CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 12 mars 2015 ( 1 )
Affaire C‑81/14
Nannoka Vulcanus Industries BV
[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Pays‑Bas)]
«Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 1999/13/CE — Composés organiques volatils — Utilisation des solvants organiques dans certaines activités et installations — Obligations applicables aux installations existantes — Prolongation de la période transitoire»
I – Introduction
1. |
Les composés organiques volatils et leurs produits de dégradation contribuent à l’apparition d’ozone troposphérique. De hautes concentrations d’ozone peuvent nuire à la santé humaine et causer des dommages aux forêts, à la végétation et aux récoltes ( 2 ). C’est pourquoi l’Union et ses États membres s’efforcent depuis longtemps de limiter les émissions de composés organiques volatils. |
2. |
La directive relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils ( 3 ) (ci-après la «directive COV») vise à prévenir ou à réduire les effets directs et indirects des émissions de composés organiques volatils dans l’environnement, principalement dans l’air. À cette fin, notamment, les installations existantes libérant de telles émissions devaient en principe, avant le 31 octobre 2007, soit respecter certains seuils, soit mettre en œuvre un schéma de réduction. |
3. |
Cependant, lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont encore en cours de développement, une prolongation de délai doit être accordée à l’exploitant pour l’application de son schéma de réduction des émissions. La présente demande de décision préjudicielle doit permettre de préciser à quelles conditions une telle prolongation doit être accordée. |
4. |
Bien que la directive COV ait été remplacée en 2010 par la directive relative aux émissions industrielles ( 4 ), la demande de décision préjudicielle présente un intérêt aussi pour l’avenir. En effet, la disposition relative à la prolongation de délai a largement été reprise dans la directive relative aux émissions industrielles. |
II – Cadre juridique
5. |
L’objet de la directive COV est fixé à son article 1er: «La présente directive a pour objet de prévenir ou de réduire les effets directs et indirects des émissions de composés organiques volatils dans l’environnement, principalement dans l’air, ainsi que les risques potentiels pour la santé publique, par des mesures et des procédures à mettre en œuvre dans les activités industrielles définies à l’annexe I dans la mesure où elles se situent en dessous des seuils indiqués à l’annexe II A.» |
6. |
L’article 4 de la directive COV énonce les exigences à l’égard des installations existantes: «Sans préjudice de la directive 96/61/CE, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que:
[…]» |
7. |
La réduction des émissions est régie par l’article 5, paragraphe 2, de la directive COV: «Toutes les installations sont conformes:
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8. |
Le schéma de réduction est détaillé à l’annexe II B de la directive COV:
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III – Faits de l’affaire au principal et questions préjudicielles
9. |
Nannoka Vulcanus Industries BV (ci-après «Nannoka») exploite une installation d’application de vernis et de revêtement. Par décision du 7 octobre 2010, le College van gedeputeerde staten van Gelderland (le Collège provincial de la Gueldre) avait adressé à Nannoka une injonction assortie d’une indemnité à titre comminatoire pour violation de la législation nationale ayant transposé la directive COV. |
10. |
Au 31 octobre 2007, Nannoka ne respectait pas les seuils d’émission de l’annexe II A de la directive COV, mais elle soutient, selon ce qu’indique la juridiction de renvoi, qu’elle respecterait les exigences du schéma de réduction en vertu de l’annexe II B, car celle-ci offrirait la possibilité d’obtenir une prolongation de délai au-delà du 31 octobre 2007 pour mettre en œuvre le schéma de réduction. |
11. |
Nannoka a donc interjeté appel contre la décision du 7 octobre 2010. L’affaire est désormais pendante devant le Raad van State. Certes, entre-temps la décision du 7 octobre 2010 a été retirée le 7 mars 2013. Il n’en resterait pas moins, selon la demande de décision préjudicielle, que Nannoka aurait encore un intérêt à ce que l’affaire soit tranchée sur le fond en appel. Elle aurait établi de façon convaincante avoir subi un préjudice en raison de la décision retirée parce qu’elle aurait dû confier une partie de ses activités en sous-traitance à une autre entreprise. |
12. |
Le Raad van State soumet désormais à la Cour les questions suivantes:
En cas de réponse affirmative à la première question:
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13. |
Le gouvernement néerlandais et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. En outre, Nannoka a pris part à l’audience du 26 février 2015. |
IV – Appréciation juridique
14. |
La directive COV autorise à atteindre de différentes manières l’objectif de réduire les émissions de solvants. Les deux plus importantes sont, d’une part, le respect de seuils d’émission, notamment par le confinement de l’installation et la filtration des effluents gazeux ainsi que, d’autre part, l’application de schémas de réduction des émissions en rapport avec l’installation (article 5, paragraphe 2). Par rapport à l’application de seuils, les schémas de réduction se caractérisent par une plus grande souplesse. En règle générale, ils reposent sur l’utilisation de produits de substitution et de procédés plus pauvres en émissions. La demande de décision préjudicielle porte sur cette deuxième manière, l’application de schémas de réduction. |
A – Sur la possibilité de prolongation de délai (première question)
15. |
Par sa première question, le Raad van State souhaite savoir s’il faut accorder à un exploitant d’installations pour lesquelles on peut supposer une teneur constante du produit en extraits secs une prolongation de délai pour l’application de son schéma de réduction lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont encore en cours de développement. |
16. |
La réponse à cette question découle en soi déjà de la disposition applicable. En effet, l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV prévoit qu’une prolongation de délai doit être accordée à l’exploitant pour l’application de son schéma de réduction des émissions lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont encore en cours de développement. |
17. |
Néanmoins, tant le gouvernement néerlandais que la Commission s’opposent à ce résultat. Je présume que cette position repose, au moins en partie, sur le fait que l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV ne contient pas de disposition limitant dans le temps une éventuelle prolongation de délai. Or, s’il existait un droit à une prolongation illimitée du délai, la directive COV pourrait être vidée de sa substance. Néanmoins, les deux parties s’appuient sur d’autres considérations. |
1. Sur la position néerlandaise: pas de prolongation de délai au-delà du 31 octobre 2007
18. |
Les Pays-Bas vont particulièrement loin en ce qu’ils rejettent toute prolongation au-delà du 31 octobre 2007. Il s’agit de la date à laquelle, en vertu de l’article 4, point 1, et de l’annexe II B, point 2, second alinéa, sous i), de la directive COV, les émissions des installations existantes devaient être réduites. |
19. |
Ils soutiennent que la réduction des émissions aurait techniquement été possible avant. C’est ce que la Commission avait déjà exposé dans sa proposition de directive COV de 1996 ( 5 ). En vertu du considérant 8 de la directive également, lorsque celle-ci a été adoptée en 1999, les substituts nécessaires étaient disponibles ou l’on pouvait tout au moins s’attendre à ce qu’ils le seraient dans les années suivantes. |
20. |
C’est la raison pour laquelle les Pays-Bas partent du principe qu’il ne pouvait exister après le 31 octobre 2007 un besoin légitime de prolongation du délai. À cette date, les installations existantes devaient, en vertu de l’article 4, point 1, de la directive COV, respecter les exigences de l’article 5, à savoir les seuils visés à l’annexe II A ou le schéma de réduction visé à l’annexe II B. |
21. |
Toutefois, cette position néerlandaise repose uniquement sur le pronostic du législateur lors de l’adoption de la directive COV. Les Pays-Bas ne prétendent pas que le développement de possibles substituts était effectivement déjà achevé au 31 octobre 2007. |
22. |
Or, au premier chef, la position des Pays-Bas n’est pas conforme au libellé de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV. La prolongation de délai y est expressément prévue. Or, il ne peut être question d’une prolongation de délai qu’à condition que les délais prévus par la directive, à savoir le 31 octobre 2007 pour ce qui est des installations existantes, puissent être prolongés. La position des Pays‑Bas reviendrait en revanche à priver cette disposition de son caractère normatif et à la réduire à une simple explication de la computation du délai. |
23. |
Une telle réinterprétation d’une disposition claire sur la prolongation de délai serait tout au plus envisageable si la logique normative ou les objectifs reconnaissables de la mesure plaidaient impérativement en ce sens. Tel n’étant cependant pas le cas, la position défendue par les Pays-Bas n’est pas compatible avec le principe de sécurité juridique. |
24. |
L’Union s’en est au demeurant tenue plus tard aussi à la prolongation de délai. Ainsi, cette prolongation de délai est également prévue dans le protocole relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique ( 6 ) qui, certes, comme la directive COV, a été adopté dès 1999, mais qui n’a été ratifié par l’Union qu’en 2003 ( 7 ). |
25. |
Enfin, en 2010, lors de l’adoption de la directive relative aux émissions industrielles, le législateur de l’Union a repris une fois encore, avec le même libellé, la possibilité d’une prolongation de délai pour mettre en œuvre les plans de réduction, à savoir à l’annexe VII, partie 5, point 2, sous a). Il est donc parti du principe qu’une prolongation de délai est, même après le 31 octobre 2007, encore possible et appropriée. |
26. |
Il convient donc de rejeter la position des Pays-Bas. |
2. Sur la position de la Commission: pas de prolongation de délai pour les installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs
27. |
La Commission défend une position plus nuancée, qui est vraisemblablement aussi celle sur laquelle repose la question du Raad van State. Elle va en ce sens que l’annexe II B, point 2, second alinéa, de la directive COV contient une règle spéciale pour les installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs qui prime sur la disposition relative à la prolongation de délai. Selon cette position, une prolongation de délai ne serait possible que pour les installations n’ayant pas une teneur constante du produit en extraits secs. |
28. |
Effectivement, en vertu de l’annexe II B, point 2, second alinéa, de la directive COV, il convient d’appliquer un schéma de réduction déterminé aux installations pour lesquelles on peut supposer une teneur constante du produit en extraits secs et utiliser cette teneur pour définir le point de référence pour la réduction des émissions. Selon ce schéma, les installations existantes doivent parvenir au seuil d’émission cible au plus tard le 31 octobre 2007. |
29. |
Contrairement à ce que pense la Commission, cela ne constitue pas une règle spéciale qui exclut une prolongation de délai. C’est ce que montre l’intégration de la directive COV dans la directive relative aux émissions industrielles ainsi que les objectifs poursuivis par les dispositions. |
a) Sur l’intégration de la directive COV dans la directive relative aux émissions industrielles
30. |
Si les délais du schéma de réduction visé à l’annexe II B, point 2, second alinéa, de la directive COV, en tant que disposition plus spéciale, écartaient la possibilité de prolongation de délai en vertu de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), la directive COV aurait été nettement plus restrictive que la disposition actuellement en vigueur à l’annexe VII, partie 5, de la directive relative aux émissions industrielles. Cette dernière continue à prévoir la possibilité de prolongation de délai au point 2, sous a), mais plus les délais de l’annexe II B, point 2, second alinéa, sous i), de la directive COV. Ainsi, même en cas de teneur constante du produit en extraits secs, la possibilité de prolongation de délai persiste à exister dans le champ d’application de la directive relative aux émissions industrielles actuellement en vigueur. |
31. |
En revanche, il n’existe aucune raison pour que, de nos jours, les installations obtiennent une prolongation de délai qui n’aurait pas été envisageable lorsque la directive COV était en vigueur. Bien au contraire, il peut être supposé qu’entre-temps le développement de substituts a encore progressé, de sorte que le besoin de prolongation de délai doit être nettement moins important. |
32. |
En outre, rien ne laisse apparaître que les dispositions de la directive COV, et notamment la possibilité d’une prolongation de délai, devaient être modifiées lors de leur intégration dans la directive relative aux émissions industrielles. Cette directive vise essentiellement à consolider différentes directives. La suppression des délais figurant à l’annexe II B, point 2, second alinéa, sous i), de la directive COV répond à cet objectif, puisque ceux-ci avaient déjà expiré lors de l’adoption de la directive relative aux émissions industrielles. Si elle avait ainsi également mis un terme à la prolongation de délai, la disposition correspondante aurait également été supprimée. Et si elle n’avait dû continuer qu’à s’appliquer à certains types d’installations, le législateur aurait dû le préciser à l’occasion de la suppression des délais. |
33. |
Il faut donc partir du principe que, tout du moins lors de l’adoption de la directive relative aux émissions industrielles, le législateur a supposé que la directive COV autorisait déjà une prolongation de délai également en ce qui concerne les installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs. |
b) Sur les objectifs des dispositions
34. |
Les objectifs des dispositions relatives aux prolongations de délai et aux installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs confirment la possibilité de prolonger le délai en ce qui concerne tous les types d’installations. |
35. |
Certes, la directive COV n’énonce pas expressément l’objectif de la disposition relative à la prolongation de délai, mais il peut être supposé qu’une double finalité est poursuivie. |
36. |
Premièrement, il convient d’éviter une charge disproportionnée. Il n’est pas sensé d’investir dans la réduction des émissions d’une installation si ces émissions peuvent être évitées peu de temps plus tard, à bien moindre coût, dès que des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont disponibles. Dans cette mesure, la prolongation de délai est une expression du principe de proportionnalité. |
37. |
Deuxièmement, il convient d’inciter au développement de produits de substitution. Si une entreprise peut éviter au travers de produits de substitution des mesures lourdes de réduction des émissions, elle sera vraisemblablement disposée à développer des produits de substitution ou à promouvoir leur développement. |
38. |
Sous l’angle de la protection de l’environnement, cette deuxième finalité revêt un intérêt particulier. En effet, des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant peuvent, au-delà de l’installation, contribuer, à moindre charge, à limiter les émissions de composés organiques volatils. Leur développement peut donc justifier une période transitoire plus longue. |
39. |
En ce qui concerne l’application de la prolongation de délai à des installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs, la directive COV ne contient aucun indice de distinctions opérées par rapport à d’autres installations qui revêtiraient une importance à l’égard de cette double finalité. |
40. |
Le seul motif identifiable d’appliquer une teneur constante du produit en extraits secs s’exprime dans une référence faite à l’annexe II B, point 2, second alinéa, de la directive COV: cette teneur peut être utilisée «pour définir le point de référence pour la réduction des émissions». Ainsi que les parties l’ont exposé lors de l’audience, ce critère sert donc directement à identifier par une méthode déterminée les objectifs d’émission des installations concernées. |
41. |
En effet, en présence d’une teneur constante du produit en extraits secs, il est relativement aisé de calculer la quantité totale d’extraits secs contenus dans le produit et de calculer, à l’aide des dispositions suivantes de l’annexe II B, point 2, second alinéa, sous ii), de la directive COV, les valeurs cibles d’émission. |
42. |
Il n’est pas possible de procéder de cette manière lorsque, dans une installation, la teneur du produit en extraits secs n’est pas constante. Les valeurs cibles d’un schéma de réduction doivent donc être définies d’une autre manière pour de telles autres installations. |
43. |
Il convient donc de constater que le critère d’une teneur constante du produit en extraits secs ne vise pas à exclure la prolongation de délai. Il n’a pas de rapport avec les objectifs de la prolongation de délai et ne justifie donc dans cette mesure aucune distinction par rapport à d’autres installations. |
44. |
Certes, lors de l’audience, la Commission et les Pays-Bas ont exposé que, au moment de l’adoption de la directive COV, on aurait déjà disposé de connaissances relativement complètes sur les installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs. Notamment selon la Commission, ces connaissances et la similitude entre les types d’installations concernées auraient justifié le schéma de réduction spécifique en vertu de l’annexe II B, point 2, second alinéa, de la directive COV avec renonciation à la possibilité d’une prolongation de délai. |
45. |
Cependant, ni la directive COV ni les documents accessibles de la procédure législative n’ont confirmé ce point de vue. En outre, le cas de Nannoka montre qu’il existe apparemment également des installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs qui ont un intérêt à une prolongation de délai durant le développement des produits de substitution. Par conséquent, je ne considère pas cet argument comme suffisant pour exclure, par principe, une prolongation de délai au détriment des exploitants d’installations ayant une teneur constante du produit en extraits secs, alors même que, selon le libellé de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), il semble logique d’ouvrir cette possibilité. |
3. Conclusion sur la première question
46. |
Il convient donc de répondre à la première question qu’en vertu de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV, un exploitant d’installations pour lesquelles on peut supposer une teneur constante du produit en extraits secs doit pouvoir, lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont encore en cours de développement, bénéficier d’une prolongation de délai pour l’application de son schéma de réduction, en dérogation au calendrier prévu par ladite annexe. |
B – Sur les conditions d’une prolongation de délai (deuxième et troisième questions)
47. |
La réponse donnée à la première question conduit à devoir répondre aux deuxième et troisième questions. Toutefois, il convient de les traiter dans l’ordre inverse. |
1. Sur les conditions de fond d’une prolongation de délai (troisième question)
48. |
La troisième question montre les difficultés qui découlent de la réponse à la première question. |
49. |
Le Raad van State souhaite savoir sur la base de quels critères il convient de statuer sur une prolongation de délai. Or, à première vue, l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV ne contient que peu de critères. Cette disposition prévoit que, lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont encore en cours de développement, une prolongation de délai doit être accordée à l’exploitant pour l’application de son schéma de réduction des émissions. |
50. |
Cela pourrait être compris en ce sens que les autorités compétentes doivent prolonger le délai jusqu’à ce que des produits de substitution soient disponibles, donc potentiellement sans aucune limitation dans le temps. |
51. |
Cela pourrait largement priver les autres dispositions de la directive COV de tout effet utile. Les exploitants pourraient refuser l’application de seuils ou d’autres mesures de réduction simplement au motif qu’ils attendent des produits de substitution pour réduire les émissions. La directive COV n’aurait d’effet obligatoire que pour autant que les exploitants n’auraient à utiliser des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant qu’à partir du moment où ceux-ci sont utilisables. |
52. |
Une telle interprétation serait cependant incompatible avec l’objectif de la directive COV. En vertu de son article 1er, elle vise à prévenir ou à réduire les effets directs et indirects des émissions de composés organiques volatils dans l’environnement ainsi que les risques potentiels pour la santé publique, par des mesures et des procédures à mettre en œuvre dans les activités industrielles concernées dans la mesure où elles se situent en dessous des seuils indiqués. Cet objectif correspond également à une obligation internationale de l’Union en vertu du protocole de Göteborg ( 8 ). Attendre, sans limite visible dans le temps, jusqu’à ce que des produits de substitution puissent être utilisés ne constituerait pas une mesure appropriée pour parvenir à cet objectif. |
53. |
En outre, en 1999, le législateur ne supposait pas que le développement de produits de substitution allait prendre encore longtemps. Selon le considérant 8 de la directive COV, il a bien au contraire supposé que l’on disposait ou que l’on disposerait dans les années suivantes de substituts moins nocifs. |
54. |
Par conséquent, une prolongation du délai en vertu de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV n’est envisageable que lorsque des produits de substitution contenant peu ou pas de solvant sont effectivement développés et que l’on peut supposer qu’ils seront disponibles en l’espace de quelques années. |
55. |
Afin de concrétiser ce laps de temps, il convient de tenir compte de l’objectif de la prolongation de délai, à savoir éviter des atteintes inutiles et inciter le développement de produits de substitution ( 9 ), à l’aune du principe de proportionnalité. |
56. |
Il faut donc effectivement développer des produits de substitution qui sont aptes à être utilisés dans les installations concernées et à diminuer les émissions de solvants. Il ne doit pas non plus exister de mesures alternatives susceptibles d’engendrer, à moindre coût, des réductions d’émissions similaires, voire plus importantes. |
57. |
Il faut en outre tenir compte du rapport entre, d’une part, les réductions d’émissions auxquelles il peut être parvenu avec les produits de substitution ainsi que leur coût et, d’autre part, les émissions supplémentaires engendrées par la prolongation du délai ainsi que les coûts d’éventuelles mesures alternatives. |
58. |
Lorsqu’un produit de substitution ne laisse espérer que de faibles réductions des émissions, mais engendre des coûts similaires à ceux de possibles mesures alternatives immédiates, il ne justifie pas donc pas de prolongation de délai. Un produit de substitution qui promet d’importantes économies à moindre coût permet en revanche d’attendre un peu plus longtemps. |
59. |
Néanmoins, en règle générale, le cadre des années «suivantes» ou de quelques années devrait être débordé si le processus de développement s’étale sur plus de cinq ans. Il sera en outre plus difficile de démontrer des chances de succès suffisantes en cas d’horizon de planification plus long. |
60. |
Ainsi que l’expose la Commission, il faut de plus tenir compte de ce que, en tant qu’exception aux dispositions générales de la directive COV, la prolongation de délai est d’interprétation stricte ( 10 ). La preuve des conditions d’une prolongation de délai, à savoir le développement en cours de produits de substitution adaptés, doit donc être suffisamment concrète. Il faut également qu’une forte probabilité plaide en faveur du succès du développement. |
61. |
Lors de l’examen de ces conditions, les autorités compétentes procèdent à un examen prévisionnel scientifique et économique complexe. Elles doivent donc pouvoir disposer d’un large pouvoir discrétionnaire ( 11 ) qui ne pourra être soumis qu’à un contrôle d’erreur manifeste ( 12 ). Elles devront néanmoins examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et motiver à suffisance leurs décisions ( 13 ). Cela signifie qu’elles doivent se pencher en profondeur sur les arguments qui plaident en faveur d’une prolongation du délai. |
62. |
Il convient donc de répondre à la troisième question que, en vertu de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV, une prolongation du délai requiert qu’un produit de substitution soit effectivement en cours de développement et que l’on puisse supposer avec une forte probabilité qu’il sera apte, dans quelques années, à limiter les émissions de solvants de l’installation plus fortement que des mesures alternatives engendrant des coûts équivalents ou qu’il les limitera dans une même mesure, mais à un coût moindre que des mesures alternatives. Les émissions supplémentaires durant cette prolongation de délai doivent être proportionnées aux réductions d’émissions et aux économies que laisse espérer le produit de substitution. |
2. Sur la procédure pour accorder une prolongation de délai (deuxième question)
63. |
Par sa deuxième question, le Raad van State souhaite savoir si une prolongation du délai pour mettre en œuvre le schéma de réduction telle que prévue à l’annexe II B de la directive COV exige l’accomplissement d’un acte particulier par l’exploitant de l’installation ou une autorisation des autorités compétentes. |
64. |
La réponse découle du libellé de la disposition applicable. En effet, en vertu de l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV, la prolongation de délai doit être accordée. Le délai ne se prolonge donc pas automatiquement, mais uniquement par une décision des autorités compétentes. |
65. |
Une telle décision nécessite une demande de l’exploitant de l’installation, puisque celui-ci souhaite parvenir à déroger à des exigences qui, sinon, seraient applicables. De plus, lui seul peut prendre la décision économique sur la manière dont les exigences de la directive COV doivent être mises en œuvre dans l’installation. |
66. |
En revanche, en règle générale, sans cette demande, les autorités compétentes ne disposent pas des informations nécessaires pour pouvoir examiner les conditions qui ont été exposées ci-dessus. Rien non plus n’indique que ces autorités doivent agir d’office. |
67. |
Si, malgré tout, les autorités compétentes disposent des informations pertinentes, telles que la connaissance de projets de développement prometteurs, et qu’elles n’ont pas à les tenir secrètes, elles devraient cependant informer les exploitants d’installation concernés dans leur sphère de compétence afin de leur faciliter la mise en œuvre de la directive COV. |
68. |
Il peut être envisagé en pratique de présenter une demande de prolongation de délai en même temps que le schéma de réduction. Certes, la directive COV n’exige pas expressément que l’exploitant dépose le schéma. Il n’en reste pas moins qu’en vertu de l’article 4, point 2, toutes les installations existantes doivent faire l’objet d’un enregistrement ou d’une autorisation. L’article 4, point 3, exige en outre que la mise en œuvre d’un schéma de réduction soit notifiée aux autorités compétentes. Par ailleurs, des dérogations au schéma prévu à titre d’exemple à l’annexe II B, point 2, second alinéa, supposent une «autorisation» des autorités et la preuve de l’équivalence. Enfin, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, deuxième tiret, les exploitants doivent prouver que l’installation respecte les exigences du schéma de réduction. Cette preuve n’est possible que si, outre les informations relatives aux émissions visées à l’article 8, le schéma lui-même est produit. |
69. |
En rapport avec les exigences devant être satisfaites, le schéma de réduction doit au moins exposer dans quelle mesure les délais seront dépassés. Étant donné qu’un tel dépassement dérogerait aux exigences de l’annexe II B de la directive COV, il doit être justifié, en rapport avec le dépôt du schéma, par la preuve de l’existence des conditions d’octroi d’une prolongation de délai. |
70. |
Il convient donc de répondre à la deuxième question qu’une prolongation de délai pour l’application du schéma de réduction des émissions, telle que prévue à l’annexe II B, point 2, premier alinéa, sous i), de la directive COV, exige une autorisation des autorités compétentes qui présuppose une demande de l’exploitant ainsi que la preuve que les conditions d’une prolongation de délai sont réunies. |
V – Conclusion
71. |
Je propose donc à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle:
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( 1 ) Langue originale: l’allemand.
( 2 ) Proposition de directive du Conseil relative à la réduction des émissions de composés organiques dues à l’utilisation de solvants organiques volatils dans certaines activités industrielles [COM(96) 538 final, point 3].
( 3 ) Directive 1999/13/CE du Conseil, du 11 mars 1999, relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations (JO L 85, p. 1), telle que modifiée par la directive 2008/112/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008 (JO L 345, p. 68).
( 4 ) Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334, p. 17, ci‑après la «directive relative aux émissions industrielles»).
( 5 ) COM(96) 538 final, point 59.
( 6 ) Adopté le 30 novembre 1999 à Göteborg (JO 2003, L 179, p. 3).
( 7 ) Décision 2003/507/CE du Conseil, du 13 juin 2003 (JO L 179, p. 1).
( 8 ) Voir ci-dessus, point 24.
( 9 ) Voir ci-dessus, points 34 à 38.
( 10 ) Voir arrêts Akyüz (C‑467/10, EU:C:2012:112, point 45); Granton Advertising (C‑461/12, EU:C:2014:1745, point 25), et Fastweb (C‑19/13, EU:C:2014:2194, point 40).
( 11 ) Arrêt ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 59).
( 12 ) Arrêts UEFA/Commission (C‑201/11 P, EU:C:2013:519, point 19) et FIFA/Commission (C‑205/11 P, EU:C:2013:478, point 21).
( 13 ) Arrêts ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, points 61 et 63) et FIFA/Commission (C‑205/11 P, EU:C:2013:478, point 21). Pour le contrôle des institutions de l’Union, voir arrêts Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14); Espagne/Lenzing (C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 58), et Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 107).