliquent pas d’intervention sur un produit préexistant.

65.

En outre, dans onze versions linguistiques ( 40 ), le terme désignant les « transformateurs », utilisé à cette dernière disposition, présente la même racine que l’expression correspondant à la « transformation » figurant à l’article 114, paragraphe 2, sous c), deuxième tiret, dudit code ( 41 ). Une interprétation purement littérale aboutirait, ainsi, à ne tenir compte que des intérêts des opérateurs communautaires se livrant à des activités de « transformation » dans l’Union. Elle exclurait, en revanche, les intérêts de ceux qui y procèdent à des activités d’« ouvraison » ou de « réparation », lesquelles constituent pourtant aussi des « opérations de perfectionnement » au sens de l’article 114, paragraphe 2, sous c) du même code.

66.

J’estime, dans ces conditions, que la Cour ne saurait se dispenser d’une analyse des objectifs et du contexte de l’article 148, sous c), du code des douanes. En particulier, au vu des divergences entre les versions linguistiques de cette disposition, il convient, conformément à une jurisprudence constante, de l’interpréter « en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément» ( 42 ). Pour les motifs développés ci‑après, ces aspects commandent une interprétation large de ladite disposition.

2. Interprétation téléologique et contextuelle

a) Les conditions économiques des régimes douaniers économiques doivent faire l’objet d’une interprétation large

67.

En dérogeant aux règles prévues dans le cadre des régimes douaniers communs que constituent l’importation et l’exportation, les régimes douaniers économiques permettent d’éviter certaines conséquences, jugées néfastes à l’industrie communautaire, qui résulteraient de l’application de ces règles.

68.

Ainsi, le régime de la transformation sous douane vise à maintenir dans l’Union des activités de transformation lorsque « la taxation de marchandises selon leur espèce tarifaire ou leur état au moment de leur importation aboutit à une imposition supérieure à celle qui serait économiquement justifiée, propre à inciter au déplacement de certaines activités économiques en dehors de [l’Union]» ( 43 ). À cette fin, ce régime permet de transformer dans l’Union des marchandises non communautaires sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation, seuls les produits transformés étant taxés ( 44 ).

69.

Plus précisément, le régime de la transformation sous douane a vocation à s’appliquer lorsque les droits à l’importation applicables aux produits transformés sont inférieurs à ceux frappant les produits intermédiaires utilisés dans le processus de transformation ( 45 ). Ainsi, ce régime puise sa raison d’être dans des anomalies tarifaires qui, s’il ne permettait pas d’y remédier, inciteraient au déplacement des activités de transformation hors de l’Union.

70.

Le régime du perfectionnement passif permet, quant à lui, d’éviter que les marchandises communautaires exportées en vue de leur perfectionnement ne soient taxées lors de leur réimportation sous la forme de produits compensateurs ( 46 ). Ce régime facilite ainsi la délocalisation hors de l’Union de certaines activités de perfectionnement, que le législateur communautaire a considéré justifiée par des raisons techniques ou économiques dans le cadre de la division internationale du travail ( 47 ).

71.

Cependant, à l’avantage que procurent ces régimes à leurs bénéficiaires correspond potentiellement un préjudice causé à d’autres intérêts de l’industrie communautaire ( 48 ). Conscient d’un tel risque, le législateur a veillé à assurer l’équilibre entre les intérêts en présence en subordonnant l’autorisation d’y recourir au respect de certaines conditions économiques. Celles‑ci visent, dans le cadre tant du régime de la transformation sous douane que de celui du perfectionnement passif, à éviter que l’application de ces régimes, en cherchant à stimuler l’activité industrielle de leurs bénéficiaires, ne porte atteinte aux « intérêts essentiels » d’autres opérateurs communautaires ( 49 ). Lesdites conditions empêchent ainsi que le recours à ces régimes dérogatoires aux régimes douaniers communs n’affaiblisse davantage l’industrie communautaire qu’il ne la renforce.

72.

C’est, à mon sens, dans cette optique que le législateur a énoncé les conditions économiques des régimes douaniers économiques de façon large et, corrélativement, reconnu une marge d’appréciation significative aux autorités douanières compétentes pour en vérifier le respect ainsi qu’au comité chargé, le cas échéant, de les assister à cette fin.

73.

Ainsi, la terminologie utilisée dans les dispositions relatives à ces conditions se garde d’enserrer l’examen de ces dernières dans un carcan trop étroit. Ces dispositions n’identifient ni les éléments spécifiques à prendre en compte dans le cadre de cet examen ni les marchés visés par celui‑ci. En particulier, l’article 133, sous e), du code des douanes se réfère aux intérêts essentiels des producteurs communautaires « de marchandises similaires », sans préciser le degré de similitude ou de substituabilité requis. Pour leur part, les articles 148, sous c), du code des douanes et 502, paragraphe 4, du règlement d’application mentionnent les intérêts essentiels des « transformateurs communautaires », sans spécifier les marchés concernés par les activités de ces derniers. De même, le nouveau code des douanes renvoie laconiquement aux intérêts des « producteurs de l’Union» ( 50 ).

74.

En outre, les autorités douanières ne sont ni tenues de consulter la Commission dans le contexte de cet examen ( 51 ) ni, lorsqu’elles décident de procéder à une telle consultation et que la Commission saisit à son tour le comité, liées par les conclusions de ce dernier ( 52 ).

75.

J’estime, à la lumière de ces considérations, que lesdites conditions économiques doivent être interprétées et appliquées avec souplesse ( 53 ), aux fins de permettre aux autorités douanières compétentes de jouer pleinement leur rôle de garantes de l’équilibre entre les intérêts en présence. Il me semble d’ailleurs également justifié, au vu du caractère dérogatoire des régimes douaniers économiques, que les conditions encadrant la délivrance d’une autorisation d’y recourir fassent l’objet d’une interprétation large.

76.

À l’inverse, il me semblerait contraire à l’esprit et aux objectifs du régime du perfectionnement passif que, par le biais d’une interprétation rigide des conditions économiques de ce régime, ces autorités soient empêchées de tenir compte des intérêts essentiels de certains opérateurs communautaires alors même qu’elles établiraient que l’octroi du bénéfice de ce régime serait de nature à nuire gravement à ces derniers.

77.

Autrement dit, la poursuite de l’objectif des conditions économiques dudit régime, tel qu’il ressort du point 71 des présentes conclusions, n’admet à mon avis pas de distinction selon que les intérêts menacés concernent le marché des produits finis, des produits semi‑finis ou des matières premières impliquées lors du perfectionnement.

78.

Une telle lecture ne risque, par ailleurs, pas de limiter excessivement les droits des demandeurs ni d’alourdir la procédure de délivrance d’une autorisation de perfectionnement passif.

79.

Je rappelle, à cet égard, que, en vertu des articles 502, paragraphe 1, et 585, paragraphe 5, du règlement d’application, lus conjointement, les conditions économiques du régime du perfectionnement passif sont réputées remplies sauf indications contraires, auquel cas leur respect doit être vérifié. La charge de la preuve de la réunion de ces conditions ne pèse donc pas sur le demandeur d’une autorisation ; c’est aux autorités douanières qu’il incombe d’en établir le non‑respect. Ces autorités ne sont, du reste, aucunement tenues d’examiner systématiquement lesdites conditions au regard des divers intérêts essentiels de l’industrie communautaire pouvant entrer en ligne de compte. En effet, un tel examen n’a lieu qu’en présence d’indications d’un risque d’atteinte grave à de tels intérêts.

80.

C’est, selon moi, le jeu combiné de ce mécanisme de présomption et de la flexibilité accordée aux autorités douanières qui permet de concilier, d’une part, la promotion des intérêts des demandeurs ainsi que l’efficacité des procédures d’octroi d’une autorisation et, d’autre part, la protection des intérêts de l’industrie communautaire dans son ensemble.

b) Les conditions économiques des régimes de la transformation sous douane et du perfectionnement passif doivent faire l’objet d’une interprétation convergente

81.

Ainsi que les points 67 à 71 des présentes conclusions l’ont mis en évidence, les conditions économiques attachées aux régimes de la transformation sous douane et du perfectionnement passif poursuivent un objectif identique. Celles‑ci visent, dans leur ensemble, à éviter que l’effet stimulant de l’application de ces régimes pour un secteur de l’industrie communautaire ne soit contrebalancé par un préjudice grave infligé à d’autres secteurs de celle‑ci. Par conséquent, les intérêts en présence méritent, selon moi, d’être pris en compte de la même façon dans le cadre de l’examen des conditions économiques de chacun de ces régimes.

82.

Or, la Cour a déjà considéré, dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods, que les conditions économiques du régime de la transformation sous douane visent l’absence d’atteinte aux intérêts, non seulement des producteurs communautaires de produits finis similaires aux produits transformés, mais aussi des producteurs communautaires de produits intermédiaires similaires à ceux qui sont utilisés pour fabriquer ces produits finis ( 54 ).

83.

Au soutien d’une telle conclusion, la Cour a constaté que ce régime, en exemptant ses bénéficiaires des droits de douane sur les produits intermédiaires importés de pays tiers et utilisés lors du processus de transformation, pouvait porter atteinte aux intérêts essentiels des éventuels producteurs communautaires de produits similaires à ces produits intermédiaires ( 55 ).

84.

Ce raisonnement est, selon moi, transposable par analogie au régime du perfectionnement passif.

85.

Certes, en facilitant le perfectionnement de marchandises communautaires en dehors de l’Union, le régime du perfectionnement passif menace essentiellement les intérêts des entreprises communautaires qui transforment ces mêmes marchandises à l’intérieur de l’Union ( 56 ).

86.

Par ailleurs, le processus de perfectionnement peut impliquer – mais n’implique pas nécessairement – l’incorporation de produits non communautaires aux marchandises (communautaires) d’exportation temporaire. L’application du régime du perfectionnement passif, à la différence de la transformation sous douane, n’entraîne cependant aucun avantage tarifaire du point de vue des produits non communautaires éventuellement incorporés lors de ce processus (l’exonération ne visant que les marchandises d’exportation temporaire) ( 57 ). L’aptitude dudit régime à nuire aux intérêts des producteurs communautaires de produits intermédiaires ne saute donc pas directement aux yeux.

87.

Si cette considération peut, à mon sens, expliquer le choix d’un libellé distinct dans la plupart des versions linguistiques des articles 133, sous e), et 148, sous c), du code des douanes, il n’en demeure pas moins que le régime du perfectionnement passif est, dans certaines situations, susceptible de donner lieu au même conflit d’intérêts que le régime de la transformation sous douane.

88.

Ainsi, la configuration factuelle du litige au principal a mis en exergue que, lorsque les tarifs douaniers afférents aux produits compensateurs sont inférieurs à ceux frappant les produits intermédiaires non communautaires impliqués lors d’une opération de perfectionnement passif, une telle opération conduit au même résultat qu’une opération réalisée sous le régime de la transformation sous douane.

89.

Au terme de l’une comme de l’autre de ces opérations, les droits à l’importation frappent uniquement les produits finis, aux tarifs applicables à ceux‑ci. Les produits intermédiaires non communautaires impliqués lors du perfectionnement ou de la transformation ne sont, en revanche, pas taxés en tant que tels. Ainsi, des produits intermédiaires non communautaires sont modifiés en vue d’obtenir un produit mis en libre pratique dans l’Union moyennant le paiement de droits inférieurs à ceux qui auraient grevé l’importation desdits produits intermédiaires en l’absence d’une telle modification.

90.

L’unique différence entre ces deux opérations, du point de vue de la taxation douanière, réside alors dans l’avantage douanier supplémentaire retiré par le bénéficiaire du régime du perfectionnement passif, à savoir l’exonération des droits à l’importation (fictifs) afférents aux marchandises communautaires d’exportation temporaire.

91.

Dans une telle hypothèse, l’opération de perfectionnement passif entraîne le même conflit d’intérêts – et exacerbe celui‑ci par l’effet d’une telle exonération – que celui que la Cour a identifié dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods dans le contexte du régime de la transformation sous douane ( 58 ).

92.

En l’occurrence, en incorporant de l’essence au bioéthanol, Argos tirerait avantage de tarifs douaniers nettement inférieurs à ceux qui frapperaient l’importation de bioéthanol pur. La position concurrentielle des producteurs communautaires de bioéthanol pourrait assurément s’en trouver affectée négativement. Un tel désavantage, qui découlerait au premier chef de l’importation en tant que telle d’E85 en lieu et place de bioéthanol non dénaturé, serait encore aggravé si, en application du régime du perfectionnement passif, les droits grevant l’importation d’E85 étaient amputés du montant correspondant aux droits (fictifs) afférents à la composante essence de ce produit.

93.

En outre, les conséquences de l’anomalie tarifaire susmentionnée seraient d’autant plus marquées que le bioéthanol entre dans la composition du produit compensateur à concurrence d’environ 85 %. Les conclusions du comité indiquent d’ailleurs que, ainsi qu’Argos l’a confirmé lors de l’audience, l’E85 couvert par la demande en cause était destiné, au moins pour partie, à être incorporé à de l’essence pour obtenir un carburant classique à plus faible teneur en bioéthanol (5 %), dénommé E5 ( 59 ). Cet E85 aurait donc reçu le même usage (moyennant un ajustement des proportions des composants mélangés) que le bioéthanol pur destiné à être mêlé à de l’essence. Ces considérations ont, précisément, amené le comité, ainsi que l’inspecteur des douanes, à constater un risque d’affectation grave des intérêts essentiels des producteurs communautaires de bioéthanol.

94.

Or, il est constant que le bénéfice du régime de la transformation sous douane aux fins de procéder au mélange envisagé sur le territoire douanier de l’Union n’aurait pu être accordé qu’en l’absence de risque d’atteinte grave aux intérêts des producteurs communautaires de bioéthanol. C’est, d’ailleurs, en vain qu’Argos a sollicité une autorisation à cet effet ( 60 ).

95.

Dans ces conditions, le recours au régime du perfectionnement passif ne saurait a fortiori être autorisé alors même qu’il est susceptible de porter aux intérêts des producteurs communautaires de bioéthanol un préjudice encore plus grave que celui qui découlerait de l’application du régime de la transformation sous douane.

96.

Par conséquent, j’estime que l’interprétation large dégagée par la Cour dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods ( 61 ), doit être retenue également dans le cadre du régime du perfectionnement passif.

97.

L’argumentation développée par la Cour, à titre surabondant, au point 51 de cet arrêt, selon laquelle l’approche qu’elle y a suivie « est la seule susceptible de tenir compte des exigences des politiques communes communautaires, y compris celles de la politique agricole commune [PAC] », me paraît également pertinente en l’espèce. En effet, la production de bioéthanol dans l’Union est considérée comme une activité relevant de la PAC, que les droits de douane élevés visent à protéger. Or, l’opération couverte par la demande d’Argos aurait pour effet d’éluder ces droits tout en bénéficiant de surcroît de l’exonération prévue en application du régime du perfectionnement passif.

98.

Je précise, par ailleurs, que l’approche que je propose ne contrevient pas au point 21 de l’arrêt Wacker Werke, auquel Argos a fait référence dans ses observations écrites. La Cour y a, certes, considéré que l’éventuelle survenance d’anomalies tarifaires conférant un avantage douanier à l’opérateur économique concerné représente un « risque inhérent », et devant être toléré, au régime du perfectionnement passif ( 62 ). Une telle affirmation doit, cependant, être lue à la lumière de son contexte.

99.

Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’anomalie tarifaire en cause consistait en un différentiel de taxation douanière non pas entre les produits compensateurs et les marchandises non communautaires incorporées lors du perfectionnement, mais entre les produits compensateurs et les marchandises communautaires d’exportation temporaire. Cette affaire soulevait uniquement la question de savoir s’il était pertinent, aux fins de la détermination de la valeur en douane des marchandises d’exportation temporaire nécessaire au calcul de l’exonération au titre de ce régime, que les droits à l’importation (fictifs) afférents à celles‑ci excèdent ceux frappant les produits compensateurs – de sorte que le recours au régime du perfectionnement passif eût potentiellement abouti à une exonération totale des droits à l’importation. Il ne s’agissait donc pas d’apprécier si les conséquences d’anomalies tarifaires peuvent ou non être prises en compte lors de l’examen des conditions économiques du régime du perfectionnement passif.

100.

Vu sous cet angle, le point 21 de l’arrêt Wacker Werke n’apporte à mon sens aucun enseignement pertinent dans le cadre de la présente affaire. En tout état de cause, la Cour a pris soin d’y nuancer l’affirmation selon laquelle le risque découlant de l’existence d’anomalies tarifaires doit en principe être toléré ( 63 ).

c) Sur le libellé d’autres instruments de droit international et de l’Union

101.

Comme le soutiennent le gouvernement hellénique et la Commission, le texte d’autres instruments du droit international et du droit de l’Union corroborent l’interprétation que je défends.

102.

Ainsi, les directives de Kyoto excluent le bénéfice du régime du perfectionnement passif lorsque les opérations envisagées sont de nature à porter gravement atteinte aux intérêts essentiels des « transformateurs ou producteurs nationaux» ( 64 ). Bien que ces directives soient dépourvues de caractère contraignant et que l’Union n’ait en tout état de cause pas adhéré à l’annexe qu’elles interprètent ( 65 ), celles‑ci constituent néanmoins un élément de contexte pertinent. Elles offrent, en effet, certains éclairages quant à la façon dont les parties à la convention de Kyoto révisée perçoivent les objectifs et les intérêts concernés par le régime du perfectionnement passif.

103.

En outre, l’article 211, paragraphe 4, sous b), du nouveau code des douanes, qui vise l’ensemble des régimes de transformation ( 66 ), prévoit désormais qu’une autorisation de placement sous un de ceux‑ci ne peut être accordée que si, notamment, elle ne risque pas de nuire aux « intérêts essentiels des producteurs de l’Union» ( 67 ). Les conditions économiques de ces régimes viseront donc, à compter du 1er mai 2016, les intérêts essentiels de tous les producteurs de l’Union, qu’ils produisent des produits similaires aux produits transformés ou aux produits intermédiaires utilisés lors de la transformation.

104.

Or, aucun élément n’indique que le législateur entendait ainsi introduire une modification substantielle quant aux conditions économiques du régime du perfectionnement passif ( 68 ). Cette modification me semble, ainsi, répondre à un souci de simplification législative visant à regrouper dans une même disposition les conditions économiques applicables à différents régimes douaniers.

3. Conclusion

105.

Eu égard à tout ce qui précède, j’estime que l’article 148, sous c), du code des douanes doit être interprété en ce sens que la notion de « transformateurs communautaires », au sens de cette disposition, vise non seulement les producteurs communautaires de produits similaires aux produits compensateurs visés par la demande de perfectionnement passif, mais également les producteurs communautaires de produits similaires aux matières premières ou aux produits semi‑finis non communautaires destinés à être incorporés aux marchandises communautaires d’exportation temporaire au cours des opérations de perfectionnement visées par cette demande.

106.

Je rappelle, à ce propos, que les conséquences que l’application du régime du perfectionnement passif est susceptible d’entraîner pour les intérêts essentiels de l’une ou de l’autre de ces catégories de producteurs ne doivent effectivement être étudiées qu’en présence d’indications selon lesquelles le recours à ce régime serait de nature à affecter gravement ces intérêts ( 69 ).

D – Sur l’existence éventuelle d’une pratique abusive

107.

La Commission allègue, en substance, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour apporterait une réponse négative à la question préjudicielle, que le recours au régime du perfectionnement passif constituerait en l’espèce une pratique abusive.

108.

Bien que je propose, en l’occurrence, une réponse affirmative à la question préjudicielle et que la juridiction de renvoi n’ait pas déféré à la Cour la question de l’existence éventuelle d’un abus de droit ( 70 ), j’aborderai brièvement cette problématique par souci d’exhaustivité.

109.

Je souligne, à titre liminaire, le caractère subsidiaire et exceptionnel de la doctrine de l’abus de droit, laquelle constitue une « soupape de sécurité » permettant de refuser l’octroi d’un avantage jugé injustifié ou d’en ordonner la restitution alors même que les conditions légales d’obtention d’un tel avantage sont par ailleurs réunies sur le plan formel.

110.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 ( 71 ), et selon une jurisprudence constante, l’existence d’une pratique abusive suppose la réunion d’un élément subjectif et d’un élément objectif. Le premier implique que la pratique en cause ait pour but essentiel de bénéficier d’un avantage résultant de la réglementation communautaire en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention ( 72 ). Le second désigne un ensemble de circonstances objectives indiquant que, malgré le respect formel des conditions prévues par la réglementation communautaire, l’objectif poursuivi par celle‑ci n’a pas été atteint ( 73 ). Si la Cour peut apporter certaines indications à cet égard, il appartient, en définitive, aux juridictions nationales compétentes de vérifier si ces éléments sont réunis en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce ( 74 ).

111.

Il conviendra, à l’aune de ces principes, de fournir à la juridiction de renvoi certaines indications susceptibles de l’éclairer dans son appréciation.

112.

À cet égard, je rappelle d’emblée que, comme observé au point 35 des présentes conclusions, le placement d’essence communautaire sous le régime du perfectionnement passif dans le cadre de l’opération décrite dans la demande d’Argos ne répond, aux dires mêmes de cette dernière, à aucune raison technique ou économique autre que l’obtention d’avantages douaniers.

113.

Dans ces conditions, d’une part, l’élément subjectif pourrait être constaté pour autant que l’acheminement en haute mer d’essence communautaire en vue de son alliage à du bioéthanol présente un caractère artificiel et ne vise qu’à éluder les droits de douane élevés grevant le bioéthanol tout en bénéficiant de l’exonération des droits (fictifs) frappant l’essence d’exportation temporaire.

114.

D’autre part, ces mêmes considérations m’incitent à suspecter que l’octroi à Argos du bénéfice de ce régime ne remplirait pas l’objectif pour lequel il a été institué. Tel qu’il ressort du point 70 des présentes conclusions, celui‑ci consiste à éviter la taxation douanière de marchandises communautaires exportées temporairement en vue de leur perfectionnement, dès lors que la délocalisation des opérations de perfectionnement répond à des raisons techniques ou économiques.

115.

Cela étant, même à supposer que la juridiction nationale juge abusif le recours au régime du perfectionnement passif pour l’opération envisagée en l’espèce, un tel qualificatif ne s’étendrait pas pour autant à la simple pratique consistant à mélanger, hors de l’Union, 85 % de bioéthanol et 15 % d’essence, et d’importer dans l’Union l’E85 ainsi obtenu aux tarifs y afférents en lieu et place de ceux frappant le bioéthanol à l’état pur ( 75 ).

116.

Il ne fait guère de doute, à mes yeux, qu’une telle opération ne saurait être qualifiée en tant que telle d’abusive. Nul ne conteste, en effet, que les propriétés et les usages de l’E85 diffèrent de ceux du bioéthanol ( 76 ). Ainsi, quand bien même un tel mélange viserait principalement à éviter les tarifs applicables au bioéthanol, il répondrait aussi à certaines raisons techniques et/ou économiques autonomes. Ferait dès lors défaut, à tout le moins, l’élément subjectif de l’abus de droit.

117.

Au vu des considérations qui précèdent, la doctrine de l’abus de droit est, selon moi, susceptible de faire barrage au bénéfice du régime du perfectionnement passif dans une situation telle que celle au principal, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi. En revanche, cette doctrine ne saurait, en principe, empêcher les importateurs de tirer avantage d’une anomalie tarifaire en transformant le bioéthanol destiné à l’importation dans l’Union en E85 afin de le faire changer de position tarifaire. Il appartient, en définitive, au législateur de rectifier une telle anomalie s’il le juge opportun.

V – Conclusion

118.

Je propose à la Cour de répondre à la question posée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas) de la manière suivante :

L’article 148, sous c), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 214/2007 de la Commission, du 28 février 2007, doit être interprété en ce sens que la notion de « transformateurs communautaires », au sens de cette disposition, vise non seulement les producteurs communautaires de produits similaires aux produits compensateurs visés par la demande de perfectionnement passif, mais également les producteurs communautaires de produits similaires aux matières premières ou aux produits semi‑finis non communautaires destinés à être incorporés aux marchandises communautaires d’exportation temporaire au cours des opérations de perfectionnement visées par cette demande.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO L 302, p. 19.

( 3 ) JO L 117, p. 13.

( 4 ) JO L 212, p. 1.

( 5 ) JO L 269, p. 1.

( 6 ) Ceux‑ci comprennent le perfectionnement passif et le perfectionnement actif (le régime de la transformation sous douane ayant, comme l’indique le considérant 50 du nouveau code des douanes, fusionné avec ce dernier régime).

( 7 ) Tel que rectifié par le rectificatif au règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union (JO L 287, p. 90).

( 8 ) Article 4, paragraphe 1, de la convention de Kyoto révisée.

( 9 ) Article 4, paragraphe 4, de la convention de Kyoto révisée. Selon l’article 1er, sous g), de cette convention, ces directives constituent « un jeu d’explications des dispositions de l’Annexe générale, des Annexes spécifiques et des Chapitres de celles‑ci ».

( 10 ) JO L 86, p. 21.

( 11 ) Voir article 1er, paragraphe 1, et considérant 2 de la décision 2003/231.

( 12 ) Ainsi que le permet l’article 503, sous a), du règlement d’application.

( 13 ) Conformément à l’article 504 du règlement d’application.

( 14 ) C‑11/05, EU:C:2006:312.

( 15 ) Il n’est pas contesté qu’un tel mélange constitue une « opération de perfectionnement » au sens de l’article 114, paragraphe 2, sous c), du code des douanes.

( 16 ) L’alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de 80 % ou plus relevait de la sous‑position 2207 10 00 et était soumis à des droits de douane s’élevant à 19,20 euros par hectolitre au titre du règlement (CE) no 1214/2007 de la Commission, du 20 septembre 2007, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 286, p. 1). Ce même tarif demeure d’application sous l’empire du règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013, modifiant l’annexe du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique du tarif douanier commun (JO L 290, p. 1).

( 17 ) L’E85 était considéré comme un produit chimique relevant de la sous‑position tarifaire 3824 90 97 au titre du règlement no 1214/2007. Le règlement no 1001/2013 n’a pas modifié ce tarif.

( 18 ) Les notions de « produit intermédiaire » et de « produit fini » renvoient à une typologie relative, liée à l’utilisation du produit. Ainsi, par exemple, le bioéthanol et l’essence sont, selon leur destination, des produits intermédiaires ou finis. Un produit est dit « intermédiaire » lorsqu’il est transformé aux fins d’obtenir un autre produit dans lequel il incorpore sa valeur.

( 19 ) Voir, à cet égard, arrêt Wacker Werke (C‑142/96, EU:C:1997:386, points 14, 15 et 21) et conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Friesland Coberco Dairy Foods (C‑11/05, EU:C:2006:78, point 42).

( 20 ) Cette précision ne ressort cependant pas de la décision de renvoi.

( 21 ) Article 130 du code des douanes.

( 22 ) En effet, le perfectionnement d’une marchandise communautaire hors de l’Union et l’importation subséquente du produit compensateur au tarif y applicable ne requièrent pas en tant que tels le placement de cette marchandise sous le régime du perfectionnement passif. Seul y est subordonné le bénéfice de la facilité douanière spécifique que confère ce régime.

( 23 ) Voir articles 161 et 162 du code des douanes.

( 24 ) Voir La politique d’aide aux biocarburants, Rapport public thématique, – Évaluation d’une politique publique, Cour des comptes de la République française, janvier 2012, disponible à l’adresse suivante: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports‑publics/124000047.pdf, p. 76 et 107 à 110).

( 25 ) Cette essence relevait de la sous‑position tarifaire 2710 11 45 au titre du règlement no 1214/2007. Ce même tarif prévaut désormais au titre du règlement no 1001/2013.

( 26 ) Article 151, paragraphe 1, du code des douanes. Sans l’application du régime du perfectionnement passif, dès lors que les marchandises communautaires perdent ce statut lorsqu’elles sortent du territoire douanier de l’Union (article 4, paragraphe 8, du code des douanes), les marchandises d’exportation temporaire seraient, lors de leur réimportation sous la forme de produits compensateurs, traitées de la même manière que des marchandises non communautaires.

( 27 ) Voir huitième considérant de la directive 76/119/CEE du Conseil, du 18 décembre 1975, concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives au régime du perfectionnement passif (JO L 24, p. 58); quatrième considérant du règlement no 2473/86, ainsi que arrêts Wacker Werke (C‑142/96, EU:C:1997:386, point 21) et GEFCO (C‑411/01, EU:C:2003:536, point 51). Voir aussi la recommandation de la Commission adressée aux États membres relative au traitement tarifaire applicable aux marchandises réimportées en suite d’exportation temporaire pour transformation, ouvraison ou réparation, du 29 novembre 1961 (JO 1962, 3, p. 79).

( 28 ) La majorité des États membres réunis au sein du comité ont également appuyé cette conclusion (voir Customs Code Committee, Section: ‘Special Procedures’, Minutes/summary record of the 7th meeting (extract) held on 11 November 2009, 18 December 2009, TAXUD/C4 MK/).

( 29 ) Sans remettre en cause cette prémisse, je crois utile de préciser que la déclaration de cet inspecteur, selon laquelle il ne disposait pas d’indications en ce sens que le bénéfice de ce régime risquerait de porter gravement atteinte aux intérêts des producteurs communautaires d’E85, n’équivaut pas à une affirmation de l’inexistence d’un tel risque. Cette déclaration signifie simplement que ledit inspecteur s’est abstenu, en l’absence d’indications expresses en ce sens dans les conclusions du comité relatives à l’examen des conditions économiques, de constater un risque d’atteinte grave à ces intérêts, de telle sorte que la présomption établie par l’article 585, paragraphe 1, du règlement d’application n’était pas renversée.

( 30 ) Voir note en bas de page 28 des présentes conclusions.

( 31 ) Comme souligné au point 52 des présentes conclusions, une telle appréciation n’est pas du ressort de la Cour. Je me permets cependant d’observer que les minutes susmentionnées n’étayent pas la position de la Commission. Il en ressort que le comité a, dans un premier temps, examiné s’il existait des indications selon lesquelles les conditions économiques ne seraient pas respectées, de telle sorte que la présomption instituée par l’article 585, paragraphe 1, du règlement d’application serait renversée et que ces conditions devraient donc être examinées. Le comité a constaté de telles indications dans la mesure où la majorité des États membres avaient souligné que les intérêts essentiels des producteurs communautaires de bioéthanol et d’E85 seraient sérieusement affectés dès lors que le bioéthanol importé, soit pur soit mélangé à de l’essence sous la forme d’E85, est en concurrence directe avec le bioéthanol domestique. Par conséquent, le comité a procédé, dans un second temps, à l’examen des conditions économiques. Il a conclu, sur la base des allégations de la Commission selon lesquelles l’importation de grandes quantités de bioéthanol nuirait gravement aux producteurs communautaires de bioéthanol, que ces conditions n’étaient pas remplies. Il apparaît donc que, si les États membres ont bien mentionné les intérêts essentiels des producteurs d’E85 aux fins d’établir l’existence d’indications selon lesquelles lesdites conditions ne seraient pas réunies et de déclencher en conséquence un examen de celles‑ci, la Commission n’a plus fait référence qu’aux intérêts des producteurs de bioéthanol dans le cadre de cet examen proprement dit.

( 32 ) Voir, en ce sens, arrêt Dumon et Froment (C‑235/95, EU:C:1998:365, points 25 et 26, ainsi que jurisprudence citée).

( 33 ) C‑11/05, EU:C:2006:312, point 33.

( 34 ) Au titre de l’article 504, paragraphe 4, du règlement d’application, les autorités douanières doivent seulement prendre ces conclusions en considération. La Cour a néanmoins précisé, dans l’arrêt Friesland Coberco Dairy Foods (C‑11/05, EU:C:2006:312, point 27), que ces autorités doivent, le cas échéant, motiver leur décision de s’en écarter.

( 35 ) Pour les motifs exposés à la note en bas de page 31 des présentes conclusions, tel ne me semble pas être le cas.

( 36 ) C‑11/05, EU:C:2006:312.

( 37 ) Ibidem, point 52.

( 38 ) Le gouvernement néerlandais a proposé une variante de cette interprétation littérale, selon laquelle les « transformateurs communautaires » incluraient non seulement les opérateurs qui transforment des matières premières ou des produits semi‑finis en un produit compensateur (l’E85), mais aussi ceux qui transforment des matières premières ou des produits semi‑finis pour obtenir d’autres produits semi‑finis (le bioéthanol) entrant dans la composition du produit compensateur. Cette interprétation entraînerait une distinction, injustifiable à mes yeux, selon que les marchandises utilisées lors du perfectionnement constituent des matières premières ou des produits semi‑finis. Alors que les intérêts des producteurs communautaires de produits semi‑finis, qui « transforment » des matières premières pour les obtenir, pourraient être pris en compte au titre de l’article 148, sous c), du code des douanes, les intérêts des producteurs communautaires de matières premières, qui ne « transforment » rien, seraient ignorés.

( 39 ) À savoir les versions en langues anglaise, croate, lettone, hongroise, maltaise, néerlandaise, slovaque et suédoise.

( 40 ) À savoir les versions en langues espagnole, tchèque, danoise, allemande, grecque, française, italienne, polonaise, portugaise, roumaine et slovène. Dans les versions en langues anglaise, lettone, hongroise, maltaise et slovaque, bien que le terme désignant la « transformation » ait la même racine que celui correspondant à l’expression « transformateurs », le premier de ces termes est identique à celui désignant le « perfectionnement » utilisé à l’article 114, paragraphe 2, sous c), du code des douanes.

( 41 ) Par exemple, la version en langue allemande utilise le terme « Verarbeitern » à l’article 148, sous c), du code des douanes et du vocable « Verarbeitung » à l’article 114, paragraphe 2, sous c), deuxième tiret, de ce code.

( 42 ) Voir, en ce sens, arrêt Elsacom (C‑294/11, EU:C:2012:382, point 27 et jurisprudence citée).

( 43 ) Premier considérant du règlement (CEE) no 2763/83 du Conseil, du 26 septembre 1983, relatif au régime permettant la transformation sous douane de marchandises avant leur mise en libre pratique (JO L 272, p. 1), abrogé par le code des douanes.

( 44 ) Article 130 du code des douanes.

( 45 ) Article 551, paragraphe 1, du règlement d’application.

( 46 ) Voir point 47 des présentes conclusions.

( 47 ) Premier et deuxième considérants de la directive 76/119 et premier considérant du règlement no 2473/86, lequel a succédé à cette directive avant d’être remplacé par le code des douanes.

( 48 ) Voir points 83 à 91 des présentes conclusions.

( 49 ) De la même manière, les directives de Kyoto (p. 3) précisent que « [l’]application [du régime du perfectionnement passif] peut être subordonnée à la condition que les opérations de perfectionnement envisagées ne portent pas préjudice aux intérêts nationaux ».

( 50 ) Article 211, paragraphe 4, sous b), du nouveau code des douanes.

( 51 ) Article 503 du règlement d’application.

( 52 ) Article 504, paragraphe 4, du règlement d’application et arrêt Friesland Coberco Dairy Foods (C‑11/05, EU:C:2006:312, point 27).

( 53 ) La marge d’appréciation des autorités douanières nationales chargées d’appliquer le code des douanes correspond, à mon sens, à celle dont jouissent les autorités communautaires lorsqu’elles doivent se livrer à des appréciations économiques complexes (voir, notamment, s’agissant de la marge d’appréciation de la Commission en matière d’aides d’État, arrêt Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66 et jurisprudence citée).

( 54 ) C‑11/05, EU:C:2006:312, points 50 à 52.

( 55 ) Arrêt Friesland Coberco Dairy Foods (C‑11/05, EU:C:2006:312, point 49). Dès lors que la question posée portait spécifiquement sur la prise en compte des intérêts des producteurs des matières premières, ni la Cour ni l’avocat général n’ont été amenés à justifier aussi la prise en compte des intérêts des producteurs de produits finis similaires aux produits transformés. Aucun des intervenants n’avait, d’ailleurs, contesté que les conditions économiques du régime de la transformation sous douane visent à tout le moins ces derniers producteurs. Une telle prémisse, pour consensuelle qu’elle fût, ne s’imposait cependant pas au vu du seul libellé de l’article 133, sous e), du code des douanes, dont la formulation « producteurs communautaires de marchandises similaires » pouvait être comprise par référence aux produits faisant l’objet de la transformation (à savoir les produits intermédiaires). Dans ces conditions, l’acceptation par la Cour de cette prémisse me paraît en ligne avec la lecture large des conditions économiques que je préconise.

( 56 ) Ainsi, les directives de Kyoto (p. 6) évoquent la nécessité de « trouver un équilibre entre une réduction maximale des coûts totaux de production des opérateurs nationaux grâce à la possibilité de sous‑traiter à l’étranger et une réservation des opérations de perfectionnement à d’autres opérateurs nationaux, au risque de rendre l’industrie nationale moins concurrentielle ».

( 57 ) Il n’est donc pas question, dans ce contexte, contrairement à celui de la transformation sous douane, de pallier les incidences d’anomalies tarifaires.

( 58 ) C‑11/05, EU:C:2006:312, point 49. Voir point 83 des présentes conclusions.

( 59 ) Voir les minutes de la réunion du 11 novembre 2009 (note en bas de page 28 des présentes conclusions).

( 60 ) Voir point 39 des présentes conclusions.

( 61 ) C‑11/05, EU:C:2006:312.

( 62 ) Arrêt Wacker Werke (C‑142/96, EU:C:1997:386).

( 63 ) Le point 21 de l’arrêt Wacker Werke (C‑142/96, EU:C:1997:386) précise qu’il n’en va ainsi que dans la mesure où « rien n’indique que les prix que les opérateurs se sont réciproquement demandés aient été influencés par leurs relations d’affaires ». L’acceptation d’une telle limitation semble faire écho aux conclusions de l’avocat général Tesauro dans l’affaire Wacker Werke (C‑142/96, EU:C:1997:217, point 15), lesquelles précisaient plus explicitement qu’« il en irait différemment si l’opération de perfectionnement […] présentait des aspects […] qui peuvent donner à penser que [les opérateurs concernés] poursuivent en réalité des fins autres que le perfectionnement, par exemple une fraude à la réglementation fiscale ou un enrichissement injustifié ».

( 64 ) Directives de Kyoto, p. 6 (souligné par mes soins).

( 65 ) Voir points 21 et 23 des présentes conclusions.

( 66 ) Voir note en bas de page 6 des présentes conclusions.

( 67 ) Souligné par mes soins.

( 68 ) Le considérant 15 du nouveau code des douanes mentionne seulement, à cet égard, que « [l]es régimes douaniers devraient être fusionnés ou harmonisés […] ».

( 69 ) En l’absence de telles indications, lesdites conditions sont réputées respectées (article 585, paragraphe 5, du règlement d’application).

( 70 ) Selon une jurisprudence bien établie, la Cour n’est pas habilitée à examiner, à la demande d’un intervenant, des questions que la juridiction nationale ne lui a pas soumises (voir, notamment, arrêt Slob, C‑236/02, EU:C:2004:94, point 29 et jurisprudence citée). Toutefois, la Cour a déjà considéré que ce principe ne s’oppose pas à l’examen de la possibilité d’une utilisation abusive du droit de l’Union, même lorsque celle‑ci n’est pas formellement soulevée par la juridiction nationale, aux fins de fournir à celle‑ci des éléments d’interprétation utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir arrêt ING. AUER, C‑251/06, EU:C:2007:658, points 38 et 39; voir également, en ce sens, arrêt Agip Petroli, C‑456/04, EU:C:2006:241, points 18 à 24).

( 71 ) Règlement du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1). L’article 4, paragraphe 3, de ce règlement dispose que « [l]es actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non‑obtention de l’avantage, soit son retrait ».

( 72 ) Voir, notamment, arrêt Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 75).

( 73 ) Voir, notamment, arrêts Emsland‑Stärke (C‑110/99, EU:C:2000:695, point 52) et Vonk Dairy Products (C‑279/05, EU:C:2007:18, point 33).

( 74 ) Voir, notamment, arrêts Pometon (C‑158/08, EU:C:2009:349, point 26) et Cimmino e.a. (C‑607/13, EU:C:2015:448, point 60).

( 75 ) Voir point 40 des présentes conclusions.

( 76 ) L’ajout d’essence permet, notamment, de surmonter les difficultés de démarrage à froid associées à l’utilisation de bioéthanol pur (voir Ballerini, D., Les biocarburants: État des lieux, perspectives et enjeux du développement, IFP Publications, éd. Technip, Paris, 2006, p. 112). Voir, à cet égard, arrêt Roquette Frères (C‑114/99, EU:C:2000:568, point 19), où la Cour a considéré, s’agissant du paiement de restitutions à l’exportation pour des produits agricoles, que « l’abus qui consisterait à réintroduire dans l’Union un produit précédemment exporté ne saurait exister lorsque celui‑ci a subi une transformation substantielle et non réversible […] entraînant sa disparition en tant que tel et la création d’un nouveau produit relevant d’une autre position tarifaire ». La Cour a cependant jugé, dans l’arrêt Eichsfelder Schlachtbetrieb (C‑515/03, EU:C:2005:491, points 41 et 42), que l’existence d’une transformation ou ouvraison substantielle, au sens de l’article 24 du code des douanes, ne saurait faire obstacle à l’existence d’un abus de droit si les éléments constitutifs de celui‑ci sont établis.