ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
17 mars 2016 ( *1 )
«Pourvoi — Fonction publique — Fonctionnaires — Rémunération — Personnel du SEAE affecté dans un pays tiers — Suppression de l’indemnité de conditions de vie au personnel affecté à Maurice — Défaut d’adoption des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut»
Dans l’affaire T‑792/14 P,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, RecFP, EU:F:2014:223), et tendant à l’annulation de cet arrêt,
Eric Vanhalewyn, demeurant à Grand Baie (Maurice), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant
Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt et Mme M. Silva, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),
composé de M. M. Jaeger, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,
greffier : M. I. Dragan, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 novembre 2015,
rend le présent
Arrêt
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Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Eric Vanhalewyn, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, RecFP, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:223), par lequel ce dernier a rejeté le recours qu’il avait introduit avec six autres requérants et tendant à l’annulation de la décision du directeur général administratif du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 19 décembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), en tant qu’elle supprime, pour les agents affectés à Maurice et à compter du 1er juillet 2013, l’indemnité de conditions de vie (ci‑après l’« ICV ») prévue à l’article 10 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »). |
Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué
Faits à l’origine du litige
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Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 9 à 11 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants : |
Procédure en première instance et arrêt attaqué
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Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 7 octobre 2013, le requérant et six autres fonctionnaires du SEAE ont introduit un recours, enregistré sous la référence F‑101/13, visant à l’annulation de la décision attaquée. |
4 |
À l’appui de leur recours, ils ont soulevé cinq moyens tirés respectivement, le premier, de la violation de l’obligation d’adopter des dispositions générales d’exécution (ci‑après les « DGE ») de l’article 10 de l’annexe X du statut, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’un vice de procédure pour défaut d’examen circonstancié et de prise en compte de l’avis du comité du personnel ainsi que de celui du chef de la délégation à Maurice, le quatrième, d’une erreur de droit et de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement, le cinquième, enfin, d’une erreur manifeste d’appréciation. |
5 |
Le Tribunal de la fonction publique a rejeté tous ces moyens. S’agissant du premier, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, examiné la question de l’existence d’une obligation d’adoption des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut, dans sa version applicable aux faits de l’espèce. À cet égard, il a relevé ce qui suit aux points 19 à 30 de l’arrêt attaqué :
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Toutefois, pour les motifs exposés aux points 31 à 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a conclu que l’omission du SEAE d’adopter des DGE de l’annexe X du statut n’était pas susceptible d’entraîner la nullité de la décision attaquée. Ces points de l’arrêt attaqué sont ainsi libellés : |
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S’agissant du deuxième moyen, le Tribunal de la fonction publique a considéré que « la motivation de la décision attaquée, bien que succincte, [était] suffisante » (point 45 de l’arrêt attaqué). Ce moyen a, dès lors, également été rejeté. |
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Le troisième moyen a également été rejeté au motif, en substance, que les requérants en première instance n’avaient apporté aucun élément de nature à établir que l’avis du comité du personnel du SEAE ou les observations du chef de délégation concerné n’avaient pas été pris en compte (points 50 et 51 de l’arrêt attaqué). |
9 |
Pour ce qui est du quatrième moyen, tiré de l’erreur de droit et de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que, « [a]fin d’apprécier le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement, il conv[enait], tout d’abord, d’apprécier le bien-fondé de la prémisse sur laquelle le raisonnement des requérants se fond[ait], à savoir l’erreur de droit que l’[autorité investie du pouvoir de nomination] aurait commise dans son appréciation de l’équivalence des conditions de vie ». |
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Après avoir analysé les différents arguments avancés devant lui par les requérants, le Tribunal de la fonction publique a relevé ce qui suit, aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué : |
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Ainsi, le quatrième moyen a également été rejeté. |
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Enfin, comme il ressort des points 71 à 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a également rejeté le cinquième moyen au motif, en substance, que les arguments et éléments invoqués par les requérants devant lui n’établissaient pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »). |
Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties
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Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2014, le requérant a formé le présent pourvoi. |
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Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2014, le requérant a demandé le versement au dossier de l’avis négatif du comité du personnel du SEAE, émis avant l’adoption de la décision attaquée. Le requérant a fait valoir qu’il n’avait obtenu copie de cet avis que le 9 décembre 2014 et que, partant, sa production postérieurement à l’introduction du pourvoi était justifiée. Il a soutenu que « [l]e contenu de cet avis circonstancié renfor[çait] le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation ». |
15 |
Par décision du 23 décembre 2014, le président du Tribunal a décidé de verser au dossier l’avis en question et d’inviter l’autre partie à la procédure à déposer ses observations relatives à cet avis dans son mémoire en réponse, sans préjudice de la décision définitive quant à la recevabilité. |
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Le 25 février 2015, le SEAE a déposé un mémoire en réponse. S’agissant de la lettre du requérant du 17 décembre 2014 et de l’avis du comité du personnel du SEAE produit en annexe à cette lettre, il a fait valoir qu’ils étaient irrecevables. En tout état de cause, les moyens invoqués par le requérant sur la base de cet avis seraient dépourvus de fondement. Toutefois, lors de l’audience, le SEAE a indiqué ne pas insister sur les arguments tenant à la contestation de la recevabilité de ce dernier. |
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Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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Sur le pourvoi
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À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque trois moyens tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a conclu que l’omission du SEAE d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut ne justifiait pas l’annulation de la décision attaquée ; le deuxième, d’une erreur de droit entachant la conclusion du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la décision attaquée était motivée à suffisance de droit et, le troisième, des erreurs de droit ayant entaché le rejet, par le Tribunal de la fonction publique, des troisième à cinquième moyens avancés par les requérants en première instance. |
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Il convient d’examiner, en premier lieu, le premier moyen. |
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Ainsi qu’il ressort des points 19 à 30 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a admis l’argument avancé par les requérants en première instance selon lequel le SEAE avait méconnu son obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut. Il a néanmoins jugé que l’omission du SEAE d’adopter de telles DGE ne justifiait pas l’annulation de la décision attaquée. |
22 |
Aux points 31 à 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a avancé trois motifs distincts pour justifier cette conclusion. Premièrement, le SEAE se serait trouvé encore dans une période d’adaptation lors de l’adoption de la décision attaquée, compte tenu en particulier de l’absence de mise en place d’un comité du personnel (point 31 de l’arrêt attaqué). Deuxièmement, l’absence de DGE n’aurait pas privé de base légale la décision attaquée, dès lors qu’elle aurait été prise sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe X du statut (point 32 de l’arrêt attaqué). Troisièmement, et en tout état de cause, les requérants en première instance n’auraient pas eu, en substance, d’intérêt à invoquer le moyen tiré de l’absence de DGE (points 33 à 35 de l’arrêt attaqué). |
23 |
Le requérant fait valoir que, après avoir constaté, au point 23 de l’arrêt attaqué, que le SEAE n’avait pas adopté de DGE, en violation de l’obligation découlant de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, le Tribunal de la fonction publique devait conclure que la violation de cette « formalité substantielle » suffisait pour entacher d’illégalité la décision attaquée, dépourvue de base légale adéquate. Il n’aurait pas dû s’interroger sur l’absence d’application arbitraire de l’article 10 de l’annexe X du statut au cas d’espèce. |
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Au contraire, le SEAE considère que le Tribunal de la fonction publique a conclu à juste titre que l’omission d’adopter des DGE ne saurait à elle seule être considérée comme une cause de nullité de la décision attaquée, qui ne serait pas, en raison de cette omission, privée de base légale. |
25 |
Il convient de relever que le SEAE était dans l’obligation d’adopter des DGE relatives à l’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe X du statut, dans sa version applicable aux faits de l’espèce. En effet, ainsi que l’a exposé en substance et à juste titre le Tribunal de la fonction publique aux points 22 et 23 de l’arrêt attaqué, l’obligation découlant de l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe couvre également les dispositions régissant l’octroi de l’ICV. Cette conclusion n’a, au demeurant, pas été expressément contestée par le SEAE devant le Tribunal. |
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Dans ces conditions, il convient d’examiner si, compte tenu de l’obligation d’adopter des DGE préalablement à l’adoption de la décision attaquée, qui, comme il est constant, n’avait pas été respectée par le SEAE, le Tribunal de la fonction publique pouvait, sans commettre d’erreur de droit, rejeter le premier moyen du recours. |
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Ainsi qu’il ressort des points 33 à 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, en tout état de cause, le requérant n’aurait intérêt à soulever le moyen tiré de l’absence de DGE de l’annexe X du statut que si cette irrégularité avait conduit l’AIPN, dans les circonstances de l’espèce, à appliquer à son égard l’article 10 de l’annexe X du statut de manière partiale et arbitraire. Le Tribunal de la fonction publique a estimé que, tel n’ayant pas été le cas, l’absence de DGE n’était pas susceptible d’entraîner la nullité de la décision attaquée. |
28 |
Dès lors que cette appréciation du Tribunal de la fonction publique concerne en réalité le caractère opérant du premier moyen du recours, il convient, en premier lieu, d’examiner les arguments que le requérant a formulés à l’encontre de celle-ci. |
29 |
À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, rappelée au point 21 de l’arrêt attaqué, l’expression « dispositions générales d’exécution » figurant à l’article 110 du statut vise en premier lieu les mesures d’application expressément prévues par certaines dispositions spéciales du statut. À défaut de stipulation expresse, l’obligation d’édicter des mesures exécutives soumises aux conditions formelles dudit article ne saurait être admise qu’à titre exceptionnel, à savoir lorsque les dispositions du statut manquent de clarté et de précision à un point tel qu’elles ne se prêtent pas à une application dépourvue d’arbitraire (voir arrêt du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission,T‑156/95, RecFP, EU:T:1997:102, point 53 et jurisprudence citée). |
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Par conséquent, l’adoption des DGE est obligatoire dans deux hypothèses. Lorsque le législateur la prévoit expressément ou bien lorsqu’elle s’impose par la nature même de la disposition à appliquer. |
31 |
Ainsi qu’il a été exposé au point 25 ci-dessus, cette obligation était en l’espèce expressément prévue. |
32 |
Une telle disposition s’explique par le fait que l’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe X du statut confère à l’AIPN une marge d’appréciation particulièrement large quant à la détermination des pays tiers où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles habituelles dans l’Union. D’une part, le législateur a ainsi voulu que les critères selon lesquels cette détermination interviendra soient établis selon la procédure d’adoption des DGE décrite à l’article 110, paragraphe 1, du statut, procédure qui permet à l’AIPN de s’éclairer sur les paramètres pertinents en consultant son comité du personnel et en recueillant l’avis du comité du statut. D’autre part, le législateur a voulu que ces critères soient établis de manière abstraite et indépendante de toute procédure ayant pour objet de déterminer, dans un cas spécifique, si les conditions de vie prévalant dans un pays tiers présentent une telle équivalence, afin d’éviter le risque que le choix des critères soit influencé par un résultat éventuellement voulu par l’administration. |
33 |
Dans ces conditions, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne peut pas être considéré comme édictant une simple condition formelle à laquelle doit obéir une décision établissant la liste des pays tiers où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent habituellement dans l’Union, telle que la décision attaquée. Il prévoit plutôt que l’adoption préalable des DGE selon la procédure décrite à l’article 110, paragraphe 1, du statut constitue une condition qui doit impérativement être remplie afin qu’une décision telle que la décision attaquée puisse être légalement adoptée. |
34 |
Par conséquent, la circonstance selon laquelle la décision attaquée a pour effet de supprimer l’ICV à l’égard du requérant, en tant qu’agent affecté à Maurice, justifie à suffisance de droit l’intérêt qu’a ce dernier à soulever un moyen tiré de ce qu’une condition légale à laquelle est subordonnée l’adoption de la décision attaquée n’a pas été remplie. C’est donc en commettant une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré, aux points 33 et 34 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt à soulever le premier moyen du recours en première instance était subordonné à la démonstration d’une application partiale et arbitraire de l’article 10 de l’annexe X du statut à l’égard du requérant. |
35 |
Dans le même contexte, compte tenu de l’obligation pour le SEAE d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut (point 29 de l’arrêt attaqué), le fait que l’AIPN avait fixé « des critères aptes à guider son appréciation de l’équivalence des conditions de vie » (point 35 de l’arrêt attaqué) est dépourvu de pertinence, dans la mesure où ces critères n’étaient pas consacrés dans des DGE. |
36 |
En deuxième lieu, il ressort également du raisonnement aboutissant à reconnaître cette obligation que le Tribunal de la fonction publique ne saurait considérer que, en l’absence de telles DGE, l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe X du statut constituait, à lui seul, une base légale adéquate pour l’adoption de la décision attaquée. Dès lors qu’il a cependant conclu que tel était le cas, il a commis une erreur de droit, comme le fait valoir à juste titre le requérant. |
37 |
Enfin, en troisième lieu, le requérant conteste également la conclusion du Tribunal de la fonction publique selon laquelle le SEAE se trouvait encore, au moment de l’adoption de la décision attaquée, dans une « période d’adaptation ». |
38 |
Premièrement, s’agissant du motif exposé au point 31 de l’arrêt attaqué, tiré de la nécessité de la mise en place d’un comité du personnel préalablement à l’adoption de DGE, il suffit de relever que, selon l’article 99 du statut, jusqu’à ce qu’un comité du personnel soit établi au sein du SEAE, le comité du personnel de la Commission européenne représente également les fonctionnaires et autres agents du SEAE. Par conséquent, même si ce comité n’avait pas été constitué suffisamment à l’avance de manière à permettre l’adoption des DGE en temps utile, l’article 99 du statut prévoyait, en tout état de cause, la possibilité de consulter à cet effet le comité du personnel de la Commission. |
39 |
Deuxièmement, force est de constater, à l’instar du requérant, que les faits pertinents des affaires ayant donné lieu à la jurisprudence citée au même point de l’arrêt attaqué étaient substantiellement différents de ceux de la présente espèce. |
40 |
Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 9 juin 1964, Bernusset/Commission (94/63 et 96/63, Rec, EU:C:1964:41), et du 7 juillet 1964, De Pascale/Commission (97/63, Rec, EU:C:1964:61), ainsi que dans celle ayant donné lieu à l’arrêt du 19 mars 1964, Raponi/Commission (27/63, Rec, EU:C:1964:17), non cité par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, mais dont le contenu est analogue à celui des deux autres arrêts cités, la Cour était saisie de recours tendant à l’annulation de décisions de promouvoir certains fonctionnaires, en application de l’article 45, paragraphe 1, du statut. |
41 |
Cette disposition, dans sa version applicable auxdites affaires, ne prévoyait pas l’obligation d’adopter de DGE en vue de sa mise en œuvre. Ainsi que l’a constaté la Cour, « l’utilisation de l’article 45 ne paraît pas devoir nécessiter d’autres mesures d’application que celle à laquelle il fait implicitement référence, c’est-à-dire l’établissement des rapports [de notation] constituant l’un des éléments de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion » (arrêts Raponi/Commission, point 40 supra, EU:C:1964:17, p. 265 ; Bernusset/Commission, point 40 supra, EU:C:1964:41, p. 608, et De Pascale/Commission, point 40 supra, EU:C:1964:61, p. 1036). |
42 |
Toutefois, à l’époque des faits pertinents dans ces affaires, la Commission n’avait ni adopté de DGE de l’article 43 du statut, relatif aux rapports de notation, ni rédigé de tels rapports pour ses fonctionnaires. En effet, l’article 43 du statut, dans sa version applicable dans ces affaires, prévoyait que les rapports de notation devaient être établis au moins tous les deux ans. Or, le statut n’avait été publié que le 14 juin 1962 et était entré en vigueur rétroactivement le 1er janvier 1962, alors que les décisions en cause dans les trois affaires citées au point 40 ci‑dessus dataient toutes de 1963. |
43 |
En d’autres termes, au moment de l’adoption des décisions de promotion en cause dans ces trois affaires, moins de deux ans s’étaient écoulés depuis l’entrée en vigueur du statut, ce qui signifie qu’aucune violation de l’article 43 du statut ne pouvait être reprochée à la Commission du fait qu’elle n’avait pas encore procédé à la rédaction de rapports de notation pour ses fonctionnaires ni, d’ailleurs, à l’adoption de DGE de l’article 43 du statut. |
44 |
C’est dans ce contexte que s’inscrit la considération de la Cour selon laquelle, à la date de l’adoption des décisions en cause dans ces trois affaires, la Commission et les autres institutions se trouvaient encore dans une période d’adaptation et que, par conséquent, ces décisions ne pouvaient être considérées comme entachées d’illégalité du seul fait que l’article 45, paragraphe 1, du statut avait été appliqué avant l’adoption de DGE de l’article 43. |
45 |
Indépendamment donc de la question de savoir si, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le SEAE se trouvait encore dans une « période d’adaptation » ou non, contrairement à ce que le Tribunal de la fonction publique semble avoir considéré, il ne résulte pas de la jurisprudence citée au point 31 de l’arrêt attaqué que, lorsqu’une institution se trouve dans une telle période, elle peut, en toutes circonstances, appliquer une disposition du statut, pour l’application de laquelle l’adoption de DGE est obligatoire, sans avoir au préalable arrêté de telles DGE. |
46 |
C’est donc en commettant des erreurs de droit, telles que mentionnées ci‑dessus, que le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que le SEAE pouvait valablement, dans les circonstances de l’espèce, adopter la décision attaquée malgré son omission d’adopter, au préalable, des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut et que, en tout état de cause, le requérant n’avait pas d’intérêt à soulever le premier moyen du recours. |
47 |
Il convient, dès lors, de faire droit au premier moyen de pourvoi et, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, d’annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il rejette le recours pour autant qu’il est formé par le requérant. |
48 |
Le recours devant être accueilli pour les motifs exposés ci‑dessus, les documents produits par le requérant le 17 décembre 2014 (voir points 14 à 16 ci-dessus) ne sont pas pertinents pour la solution du litige si bien qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur leur recevabilité. |
Sur le recours en première instance
49 |
Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal statue lui-même sur le litige, si celui-ci est en état d’être jugé. |
50 |
En l’espèce, l’affaire étant en état d’être jugée, il y a lieu pour le Tribunal de statuer définitivement sur le recours introduit en première instance, pour autant qu’il a été formé par le requérant. |
51 |
Il convient d’examiner, en premier lieu, le moyen tiré de la violation par le SEAE de l’obligation d’adopter des DGE de l’article 10 de l’annexe X du statut. |
52 |
Ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, le SEAE était obligé d’adopter des DGE relatives à l’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe X du statut, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, avant de procéder à la mise en œuvre de cette dernière disposition. |
53 |
Dès lors qu’il ressort des considérations exposées aux points 29 à 46 ci‑dessus que, avant l’adoption de telles DGE, il n’était pas possible d’appliquer ce même article et d’adopter une décision telle que la décision attaquée, il convient de faire droit au premier moyen du recours et d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du recours en première instance. |
Sur les dépens
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Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui‑même le litige, il statue sur les dépens. |
55 |
Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. |
56 |
Le SEAE ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (chambre des pourvois) déclare et arrête : |
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Jaeger Martins Ribeiro Gratsias Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2016. Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le français.