ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

25 juin 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Transports — Permis de conduire — Renouvellement par l’État membre de délivrance — Condition de résidence sur le territoire de cet État membre — Déclaration de résidence»

Dans l’affaire C‑664/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administratīvā apgabaltiesa (Lettonie), par décision du 5 décembre 2013, parvenue à la Cour le 13 décembre 2013, dans la procédure

VAS «Ceļu satiksmes drošības direkcija»,

Latvijas Republikas Satiksmes ministrija

contre

Kaspars Nīmanis,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement letton, par M. I. Kalniņš et Mme L. Skolmeistare, en qualité d’agents,

pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme N. Yerrell et M. E. Kalniņš, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire (JO L 403, p. 18, et rectificatif JO 2009, L 19, p. 67).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la VAS «Ceļu satiksmes drošības direkcija» (direction de la sécurité routière, ci-après la «CSDD») et le Latvijas Republikas Satiksmes ministrija (ministère des Transports de la République de Lettonie) à M. Nīmanis au sujet d’un refus de renouvellement du permis de conduire de l’intéressé.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes du considérant 2 de la directive 2006/126:

«Les règles relatives aux permis de conduire sont un élément essentiel de la politique commune des transports, contribuent à améliorer la sécurité routière et facilitent la libre circulation des personnes qui transfèrent leur résidence dans un État membre autre que l’État de délivrance du permis [...]»

4

Selon le considérant 8 de cette directive, pour répondre à des impératifs de sécurité routière, il convient de fixer les conditions minimales auxquelles le permis de conduire peut être délivré.

5

Le considérant 15 de ladite directive énonce:

«Il convient, pour des raisons en rapport avec la sécurité routière, que les États membres puissent appliquer leurs dispositions nationales en matière de retrait, de suspension, de renouvellement et d’annulation du permis de conduire à tout titulaire de permis ayant transféré sa résidence normale sur leur territoire.»

6

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/126, «[l]es permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».

7

L’article 7 de cette directive dispose:

«1.   Le permis de conduire est uniquement délivré aux demandeurs qui:

a)

ont réussi une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements et une épreuve de contrôle des connaissances et qui répondent à des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III;

[...]

e)

ont leur résidence normale sur le territoire de l’État membre délivrant le permis de conduire ou peuvent prouver qu’ils y font des études depuis 6 mois au moins.

[...]

3.   Le renouvellement du permis de conduire au moment où sa validité administrative vient à échéance est subordonné aux conditions suivantes:

[...]

b)

la résidence normale sur le territoire de l’État membre délivrant le permis de conduire ou l’administration de la preuve que le demandeur y fait des études depuis 6 mois au moins.

[...]

5.   [...] Sans préjudice de l’article 2, l’État membre qui délivre un permis fait diligence en vue de s’assurer que l’intéressé remplit les conditions prévues au paragraphe 1 du présent article et applique ses dispositions nationales en matière d’annulation ou de retrait du droit de conduire s’il est établi qu’un permis a été délivré sans que ces conditions aient été respectées.»

8

L’article 12 de la directive 2006/126 prévoit:

«Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par ‘résidence normale’ le lieu où une personne demeure habituellement, c’est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d’une personne sans attaches professionnelles, en raison d’attaches personnelles révélant des liens étroits entre elle-même et l’endroit où elle demeure.

Toutefois, la résidence normale d’une personne dont les attaches professionnelles sont situées dans un lieu différent de celui de ses attaches personnelles et qui, de ce fait, est amenée à séjourner alternativement dans les lieux différents situés dans deux ou plusieurs États membres est censée se situer au lieu de ses attaches personnelles, à condition qu’elle y retourne régulièrement. Cette dernière condition n’est pas requise lorsque la personne demeure dans un État membre pour l’exécution d’une mission d’une durée déterminée. La fréquentation d’une université ou d’une école n’implique pas le transfert de la résidence normale.»

Le droit letton

9

L’article 22, paragraphe 1, point 1, de la loi sur la circulation routière (Ceļu satiksmes likums), dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2013, prévoit que le droit de conduire des véhicules et le permis de conduire peuvent être accordés à une personne qui a atteint l’âge fixé par la loi et dont la résidence normale se trouve en Lettonie ou qui peut prouver qu’elle a étudié en Lettonie pendant les six derniers mois.

10

Cette disposition énonce :

«[...] Au sens de la présente disposition, la résidence normale d’une personne se trouve en Lettonie si une des conditions suivantes est remplie:

a)

en raison d’attaches personnelles (révélant des liens étroits entre la personne en cause et la Lettonie) et professionnelles, le lieu de résidence de la personne et le domicile déclaré pendant au moins 185 jours par année civile se trouvent en Lettonie;

b)

la personne n’a pas d’attaches professionnelles, mais en raison d’attaches personnelles (révélant des liens étroits entre la personne en cause et la Lettonie), le lieu de résidence de la personne et le domicile déclaré se trouvent en Lettonie;

c)

la personne réside à l’étranger pour des raisons professionnelles, mais, en raison d’attaches personnelles (révélant des liens étroits entre la personne en cause et la Lettonie), elle retourne et séjourne régulièrement en Lettonie et a son domicile déclaré en Lettonie;

d)

le domicile déclaré de la personne se trouve en Lettonie, mais sa résidence est à l’étranger en raison de ses études.»

11

Conformément à l’article 1er de la loi sur la déclaration de domicile (Dzīvesvietas deklarēšanas likums), l’objectif de celle-ci est d’assurer que toute personne puisse être jointe aux fins de ses relations juridiques avec l’État et les entités locales.

12

L’article 2 de cette loi dispose que celle-ci établit l’obligation, pour les personnes, de déclarer leur domicile et prévoit l’étendue des données qui doivent être déclarées ainsi que la procédure d’enregistrement. Conformément à cet article, ladite loi s’applique aux personnes ayant leur domicile en Lettonie. Par ailleurs, la déclaration de domicile en elle-même ne crée pas d’obligations de droit civil.

13

En vertu de l’article 3 de la même loi, le domicile est tout lieu (avec une adresse) lié à une propriété immobilière, choisi librement par la personne, dans lequel elle s’est établie dans l’intention expresse ou implicite d’y habiter, dans lequel sa résidence est juridiquement fondée et que cette personne reconnaît comme le lieu où elle peut être jointe aux fins de ses relations juridiques avec l’État et les entités locales. Cet article prévoit en outre qu’une personne est juridiquement fondée à s’établir dans une propriété immobilière déterminée si elle détient cette propriété, si un contrat de bail ou de location portant sur ladite propriété est conclu ou si elle a obtenu le droit d’utiliser la même propriété par mariage, par parenté, par affinité ou en vertu d’une autre base légale ou contractuelle.

Le litige au principal et la question préjudicielle

14

Un permis de conduire a été délivré à M. Nīmanis, en Lettonie, le 13 décembre 2000, alors que le domicile déclaré de l’intéressé était situé dans cet État membre. Le délai de validité de ce permis de conduire avait été fixé à 10 ans, conformément aux règles établies par la législation lettone.

15

Selon les données du registre de la population, M. Nīmanis n’a plus de domicile déclaré en Lettonie depuis le mois de février 2002. L’intéressé considère toutefois qu’il est en droit d’obtenir le renouvellement de son permis de conduire dans cet État membre, au motif qu’il a sa résidence normale dans ce dernier.

16

Afin d’obtenir ce renouvellement, M. Nīmanis s’est adressé à la CSDD, laquelle a constaté, lors de l’examen des données dudit registre, que M. Nīmanis n’avait pas de domicile déclaré en Lettonie.

17

Le 30 décembre 2010, la CSDD a adopté une décision de refus de fournir un service au motif que, afin d’obtenir ce service, M. Nīmanis devait résider plus de 185 jours en Lettonie et déclarer son domicile conformément à la procédure prévue par la législation lettone.

18

Après avoir examiné le recours introduit par M. Nīmanis, le Latvijas Republikas Satiksmes ministrija a considéré, par une décision du 3 février 2011, que cette décision de la CSDD était conforme aux dispositions de l’article 22 de la loi sur la circulation routière.

19

M. Nīmanis a introduit, devant l’Administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district), un recours visant à ce que soit adopté un acte administratif favorable, à savoir le renouvellement de son permis de conduire.

20

Par une décision du 3 juin 2011, rendue par l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale), des mesures provisoires ont été décidées, obligeant la CSDD à renouveler le permis de conduire de M. Nīmanis.

21

Par une décision du 3 avril 2012, l’Administratīvā rajona tiesa a reconnu que, conformément à la législation en vigueur, la CSDD n’était pas en droit d’invoquer une exigence relative au domicile déclaré, dès lors que, à la date du refus de renouvellement du permis de conduire de M. Nīmanis, la législation lettone ne prévoyait pas spécifiquement qu’il était nécessaire que l’intéressé ait un domicile déclaré en Lettonie pour obtenir le renouvellement de son permis de conduire dans cet État membre.

22

Cette juridiction a ainsi considéré comme non fondée la décision du Latvijas Republikas Satiksmes ministrija, selon laquelle seul le domicile déclaré pouvait constituer la preuve que l’intéressé a sa résidence normale en Lettonie ou réside dans cet État membre pendant plus de 185 jours par année civile. Ces faits pourraient également être prouvés par d’autres éléments et non pas uniquement par les renseignements figurant dans le registre de la population en ce qui concerne le domicile déclaré de l’intéressé.

23

La juridiction de renvoi précise que l’Administratīvā rajona tiesa n’a nullement constaté que, en l’espèce, la nationalité de M. Nīmanis était contestée ni que d’autres éléments de preuve étaient fournis, selon lesquels ce dernier n’avait pas sa résidence normale en Lettonie ou résidait dans cet État membre moins de 185 jours par année civile.

24

La CSDD a interjeté appel de la décision de l’Administratīvā rajona tiesa devant la juridiction de renvoi en invoquant notamment les arguments suivants.

25

La directive 2006/126 prévoirait une réglementation applicable à l’ensemble du territoire des État membres de l’Union, afin d’établir une procédure unique et des critères uniformes aux fins de l’octroi des permis de conduire, ainsi que pour assurer, d’une part, qu’il n’est pas fait un usage abusif de la possibilité d’obtenir un permis de conduire dans un autre État membre si, en raison de certaines circonstances, il n’est pas possible d’obtenir celui-ci dans l’État membre de résidence et, d’autre part, que le lieu du domicile ne constitue que l’un des critères fixés pour la délivrance d’un permis de conduire. La CSDD ajoute que, si M. Nīmanis souhaitait obtenir le renouvellement de son permis de conduire dans un État membre autre que la République de Lettonie, ce critère serait également vérifié dans cet État membre. Aux fins de la délivrance d’un permis de conduire à des ressortissants d’un autre État membre, la CSDD appliquerait également les critères fixés par la loi sur la circulation routière et ses dispositions d’exécution adoptées par le Conseil des ministres. Ainsi, dans l’hypothèse où l’intéressé n’a pas déclaré qu’il a son domicile en Lettonie et si aucune information à ce sujet ne figure dans le registre de la population, la délivrance du permis de conduire est refusée.

26

En outre, la déclaration de domicile ne serait pas une simple formalité étant donné qu’elle serait également essentielle pour d’autres questions.

27

Le Latvijas Republikas Satiksmes ministrija s’est associé à la CSDD dans le cadre de l’appel interjeté contre la décision de l’Administratīvā rajona tiesa.

28

La juridiction de renvoi précise que, conformément à la jurisprudence des juridictions lettones, pour apprécier une demande tendant à ce que soit adopté un acte administratif favorable, le juge doit examiner si, dans les circonstances de l’affaire dont il est saisi, le requérant est en droit d’obtenir la délivrance d’un tel acte. En outre, l’affaire doit, selon cette juridiction, être appréciée conformément aux circonstances de fait et de droit constatées au moment de son examen. Le juge ne pourrait prendre une décision par laquelle il imposerait une obligation aux autorités en application de dispositions législatives qui ne sont plus en vigueur.

29

Pour statuer sur une demande tendant à ce que soit adopté un acte administratif favorable, à savoir, en l’occurrence, le renouvellement d’un permis de conduire, la juridiction de renvoi devrait prendre en compte, conformément à cette jurisprudence, le cadre réglementaire en vigueur à la date de l’adoption de cette décision.

30

La juridiction de renvoi constate que la réglementation figurant à l’article 22 de la loi sur la circulation routière, qui prévoit une condition selon laquelle il est nécessaire, pour obtenir la délivrance d’un permis de conduire, d’avoir un domicile déclaré en Lettonie, a été adoptée à la suite de la transposition, dans le droit letton, de la directive 2006/126.

31

Afin de trancher le litige au principal, il conviendrait de déterminer si les informations figurant dans le registre de la population en ce qui concerne le domicile déclaré sur le territoire letton constituent le seul moyen par lequel M. Nīmanis peut prouver qu’il a sa résidence normale en Lettonie, afin d’obtenir le renouvellement de son permis de conduire.

32

Selon la juridiction de renvoi, l’objectif visé par la déclaration de domicile prévue par le droit letton consiste à assurer que toute personne puisse être jointe dans le cadre de ses relations avec l’État. L’absence de domicile déclaré ne signifierait pas, en elle-même, que l’intéressé ne réside pas en Lettonie.

33

Par ailleurs, cette juridiction souligne que, si une personne a sa résidence normale en Lettonie, sans pour autant avoir de domicile déclaré dans cet État membre, cette personne n’est pas non plus en droit, en raison de sa résidence normale dans ledit État membre, d’obtenir la délivrance d’un permis de conduire dans un autre État membre, étant donné qu’elle ne remplit pas la condition relative à la résidence normale dans cet autre État membre, prévue par la directive 2006/126.

34

Éprouvant des doutes quant à la conformité de la législation lettone avec l’article 12 de la directive 2006/126 ainsi qu’avec les objectifs poursuivis par cette dernière, tels qu’ils sont définis au considérant 2 de celle-ci, à savoir l’amélioration de la sécurité routière et la facilitation de la libre circulation des personnes qui transfèrent leur résidence dans un État membre autre que l’État de délivrance du permis, l’Administratīvā apgabaltiesa a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 12 de la directive 2006/126, lu en combinaison avec le considérant 2, première phrase, de cette directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que le seul moyen de prouver qu’une personne a sa résidence normale dans cet État (en Lettonie) est le domicile déclaré de cette personne? Par ‘domicile déclaré’, il convient de comprendre l’obligation de la personne, conformément à la réglementation nationale, de s’inscrire dans un registre national, afin d’informer qu’elle peut être jointe à l’adresse déclarée aux fins de [ses] relations juridiques avec l’État et les entités locales.»

Sur la question préjudicielle

35

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 de la directive 2006/126 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le seul moyen dont dispose une personne qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un permis de conduire dans cet État membre, pour prouver qu’elle satisfait à la condition de «résidence normale», au sens de cet article 12, sur le territoire dudit État membre, prévue à l’article 7, paragraphes 1, sous e), et 3, sous b), de cette directive (ci‑après la «condition de résidence normale»), consiste à établir l’existence d’un domicile déclaré sur le territoire de l’État membre concerné.

36

À titre liminaire, il convient de constater que le respect de la condition de résidence normale constitue un élément essentiel du système mis en place par cette directive, dont le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire constitue la clé de voûte (voir, en ce sens, arrêt Hofmann, C‑419/10, EU:C:2012:240, point 78 et jurisprudence citée).

37

La Cour a considéré que la condition de résidence normale contribue, notamment, à combattre le «tourisme du permis de conduire» en l’absence d’une harmonisation complète des réglementations des États membres relatives à la délivrance des permis de conduire et que cette condition est indispensable au contrôle du respect de la condition d’aptitude à la conduite [voir, s’agissant de la condition de résidence normale prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1), arrêts Wiedemann et Funk, C‑329/06 et C‑343/06, EU:C:2008:366, point 69; Zerche e.a., C‑334/06 à C‑336/06, EU:C:2008:367, point 66, et Grasser, C‑184/10, EU:C:2011:324, point 27].

38

La Cour a ainsi estimé que, dans certains cas, le non-respect de la condition de résidence normale est susceptible à lui seul de justifier le refus par un État membre de reconnaître le permis de conduire délivré par un autre État membre [voir, s’agissant de la condition de résidence normale prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439, arrêts Apelt, C‑224/10, EU:C:2011:655, point 34, et Akyüz, C‑467/10, EU:C:2012:112, point 61].

39

Seul l’État membre de délivrance du permis de conduire est compétent pour vérifier le respect de la condition de résidence normale (voir, en ce sens, ordonnance Wierer, C‑445/08, EU:C:2009:443, point 55). Cette règle vaut également en ce qui concerne l’État membre dans lequel le titulaire d’un permis en demande le renouvellement.

40

Par conséquent, il importe que les autorités responsables de la délivrance et du renouvellement des permis de conduire dans un État membre puissent s’assurer de manière fiable que le demandeur remplit effectivement la condition de résidence normale.

41

L’article 7, paragraphe 5, second alinéa, de la directive 2006/126 prévoit, dans ce contexte, que l’État membre qui délivre un permis de conduire fait diligence en vue de s’assurer que l’intéressé remplit les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, au nombre desquelles figure la condition de résidence normale.

42

Or, si l’article 12 de la directive 2006/126 définit des critères permettant d’établir ce qu’il convient d’entendre par «résidence normale», aux fins de l’application de cette directive, force est de constater que cette dernière ne contient toutefois aucune disposition précisant les modalités de preuve de l’existence d’une telle résidence devant les autorités responsables de la délivrance et du renouvellement des permis de conduire.

43

S’il est vrai, d’une part, que les modalités de preuve du respect de la condition de résidence normale devant les autorités responsables de la délivrance et du renouvellement des permis de conduire relèvent de la compétence des États membres et, d’autre part, que la directive 2006/126 fixe uniquement, ainsi qu’il ressort de son considérant 8, les conditions minimales auxquelles les permis de conduire peuvent être délivrés par les États membres, il ressort néanmoins de l’article 12 de cette directive, lu en combinaison avec l’ article 7, paragraphes 1, sous e), et 3, sous b), de celle-ci, que le résultat à atteindre par les États membres, conformément à ces dispositions, consiste à déterminer si les critères qui permettent d’établir qu’une personne a sa résidence normale sur leur territoire, énumérés audit article 12, sont remplis, en vue de vérifier si cette personne satisfait à la condition de résidence normale.

44

Ainsi, les modalités de preuve du respect de la condition de résidence normale ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre aux autorités compétentes de l’État membre de délivrance et de renouvellement des permis de conduire de s’assurer que l’intéressé respecte cette condition au regard des critères énoncés à l’article 12 de la directive 2006/126.

45

À cette fin, le fait pour un État membre de subordonner la délivrance et le renouvellement d’un permis de conduire à l’obligation d’avoir un domicile déclaré sur son territoire apparaît comme constituant un moyen approprié, de nature à faciliter la vérification, par les autorités compétentes, du respect de la condition de résidence normale.

46

Cependant, l’obligation absolue d’avoir un domicile déclaré sur le territoire d’un État membre, et donc le refus opposé au demandeur d’un permis de conduire de recourir à d’autres moyens de preuve établissant qu’il satisfait aux critères énoncés à l’article 12 de la directive 2006/126, vont au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre aux autorités compétentes de s’assurer que l’intéressé respecte la condition de résidence normale.

47

En effet, l’article 12 de la directive 2006/126 prévoit, s’agissant de la condition de résidence normale, une série de critères objectifs permettant d’établir si le demandeur a sa résidence normale sur ledit territoire.

48

Or, il est envisageable qu’un demandeur réponde à ces critères permettant d’établir qu’il a sa résidence normale sur le territoire d’un État membre, sans qu’il ait pour autant un domicile déclaré dans cet État membre, ce qui paraît être le cas de M. Nīmanis. Dans ces conditions, ce demandeur pourrait, et devrait même, se voir également refuser la délivrance d’un permis de conduire dans d’autres États membres sur la base de la condition de résidence normale dans la mesure où il n’a pas sa résidence normale, au sens de l’article 12 de la directive 2006/126, sur le territoire de ces derniers.

49

L’intéressé pourrait dès lors être privé de la possibilité d’obtenir un permis de conduire dans l’Union, alors même qu’il a sa résidence normale, au sens de l’article 12 de la directive 2006/126, sur le territoire d’un État membre.

50

Par ailleurs, une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle l’unique moyen dont dispose le demandeur d’un permis de conduire, pour prouver aux autorités compétentes qu’il remplit la condition de résidence normale, consiste à établir l’existence d’une déclaration de domicile de l’intéressé sur le territoire de cet État membre présente un caractère trop exclusif. En effet, une telle réglementation privilégie un élément qui ne reflète pas l’ensemble des critères énoncés à l’article 12 de la directive 2006/126, en ce qu’elle exclut tout autre élément représentatif des situations visées à cet article.

51

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 12 de la directive 2006/126 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le seul moyen dont dispose une personne qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un permis de conduire dans cet État membre, pour prouver qu’elle satisfait à la condition de «résidence normale», au sens de cet article 12, sur le territoire dudit État membre, prévue à l’article 7, paragraphes 1, sous e), et 3, sous b), de cette directive, consiste à établir l’existence d’un domicile déclaré sur le territoire de l’État membre concerné.

Sur les dépens

52

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’article 12 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le seul moyen dont dispose une personne qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un permis de conduire dans cet État membre, pour prouver qu’elle satisfait à la condition de «résidence normale», au sens de cet article 12, sur le territoire dudit État membre, prévue à l’article 7, paragraphes 1, sous e), et 3, sous b), de cette directive, consiste à établir l’existence d’un domicile déclaré sur le territoire de l’État membre concerné.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure: le letton.