ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22/CE — Article 28 — Accès aux numéros et aux services — Numéros non géographiques — Directive 2002/19/CE — Articles 5, 8 et 13 — Pouvoirs des autorités réglementaires nationales — Contrôle des prix — Services de transit des appels — Réglementation nationale imposant aux fournisseurs de services de transit des appels téléphoniques de ne pas pratiquer des tarifs plus élevés pour les appels vers des numéros non géographiques que pour les appels vers des numéros géographiques — Entreprise dépourvue d’une puissance significative sur le marché — Autorité nationale compétente»

Dans l’affaire C‑85/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel du contentieux administratif en matière économique (College van Beroep voor het bedrijfsleven, Pays‑Bas), par décision du 12 février 2014, parvenue à la Cour le 18 février 2014, dans la procédure

KPN BV

contre

Autoriteit Consument en Markt (ACM),

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2015,

considérant les observations présentées:

pour KPN BV, par Mes L. Mensink, T. van der Vijver et C. Schillemans, advocaten,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. A. De Stefano, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. F. Wilman et G. Braun ainsi que par Mme L Nicolae, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 11, ci‑après la «directive ‘service universel’»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KPN BV (ci‑après «KPN») à l’Autoriteit Consument en Markt (ACM) (autorité des consommateurs et des marchés) au sujet d’une injonction, assortie d’une astreinte, ordonnant à KPN de diminuer ses tarifs pour les services de transit des appels vers des numéros non géographiques.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques

3

Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques (ci‑après le «NCR») est composé de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37, ci‑après la «directive‑cadre»), et des directives particulières qui l’accompagnent, à savoir la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), la directive «service universel» et la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive «vie privée et communications électroniques») (JO L 201, p. 37).

– La directive‑cadre

4

L’article 2 de la directive‑cadre prévoit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

g)

‘autorité réglementaire nationale’: l’organisme ou les organismes chargés par un État membre d’une quelconque des tâches de réglementation assignées dans la présente directive et dans les directives particulières;

[...]

l)

‘directives particulières’: la [directive ‘autorisation’], la directive [directive ‘accès’], la [directive ‘service universel’] et la directive 2002/58[...].

[...]»

5

L’article 6 de la directive‑cadre, intitulé «Mécanisme de consultation et de transparence», prévoit la mise en place de procédures de consultation nationales entre les autorités réglementaires nationales (ci‑après les «ARN») et les parties intéressées lorsque les ARN ont l’intention, en application de cette directive ou des directives particulières, de prendre des mesures ayant des incidences importantes sur le marché pertinent.

6

L’article 7 de cette directive, intitulé «Consolidation du marché intérieur des communications électroniques», prévoit notamment l’obligation incombant à l’ARN d’un État membre de mettre à la disposition de la Commission européenne et des ARN des autres États membres le projet de mesure qu’elle a l’intention de prendre dans les cas prévus au paragraphe 3 de cet article. L’article 7 bis de ladite directive fixe la procédure pour la mise en place cohérente des solutions proposées concernant entre autres l’imposition, la modification ou la suppression de diverses obligations aux opérateurs.

7

L’article 8 de la directive‑cadre définit les objectifs généraux et les principes réglementaires dont les ARN doivent assurer le respect dans l’accomplissement de leurs tâches de réglementation spécifiées dans cette directive ainsi que dans les directives particulières.

8

L’article 16 de ladite directive fixe les règles portant sur la mise en œuvre de la procédure d’analyse du marché.

– La directive «service universel»

9

Aux termes de l’article 2, sous d) et f), de la directive «service universel», on entend par:

«d)

‘numéro géographique’: numéro du plan national de numérotation téléphonique dont une partie de la structure numérique a une signification géographique utilisée pour acheminer les appels vers le lieu physique du point de terminaison du réseau (PTR);

[...]

f)

‘numéro non géographique’: numéro du plan national de numérotation téléphonique qui n’est pas un numéro géographique. Il s’agit notamment des numéros mobiles, des numéros d’appel gratuits et des numéros à taux majoré.»

10

L’article 28, paragraphe 1, de cette directive, intitulé «Accès aux numéros et aux services», dispose:

«Les États membres veillent à ce que, lorsque cela est techniquement et économiquement possible et sauf lorsque l’abonné appelé a choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès des appelants situés dans certaines zones géographiques, les autorités nationales compétentes prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les utilisateurs finals puissent:

a)

avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l[’Union européenne], et utiliser ces services; et

b)

avoir accès, quels que soient la technologie et les appareils utilisés par l’opérateur, à tous les numéros fournis dans l’[Union], y compris ceux des plans nationaux de numérotation des États membres, ceux de l’[espace de numérotation téléphonique européen (ci‑après l’‘ETNS’] et les numéros universels de libre appel international (UIFN).

[...]»

– La directive «accès»

11

L’article 1er de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci‑après la «directive ‘accès’») prévoit:

«1.   La présente directive, qui s’inscrit dans le cadre présenté dans la [directive‑cadre], harmonise la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi que leur interconnexion. L’objectif consiste à établir, pour les relations entre fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorisera l’instauration d’une concurrence durable et garantira l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur.

2.   La présente directive fixe des droits et des obligations pour les opérateurs et pour les entreprises souhaitant obtenir une interconnexion et/ou un accès à leurs réseaux ou aux ressources associées. Elle définit les objectifs assignés aux [ARN] en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion et établit des procédures visant à garantir que les obligations imposées par les [ARN] seront réexaminées et, le cas échéant, supprimées lorsque les résultats escomptés auront été atteints. Aux fins de la présente directive, le terme ‘accès’ ne désigne pas l’accès par les utilisateurs finals.»

12

L’article 5 de la directive «accès», intitulé «Pouvoirs et responsabilités des [ARN] en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion», est libellé comme suit:

«1.   Pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la [directive‑cadre], les [ARN] encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de la présente directive, un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l’interopérabilité des services et elles s’acquittent de leur tâche de façon à promouvoir l’efficacité économique, à favoriser une concurrence durable, à encourager des investissements efficaces et l’innovation et à procurer un avantage maximal à l’utilisateur final.

En particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché conformément à l’article 8, les [ARN] doivent être en mesure d’imposer:

a)

dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée;

a ter)

dans des cas justifiés et dans la mesure de ce qui est nécessaire, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals pour rendre leurs services interopérables;

[...]

2.   Les obligations et conditions imposées en vertu du paragraphe 1 sont objectives, transparentes, proportionnées et non discriminatoires et elles sont mises en œuvre conformément aux procédures prévues aux articles 6, 7 et 7 bis de la [directive‑cadre].

3.   En ce qui concerne l’accès et l’interconnexion visés au paragraphe 1, les États membres veillent à ce que l’[ARN] puisse intervenir de sa propre initiative, lorsque cela se justifie, afin de garantir le respect des objectifs fondamentaux prévus à l’article 8 de la [directive‑cadre], conformément aux dispositions de la présente directive et aux procédures visées aux articles 6, 7, 20 et 21 de la [directive‑cadre].»

13

L’article 8 de la directive «accès», intitulé «Imposition, modification ou suppression des obligations», dispose:

«1.   Les États membres veillent à ce que les [ARN] soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis.

2.   Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la [directive‑cadre] un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les [ARN] lui imposent les obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas.

3.   Sans préjudice:

[...]

des dispositions des articles 12 et 13 de la [directive‑cadre], de la condition 7 à la section B de l’annexe de la [directive ‘autorisation’] appliquée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, et des articles 27, 28 et 30 de la [directive ‘service universel’] [...] qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché, [...]

[...]

les [ARN] n’imposent pas les obligations définies aux articles 9 à 13 aux opérateurs qui n’ont pas été désignés conformément au paragraphe 2.

[...]

4.   Les obligations imposées conformément au présent article sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la [directive‑cadre]. Ces obligations ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de ladite directive.

[...]»

14

L’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès», intitulé «Contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts», dispose:

«Les [ARN] peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris des obligations concernant l’orientation des prix en fonction des coûts et des obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d’interconnexion et/ou d’accès, lorsqu’une analyse du marché indique que l’opérateur concerné peut, en l’absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. [...]»

La directive 2009/136

15

Aux termes du considérant 46 de la directive 2009/136:

«L’existence d’un marché unique implique que les utilisateurs finals soient en mesure d’accéder à tous les numéros inclus dans les plans nationaux de numérotation des autres États membres et d’accéder aux services, à l’aide de numéros non géographiques dans la Communauté, y compris, entre autres, les numéros gratuits et les numéros à taux majoré. [...] L’accès transfrontalier aux ressources de numérotation et aux services associés ne devrait pas être entravé, sauf dans des cas objectivement justifiés, par exemple pour lutter contre la fraude ou les abus [...] lorsque le numéro est défini comme ayant une portée exclusivement nationale [...], ou lorsque cela est techniquement ou économiquement irréalisable. [...]»

Le droit néerlandais

16

Aux termes de l’article 6.5 de la loi sur les télécommunications (Telecommunicatiewet, ci‑après la «Tw»), qui a transposé l’article 28 de la directive «service universel» en droit interne:

«1.   Les fournisseurs de réseaux de communications électroniques accessibles au public ou de services de communications électroniques accessibles au public qui, à cette occasion, contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, veillent à ce que les utilisateurs finals situés dans l’Union européenne aient accès à tous:

a.

les numéros fournis dans l’Union d’un plan national de numérotation,

b.

les numéros de l’[ETNS], et

c.

les numéros fournis par l’[Union internationale des télécommunications (UIT)],

et puissent utiliser les services utilisant les numéros visés sous a) à c), à moins que cela soit techniquement ou économiquement impossible ou qu’un abonné appelé ait choisi de limiter l’accès des appelants situés dans certaines zones géographiques.

2.   Des règles plus détaillées peuvent être établies par ou en vertu d’une mesure générale d’administration pour garantir l’obligation visée au paragraphe 1. Ces règles peuvent notamment porter sur les rémunérations pour l’accès aux numéros visés au paragraphe 1.

3.   Les règles visées au paragraphe 2 peuvent être différentes pour des catégories, à déterminer par lesdites règles, de fournisseurs, tels que visés au paragraphe 1. Par ces règles, des missions peuvent être transférées et des compétences peuvent être attribuées à l’[ACM].»

17

La décision sur l’interopérabilité (Besluit Interoperabiliteit, ci‑après la «BI») a été adoptée sur la base de la Tw. L’article 5 de la BI, dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2013, est libellé comme suit:

«1.   Le fournisseur de services téléphoniques accessibles au public ou le fournisseur, impliqué dans ceux‑ci, de réseaux de communications électroniques publics qui, à cette occasion, contrôle l’accès aux utilisateurs finals, veille à ce que les utilisateurs finals puissent utiliser les services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union.

2.   L’obligation visée au paragraphe 1 implique, en toute hypothèse, que les fournisseurs, visés au paragraphe 1, de services téléphoniques accessibles au public et de réseaux de communications électroniques publics appliquent pour les appels d’un numéro de la série 0800, 084, 085, 087, 088, 0900, 0906, 0909, 116, 14 ou 18 des tarifs ou autres rémunérations qui sont comparables aux tarifs ou autres rémunérations que ces fournisseurs appliquent pour les appels de numéros géographiques, et qu’ils appliquent un tarif dérogatoire ou une rémunération dérogatoire uniquement si cela est nécessaire pour couvrir les coûts additionnels qui sont liés aux appels de ces numéros non géographiques. Il peut être prévu par arrêté ministériel que cette obligation est applicable à d’autres catégories de fournisseurs, ou à d’autres catégories de numéros non géographiques.

3.   Il peut être fixé par arrêté ministériel des règles plus détaillées en ce qui concerne l’obligation visée au paragraphe 1.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

KPN fournit des services de transit des appels vers des numéros non géographiques aux Pays‑Bas qui représentent environ 20 % de son trafic vers ces numéros.

19

L’ACM, ayant constaté que KPN, en violation de l’article 5 de la BI, appliquait des tarifs plus élevés pour les services de transit des appels vers des numéros non géographiques que pour les mêmes services vers des numéros géographiques et que cette différence n’était pas justifiée par des coûts additionnels, a, en sa qualité d’ARN, par décision du 18 octobre 2013, délivré à KPN une injonction d’ajuster ses tarifs, sous peine d’astreinte de 25000 euros par jour, avec un montant maximal de 5 millions d’euros.

20

KPN a introduit un recours contre cette décision devant la cour d’appel pour le contentieux administratif en matière économique.

21

À l’appui de son recours, KPN fait notamment valoir que l’article 5 de la BI n’est pas conforme au NCR qui n’autorise un contrôle des prix qu’à l’égard des opérateurs disposant d’une puissance significative sur le marché et qu’après la réalisation d’une analyse du marché. De même, KPN estime que, en tant que fournisseur de services de transit des appels, elle ne relève pas de l’article 5 de la BI. Cependant, cette société fait valoir que la décision de l’ACM est disproportionnée et fondée sur une motivation inadéquate dans la mesure où cette autorité a considéré, à tort, que l’article 5 de la BI doit être interprété en ce sens que les coûts additionnels liés à la fourniture de services de transit des appels ne pouvaient pas être supérieurs à ceux fondés sur une stricte orientation en fonction des coûts. À cet égard, KPN affirme que le tarif des services de transit des appels qu’elle fournit a peu d’incidence sur le tarif global et que le prix des services de transit pour les appels vers des numéros non géographiques est raisonnable.

22

L’ACM justifie le bien‑fondé de sa décision en soutenant que la règle de l’équivalence des prix des services de transit des appels est fondée sur l’article 28 de la directive «service universel» qui impose aux États membres d’adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir que les utilisateurs finals puissent avoir librement accès aux services utilisant des numéros non géographiques et qui permet ainsi de lutter contre les entraves à cet accès résultant de l’application de prix trop élevés.

23

La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de l’article 5 de la BI avec le droit de l’Union, étant donné que cet article est fondé sur l’article 6.5 de la Tw, mettant en œuvre l’article 28 de la directive «service universel». Cette juridiction se demande, à cet égard, si le fait que l’article 5 de la BI ne prévoit pas la réalisation d’une étude de marché préalablement à l’adoption d’une réglementation tarifaire est conforme à l’article 28 de la directive «service universel».

24

La juridiction de renvoi est d’avis que les termes «toutes les mesures nécessaires» contenus dans l’article 28 de la directive «service universel» indiquent que l’adoption d’une réglementation tarifaire est, en principe, autorisée. Relevant que le considérant 46 de la directive 2009/136 suggère que cet article de la directive «service universel» ne vise que les mesures nécessaires aux fins de garantir le trafic téléphonique transfrontalier entre les États membres, elle estime que la question se pose de savoir si ledit article peut être interprété en ce sens que, dès lors que les numéros non géographiques peuvent techniquement être appelés de manière transfrontalière, les autorités nationales compétentes peuvent prendre des mesures pour supprimer les entraves que constituent les tarifs.

25

La juridiction de renvoi considère que le fait que des tarifs soient considérés comme une entrave à l’accès à des services utilisant des numéros non géographiques peut dépendre de la mesure dans laquelle ces tarifs excèdent ceux appliqués pour joindre des numéros géographiques.

26

Cette juridiction relève, à cet égard, d’une part, que les tarifs des services de transit des appels vers des numéros non géographiques peuvent être à ce point élevés qu’ils incitent les utilisateurs finals à renoncer à ces services. D’autre part, il peut, selon elle, être admis que chaque augmentation de prix pour des services de transit des appels vers des numéros non géographiques donne lieu à une certaine diminution de la demande desdits services. Toutefois, selon ladite juridiction, l’application de tarifs plus élevés pour l’accès aux services de transit des appels vers des numéros non géographiques que vers des numéros géographiques peut avoir un effet marginal. La juridiction de renvoi se demande si, dans ce dernier cas, il peut être affirmé que les utilisateurs finals n’auront aucun accès à des services utilisant des numéros non géographiques. Elle observe d’ailleurs que la décision de l’ACM ne concerne que les tarifs facturés par KPN pour les services de transit des appels vers des numéros non géographiques qu’elle fournit et qui représentent environ 20 % de son trafic vers ces numéros.

27

En outre, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’article 28, paragraphe 1, de la directive «service universel» autorise qu’une réglementation tarifaire soit édictée par une autorité autre que l’ARN qui exerce la compétence visée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès» et que revienne à cette dernière autorité seulement la compétence d’application de cette réglementation.

28

C’est dans ces conditions que la cour d’appel pour le contentieux administratif en matière économique a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 28 de la directive ‘service universel’ autorise‑t‑il qu’une réglementation tarifaire soit imposée sans qu’il soit apparu d’une analyse du marché qu’un opérateur dispose, s’agissant du service réglementé, d’une puissance significative sur le marché, alors qu’il est techniquement possible d’appeler, de manière transfrontalière, des numéros de téléphone non géographiques et que la seule entrave à l’accès à ces numéros consiste, pour cet opérateur, à appliquer des tarifs plus élevés pour un appel vers un numéro non géographique que vers un numéro géographique?

2)

S’il est répondu à la première question par l’affirmative, se posent [...] les deux questions suivantes:

a)

La compétence de réglementation tarifaire vaut‑elle également lorsque l’influence de tarifs plus élevés sur le volume d’appels de numéros non géographiques n’est que limitée?

b)

Dans quelle mesure le juge national dispose‑t‑il encore d’une marge d’appréciation quant à la question de savoir si une mesure tarifaire nécessaire selon l’article 28 de la directive ‘service universel’ n’est pas une charge excessive pour le fournisseur de transit, compte tenu des objectifs visés par celle‑ci?

3)

L’article 28, paragraphe 1, de la directive ‘service universel’ laisse‑t‑il ouverte la possibilité que les mesures visées à cette disposition soient édictées par une autre autorité que l’[ARN] qui exerce la compétence visée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive ‘accès’ et que revienne à cette dernière autorité seulement la compétence d’application?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

29

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il permet à une autorité nationale compétente d’imposer une obligation tarifaire, telle que celle en cause au principal, au titre de l’article 28 de la directive «service universel», pour mettre fin à une entrave à l’appel de numéros non géographiques dans l’Union qui n’est pas de nature technique, mais qui résulte des tarifs pratiqués, sans qu’il ait été procédé à une analyse du marché faisant apparaître que l’entreprise concernée dispose d’une puissance significative sur le marché. Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi se demande si une telle obligation peut être imposée lorsque l’influence des tarifs sur le volume des appels vers les numéros non géographiques est limitée et si le juge national dispose d’une marge d’appréciation quant à la question de savoir si une telle obligation ne constitue pas une charge excessive pour le fournisseur des services de transit des appels.

30

Il ressort de la décision de renvoi que l’obligation tarifaire en cause au principal a été imposée à KPN qui fournit des services de transit des appels vers des numéros non géographiques. Ces services consistent à acheminer des appels du réseau d’un fournisseur de services de communications électroniques vers le réseau d’un autre fournisseur au moyen d’un réseau intermédiaire de l’entreprise qui fournit lesdits services de transit. Cette obligation a été imposée afin d’assurer l’équivalence des prix des services de transit des appels vers des numéros non géographiques et des prix des mêmes services vers des numéros géographiques et d’atteindre l’objectif visé à l’article 28 de la directive «service universel».

31

À cet égard, il convient de relever que l’article 28, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» prévoit que les États membres veillent à ce que, lorsque cela est techniquement et économiquement possible et sauf lorsque l’abonné appelé a choisi, pour des raisons commerciales, de limiter l’accès des appelants situés dans certaines zones géographiques, les autorités nationales compétentes prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte, notamment, que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union.

32

Ni l’article 28, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» ni aucune autre disposition de cette même directive ne précisent ni ce qu’il faut entendre par «toutes les mesures nécessaires», ni la nature de ces mesures, ni si les ARN sont compétentes pour prendre de telles mesures, de sorte que se pose la question de savoir si une obligation tarifaire telle que celle en cause au principal peut être imposée aux fins d’atteindre l’objectif visé par cet article. Dans ces conditions, il y a lieu de rechercher si la directive‑cadre et les autres directives particulières composant un cadre harmonisé pour la réglementation des réseaux et des services contiennent des indications permettant de répondre à cette question.

33

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt T‑Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 32).

34

À cet égard, il convient de relever que, selon son article 1er, paragraphes 1 et 2, la directive «accès» s’inscrit dans le cadre présenté dans la directive‑cadre harmonisant la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées ainsi que leur interconnexion. L’objectif de cette directive consiste à établir, pour les relations entre les fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorise l’installation d’une concurrence durable et qui garantit l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur. La directive «accès» définit notamment les objectifs assignés aux ARN en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion.

35

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive «accès» vise les pouvoirs et les responsabilités des ARN en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion. Cette disposition prévoit que, pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la directive‑cadre, ces autorités encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de cette directive, un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services tout en promouvant l’efficacité économique, en favorisant une concurrence durable, en encourageant des investissements efficaces et l’innovation et en procurant un avantage maximal à l’utilisateur final (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pologne, C‑227/07, EU:C:2008:620, point 64).

36

Il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé à cet égard qu’il résulte des termes de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive «accès» que les ARN ont pour mission d’assurer un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services par des moyens qui ne sont pas limitativement énumérés (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera Finland, C‑192/08, EU:C:2009:696, point 58).

37

Dans ce cadre, conformément à l’article 5, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de cette directive, et sans préjudice des mesures qui peuvent être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché en vertu de l’article 8 de celle‑ci, lesdites autorités doivent être en mesure d’imposer «des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux», dans le seul but d’assurer la connectivité de bout en bout (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera Finland, C‑192/08, EU:C:2009:696, point 59).

38

L’article 5, paragraphe 3, de la directive «accès» concerne également l’accès et l’interconnexion et impose l’attribution aux ARN d’une autonomie d’intervention en prévoyant que lesdites autorités peuvent notamment intervenir de leur propre initiative afin de garantir le respect des objectifs fixés à l’article 8 de la directive‑cadre, conformément aux dispositions de la directive «accès» ainsi qu’aux procédures visées en particulier aux articles 6 et 7 de la directive‑cadre.

39

Ainsi, ces dispositions de la directive‑cadre et de la directive «accès» permettent aux ARN de prendre des mesures à l’égard d’une entreprise qui n’a pas de puissance significative sur le marché, mais qui contrôle l’accès aux utilisateurs finals (voir, en ce sens, arrêt TeliaSonera Finland, C‑192/08, EU:C:2009:696, point 62).

40

Selon l’article 8, paragraphe 1, de la directive «accès», les États membres doivent veiller à ce que les ARN soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis de cette directive et notamment les obligations liées au contrôle des prix en vertu de l’article 13 de ladite directive. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la même directive, lorsque, à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la directive‑cadre, un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les ARN lui imposent lesdites obligations.

41

Conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès», sans préjudice de certaines dispositions, dont l’article 28 de la directive «service universel», qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché, les ARN ne peuvent imposer les obligations relatives au contrôle des prix définies notamment à l’article 13 de la directive «accès» qu’aux opérateurs désignés comme disposant d’une puissance significative, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette même directive.

42

Par conséquent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, il convient d’interpréter l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès» en ce sens que, sauf dans le cadre de certaines dispositions et en particulier de l’article 28 de la directive «service universel», les ARN ne peuvent pas imposer des obligations liées au contrôle des prix telles que celles visées à l’article 13 de la directive «accès» aux opérateurs qui ne disposent pas d’une puissance significative sur le marché donné. Ainsi, l’article 8, paragraphe 3, de la directive «accès» ne s’oppose pas à ce que des obligations liées au contrôle des prix telles que celles visées à l’article 13, paragraphe 1, de cette directive soient imposées à l’opérateur qui ne dispose pas d’une puissance significative sur le marché donné au titre de l’article 28 de la directive «service universel», pour autant que les conditions d’application de cette disposition soient réunies.

43

Il s’ensuit que les ARN peuvent imposer des obligations tarifaires comparables à celles visées à l’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès», au titre de l’article 28 de la directive «service universel», à un opérateur qui ne dispose pas d’une puissance significative sur le marché, mais qui contrôle l’accès aux utilisateurs finals, si une telle obligation constitue une mesure nécessaire et proportionnée pour garantir que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union, ce qu’il appartient au juge national de vérifier, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, et notamment de l’influence des tarifs en cause sur l’accès des utilisateurs finals auxdits services.

44

Une telle interprétation est, du reste, conforme à l’objectif que poursuit l’article 28 de la directive «service universel», qui consiste notamment à garantir aux utilisateurs finals l’accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union, ainsi qu’à celui‑ci de la directive «service universel» qui vise à établir, pour les relations entre les fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorise l’instauration d’une concurrence durable et garantit l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur.

45

Par ailleurs, il convient de relever que les articles 5, paragraphes 1 et 2, et 8, paragraphe 4, de la directive «accès» prévoient les conditions auxquelles doivent satisfaire les obligations imposées par les ARN aux opérateurs fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques conformément aux articles 5, paragraphe 1, et 8 de cette directive.

46

Ainsi, l’article 5, paragraphe 2, de la directive «accès» prévoit que les obligations et conditions imposées en vertu du paragraphe 1 de cet article doivent être objectives, transparentes, proportionnées, non discriminatoires et qu’elles doivent être mises en œuvre conformément aux procédures prévues aux articles 6, 7 et 7 bis de la directive‑cadre.

47

Selon l’article 8, paragraphe 4, de la directive «accès», les obligations imposées conformément à cet article doivent être fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive‑cadre, et elles ne peuvent être imposées qu’après la consultation prévue aux articles 6 et 7 de la directive‑cadre.

48

Il découle de l’ensemble de ces éléments qu’une obligation tarifaire telle que celle en cause au principal, adoptée au titre de l’article 28 de la directive «service universel», doit également remplir les conditions mentionnées aux points 43, 46 et 47 du présent arrêt, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

49

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions posées que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il permet à une autorité nationale compétente d’imposer une obligation tarifaire, telle que celle en cause au principal, au titre de l’article 28 de la directive «service universel», pour mettre fin à une entrave à l’appel de numéros non géographiques dans l’Union qui n’est pas de nature technique, mais qui résulte des tarifs pratiqués, sans qu’il ait été procédé à une analyse du marché faisant apparaître que l’entreprise concernée dispose d’une puissance significative sur le marché, si une telle obligation constitue une mesure nécessaire pour faire en sorte que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union. Il appartient au juge national de vérifier que cette condition est remplie et que l’obligation tarifaire est objective, transparente, proportionnée, non discriminatoire, fondée sur la nature du problème constaté et justifiée au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive‑cadre, et que les procédures prévues aux articles 6, 7 et 7 bis de la directive‑cadre ont été respectées.

Sur la troisième question

50

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’une obligation tarifaire au titre de l’article 28 de la directive «service universel», telle que celle en cause au principal, soit imposée par une autorité nationale autre que l’ARN généralement chargée d’appliquer le NCR.

51

L’article 28 de la directive «service universel» prévoit que les mesures qu’il vise sont prises par les «autorités nationales compétentes». La notion de l’«autorité nationale compétente» n’est toutefois définie ni dans la directive‑cadre ni dans la directive «service universel».

52

Toutefois, il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 2, sous g), de la directive‑cadre définit l’ARN comme étant l’organisme ou les organismes chargés par un État membre d’une quelconque des tâches de réglementation assignées dans cette directive et dans les directives particulières visées à l’article 2, sous l), de celle‑ci. Cette définition est, en vertu de l’article 2, premier alinéa, de la directive «service universel» applicable aux fins de celle‑ci, laquelle constitue l’une des directives particulières visées à l’article 2, sous l), de la directive‑cadre.

53

Selon la jurisprudence de la Cour, si les États membres jouissent en la matière d’une autonomie institutionnelle dans l’organisation et la structuration de leurs ARN, au sens de l’article 2, sous g), de la directive‑cadre, celle‑ci ne peut toutefois être exercée que dans le plein respect des objectifs et des obligations fixés par cette directive (voir arrêts Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones, C‑82/07, EU:C:2008:143, point 24, et Base e.a., C‑389/08, EU:C:2010:584, point 26).

54

De plus, la Cour a déjà jugé que, selon l’article 3 de la directive‑cadre, les États membres doivent, notamment, veiller à ce que chacune des tâches assignées aux ARN soit accomplie par un organisme compétent, que l’indépendance de ces autorités soit assurée en faisant en sorte que celles‑ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques et que lesdites autorités exercent leurs pouvoirs de manière impartiale, transparente et au moment opportun. En outre, conformément à l’article 4 de la même directive, les décisions de ces mêmes autorités doivent pouvoir faire l’objet de recours effectifs auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées (voir arrêt Base e.a., C‑389/08, EU:C:2010:584, point 29).

55

Conformément à l’article 3, paragraphes 2, 4 et 6, de la directive‑cadre, les États membres doivent non seulement garantir l’indépendance des ARN en faisant en sorte que celles‑ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques, mais également publier d’une manière aisément accessible les tâches à accomplir conformément au NCR par lesdites autorités, en particulier lorsque les tâches sont confiées à plusieurs organismes, et notifier à la Commission le nom des autorités chargées d’accomplir ces fonctions ainsi que leurs responsabilités respectives (voir, en ce sens, arrêts Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones, C‑82/07, EU:C:2008:143, point 25, et UPC Nederland, C‑518/11, EU:C:2013:709, point 52).

56

Par conséquent, lorsque ces attributions relèvent, même partiellement, d’une autorité nationale autre que l’ARN généralement chargée d’appliquer le NCR, il incombe à chaque État membre de veiller à ce que cette autre autorité ne soit pas directement ou indirectement impliquée dans des «fonctions d’exploitation», au sens de la directive‑cadre (voir, en ce sens, arrêt Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones, C‑82/07, EU:C:2008:143, point 26).

57

Il en résulte que le droit de l’Union autorise qu’un État membre attribue des tâches résultant de l’application du NCR à plusieurs organismes sous réserve que, dans l’exercice de leurs fonctions, chacun de ces organismes réponde aux conditions de compétence, d’indépendance, d’impartialité et de transparence prévues par la directive‑cadre et que les décisions que chacun de ces organismes prend dans le cadre de ces fonctions puissent faire l’objet d’un recours effectif auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’autorité nationale qui a pris l’obligation tarifaire en cause au principal répond à l’ensemble de ces conditions.

58

Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question posée que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’une obligation tarifaire au titre de l’article 28 de la directive «service universel», telle que celle en cause au principal, soit imposée par une autorité nationale autre que l’ARN généralement chargée d’appliquer le NCR, sous réserve que cette autorité réponde aux conditions de compétence, d’indépendance, d’impartialité et de transparence prévues par la directive‑cadre et que les décisions qu’elle prend puissent faire l’objet d’un recours effectif auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

59

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il permet à une autorité nationale compétente d’imposer une obligation tarifaire, telle que celle en cause au principal, au titre de l’article 28 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, pour mettre fin à une entrave à l’appel de numéros non géographiques dans l’Union européenne qui n’est pas de nature technique, mais qui résulte des tarifs pratiqués, sans qu’il ait été procédé à une analyse du marché faisant apparaître que l’entreprise concernée dispose d’une puissance significative sur le marché, si une telle obligation constitue une mesure nécessaire et proportionnée pour faire en sorte que les utilisateurs finals puissent avoir accès aux services utilisant des numéros non géographiques dans l’Union.

Il appartient au juge national de vérifier que cette condition est remplie et que l’obligation tarifaire est objective, transparente, proportionnée, non discriminatoire, fondée sur la nature du problème constaté et justifiée au regard des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, et que les procédures prévues aux articles 6, 7 et 7 bis de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, ont été respectées.

 

2)

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir qu’une obligation tarifaire au titre de l’article 28 de la directive 2002/22, telle que modifiée par la directive 2009/136, telle que celle en cause au principal, soit imposée par une autorité nationale autre que l’autorité réglementaire nationale généralement chargée d’appliquer le nouveau cadre réglementaire de l’Union pour les réseaux et les services de communications électroniques, sous réserve que cette autorité réponde aux conditions de compétence, d’indépendance, d’impartialité et de transparence prévues par la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, et que les décisions qu’elle prend puissent faire l’objet d’un recours effectif auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.