CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 3 février 2015 ( 1 )

Affaire C‑5/14

Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH

contre

Hauptzollamt Osnabrück

[demande de décision préjudicielle

formée par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Réglementation d’un État membre prévoyant une taxe sur le combustible nucléaire — Conformité avec la constitution nationale et le droit de l’Union — Directive 2003/96/CE — Articles 2 et 14 — Directive 2008/118/CE — Article 1er — Article 107 TFUE — Articles 93 EA, 191 EA et 192 EA»

Introduction

1.

Le droit de l’Union s’oppose-t-il à ce qu’un État membre introduise une taxe sur l’utilisation des matières fissiles à la charge des exploitants de centrales nucléaires? Telle est, en substance, la question que nous soumet le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances d’Hambourg, Allemagne).

2.

Cette question comporte plusieurs volets. En effet, elle concerne les dispositions du traité FUE, celles du traité CEEA ainsi que les relations entre ces deux traités. Il sera également nécessaire d’analyser le système harmonisé des droits d’accise sur les produits énergétiques et l’électricité.

3.

Enfin, ou plus exactement avant même d’aller plus loin, le problème de l’articulation entre la procédure préjudicielle et les procédures de contrôle de constitutionnalité dans les États membres devra être examiné.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

4.

Les articles 107 TFUE et 267 TFUE ainsi que les articles 93 EA, 191 EA et 192 EA sont les dispositions du droit primaire constituant le cadre juridique de la présente affaire. Ils sont suffisamment connus pour que je m’abstienne de les citer.

5.

Le système harmonisé des droits d’accise sur les produits énergétiques et l’électricité est quant à lui fondé sur la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE ( 2 ), et la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ( 3 ). La première directive établit les règles générales du système des droits d’accise, tandis que la seconde régit plus particulièrement la taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

6.

Les articles 1er et 2 de la directive 2003/96 disposent:

«Article premier

Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive.

Article 2

1.   Aux fins de la présente directive, on entend par ‘produits énergétiques’ les produits:

a)

relevant des codes NC 1507 à 1518 inclus, lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme combustible ou comme carburant;

b)

relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus;

c)

relevant des codes NC 2901 et 2902;

d)

relevant du code NC 2905 11 00 qui ne sont pas d’origine synthétique, lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme combustible ou comme carburant;

e)

relevant du code NC 3403;

f)

relevant du code NC 3811;

g)

relevant du code NC 3817;

h)

relevant du code NC 3824 90 99, lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme combustible ou comme carburant.

2.   La présente directive s’applique également à l’électricité relevant du code NC 2716.

3.   Lorsqu’ils sont destinés à être utilisés, mis en vente ou utilisés comme carburant ou comme combustible, les produits énergétiques autres que ceux pour lesquels un niveau de taxation est précisé dans la présente directive sont taxés en fonction de leur utilisation, au taux retenu pour le combustible ou le carburant équivalent.

Outre les produits imposables visés au paragraphe 1, tout produit destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant ou comme additif ou en vue d’accroître le volume final des carburants est taxé au taux applicable au carburant équivalent.

Outre les produits imposables visés au paragraphe 1, tout autre hydrocarbure, à l’exception de la tourbe, destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme combustible est taxé au taux applicable au produit énergétique équivalent.

[…]»

7.

Selon l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96:

«Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

a)

les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité et l’électricité utilisée pour maintenir la capacité de produire de l’électricité. Toutefois, les États membres peuvent taxer ces produits pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement et sans avoir à respecter les niveaux minima de taxation prévus par la présente directive. […]»

8.

L’article 1er de la directive 2008/118 prévoit:

«1.   La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés ‘produits soumis à accise’:

a)

les produits énergétiques et l’électricité relevant de la directive 2003/96/CE;

[…]

2.   Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.

3.   Les États membres peuvent prélever des taxes sur:

a)

les produits autres que les produits soumis à accise;

[…]

Toutefois, ces prélèvements ne peuvent pas entraîner de formalités liées au passage des frontières dans le cadre des échanges entre États membres.»

Le droit allemand

9.

La taxe litigieuse au principal a été introduite en vertu de la loi relative à la taxe sur le combustible nucléaire (Kernbrennstoffsteuergesetz), du 8 décembre 2010 ( 4 ) (ci-après la «KernbrStG»). Selon cette loi, le combustible nucléaire utilisé pour la production industrielle d’électricité est assujetti à la taxe sur le combustible nucléaire. On entend par combustible nucléaire le plutonium 239 et 241 ainsi que l’uranium 233 et 235. Le taux de taxation est fixé par gramme de ce combustible et s’élève à 145 euros. La taxe est due lorsque le combustible est utilisé pour la première fois dans un réacteur nucléaire et que la réaction en chaîne est déclenchée. Le redevable de la taxe est l’exploitant de l’installation de production d’électricité par fission des matières fissiles (centrale nucléaire).

Les faits au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.

Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH, société de droit allemand, est l’exploitant d’une centrale nucléaire à Lingen (Allemagne). Dans une déclaration fiscale datée du 13 juillet 2011, elle a déclaré le montant de 154117745 euros au titre de la taxe sur le combustible nucléaire pour le combustible utilisé dans ses réacteurs au mois de juin de la même année. Parallèlement, elle a également introduit, devant la juridiction de renvoi, un recours contre l’autorité fiscale compétente, le Hauptzollamt Osnabrück, pour contester la légalité de ladite taxe au regard du droit de l’Union.

11.

Dans une procédure parallèle impliquant un autre exploitant d’une centrale nucléaire, la juridiction de renvoi a saisi le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) d’une question de constitutionnalité concernant la KernbrStG. Selon les informations disponibles, cette procédure est toujours en cours.

12.

Dans ces conditions, le Finanzgericht Hamburg a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 267, deuxième phrase, lu conjointement avec sa première phrase, sous b), TFUE autorise-t-il la juridiction d’un État membre à soumettre des questions, qui lui sont posées dans le contexte de la légalité d’une loi nationale relativement à l’interprétation du droit de l’Union, à la Cour de justice de l’Union européenne, même lorsque ladite juridiction a non seulement des doutes sur la conformité de la loi au droit de l’Union, d’une part, mais estime également que la loi nationale est contraire à la constitution nationale, d’autre part, et que, pour cette raison, elle a déjà saisi, dans une procédure parallèle, la cour constitutionnelle – seule compétente, en vertu du droit national, pour statuer sur l’inconstitutionnalité des lois – dont la décision n’a toutefois pas encore été rendue?

S’il est répondu à la première question par l’affirmative:

2)

Les directives 2008/118 et 2003/96, adoptées aux fins de l’harmonisation des droits d’accise et concernant les produits énergétiques et l’électricité dans le cadre de l’Union, s’opposent-elles à l’introduction d’une taxe nationale prélevée sur les combustibles nucléaires utilisés pour la production industrielle d’électricité? Cela dépend-il de la possibilité prévisible de répercuter la taxe nationale sur le consommateur par le biais du prix de l’électricité et, le cas échéant, que convient-il d’entendre par ‘répercussion’?

3)

Une entreprise peut-elle contester une taxe, qu’un État membre prélève, dans le but de générer des recettes, sur l’utilisation de combustibles nucléaires pour la production industrielle d’électricité, en alléguant que la perception d’une telle taxe constitue une aide contraire au droit de l’Union au sens de l’article 107 TFUE? Si cette question doit recevoir une réponse affirmative, la KernbrStG qui applique une taxe, dans le but de générer des recettes, uniquement aux entreprises produisant de façon industrielle de l’électricité en utilisant des combustibles nucléaires constitue-t-elle une mesure d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE? Quelles sont les circonstances pertinentes pour déterminer si d’autres entreprises, qui ne sont pas assujetties à une taxe similaire, se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable?

4)

La perception de la taxe allemande sur le combustible nucléaire est-elle contraire aux dispositions du traité CEEA?»

13.

La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 7 janvier 2014. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, les gouvernements allemand et finlandais ainsi que par la Commission européenne. Les mêmes parties étaient représentées lors de l’audience qui a eu lieu le 4 novembre 2014.

Analyse

14.

La première question concerne en fait la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle. Je l’examinerai donc en premier lieu avant d’aborder les questions de fond, dans l’ordre dans lequel elles ont été posées.

Sur la première question préjudicielle

15.

Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si elle est en droit d’introduire une demande de décision préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE bien qu’une procédure nationale (il se trouve en l’occurrence qu’elle a été déclenchée par cette même juridiction de renvoi, mais cela importe peu) de contrôle de constitutionnalité des dispositions du droit national qui constituent le fondement de l’acte individuel en cause au principal soit en cours. Selon les explications de la juridiction de renvoi, si le Bundesverfassungsgericht devait déclarer la KernbrStG inconstitutionnelle sans limiter uniquement à l’avenir les effets de sa décision, la déclaration fiscale litigieuse au principal serait automatiquement annulée, ce qui entraînerait l’extinction de la procédure au principal et priverait les questions préjudicielles de leur objet.

16.

Il y a lieu de relever d’emblée que, à la lumière d’une jurisprudence établie de la Cour, la recevabilité du renvoi préjudiciel dans la présente affaire ne semble faire aucun doute.

17.

Il pourrait certes être objecté que, dans une situation comme celle de l’affaire au principal, les questions préjudicielles revêtent un caractère hypothétique, car leur pertinence dépend de l’issue de la procédure nationale de contrôle de constitutionnalité. Si les dispositions nationales sont invalidées avec effet rétroactif, la question relative à l’interprétation du droit de l’Union ne se posera plus. Cependant, telle n’est pas l’approche que retient la Cour s’agissant de l’articulation entre la procédure préjudicielle et les procédures nationales de contrôle de constitutionnalité.

18.

En effet, en premier lieu, selon la jurisprudence de la Cour, même s’il peut être avantageux que les problèmes de pur droit national soient tranchés au moment du renvoi à la Cour, les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union nécessitant une décision de leur part ( 5 ).

19.

Ainsi, une juridiction nationale saisie d’un litige concernant le droit de l’Union qui considère qu’une disposition nationale est non seulement contraire au droit de l’Union, mais également affectée de vices d’inconstitutionnalité n’est pas privée de la faculté ou dispensée de l’obligation, prévues à l’article 267 TFUE, de saisir la Cour de questions concernant l’interprétation ou la validité du droit de l’Union du fait que la constatation de l’inconstitutionnalité d’une règle du droit interne est soumise à un recours obligatoire devant la Cour constitutionnelle. En effet, l’efficacité du droit de l’Union se trouverait menacée si l’existence d’un recours obligatoire devant la Cour constitutionnelle pouvait empêcher le juge national, saisi d’un litige régi par le droit de l’Union, d’exercer la faculté qui lui est attribuée par l’article 267 TFUE de soumettre à la Cour les questions portant sur l’interprétation ou sur la validité du droit de l’Union, afin de lui permettre de juger si une règle nationale est ou non compatible avec celui-ci ( 6 ).

20.

En deuxième lieu, toujours selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 7 ).

21.

Or, tel n’est pas le cas, me semble-t-il, dans la présente affaire. Le rapport entre les questions posées et la réalité du litige au principal ainsi que le caractère suffisant des informations fournies par la juridiction de renvoi ne suscitent, à mon sens, aucun doute.

22.

Quant au caractère hypothétique du problème soulevé, étant donné le résultat incertain de la procédure parallèle de contrôle de constitutionnalité – tant en ce qui concerne le sens de la décision du juge constitutionnel que ses effets dans le temps – il est clair que les questions préjudicielles ne sauraient être qualifiées d’hypothétiques du seul fait de l’existence d’une telle procédure. À l’évidence, plusieurs évènements peuvent entraîner l’extinction de la procédure au principal avant que la Cour ne statue sur le renvoi préjudiciel, à commencer, très prosaïquement, par le retrait de la requête. Parmi ces évènements possibles mais incertains figure l’invalidation par le juge constitutionnel des dispositions nationales servant de fondement à l’objet du litige. Dans un tel cas, il incombe à la juridiction de renvoi de tirer les conséquences d’un tel évènement et, en particulier, de conclure qu’il convient soit de maintenir sa demande de décision préjudicielle, soit de la modifier, soit de la retirer ( 8 ). Cependant, en aucun cas la possibilité d’un tel évènement, quand bien même sa probabilité serait plus forte au motif qu’une procédure de contrôle de constitutionnalité a été déclenchée, ne saurait suffire pour constater le caractère hypothétique des questions posées.

23.

Il convient encore à cet égard d’attirer l’attention de la juridiction de renvoi sur les règles de la saisine de la Cour par les demandes de décision préjudicielle qui figurent à l’article 100 du règlement de procédure de la Cour entré en vigueur le 1er novembre 2012. Selon cette disposition, le retrait d’une demande de décision préjudicielle peut être pris en compte jusqu’à la signification de la date du prononcé de l’arrêt aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

24.

Enfin, en troisième lieu, la Cour a également eu l’occasion de constater que la procédure préjudicielle et la procédure nationale de contrôle de constitutionnalité ont des objets et des effets juridiques différents. La constatation, par le juge constitutionnel, de l’inconstitutionnalité d’une disposition du droit national entraîne normalement l’élimination de cette disposition de l’ordre juridique. Cette élimination peut, selon le système national, produire des effets ex nunc ou ex tunc, voire à partir d’un moment spécifié par le juge constitutionnel lui-même. Si le juge constitutionnel a été saisi dans le cadre d’un litige concret devant une juridiction nationale, il peut alors s’avérer que la disposition en cause, bien qu’invalidée, s’applique à la partie qui est à l’origine du contrôle de constitutionnalité. La situation est tout à fait différente dans le cas de la procédure préjudicielle. Selon la formulation de la Cour, le conflit entre une disposition de la loi nationale et une disposition du traité directement applicable (constaté par la juridiction de renvoi à la suite de la décision de la Cour en réponse au renvoi) se résout, pour une juridiction nationale, par l’application du droit de l’Union, en laissant au besoin inappliquée la disposition nationale contraire, et non pas par le constat de la nullité de la disposition nationale, la compétence des organes et des juridictions étant à cet égard propre à chaque État membre ( 9 ).

25.

Il convient d’ajouter, même si cela n’a pas d’influence sur la réponse à la question préjudicielle, que, dans le cas de l’affaire au principal, selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, la saisine du juge constitutionnel concerne une prétendue violation des règles internes de compétence, et donc une question différente de celle de l’éventuelle incompatibilité de la KernbrStG avec les dispositions précitées du droit de l’Union.

26.

Je propose donc à la Cour de répondre à la première question qu’une juridiction nationale est en droit d’introduire une demande de décision préjudicielle en application de l’article 267 TFUE bien qu’une procédure nationale de contrôle de constitutionnalité des dispositions du droit national qui constituent le fondement de l’acte individuel en cause au principal soit en cours.

Sur la deuxième question préjudicielle

27.

Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si les directives 2003/96 et 2008/118 s’opposent à la taxe litigieuse au principal. Elle cherche en outre à savoir si la possibilité de répercuter ou non ladite taxe sur le consommateur de l’électricité affecte la réponse à cette question.

28.

La juridiction de renvoi ne spécifie pas, dans le libellé de la question préjudicielle, quelles sont les dispositions des directives 2003/96 et 2008/118 qui pourraient, éventuellement, constituer un obstacle à la taxe litigieuse. Cependant, il ressort de la décision de renvoi qu’il s’agit plus particulièrement de savoir, premièrement, si le combustible nucléaire relève de l’exonération prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 et, deuxièmement, si la taxe litigieuse peut être considérée comme frappant indirectement l’électricité, ce qui la rendrait potentiellement incompatible avec l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118. L’éventuel impact de la possibilité de répercuter la taxe litigieuse fait partie de ce second problème.

29.

Cette deuxième question préjudicielle se divise donc en deux parties, que j’analyserai séparément.

Sur la directive 2003/96

– Remarques liminaires sur l’applicabilité de la directive 2003/96 au combustible nucléaire

30.

Le combustible nucléaire relève du domaine couvert par le traité CEEA ( 10 ). Il convient dès lors de se demander si les dispositions du droit dérivé adoptées sur le fondement du traité CE ( 11 ) peuvent régir la taxation d’un tel produit. En effet, en cas de réponse négative, l’analyse de la première partie de la deuxième question serait sans objet.

31.

Lorsque la directive 2003/96 a été adoptée, les relations entre les traités CE et CEEA étaient régies par l’article 305, paragraphe 2, du traité CE, selon lequel «[l]es dispositions du [traité CE] ne dérogent pas aux stipulations du [traité CEEA]» ( 12 ). Cependant, cette règle, qui donne au traité CEEA et au traité CE la même valeur juridique, ne me semble pas résoudre la question de l’applicabilité des dispositions du droit dérivé du traité CE dans le domaine couvert par le traité CEEA. Deux approches peuvent être adoptées en la matière ( 13 ).

32.

La première consisterait à considérer les deux Communautés comme totalement distinctes et autonomes dans leurs domaines respectifs. Les actes adoptés sur le fondement du traité CE ne seraient donc pas applicables dans le domaine du traité CEEA et vice versa. Cela signifierait, en combinaison avec le principe d’attribution des compétences, que, pour chaque action législative dans le domaine de l’un des traités, une base juridique dans ce même traité serait nécessaire. Or, le traité CEEA est beaucoup moins développé que le traité CE. Non seulement il a été, en tant que traité sectoriel, limité dès le départ aux instruments juridiques qui, à l’époque de son adoption, semblaient nécessaires au développement de l’industrie nucléaire européenne (par exemple, aucune compétence générale pour l’harmonisation des législations nationales n’est prévue), mais il n’a pas connu, à la différence du traité CE, un élargissement substantiel de son champ d’application résultant de traités modificatifs successifs.

33.

L’adoption de cette approche strictement «dualiste» poserait donc de graves problèmes, au moment où le droit européen couvre des domaines variés comme la concurrence, la fiscalité ou encore l’environnement, et qu’il n’est pas justifié d’exclure de l’intervention du législateur européen les biens ou les activités relevant du domaine du traité CEEA.

34.

J’opterais pour la seconde approche, consistant à considérer que le traité CE a, conformément à sa vocation généraliste, un champ d’application qui couvre tous les biens, les services et les activités, tandis que le traité CEEA n’établit que des règles spécifiques lorsque les caractéristiques de l’industrie nucléaire l’exigent. Ainsi, les actes de droit dérivé adoptés sur la base du traité CE pourraient s’appliquer aux biens et aux activités relevant du domaine du traité CEEA, tant que ce dernier n’en dispose pas autrement. Je suis conscient des problèmes juridiques que cette approche implique également, mais ils me semblent aisément surmontables et, en tout état de cause, sans incidence dans la présente affaire.

35.

Cette approche semble par ailleurs étayée dans la jurisprudence. Dans l’avis 1/94, la Cour a déclaré que «[c]omme le traité [CEEA] ne comporte aucune disposition sur le commerce extérieur, rien ne s’oppose à ce que les accords conclus en vertu de l’article 113 du traité CE s’étendent aux échanges internationaux de produits [CEEA]» ( 14 ). En ce qui concerne le traité CECA, la Cour a jugé que le traité CEE «[pouvait] s’appliquer à des produits relevant du traité CECA dans la mesure où les questions soulevées ne font pas l’objet de dispositions du traité CECA» ( 15 ). Cela me paraît parfaitement transposable au traité CEEA. Il est vrai que la Cour a récemment lié l’applicabilité d’une disposition du traité CE dans le domaine du traité CEEA à son caractère de règle générale du droit européen ( 16 ). Toutefois, il me semble que la situation dans cette affaire était différente de celle en cause dans l’affaire au principal. Premièrement, il s’agissait d’appliquer directement une disposition du traité CE dans le domaine du traité CEEA, et non pas de déterminer si les actes de droit dérivé adoptés sur le fondement du traité CE peuvent s’appliquer aux biens relevant du traité CEEA. Deuxièmement, le constat de la Cour, selon lequel un principe de l’ordre juridique européen aussi fondamental que celui de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité est applicable dans le domaine du traité CEEA, ne saurait, à mon sens, signifier nécessairement que seuls les principes généraux établis dans le traité CE trouvent application dans les situations régies par le traité CEEA.

36.

Enfin, l’approche que je préconise semble être suivie depuis longtemps dans la pratique des institutions. En effet, des actes adoptés uniquement sur le fondement du traité CE, tels que la directive 85/337/CEE ( 17 ), la directive 98/34/CE ( 18 ) ou encore, dans le domaine fiscal, la directive 2006/112/CE ( 19 ), s’appliquent indifféremment aux biens et aux activités relevant des traités CE (actuellement traité FUE) et CEEA. Je ne vois donc pas d’obstacles formels à ce que les dispositions de la directive 2003/96 puissent également, en théorie, s’appliquer au combustible nucléaire.

– Application directe de la directive 2003/96 au combustible nucléaire

37.

L’article 1er de la directive 2003/96 oblige les États membres à imposer un droit d’accise sur les produits énergétiques et l’électricité. Les produits énergétiques sont définis à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive à l’aide des codes de la nomenclature combinée ( 20 ) relatifs à un certain nombre de produits qui sont, en substance, le charbon, le gaz naturel et les huiles minérales ainsi que certains produits dérivés. Le paragraphe 2 du même article ajoute à cette liste l’électricité. Le combustible nucléaire au sens de la KernbrStG ne figure donc pas parmi les produits énumérés.

38.

Selon l’article 2, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de la directive 2003/96, sont également soumis au droit d’accise tous les autres produits utilisés comme carburant ainsi que tous les autres hydrocarbures, à l’exception de la tourbe, utilisés comme combustible ( 21 ).

39.

Ainsi, l’article 2 de la directive 2003/96, en indiquant les produits soumis au droit d’accise, définit en même temps le champ d’application de cette directive ( 22 ).

40.

L’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 exonère du droit d’accise les «produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité». Dans la présente affaire, il s’agit donc de savoir si cette exonération couvre également le combustible nucléaire. Je ne pense pas que ce soit le cas, et ce pour les raisons suivantes.

41.

Premièrement, à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, il est expressément question des «produits énergétiques». Or, ce terme est défini de manière précise à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive par une liste limitative et exhaustive de produits désignés clairement par leurs codes de la nomenclature combinée. Ledit terme ne saurait dès lors, à l’article 14 de ladite directive, avoir une signification différente de celle donnée audit article 2. En effet, on ne saurait, sauf à heurter la logique juridique, considérer que le législateur aurait employé, dans le même texte, un terme identique dans deux acceptions différentes.

42.

Il est certes vrai que, outre les produits énumérés à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/96, le droit d’accise s’applique également aux autres produits utilisés comme carburant et aux autres hydrocarbures utilisés comme combustible. Logiquement, les exonérations prévues à l’article 14 de cette même directive devraient donc s’appliquer aussi à ces deux catégories de produits, en l’occurrence les hydrocarbures utilisés comme combustible pour produire de l’électricité. Cependant, le combustible nucléaire en cause dans la présente affaire n’est pas un hydrocarbure, il s’agit en effet d’isotopes spécifiques de plutonium et d’uranium ( 23 ).

43.

Deuxièmement, comme je l’ai déjà observé au point 32 des présentes conclusions, le champ d’application de la directive 2003/96 est défini par son article 2. Son article 14 ne saurait donc s’appliquer, au-delà de ce champ d’application, aux produits qui n’en relèvent pas, en les exonérant d’une taxe à laquelle ils ne sont pas soumis.

44.

Il est donc à mon avis clair que la directive 2003/96, et spécialement son article 14, paragraphe 1, sous a), n’est pas applicable au combustible nucléaire.

– Application par analogie

45.

La juridiction de renvoi s’interroge également sur la possibilité d’appliquer au combustible nucléaire la directive 2003/96, ou à tout le moins son article 14, paragraphe 1, sous a), par voie d’analogie. Je dois avouer que je conçois mal par quel procédé cela pourrait se faire. La disposition citée établit une exonération du droit d’accise. Elle ne peut donc pas s’appliquer, même par analogie, aux produits qui ne sont pas soumis à ce droit. Il faudrait alors d’abord soumettre le combustible nucléaire au régime de la directive 2003/96. Or, il me paraît totalement inconcevable de soumettre par analogie un produit à une imposition dont il ne relève pas. D’ailleurs, aucune analogie valable n’existe sur ce point entre le combustible nucléaire et les produits soumis à accise. La directive 2003/96 vise non pas l’imposition des produits servant à produire de l’électricité, mais l’imposition des produits énergétiques, tels que définis dans cette directive, quelle que soit leur utilisation. Le fait de ne pas inclure le combustible nucléaire dans le cadre de cette réglementation ne constitue donc pas une lacune juridique qu’il serait nécessaire de combler par voie d’analogie.

46.

Tout au plus pourrait-on suggérer de transposer à la présente affaire, par analogie, la jurisprudence de la Cour découlant de l’arrêt Braathens ( 24 ). Le raisonnement serait le suivant. Dans cet arrêt, la Cour, dans le cadre de l’interprétation d’une disposition de la directive 92/81/CEE ( 25 ) ayant précédé la directive 2003/96 concernant l’exonération du carburant utilisé pour le trafic aérien [actuel article 14, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/96], a jugé qu’une telle exonération exclut non seulement l’application, aux produits exonérés, du droit d’accise, mais également d’autres taxes nationales pouvant normalement être imposées sur les produits soumis à accise ( 26 ). En effet, selon la Cour, de telles taxes nationales priveraient de tout effet l’exonération prévue par la directive 92/81 ( 27 ). La même exclusion des taxes nationales devrait s’appliquer aux produits énergétiques servant à produire de l’électricité, qui sont exonérés du droit d’accise en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96. Or, si les produits énergétiques servant à la production d’électricité ne peuvent être grevés par des taxes nationales, il devrait en être de même, par voie d’analogie, pour d’autres produits qui, bien que n’étant pas des produits énergétiques au sens de la directive 2003/96, servent aussi à produire de l’électricité, tel le combustible nucléaire.

47.

Ce raisonnement me semble cependant erroné. L’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 n’introduit aucun principe général d’exonération des produits servant à produire de l’électricité. Cette directive établit un système harmonisé de taxation des produits énergétiques et de l’électricité et l’exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité s’inscrit dans ce cadre strict ( 28 ). L’arrêt Braathens concerne précisément un produit relevant de la directive 92/81, explicitement exonéré. Son seul propos était d’assurer l’effectivité de cette exonération et non pas d’en élargir le domaine. Une interprétation plus large enfreindrait le champ d’application de la directive 2003/96, affecterait son objectif d’harmonisation et méconnaîtrait la compétence des États membres pour introduire des impositions indirectes en dehors du domaine harmonisé, réaffirmée à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), de la directive 2008/118.

48.

En conclusion, je suis d’avis qu’une taxe frappant l’utilisation par les centrales nucléaires du combustible nucléaire ne relève pas du champ d’application de la directive 2003/96, laquelle ne s’oppose donc pas à l’application d’une telle taxe.

Sur la directive 2008/118

49.

Par la seconde partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la taxe litigieuse peut être considérée comme une taxe indirecte sur l’électricité. Je ne peux qu’observer d’emblée que, si tel était le cas, cette taxe serait contraire aux dispositions de la directive 2008/118, lues en combinaison avec la directive 2003/96. Cependant, je ne pense pas que cette taxe puisse être qualifiée comme une taxe indirecte sur l’électricité.

– Sur la possibilité d’introduire des taxes nationales supplémentaires sur les produits soumis à accise

50.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 permet aux États membres de prélever, à des fins spécifiques, des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise (dont l’électricité), à condition qu’elles respectent les règles de taxation du droit de l’Union applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée. Parmi ces règles figurent la détermination de la base d’imposition, le calcul de la taxe, son exigibilité et son contrôle.

51.

Selon la juridiction de renvoi, la taxe litigieuse au principal n’est pas prélevée à des fins spécifiques, car elle alimente le budget fédéral. En tout état de cause, l’appréciation de la finalité d’une taxe relève de la compétence des autorités et des juridictions nationales qui doivent cependant prendre en compte les critères, d’ailleurs extrêmement stricts, posés par la jurisprudence de la Cour ( 29 ). Si la juridiction nationale constate que la taxe en question ne remplit pas ces critères, celle-ci ne saurait être considérée comme conforme à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118.

52.

S’agissant du respect des règles d’imposition applicables en droit de l’Union, il me semble que la taxe litigieuse au principal ne satisfait pas non plus à cette condition. Dans le cas de l’affaire au principal, il ne peut, bien entendu, s’agir que des règles en matière de droit d’accise, la taxe litigieuse n’étant en rien analogue à la taxe sur la valeur ajoutée.

53.

Il est certes vrai que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 n’exige que la conformité à l’économie générale de l’imposition en droit de l’Union ( 30 ). Cependant, même dans son économie générale, la taxe litigieuse ne me paraît pas conforme aux règles applicables en matière de droit d’accise sur l’électricité.

54.

Premièrement, elle s’en écarte nettement en ce qui concerne la base d’imposition. Ainsi, dans le cas de l’accise, la base d’imposition est constituée par le produit soumis à accise lui-même, c’est-à-dire une certaine quantité d’électricité, tandis que la base d’imposition de la taxe en cause est constituée par le combustible nucléaire, c’est-à-dire un facteur de production, et seul un nouveau calcul permettrait éventuellement de la rapporter à une quantité d’électricité spécifiée.

55.

Deuxièmement, l’accise sur l’électricité n’est exigible qu’au moment de la distribution aux consommateurs ( 31 ), tandis que la taxe litigieuse devient exigible au moment où le combustible nucléaire est utilisé dans le réacteur, c’est-à-dire avant même la production de l’électricité. Cette différence n’est pas seulement chronologique, car c’est la personne du redevable qui change également. En effet, dans le cas de l’accise, c’est le distributeur ou le redistributeur de l’électricité qui en est redevable, tandis que, dans le cas de la taxe en cause, c’est le producteur. Cela signifie aussi que, si l’électricité est exportée vers un autre État membre, la taxe litigieuse est perçue dans l’État de production (en Allemagne), tandis que l’accise sur l’électricité est perçue dans l’État de consommation ( 32 ).

56.

Enfin, troisièmement, le contrôle du paiement de la taxe litigieuse exige du redevable l’établissement d’une déclaration fiscale au moment du fait générateur de la taxe. Or, il peut être déduit de la jurisprudence précédemment citée ( 33 ) que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 ne permet pas d’introduire des taxes qui imposeraient aux opérateurs des formalités autres que celles prévues par la réglementation de l’Union relative à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée.

57.

Je suis donc d’avis que si la taxe litigieuse au principal devait être considérée comme une taxe indirecte sur l’électricité, elle ne remplirait pas les conditions énoncées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118. Cependant, je ne pense pas qu’elle puisse être considérée comme telle.

– Sur la qualification de la taxe litigieuse en tant que taxe indirecte sur l’électricité

58.

La juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité de considérer la taxe litigieuse au principal comme une taxe indirecte sur l’électricité au motif qu’elle est proportionnelle à la quantité d’électricité produite à l’aide d’une quantité de combustible nucléaire donnée. Je ne pense toutefois pas qu’une telle proportionnalité soit à cet égard suffisante.

59.

En effet, pour qu’une taxe puisse être considérée comme grevant un produit déterminé, il faut qu’elle frappe la consommation de ce même produit. Cela peut avoir lieu soit directement ( 34 ), soit indirectement par incorporation de la taxe dans le prix du produit. Les taxes prélevées au stade de la production, comme le serait éventuellement la taxe litigieuse au principal si elle était considérée comme une taxe sur l’électricité, ne peuvent relever que de la seconde situation, car elles s’appliquent au moment où le produit taxé n’existe pas encore.

60.

La taxe litigieuse au principal constitue évidemment une charge entrant dans les coûts de production des centrales nucléaires. Ces coûts forment une partie constitutive du prix de l’électricité pratiqué par ces centrales. Cela ne me paraît toutefois pas suffisant pour considérer la taxe en cause comme une taxe sur l’électricité. En effet, comme l’a observé à juste titre la Commission, un tel raisonnement conduirait à considérer toutes les taxes et les impôts supportés par les producteurs d’électricité comme des taxes indirectes sur celle-ci, par exemple l’impôt sur les sociétés, dont l’assiette, c’est-à-dire le résultat imposable, est aussi proportionnelle, dans une certaine mesure, à la quantité d’électricité produite ( 35 ).

61.

Pour qu’il puisse être considéré qu’une taxe prélevée en amont (au stade de production) frappe la consommation d’un produit, il faut que le montant de la taxe soit inclus précisément dans le prix de chaque quantité du produit mise à la consommation, de manière à ce que la taxe soit neutre pour le producteur ou le distributeur qui, en tant qu’assujetti, ne sert que de relais entre le consommateur qui supporte la charge de la taxe et le fisc.

62.

Or, cela ne me semble pas possible dans le cas d’une taxe prélevée uniquement sur certains producteurs d’électricité. L’électricité est un produit spécifique, n’existant que sous forme de tension dans le réseau électrique. Une fois l’électricité produite et introduite dans le réseau, il n’est plus possible de distinguer celle provenant de tel ou tel producteur. Si les prix de la mise en réseau pratiqués par les producteurs peuvent alors différer dans une certaine mesure, le prix de la fourniture aux consommateurs ne peut plus refléter cette différence. En effet, les consommateurs payent un prix unique pour l’électricité provenant de tous les producteurs. Il serait donc impossible d’identifier le montant de la taxe litigieuse payée par les consommateurs pour une quantité d’électricité donnée. Cette taxe ne saurait dès lors être qualifiée de taxe sur l’électricité.

63.

S’agissant, enfin, du dernier problème soulevé dans le cadre de la deuxième question de la juridiction de renvoi, l’élément décisif est non pas la possibilité in abstracto de répercuter la taxe sur les consommateurs (et donc sa qualification de taxe indirecte), mais l’impossibilité de la répercuter dans le cas concret du marché de l’électricité.

64.

Dès lors, la taxe litigieuse au principal n’est pas une taxe indirecte sur l’électricité et elle ne relève donc pas de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118. Il s’agit en fait d’une taxe sur un produit autre que les produits soumis à accise au sens du paragraphe 3, sous a), du même article, lequel exige seulement qu’aucune formalité liée au passage des frontières ne soit introduite. Dans la mesure où la taxe litigieuse n’entraîne pas de telles formalités, la directive 2008/118 ne s’oppose pas à cette taxe.

Réponse à la deuxième question

65.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je suis d’avis qu’il y a lieu de répondre à la deuxième question en ce sens que les directives 2003/96 et 2008/118 ne s’opposent pas à une taxe prélevée sur le combustible nucléaire grevant l’utilisation de ce combustible aux fins de la production de l’électricité.

Sur la troisième question préjudicielle

66.

Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande d’abord, en substance, si un assujetti à la taxe litigieuse au principal pourrait contester son application au motif qu’il s’agirait d’une aide d’État contraire au marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle cherche ensuite à savoir si ladite taxe peut effectivement être qualifiée d’aide d’État. En dépit de l’ordre dans lequel la juridiction de renvoi a présenté ses questions, il convient, selon moi, de commencer par l’analyse de ce deuxième point.

67.

Selon une jurisprudence constante de la Cour, une mesure fiscale peut constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 36 ). Tel est le cas lorsque ladite mesure fiscale accorde à ses bénéficiaires un traitement fiscal avantageux, en allégeant les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise. En outre, cette mesure doit être de nature à favoriser «certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime concerné, dans une situation factuelle et juridique comparable ( 37 ). Lors de l’appréciation de ces mesures, l’avantage sélectif est donc le critère crucial parmi les quatre critères cumulatifs visés par ladite disposition du traité FUE.

68.

La détermination du cadre de référence revêt dès lors, selon la Cour, une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite «normale» ( 38 ). Il convient donc de s’interroger sur l’existence d’un système d’imposition normal, dans le cadre duquel les autres producteurs d’électricité seraient traités de manière avantageuse par rapport aux centrales nucléaires.

69.

Il est constant qu’aucun système général de taxation en amont de la production de l’électricité n’existe en droit allemand. Cependant, dans certaines conditions, l’imposition d’une taxe nouvelle sur une partie seulement des entreprises dont la situation est comparable peut avoir le même effet que l’exonération d’une taxe déjà existante ( 39 ). Pourrait-on alors concevoir un système de taxation général, dans le cadre duquel tous les producteurs d’électricité seraient taxés sur leur production de manière égale ( 40 )?

70.

L’électricité a pour caractéristique spécifique de pouvoir être produite selon plusieurs techniques très différentes les unes des autres, à savoir la combustion de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel ou pétrole) et de leur dérivés, la réaction nucléaire ou bien l’utilisation de différentes sources d’énergie renouvelables, telles que l’eau, le vent, l’énergie solaire, l’énergie géothermale, etc.

71.

Il me semble donc impossible de créer un système de taxation en amont qui tiendrait compte de manière égale de tous ces procédés de production ( 41 ). Autrement dit, les entreprises productrices d’électricité selon ces différentes technologies ne se trouvent pas dans une situation factuelle comparable en ce qui concerne leur imposition éventuelle en amont. Elles ont uniquement en commun leur produit final, c’est-à-dire l’électricité. Or, comme je l’ai constaté au point 64 des présentes conclusions, la taxe litigieuse au principal n’est pas une taxe, même indirecte, sur l’électricité. Une telle taxe, grevant l’électricité au stade de la production, serait d’ailleurs contraire aux dispositions combinées des directives 2003/96 et 2008/118 ( 42 ).

72.

Le fait de ne pas imposer en amont la production de l’électricité par des moyens autres que le nucléaire ne constitue donc pas un avantage au regard d’un système d’imposition général, car un tel système ne peut pas exister. La taxe litigieuse au principal est donc une imposition de type spécifique qui ne peut s’appliquer qu’au secteur nucléaire.

73.

Étant donné qu’un tel système de taxation général en amont des producteurs d’électricité ne constitue pas un cadre de référence concevable, le fait de ne pas soumettre ces producteurs à un tel système ne peut être perçu comme un allégement d’une charge grevant normalement le budget d’une entreprise.

74.

Les producteurs d’électricité utilisant une source d’énergie autre que le combustible nucléaire ne bénéficient donc pas, par rapport à un système général, d’un traitement fiscal particulier pouvant être qualifié d’aide d’État. Il n’est donc pas nécessaire – ni d’ailleurs pertinent – de se demander si les entreprises concernées se trouvent, au regard des objectifs poursuivis par un système d’imposition servant de cadre de référence, dans une situation factuelle et juridique comparable.

75.

Il convient encore d’ajouter que les différentes techniques de production d’électricité se différencient également par leurs coûts environnementaux, leur influence sur le marché du travail, leurs effets plus ou moins nocifs sur la santé humaine, la sécurité publique, etc. Ainsi, même si les entreprises utilisant ces différentes technologies se trouvent dans une certaine mesure en concurrence, car elles produisent le même produit – l’électricité ( 43 ) – elles ne se trouvent pas dans une situation factuelle identique. Les pouvoirs publics peuvent alors prendre des mesures qu’ils jugent appropriées envers une de ces filières de production d’électricité, sans que cela constitue automatiquement une aide d’État sélective au bénéfice des autres filières ( 44 ).

76.

Dès lors, il y a lieu de répondre à la troisième question que le fait que la taxe litigieuse au principal s’applique uniquement aux entreprises produisant de façon industrielle de l’électricité en utilisant du combustible nucléaire ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si une entreprise pourrait contester une telle aide afin de demander l’exonération de la taxation.

Sur la quatrième question préjudicielle

77.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les dispositions du traité CEEA s’opposent à la taxe litigieuse au principal, sans préciser dans le libellé de cette question quelles seraient les dispositions concrètement en cause. Néanmoins, il découle des motifs du renvoi préjudiciel qu’il s’agit plus particulièrement des dispositions des articles 93 EA, 191 EA et 192 EA.

78.

Il me semble, à la lecture desdits motifs, que les doutes de la juridiction de renvoi quant à la conformité de la taxe litigieuse aux dispositions citées du traité CEEA s’expliquent par la conception et la dénomination de cette taxe en droit interne en tant que taxe grevant les produits, à savoir le combustible nucléaire. Cependant, ladite taxe, calculée sur la quantité de combustible nucléaire, revêt en réalité un caractère hybride. Elle est prélevée au moment de l’utilisation de ce combustible aux fins de la production de l’électricité, qui est la seule utilisation taxée ( 45 ). Le redevable de la taxe est l’exploitant de la centrale nucléaire qui en supporte également la charge économique. En même temps, le combustible nucléaire taxé est indispensable pour l’exploitation des centrales nucléaires, car il n’existe pas de produit de substitution. Autrement dit, l’exploitant d’une centrale a le choix soit d’utiliser le produit taxé, soit d’arrêter son activité. De ce point de vue, la taxe litigieuse s’apparente plus, dans ses effets, à un impôt sur l’activité économique des exploitants des centrales nucléaires qu’à une véritable taxe grevant un produit. Sous cet angle, la taxe litigieuse suscite à mon avis moins de doutes en ce qui concerne sa conformité aux dispositions citées du traité CEEA.

79.

Premièrement, l’article 93 EA interdit tous droits de douane, taxes d’effet équivalent et restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation entre les États membres sur les produits énumérés sur les listes contenues à l’annexe IV du traité CEEA, parmi lesquels figurent les différents combustibles nucléaires. Cet article est donc, grosso modo, l’équivalent des actuels articles 30 TFUE et 34 TFUE. Selon les observations de la requérante au principal, la totalité du combustible nucléaire utilisé en Allemagne étant importée, la taxe litigieuse frappe donc uniquement des produits importés, en augmentant le coût de leur utilisation. Elle constitue ainsi une taxe d’effet équivalent à un droit de douane.

80.

Cependant, je ne pense pas que la taxe litigieuse puisse être utilement appréciée à la lumière de l’article 93 EA. En effet, comme je l’ai observé au point 78 des présentes conclusions, cette taxe doit être envisagée plutôt comme une taxe sur l’activité de production d’électricité et c’est tout au plus le coût de cette activité qui se trouve augmenté du fait de ladite taxe ( 46 ). Or, le but de l’article 93 EA est de protéger la liberté des échanges des marchandises, et non pas les activités poursuivies par le biais de ces marchandises.

81.

Par ailleurs, je doute fortement qu’il soit possible de parler ici de véritables échanges et de circulation. Parmi les produits relevant du traité CEEA, le combustible nucléaire («matières fissiles spéciales») a un statut particulier. Selon les articles 57 EA à 59 EA, à l’intérieur de la Communauté, le monopole de l’acquisition de ces matières revient à l’agence créée par le traité CEEA et celles-ci restent, selon l’article 86 EA, la propriété de la Communauté. Les États membres, les personnes et les entreprises n’ont, en vertu de l’article 87 EA, qu’un droit d’utilisation et de consommation.

82.

Enfin, comme le fait remarquer le gouvernement allemand dans ses observations, une taxe qui présente manifestement un caractère fiscal et n’est pas prélevée en raison du franchissement de la frontière de l’État membre qui l’a instaurée relève d’un régime général de redevances intérieures au sens de l’article 110 TFUE et ne constitue pas une taxe d’effet équivalent aux droits de douane. La circonstance qu’une telle taxe frappe en fait uniquement des produits importés, en raison de l’absence de production nationale, n’est pas de nature à justifier qu’elle soit qualifiée de taxe d’effet équivalent plutôt que d’imposition intérieure, dès lors qu’elle relève d’un régime général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l’origine de ces produits. Or, l’article 110 TFUE ne saurait être invoqué à l’encontre d’impositions intérieures frappant des produits importés, en l’absence de production nationale similaire ou concurrente. En particulier, il ne permet pas de censurer le caractère excessif du niveau de taxation que les États membres pourraient arrêter pour des produits donnés en l’absence de tout effet discriminatoire ou protecteur ( 47 ).

83.

La taxe litigieuse au principal, qui n’est pas liée au franchissement des frontières, s’applique sans distinction à tous les biens concernés, lesquels sont d’ailleurs, selon l’affirmation de la requérante au principal dans ses observations, uniquement d’importation, faute de production nationale. Ainsi, cette taxe devrait être appréciée en tant que taxe interne et non pas comme une taxe d’effet équivalent à un droit de douane. Étant donné son caractère non discriminatoire, elle ne saurait être considérée comme contraire à l’article 110 TFUE, sans qu’il soit nécessaire d’analyser si cette disposition trouve application dans le domaine du traité CEEA.

84.

Je suis donc d’avis que la taxe litigieuse ne relève pas de l’article 93 EA.

85.

Deuxièmement, l’article 191 EA prévoit que la Communauté jouit sur le territoire des États membres des privilèges et des immunités définis dans le protocole sur les privilèges et les immunités de l’Union européenne. La juridiction de renvoi se demande si cet article, lu en combinaison avec l’article 3, premier alinéa, dudit protocole, concernant l’exonération de l’Union et des biens lui appartenant de tous impôts directs, ne s’oppose pas à la taxe litigieuse du fait du régime de propriété des matières fissiles spéciales mentionné au point 81 des présentes conclusions.

86.

À mon avis, la réponse est nécessairement négative. Encore une fois, la taxe litigieuse frappe l’activité des exploitants des centrales nucléaires après l’acquisition par ceux-ci du droit d’utilisation du combustible nucléaire. Ce sont lesdits exploitants qui sont redevables de la taxe et en supportent la charge, la Communauté n’étant nullement concernée.

87.

Lors de l’audience, la requérante au principal a encore affirmé que, selon le droit fiscal allemand, les produits soumis à accise servent de garantie du paiement de la taxe qui les grève. Ainsi, la Communauté, en tant que propriétaire du combustible nucléaire, pourrait être tenue garante du paiement de la taxe litigieuse par le redevable, ce qui enfreindrait l’article 3 du protocole (no 7) sur les privilèges et les immunités de l’Union européenne. Même si cela était le cas – ce que la Cour ne sera pas en mesure de vérifier dans la présente affaire, faute de précisions à ce sujet tant dans la décision de renvoi que dans les observations des parties – je ne pense pas que l’éventuelle incompatibilité du système de garantie de paiement d’une taxe nationale avec le droit de l’Union puisse entraîner automatiquement l’invalidité de la taxe elle-même au regard de ce droit. Tout au plus, c’est la garantie qui ne sera pas appliquée, au besoin, par les juridictions nationales.

88.

Ainsi, l’article 191 EA ne s’oppose pas, à mon avis, à la taxe litigieuse.

89.

Troisièmement, selon l’article 192, second alinéa, EA, les États membres s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation du traité CEEA. Parmi les objectifs du traité, l’approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs en combustible nucléaire, énoncé à l’article 2, sous d), EA, est celui que la juridiction de renvoi mentionne plus particulièrement dans sa décision.

90.

Or, comme je l’ai déjà observé, la taxe litigieuse porte non pas sur l’approvisionnement en combustible nucléaire, mais sur son utilisation. D’ailleurs, comme la juridiction de renvoi l’observe elle-même, l’objectif énoncé à l’article 2, sous d), EA se trouve concrétisé à l’article 52 EA. Ce dernier article prévoit, outre la création d’une agence dont la mission principale est justement d’assurer l’approvisionnement, l’interdiction de privilégier certains utilisateurs. À l’évidence, la taxe litigieuse n’a pas cet effet.

91.

Plus généralement, l’article 1er EA assigne à la Communauté, comme mission générale, l’établissement des conditions nécessaires à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires. Les mesures à prendre dans l’exercice de cette mission sont énumérées à l’article 2 EA. Nulle part le traité CEEA n’exige des États membres l’instauration ni le développement de l’énergie nucléaire en tant que telle, et encore moins de l’énergie nucléaire exonérée de toute imposition.

92.

Je considère donc que les dispositions du traité CEEA ne s’opposent pas à une taxe sur le combustible nucléaire grevant l’utilisation de ce combustible aux fins de la production de l’électricité.

Conclusion

93.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Finanzgericht Hamburg:

1)

Une juridiction nationale est en droit d’introduire une demande de décision préjudicielle en application de l’article 267 TFUE bien qu’une procédure nationale de contrôle de constitutionnalité des dispositions du droit national qui constituent le fondement de l’acte individuel en cause devant cette juridiction soit en cours.

2)

Les directives 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, et 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, ne s’opposent pas à une taxe prélevée sur le combustible nucléaire grevant l’utilisation de ce combustible aux fins de la production d’électricité.

3)

Le fait qu’une telle taxe s’applique uniquement aux entreprises produisant de façon industrielle de l’électricité en utilisant du combustible nucléaire ne constitue pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si une entreprise pourrait contester une telle aide afin de demander l’exonération de la taxation.

4)

Les dispositions du traité CEEA ne s’opposent pas non plus à une telle taxe.


( 1 )   Langue originale: le français.

( 2 )   JO 2009, L 9, p. 12.

( 3 )   JO L 283, p. 51.

( 4 )   BGBl. 2010 I, p. 1804.

( 5 )   Voir, notamment, arrêts Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 41) ainsi que A (C‑112/13, EU:C:2014:2195, point 35 et jurisprudence citée).

( 6 )   Voir, notamment, arrêts Melki et Abdeli (EU:C:2010:363, point 45) ainsi que A (EU:C:2014:2195, point 38).

( 7 )   Voir notamment, dans le contexte d’une déclaration d’inconstitutionnalité des mêmes dispositions nationales que celles concernées par le renvoi préjudiciel, arrêt Filipiak (C‑314/08, EU:C:2009:719, points 40 à 42).

( 8 )   Voir, en ce sens, arrêt Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, point 96) et ordonnance Nationale Loterij (C‑525/06, EU:C:2009:179, point 11). Voir, également, point 30 des recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2012, C 338, p. 1).

( 9 )   Voir arrêt Filipiak (EU:C:2009:719, point 82).

( 10 )   Ce sont des «matières fissiles spéciales» selon la terminologie du traité CEEA.

( 11 )   La directive 2003/96 a été adoptée avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Elle a pour base juridique l’article 93 CE (actuel article 113 TFUE).

( 12 )   Actuellement, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, une disposition analogue figure à l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité CEEA. Le paragraphe 1 de ce même article énumère encore explicitement les articles du traité TFUE qui s’appliquent au traité CEEA, mais il s’agit là uniquement de dispositions institutionnelles.

( 13 )   Voir Cusack, T. F., «A Tale of Two Treaties: an Assessment of the Euratom Treaty in Relation to the EC Treaty», Common Market Law Review, no 40, 2003, p. 117 à 142 (spécialement p. 127).

( 14 )   EU:C:1994:384, point 24.

( 15 )   Arrêt Hopkins e.a. (C‑18/94, EU:C:1996:180, point 14 et jurisprudence citée).

( 16 )   Arrêt ČEZ (C‑115/08, EU:C:2009:660, points 87 à 91).

( 17 )   Directive du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40).

( 18 )   Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37).

( 19 )   Directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

( 20 )   Au sens du règlement (CE) no 2031/2001 de la Commission, du 6 août 2001, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 279, p. 1).

( 21 )   L’article 2, paragraphe 3, premier alinéa , de la directive 2003/96 n’élargit pas l’éventail des produits soumis au droit d’accise. Il concerne uniquement la méthode de détermination du niveau de taxation pour les produits pour lesquels ce niveau n’est pas spécifié dans ladite directive.

( 22 )   Ce champ d’application est également limité par les dérogations prévues à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2003/96, qui ne sont pas pertinentes dans la présente affaire.

( 23 )   D’ailleurs, à mon sens, il ne s’agit même pas d’un combustible. Le terme «combustible nucléaire» est une simplification, car en réalité le fonctionnement d’une centrale nucléaire est basé sur une réaction en chaîne autoentretenue et non pas sur la combustion d’un produit, comme c’est le cas des centrales «classiques».

( 24 )   C‑346/97, EU:C:1999:291.

( 25 )   Directive du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12).

( 26 )   Cette possibilité découle de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 (voir aussi point 51 des présentes conclusions).

( 27 )   Voir arrêt Braathens (EU:C:1999:291, point 24).

( 28 )   Voir points 41 à 44 des présentes conclusions.

( 29 )   Arrêt Transportes Jordi Besora (C‑82/12, EU:C:2014:108, points 27 à 32).

( 30 )   Arrêt EKW et Wein & Co (C‑437/97, EU:C:2000:110, point 47).

( 31 )   Article 21, paragraphe 5, premier alinéa , de la directive 2003/96. Voir, également, arrêt Commission/Pologne (C‑475/07, EU:C:2009:86, point 50).

( 32 )   Arrêt Commission/Pologne (EU:C:2009:86, point 56).

( 33 )   Arrêt EKW et Wein & Co (EU:C:2000:110, point 46).

( 34 )   Tel était le cas de la taxe en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Braathens (EU:C:1999:291). Il s’agissait d’une taxe prélevée en aval de la consommation du bien taxé, directement auprès du consommateur qui en était également assujetti. C’est d’ailleurs en raison de cette caractéristique que l’existence d’un lien direct et indissociable entre la consommation du produit taxé et le fait imposable, constatée par la Cour dans cet arrêt, me paraît difficilement transposable comme critère de la qualification de la taxe litigieuse au principal dans la présente affaire, qui concerne une taxe prélevée en amont, auprès du producteur.

( 35 )   Si, selon la typologie classique, l’impôt sur les sociétés est bien un impôt direct, une fois rapporté à un produit, tel que l’électricité, il deviendra indirect. Il s’agit du même raisonnement que celui appliqué à la taxe en cause.

( 36 )   Arrêt Banco Exterior de España (C‑387/92, EU:C:1994:100, point 14).

( 37 )   Arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 71 et 75 ainsi que jurisprudence citée).

( 38 )   Arrêt Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56).

( 39 )   Arrêt Ferring (C‑53/00, EU:C:2001:627, point 20).

( 40 )   Je ne partage pas l’avis de la requérante au principal, exposé dans ses observations, selon lequel seuls les producteurs d’électricité n’émettant pas de dioxyde de carbone (CO2) (c’est-à-dire ceux utilisant le nucléaire et les sources renouvelables) devraient être pris en compte dans cette comparaison. En effet, le fait d’émettre ou non du CO2 n’a rien à voir avec l’imposition en amont. Selon la même logique, on pourrait distinguer le nucléaire, qui produit des «déchets nucléaires» nécessitant un traitement coûteux, des sources renouvelables, neutres du point de vue environnemental.

( 41 )   Il faut encore ajouter que l’imposition des combustibles fossiles, en tant qu’ils constituent des produits énergétiques au sens de la directive 2003/96, est interdite en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

( 42 )   Voir points 50 à 57 des présentes conclusions.

( 43 )   Dans une certaine mesure uniquement, car le marché de l’électricité n’est pas un marché pleinement concurrentiel. Comme tout marché de l’énergie, il dépend également fortement des décisions politiques.

( 44 )   Un exemple de telles mesures est l’introduction du système d’autorisations d’émission des gaz à effet de serre qui prend en compte l’impact environnemental de la combustion des matières fossiles.

( 45 )   Ainsi, d’autres utilisations éventuelles des mêmes matières, par exemple une utilisation médicale ou scientifique, ne relèvent pas de la taxe litigieuse.

( 46 )   C’est donc la situation inverse de celle analysée dans l’arrêt Schöttle (20/76, EU:C:1977:26), cité par la requérante au principal, dans lequel une taxe sur l’activité (en l’occurrence le transport) a été qualifiée de taxe frappant indirectement les marchandises.

( 47 )   Voir, notamment, arrêt De Danske Bilimportører (C‑383/01, EU:C:2003:352, points 34, 35 et 38).