ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 avril 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/22/CE — Article 28 — Numéros non géographiques — Accès des utilisateurs finals résidant dans l’État membre de l’opérateur aux services utilisant des numéros non géographiques — Directive 2002/19/CE — Articles 5, 8 et 13 — Pouvoirs et responsabilités des autorités réglementaires nationales en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion — Imposition, modification ou suppression des obligations — Imposition d’obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals — Contrôle des prix — Entreprise ne disposant pas d’une puissance significative sur le marché — Directive 2002/21/CE — Résolution des litiges entre entreprises — Décision de l’autorité réglementaire nationale fixant les conditions de coopération et les modalités de tarification pour les services entre entreprises»

Dans l’affaire C‑397/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), par décision du 15 mai 2014, parvenue à la Cour le 20 août 2014, dans la procédure

Polkomtel sp. z o.o.

contre

Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej,

en présence de:

Orange Polska S.A., anciennement Telekomunikacja Polska S.A.,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de la deuxième chambre, Mme C. Toader, M. A. Rosas, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Polkomtel sp. z o.o., par Mmes M. Bieniek et E. Barembruch, radcowie prawni,

pour le Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, par M. S. Szabliński, radca prawny,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Hottiaux et L. Nicolae, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), ainsi que des articles 5, paragraphe 1, et 8, paragraphe 3, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Polkomtel sp. z o.o. (ci-après «Polkomtel») au Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (président de l’Office des communications électroniques, ci-après le «président de l’UKE»), en présence d’Orange Polska S.A., anciennement Telekomunikacja Polska S.A. (ci-après «Orange Polska»), au sujet d’une décision prise par le président de l’UKE dans le cadre d’un litige opposant ces entreprises à propos des conditions de coopération et des modalités de tarification pour les services d’accès aux numéros non géographiques.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques

3

Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques est composé de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive-cadre»), et des directives particulières qui l’accompagnent, à savoir la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), la directive «accès», la directive «service universel» ainsi que la directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications (JO 1998, L 24, p. 1).

– La directive-cadre

4

L’article 8 de la directive-cadre définit les objectifs généraux et les principes réglementaires dont les autorités réglementaires nationales (ci-après les «ARN») doivent assurer le respect. Les paragraphes 3 et 4 de cet article sont libellés comme suit:

«3.   Les [ARN] contribuent au développement du marché intérieur, notamment:

[...]

b)

en encourageant la mise en place et le développement de réseaux transeuropéens et l’interopérabilité des services paneuropéens et la connectivité de bout en bout;

[...]

4.   Les [ARN] soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne, notamment:

[...]

b)

en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs [...];

[...]»

5

L’article 20 de la directive-cadre, intitulé «Résolution des litiges entre entreprises», prévoit, à son paragraphe 3:

«Pour résoudre un litige, l’[ARN] est guidée par la poursuite des objectifs établis à l’article 8. Les obligations que l’[ARN] peut imposer à une entreprise dans le cadre de la résolution d’un litige sont conformes aux dispositions de la présente directive ou des directives particulières.»

– La directive «accès»

6

L’article 1er de la directive «accès», intitulé «Champ d’application et objectif», prévoit:

«1.   La présente directive, qui s’inscrit dans le cadre présenté dans la [directive-cadre], harmonise la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi que leur interconnexion. L’objectif consiste à établir, pour les relations entre fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorisera l’instauration d’une concurrence durable et garantira l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur.

2.   La présente directive fixe des droits et des obligations pour les opérateurs et pour les entreprises souhaitant obtenir une interconnexion et/ou un accès à leurs réseaux ou aux ressources associées. Elle définit les objectifs assignés aux [ARN] en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion [...]»

7

L’article 5 de cette directive, intitulé «Pouvoirs et responsabilités des [ARN] en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion», dispose:

«1.   Pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la [directive-cadre], les [ARN] encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de la présente directive, un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l’interopérabilité des services et elles s’acquittent de leur tâche de façon à promouvoir l’efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à procurer un avantage maximal à l’utilisateur final.

En particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché conformément à l’article 8, les [ARN] doivent être en mesure d’imposer:

a)

dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée;

[...]

3.   Les obligations et les conditions imposées au titre des paragraphes 1 et 2 sont objectives, transparentes, proportionnées et non discriminatoires et elles sont mises en œuvre conformément aux procédures prévues aux articles 6 et 7 de la [directive-cadre].

4.   En ce qui concerne l’accès et l’interconnexion, les États membres veillent à ce que l’[ARN] puisse intervenir de sa propre initiative, lorsque cela se justifie, ou à la demande d’une des parties concernées, en l’absence d’accord entre les entreprises, afin de garantir le respect des objectifs fondamentaux prévus à l’article 8 de la [directive-cadre], conformément aux dispositions de la présente directive et aux procédures visées aux articles 6, 7, 20 et 21 de la [directive-cadre].»

8

L’article 8 de la directive «accès», intitulé «Imposition, modification ou suppression des obligations», dispose:

«1.   Les États membres veillent à ce que les [ARN] soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13.

2.   Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la [directive-cadre] un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les [ARN] lui imposent les obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas.

3.   Sans préjudice:

[...]

des dispositions des articles 12 et 13 de la [directive-cadre], de la condition 7 à la section B de l’annexe de la [directive ‘autorisation’] appliquée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, et des articles 27, 28 et 30 de la [directive ‘service universel’] [...] qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché [...]

[...]

les [ARN] n’imposent pas les obligations définies aux articles 9 à 13 aux opérateurs qui n’ont pas été désignés conformément au paragraphe 2.

[...]

4.   Les obligations imposées conformément au présent article sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la [directive-cadre]. Ces obligations ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de ladite directive.

[...]»

9

L’article 13 de la directive «accès», intitulé «Contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts», est libellé, à son paragraphe 1, comme suit:

«Les [ARN] peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris les obligations concernant l’orientation des prix en fonction des coûts et les obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d’interconnexion et/ou d’accès, lorsqu’une analyse du marché indique que l’opérateur concerné pourrait, en l’absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. [...]»

– La directive «service universel»

10

La directive «service universel» énonce, à son considérant 38:

«L’accès par les utilisateurs finals à toutes les ressources de numérotation existantes dans l’[Union] est une condition essentielle en vue d’un marché unique. Cet accès devrait porter sur l’appel gratuit, le taux majoré et d’autres numéros non géographiques, sauf lorsque l’abonné appelé a choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès par des appelants situés dans certaines zones géographiques. [...]»

11

L’article 1er de cette directive, intitulé «Champ d’application et objectifs», prévoit notamment que celle-ci «vise à assurer la disponibilité dans toute l’[Union] de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et un choix effectifs et à traiter les cas où les besoins des utilisateurs finals ne sont pas correctement satisfaits par le marché».

12

L’article 2, second alinéa, sous f), de ladite directive contient la définition suivante:

«‘numéro non géographique’: numéro du plan national de numérotation qui n’est pas un numéro géographique. Il s’agit notamment des numéros mobiles, des numéros d’appel gratuits et des numéros à taux majoré.»

13

L’article 28 de la même directive, intitulé «Numéros non géographiques», prévoit:

«Les États membres veillent à ce que les utilisateurs finals des autres États membres soient en mesure d’accéder aux numéros non géographiques sur leur territoire, lorsque cela est techniquement et économiquement réalisable, sauf lorsqu’un abonné appelé a choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès par des appelants situés dans certaines zones géographiques.»

La directive 2009/136/CE

14

Sous l’intitulé «Modifications de la directive [‘service universel’]», l’article 1er de la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant la directive 2002/22, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs (JO L 337, p. 11), prévoit, à son point 19:

«L’article 28 est remplacé par le texte suivant:

‘Article 28

Accès aux numéros et aux services

1.   Les États membres veillent à ce que, lorsque cela est techniquement et économiquement possible et sauf lorsque l’abonné appelé a choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès des appelants situés dans certaines zones géographiques, les autorités nationales compétentes prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les utilisateurs finals puissent:

a)

avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’[Union], et utiliser ces services; [...]

[...]’»

15

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/136, les États membres devaient adopter et publier, au plus tard le 25 mai 2011, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive.

Le droit polonais

16

Aux termes de l’article 27, paragraphe 2, de la loi sur les télécommunications (ustawa Prawo telekomunikacyjne), du 16 juillet 2004 (Dz. U. no 171, position 1800), dans sa version en vigueur à la date de la décision du président de l’UKE du 6 mai 2009 (ci-après la «loi sur les télécommunications»):

«Si les négociations ne sont pas entamées, si l’accès est refusé par l’établissement tenu de l’octroyer ou si aucun contrat n’est conclu dans le délai visé au paragraphe 1, chacune des parties peut demander au président de l’UKE d’arrêter une décision tranchant les questions litigieuses ou définissant les conditions de collaboration.»

17

L’article 28, paragraphe 1, de la loi sur les télécommunications est libellé comme suit:

«Le président de l’UKE arrête sa décision relative à l’octroi de l’accès dans un délai de 90 jours à compter de la date du dépôt de la demande visée à l’article 27, paragraphe 2, en tenant compte des critères suivants:

1)

l’intérêt des utilisateurs de réseaux de télécommunications;

2)

les obligations imposées aux entreprises de télécommunications;

3)

la promotion de services de télécommunications modernes;

4)

la nature des questions litigieuses existantes et la possibilité pratique de mettre en œuvre des solutions concernant les aspects techniques et économiques de l’accès aux télécommunications, tant celles proposées par les entreprises de télécommunications qui sont parties aux négociations que celles susceptibles de constituer des solutions de remplacement;

5)

la nécessité d’assurer:

a)

l’intégrité du réseau et l’interopérabilité des services,

b)

des conditions non discriminatoires pour l’accès aux télécommunications,

c)

le développement d’un marché concurrentiel de services de télécommunications;

6)

la puissance sur le marché des entreprises de télécommunications dont les réseaux sont interconnectés;

[...]»

18

L’article 79, paragraphe 1, de cette loi prévoit:

«Un opérateur de réseau public de téléphonie veille à ce que les utilisateurs finals de son réseau et des autres États membres soient en mesure d’accéder aux numéros non géographiques sur le territoire de la Pologne, dans la mesure où cet accès est techniquement et économiquement réalisable, sauf lorsque l’abonné appelé a limité l’accès d’utilisateurs finals situés dans certaines zones géographiques.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19

Polkomtel et Orange Polska fournissent des réseaux de communications électroniques accessibles au public et des services de communications électroniques à leurs abonnés. Polkomtel et Orange Polska n’étant pas parvenues à un accord sur la fixation des modalités de collaboration et de tarification de l’accès des utilisateurs du réseau de Polkomtel aux services d’un réseau intelligent fournis par l’intermédiaire du réseau d’Orange Polska, utilisant des numéros non géographiques, le président de l’UKE a été saisi d’une demande de règlement du litige.

20

Par une décision du 6 mai 2009, le président de l’UKE a résolu ce litige en imposant notamment à Polkomtel l’obligation d’assurer à ses abonnés l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau d’Orange Polska en contrepartie du versement par cette dernière d’une rémunération.

21

Dans cette décision, le président de l’UKE a également établi les modalités de tarification entre ces entreprises de cet accès. Estimant que le départ d’appel depuis le réseau de Polkomtel nécessitait des ressources de réseau analogues à celles requises pour la terminaison d’appel sur ledit réseau, il a notamment fixé la redevance pour ce départ d’appel vers celui d’Orange Polska à un niveau déterminé par référence à celui du tarif applicable pour la terminaison d’appel sur le réseau de Polkomtel.

22

Polkomtel a contesté la décision du président de l’UKE du 6 mai 2009 devant le Sąd Okręgowy (tribunal régional). Par jugement du 15 mars 2012, cette juridiction a rejeté la demande d’annulation de cette décision. Polkomtel a interjeté appel du jugement du Sąd Okręgowy (tribunal régional) devant le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) qui a rejeté ledit appel par arrêt du 25 janvier 2013. Polkomtel a alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême).

23

Le Sąd Najwyższy (Cour suprême) s’interroge, en premier lieu, sur le champ d’application temporel et matériel du droit de l’Union dans l’affaire au principal. Il relève, d’une part, que la décision du président de l’UKE du 6 mai 2009 a été adoptée avant la modification de l’article 28 de la directive «service universel» par la directive 2009/136 et, partant, l’expiration du délai de transposition de cette dernière directive dans le droit national. D’autre part, cet article 28 de la directive «service universel», dans son libellé initial, imposait aux États membres de veiller à ce que les utilisateurs finals des autres États membres soient en mesure d’accéder aux numéros non géographiques sur leur territoire. La réglementation nationale applicable aux faits au principal prévoyait, quant à elle, l’obligation de veiller à ce que tous les utilisateurs finals soient en mesure d’accéder aux numéros non géographiques sur le territoire polonais. La juridiction de renvoi se demande, dès lors, si cette réglementation pouvait imposer une obligation plus étendue que celle prévue audit article.

24

En deuxième lieu, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une ARN est habilitée à imposer aux opérateurs, au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la directive «accès», des obligations visant à mettre en œuvre l’article 28 de la directive «service universel». Elle éprouve des doutes à cet égard en raison notamment de l’obligation de tenir compte de la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et de l’existence, en l’occurrence, d’un conflit éventuel entre cette liberté et le principe de protection des consommateurs énoncé à l’article 38 de la Charte.

25

En troisième lieu, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une ARN est habilitée à fixer, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, des modalités de tarification entre opérateurs sur la base de l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès», lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de cette directive et l’article 28 de la directive «service universel». Elle estime, en effet, que la question se pose de savoir quelles sont les limites de l’intervention des ARN en ce qui concerne la fixation des prix dans le cadre de la résolution d’un litige entre entreprises ne disposant pas d’une puissance significative sur le marché. Elle s’interroge également sur la conformité d’une telle intervention avec la liberté d’entreprise consacrée par l’article 16 de la Charte et se demande si cette intervention peut être justifiée par l’objectif d’assurer la protection des consommateurs garantie par l’article 38 de la Charte.

26

Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 28 de la directive [‘service universel’], dans son libellé initial, doit-il être interprété en ce sens que l’accès aux numéros non géographiques doit être assuré non seulement aux utilisateurs finals des autres États membres, mais aussi à ceux de l’État membre d’un opérateur de réseau public de communications, avec cet effet que l’appréciation par l’[ARN] de l’exécution de cette obligation est soumise aux exigences résultant du principe d’effectivité du droit de l’Union et du principe de l’interprétation du droit national en conformité avec le droit de l’Union?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 28 de la directive [‘service universel’], lu en combinaison avec l’article 16 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens que, pour réaliser l’obligation visée à la première desdites dispositions, il est possible de recourir à la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive [‘accès’]?

3)

L’article 8, paragraphe 3, de la directive [‘accès’], [lu] en combinaison avec l’article 28 de la directive [‘service universel’] et l’article 16 de la [Charte], ou l’article 8, paragraphe 3, de la directive [‘accès’], [lu] en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la directive [‘accès’] et l’article 16 de la [Charte], doivent-ils être interprétés en ce sens que, pour assurer aux utilisateurs finals d’un opérateur national de réseau public de communications l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau d’un autre opérateur national, l’[ARN] peut établir les modalités de règlement entre opérateurs au titre du départ d’appel en reprenant les tarifs applicables à la terminaison d’appel qui ont été fixés pour l’un de ces opérateurs sur la base de l’article 13 de la directive [‘accès’] en fonction des coûts, lorsque l’opérateur a proposé d’appliquer lesdits tarifs au cours des négociations qui ont été menées en exécution de l’obligation fixée à l’article 4 de la directive [‘accès’] et qui se sont soldées par un échec?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

27

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 28 de la directive «service universel» doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’un opérateur de réseau public de communications électroniques doit veiller à ce que l’accès aux numéros non géographiques soit assuré à tous les utilisateurs finals de son réseau dans cet État et pas seulement à ceux des autres États membres.

28

Cette question résulte de la circonstance que ledit article 28 ne prévoyait, à la date de l’adoption de la décision du président de l’UKE, que l’obligation pour les États membres de veiller à ce que les utilisateurs finals des autres États membres fussent en mesure d’accéder aux numéros non géographiques sur leur territoire, lorsque cela était techniquement et économiquement réalisable, sauf lorsqu’un abonné appelé avait choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès par des appelants situés dans certaines zones géographiques, tandis que l’article 28 de ladite directive, telle que modifiée par la directive 2009/136, prévoit désormais, à son paragraphe 1, sous a), que «les États membres veillent à ce que [...] les autorités nationales compétentes prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans [l’Union], et utiliser ces services».

29

À cet égard, il y a lieu de rechercher si une disposition nationale telle que l’article 79, paragraphe 1, de la loi sur les télécommunications contenant, en substance, une obligation plus large que celle prévue à l’article 28 de la directive «service universel» ne porte pas atteinte aux objectifs que poursuit cette directive.

30

Il convient de relever que le considérant 38 de ladite directive énonce, de manière générale, que l’accès par les utilisateurs finals à toutes les ressources de numérotation existantes dans l’Union, y compris les numéros non géographiques, est une condition essentielle en vue d’un marché unique.

31

Il ressort en outre de l’article 1er de la directive «service universel» que, dans le cadre de la directive-cadre, la directive «service universel» a trait à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise à assurer la disponibilité dans toute l’Union de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs.

32

En ce qui concerne les objectifs du cadre réglementaire dont fait partie la directive «service universel», la Cour a relevé, au point 29 de l’arrêt Telekomunikacja Polska (C‑522/08, EU:C:2010:135), que si, dans l’exercice de leurs tâches, les ARN sont, conformément à l’article 8, paragraphe 4, sous b), de la directive-cadre, tenues de soutenir les intérêts des citoyens de l’Union en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs, la directive-cadre et la directive «service universel» ne prévoient pas une harmonisation complète des aspects relatifs à la protection des consommateurs.

33

Par ailleurs, le fait de garantir aux utilisateurs d’un État membre l’accès aux numéros non géographiques, même dans le cadre d’une situation purement nationale, est susceptible de contribuer à l’avènement du marché intérieur dès lors que des utilisateurs finals abonnés auprès d’un opérateur d’un autre État membre recourent aux services de départ d’appel sur le réseau d’un opérateur de ce premier État membre, au cours de leur séjour dans ce dernier, en raison d’un contrat d’itinérance conclu entre ces opérateurs.

34

Il en découle que l’article 28 de la directive «service universel», interprété au regard des objectifs de celle-ci, ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant l’obligation d’assurer l’accès aux numéros non géographiques sur le territoire national à tous les utilisateurs finals.

35

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question posée que l’article 28 de la directive «service universel» doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’un opérateur de réseau public de communications électroniques doit veiller à ce que l’accès aux numéros non géographiques soit assuré à tous les utilisateurs finals de son réseau dans cet État et pas seulement à ceux des autres États membres.

Sur les deuxième et troisième questions

Sur la recevabilité

36

Polkomtel soutient que la troisième question est irrecevable au motif qu’elle n’aurait pas fait à Orange Polska, au cours de leurs négociations, les propositions mentionnées par la juridiction de renvoi concernant les modalités de tarification des services de départ d’appel considérés. Ainsi, la troisième question viserait des circonstances étrangères aux faits de l’affaire au principal.

37

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Maatschap T. van Oosterom en A. van Oosterom-Boelhouwer, C‑485/12, EU:C:2014:250, point 31 et jurisprudence citée).

38

Ladite présomption de pertinence ne saurait être renversée par la simple circonstance que l’une des parties au principal conteste certains faits dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude et dont dépend la définition de l’objet dudit litige (arrêt Maatschap T. van Oosterom en A. van Oosterom-Boelhouwer, C‑485/12, EU:C:2014:250, point 32 et jurisprudence citée).

39

En l’occurrence, la question de savoir si Polkomtel a fait des propositions en ce qui concerne les modalités de tarification entre elle et Orange Polska des services de départ d’appel considérés constitue une question relevant du cadre factuel qu’il n’appartient pas à la Cour de vérifier.

40

Par conséquent, la troisième question doit être considérée comme étant recevable.

Sur le fond

41

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 5, paragraphe 1, et 8, paragraphe 3, de la directive «accès», lus en combinaison avec l’article 28 de la directive «service universel», doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une ARN, dans le cadre de la résolution d’un litige entre deux opérateurs, d’imposer à l’un l’obligation d’assurer aux utilisateurs finals l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau de l’autre et de fixer, sur le fondement de l’article 13 de la directive «accès», des modalités de tarification, entre lesdits opérateurs, de cet accès telles que celles en cause au principal.

42

À cet égard, il convient de rappeler que, selon son article 1er, paragraphes 1 et 2, la directive «accès», qui s’inscrit dans le cadre présenté dans la directive-cadre, harmonise la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées ainsi que leur interconnexion. L’objectif de la directive «accès» consiste à établir, pour les relations entre les fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorise l’instauration d’une concurrence durable et qui garantit l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur. Cette directive définit notamment les objectifs assignés aux ARN en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion.

43

L’article 5 de ladite directive est relatif aux pouvoirs et aux responsabilités des ARN en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion. L’article 5, paragraphe 1, de la même directive prévoit que, pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la directive-cadre, les ARN encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de cette directive, un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services tout en promouvant l’efficacité économique, en favorisant une concurrence durable et en procurant un avantage maximal à l’utilisateur final.

44

La Cour a déjà jugé à cet égard qu’il résulte des termes de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive «accès» que les ARN ont pour mission d’assurer un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services par des moyens qui ne sont pas limitativement énumérés [voir, à propos de cette directive, telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37), arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 36 et jurisprudence citée].

45

Dans ce cadre, conformément à l’article 5, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive «accès», et sans préjudice des mesures qui peuvent être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché en vertu de l’article 8 de celle-ci, lesdites autorités doivent être en mesure d’imposer «des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux», dans le seul but d’assurer la connectivité de bout en bout (voir, à propos de cette directive, telle que modifiée par la directive 2009/140, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 37 et jurisprudence citée).

46

L’article 5, paragraphe 4, de la directive «accès», quant à lui, précise que les ARN, lorsque celles-ci interviennent à la demande des parties concernées afin de garantir le respect des objectifs prévus à l’article 8 de la directive-cadre, doivent se conformer aux dispositions de la directive «accès» ainsi qu’aux procédures visées en particulier aux articles 6, 7 et 20 de la directive-cadre.

47

De plus, selon l’article 20, paragraphe 3, de la directive-cadre, les ARN, dans la mise en œuvre de la procédure de résolution des litiges entre entreprises prévue à cet article, sont guidées par la poursuite des objectifs établis à l’article 8 de la directive-cadre, lequel prévoit à son paragraphe 3, sous b), que les ARN contribuent au développement du marché intérieur, notamment en encourageant l’interopérabilité des services paneuropéens et la connectivité de bout en bout.

48

Ainsi, ces dispositions de la directive-cadre et de la directive «accès» permettent aux ARN de prendre, dans le cadre d’un litige entre opérateurs, des mesures destinées à assurer un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services, telles qu’une décision imposant à un opérateur l’obligation d’assurer aux utilisateurs finals l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau d’un autre opérateur.

49

S’agissant de la question de savoir si de telles mesures, lorsqu’elles sont adoptées au titre de l’article 28 de la directive «service universel», peuvent contenir des obligations tarifaires, il convient de relever que, selon l’article 8, paragraphe 1, de la directive «accès», les États membres doivent veiller à ce que les ARN soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 de cette directive et notamment les obligations liées au contrôle des prix en vertu de l’article 13 de ladite directive. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la même directive, lorsque, à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la directive-cadre, un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les ARN lui imposent lesdites obligations (voir, à propos de la directive «service universel», telle que modifiée par la directive 2009/136, ainsi que de la directive-cadre et de la directive «accès», telles que modifiées par la directive 2009/140, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 40).

50

En vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès», sans préjudice de certaines dispositions, dont l’article 28 de la directive «service universel», qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché, les ARN ne peuvent imposer les obligations relatives au contrôle des prix définies notamment à l’article 13 de la directive «accès» qu’aux opérateurs désignés comme disposant d’une puissance significative conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette même directive (voir, à propos de la directive «accès», telle que modifiée par la directive 2009/140, et de la directive «service universel», telle que modifiée par la directive 2009/136, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 41).

51

Par conséquent, il convient d’interpréter l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès» en ce sens que, sauf dans le cadre de certaines dispositions et en particulier de l’article 28 de la directive «service universel», les ARN ne peuvent pas imposer des obligations liées au contrôle des prix telles que celles visées à l’article 13 de la directive «accès» aux opérateurs qui ne sont pas désignés comme disposant d’une puissance significative sur le marché donné. Ainsi, l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès» ne s’oppose pas à ce que, dans le cadre de l’application de l’article 28 de la directive «service universel», des obligations liées au contrôle des prix telles que celles visées à l’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès» soient imposées à l’opérateur qui ne dispose pas d’une puissance significative sur le marché donné, pour autant que les conditions d’application de cet article 28 de la directive «service universel» sont réunies (voir, en ce sens, à propos de la directive «accès», telle que modifiée par la directive 2009/140, et de la directive «service universel», telle que modifiée par la directive 2009/136, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 42).

52

Il s’ensuit que les ARN peuvent imposer des obligations tarifaires comparables à celles visées à l’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès», au titre de l’article 28 de la directive «service universel», à un opérateur qui ne dispose pas d’une puissance significative sur le marché, mais qui contrôle l’accès aux utilisateurs finals, si de telles obligations constituent des mesures nécessaires et proportionnées pour garantir que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union (voir, à propos de la directive «accès», telle que modifiée par la directive 2009/140, et de la directive «service universel», telle que modifiée par la directive 2009/136, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 43).

53

Ainsi, les ARN peuvent notamment, dans le cadre d’un litige entre des opérateurs, imposer des obligations tarifaires, telles que les modalités de tarification, entre lesdits opérateurs, de l’accès des utilisateurs finals aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau de l’un d’eux, si de telles obligations sont nécessaires et proportionnées, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.

54

Par ailleurs, il convient de relever que les articles 5, paragraphes 1 et 3, et 8, paragraphe 4, de la directive «accès» prévoient les conditions auxquelles doivent satisfaire les obligations imposées par les ARN aux opérateurs fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques conformément aux articles 5, paragraphe 1, et 8 de cette directive (voir, à propos de ladite directive, telle que modifiée par la directive 2009/140, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 45).

55

En particulier, l’article 5, paragraphe 3, de la directive «accès» prévoit que les obligations et conditions imposées notamment au titre du paragraphe 1 de cet article doivent être objectives, transparentes, proportionnées, non discriminatoires et qu’elles doivent être mises en œuvre conformément aux procédures prévues aux articles 6 et 7 de la directive-cadre (voir, à propos de la directive «accès» et de la directive-cadre, telles que modifiées par la directive 2009/140, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 46).

56

Selon l’article 8, paragraphe 4, de la directive «accès», les obligations imposées conformément à cet article doivent être fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive-cadre, et elles ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de la directive-cadre (voir, à propos de la directive «accès» et de la directive-cadre, telles que modifiées par la directive 2009/140, arrêt KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 47).

57

Il ressort de ce qui précède qu’une mesure, telle que celle en cause au principal, adoptée conformément aux articles 5, paragraphe 1, et 8, paragraphe 3, de la directive «accès», lus en combinaison avec l’article 28 de la directive «service universel», pour assurer aux utilisateurs finals d’un opérateur l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau d’un autre opérateur, doit également remplir les conditions rappelées aux points 52, 55 et 56 du présent arrêt.

58

La juridiction de renvoi s’interrogeant sur la possibilité pour une ARN, saisie d’un litige opposant des opérateurs, d’établir des modalités de tarification en se basant sur les tarifs de terminaison d’appel qui ont été fixés pour l’un d’entre eux en fonction des coûts, il convient d’observer que l’article 13 de la directive «accès» ne règle pas de telles modalités. Dès lors, il appartient aux ARN d’arrêter ces modalités en veillant à ce que celles-ci remplissent les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, de cette directive.

59

Ladite juridiction s’interrogeant également, au regard de la liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte, sur la possibilité pour une ARN d’adopter une décision, telle que celle en cause au principal, qui se substituerait à un contrat entre les opérateurs concernés, il convient de relever que la Charte, qui est entrée en vigueur le 1er décembre 2009, ne s’applique pas ratione temporis à la situation en cause au principal, la décision du président de l’UKE ayant été adoptée le 6 mai 2009.

60

Toutefois, selon une jurisprudence constante, le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie, tout comme d’ailleurs le droit de propriété, des principes généraux du droit de l’Union. Ces principes n’apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, en ce sens, arrêt Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 82 et jurisprudence citée).

61

Or, il est constant que la décision du président de l’UKE du 6 mai 2009 a été adoptée sur la base d’une loi nationale transposant notamment les directives «service universel» et «accès» et répond à un objectif d’intérêt général ainsi reconnu par l’Union, à savoir l’accès des utilisateurs finals de l’Union aux services utilisant des numéros non géographiques. Dès lors, cette décision ne méconnaît pas la liberté d’entreprise à condition que, ainsi qu’il a déjà été indiqué aux points 55 et 56 du présent arrêt, les obligations imposées dans le cadre de la résolution du litige entre les opérateurs concernés étaient nécessaires et proportionnées, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

62

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions posées que les articles 5, paragraphe 1, et 8, paragraphe 3, de la directive «accès», lus en combinaison avec l’article 28 de la directive «service universel», doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une ARN, dans le cadre de la résolution d’un litige entre deux opérateurs, d’imposer à l’un l’obligation d’assurer aux utilisateurs finals l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau de l’autre et de fixer, sur le fondement de l’article 13 de la directive «accès», des modalités de tarification, entre lesdits opérateurs, de cet accès telles que celles en cause au principal, pour autant que ces obligations sont objectives, transparentes, proportionnées, non discriminatoires, fondées sur la nature du problème constaté et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive-cadre, et que les procédures prévues aux articles 6 et 7 de cette dernière directive ont, le cas échéant, été respectées, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.

Sur les dépens

63

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 28 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’un opérateur de réseau public de communications électroniques doit veiller à ce que l’accès aux numéros non géographiques soit assuré à tous les utilisateurs finals de son réseau dans cet État et pas seulement à ceux des autres États membres.

 

2)

Les articles 5, paragraphe 1, et 8, paragraphe 3, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès»), lus en combinaison avec l’article 28 de la directive 2002/22, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une autorité réglementaire nationale, dans le cadre de la résolution d’un litige entre deux opérateurs, d’imposer à l’un l’obligation d’assurer aux utilisateurs finals l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques fournis sur le réseau de l’autre et de fixer, sur le fondement de l’article 13 de la directive 2002/19, des modalités de tarification, entre lesdits opérateurs, de cet accès telles que celles en cause au principal, pour autant que ces obligations sont objectives, transparentes, proportionnées, non discriminatoires, fondées sur la nature du problème constaté et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), et que les procédures prévues aux articles 6 et 7 de cette dernière directive ont, le cas échéant, été respectées, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le polonais.