ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
15 septembre 2016 ( *1 )
«REACH — Redevance due pour l’enregistrement d’une substance — Réduction accordée aux micro-, petites et moyennes entreprises — Erreur dans la déclaration relative à la taille de l’entreprise — Recommandation 2003/361/CE — Décision imposant un droit administratif — Obligation de motivation»
Dans l’affaire T‑587/14,
Crosfield Italia Srl, établie à Vérone (Italie), représentée par Me M. Baldassarri, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par Mmes M. Heikkilä, E. Bigi, MM. J.-P. Trnka et E. Maurage, puis par Mme Heikkilä, MM. Trnka et Maurage, en qualité d’agents, assistés de Me C. Garcia Molyneux, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SME(2013) 4672 de l’ECHA, du 28 mai 2014, constatant que la requérante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les petites entreprises et lui imposant un droit administratif et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des factures émises par l’ECHA à la suite de l’adoption de la décision SME(2013) 4672,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 décembre 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
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Les 9 et 29 septembre 2010, la requérante, Crosfield Italia Srl, a procédé à l’enregistrement de plusieurs substances au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1). |
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Lors de la procédure d’enregistrement, la requérante a indiqué qu’elle était une « petite entreprise », au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction de la redevance due pour toute demande d’enregistrement, telle qu’elle est prévue à l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Conformément à l’article 74, paragraphe 1, du même règlement, ladite redevance a été définie par le règlement (CE) no 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’Agence européenne des produits chimiques en application du règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6). L’annexe I du règlement no 340/2008 contient notamment les montants des redevances dues pour les demandes d’enregistrement soumises en vertu de l’article 6 du règlement no 1907/2006 ainsi que les réductions accordées aux micro-, petites et moyennes entreprises (ci-après les « PME »). Par ailleurs, selon l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008, lorsqu’une personne physique ou morale qui prétend pouvoir bénéficier d’une réduction ou d’une exemption de redevance ne peut démontrer qu’elle a droit à une telle réduction ou exemption, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) perçoit la redevance ou le droit intégral ainsi qu’un droit administratif. À cet égard, le conseil d’administration de l’ECHA a adopté, le 12 novembre 2010, la décision MB/D/29/2010 concernant la classification des services pour lesquels des droits sont perçus (ci-après la « décision MB/D/29/2010 »). Il est indiqué à l’article 2 et dans le tableau 1 figurant en annexe de cette décision, telle que modifiée par la décision MB/21/2012/D du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 février 2013, que le droit administratif visé à l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008 est de 19900 euros pour une grande entreprise, de 13900 euros pour une moyenne entreprise et de 7960 euros pour une petite entreprise. |
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Les 9 et 29 septembre 2010, l’ECHA a émis deux factures (nos 10007578 et 10004921), d’un montant de 9300 euros chacune. Ce montant correspondait, selon l’annexe I du règlement no 340/2008 telle qu’applicable au moment des faits, à la redevance due par une petite entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1000 tonnes. |
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Le 11 février 2013, la requérante a été invitée par l’ECHA à fournir un certain nombre de documents aux fins de vérifier la déclaration par laquelle elle avait indiqué être une petite entreprise. |
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Le 28 mai 2014, après des échanges de documents et de courriers électroniques, l’ECHA a adopté la décision SME(2013) 4672 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante devait être considérée comme étant une grande entreprise et qu’elle devait s’acquitter de la redevance correspondante. Dans ces conditions, l’ECHA a informé la requérante qu’elle allait lui adresser des factures couvrant la différence entre les redevances payées initialement et les redevances finalement dues et une facture de 19900 euros pour paiement du droit administratif. |
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Le 4 août 2014, la requérante a formé, au titre des articles 91 et 92 du règlement no 1907/2006, un recours contre la décision attaquée devant la chambre de recours de l’ECHA. |
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Le 8 décembre 2014, la chambre de recours de l’ECHA a décidé de suspendre la procédure devant elle, dans l’attente d’une décision du Tribunal dans la présente affaire. |
Procédure et conclusions des parties
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Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2014, la requérante a introduit le présent recours. Ce recours fait partie d’une série d’affaires connexes. |
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La première affaire de cette série d’affaires connexes a fait l’objet de l’arrêt d’annulation du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849) |
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Le 8 janvier 2015, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, les parties ont été invitées à présenter leurs observations quant à la pertinence éventuelle de l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), sur le présent litige et à répondre à une question. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. |
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Le 16 octobre 2015, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à une question et à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti. |
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Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 décembre 2015. |
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La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler et donc de déclarer invalide la décision attaquée et, par conséquent, de priver ladite décision de tout effet, y compris en annulant les factures émises pour la récupération de redevances supérieures et au titre de sanctions prétendument dues. |
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Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son chef de conclusions visant à l’annulation des factures émises en exécution de la décision attaquée, ce dont il a été pris acte. |
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L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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En droit
Sur la compétence du Tribunal
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L’ECHA souligne que la chambre de recours est incompétente pour connaître du présent litige, dont elle a également été saisie, dans la mesure où la décision attaquée ne figure pas parmi les décisions susceptibles de recours devant elle. |
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La requérante indique que le présent recours n’implique aucune renonciation de sa part au recours qu’elle a introduit devant la chambre de recours de l’ECHA. La requérante a également précisé, lors de l’audience, qu’elle considérait que le Tribunal était compétent pour connaître du présent litige. |
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Il y a lieu de rappeler que l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 dispose que « [l]e Tribunal […] ou la Cour de justice peuvent être saisis, conformément à l’article [263 TFUE], d’une contestation d’une décision de la chambre de recours ou, dans les cas où il n’existe pas de droit de recours auprès de la chambre de recours, d’une décision de [l’ECHA] ». |
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À cet égard, l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 prévoit que « [l]es décisions prises par [l’ECHA] au titre des articles 9 et 20, de l’article 27, paragraphe 6, de l’article 30, paragraphes 2 et 3, ainsi que de l’article 51 [du règlement no 1907/2006] peuvent faire l’objet de recours » devant la chambre de recours. |
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Or, la décision attaquée n’a pas été prise au titre des dispositions qui sont visées par l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, mais au titre de l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008 et des articles 2 et 4 de la décision MB/D/29/2010. Il convient également de souligner que ni le règlement no 340/2008 ni la décision MB/D/29/2010 n’ont été adoptés en application des dispositions visées par l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. |
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En outre, il y a lieu de relever que les dispositions des articles 9, 27, 30 et 51 du règlement no 1907/2006, visés par l’article 91, paragraphe 1, du même règlement, concernent des décisions qui n’ont pas de lien avec la redevance devant être payée par les entreprises déclarantes. |
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Quant à l’article 20 du règlement no 1907/2006, il vise les « missions de [l’ECHA] ». Le paragraphe 5 de cet article prévoit que « [l]es décisions prises par [l’ECHA] au titre du paragraphe 2 [dudit] article peuvent faire l’objet de recours conformément aux dispositions des articles 91, 92 et 93 » du règlement no 1907/2006. Le paragraphe 2 du même article concerne le contrôle effectué par l’ECHA en ce qui concerne le « caractère complet » de chaque enregistrement, en ce compris le paiement de la redevance. Il convient toutefois de relever que ce contrôle « n’inclut pas d’évaluation de la qualité ou du caractère approprié des données ou des justifications soumises ». Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 2, troisième et quatrième alinéas, du règlement no 1907/2006 prévoit que, si l’enregistrement « n’est pas complet » et que le déclarant « ne le complète pas dans le délai fixé », l’ECHA « refuse l’enregistrement ». Or, en l’espèce, outre le fait que la décision attaquée n’est pas fondée sur l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, elle ne procède pas du refus d’enregistrement des substances en cause. |
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Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours, et ce nonobstant le recours contre la décision attaquée également introduit par la requérante devant la chambre de recours de l’ECHA (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA, T‑89/13, EU:T:2015:711, points 16 à 22). |
Sur la recevabilité de certains moyens soulevés en cours d’instance
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Dans le cadre de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 8 janvier 2015 (voir point 10 ci-dessus), la requérante a indiqué que, à l’instar de ce qui avait été décidé par le Tribunal dans l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), il y aurait lieu de déclarer la décision MB/D/29/2010 illégale en raison de la violation du principe de proportionnalité. |
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À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 124 et jurisprudence citée). |
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Or, en l’espèce, le moyen soulevé par la requérante est un moyen nouveau et ne repose pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Par ailleurs, ce moyen nouveau ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement. |
27 |
Dès lors, il y a lieu de considérer que le moyen soulevé par la requérante dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 8 janvier 2015 (point 10 ci-dessus), visant à faire déclarer illégale la décision MB/D/29/2010 en raison de la violation du principe de proportionnalité, est irrecevable. |
Sur le fond
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La requérante invoque deux moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Le second moyen est tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation des faits de l’espèce. |
29 |
Dans le cadre de son premier moyen, la requérante indique que la décision attaquée ne précise pas les motifs pour lesquels elle devrait être qualifiée de grande entreprise. La seule référence à la taille de la requérante se trouverait dans le document intitulé « SME calculation report », annexé à la lettre de l’ECHA du 19 novembre 2013. Il ressortirait de ce document que, pour déterminer la taille de la requérante, l’ECHA aurait tenu compte non seulement de son chiffre d’affaires, mais également de celui de Marchi Industriale SpA, d’Esseco Group Srl (proportionnellement à la participation de Marchi Industriale dans Essemar SpA) et de Marfin Srl. Ce calcul, comme il ressortirait des arguments avancés par la requérante, n’aurait aucun fondement. La requérante souligne, en particulier, que l’ECHA n’aurait pas pris en compte les précisions apportées par un courrier électronique du 26 février 2013. De même, la requérante aurait indiqué, dans une lettre du 16 décembre 2013, les raisons pour lesquelles les données d’Esseco Group ne pouvaient pas être prises en compte. La lettre de l’ECHA du 28 mai 2014 se limiterait à rappeler les paramètres et les critères permettant de qualifier une entreprise de PME. La requérante ne serait pas en mesure de comprendre le raisonnement suivi par l’ECHA pour adopter la décision attaquée. Les documents annexés à la décision attaquée ne permettraient pas de comprendre davantage le raisonnement de l’ECHA. |
30 |
L’ECHA souligne que la requérante, dans le cadre de son premier moyen, s’abstient de mentionner que la décision attaquée contient, en annexe, un document intitulé « SME calculation report ». La décision attaquée renverrait expressément à ce document de même qu’à d’autres annexes. En outre, par son courrier électronique adressé à l’ECHA le 26 février 2013, la requérante se serait bornée à renvoyer à un certain nombre de documents. Il serait manifeste que l’ECHA, dans la décision attaquée, se référerait expressément aux documents transmis par la requérante le 26 février 2013. Il serait également manifeste que la requérante pouvait comprendre du texte de la décision attaquée et de ses annexes le raisonnement suivi par l’ECHA pour tenir compte des données de Marchi Industriale et d’Esseco Group. L’ECHA ajoute que, selon la jurisprudence, une motivation brève est considérée comme adéquate à condition que l’autorité qui l’adopte joigne en annexe à la décision en cause des documents aptes à clarifier le raisonnement qu’elle a suivi ou lorsqu’elle renvoie à un document qui est déjà en possession du destinataire de ladite décision. En l’espèce, la décision attaquée contiendrait des informations suffisantes pour permettre à la requérante de comprendre sur quelle base elle a été adoptée. L’ECHA vise notamment les références explicites contenues dans la décision attaquée aux dispositions réglementaires pertinentes et aux documents pris en considération. S’agissant de la lettre du 16 décembre 2013, évoquée par la requérante, l’ECHA précise que, même si celle-ci a été adressée par erreur à la chambre de recours, elle aurait répondu aux observations qui étaient contenues dans ladite lettre. |
31 |
Il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité. Par ailleurs, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 93 et 94 et jurisprudence citée). |
32 |
Par ailleurs, il y a lieu de relever que tant le règlement no 1907/2006, dans son article 3, que le règlement no 340/2008, dans son considérant 9 et son article 2, renvoient à la recommandation 2003/361 aux fins de définir les PME. |
33 |
La recommandation 2003/361 contient une annexe, dont le titre I concerne la « [d]éfinition des micro[-], petites et moyennes entreprises adoptée par la Commission ». L’article 2 sous ledit titre s’intitule « Effectif et seuils financiers définissant les catégories d’entreprises ». |
34 |
Dans le cas d’une entreprise autonome, c’est-à-dire d’une entreprise qui n’est pas qualifiée d’« entreprise partenaire » ou d’« entreprise liée » au sens de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361, la détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de ladite annexe. |
35 |
Dans le cas d’une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, la détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue sur la base des comptes et autres données de l’entreprise ou, s’ils existent, des comptes consolidés de l’entreprise ou des comptes consolidés dans lesquels l’entreprise est reprise par consolidation, conformément à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361. En vertu de l’article 6, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de l’annexe de la recommandation 2003/361, il y a lieu d’ajouter à ces données, d’une part, les données des entreprises partenaires (situées immédiatement en amont ou en aval de l’entreprise considérée) proportionnellement au pourcentage de participation au capital ou au pourcentage des droits de vote, en retenant le plus élevé de ces deux pourcentages, et, d’autre part, 100 % des données des entreprises directement ou indirectement liées à l’entreprise considérée et qui n’ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation. |
36 |
Pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, de l’annexe de la recommandation 2003/361, les données des entreprises partenaires de l’entreprise considérée résultent des comptes et autres données, consolidés s’ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont été déjà reprises par consolidation, et ce en vertu de l’article 6, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361. Quant aux données des entreprises liées à l’entreprise considérée, elles résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s’ils existent. À celles-ci sont agrégées proportionnellement les données des éventuelles entreprises partenaires de ces entreprises liées, situées immédiatement en amont ou en aval de celles-ci, si elles n’ont pas déjà été reprises dans les comptes consolidés, dans une proportion au moins équivalente au pourcentage de participation au capital ou à celui des droits de vote, en retenant le plus élevé de ces deux pourcentages, et ce en vertu de l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361. |
37 |
En l’espèce, l’ECHA a retenu dans la décision attaquée que la requérante avait un effectif égal ou supérieur à 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros et un bilan annuel supérieur à 43 millions d’euros. Sur cette base, l’ECHA a considéré que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de petite entreprise. |
38 |
Le calcul de l’ECHA était détaillé dans un rapport annexé à la décision attaquée. Dans ce rapport, l’ECHA a repris les données des entreprises qualifiées de « liées » (Marchi Industriale) et de « partenaires » (Marfin et Esseco Group) et les a agrégées par la suite, en totalité ou en partie, aux données de la requérante. S’agissant des entreprises qualifiées de « partenaires », l’ECHA a notamment pris en compte 49,9995 % des données d’Esseco Group. La prise en compte des données d’Esseco Group a été contestée par la requérante dans sa lettre du 16 décembre 2013 adressée par erreur à la chambre de recours et qui a, selon les déclarations de l’ECHA, été prise en compte durant la procédure administrative. |
39 |
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les liens entretenus par la requérante au moment des faits avec d’autres entreprises. Tout d’abord, la requérante était liée à Marchi Industriale, dans la mesure où cette dernière détenait la majorité de son capital social. Ensuite, Marchi Industriale était partenaire de Marfin (qui détenait entre 25 % et 50 % de son capital social) et d’Essemar (dont Marchi Industriale détenait entre 25 % et 50 % du capital social). Enfin, Essemar était liée, selon l’ECHA, à Esseco Group, dans la mesure où cette dernière entreprise détenait formellement une majorité du capital social et, donc, des droits de vote des actionnaires de la première, ce que la requérante a reconnu lors de l’audience. |
40 |
En premier lieu, s’agissant de la prise en compte des données de Marchi Industriale et de Marfin, le rapport annexé à la décision attaquée permettait à la requérante de connaître les justifications de ladite décision, compte tenu notamment des dispositions pertinentes de la recommandation 2003/361. En particulier, il résulte clairement de ces dispositions et des éléments du cas d’espèce que l’ECHA a tenu compte de l’intégralité des données de Marchi Industriale, dans la mesure où cette entreprise était liée à la requérante (en application de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361), et des données au prorata de Marfin, dans la mesure où cette entreprise était partenaire de l’entreprise liée à la requérante (Marchi Industriale) (en application de l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361). La requérante ne conteste d’ailleurs pas spécifiquement la prise en compte des données de ces entreprises dans le cadre du présent recours. |
41 |
En second lieu, s’agissant de la prise en compte des données d’Esseco Group, contestée par la requérante durant la procédure administrative et qui fait plus particulièrement l’objet du présent recours, il convient de relever que la situation factuelle du cas d’espèce ne relève pas des situations prévues par l’annexe de la recommandation 2003/361. En effet, lorsque l’annexe de la recommandation 2003/361 prévoit la prise en compte des données d’entreprises qui ne sont pas situées immédiatement en amont ou en aval de l’entreprise considérée, elle se limite à viser les entreprises liées aux entreprises partenaires de l’entreprise considérée (article 6, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361) et les entreprises partenaires des entreprises liées à l’entreprise considérée (article 6, paragraphe 3, second alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361). Or, en l’espèce, Esseco Group était une entreprise liée à une entreprise partenaire de l’entreprise liée à la requérante. |
42 |
Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments du cas d’espèce que la requérante était partenaire d’Esseco Group, comme l’a pourtant relevé l’ECHA dans le rapport annexé à la décision attaquée, sans autre explication. |
43 |
Enfin, aucune indication quant à la base juridique applicable au cas d’espèce aux fins de l’utilisation des données d’Esseco Group n’a été donnée à la requérante durant la procédure administrative, comme l’a confirmé l’ECHA lors de l’audience. En particulier, l’ECHA a précisé que l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, invoqué dans ses écritures, n’avait pas été mentionné durant la procédure administrative. En outre, la référence devant le Tribunal à cette base juridique, qui concerne les entreprises directement ou indirectement liées à l’entreprise considérée, est en contradiction avec la qualification d’entreprise partenaire retenue par l’ECHA dans le rapport annexé à la décision attaquée. |
44 |
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la motivation de la décision attaquée ne permet pas à la requérante de connaître les justifications de cette décision concernant la prise en compte des données d’Esseco Group, ni au Tribunal d’exercer son contrôle. |
45 |
Dès lors, il y a lieu d’accueillir le premier moyen soulevé par la requérante au soutien du recours et, en conséquence, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen. |
Sur les dépens
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Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’ECHA ayant succombé alors que la requérante n’a toutefois pas conclu sur les dépens, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (sixième chambre) déclare et arrête : |
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Frimodt Nielsen Dehousse Collins Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016. Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’italien.