ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 novembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Règlement (CE) no 73/2009 — Articles 7, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, 121 et 132, paragraphe 2 — Actes d’exécution de ce règlement — Validité, au regard du traité FUE, de l’acte d’adhésion de 2003 ainsi que des principes de non‑discrimination, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration — Modulation des paiements directs octroyés aux agriculteurs — Réduction des montants — Niveau des paiements directs applicable dans les États membres de la Communauté européenne dans sa composition au 30 avril 2004 et dans les États membres ayant adhéré à celle‑ci le 1er mai 2004 — Défaut de publication et de motivation»

Dans l’affaire C‑103/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), par décision du 10 février 2014, parvenue à la Cour le 4 mars 2014, dans la procédure

Bronius Jakutis,

Kretingalės kooperatinė ŽŪB

contre

Nacionalinė mokėjimo agentūra prie Žemės ūkio ministerijos,

Lietuvos valstybė,

en présence de:

Lietuvos Respublikos Vyriausybė,

Lietuvos Respublikos žemės ūkio ministerija,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Jakutis et Kretingalės kooperatinė ŽŪB, par MM. E. Pranauskas et J. Sviderskis ainsi que par Me I. Vėgėlė, advokatas,

pour le gouvernement lituanien, par MM. D. Kriaučiūnas, K. Anužis, R. Makelis, A. Karbauskas ainsi que par Mme K. Vainienė, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes E. Karlsson et J. Vaičiukaitė, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. H. Kranenborg et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 39 TFUE, du chapitre 6, A, point 27, sous b), de l’annexe II de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci‑après l’«acte d’adhésion de 2003»), et des articles 7, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, 121 et 132, paragraphe 2, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO L 30, p. 16, et rectificatif JO 2010, L 43, p. 7), ainsi que sur la validité des articles 10, paragraphe 1, et 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, du rectificatif de ce règlement publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010, de la décision d’exécution C(2012) 4391 final de la Commission, du 2 juillet 2012, autorisant l’octroi de paiements directs nationaux complémentaires en Lituanie au titre de l’année 2012, et du document de travail DS2011/14/REV2 de la Commission, du 20 octobre 2011.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Jakutis et la Kretingalės kooperatinė ŽŪB (société coopérative agricole de Kretingalė) à la Nacionalinė mokėjimo agentūra prie Žemės ūkio ministerijos (Agence nationale de paiement auprès du ministère de l’Agriculture, ci‑après l’«Agence») ainsi qu’au Lietuvos valstybė (État lituanien) au sujet de la modulation des paiements directs de l’Union européenne et de la réduction des paiements directs nationaux complémentaires (ci‑après les «PDNC») au titre de l’année 2012 à l’égard des requérants au principal, lesquels demandent à être indemnisés de leur manque à gagner.

Le cadre juridique

L’acte d’adhésion de 2003

3

L’article 9 de l’acte d’adhésion de 2003 dispose:

«Les dispositions du présent acte qui ont pour objet ou pour effet d’abroger ou de modifier, autrement qu’à titre transitoire, des actes pris par les institutions, acquièrent la même nature juridique que les dispositions ainsi abrogées ou modifiées et sont soumises aux mêmes règles que ces dernières.»

4

Aux termes de l’article 23 de cet acte:

«Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut procéder aux adaptations des dispositions du présent acte relatives à la politique agricole commune [(PAC)] qui peuvent s’avérer nécessaires du fait d’une modification des règles communautaires. Ces adaptations peuvent être faites avant la date d’adhésion.»

5

L’article 57 dudit acte est libellé comme suit:

«1.   Lorsque les actes des institutions doivent, avant l’adhésion, être adaptés du fait de l’adhésion et que les adaptations nécessaires n’ont pas été prévues dans le présent acte ou ses annexes, ces adaptations sont effectuées selon la procédure prévue au paragraphe 2. Ces adaptations entrent en vigueur dès l’adhésion.

2.   Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, ou la Commission, selon que les actes initiaux ont été adoptés par l’une ou l’autre de ces deux institutions, établit à cette fin les textes nécessaires.»

Le règlement (CE) no 1259/1999

6

Le règlement (CE) no 1259/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune (JO L 160, p. 113), s’appliquait, conformément à son article 1er, aux paiements octroyés directement aux agriculteurs dans le cadre des régimes de soutien relevant de la PAC et financés en partie ou en totalité par la section «Garantie» du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), à l’exception de ceux qui sont prévus par le règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80).

7

Le chapitre 6, A, point 27, sous b), de l’annexe II de l’acte d’adhésion de 2003 a notamment inséré, dans le règlement no 1259/1999, les articles 1er bis à 1er quater, concernant les régimes de soutien dans les nouveaux États membres.

8

L’article 1er bis du règlement no 1259/1999 a établi un régime de paiements directs faisant l’objet d’une introduction progressive dans les nouveaux États membres. Cet article disposait:

«Introduction de régimes de soutien dans les nouveaux États membres

En République tchèque, en Estonie, à Chypre, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, à Malte, en Pologne, en Slovénie et en Slovaquie (ci‑après dénommés ‘nouveaux États membres’), les paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’article 1er sont introduits par paliers conformément au calendrier ci‑après, les chiffres correspondant au pourcentage du niveau applicable de ces paiements dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004.

25 % en 2004

30 % en 2005

35 % en 2006

40 % en 2007

50 % en 2008

60 % en 2009

70 % en 2010

80 % en 2011

90 % en 2012

100 % à compter de 2013.»

9

L’article 1er ter du règlement no 1259/1999 a établi un régime de paiement unique à la surface (ci‑après le «RPUS») que les nouveaux États membres peuvent mettre en œuvre en remplacement des paiements directs accordés au titre des régimes de soutien visés à l’article 1er de ce règlement.

10

L’article 1er quater du règlement no 1259/1999 a permis aux nouveaux États membres d’octroyer des PDNC. Son paragraphe 1 disposait:

«Aux fins du présent article, on entend par ‘régime national similaire à ceux de la PAC’ tout régime de paiement direct national applicable avant la date d’adhésion des nouveaux États membres et au titre duquel une aide était accordée aux exploitants en ce qui concerne la production relevant de l’un des régimes de paiement direct de l’[Union] énumérés à l’annexe 1.»

11

Aux termes du paragraphe 2, dernier alinéa, de cet article:

12

L’article 1er quater, paragraphes 4, 5 et 8, du règlement no 1259/1999 était libellé comme suit:

«4.   S’il décide d’appliquer le [RPUS], un nouvel État membre peut octroyer l’aide directe nationale complémentaire aux conditions visées aux paragraphes 5 et 8.

5.   Le montant total par secteur de l’aide nationale complémentaire qui est accordée pour une année déterminée lors de la mise en œuvre du [RPUS] s’inscrit dans les limites d’une enveloppe financière spécifique par secteur. Cette enveloppe financière correspond à la différence entre:

le montant total de l’aide découlant de l’application soit du premier soit du second tiret du paragraphe 2, selon qu’il conviendra, et

le montant total de l’aide directe qui serait proposée pour le même secteur dans le nouvel État membre concerné pour la même année au titre du [RPUS].

[...]

8.   Aucun paiement ni aide nationaux complémentaires ne sont accordés à des fins d’activités agricoles couvertes par une organisation commune de marché qui ne reçoit pas d’aide directe au titre de l’un des régimes de soutien visés à l’article 1er

Le règlement (CE) no 1782/2003

13

Le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1), disposait à son article 10, intitulé «Modulation»:

«1.   Tous les montants des paiements directs à octroyer pour une année civile donnée à un agriculteur dans un État membre donné sont réduits chaque année jusqu’en 2012 des pourcentages suivants:

3 % en 2005,

4 % en 2006,

5 % en 2007,

5 % en 2008,

5 % en 2009,

5 % en 2010,

5 % en 2011,

5 % en 2012.

[...]»

14

La décision 2004/281/CE du Conseil, du 22 mars 2004, portant adaptation de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, à la suite de la réforme de la politique agricole commune (JO L 93, p. 1), a, notamment, ajouté les articles 143 bis à 143 quater au règlement no 1782/2003.

15

L’article 143 bis du règlement no 1782/2003 a repris le calendrier d’introduction progressive des paiements directs établi à l’article 1er bis du règlement no 1259/1999, alors que l’article 143 ter du règlement no 1782/2003 contenait les règles relatives au RPUS.

16

À l’instar de l’article 1er quater du règlement no 1259/1999, l’article 143 quater du règlement no 1782/2003 permettait aux nouveaux États membres d’octroyer des PDNC et prévoyait également, à son paragraphe 2, quatrième alinéa, que le montant total des aides directes pouvant être versées à l’exploitant dans les nouveaux États membres après l’adhésion au titre du régime de paiement direct applicable, y compris tout PDNC, ne dépasse pas le niveau de l’aide directe à laquelle cet exploitant aurait droit au titre du régime de paiement direct correspondant, tel qu’il sera alors applicable aux États membres dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004.

17

Le règlement (CE) no 583/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant les règlements no 1782/2003, (CE) no 1786/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés et no 1257/1999, en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne (JO L 91, p. 1), a, notamment, introduit dans le règlement no 1782/2003 l’article 12 bis.

18

L’article 12 bis du règlement no 1782/2003 disposait à son paragraphe 1:

«Les articles 10 et 12 ne s’appliquent aux nouveaux États membres qu’à compter du début de l’année civile pendant laquelle le niveau des paiements directs applicable dans les nouveaux États membres est au moins égal au niveau des paiements directs applicable à cette date dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004.»

Le règlement no 73/2009

19

Aux termes du considérant 17 du règlement no 73/2009:

20

Aux termes de l’article 2, sous d), dudit règlement, on entend par «paiement direct»«un paiement octroyé directement aux agriculteurs dans le cadre de l’un des régimes de soutien énumérés à l’annexe I».

21

L’article 7 du même règlement, intitulé «Modulation», dispose:

«1.   Tous les montants des paiements directs supérieurs à 5000 [euros] à octroyer à un agriculteur pour une année civile donnée sont réduits chaque année jusqu’en 2012 des pourcentages suivants:

a)

en 2009: 7 %;

b)

en 2010: 8 %;

c)

en 2011: 9 %;

d)

en 2012: 10 %.

2.   Les réductions prévues au paragraphe 1 sont augmentées de 4 points de pourcentage pour les montants dépassant 300000 [euros].

[...]»

22

L’article 10 du règlement no 73/2009, intitulé «Règles particulières applicables à la modulation dans les nouveaux États membres», énonce:

«1.   L’article 7 ne s’applique aux agriculteurs d’un nouvel État membre pour une année civile donnée que si le niveau des paiements directs résultant de l’application de l’article 121 dans cet État membre, pour l’année civile considérée, est au moins égal au niveau des paiements directs applicable à ce moment‑là dans les États membres autres que les nouveaux États membres, compte tenu de toute réduction effectuée conformément à l’article 7, paragraphe 1.

2.   Lorsque l’article 7 s’applique aux agriculteurs d’un nouvel État membre, le pourcentage à prendre en considération aux fins de l’article 7, paragraphe 1, est limité à la différence entre le niveau des paiements directs résultant de l’application de l’article 121 dans cet État membre et le niveau des paiements directs observé dans les États membres autres que les nouveaux États membres, compte tenu de toute réduction effectuée en vertu de l’article 7, paragraphe 1.

[...]»

23

L’article 121 dudit règlement prévoit:

«Dans les nouveaux États membres [...], les paiements directs sont introduits par paliers conformément au calendrier ci‑après, les chiffres correspondant au pourcentage du niveau applicable de ces paiements dans les États membres autres que les nouveaux États membres:

60 % en 2009,

70 % en 2010,

80 % en 2011,

90 % en 2012,

100 % à partir de 2013.

[...]»

24

Aux termes de l’article 132, paragraphe 2, du même règlement:

«Les nouveaux États membres ont la faculté, sous réserve de l’autorisation de la Commission, de compléter les paiements directs selon les modalités suivantes:

a)

pour tous les paiements directs, jusqu’à concurrence de 30 points de pourcentage au‑dessus du niveau fixé à l’article 121 pour l’année concernée. [...] En ce qui concerne les paiements directs visés au titre IV, chapitre 7, du règlement (CE) no 1782/2003, les nouveaux États membres peuvent compléter les paiements directs jusqu’à concurrence de 100 %. [...]

ou

b)

i) pour tous les paiements directs autres que le régime de paiement unique, jusqu’à concurrence du montant total des aides directes auxquelles l’agriculteur aurait eu droit, produit par produit, dans le nouvel État membre concerné, au cours de l’année civile 2003 au titre d’un régime national similaire à ceux de la PAC, accru de 10 points de pourcentage. Toutefois, en ce qui concerne la Lituanie, l’année de référence est l’année civile 2002. [...]

ii)

en ce qui concerne le régime de paiement unique, jusqu’à concurrence du montant total de l’aide nationale directe complémentaire qui peut être accordée par un nouvel État membre pour une année donnée s’inscrit dans les limites d’une enveloppe financière spécifique. Cette enveloppe financière correspond à la différence entre:

le montant total de l’aide directe nationale similaire à celle de la PAC qui serait disponible dans le nouvel État membre concerné pour l’année civile 2003 ou, dans le cas de la Lituanie, pour l’année civile 2002, majoré à chaque fois de 10 points de pourcentage [...]et

le plafond national de ce nouvel État membre figurant à l’annexe VIII, modifié, le cas échéant, conformément à l’article 51, paragraphe 2.

Aux fins du calcul du montant total visé au premier tiret du présent alinéa, il convient de prendre en considération les paiements directs nationaux ou leurs composantes qui correspondent aux paiements directs communautaires ou leurs composantes qui ont été prises en compte pour le calcul du plafond réel du nouvel État membre concerné conformément à l’article 40 et à l’article 51, paragraphe 2.

Pour chaque paiement direct concerné, un nouvel État membre peut choisir d’appliquer soit le point a), soit le point b) du premier alinéa.

[...]»

25

Le dernier alinéa de l’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 était initialement rédigé comme suit:

«À partir de 2012, le montant total des aides directes pouvant être octroyées, après l’adhésion, à un agriculteur dans les nouveaux États membres au titre du paiement direct applicable, y compris tout [PDNC], ne dépasse pas le niveau de l’aide directe à laquelle cet agriculteur aurait droit au titre du paiement direct correspondant applicable, au moment considéré, dans les États membres autres que les nouveaux États membres, compte tenu de l’application conjointe de l’article 7 et de l’article 10.»

26

Cette disposition a été corrigée dans toutes les langues officielles par le rectificatif publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010 et se lit comme suit:

27

L’article 132, paragraphes 4 à 8, du règlement no 73/2009 dispose:

«4.   S’il décide d’appliquer le [RPUS], un nouvel État membre peut octroyer l’aide directe nationale complémentaire selon les conditions visées aux paragraphes 5 et 8.

5.   Le montant total de l’aide nationale complémentaire octroyée au cours de l’année considérée en cas d’application du [RPUS] peut être limité au montant d’une enveloppe financière par (sous‑)secteur, étant entendu que cette enveloppe ne peut concerner que:

a)

les paiements directs combinés à un régime de paiement unique, et/ou

b)

pour l’année 2009, un ou plusieurs des paiements directs qui sont ou peuvent être exclus du régime de paiement unique conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1782/2003 ou qui peuvent faire l’objet d’une mise en œuvre partielle en application de l’article 64, paragraphe 2, dudit règlement,

c)

à partir de 2010, un ou plusieurs des paiements directs pouvant faire l’objet d’une mise en œuvre partielle ou d’un soutien spécifique en application de l’article 51, paragraphe 2, et de l’article 68 du présent règlement.

Cette enveloppe financière correspond à la différence entre:

a)

le montant total de l’aide par (sous‑)secteur découlant de l’application du point a) ou b) du premier alinéa du paragraphe 2, selon le cas, et

b)

le montant total de l’aide directe qui serait disponible pour le même (sous‑)secteur dans le nouvel État membre concerné pour la même année au titre du [RPUS].

6.   Les nouveaux États membres peuvent décider, sur la base des critères objectifs et après autorisation de la Commission, des montants des aides nationales complémentaires à accorder.

7.   L’autorisation donnée par la Commission:

a)

spécifie, lorsque le paragraphe 2, premier alinéa, point b), s’applique, les régimes de paiements directs nationaux similaires à ceux de la PAC concernés,

b)

définit le montant jusqu’à concurrence duquel l’aide nationale complémentaire peut être versée, le taux de l’aide nationale complémentaire et, le cas échéant, les conditions de son octroi,

c)

est accordée sous réserve de tout ajustement que l’évolution de la PAC pourrait rendre nécessaire.

8.   Aucune aide ni aucun paiement national complémentaire ne peuvent être accordés pour des activités agricoles pour lesquelles les paiements directs ne sont pas prévus dans les États membres autres que les nouveaux États membres.»

28

Le règlement (UE) no 671/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2012, modifiant le règlement no 73/2009 (JO L 204, p. 11), a notamment inséré dans ce dernier règlement un article 133 bis, intitulé «Aide nationale transitoire», aux termes duquel:

«1.   [...] les nouveaux États membres appliquant le [RPUS] ont la possibilité d’octroyer une aide nationale transitoire en 2013.

Sauf dans le cas de Chypre, l’octroi de cette aide est subordonné à l’autorisation de la Commission, qui est accordée conformément au paragraphe 5.

2.   L’aide nationale transitoire peut être octroyée aux agriculteurs de secteurs pour lesquels des [PDNC] et, dans le cas de Chypre, des aides d’État ont été autorisés en 2012 en vertu des articles 132 et 133.

3.   Les conditions d’octroi de l’aide sont identiques à celles autorisées pour l’octroi de paiements en vertu des articles 132 et 133 pour l’année 2012.

[...]»

Le règlement (UE) no 1307/2013

29

L’article 37, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement no 73/2009 (JO L 347, p. 608), dispose:

«Les conditions d’octroi de l’aide nationale transitoire sont identiques à celles autorisées pour l’octroi de paiements au titre de l’article 132, paragraphe 7, ou de l’article 133 bis du règlement (CE) no 73/2009, pour l’année 2013, à l’exception de la réduction des paiements découlant de l’application de l’article 132, paragraphe 2, en liaison avec les articles 7 et 10 dudit règlement.»

Le règlement (UE) no 1310/2013

30

Le règlement (UE) no 1310/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant certaines dispositions transitoires relatives au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), modifiant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les ressources et leur répartition pour l’exercice 2014 et modifiant le règlement no 73/2009 ainsi que les règlements (UE) no 1307/2013, (UE) no 1306/2013 et (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne leur application au cours de l’exercice 2014 (JO L 347, p. 865), a inséré dans le règlement no 73/2009 un article 133 ter, intitulé «Aide nationale transitoire en 2014», qui dispose, à son paragraphe 3:

«L’aide au titre du présent article peut être octroyée aux agriculteurs dans les secteurs où une aide nationale transitoire en vertu de l’article 133 bis [a été octroyée] en 2013.»

La décision d’exécution C(2012) 4391 final

31

Le sixième considérant de la décision d’exécution C(2012) 4391 final est libellé comme suit :

«La Commission a publié un document de travail pour le comité de gestion des paiements directs du 20 octobre 2011, qui contenait des explications détaillées relatives à la manière de procéder aux réductions des paiements directs nationaux complémentaires et à appliquer par certains nouveaux États membres pour l’année 2012 en vertu de l’article 132, paragraphe 2, du règlement (CE) no 73/2009.»

32

La décision d’exécution C(2012) 4391 final comporte deux articles libellés comme suit:

«Article premier

1.   Au titre de l’année 2012, la Lituanie est autorisée à accorder des [PDNC] conformément aux conditions stipulées dans sa demande du 22 mars 2012.

2.   Le niveau jusqu’à concurrence duquel le [PDNC] peut être versé et le taux maximal correspondant sont fixés à l’annexe de la présente décision.

3.   Le taux de change à utiliser pour les paiements est celui qui s’applique aux paiements accordés au titre du [RPUS] prévu à l’article 122 du règlement (CE) no 73/2009.

4.   Lorsque le montant total des paiements directs à accorder à un agriculteur en vertu du règlement (CE) no 73/2009, y compris tous les [PDNC], est supérieur à 5000 [euros], un montant équivalent à 10 % du montant total supérieur à 5000 [euros] est déduit du montant des [PDNC] à accorder à cet agriculteur conformément à l’annexe de la présente décision. Ce pourcentage est majoré de quatre points de pourcentage lorsque le montant total de l’ensemble des paiements directs, y compris tous les [PDNC], est supérieur à 300000 [euros], mais la réduction ne s’applique qu’à la partie du montant total supérieure à 300000 [euros] et constituée des [PDNC].

Article 2

La République de Lituanie est destinataire de la présente décision.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

33

Depuis l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, le revenu des agriculteurs lituaniens est soutenu au moyen de paiements directs, qui comprennent les paiements financés par le budget de l’Union et les paiements directs nationaux financés par le budget de l’État concerné. La République de Lituanie a opté pour le RPUS. Selon ce régime, le paiement est calculé en divisant l’enveloppe financière annuelle de l’État concerné par la surface agricole pertinente pour bénéficier de l’aide.

34

En vertu de l’acte d’adhésion de 2003, les paiements directs de l’Union aux agriculteurs en Lituanie et dans les autres nouveaux États membres ont augmenté progressivement. Ils ne devaient atteindre 100 % du niveau des paiements directs versés dans les États membres autres que les nouveaux États membres qu’à compter de l’année 2013. Jusqu’à cette date, les nouveaux États membres étaient autorisés à octroyer des PDNC, après approbation de la Commission.

35

Selon la juridiction de renvoi, l’objectif fixé dans l’acte d’adhésion de 2003 d’atteindre, pour l’année 2012, un niveau des paiements directs de 90 % du niveau des paiements directs versés dans les États membres autres que les nouveaux États membres, n’a pas été atteint en Lituanie. Cela tiendrait au fait que les paiements directs étaient versés sur la base du rendement de référence des cultures agricoles constaté entre l’année 2000 et l’année 2002. Sur cette base aurait été calculée également l’enveloppe financière des paiements directs à 100 % de la République de Lituanie, à diviser par la superficie de base pour obtenir le paiement direct par hectare. Jusqu’à l’année 2012, le rendement de référence aurait néanmoins fortement augmenté et la superficie de base aurait crû de façon constante. Le montant des paiements directs par hectare se serait réduit en conséquence.

36

Le 20 octobre 2011, la Commission a adopté le document de travail DS/2011/14/REV2, précisant les modalités selon lesquelles, au titre de l’année 2012, certains des nouveaux États membres devaient, en vertu du règlement no 73/2009, appliquer une modulation des paiements directs et une réduction des PDNC. Ainsi, d’une part, les paiements directs supérieurs à 5000 euros étaient en principe soumis à la modulation. D’autre part, en vertu de la décision d’exécution C(2012) 4391 final, les PDNC versés aux agriculteurs en Lituanie se sont vu appliquer une réduction de 10 %.

37

Pour l’année 2012, M. Jakutis et la société coopérative agricole de Kretingalė ont demandé des aides pour des surfaces agricoles et d’autres surfaces à l’Agence.

38

À l’égard de M. Jakutis, l’Agence a adopté, le 5 juin 2013, une décision en vertu de laquelle, dès lors que le montant total des paiements directs, y compris tous les PDNC, dont l’intéressé bénéficiait au titre de l’année 2012, était supérieur à 5000 euros [soit 17264 litas lituaniens (LTL)], la réduction des PDNC devait s’appliquer.

39

À l’égard de la société coopérative agricole de Kretingalė, l’Agence a appliqué, par une décision du 22 mai 2013, la modulation des paiements directs financés à l’aide du FEOGA ainsi que la réduction des PDNC. Le montant total des paiements directs et des PDNC versés à cette société est supérieur à 300000 euros.

40

M. Jakutis et la société coopérative agricole de Kretingalė ont saisi la juridiction de renvoi de recours en annulation desdites décisions.

41

Selon les requérants au principal, il n’existait aucune base juridique pour appliquer, en Lituanie, la modulation des paiements directs ou la réduction des PDNC au titre de l’année 2012. Ils font valoir que, en vertu des dispositions de l’acte d’adhésion de 2003, tant qu’il n’est pas effectivement établi que les montants et les niveaux des paiements directs des exploitations lituaniennes atteignent ceux des États membres autres que les nouveaux États membres, les paiements directs à verser aux exploitations lituaniennes ne peuvent pas être modulés en application des articles 7 et 10, paragraphe 1, du règlement no 73/2009.

42

Les requérants au principal soulignent que, au titre de l’année 2012, le niveau des paiements directs dans les États membres autres que les nouveaux États membres était supérieur à 90 % du niveau de la totalité des paiements directs, pendant qu’il était mathématiquement impossible qu’il excède 90 % de ce niveau en Lituanie. En outre, les paiements directs financés par le budget de l’Union versés aux agriculteurs lituaniens au titre de l’année 2012 seraient plus de deux fois inférieurs à ceux reçus dans les États membres autres que les nouveaux États membres, même modulés de 10 %. Tant qu’il ne serait pas effectivement établi que les montants et les niveaux des paiements directs des exploitations agricoles lituaniennes atteignent ceux des États membres autres que les nouveaux États membres, les paiements directs à verser aux exploitations lituaniennes ne devraient pas et ne pourraient pas être modulés et les PDNC ne pourraient pas être réduits.

43

L’Agence a souligné qu’elle n’était pas compétente pour porter une appréciation sur la légalité des décrets du gouvernement lituanien et encore moins sur celle des décisions de la Commission.

44

Le gouvernement lituanien confirme les éléments invoqués par les requérants au principal, en déclarant que la Commission n’a pas procédé à la moindre enquête, ni fourni les moindres informations confirmant que, au titre de l’année 2012, le niveau des paiements directs était le même dans les États membres autres que les nouveaux États membres et dans les nouveaux États membres. Les arguments avancés dans le document de travail DS/2011/14/REV2, selon lesquels le niveau des paiements dans les nouveaux États membres avait atteint celui des paiements dans les États membres autres que les nouveaux États membres, reposeraient sur une interprétation des pourcentages indiqués dans le règlement no 73/2009.

45

Selon le gouvernement lituanien, un grand nombre d’exploitations dans les États membres autres que les nouveaux États membres, au titre de l’année 2012, recevaient moins de 5000 euros de paiements directs et, conformément à l’article 7 du règlement no 73/2009, la modulation ne leur était pas applicable, les paiements directs leur étant versés au taux de 100 %. La conséquence en serait que, si la modulation était uniquement appliquée à l’égard des exploitations qui reçoivent plus de 5000 euros de paiements directs, le niveau global des paiements directs dans les États membres autres que les nouveaux États membres serait supérieur à 90 % du niveau de la totalité des paiements directs. En revanche, dans les nouveaux États membres, toutes les exploitations recevraient des paiements directs au taux de 90 %, indépendamment du point de savoir si les paiements directs versés à l’exploitation excèdent ou non 5000 euros.

46

La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la conformité de cette situation au regard du principe de non‑discrimination. Dès lors que le montant payé par hectare différerait objectivement dans les nouveaux États membres et dans les États membres autres que les nouveaux États membres, ces groupes d’États seraient dans des situations différentes et ne devraient donc pas être traités de manière égale, c’est‑à‑dire en appliquant la modulation de manière identique. Aussi, la Commission serait‑elle tenue, par les principes de sollicitude et de bonne administration, de rassembler tous les éléments de fait nécessaires pour exercer le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose.

47

Dans ces circonstances, le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Concernant l’évaluation du niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres et dans les États membres autres que les nouveaux États membres aux fins de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, appliqué conjointement avec les articles 7 et 121 dudit règlement:

a)

Convient‑il d’interpréter l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, appliqué conjointement avec les articles 10, paragraphe 1, et 121 dudit règlement, en ce sens que, au titre de l’année 2012, le niveau des paiements directs excédant 5000 euros était de 90 % dans les États membres autres que les nouveaux États membres?

b)

En cas de réponse affirmative à la première question, sous a), cela signifie‑t‑il que, au titre de l’année 2012, le niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres n’a pas atteint celui des États membres autres que les nouveaux États membres, eu égard au contenu et aux objectifs des articles 10, paragraphe 1, et 121 du règlement no 73/2009?

c)

Les dispositions de l’article 10, paragraphe 1, in fine, du règlement no 73/2009 (‘compte tenu de toute réduction effectuée conformément à l’article 7, paragraphe 1’) et du document de travail DS/2011/14/REV2, qui prévoient d’effectuer la comparaison des paiements directs sur des bases différentes – le niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres est évalué sans appliquer de modulation (90 %, selon l’article 121 de ce règlement), tandis que celui dans les États membres autres que les nouveaux États membres l’est après application de la modulation [100 % moins 10 %, selon l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement] –, contreviennent‑elles à l’acte d’adhésion de 2003 et aux principes du droit de l’Union, dont ceux de protection de la confiance légitime, de bonne administration, de concurrence loyale et de non‑discrimination, ainsi qu’aux buts de la PAC énoncés à l’article 39 TFUE?

2)

Concernant la violation de l’acte d’adhésion de 2003 et de certains principes du droit de l’Union par les articles 10, paragraphe 1, et 132, paragraphe 2, dernier alinéa, in fine, du règlement no 73/2009 ainsi que par les actes de droit de l’Union adoptés sur leur fondement:

a)

L’article 10, paragraphe 1, in fine, du règlement no 73/2009 (‘compte tenu de toute réduction effectuée conformément à l’article 7, paragraphe 1’), l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, in fine, dudit règlement (‘compte tenu, à partir de 2012, de l’application conjointe de l’article 7 et de l’article 10’) ainsi que le document de travail DS/2011/14/REV2 et la décision d’exécution C(2012) 4391 final, adoptés sur leur fondement, contreviennent‑ils à l’acte d’adhésion de 2003, lequel ne prévoit pas de modulation des paiements directs, ni de réduction des [PDNC] dans les nouveaux États membres, ni d’année à partir de laquelle les paiements directs sont présumés être devenus égaux dans les nouveaux États membres et dans les États membres autres que les nouveaux États membres?

b)

L’article 10, paragraphe 1, l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009 ainsi que le document de travail DS/2011/14/REV2 et la décision d’exécution C(2012) 4391 final, dans la mesure où, en vertu de leur texte et de leurs objectifs, la modulation des paiements directs et la réduction des [PDNC] sont appliquées en 2012 dans les nouveaux États membres, qui reçoivent un soutien direct nettement inférieur à celui dont bénéficient les États membres autres que les nouveaux États membres, contreviennent‑ils aux principes du droit de l’Union, dont ceux de protection de la confiance légitime, de concurrence loyale et de non‑discrimination, ainsi qu’aux objectifs de la PAC énoncés à l’article 39 TFUE, notamment à celui d’accroître la productivité de l’agriculture?

c)

La modification apportée à l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009 (‘compte tenu, à partir de 2012, de l’application conjointe de l’article 7 et de l’article 10’) par voie de rectificatif (par laquelle a été effectuée non pas une correction de nature technique, mais une modification du contenu de la disposition sur le fond – il est présumé que, en 2012, les paiements directs dans les nouveaux États membres étaient égaux à ceux des États membres autres que les nouveaux États membres) contrevient‑elle aux principes du droit de l’Union, dont ceux de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, de bonne administration, de concurrence loyale et de non‑discrimination?

d)

La signification du terme ‘dydis’ utilisé à l’article 1er quater [du règlement no 1259/1999] [‘montant’ ou ‘niveau’ dans la version en langue française], est‑elle la même que celle du terme ‘lygis’ [‘niveau’] utilisé à l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009?

3)

La décision d’exécution C(2012) 4391 final et le document de travail DS/2011/14/REV2, qui n’ont pas été publiés au Journal officiel de l’Union européenne et ne sont pas motivés (ils ont été adoptés sur la seule base de la présomption que, en 2012, le niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres était égal à celui des États membres autres que les nouveaux États membres), contreviennent‑ils à l’acte d’adhésion de 2003 et aux principes du droit de l’Union, dont ceux de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration? Si oui, l’article 1er, paragraphe 4, de la décision d’exécution C(2012) 4391 final doit‑il être annulé pour violation du règlement no 73/2009 et de l’acte d’adhésion de 2003?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question, sous a) et b)

48

Par sa première question, sous a) et b), la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si les articles 7, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, et 121 du règlement no 73/2009 doivent être interprétés en ce sens que la notion de «niveau des paiements directs applicable dans les États membres autres que les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ledit niveau était, au titre de l’année 2012, égal à 90 % du niveau de la totalité des paiements directs et que la notion de «niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ce dernier niveau était, au titre de l’année 2012, égal à celui des États membres autres que les nouveaux États membres.

49

Une réponse affirmative à cette question conduirait à l’applicabilité, en vertu des articles 7, 10 et 121 du même règlement, de la modulation aux paiements directs versés aux agriculteurs dans les nouveaux États membres et, conformément à l’article 132 dudit règlement, aux PDNC.

50

Il est constant que non seulement les montants des paiements versés auxdits agriculteurs étaient, au titre de l’année 2012, inférieurs à ceux versés aux agriculteurs dans les États membres autres que les nouveaux États membres, mais également que ces montants différaient à l’intérieur des deux groupes d’États membres.

51

Toutefois, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, en établissant une liaison entre les niveaux respectifs des paiements directs dans ces deux groupes d’États membres, indique que, en dépit des différences considérables existant entre les montants des paiements directs dans chacun de ces deux groupes d’États membres, qui s’opposent à ce qu’un niveau commun soit obtenu en calculant la moyenne des montants respectifs, un niveau commun a été déterminé.

52

En l’absence d’une définition en droit de l’Union du «niveau des paiements directs applicable dans les États membres autres que les nouveaux États membres», visé aux articles 10 et 121 du règlement no 73/2009, il convient d’interpréter cette expression au regard de son contexte et des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Szatmári Malom, C‑135/13, EU:C:2014:327, point 31 et jurisprudence citée).

53

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la référence audit niveau a été introduite dans le droit de l’Union par l’acte d’adhésion de 2003 aux fins de régler l’introduction progressive des paiements directs dans les nouveaux États membres.

54

Cette application progressive plutôt qu’immédiate desdits paiements dans les nouveaux États membres avait pour but de ne pas ralentir la restructuration du secteur agricole et de ne pas créer des disparités de revenus considérables et des distorsions sociales par l’octroi d’aides disproportionnées par rapport au niveau des revenus des agriculteurs et de la population en général (voir, en ce sens, arrêts Bábolna, C‑115/10, EU:C:2011:376, point 34, et Pologne/Conseil, C‑273/04, EU:C:2007:622, point 69).

55

S’il ressort du calendrier d’introduction figurant au chapitre 6 de l’annexe II de l’acte d’adhésion de 2003 que les paiements directs versés aux agriculteurs dans les nouveaux États membres représentent toujours un pourcentage déterminé du «niveau applicable» dans les États membres autres que les nouveaux États membres, leur calcul s’est fait de manière tout à fait autonome.

56

Ainsi, la superficie de base fut déterminée audit chapitre 6, alors que tant les plafonds annuels que les règles déterminant les paiements versés dans le cadre du RPUS figuraient dans le règlement no 1782/2003 après y avoir été insérés, respectivement, par la décision 2004/281 et par le règlement no 583/2004.

57

Il convient de considérer que le niveau que les paiements directs versés dans les nouveaux États membres devaient atteindre au titre de l’année 2013, à savoir 100 % des montants projetés, moyennant les données de référence susvisées pour l’année 2003, n’est pas fonction du niveau réel des paiements directs. Il a ainsi été question pour le législateur de l’Union non pas d’égaliser les niveaux nominaux, mais d’aboutir à un niveau abstrait de 100 %, tout en acceptant que celui‑ci donne lieu à des montants différents dans chaque État membre.

58

Certes, ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, la superficie de base en Lituanie a, depuis l’année 2003, plus que doublé, réduisant de la sorte le montant des paiements directs par hectare. Cependant, cette circonstance, qui ne concerne que les montants des paiements directs versés individuellement à chaque agriculteur, demeure sans incidence sur le fonctionnement du mécanisme instauré, qui élève progressivement le plafond des paiements directs au niveau de 100 %.

59

Or, étant donné que la liaison ainsi postulée entre les niveaux respectifs des paiements directs découle de l’acte d’adhésion de 2003 et, partant, de dispositions du droit primaire (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Conseil, C‑413/04, EU:C:2006:741, point 43), elle doit être tenue pour acquise dans l’interprétation du règlement no 73/2009 dans la mesure où celui‑ci reflète les dispositions figurant à l’annexe II dudit acte d’adhésion.

60

Dans ces circonstances, ne saurait prospérer l’argumentation, avancée par la juridiction de renvoi et soutenue par les requérants au principal et le gouvernement lituanien, et visant à contester l’équivalence, au sens de l’article 10 du règlement no 73/2009, des niveaux des paiements directs applicables, respectivement, dans les États membres autres que les nouveaux États membres et dans les nouveaux États membres en raison du fait que l’inapplicabilité de la modulation aux paiements directs inférieurs à 5000 euros a pour conséquence que le montant des paiements directs versés, au titre de l’année 2012, dans les États membres autres que les nouveaux États membres est, malgré la modulation de 10 %, effectivement supérieur au niveau de 90 % de la totalité des paiements directs, niveau formellement atteint dans les nouveaux États membres.

61

En effet, le niveau des paiements directs applicable avant la modulation étant de 100 % indépendamment des montants effectivement versés dans les différents États membres, la modulation globale de 10 %, prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, doit être considérée comme étant une réduction au sens de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement, dont il faut tenir compte aux fins de constater l’équivalence des niveaux des paiements directs applicables.

62

En revanche, une prise en compte des effets nominaux de ces calculs soulèverait, outre la question du nombre d’agriculteurs percevant moins de 5000 euros, respectivement, dans les États membres autres que les nouveaux États membres et dans les nouveaux États membres, celle de la différence considérable entre les montants des paiements directs par hectare respectivement versés, rendant ainsi impossible une comparaison absolue entre le niveau de paiements versés dans ces deux groupes d’États membres. Or, le choix du critère abstrait du niveau des paiements directs applicable est de nature à éviter de telles considérations.

63

Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question, sous a) et b), que les articles 7, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, et 121 du règlement no 73/2009 doivent être interprétés en ce sens que la notion de «niveau des paiements directs applicable dans les États membres autres que les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ledit niveau était, au titre de l’année 2012, égal à 90 % du niveau de la totalité des paiements directs et que la notion de «niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ce dernier niveau était, au titre de l’année 2012, égal à celui des États membres autres que les nouveaux États membres.

Sur la première question, sous c), et la deuxième question, sous a) et b)

64

Par sa première question, sous c), et sa deuxième question, sous a) et b), la juridiction de renvoi vise à savoir si les articles 10, paragraphe 1, in fine, et 132, paragraphe 2, dernier alinéa, in fine, du règlement no 73/2009, la décision d’exécution C(2012) 4391 final ainsi que le document de travail DS/2011/14/REV2 sont invalides.

65

S’agissant du document de travail DS/2011/14/REV2, il convient de relever d’emblée qu’il ressort du sixième considérant de la décision d’exécution C(2012) 4391 final que celle‑ci a notamment été adoptée en considération du contenu de ce document de travail. Dans ces conditions, il suffit, en l’occurrence, de procéder à un examen de la validité de ladite décision, un examen distinct de la validité dudit document n’ayant pas lieu d’être.

Compatibilité avec l’acte d’adhésion de 2003

66

S’agissant, premièrement, de la violation alléguée de l’acte d’adhésion de 2003, celle‑ci découle, selon la juridiction de renvoi, du fait que ledit acte ne prévoit pas de modulation des paiements directs de l’Union ni de réduction des PDNC dans les nouveaux États membres, si bien que l’application, moyennant les dispositions en cause, de la modulation dans les nouveaux États membres, au titre de l’année 2012, c’est‑à‑dire avant que le niveau de 100 % des paiements directs n’ait été atteint, contreviendrait à l’accord trouvé au cours de l’année 2003, selon lequel les paiements directs devraient atteindre ledit niveau pour l’année 2013.

– Les paiements directs de l’Union

67

Il importe de rappeler d’emblée que l’introduction progressive des paiements directs de l’Union dans les nouveaux États membres n’était pas censée aboutir à une équivalence des montants respectivement versés dans les États membres autres que les nouveaux États membres et dans les nouveaux États membres. L’objectif a été, ainsi qu’il ressort des points 53 et 54 du présent arrêt, d’éviter de nuire au développement du secteur agricole dans les nouveaux États membres en introduisant sans transition un niveau d’aides prédéterminé pour chacun de ces États membres.

68

Au vu de cet objectif spécifique, le régime établi par l’acte d’adhésion de 2003 ne s’oppose pas, en principe, à l’application aux nouveaux États membres d’une réforme de portée générale, telle la modulation, censée améliorer le fonctionnement de la PAC dans tous les États membres, en parvenant à un meilleur équilibre entre les instruments conçus pour promouvoir l’agriculture durable et ceux visant à encourager le développement rural.

69

Si l’acte d’adhésion de 2003 n’a pas réglé la question de l’application de la modulation dans les nouveaux États membres, cela tient au fait que la réforme de la PAC qui a introduit la modulation s’est réalisée en parallèle avec les négociations en vue de l’adhésion des nouveaux États membres. En effet, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 91 de ses conclusions, la modulation a été introduite par le règlement no 1782/2003 après la conclusion de l’acte d’adhésion de 2003 et l’article 12 bis du règlement no 1782/2003, régissant la modulation dans les nouveaux États membres, a été inséré audit règlement par le règlement no 583/2004. La possibilité d’introduire de telles modifications de l’acquis communautaire applicable auxdits États membres était explicitement prévue aux articles 23 et 57 de l’acte d’adhésion de 2003.

70

Alors que l’application éventuelle de la modulation aux paiements directs versés dans les nouveaux États membres n’est, elle‑même, pas contestée dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conditions de cette application.

71

À cet égard, il est constant que le contenu de l’article 12 bis du règlement no 1782/2003 a été repris et précisé, à deux égards, à l’article 10 du règlement no 73/2009. Celui‑ci exige, d’une part, de tenir compte des effets de la modulation dans les États membres autres que les nouveaux États membres aux fins de constater que le niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres est déjà au moins équivalent à celui applicable dans les premiers. D’autre part, il en ressort que le pourcentage à prendre en considération aux fins de la modulation dans les seconds est limité à la différence des niveaux respectifs des paiements directs.

72

Cette dernière règle vise à assurer, comme le précise le considérant 17 du règlement no 73/2009, que la modulation ne conduise pas à réduire le montant net payé à un agriculteur d’un nouvel État membre à un niveau inférieur au montant payable à un agriculteur comparable dans les États membres autres que les nouveaux États membres.

73

Ainsi que le gouvernement polonais et la Commission l’ont relevé, à juste titre, dans leurs observations écrites, en vertu de cette règle, l’applicabilité de la modulation, au titre de l’année 2012, n’a pas conduit à une réduction des paiements directs en dessous de 300000 euros versés dans les nouveaux États membres en raison du fait que la différence des niveaux respectifs était égale à zéro.

74

En revanche, l’application, au titre de l’année 2012, de la modulation aux paiements directs versés dans les nouveaux États membres a bien donné lieu à une réduction de 4 % des montants supérieurs à 300000 euros. Cette réduction peut, certes, augmenter la différence considérable existant entre les montants des paiements directs par hectare versés, respectivement, dans les États membres autres que les nouveaux États membres et dans les nouveaux États membres. Toutefois, le niveau desdits montants atteint, après ladite réduction, dans les nouveaux États membres restera bien supérieur au niveau applicable dans les États membres autres que les nouveaux États membres, où la modulation est de l’ordre de 14 %.

75

Il y a donc lieu de considérer que, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, et le considérant 17 du règlement no 73/2009, l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement a pour effet de contribuer à l’objectif visant à parvenir, dans tous les États membres, à un meilleur équilibre entre la promotion de l’agriculture durable et l’encouragement du développement rural, objectif qui s’inscrit dans le cadre normatif tracé par l’acte d’adhésion de 2003.

76

Dans ces circonstances, il convient de constater que l’article 10, paragraphe 1, in fine, du règlement no 73/2009, en ce qu’il permet d’appliquer, au moyen d’une prise en compte des effets de la modulation dans les États membres autres que les nouveaux États membres, le régime de la modulation des paiements directs de l’Union dans tous les États membres au titre de l’année 2012, est compatible avec l’acte d’adhésion de 2003.

– Les PDNC

77

L’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 prévoit que le montant total des aides directes pouvant être octroyées à un agriculteur dans les nouveaux États membres, y compris tout PDNC, ne dépasse pas le niveau de l’aide directe à laquelle cet agriculteur aurait droit au titre du paiement direct correspondant applicable, au moment considéré, dans les États membres autres que les nouveaux États membres, compte tenu de l’application conjointe des articles 7 et 10 dudit règlement.

78

Alors que cette interdiction de dépassement avait déjà été insérée, par le chapitre 6, A, point 27, sous b), de l’annexe II de l’acte d’adhésion de 2003, à l’article 1er quater du règlement no 1259/1999, l’exigence de tenir compte à cet égard des effets de la modulation dans les États membres autres que les nouveaux États membres n’a été établie que par ledit article 132, paragraphe 2.

79

Cette exigence a conduit la Commission à considérer que la modulation devait s’appliquer aux PDNC versés en Lituanie au titre de l’année 2012.

80

S’il y a lieu de considérer, pour les mêmes raisons ayant déjà justifié la modulation des seuls paiements directs de l’Union en vertu de l’article 10, paragraphe 1, in fine, du règlement no 73/2009, que l’avancement de l’application de la modulation à l’ensemble des paiements directs versés aux agriculteurs des nouveaux États membres est en principe compatible avec l’acte d’adhésion de 2003, l’appréciation de la légalité des modalités concrètes de cette application, figurant dans la décision d’exécution C(2012) 4391 final, exige une interprétation de l’article 132 du règlement no 73/2009 en conformité avec l’acte d’adhésion de 2003.

81

À cet égard, il convient de relever que l’autorisation par la Commission, à laquelle l’octroi des PDNC est soumis, en vertu du paragraphe 6 dudit article, dépend d’un examen concret et circonstancié des paiements en cause, examen dont les étapes figuraient déjà à l’article 1er quater que le chapitre 6, A, point 27, sous b), de l’annexe II de l’acte d’adhésion de 2003 avait inséré dans le règlement no 1259/1999. Il découlait de cette disposition que les conditions d’application de la modulation varient en fonction du régime de paiement choisi par un nouvel État membre, à savoir le régime de paiement unique ou le RPUS.

82

En effet, bien que tant ledit article 1er quater que l’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 visent, en principe, l’ensemble des nouveaux États membres, il résulte du paragraphe 4 de chacun de ces articles qu’un nouvel État membre qui fait application du RPUS peut octroyer l’aide directe nationale complémentaire selon les conditions visées aux paragraphes 5 à 8 de chacun desdits articles.

83

Conformément au motif légitime d’appliquer, à partir de 2012, le régime de la modulation dans les nouveaux États membres, y compris, comme le suggère le considérant 17 du règlement no 73/2009, à l’égard des PDNC, il convient d’aligner le mécanisme de la réduction du montant cumulé des paiements directs de l’Union et des PDNC sur celui de la modulation des seuls paiements directs de l’Union.

84

Ainsi, s’agissant dudit montant cumulé, les réductions doivent être prises en compte seulement lorsqu’est applicable la modulation pour les paiements directs de l’Union. Dans la mesure où, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, la modulation n’est pas applicable aux paiements inférieurs à 300000 euros, les réductions ne doivent pas non plus grever les PDNC.

85

Dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 73 du présent arrêt, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 ne s’applique pas dans les nouveaux États membres, seul l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement trouve à s’appliquer et, partant, seule une réduction de 4 points de pourcentage pour les montants dépassant 300000 euros est applicable.

86

Or, en imposant l’application de la modulation au titre de l’année 2012 à l’égard des agriculteurs pour lesquels le montant total des paiements directs nationaux et de l’Union est compris entre 5000 euros et 300000 euros, la décision d’exécution C(2012) 4391 final n’a pas respecté le parallélisme entre la modulation des paiements directs et celle des PDNC.

87

Il s’ensuit que la décision d’exécution C(2012) 4391 final doit être déclarée invalide.

Compatibilité avec les principes généraux évoqués

88

La contrariété de la décision d’exécution C(2012) 4391 final avec l’acte d’adhésion de 2003 étant établie, il n’est plus besoin d’examiner la compatibilité de cette décision avec les principes généraux évoqués par la juridiction de renvoi.

89

S’agissant des articles 10 et 132 du règlement no 73/2009, il ne ressort pas de la décision de renvoi en quoi ces dispositions seraient de nature à porter atteinte aux principes du droit de l’Union visés, à l’exception de celui de non‑discrimination.

90

En ce qui concerne ce dernier principe, il y a néanmoins lieu de relever que, en raison du fait que la situation de l’agriculture dans les nouveaux États membres était radicalement différente de celle dans les États membres autres que les nouveaux États membres, empêchant ainsi d’établir une comparaison valable (arrêt Pologne/Conseil, C‑273/04, EU:C:2007:622, points 87 et 88), les dispositions spécifiques des articles 10 et 132 du règlement no 73/2009, qui répondent au motif légitime d’appliquer, à partir de l’année 2012, le régime de la modulation dans les nouveaux États membres, ne portent pas atteinte au principe de non‑discrimination.

91

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la première question, sous c), et à la deuxième question, sous a) et b), que la décision d’exécution C(2012) 4391 final est invalide, alors que l’examen desdites questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 10, paragraphe 1, in fine, et 132, paragraphe 2, dernier alinéa, in fine, du règlement no 73/2009.

Sur la deuxième question, sous c)

92

Par sa deuxième question, sous c), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009, dans sa rédaction résultant du rectificatif publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010, est invalide en ce que cette modification par voie de rectificatif a effectué non pas une correction de nature technique, mais une modification de fond.

93

Il convient de rappeler d’emblée que, dans l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt Rosselle, C‑65/14, EU:C:2015:339, point 43 et jurisprudence citée).

94

Il y a lieu d’observer que la rectification de l’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 a été apportée dans toutes les langues officielles de l’Union. Si la version initiale dudit article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, contenait, dans toutes les langues officielles de l’Union, la mention de l’année 2012, ladite mention figurait, dans certaines versions linguistiques, au début de cet alinéa, tandis que, dans d’autres, elle se trouvait à la fin dudit alinéa.

95

La version en langue lituanienne appartient à la première catégorie de ces versions linguistiques, dans laquelle l’année était mentionnée au début du dernier alinéa de l’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 avant la rectification. La rectification apportée est la suivante, à savoir que les termes «à partir de 2012» ont été supprimés au début de cet alinéa et ont été insérés entre les termes «compte tenu» et les termes «de l’application conjointe de l’article 7 et de l’article 10» à la fin dudit alinéa.

96

Ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, la mention de l’année 2012 au début du dernier alinéa de l’article 132, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 pouvait suggérer que cette disposition devait être interprétée en ce sens que l’interdiction de dépassement concernait uniquement l’année 2012, interprétation inconciliable avec l’objectif de ladite disposition.

97

Il y a donc lieu de considérer que la rectification effectuée par le rectificatif publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010 constitue une simple correction clarificatrice, sans incidence sur la portée de la disposition concernée.

98

Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question, sous c), que l’examen de cette question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009, dans sa rédaction résultant du rectificatif publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010.

Sur la deuxième question, sous d)

99

Par sa deuxième question, sous d), la juridiction de renvoi cherche à savoir si la signification du terme «dydis» dans la version en langue lituanienne («montant» ou «niveau» dans la version en langue française), utilisé à l’article 1er quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1259/1999, qui a été inséré dans le règlement par l’acte d’adhésion de 2003, est la même que celle du terme «lygis» («niveau» dans la version en langue française), utilisé à l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009.

100

Il convient de rappeler, d’emblée, que ledit article 132 établit, en substance, les mêmes règles que l’article 143 quater du règlement no 1782/2003, qui a, quant à lui, repris les mesures visées à l’article 1er quater du règlement no 1259/1999.

101

Le terme en langue lituanienne pertinent utilisé tant à l’article 143 quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1782/2003, qu’à l’article 1er quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1259/1999 est «dydis». Ce terme n’a été modifié que lors de l’adoption du règlement no 73/2009, lequel utilise, à son article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, le terme «lygis».

102

En revanche, dans plusieurs autres versions linguistiques de l’article 1er quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1259/1999 et de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009, les termes utilisés sont restés pour l’essentiel identiques. Cela vaut notamment pour les versions en langues espagnole, allemande, anglaise, française, italienne et portugaise.

103

Or, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêt Ivansson e.a., C‑307/13, EU:C:2014:2058, point 40).

104

À cet égard, il convient d’observer que ni l’économie ni la finalité du règlement no 73/2009 ne plaident en faveur d’une interprétation différente par rapport aux textes précédents, qui serait reflétée par la substitution du terme «lygis» au terme «dydis». Au contraire, le considérant 48 de ce règlement énonce qu’il «convient de maintenir les conditions régissant l’octroi» des PDNC.

105

Il y a lieu, par conséquent, de considérer que la modification de la terminologie utilisée dans la version en langue lituanienne de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009 par rapport à celle utilisée dans les articles correspondants des règlements antérieurs ne modifie pas le sens de cet alinéa. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 142 de ses conclusions, cette constatation est étayée par le fait que l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009 reprend les mesures visées au chapitre 6, A, point 27, sous b), de l’annexe II de l’acte d’adhésion de 2003.

106

Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question, sous d), que la signification du terme «dydis», utilisé dans la version en langue lituanienne de l’article 1er quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1259/1999, qui a été inséré dans le règlement par l’acte d’adhésion de 2003, est la même que celle du terme «lygis», utilisé dans la version en langue lituanienne de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009.

Sur la troisième question

107

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si la décision d’exécution C(2012) 4391 final est invalide pour des raisons tenant à sa motivation ou à l’absence de publication au Journal officiel de l’Union européenne.

108

Au vu de la constatation, au point 87 du présent arrêt, de l’invalidité de ladite décision d’exécution, il n’y a pas lieu de répondre à cette question.

Sur les dépens

109

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

Les articles 7, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, et 121 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003, doivent être interprétés en ce sens que la notion de «niveau des paiements directs applicable dans les États membres autres que les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ledit niveau était, au titre de l’année 2012, égal à 90 % du niveau de la totalité des paiements directs et que la notion de «niveau des paiements directs dans les nouveaux États membres» doit être comprise en ce sens que ce dernier niveau était, au titre de l’année 2012, égal à celui des États membres de la Communauté européenne dans sa composition au 30 avril 2004.

 

2)

La décision d’exécution C(2012) 4391 final de la Commission, du 2 juillet 2012, autorisant l’octroi de paiements directs nationaux complémentaires en Lituanie au titre de l’année 2012, est invalide, alors que l’examen des questions préjudicielles n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 10, paragraphe 1, in fine, et 132, paragraphe 2, dernier alinéa, in fine, du règlement no 73/2009.

 

3)

L’examen desdites questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009, dans sa rédaction résultant du rectificatif publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2010.

 

4)

La signification du terme «dydis», utilisé dans la version en langue lituanienne de l’article 1er quater, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement (CE) no 1259/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune, qui a été inséré dans le règlement par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, est la même que celle du terme «lygis», utilisé dans la version en langue lituanienne de l’article 132, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 73/2009.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: le lituanien.