Affaire C‑431/14 P

République hellénique

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aides d’État — Aides de compensation versées par l’organisme grec d’assurances agricoles (ELGA) pendant les années 2008 et 2009 — Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur récupération — Notion d’‘aide d’État‘ — Article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE — Lignes directrices concernant les aides d’État dans le secteur agricole — Obligation de motivation — Dénaturation d’éléments de preuve»

Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 8 mars 2016

  1. Pourvoi – Moyens – Appréciation erronée des faits – Irrecevabilité – Contrôle par la Cour de l’appréciation des éléments de preuve – Exclusion sauf cas de dénaturation

    [Art. 256, § 1, al. 2, TFUE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 168, § 1, d)]

  2. Pourvoi – Moyens – Insuffisance de motivation – Recours par le Tribunal à une motivation implicite – Admissibilité – Conditions

    (Art. 256 TFUE; statut de la Cour de justice, art. 36 et 53, al. 1)

  3. Aides accordées par les États – Notion – Aides de compensation de pertes subies par des agriculteurs en raison de mauvaises conditions climatiques distinctes des cotisations d’assurance de ceux-ci et financées au moyen d’un emprunt contracté par un organisme appartenant à l’État – Inclusion

    (Art. 107, § 3, TFUE)

  4. Pourvoi – Moyens – Moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi – Irrecevabilité

    (Statut de la Cour de justice, art. 58)

  5. Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Critères d’appréciation – Lignes directrices adoptées par la Commission – Encadrement temporaire pour les aides destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique – Effet contraignant

    (Art. 107, § 3, TFUE; communication de la Commission 2009/C 16/01)

  1.  Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante de la Cour qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves.

    (cf. points 32, 34)

  2.  Voir le texte de la décision.

    (cf. points 38, 57)

  3.  Des versements, à titre exceptionnel, d’aides de compensation de pertes subies par des agriculteurs en raison de mauvaises conditions climatiques, qui sont indépendants des cotisations acquittées par les agriculteurs au titre de l’assurance des productions végétale et animale et qui sont financés au moyen d’un emprunt contracté par un organisme d’assurance agricole appartenant intégralement à l’État, constituent un avantage que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché et qui affectent donc la concurrence.

    En effet, compte tenu de l’indépendance des cotisations acquittées par les agriculteurs par rapport aux aides de compensation perçues par ces derniers, il ne saurait être considéré que ces cotisations sont des charges spécifiques grevant l’avantage qu’aurait constitué, en l’occurrence, le versement de ces aides ni que lesdites cotisations auraient été inhérentes à la mise en place de cet avantage. Une compensation entre ledit avantage et ces mêmes cotisations ne saurait donc avoir lieu.

    (cf. points 42, 43)

  4.  Voir le texte de la décision.

    (cf. point 55)

  5.  La Commission ne saurait méconnaître l’article 107, paragraphe 3, TFUE en adoptant des encadrements entachés d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation, ni renoncer, au moyen de l’adoption d’encadrements, à l’exercice du pouvoir d’appréciation que cette disposition lui confère. À cet égard, lorsqu’elle adopte, dans le cadre de cet exercice, des encadrements de cette nature, ceux-ci doivent faire l’objet d’une vérification continue aux fins d’appréhender toute évolution majeure non couverte par ces actes.

    Par ailleurs, l’adoption de tels encadrements n’affranchit pas la Commission de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et de motiver, le cas échéant, son refus de faire droit à une telle demande.

    S’agissant de l’affectation du secteur agricole primaire de l’Union par la crise économique que connaissaient les États membres, la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE en adoptant le cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, tel qu’il résulte de la communication de la Commission de 2008 (CCT) puis le CCT modifié, dès lors que tant le premier que le second font expressément mention de ce secteur.

    (cf. points 71-73)