CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 23 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑69/14

Dragoș Constantin Târșia

contre

Statul român

et

Serviciul public comunitar regim permise de conducere şi înmatriculare a autovehiculelor

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Sibiu (Roumanie)]

«Législation nationale permettant la révision de jugements définitifs rendus en matière administrative en violation du droit de l’Union, mais ne prévoyant pas cette possibilité en matière civile — Demande en révision d’une décision définitive rendue dans le cadre d’une procédure civile au sujet d’une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles — Autorité de la chose jugée — Principes d’effectivité et d’équivalence — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne»

I – Introduction

1.

En 2007, le requérant a introduit devant une juridiction civile roumaine une demande tendant à obtenir la restitution d’une taxe spéciale frappant les véhicules automobiles qu’il avait acquittée pour l’importation d’une voiture à partir d’un autre État membre. Le paiement était dû car l’immatriculation du véhicule en Roumanie par l’autorité gouvernementale compétente était soumise à la présentation d’une preuve du paiement de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles. Par la suite, au mois d’avril 2011, la Cour a jugé, dans l’affaire Tatu, que l’article 110 TFUE s’opposait à ce que la Roumanie instaure une taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale était aménagée de telle manière qu’elle décourageait la mise en circulation, en Roumanie, de véhicules automobiles d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national ( 2 ).

2.

Avant le prononcé de l’arrêt Tatu, la demande du requérant tendant à obtenir la restitution de la partie de la taxe spéciale correspondant à la taxe sur la pollution avait été rejetée par un jugement civil devenu définitif au regard du droit roumain. Le requérant soutient donc que le droit de l’Union exige que lui soit donnée la possibilité de récupérer la taxe, notamment au motif que la législation roumaine prévoit une exception au principe de l’autorité de la chose jugée pour les jugements qui s’avèrent incompatibles avec le droit de l’Union, mais uniquement en ce qui concerne les jugements rendus en matière administrative.

3.

En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les taxes perçues en violation du droit de l’Union, ainsi que les montants payés à l’État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec l’impôt en cause, doivent être remboursés avec intérêts, de façon que la situation existant avant le prélèvement de ces montants soit rétablie ( 3 ). Toutefois, parallèlement, la Cour a reconnu que le principe de l’autorité de la chose jugée, qui est consacré par les ordres juridiques de tous les États membres et par le droit de l’Union lui‑même ( 4 ), s’applique aux jugements de juridictions nationales devenus définitifs, même s’ils paraissent contraires au droit de l’Union ( 5 ). Il s’ensuit que, dans certaines circonstances, la restitution de ces taxes peut être (légalement) refusée.

4.

Toutefois, en raison des limitations que le droit de l’Union impose à l’autonomie procédurale des États membres, si le droit national prévoit, dans certaines circonstances, des exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée en permettant la révision de jugements définitifs, alors cette voie de droit exceptionnelle doit être également ouverte lorsque le jugement définitif en cause est incompatible avec le droit de l’Union ( 6 ).

5.

La présente affaire offre donc à la Cour l’occasion de développer sa jurisprudence sur l’interaction entre l’autorité de la chose jugée et la primauté du droit de l’Union. Elle doit être examinée plus particulièrement à la lumière du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de plusieurs dispositions de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), à savoir l’article 47 consacrant le droit à un recours effectif et l’article 20 garantissant l’égalité en droit, et des fondements traditionnels utilisés pour contester la compatibilité des règles nationales relatives à l’autorité de la chose jugée avec le droit de l’Union, à savoir les principes d’effectivité et d’équivalence ( 7 ).

II – Le cadre juridique

6.

L’article 148 de la Constitution roumaine ( 8 ) reconnaît la primauté du droit de l’Union et oblige le Parlement, le président de la Roumanie, le gouvernement et le pouvoir judiciaire à la garantir.

7.

L’article 322 du code de procédure civile roumain ( 9 ) se lit comme suit:

«La révision d’une décision définitive rendue en appel ou qui n’a pas fait l’objet d’un appel, ainsi que d’une décision rendue par une juridiction de pourvoi alors que le fond de l’affaire a été évoqué, peut être demandée dans les cas suivants:

[…]

9

lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a constaté qu’une décision de justice violait des droits ou des libertés fondamentales et que cette violation continue de produire des conséquences graves auxquelles il ne peut être remédié que par la révision de la décision prononcée;

10

lorsque, après que la décision est devenue définitive, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) s’est prononcée sur l’exception [d’inconstitutionnalité] soulevée dans cette affaire et a déclaré la loi, l’ordonnance ou la disposition d’une loi ou d’une ordonnance ayant fait l’objet de ladite exception ou toute autre disposition de l’acte attaqué qui, nécessairement et actuellement, ne peut être dissociée des dispositions mentionnées dans l’acte introductif d’instance, inconstitutionnelle.»

8.

L’article 21, paragraphe 1, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif ( 10 ) dispose que «[l]es voies de recours prévues par le code de procédure civile peuvent être exercées contre les décisions irrévocables et définitives rendues par les juridictions en matière administrative».

9.

Aux termes de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif ( 11 ), «[c]onstitue un motif de révision, qui s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile, le prononcé d’un jugement définitif et irrévocable, en violation du principe de primauté du droit communautaire prévu à l’article 148, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, de la constitution roumaine, telle que republiée».

10.

Conformément à l’article 175, paragraphe 1, du code de procédure fiscale roumain ( 12 ), une réclamation peut être formée contre un titre de créance ainsi que contre tout autre acte administratif fiscal. La réclamation étant la voie de recours gracieuse, elle ne prive pas la personne qui s’estime lésée par un acte administratif fiscal, ou par l’absence d’un tel acte, du droit à un recours contentieux dans les conditions prévues par la loi. La décision adoptée par l’autorité compétente à l’égard d’une réclamation formée contre un titre de créance peut, conformément à l’article 188, paragraphe 2, du code de procédure fiscale, être contestée devant la juridiction compétente en matière administrative.

11.

L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (ordonanţă de urgenţă a guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 21 avril 2008 (ci‑après l’«OUG no 50/2008»), a instauré une taxe (appelée «taxe sur la pollution») pour les véhicules des catégories M1 à M3 et N1 à N3 ( 13 ).

III – Les faits, la procédure au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

12.

Le 3 mai 2007, M. Târșia, le requérant au principal, a fait l’acquisition d’une automobile qui avait été précédemment immatriculée en France. Comme il est indiqué ci-dessus, l’immatriculation en Roumanie était soumise, à l’époque, à la présentation d’une preuve de paiement de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles. Le véhicule a été immatriculé le 6 juin 2007, après que le requérant a payé, le 5 juin 2007, la somme de 6899,51 lei roumains (RON) au titre de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles.

13.

Le requérant a demandé la restitution de cette taxe devant une juridiction civile en arguant que la taxe prélevée était contraire à l’article 90 CE (devenu article 110 TFUE) en ce qu’elle instituait une mesure fiscale discriminatoire de taxation interne des produits provenant d’autres États membres qui dépassait largement les taxes grevant les produits similaires vendus sur le marché national. Par jugement civil no 6553/2007 du 13 décembre 2007, la Judecătoria Sibiu (tribunal de première instance de Sibiu, Roumanie) a fait droit à la demande et a ordonné à l’État roumain de restituer la taxe.

14.

Toutefois, l’État roumain s’est pourvu contre ce jugement devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) qui, par le jugement civil no 401/2008, a accueilli le pourvoi et condamné l’État roumain à restituer une partie seulement de la taxe acquittée, à savoir la différence entre la taxe versée le 5 juin 2007, au titre de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles, et le montant résultant de l’application de l’OUG no 50/2008 et de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles qu’elle instaure ( 14 ).

15.

Le 29 septembre 2011, M. Târșia a formé une demande en révision du jugement civil no 401/2008 devant le Tribunalul Sibiu, en invoquant les dispositions de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif ainsi que l’arrêt du 7 avril 2011, Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), dans lequel la Cour a déclaré qu’il résultait de l’article 110 TFUE que le droit de l’Union s’opposait à une taxe telle que celle instaurée sur la pollution des véhicules automobiles par l’OUG no 50/2008. M. Târșia affirmait avoir droit à la restitution intégrale des taxes acquittées, conformément au principe de primauté du droit de l’Union et aux constatations de la Cour dans l’affaire Tatu.

16.

Aux termes de la décision de renvoi, il n’était pas possible, à ce stade de la procédure, d’attaquer le jugement civil no 401/2008 devant les juridictions ordinaires. Dans la procédure civile, il n’existe pas de voie de recours analogue à celle de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif en ce qui concerne les jugements définitifs contraires au principe de primauté du droit de l’Union. Le Tribunalul Sibiu en a conclu qu’il était tenu de soumettre la question préjudicielle suivante à la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

«Les articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 6 du traité sur l’Union européenne, l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et le principe de sécurité juridique résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation telle que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 qui prévoit que seules les décisions des juridictions internes prononcées en matière de contentieux administratif peuvent faire l’objet d’une révision en cas de violation du principe de primauté du droit [de l’Union] et ne permet pas de réviser les décisions des juridictions internes prononcées dans les domaines autres que celui du contentieux administratif (civil, pénal) lorsque ce même principe de primauté du droit [de l’Union] est violé par l’une de ces décisions?»

17.

Des observations écrites ont été déposées par M. Târșia, par les gouvernements roumain et polonais ainsi que par la Commission européenne. Tous ont participé à l’audience qui s’est déroulée le 27 janvier 2015.

IV – Recevabilité

18.

À mon sens, la question posée est irrecevable pour autant qu’elle vise à déterminer si l’impossibilité d’une révision des décisions de justice nationales prononcées en matière pénale, en cas de violation du principe de primauté du droit de l’Union, est incompatible avec ce droit ( 15 ).

19.

Comme il a été souligné dans les observations écrites du gouvernement polonais, cette partie de la question est purement hypothétique, car l’application du principe de l’autorité de la chose jugée aux jugements pénaux n’a aucun lien avec l’objet de la procédure au principal. Selon une jurisprudence constante, la Cour peut refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal et lorsque le problème est de nature hypothétique ( 16 ). Étant donné que la procédure au principal ne concerne pas un jugement pénal, la question posée est irrecevable pour autant qu’elle vise à obtenir des clarifications quant à la compatibilité du droit roumain de la procédure pénale avec le droit de l’Union.

V – Analyse

A – La jurisprudence de la Cour relative au principe de l’autorité de la chose jugée

20.

Le droit de l’Union n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit de l’Union par la décision en cause ( 17 ). Par conséquent, en droit de l’Union, les requérants ne sauraient se prévaloir d’un arrêt de la Cour rendu après l’expiration des délais de prescription prévus par le droit national pour remédier à une violation qui aurait pu être contestée dans le délai approprié. En droit de l’Union, l’autorité de la chose jugée protège la violation ( 18 ).

21.

Il en va autrement, toutefois, lorsqu’une règle de droit national prévoit une exception au principe de l’autorité de la chose jugée. En pareil cas, cette règle doit être applicable aux décisions concernant le droit de l’Union qui sont analogues aux recours de nature purement nationale auxquels l’exception s’applique. De plus, l’exception au principe de l’autorité de la chose jugée prévue en droit national ne doit pas être aménagée de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique de l’Union ( 19 ).

22.

Ainsi, la Cour a jugé que les exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée prévues en droit national peuvent être soumises à des délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique. Toutefois, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ( 20 ).

23.

Inversement, lorsque le litige ne concerne pas une exception nationale au principe de l’autorité de la chose jugée qu’un requérant invoque pour faire valoir des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, comme c’est le cas dans la procédure au principal, mais un moyen tendant à faire prévaloir une interprétation extensive des règles nationales relatives à l’autorité de la chose jugée pour protéger des jugements nationaux susceptibles d’être contraires au droit de l’Union, on peut affirmer que la Cour a privilégié la primauté du droit de l’Union sur l’autorité de la chose jugée ( 21 ).

24.

Avant de poursuivre, je souhaiterais attirer l’attention sur deux autres arrêts de principe, à savoir les arrêts Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17) et Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513). L’affaire Kühne & Heitz portait sur les conditions dans lesquelles une autorité administrative était tenue de réexaminer l’une de ses décisions définitives qui était contraire à un arrêt ultérieur de la Cour. Cette affaire concernait donc un niveau de prise de décision inférieur à celui qui est en cause dans la procédure au principal et avait trait, plus particulièrement, à la question de savoir si une autorité fiscale néerlandaise était tenue de réexaminer une décision administrative définitive en raison d’un arrêt ultérieur de la Cour. En outre, cette affaire peut être distinguée du litige au principal pour des motifs similaires à ceux que la Cour a invoqués dans l’arrêt Kapferer ( 22 ).

25.

L’affaire Köbler portait sur l’obligation incombant aux États membres de réparer les dommages causés par la plus haute juridiction dans la hiérarchie des tribunaux nationaux, en l’occurrence une juridiction autrichienne, du fait de l’incompatibilité d’un jugement avec le droit de l’Union. L’arrêt Köbler concerne donc une situation qui ne pourrait survenir que postérieurement à la procédure au principal, à savoir un éventuel recours en indemnité dirigé contre l’État roumain par le requérant, si la restitution de la taxe sur la pollution s’avérait impossible ( 23 ).

26.

Comme il ressort de l’analyse qui précède, il n’existe aucune décision de la Cour portant sur une situation identique à celle de M. Târșia. Si les questions de droit découlant de la procédure au principal doivent être résolues dans le contexte de la jurisprudence constante de la Cour relative à l’autorité de la chose jugée, elles doivent être examinées principalement au regard des principes du droit de l’Union relatifs au droit à un recours juridictionnel effectif. Ce sont les questions que j’aborderai ci‑après.

B – Appréciation de la compatibilité de la réglementation nationale contestée avec le droit de l’Union

1. Le droit procédural roumain assure‑t‑il une protection juridictionnelle effective des droits en cause conférés par l’ordre juridique de l’Union?

27.

Je rappelle que, dans le cas présent, le droit roumain offre une voie de recours spéciale permettant de demander l’annulation de jugements définitifs qui, du fait d’une jurisprudence ultérieure de la Cour, semblent contraires au droit de l’Union. Cette voie de recours est toutefois limitée aux jugements rendus en matière administrative. Elle ne peut pas être utilisée pour annuler des jugements prononcés en matière civile, et cela même si le droit roumain prévoit également que les jugements civils ultérieurement déclarés contraires au droit constitutionnel roumain en raison d’une décision (postérieure) de la Curtea Constituțională peuvent aussi être annulés.

28.

Tout d’abord, il est important d’avoir à l’esprit les limites externes du devoir de coopération loyale qui incombe aux États membres et à leurs juridictions en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Cette disposition les oblige à «[prendre] toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités» et à «[s’abstenir] de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union». Cette obligation doit être lue en combinaison avec l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, aux termes duquel «[l]es États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union».

29.

La Cour a eu l’occasion de déclarer que, «[q]uant aux voies de recours que doivent prévoir les États membres, […] ni le traité FUE ni l’article 19 TUE n’ont entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit de l’Union, des voies de droit autres que celles établies par le droit national» ( 24 ). La Cour a ajouté qu’«[i]l n’en irait autrement que s’il ressortait de l’économie de l’ordre juridique national en cause qu’il n’existe aucune voie de recours permettant, ne fût-ce que de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ou encore si la seule voie d’accès à un juge était pour les justiciables de se voir contraints d’enfreindre le droit» ( 25 ) (mis en italique par mes soins).

30.

Le droit à un recours effectif est également garanti par l’article 47, premier alinéa, de la Charte à toute personne dont les droits garantis par le droit de l’Union ont été violés. Il ne fait aucun doute que les autorités roumaines mettaient en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, lorsqu’elles ont refusé, en violation de l’article 110 TFUE, la restitution de la partie de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles correspondant à la taxe sur la pollution. Le lien de rattachement requis entre les mesures nationales contestées et les règles matérielles du droit de l’Union ( 26 ) existe nécessairement lorsqu’un État membre perçoit une taxe en violation du droit primaire et même dérivé de l’Union. La jurisprudence de la Cour confirme en outre que, dès lors qu’un individu cherche à remédier, par la voie judiciaire, à une violation du droit de l’Union consécutive à la mise en œuvre de ce droit par un État membre, les juridictions de l’État membre sont liées par toutes les exigences découlant de l’article 47 de la Charte ( 27 ).

31.

Je rappelle qu’en l’absence de réglementation de l’Union en matière de restitution d’impôts nationaux indûment perçus, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union. Les États membres ont toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits. Les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union ne doivent ainsi pas être aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ( 28 ).

32.

À cet égard, la législation roumaine, et en particulier le code de procédure fiscale, permet l’accès aux tribunaux administratifs et fiscaux ou aux chambres administratives et fiscales des cours d’appel, selon les cas ( 29 ), pour toute contestation d’une décision des autorités fiscales, y compris les demandes en restitution d’impôts indûment perçus ( 30 ). Ces voies de droit semblent également ouvertes en cas de contestation de décisions fiscales sur le fondement de droits tirés de l’ordre juridique de l’Union. Par conséquent, la législation roumaine assure, à première vue, la protection juridictionnelle effective de ces droits.

33.

En outre, l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif prévoit la possibilité d’annuler les décisions définitives rendues par les juridictions en matière administrative lorsque ces décisions paraissent incompatibles avec le droit de l’Union du fait d’un arrêt ultérieur de la Cour. À la lumière de la jurisprudence de la Cour, décrite ci‑dessus, relative à la question spécifique de l’autorité de la chose jugée, ces dispositions vont au‑delà de ce qui est requis par le droit de l’Union ( 31 ).

2. Questions soulevées, au regard du droit de l’Union, par le défaut de clarté du droit procédural roumain pertinent

34.

Comme je l’ai déjà relevé, toutes les règles nationales de procédure pertinentes aux fins de l’application du droit de l’Union, y compris les exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée, doivent respecter le droit à un recours effectif ainsi que les principes d’effectivité et d’équivalence. En l’espèce, la difficulté découle du défaut de clarté qui semblait caractériser le droit procédural roumain au moment où M. Târșia a saisi pour la première fois la juridiction civile d’une demande en restitution de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles acquittée au mois de juin 2007 ( 32 ).

35.

À mon sens, on peut soutenir que le défaut de clarté du droit procédural roumain était contraire à l’article 47 de la Charte ainsi qu’aux exigences du droit de l’Union en matière de sécurité juridique, et qu’il a pu rendre impossible en pratique ou excessivement difficile la restitution de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles incompatible avec le droit de l’Union.

36.

Il convient de rappeler que la décision de justice qui crée un obstacle à la restitution de la taxe sur la pollution, et qui a été rendue avant l’arrêt de la Cour dans l’affaire Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), a été prononcée par une juridiction civile (le Tribunalul Sibiu) dans le cadre d’une procédure civile, à la suite d’un pourvoi formé par l’État roumain contre un jugement civil rendu en première instance par la Judecătoria Sibiu. La procédure au principal se déroule devant la même juridiction civile, à savoir le Tribunalul Sibiu.

37.

La Commission indique, dans ses observations écrites, que de tels recours ont été introduits en Roumanie tant devant des juridictions administratives qu’auprès de juridictions civiles. À cet égard, le fait que le gouvernement roumain ait déclaré lors de l’audience que les juridictions civiles sont absolument incompétentes pour connaître de tels litiges et que toute juridiction civile roumaine ainsi saisie est habilitée et même tenue de soulever d’office la question de sa compétence ne laisse pas d’étonner.

38.

Par conséquent, une certaine confusion a manifestement régné quant à la détermination de la procédure juridictionnelle applicable aux fins de la restitution de la taxe en cause en l’espèce ( 33 ). Quelle que soit la procédure correcte aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que le jugement civil (roumain) définitif (la décision no 401/2008 du Tribunalul Sibiu) refusant la restitution de la partie de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles correspondant à la taxe sur la pollution a force de chose jugée. Telle est la cause du problème juridique posé.

39.

Il existe donc un doute quant à la question de savoir quelles juridictions roumaines sont (ou étaient) compétentes pour connaître des demandes en restitution de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles illégalement perçue à cette époque. J’en conclus que le droit roumain n’est pas clair sur ce point. Là est le problème, en particulier au regard de l’article 47 de la Charte.

3. L’article 47 de la Charte et le droit à un recours effectif

40.

L’article 47, premier alinéa, de la Charte dispose que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article ( 34 ). Selon les explications relatives à l’article 47, premier alinéa, qui vise le droit à un recours effectif, se fonde sur la protection garantie par l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»), mais va au‑delà ( 35 ). Je note également que, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, dans la mesure où les droits qu’elle contient correspondent à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère la convention, même si la Charte ne s’oppose pas à ce que l’Union européenne accorde une protection plus étendue.

41.

En vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, les systèmes de recours juridictionnel doivent présenter «une cohérence et une clarté suffisantes» afin d’offrir un «droit d’accès concret et effectif» au juge ( 36 ). Si les règles sont d’une complexité telle qu’elles créent un «état d’insécurité juridique», alors la violation de l’article 6, paragraphe 1, est établie ( 37 ). La Cour européenne des droits de l’homme a également jugé que les recours juridictionnels doivent présenter «des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant aux modalités d’exercice des recours offerts» ( 38 ). En outre, une interprétation particulièrement rigoureuse d’une règle procédurale peut entraîner une violation du droit d’accès à un tribunal ( 39 ). La Cour européenne des droits de l’homme a récemment rappelé que «les autorités doivent respecter et appliquer la législation interne de manière prévisible et cohérente» et que «les éléments prescrits doivent être suffisamment développés et transparents en pratique pour assurer la sécurité juridique et procédurale» ( 40 ). Les règles de procédure doivent servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice. Elles ne doivent pas constituer «une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente» ( 41 ).

42.

De surcroît, je rappelle qu’en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, «la sécurité juridique constitue un principe général du droit de l’Union qui exige notamment qu’une réglementation entraînant des conséquences défavorables à l’égard de particuliers soit claire et précise et son application prévisible pour les justiciables» ( 42 ) (mis en italique par mes soins).

43.

À mon sens, et au vu de ce qui précède, le défaut de clarté qui caractérise la détermination de la procédure juridictionnelle applicable aux fins de la restitution des taxes perçues en méconnaissance du droit de l’Union entraîne une violation de l’article 47 de la Charte, tant à la lumière du droit à un recours effectif qu’au regard de l’accès à la justice. Ce constat s’imposerait avec d’autant plus de force si une décision rendue par une juridiction civile absolument incompétente était susceptible d’acquérir force de chose jugée en ce sens qu’elle ferait obstacle à l’introduction d’une nouvelle demande en restitution devant la juridiction compétente, que ce soit une juridiction civile ou administrative. Je considère qu’il appartient en l’espèce à la juridiction de renvoi d’effectuer une analyse d’ensemble du droit procédural roumain sous l’angle de la protection juridictionnelle effective en matière de restitution de taxes sur la pollution des véhicules automobiles indûment payées ( 43 ).

4. Les dispositions procédurales roumaines pertinentes rendent‑elles impossible en pratique ou excessivement difficile la restitution de la taxe sur la pollution?

44.

Il est de jurisprudence constante que «chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’exercice par les justiciables des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure» ( 44 ).

45.

À ce stade, il convient de relever tout d’abord que la juridiction nationale et l’ensemble des parties ayant déposé des observations semblent considérer que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif ne peut être appliqué en matière civile. Cela me paraît logique, dès lors que le droit procédural roumain établit une nette distinction entre les différentes formes de procédures juridictionnelles. En pareil cas, il n’y aurait aucune marge pour l’interprétation des dispositions qui définissent le champ d’application de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif d’une manière qui permette son application par des juridictions civiles dans le cadre de litiges qui, ratione materiae, relèvent du droit administratif ou fiscal. Toutefois, si cette marge existait, la juridiction de renvoi serait tenue d’interpréter les dispositions internes pertinentes d’une manière telle qu’elles contribuent à l’objectif consistant à assurer la conformité au droit de l’Union ( 45 ).

46.

Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si les dispositions roumaines en cause rendent impossible en pratique ou excessivement difficile la restitution de la taxe sur la pollution perçue en violation du droit de l’Union. Il suffit de relever, toutefois, que l’incertitude quant à la question de savoir si la restitution de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles devait être demandée devant le juge civil ou devant le juge administratif semble produire cet effet.

5. Les principes d’équivalence et d’égalité en droit

47.

M. Târșia affirme qu’exclure des procédures au civil l’application de l’exception à l’autorité de la chose jugée énoncée à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif serait incompatible tant avec l’égalité en droit, consacrée à l’article 20 de la Charte, qu’avec le principe d’équivalence.

48.

Le respect du principe d’équivalence suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables ( 46 ).

49.

À mon sens, cela signifie que, dans le cadre du principe d’équivalence, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que le droit roumain prévoie une exception à l’autorité de la chose jugée dans les procédures administratives contentieuses relatives au droit de l’Union, mais n’en fasse pas de même dans les procédures civiles ayant un objet semblable. Le principe d’équivalence implique l’égalité de traitement entre des recours comparables fondés sur le droit national, d’une part, et sur le droit de l’Union, d’autre part, et non l’équivalence entre les différentes formes de procédure en droit national ( 47 ).

50.

En tout état de cause, des motifs non identiques permettant d’écarter le principe de l’autorité de la chose jugée sont légitimes dans le cas des jugements civils, pénaux et administratifs définitifs ( 48 ). Ces jugements produisent des effets différents, comme le sont les questions de politique juridique à prendre en compte pour définir d’éventuelles exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée. Dans le cas des jugements civils, la sécurité juridique et la stabilité des relations juridiques confirmées par un jugement devenu définitif sont de la plus haute importance. En revanche, les conditions de révision d’un jugement pénal dans l’intérêt d’une personne condamnée à tort ne doivent pas être trop restrictives. En droit administratif, l’intérêt à sauvegarder les droits des individus et l’intérêt protégé par le principe de légalité peuvent justifier une approche plus flexible de la révision des jugements définitifs que dans le cas des jugements civils.

51.

Par conséquent, l’allégation de M. Târșia selon laquelle le fait de limiter l’exception au principe de l’autorité de la chose jugée aux procédures administratives contentieuses relatives au droit de l’Union serait incompatible avec l’égalité devant la loi n’est pas fondée. Je rappelle qu’il ne peut y avoir de traitement inégal devant la loi que si les situations en cause sont comparables ( 49 ). Tel n’est pas le cas en ce qui concerne les motifs d’annulation des jugements administratifs et des jugements civils définitifs. Lorsqu’il existe une décision ultérieure de la Cour rendant une disposition nationale incompatible avec le droit de l’Union, l’annulation d’une décision de droit administratif définitive au détriment d’une autorité nationale peut être justifiée, mais l’annulation d’un jugement civil définitif qui détermine une relation de droit privé entre deux individus peut être inopportune pour des raisons de sécurité juridique. Dès lors, une solution législative telle que celle qui existe en Roumanie, qui offre cette possibilité dans les procédures administratives contentieuses mais qui l’exclut dans les procédures civiles, n’est pas en soi contraire au principe de l’égalité devant la loi.

52.

Toutefois, l’égalité devant la loi est une règle de droit distincte du principe d’équivalence. Comme il ressort des observations écrites de la Commission, dès lors que le droit roumain prévoit également une exception au principe de l’autorité de la chose jugée du fait d’une décision ultérieure de la Curtea Constituțională remettant en cause le bien‑fondé de jugements antérieurs (exception qui s’étend à l’ensemble des juridictions internes) ( 50 ), le principe d’équivalence pourrait bien signifier qu’il en va de même pour les jugements ayant pour objet le droit de l’Union ( 51 ).

53.

Si j’admets que cette affirmation est de nature à élargir le débat au‑delà du cadre de la question préjudicielle ( 52 ), j’estime que le principe d’équivalence n’est pas respecté si une décision ultérieure de la Curtea Constituțională peut entraîner la révision d’un jugement civil antérieur définitif, et donc permettre la restitution d’une taxe indûment perçue, alors qu’un arrêt de la Cour ne le peut pas. En pareille situation, les droits fondés sur la constitution nationale bénéficieraient d’une protection supérieure à celle dont jouissent les droits issus de l’ordre juridique de l’Union et, partant, ces derniers ne bénéficieraient pas d’une protection équivalente à celle qui s’applique à cette catégorie de droits tirés de l’ordre juridique national. La même asymétrie existe, conformément à l’article 322, paragraphe 9, du code de procédure civile roumain, entre les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et ceux des arrêts de la Cour.

VI – Conclusion

54.

À la lumière de l’analyse qui précède, je propose de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Tribunalul Sibiu:

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le principe d’effectivité consacré par la jurisprudence de la Cour ne s’opposent pas à des dispositions nationales qui permettent la révision des décisions des juridictions internes prononcées en matière de contentieux administratif en cas de violation du principe de primauté du droit de l’Union, mais qui ne permettent pas la révision, pour le même motif, des décisions des juridictions internes prononcées en matière civile. Cela suppose néanmoins que la procédure appropriée pour remédier à la violation du droit de l’Union en cause apparaisse avec suffisamment de clarté et qu’un jugement définitif d’une juridiction qui aurait dû relever d’office son incompétence ne puisse pas faire obstacle à la saisine de la juridiction compétente.

Le principe d’équivalence s’oppose à des dispositions nationales qui permettent la révision des décisions des juridictions internes prononcées en matière civile du fait d’une décision ultérieure de la cour constitutionnelle nationale ou de la Cour européenne des droits de l’homme, mais qui ne prévoient pas cette possibilité en ce qui concerne un arrêt ultérieur de la Cour de justice de l’Union européenne.


( 1 )   Langue originale: l’anglais.

( 2 )   Arrêt Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219).

( 3 )   Arrêt Manea (C‑76/14, EU:C:2015:216, points 46 et 50). Voir également arrêt Nicula (C‑331/13, EU:C:2014:2285, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

( 4 )   La Cour a également confirmé que le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique à ses propres décisions. Voir, notamment, arrêts Commission/Luxembourg (C‑526/08, EU:C:2010:379, points 26 et 27) ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 123).

( 5 )   Voir notamment arrêts Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067); Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506); Kempter (C‑2/06, EU:C:2008:78); Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434); i-21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:586); Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178) et Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17). Voir, sur le principe de l’autorité de la chose jugée et les procédures arbitrales, arrêts Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269) et Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615). Voir également la discussion relative à la pertinence du principe de l’autorité de la chose jugée aux fins du développement des règles concernant les dommages et intérêts pour violation du droit de l’Union par les autorités judiciaires d’un État membre, qui s’est déroulée dans le cadre de l’arrêt Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513).

( 6 )   Voir, notamment, arrêts Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 22 et jurisprudence citée) ainsi qu’Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 62).

( 7 )   Voir, en dernier lieu, arrêt Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067).

( 8 )   Constitution du 21 novembre 1991, amendée et complétée par la loi no 429/2003, republiée au Monitorul Oficial al României no 767 du 31 octobre 2003.

( 9 )   Codul de procedură civilă promulgué par décret du 9 septembre 1869, republié au Monitorul Oficial al României, première partie, no 45 du 24 février 1948, tel que modifié et complété, en vigueur jusqu’au 15 février 2013.

( 10 )   Legea contenciosului administrative no 554, du 2 décembre 2004, publiée au Monitorul Oficial al României no 1154 du 7 décembre 2004, telle que modifiée et complétée.

( 11 )   Adopté par l’article 1er, point 30, de la loi no 262/2007, publiée au Monitorul Oficial al României no 510 du 30 juillet 2007 et abrogée par la loi no 299/2011, publiée au Monitorul Oficial al României no 916 du 22 décembre 2011. Par une décision portant le numéro 1039/2012, la Curtea Constituțională a déclaré cette dernière loi inconstitutionnelle.

( 12 )   Adopté par le décret gouvernemental no 92 du 24 décembre 2003. Il a été republié au Monitorul Oficial al României no 513 du 31 juillet 2007, modifié puis complété.

( 13 )   Monitorul Oficial al României, partie I, no 327 du 25 avril 2008. Cette ordonnance, entrée en vigueur le 1er juillet 2008, instaure, à son article 3, une taxe sur la pollution pour les véhicules des catégories M1 à M3 et N1 à N3. La catégorie M comprend les «[v]éhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues» et la catégorie N comprend les «[v]éhicules à moteur conçus et construits pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues». Voir également annexe II de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO L 263, p. 1).

( 14 )   Aux termes d’un passage des observations écrites de la Roumanie qui n’a pas été contesté par M. Târșia, ce dernier a introduit, le 13 juin 2008, un recours extraordinaire en annulation du jugement civil no 401/2008, mais s’en est désisté le 24 septembre 2008.

( 15 )   La juridiction nationale mentionne également les articles 17 (droit de propriété) et 21 (non‑discrimination) de la Charte. Ces dispositions n’ont qu’un lointain rapport avec les questions soulevées dans la présente affaire, en ce sens qu’une créance fiscale relative à la récupération d’une taxe indûment perçue semble constituer, dans l’ordre juridique roumain, un droit de propriété conformément à l’article 21, paragraphes 1 et 4, du code de procédure fiscale, et que l’illégalité de la taxe sur la pollution a trait à la discrimination à l’égard des véhicules automobiles d’occasion importés. Néanmoins, ces dispositions ne sont pas d’une grande utilité dans le cadre de l’analyse juridique de la présente affaire et je n’entends pas les commenter davantage.

( 16 )   Arrêt Érsekcsanádi Mezőgazdasági (C‑56/13, EU:C:2014:352, point 36 et jurisprudence citée).

( 17 )   Arrêt Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 21). Cette règle est étroitement liée à l’obligation qui incombe aux requérants cherchant à faire valoir des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union de respecter des délais raisonnables pour introduire un recours de droit national. En d’autres termes, l’éventuelle constatation par la Cour d’une violation du droit de l’Union est, en principe, sans incidence sur le point de départ du délai de prescription. Cette obligation ne peut être atténuée que lorsque le fautif a découragé le requérant d’introduire un recours en temps utile. Voir arrêt Iaia e.a. (C‑452/09, EU:C:2011:323, points 17, 18, 21, 22 et jurisprudence citée).

( 18 )   Voir, dans le même ordre d’idées, point 46 des conclusions de l’avocat général Geelhoed présentées dans l’affaire Lucchini (C‑119/05, EU:C:2006:576).

( 19 )   Arrêts Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 22 et jurisprudence citée) ainsi qu’Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 62).

( 20 )   Arrêt Kempter (C‑2/06, EU:C:2008:78, points 58 et 59). Voir, dans le même ordre d’idées, arrêts Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269) et Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, EU:C:2009:615).

( 21 )   Voir arrêts Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067); Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506) et Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434). Ainsi, dans ce dernier arrêt, la Cour a déclaré, au point 62, que «l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge communautaire. Cette règle s’impose dans l’ordre juridique interne en conséquence du principe de la primauté du droit communautaire». Au point 61 de l’arrêt Impresa Pizzarotti, la Cour a souligné que «[l]’arrêt Lucchini [concernait] une situation tout à fait particulière, dans laquelle étaient en cause des principes régissant la répartition des compétences entre les États membres et l’Union européenne en matière d’aides d’État».

( 22 )   Au point 23 de l’arrêt Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178), la Cour a déclaré que, «[…] à supposer que les principes dégagés dans [l’arrêt Kühne & Heitz] soient transposables à un contexte qui, tel celui de l’affaire au principal, est relatif à une décision judiciaire coulée en force de chose jugée, il y a lieu de rappeler que ce même arrêt subordonne l’obligation pour l’organe concerné, au titre de l’article 10 CE, de réexaminer une décision définitive qui apparaîtrait avoir été adoptée en violation du droit communautaire, à la condition, notamment, que ledit organe dispose, en vertu du droit national, du pouvoir de revenir sur cette décision (voir points 26 et 28 dudit arrêt). Or, en l’occurrence, il suffit de relever qu’il découle de la décision de renvoi que la condition susmentionnée n’est pas satisfaite».

( 23 )   Il peut être utile de citer ici deux exemples tirés de la jurisprudence finlandaise. La Cour administrative suprême a jugé en 2013 qu’une demande en restitution de la TVA perçue sur la taxe relative aux véhicules automobiles en violation de l’interprétation retenue par la Cour dans l’arrêt Commission/Finlande (C‑10/08, EU:C:2009:171) ne pouvait pas être formée après l’expiration du délai de cinq ans applicable de manière générale en matière fiscale (voir KHO 2013:199). En revanche, la Cour suprême a considéré que cette taxation engageait la responsabilité de l’État pour les dommages causés aux particuliers du fait d’une violation du droit de l’Union au sens de la jurisprudence Francovich (voir KKO 2013:58).

( 24 )   Arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 103, renvoyant à l’arrêt Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 40).

( 25 )   Arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 104).

( 26 )   Arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 24).

( 27 )   Arrêt DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811).

( 28 )   Arrêt Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834, points 31 et 32).

( 29 )   La répartition des compétences entre les tribunaux administratifs et fiscaux et entre les chambres administratives et fiscales des cours d’appel statuant en première instance est organisée à l’article 10 de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif.

( 30 )   Articles 21, paragraphe 4, 113, 175 et 188 du code de procédure fiscale.

( 31 )   Voir point 20 des présentes conclusions.

( 32 )   Le dossier de l’affaire n’indique pas la date à laquelle cette demande a été introduite.

( 33 )   Lors de l’audience, M. Târșia a fait valoir que cette incertitude avait été levée par la décision no 24/2011 de l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice) avant qu’il n’introduise la deuxième demande invoquant l’exception à l’autorité de la chose jugée, mais après la demande initiale introduite sur le fondement du paiement de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles.

( 34 )   L’article 47 de la Charte prévoit des protections plus spécifiques telles que l’exigence selon laquelle toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, ou encore l’obligation de respecter les droits de la défense et d’accorder une aide juridictionnelle.

( 35 )   Les explications poursuivent en indiquant que l’article 47, deuxième alinéa, qui vise notamment le droit à un procès équitable, correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

( 36 )   Cour eur. D. H., arrêt de Geouffre de la Pradelle du 16 décembre 1992, série A no 253‑B, § 35.

( 37 )   Ibidem, § 33. Voir également Cour eur. D. H., arrêt Maširević c. Serbie du 11 février 2014, § 48.

( 38 )   Cour eur. D. H., arrêt Bellet du 4 décembre 1995, série A no 333‑B, § 37.

( 39 )   Cour eur. D. H., arrêt Běleš et autres c. République tchèque du 12 novembre 2002, § 50 et 51. Voir également Cour eur. D. H., arrêt Omerović c. Croatie du 5 décembre 2013, § 39, où la Cour a rappelé qu’une «interprétation particulièrement rigoureuse [des] règles [de procédure] peut priver le requérant du droit d’accès à un tribunal».

( 40 )   Cour eur. D. H., arrêt Maširević c. Serbie du 11 février 2014, § 50 et jurisprudence citée. Cette affaire concernait l’interprétation d’une règle procédurale donnée par une cour suprême et qui était source d’insécurité juridique, même pour les praticiens du droit. Voir en particulier § 51.

( 41 )   Voir Cour eur. D. H., arrêt Omerović c. Croatie du 5 décembre 2013, § 39.

( 42 )   Arrêt Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 100 et jurisprudence citée).

( 43 )   Je rappelle néanmoins qu’au point 60 de l’arrêt DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811), la Cour a déclaré que le principe de la protection juridictionnelle effective est soumis à des limitations raisonnables.

( 44 )   Arrêt Surgicare (C‑662/13, EU:C:2015:89, point 28 et jurisprudence citée).

( 45 )   Voir, entre autres, arrêt Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 54).

( 46 )   Arrêt Surgicare (C‑662/13, EU:C:2015:89, point 30).

( 47 )   Arrêt ÖBB Personenverkehr (C‑417/13, EU:C:2015:38, point 74).

( 48 )   Selon les sources disponibles, il semble que la plupart des ordres juridiques nationaux à l’intérieur de l’Union ne prévoient pas de motifs identiques fondant les exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée en matière civile, pénale et administrative.

( 49 )   Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, dont le caractère fondamental est consacré à l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Voir arrêt Chatzi (C‑149/10, EU:C:2010:534, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

( 50 )   Je rappelle que cette situation découle de l’article 322, paragraphe 10, du code de procédure civile roumain, qui est également applicable, conformément à l’article 21, paragraphe 1, de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif, dans les procédures administratives contentieuses.

( 51 )   La Commission invoque ici l’arrêt Weber’s Wine World e.a. (C‑147/01, EU:C:2003:533).

( 52 )   Je rappelle néanmoins qu’en vertu d’une jurisprudence constante, la Cour peut, en vue de répondre à une question préjudicielle, prendre en considération toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union, même si elles n’ont pas été mentionnées par la juridiction de renvoi. Voir, entre autres, arrêt Efir (C‑19/12, EU:C:2013:148, point 27).