ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 janvier 2015 ( *1 )

«Concurrence — Abus de position dominante — Marché des services aéroportuaires — Décision de rejet d’une plainte — Article 13, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 — Traitement de l’affaire par une autorité de concurrence d’un État membre — Rejet de la plainte pour des motifs de priorité — Décision de l’autorité de concurrence tirant les conclusions, en droit de la concurrence, d’une enquête menée au regard d’une législation nationale applicable au secteur concerné — Obligation de motivation»

Dans l’affaire T‑355/13,

easyJet Airline Co. Ltd, établie à Luton (Royaume-Uni), représentée par Mes M. Werner et R. Marian, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Luchthaven Schiphol NV, établie à Schiphol (Pays-Bas), représentée par Mes J. de Pree, G. Hakopian et S. Molin, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2013) 2727 final de la Commission, du 3 mai 2013, rejetant la plainte déposée par la requérante contre Luchthaven Schiphol, pour un prétendu comportement anticoncurrentiel sur le marché des services aéroportuaires (affaire COMP/39.869 – easyjet/Schiphol),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1

La requérante, easyJet Airline Co. Ltd, est une compagnie aérienne du Royaume-Uni, qui exerce une activité importante au sein de l’Union européenne, notamment au départ et à l’arrivée de l’aéroport Schiphol d’Amsterdam (Pays-Bas).

2

Le 11 septembre 2008, la requérante a déposé deux premières plaintes auprès de la Nederlandse Mededingingsautoriteit (autorité de concurrence néerlandaise, ci‑après la «NMa») contre Luchthaven Schiphol NV (ci-après «Schiphol»), l’exploitant de l’aéroport Schiphol d’Amsterdam, relatives aux redevances de sûreté et aux redevances passagers devant être appliquées à compter du 1er novembre 2008. La première plainte était introduite sur le fondement des dispositions de l’article 8.25f, paragraphe 1, de la Wet Luchtvaart (loi sur l’aviation, ci-après la «WL»), et la deuxième plainte sur le fondement des dispositions de l’article 24 de la Mededingingswet (loi sur la concurrence, ci-après la «MW») et de l’article 102 TFUE.

3

Le 20 novembre 2008, la requérante a déposé une nouvelle plainte auprès de la NMa, relative aux redevances de sûreté et aux redevances passagers devant être appliquées par Schiphol à compter du 1er avril 2009, sur le fondement des dispositions de l’article 8.25f, paragraphe 1, de la WL (ci-après la «troisième plainte»).

4

Le 19 décembre 2008, la NMa a rejeté la première plainte de la requérante pour tardiveté. Elle a par ailleurs informé la requérante qu’elle suspendait l’examen de la deuxième plainte dans l’attente des résultats de l’appréciation de la troisième plainte.

5

Par décision du 14 juillet 2009, la NMa a rejeté la troisième plainte aux motifs que la requérante n’avait pas établi que les redevances appliquées par Schiphol à compter du 1er avril 2009 étaient contraires aux dispositions de la WL, et notamment aux principes de calcul des redevances en fonction des coûts, de non-discrimination et de caractère raisonnable des redevances. La requérante a introduit un recours contre cette décision, qui a été rejeté par jugement de la Rechtbank Rotterdam (tribunal du district de Rotterdam) le 25 novembre 2010. Elle a ensuite interjeté appel de ce jugement devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique), avant de se désister.

6

Par décision du 16 décembre 2009, la NMa a rejeté la deuxième plainte. Elle a considéré que les différentes plaintes introduites par la requérante avaient des caractéristiques communes et que les redevances devant entrer en vigueur en avril 2009 n’étaient pas fondamentalement différentes de celles entrées en vigueur en novembre 2008. De plus, elle a estimé que les notions de non-discrimination et de caractère raisonnable figurant à l’article 8.25d, paragraphes 2 et 3, de la WL étaient analogues à celles du droit de la concurrence européen (article 102 TFUE) et national (article 24 MW). Elle a également rappelé que, dans sa décision du 14 juillet 2009, elle avait interprété les dispositions de la WL conformément à la jurisprudence des juridictions de l’Union relative à l’article 102 TFUE. Elle a par ailleurs relevé qu’une définition du marché pertinent, à laquelle elle aurait procédé dans le cadre d’une enquête effectuée sur le fondement des dispositions du droit de la concurrence, n’était pas nécessaire en l’espèce, dès lors qu’elle avait supposé que Schiphol se trouvait dans une situation de puissance économique. Elle en a conclu qu’un examen des redevances mises en œuvre en novembre 2008 au regard de l’article 102 TFUE aboutirait aux mêmes résultats que l’examen de la troisième plainte et a, par conséquent, rejeté la deuxième plainte conformément à sa politique de fixation de priorités. La requérante n’a introduit aucun recours contre cette décision.

7

Le 14 janvier 2011, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission européenne sur le fondement des dispositions de l’article 7 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Elle soutenait que les redevances fixées par Schiphol étaient discriminatoires et excessives et constituaient une infraction à l’article 102 TFUE. Elle indiquait, par ailleurs, avoir déposé plusieurs plaintes auprès de la NMa, mais considérait que cette dernière n’avait adopté aucune décision finale sur le bien-fondé d’une plainte en matière de concurrence.

8

Le 18 décembre 2012, la Commission a informé la requérante de son intention de rejeter sa plainte sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, au motif qu’une autorité de concurrence d’un État membre avait déjà traité l’affaire. La requérante a répondu à la Commission par lettre du 31 janvier 2013.

9

Le 3 mai 2013, la Commission a adopté la décision C (2013) 2727 final rejetant la plainte de la requérante sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (ci-après la «décision attaquée»). Par ailleurs, elle a estimé que la plainte pouvait, en tout état de cause, également être rejetée pour défaut d’intérêt de l’Union européenne, en raison de la faible probabilité d’établir la preuve d’une infraction à l’article 102 TFUE, compte tenu des conclusions auxquelles était parvenue la NMa.

Procédure et conclusions des parties

10

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2013, la requérante a introduit le présent recours.

11

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

12

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

13

Par acte introduit le 4 octobre 2013, Schiphol a demandé à intervenir au litige, au soutien des conclusions de la Commission, conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 10 décembre 2013, Schiphol a été admise à intervenir au litige, au soutien des conclusions de la Commission.

14

Schiphol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

15

La requérante soulève deux moyens à l’appui du recours. En premier lieu, elle soutient que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en considérant que sa plainte pouvait être rejetée sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. En second lieu, elle soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée.

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

16

La requérante soutient, d’une part, que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que la NMa avait traité sa plainte au sens des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, alors même que ladite plainte avait été rejetée pour des raisons de priorité. D’autre part, elle estime que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur une décision de la NMa relative à une plainte qui n’aurait pas fait l’objet d’une enquête menée au regard des règles du droit de la concurrence de l’Union, mais par rapport au droit national de la navigation aérienne.

17

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission, investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission consistant à veiller à l’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence de l’Union et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes (voir arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T‑432/10, EU:T:2013:538, point 22 et jurisprudence citée). La Cour a également rappelé que l’article 13 et le considérant 18 du règlement no 1/2003 traduisaient le large pouvoir d’appréciation dont jouissaient les autorités nationales réunies dans le réseau des autorités de concurrence afin d’assurer une attribution optimale des affaires au sein de ce dernier (arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C‑17/10, Rec, EU:C:2012:72, point 90). Compte tenu du rôle attribué à la Commission par le TFUE pour définir et mettre en œuvre la politique de la concurrence, la Commission dispose, a fortiori, également d’une large marge d’appréciation lorsqu’elle applique l’article 13 du règlement no 1/2003.

18

La jurisprudence relative à l’appréciation de l’intérêt de l’Union a cependant rappelé que le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’était pas sans limites. La Commission doit, en effet, prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est plus particulièrement tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par le plaignant (voir arrêt du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑450/98 P, Rec, EU:C:2001:276, point 57 et jurisprudence citée).

19

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figure notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec, EU:T:2008:586, point 68 et jurisprudence citée). Toutefois, le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit, ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T‑427/08, Rec, EU:T:2010:517, point 65 et jurisprudence citée).

20

S’agissant du contrôle juridictionnel exercé sur une décision de la Commission fondée sur l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, celui-ci a pour objet de vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir en considérant qu’une autorité de concurrence d’un État membre a déjà traité une plainte. Il importe, en revanche, de rappeler que le contrôle des décisions des autorités de concurrence des États membres n’appartient qu’aux juridictions nationales, qui remplissent une fonction essentielle dans l’application des règles de concurrence de l’Union.

Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit

21

La requérante soutient que la notion de traitement de l’affaire par une autorité de concurrence d’un État membre au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui offre à la Commission la faculté de rejeter une plainte, doit être interprétée à la lumière des dispositions de l’article 5 dudit règlement, qui vise les différents types de décisions pouvant être adoptées par ladite autorité. Par conséquent, une affaire ne pourrait être considérée comme ayant été traitée par cette autorité que si cette dernière avait au moins décidé qu’il n’y avait pas lieu d’intervenir, à l’issue d’une enquête préliminaire. En revanche, une même autorité ne saurait être considérée comme ayant traité l’affaire au sens des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement lorsqu’elle s’est contentée de rejeter celle-ci pour des raisons de priorité. Cette interprétation serait corroborée par les dispositions du paragraphe 20 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004, C 101, p. 43, ci-après la «communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence»).

22

La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

23

Aux termes de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, «[l]orsqu’une autorité de concurrence d’un État membre ou la Commission est saisie d’une plainte contre un accord, une décision d’association ou une pratique qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence, elle peut la rejeter».

24

En vertu d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec, EU:T:2010:451, point 44 et jurisprudence citée).

25

C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si l’expression «plainte […] qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence», figurant à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, doit être comprise comme permettant à la Commission de rejeter une plainte lorsque l’autorité de concurrence d’un État membre a préalablement rejeté la même plainte pour des raisons de priorité.

26

En premier lieu, il apparaît que la réponse à la question de savoir si la Commission peut rejeter une plainte ayant préalablement été rejetée par une autorité de concurrence d’un État membre pour des raisons de priorité peut être déduite d’une interprétation littérale de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, au regard du sens clair de l’expression «plainte […] qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence». Il convient, à cet égard, de relever que cette expression a une large portée en ce qu’elle est de nature à englober tous les cas de plaintes ayant été examinées par une autre autorité de concurrence, quelle qu’en ait été l’issue. Le législateur a ainsi fait le choix de ne pas limiter le champ d’application de cet article aux seuls cas de plaintes ayant déjà fait l’objet d’une décision d’une autre autorité de concurrence.

27

En deuxième lieu, l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus apparaît également conforme à l’économie générale du règlement no 1/2003. En effet, il importe de lire l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement à la lumière des dispositions de son paragraphe 1, qui prévoient que la Commission peut rejeter une plainte lorsqu’une autre autorité de concurrence d’un État membre la traite. Il apparaît donc que ce qui importe n’est pas l’issue de l’examen de la plainte par ladite autorité de concurrence, mais le fait qu’elle ait été examinée par cette dernière.

28

L’interprétation retenue au point 26 ci-dessus est également confortée par le considérant 18 du règlement no 1/2003 qui se rapporte à l’article 13 de celui-ci (arrêt Toshiba Corporation e.a., point 17 supra, EU:C:2012:72, point 90) et qui précise que «cette disposition ne doit pas faire obstacle à la possibilité, reconnue à la Commission par la jurisprudence de la Cour de justice, de rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire, même lorsque aucune autre autorité de concurrence n’a indiqué son intention de traiter l’affaire». En effet, dès lors que la Commission peut décider de rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire, alors même qu’elle n’a pas été traitée par une autorité de concurrence d’un État membre, elle peut, a fortiori, rejeter une plainte examinée par ladite autorité, mais ayant fait l’objet d’une décision de rejet par cette dernière pour des raisons de priorité.

29

La communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence, qui vise à mettre en œuvre les dispositions du règlement no 1/2003, et dont la requérante se prévaut, vient également au soutien de l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus. En effet, le paragraphe 20 de ladite communication précise que, «[d]ans l’article 13 [dudit règlement], l’expression ‘traite l’affaire’ ne signifie pas simplement qu’une autre autorité a été saisie de la plainte, mais qu’elle enquête ou a enquêté sur l’affaire pour son compte». Il ne donne en revanche pas d’indication quant au résultat auquel l’autorité de concurrence d’un État membre est parvenue. Le paragraphe 22 de cette communication envisage, lui, de manière explicite, l’hypothèse dans laquelle une plainte a été examinée par une autorité de concurrence, mais a été rejetée pour d’autres motifs que l’examen au fond de l’affaire, en citant l’exemple du cas dans lequel l’autorité n’a pas pu recueillir les preuves nécessaires pour démontrer l’infraction, et en indiquant qu’il importait de faire preuve de souplesse en permettant à une autre autorité d’effectuer sa propre enquête et de traiter elle-même l’affaire. La Cour a d’ailleurs reconnu le large pouvoir d’appréciation dont jouissaient les autorités de concurrence afin d’assurer une attribution optimale des affaires, en précisant, s’agissant de l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, que chaque autorité avait la possibilité et non l’obligation de rejeter une plainte dont elle était saisie, lorsqu’une autre autorité traitait déjà la même affaire (arrêt Toshiba Corporation, point 17 supra, EU:C:2012:72, point 90).

30

Quant aux arguments de la requérante pris de l’article 5 du règlement no 1/2003, ils ne permettent pas de remettre en cause l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus

31

La requérante soutient que l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 doit être lu à la lumière des dispositions de l’article 5 dudit règlement, relatif à la compétence des autorités de concurrence des États membres pour appliquer les articles 101 TFUE et 102 TFUE dans des cas individuels. Selon elle, il est interdit à la Commission de rejeter une plainte lorsque la même plainte n’a pas fait l’objet d’une décision d’une autorité de concurrence d’un État membre prévue par l’article 5 de ce règlement. Elle considère, en l’espèce, que la décision de la NMa du 16 décembre 2009 ne constitue pas une décision adoptée sur le fondement de ce dernier article, dès lors qu’elle «représente moins que le maximum consenti à une autorité nationale de concurrence, qui est de constater qu’il n’y a pas lieu pour elle d’intervenir», la NMa n’ayant pas vérifié si les conditions d’une interdiction étaient réunies.

32

Les dispositions de l’article 5 du règlement no 1/2003, qui relèvent du chapitre II consacré aux compétences, définissent les décisions pouvant être adoptées par les autorités de concurrence des États membres lorsqu’elles appliquent les articles 101 TFUE et 102 TFUE dans des cas individuels. L’article 5, premier alinéa, dudit règlement prévoit ainsi que ces autorités, statuant sur le fond, peuvent, agissant d’office ou saisies d’une plainte, adopter les décisions suivantes, à savoir ordonner la cessation d’une infraction, ordonner des mesures provisoires, accepter des engagements et infliger des amendes, des astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national. Selon l’article 5, second alinéa, de ce règlement, «lorsque [les autorités de concurrence nationales] considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir». En réponse à la question de savoir si les autorités nationales de concurrence pouvaient adopter une décision concluant à l’absence de violation des articles 101 TFUE ou 102 TFUE, la Cour a précisé que l’article 5 du même règlement devait être interprété comme définissant de manière limitative les décisions pouvant être adoptées par celles-ci (arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska, C‑375/09, Rec, EU:C:2011:270, points 19 à 30).

33

L’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui relève du chapitre IV consacré à la coopération, prévoit cependant uniquement que la plainte doit avoir été traitée par une autre autorité de concurrence, et non qu’elle ait nécessairement fait l’objet d’une décision (voir point 26 ci-dessus). Dès lors, ainsi que l’a relevé la Commission dans la décision attaquée, cette disposition n’impose pas nécessairement l’adoption d’une décision par l’autorité de concurrence d’un État membre ayant déjà rejeté la plainte. Par conséquent, même à supposer qu’un rejet de plainte par une autorité de concurrence d’un État membre pour des raisons de priorité ne constitue pas une décision au sens de l’article 5, la Commission pourrait faire application, dans un tel cas, des dispositions de l’article 13, paragraphe 2.

34

À titre subsidiaire, en tout état de cause, la décision de la NMa du 16 décembre 2009 peut être considérée comme une décision fondée sur l’article 5, second alinéa, du règlement no 1/2003. Ainsi que le soutient la Commission, cette disposition recouvre en effet tous les cas dans lesquels l’autorité de concurrence d’un État membre considère que les informations dont elle dispose ne lui permettent pas de considérer que les conditions d’une interdiction sont réunies, sans qu’il soit nécessaire qu’elle ait procédé à des mesures préalables d’instruction. Or, en l’espèce, en considérant, dans sa décision du 16 décembre 2009, qu’un examen des redevances appliquées à partir d’avril 2009 au regard de l’article 102 TFUE aboutirait aux mêmes résultats que l’examen de la troisième plainte et en rejetant, par conséquent, la deuxième plainte conformément à sa politique de fixation de priorités, la NMa a nécessairement estimé que les conditions d’une interdiction n’étaient pas réunies. De plus, considérer qu’une décision de rejet de plainte par une autorité de concurrence d’un État membre pour des raisons de priorité constitue une décision adoptée sur le fondement des dispositions de l’article 5, second alinéa, dudit règlement est conforme à l’arrêt Tele2 Polska, point 32 supra (EU:C:2011:270), dans lequel la Cour a estimé que cet article énumérait de manière limitative le type de décisions pouvant être adopté par une autorité nationale. Une interprétation différente aurait pour effet de priver les autorités de concurrence des États membres de la possibilité d’adopter des décisions de rejet de plaintes pour des raisons de priorité, alors même que des autorités nationales de concurrence en font usage, en adoptant des décisions plus ou moins formelles de clôture. Par conséquent, l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus est conforme aux dispositions de l’article 5 de ce règlement, la Commission pouvant rejeter une plainte au motif que celle-ci a déjà fait l’objet d’une décision de rejet par une autorité de concurrence d’un État membre pour des raisons de priorité.

35

Enfin, l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus est conforme au mécanisme de l’article 13, paragraphe 2, qui prévoit également qu’une autorité de concurrence d’un État membre peut rejeter une plainte dès lors que celle-ci a déjà été traitée par la Commission. La jurisprudence ayant reconnu de manière constante à la Commission le pouvoir d’adopter des décisions de rejet de plainte pour des raisons de priorité (voir, par exemple, arrêt Vivendi/Commission, point 17 supra, points 22 à 25 et jurisprudence citée), l’autorité de concurrence d’un État membre peut également rejeter une plainte qui a fait l’objet d’un rejet préalable par la Commission pour un tel motif.

36

En troisième lieu, l’interprétation retenue au point 26 ci-dessus apparaît en harmonie avec l’un des objectifs principaux du règlement no 1/2003, qu’est la mise en place d’un système décentralisé efficace d’application des règles de concurrence de l’Union. En effet, il ressort du considérant 6 dudit règlement que, «pour assurer l’application efficace des règles communautaires de concurrence, il y a lieu d’y associer davantage les autorités de concurrence nationales». Le considérant 15 de ce règlement dispose, par ailleurs, que «la Commission et les autorités de concurrence des États membres forment ensemble un réseau d’autorités publiques appliquant les règles communautaires de concurrence en étroite coopération». Le même règlement a ainsi mis fin au régime centralisé antérieur et a organisé, conformément au principe de subsidiarité, une association plus large des autorités de concurrence des États membres, les habilitant à cette fin à mettre en œuvre le droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑339/04, Rec, EU:T:2007:80, point 79). «Afin d’assurer une attribution optimale des affaires au sein du réseau», le considérant 18 du règlement en cause indique «qu’il convient de prévoir une disposition générale permettant à une autorité de concurrence de suspendre ou de clôturer une affaire au motif qu’une autre autorité traite ou a traité la même affaire, l’objectif étant que chaque affaire ne soit traitée que par une seule autorité».

37

En revanche, l’interprétation proposée par la requérante, qui aurait pour effet de contraindre la Commission de procéder systématiquement à l’examen d’une plainte chaque fois qu’une autorité de concurrence d’un État membre a instruit une plainte, mais n’a pas adopté l’une des décisions prévues par les dispositions de l’article 5 du règlement no 1/2003, ou a adopté une décision de rejet pour des raisons de priorité, ne serait pas compatible avec l’objectif de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement, qui était de mettre en place, dans un souci d’efficacité, une allocation optimale des ressources au sein du réseau européen de concurrence.

38

En outre, ainsi que l’a relevé l’intervenante, l’interprétation proposée par la requérante apparaît contraire aux travaux préparatoires du règlement no 1/2003. L’exposé des motifs de la proposition de la Commission de règlement COM (2000) 582 final du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité montre, en effet, que l’article 13 avait pour objectif de supprimer le risque de duplication du travail et l’incitation à des plaintes multiples.

39

Enfin, ainsi que le souligne la Commission, l’interprétation proposée par la requérante irait à l’encontre des dispositions de l’article 6 du règlement no 1/2003, en vertu desquelles les juridictions nationales sont compétentes pour appliquer les articles 101 TFUE et 102 TFUE. Obliger la Commission à examiner systématiquement les plaintes rejetées pour des raisons de priorité par des autorités de concurrence des États membres reviendrait en effet à transférer à la Commission le pouvoir de contrôle des décisions desdites autorités, qui appartient aux seules juridictions nationales. Ledit règlement a certes mis en place un mécanisme de coopération entre la Commission et ces autorités (arrêt Tele2 Polska, point 32 supra, EU:C:2011:270, point 26), mais il n’a pas prévu de mécanisme de substitution de la Commission aux juridictions nationales, qui remplissent une fonction essentielle dans l’application des règles de concurrence de l’Union [voir, considérant 7 de la proposition de la Commission de règlement COM (2000) 582 final du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité].

40

Il ressort donc tant du libellé et de l’économie du règlement no 1/2003 que de l’objectif poursuivi par celui-ci que la Commission peut, pour rejeter une plainte, se fonder à bon droit sur un motif tiré de ce qu’une autorité de concurrence d’un État membre a précédemment rejeté cette plainte pour des raisons de priorité. Dès lors, la circonstance, même à la supposer établie que, dans le présent litige, la NMa n’ait pas clôturé la plainte dont elle était saisie par l’adoption d’une décision au sens de l’article 5 dudit règlement et qu’elle se soit fondée sur des raisons de priorité ne faisait pas obstacle à ce que la Commission constate, en application de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, que cette plainte avait été traitée par une autorité de concurrence d’un État membre et la rejette pour ce motif.

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

41

La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur une décision de la NMa relative à une plainte qui n’aurait pas fait l’objet d’une enquête menée au regard des règles du droit de la concurrence de l’Union, mais par rapport au droit national de la navigation aérienne.

42

La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43

Il est vrai que l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, comme l’ensemble des dispositions dudit règlement, vise les situations dans lesquelles sont mis en œuvre les articles 101 TFUE et 102 TFUE. En particulier, l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que, lorsque les autorités de concurrence des États membres appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive d’une entreprise ayant une position dominante sur le marché susceptible d’affecter le commerce entre les États membres, elles sont également tenues d’appliquer l’article 102 TFUE.

44

La Commission ne peut, par conséquent, rejeter une plainte sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que lorsque celle-ci a fait l’objet d’un examen mené au regard des règles du droit de la concurrence de l’Union.

45

Néanmoins, aucune disposition de ce règlement n’interdit à une autorité de concurrence d’un État membre de se fonder, dans les enquêtes qu’elle mène pour apprécier le respect des règles de concurrence de l’Union, sur des conclusions auxquelles elle est parvenue dans le cadre d’enquêtes effectuées au regard d’une autre législation nationale. Le paragraphe 21 de la communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence se borne d’ailleurs à indiquer que «l’article 13 [du règlement no 1/2003] peut être invoqué lorsque l’accord ou la pratique porte sur la ou les mêmes infractions sur les mêmes marchés de produits et géographiques en cause».

46

Il résulte de ce qui précède que la Commission peut, pour rejeter une plainte sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, se fonder à bon droit sur le motif tiré de ce qu’une autorité de concurrence d’un État membre a précédemment rejeté cette plainte à la suite d’un examen reposant sur des conclusions auxquelles elle est parvenue dans le cadre d’une enquête menée au regard d’autres dispositions du droit national, à la condition que cet examen ait été mené au regard des règles du droit de la concurrence de l’Union.

47

En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que la NMa avait traité la plainte de la requérante sur le fondement des dispositions de l’article 102 TFUE. Elle a relevé que la NMa avait notamment indiqué dans quelle mesure les conclusions de l’enquête menée au regard du droit de la navigation aérienne étaient pertinentes pour son examen fondé sur le droit de la concurrence, en décrivant les similitudes existant entre les deux réglementations, en comparant l’équivalence des services concernés et en appréciant le désavantage concurrentiel causé par la tarification de Schiphol. Elle a considéré que la NMa avait ainsi examiné si les redevances étaient proportionnelles aux coûts, les avait comparées à celles d’autres aéroports internationaux et les avait appréciées à la lumière de la qualité du service reçu par la requérante. Elle a enfin estimé qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur les arguments et conclusions exposés par la NMa, ni sur la méthodologie utilisée par cette dernière.

48

Il ressort, par ailleurs, de la décision de la NMa du 16 décembre 2009 que la plainte de la requérante a été examinée au regard des dispositions de l’article 24 de la MW et de l’article 102 TFUE. La NMa y a notamment considéré, ainsi que l’a relevé la Commission dans la décision attaquée, que l’appréciation des notions de non-discrimination et de caractère raisonnable figurant à l’article 8.25d, paragraphes 2 et 3, de la WL était semblable à celle effectuée en droit de la concurrence de l’Union. Elle a également rappelé que, dans sa décision du 14 juillet 2009, elle avait interprété les dispositions de la WL conformément à la jurisprudence des juridictions de l’Union relative à l’article 102 TFUE. Elle a en outre relevé qu’une définition du marché pertinent, à effectuer dans le cadre d’une enquête menée sur le fondement des dispositions du droit de la concurrence, n’était pas nécessaire en l’espèce, dès lors qu’elle avait supposé que Schiphol se trouvait dans une situation de puissance économique.

49

Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant la plainte de la requérante sur le fondement des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dès lors qu’elle a estimé que l’autorité de concurrence d’un État membre avait traité cette plainte sur le fondement des dispositions de l’article 102 TFUE.

50

Tout en admettant que les dispositions en cause de la WL se réfèrent pour partie à des concepts issus du droit de la concurrence de l’Union, la requérante présente cinq arguments tendant à établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la NMa avait traité sa plainte sur le fondement des dispositions de l’article 102 TFUE.

51

Il ressort du point 20 ci-dessus que, afin de répondre aux arguments de la requérante, le Tribunal doit se limiter à vérifier que la Commission, en rejetant la plainte sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la NMa avait déjà traité la plainte de la requérante au regard du droit de la concurrence de l’Union. Il appartenait à la Commission, dans ce cadre, de vérifier que la NMa n’avait pas procédé à un rejet de la plainte de la requérante sans avoir préalablement procédé à son examen au regard des règles de concurrence du droit de l’Union. Le contrôle du Tribunal ne doit cependant pas conduire à porter une appréciation sur le bien-fondé de la décision de la NMa ou sur la procédure ou la méthodologie que celle-ci a utilisées, appréciation que la Commission n’a d’ailleurs elle-même pas effectuée, et qui relève des juridictions nationales.

52

En premier lieu, la requérante souligne que la NMa ne s’était pas livrée à une définition du marché pertinent, élément selon elle indispensable à tout examen du respect de l’article 102 TFUE, et que la Commission ne pouvait, dès lors, considérer que la plainte avait été traitée par la NMa sur le fondement de cette disposition. Un tel argument doit cependant être écarté comme inopérant, au regard de l’étendue et de l’objet du contrôle exercé par le Tribunal rappelés au point 51 ci-dessus. En effet, cet argument a trait à la méthodologie et au bien-fondé de l’analyse retenue par la NMa pour procéder au traitement de la plainte de la requérante.

53

À titre surabondant, il y a lieu de constater que la NMa n’était pas tenue de procéder à la définition du marché pertinent en l’espèce.

54

Il est vrai que, aux termes de la jurisprudence, la délimitation du marché pertinent est d’une importance essentielle pour déterminer si une entreprise est dans une situation de position dominante, les possibilités de concurrence ne pouvant être appréciées qu’en fonction des caractéristiques des produits ou des services en cause, en vertu desquelles ces produits ou ces services seraient particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et seraient peu interchangeables avec d’autres produits ou services (arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec, EU:C:1973:22, point 32, et du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec, EU:T:2007:22, point 78). En outre, selon une jurisprudence constante, une position dominante est démontrée par le fait que l’entreprise en cause est dans une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché pertinent en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec, EU:C:1978:22, point 65 ; du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec, EU:C:1979:36, point 38, et France Télécom/Commission, précité, EU:T:2007:22, point 99).

55

Néanmoins, en l’espèce, il ressort de la décision de la NMa du 14 juillet 2009 qu’il a été présumé que l’intervenante était dans une situation de puissance économique et que, par conséquent, ainsi que la NMa l’a relevé au point 16 de sa décision du 16 décembre 2009, l’intervenante se trouvant dans une position dominante, il n’était pas nécessaire de procéder à la définition du marché pertinent. La Commission n’a donc pas, en tout état de cause, entaché sa décision d’une erreur manifeste en estimant que la plainte de la requérante avait été traitée dans le respect des règles d’examen prescrites par le droit de la concurrence de l’Union.

56

En deuxième lieu, la requérante soutient qu’un examen effectué au regard de l’article 102 TFUE aurait conduit la NMa à une conclusion différente, s’agissant du comportement abusif de l’intervenante en matière de prix discriminatoires.

57

Il convient tout d’abord de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de contrôler la légalité de la décision de la NMa (voir point 51 ci-dessus). Il appartient, en revanche, au Tribunal de vérifier que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la NMa avait déjà traité la plainte de la requérante en utilisant la définition de la notion de discrimination contenue dans l’article 102 TFUE.

58

À cet égard, il ressort de la décision attaquée que, dans l’analyse ayant conduit à sa décision du 14 juillet 2009, la NMa a pris en compte la définition de la discrimination contenue dans l’article 102 TFUE. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission dans la décision attaquée, la NMa, dans sa décision du 14 juillet 2009, a à la fois examiné l’équivalence des services offerts par l’intervenante aux différentes compagnies aériennes et apprécié le désavantage concurrentiel produit par les redevances (points 113 à 156). Pour procéder à cet examen, la NMa a explicitement indiqué qu’elle utilisait la définition de la discrimination contenue dans l’article 102 TFUE, telle qu’interprétée par la Cour (point 33).

59

La requérante soutient, en troisième lieu, que la NMa a indiqué, dans une autre décision, que, bien que les notions figurant dans la WL puissent être interprétées à l’aide du droit de la concurrence, l’appréciation d’ensemble d’une affaire au regard de la WL ne se déroulait pas dans le cadre du droit de la concurrence et que toute question relative à une violation des règles de concurrence ne pouvait pas être effectuée dans le cadre d’une enquête menée au titre de la WL. Cet élément, à le supposer établi, est cependant sans influence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que, en l’espèce, d’une part, la Commission n’était pas liée par les appréciations portées par la NMa dans une affaire distincte et, d’autre part, il ressort de ce qui précède que la Commission a effectivement vérifié que la NMa avait instruit au regard de l’article 102 TFUE la plainte dont elle avait été saisie.

60

La requérante soutient, en quatrième lieu, que l’examen d’une plainte dans le cadre de la WL est effectué par le seul service de régulation de l’aviation, qui détient des pouvoirs et des attributions distincts de ceux de la direction de la concurrence, et ne tiendrait pas compte des objectifs généraux de la politique de concurrence de l’Union. Cet argument doit cependant être écarté dès lors que le service de régulation de l’aviation constituait un service de l’autorité de la concurrence néerlandaise et que la décision de la NMa sur laquelle s’est fondée la Commission pour rejeter la plainte de la requérante a été adoptée par son collège unique. Il importe en effet de rappeler que les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, comme celles de l’ensemble dudit règlement, font référence à l’«autorité de concurrence d’un État membre», sans effectuer de distinction entre les différents services de cette autorité. Il est, par conséquent, sans pertinence de connaître la composition des équipes ayant instruit la plainte de la requérante fondée sur la WL, dès lors que la NMa a effectué un examen de la plainte de la requérante au regard du droit de la concurrence et qu’il ressort de ce qui précède que la NMa a pu se fonder à bon droit sur l’analyse menée dans le cadre de la plainte fondée sur la WL.

61

Enfin, en dernier lieu, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée a pour effet de soustraire une large catégorie d’abus potentiels au contrôle des autorités de la concurrence, en violation des dispositions de l’article 102 TFUE. En effet, il ressort de ce qui précède que la décision attaquée n’a précisément pas eu pour effet de soustraire l’intervenante à l’application de l’article 102 TFUE.

62

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la NMa avait traité sa plainte sur le fondement des dispositions de l’article 102 TFUE.

63

Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la NMa avait traité la plainte de la requérante au regard du droit de la concurrence de l’Union.

64

Le premier moyen doit donc être écarté dans son ensemble.

Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

65

La requérante considère que la décision attaquée, en ce que celle-ci rejette à titre subsidiaire sa plainte pour défaut d’intérêt de l’Union, est insuffisamment motivée.

66

La Commission soutient que le second moyen, qui a un caractère nécessairement subsidiaire, doit être écarté, dès lors que la décision attaquée, complétée par la décision de la NMa du 16 décembre 2009, expose clairement les raisons pour lesquelles l’affaire ne présentait pas un intérêt suffisant pour l’Union.

67

Il ressort de la décision attaquée que la Commission, qui a fondé celle-ci sur l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, a par ailleurs indiqué qu’elle considérait, en tout état de cause, que la plainte pourrait être rejetée pour défaut d’intérêt de l’Union, en raison de la probabilité limitée d’établir une infraction, compte tenu de la conclusion analogue à laquelle était parvenue la NMa à l’issue de son enquête.

68

À titre liminaire, il importe de constater que, dès lors que ce n’est qu’à titre subsidiaire que la Commission a rejeté la plainte de la requérante pour défaut d’intérêt de l’Union, le second moyen, même s’il devait être accueilli, ne saurait emporter l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec, EU:T:1997:23, point 199).

69

En tout état de cause, la décision attaquée apparaît suffisamment motivée. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 7 du règlement no 1/2003 ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et n’oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale (arrêts du 18 octobre 1979, GEMA/Commission, 125/78, Rec, EU:C:1979:237, point 18, et du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec, EU:C:2001:275, point 35). En revanche, la Commission est tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par les plaignants (arrêts du 11 octobre 1983, Schmidt/Commission, 210/81, Rec, EU:C:1983:277, point 19, et du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec, EU:C:1987:490, point 20). Un plaignant est en droit d’être fixé sur le sort de sa plainte par une décision de la Commission, susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel (arrêt du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, Rec, EU:C:1997:159, point 36, et IECC/Commission, précité, point 35).

70

À cet égard, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte. La motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités, cette institution est tenue d’exposer les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci (ordonnance du 31 mars 2011, EMC Development/Commission, C‑367/10 P, EU:C:2011:203, point 75).

71

En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé que la probabilité d’établir une infraction à l’article 102 TFUE était limitée, compte tenu des conclusions auxquelles était parvenue la NMa. Or, il convient de rappeler que, en vertu des articles 4 et 5 du règlement no 1/2003, la Commission et les autorités de concurrence des États membres disposent de compétences parallèles pour l’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE et que l’économie dudit règlement repose sur une étroite coopération entre celles-ci. Dès lors, dans le cadre de son appréciation, la Commission peut également prendre en compte les mesures entreprises par lesdites autorités nationales (arrêt Vivendi/Commission, point 17 supra, EU:T:2013:538, point 26).

72

Il ressort de ces observations que la Commission a rempli son obligation de motivation en exposant, de manière claire et non équivoque, les éléments de fait et les considérations juridiques qui l’ont amenée à constater que la probabilité d’établir l’existence d’une infraction à l’article 102 TFUE n’était que très limitée. Étant donné que ces précisions mettent le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire dans la décision attaquée, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard.

73

Le second moyen peut dès lors être écarté comme non fondé et, partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

74

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission, ainsi qu’aux dépens de Schiphol, conformément aux conclusions de ces dernières.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

easyJet Airline Co. Ltd est condamnée aux dépens.

 

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 janvier 2015.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.