ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

15 octobre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique agricole commune — Régimes de soutien — Mise en œuvre des régimes de soutien dans les nouveaux États membres — Règlement (CE) no 1782/2003 — Article 143 ter bis — Règlement (CE) no 73/2009 — Article 126 — Paiement séparé pour le sucre — Découplage de ce paiement de la production — Notion de ‘critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés’ — Période représentative»

Dans l’affaire C‑561/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Obvodní soud pro Prahu 1 (République tchèque), par décision du 30 mai 2013, parvenue à la Cour le 29 octobre 2013, dans la procédure

Hoštická a.s.,

Jaroslav Haškovec,

Zemědělské družstvo Senice na Hané

contre

Česká republika – Ministerstvo zemědělství,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe (rapporteur), président de chambre, M. M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et Mme J. Vitáková, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. P. Ondrůšek et P. Rossi, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 126, paragraphe 1, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO L 30, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Hoštická a.s., M. Haškovec et Zemědělské družstvo Senice na Hané à Česká republika – Ministerstvo zemědělství (République tchèque – Ministère de l’Agriculture) relatif à leur demande d’indemnisation d’un préjudice subi en raison des modalités d’octroi du paiement séparé pour le sucre (ci-après le «PSS») prévues par le droit tchèque.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 1782/2003

3

Aux termes de son article 1er, le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1, et rectificatif JO L 94, p. 70), tel que modifié par les règlements (CE) no 319/2006 du Conseil, du 20 février 2006 (JO L 58, p. 32), (CE) no 2011/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006 (JO L 384, p. 1), et (CE) no 2012/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006 (JO L 384 p. 8, ci-après le «règlement no 1782/2003»), établit:

«[...]

des règles communes en matière de paiements directs au titre des régimes de soutien des revenus relevant de la politique agricole commune [...],

une aide au revenu des agriculteurs (ci-après dénommée ‘le régime de paiement unique’),

une aide aux revenus simplifiée et transitoire destinée aux agriculteurs des nouveaux États membres (ci-après, le ‘régime de paiement unique à la surface’),

[...]»

4

L’article 2, sous d) et g), de ce règlement définit les notions suivantes:

«d)

‘paiement direct’: un paiement octroyé directement aux agriculteurs dans le cadre de l’un des régimes de soutien des revenus énumérés à l’annexe I;

[...]

g)

‘nouveaux États membres’: la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie.»

5

L’article 143 ter bis du règlement no 1782/2003 a été inséré par l’article 1er, point 17, du règlement no 319/2006 et modifié par l’article 1er, point 2, du règlement no 2011/2006 ainsi que par l’article 1er, point 17, du règlement no 2012/2006. Cet article 143 ter bis, qui est intitulé «Paiement séparé pour le sucre», dispose:

«1.   Par dérogation à l’article 143 ter, les nouveaux États membres appliquant le régime de paiement unique à la surface peuvent décider, pour le 30 avril 2006 au plus tard, d’accorder, pour les années 2006 à 2010, un paiement séparé pour le sucre aux agriculteurs éligibles dans le cadre du régime de paiement unique à la surface. Ce paiement est accordé pour une période représentative – qui pourrait être différente pour chaque produit – d’une ou de plusieurs des campagnes de commercialisation 2004/2005, 2005/2006 et 2006/2007, à déterminer par les États membres avant le 30 avril 2006 sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, tels que:

les quantités de betteraves sucrières, de cannes à sucre et de chicorée couvertes par les contrats de livraison conclus conformément à l’article 19 du [règlement no 1260/2001] ou à l’article 6 du règlement (CE) no 318/2006 [du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 58, p. 1)], selon le cas,

les quantités de sucre ou de sirop d’inuline produites conformément au [règlement no 1260/2001] ou au [règlement no 318/2006], selon le cas,

le nombre moyen d’hectares consacrés à la culture de betteraves sucrières, de cannes à sucre ou de chicorée utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline et couvertes par les contrats de livraison conclus conformément à l’article 19 du [règlement no 1260/2001] ou à l’article 6 du [règlement no 318/2006], selon le cas.

[...]»

6

La ligne de l’annexe I du règlement no 1782/2003 relative aux «Betterave à sucre, canne et chicorées utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline» est libellée comme suit:

Betterave à sucre, canne et chicorées utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline

Titre IV, chapitre 10 sexies, du présent règlement [...] Titre IV bis, article 143 ter bis, du présent règlement

Paiements découplés

Le règlement no 319/2006

7

Les considérants 1, 2, 4, 7 et 9 du règlement no 319/2006 énoncent:

«(1)

Le règlement [no 318/2006] prévoit une réforme importante de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Les mesures instaurées par ledit règlement comprennent une réduction significative, en trois étapes, du prix de soutien institutionnel du sucre communautaire.

(2)

À la suite de la réduction du soutien du marché dans le secteur du sucre, il convient d’augmenter le soutien du revenu des agriculteurs. Le niveau global du paiement devrait évoluer parallèlement à la réduction progressive des soutiens du marché.

[...]

(4)

Afin de répondre aux objectifs qui sous-tendent la réforme de la politique agricole commune, il convient que le soutien à la betterave à sucre, la canne à sucre et la chicorée utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline soit découplé et intégré au régime de paiement unique.

[...]

(7)

Le niveau du soutien des revenus individuels devrait être calculé sur la base du soutien dont l’agriculteur a bénéficié dans le contexte de l’organisation commune du marché dans le secteur du sucre pendant une ou plusieurs campagnes de commercialisation, à déterminer par les États membres.

[...]

(9)

Les planteurs de betteraves à sucre et de chicorée des nouveaux États membres ont bénéficié, depuis l’adhésion, du soutien des prix dans le cadre du [règlement no 1260/2001]. C’est pourquoi le paiement ‘sucre’ et les composantes ‘sucre’ et ‘chicorée’ du régime de paiement unique ne devraient pas être soumis à l’application des paliers définis dans le calendrier prévu à l’article 143 bis du [règlement no 1782/2003]. Pour les mêmes raisons, les États membres appliquant le régime de paiement unique à la surface devraient, en outre, avoir la possibilité d’octroyer le soutien issu de la réforme du sucre sous la forme d’un paiement direct distinct en dehors de ce régime.»

Le règlement no 73/2009

8

Le règlement no 1782/2003 a été abrogé et remplacé par le règlement no 73/2009.

9

Le considérant 2 du règlement no 73/2009 énonce:

«Il ressort notamment de l’expérience acquise lors de la mise en œuvre du [règlement no 1782/2003] qu’il convient d’adapter certains éléments des régimes de soutien. Il y a lieu notamment d’étendre le découplage du soutien direct et de simplifier le fonctionnement du régime de paiement unique. [...]»

10

Aux termes de son article 1er, ce règlement établit:

«[...]

a)

des règles communes en matière de paiements directs;

b)

un régime d’aide au revenu en faveur des agriculteurs (ci-après dénommé ‘régime de paiement unique’);

c)

un régime d’aide au revenu simplifié et transitoire destiné aux agriculteurs des nouveaux États membres, tels que définis à l’article 2, point g), ci-après dénommé ‘régime de paiement unique à la surface’;

[…]»

11

L’article 2, sous d) et g), de ce règlement est libellé dans des termes identiques à la même disposition du règlement no 1782/2003.

12

L’article 126, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, intitulé «Paiement séparé pour le sucre», dispose:

«Lorsqu’un nouvel État membre a fait usage de la faculté prévue à l’article 143 ter bis du règlement no 1782/2003, il octroie un paiement séparé pour le sucre aux agriculteurs admissibles au bénéfice du régime de paiement unique à la surface. Ce paiement est accordé sur la base des critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés.»

13

La ligne de l’annexe I du même règlement relative aux «Betteraves sucrières, canne à sucre et chicorée utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline» est libellée comme suit:

Betteraves sucrières, canne à sucre et chicorée utilisées pour la production de sucre ou de sirop d’inuline

Article 126 du présent règlement

Paiements découplés

Le droit tchèque

14

Le décret gouvernemental no 45/2007, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2010, définit les conditions relatives à l’octroi du PSS.

15

L’article 2 du décret gouvernemental no 45/2007, intitulé «Demandeur du paiement pour le sucre», est libellé comme suit:

1)

Un paiement pour le sucre pour une année civile donnée peut, en vertu du présent décret, être demandé par une personne physique ou morale qui

a)

exploite des terres agricoles inscrites au nom du demandeur au registre de l’exploitation de terres agricoles selon le statut de l’utilisateur [...],

b)

a conclu, au titre de la campagne de commercialisation 2005/2006, un contrat de fourniture de la betterave sucrière A et de la betterave sucrière B avec un producteur de sucre, qui est établi en République tchèque et qui, au cours de la campagne de commercialisation 2005/2006, a obtenu des quotas de production individuels relatifs au sucre A et des quotas de production individuels relatifs au sucre B [...],

c)

introduit auprès du Fonds une demande d’octroi de paiement unique à la surface pour l’année civile pour laquelle il demande le paiement pour le sucre,

[...]»

16

L’article 4 de ce décret gouvernemental, intitulé «Octroi du paiement pour le sucre», énonce:

«1)   Le Fonds octroie au demandeur un paiement pour le sucre au titre de l’année civile concernée pour les quantités de betteraves négociées avec le producteur de sucre en vertu du contrat pour la campagne de commercialisation 2005/2006, aux fins de la fourniture de la betterave sucrière A et de la betterave sucrière B destinées à la production du sucre A et du sucre B, telles que rapportées à une teneur en sucre de 16 %.

2)   Le calcul du montant du paiement pour le sucre au titre de l’année civile concernée pour une tonne de betteraves repose sur le montant total du paiement pour le sucre fixé pour l’année civile concernée, conformément aux dispositions directement applicables des Communautés européennes, et sur les quantités totales de betteraves aux fins de la production du sucre A et du sucre B, qui ont été négociées avec les producteurs de sucre dans les contrats pour la campagne de commercialisation 2005/2006 aux fins de la fourniture de la betterave sucrière A et de la betterave sucrière B, telles que rapportées à une teneur en sucre de 16 %.

[...]»

Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

17

Les parties requérantes au principal cultivent la betterave sucrière aux fins de sa vente aux fabricants de sucre. Elles ont perçu du Ministerstvo zemědělství un PSS en application du décret gouvernemental no 45/2007, lequel fixe les conditions d’octroi de ce paiement aux cultivateurs de betteraves sucrières.

18

Les parties requérantes au principal ont saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’indemnisation d’un préjudice subi en raison de l’application des règles d’octroi du PSS, telles que prévues par ce décret gouvernemental, au motif que ces règles violent les dispositions pertinentes du droit de l’Union, à savoir l’article 126 du règlement no 73/2009.

19

Elles contestent en particulier le montant du paiement qu’elles ont perçu au titre du PSS, au motif que celui-ci a été calculé sur une période représentative erronée, à savoir la campagne de commercialisation 2005/2006. Selon elles, en vertu de l’article 126 du règlement no 73/2009, le PSS aurait dû être accordé sur la base d’une période de référence actuelle, c’est-à-dire la campagne de commercialisation précédant l’année d’octroi de ce paiement.

20

Les parties requérantes au principal estiment que, si l’article 126 du règlement no 73/2009 énonce que le PSS est accordé sur la base des critères adoptés en 2006 et en 2007, le législateur de l’Union ne vise que les critères qui ont été déterminés par un État membre en application de l’article 143 ter bis du règlement no 1782/2003 afin de calculer le montant du paiement, c’est-à-dire la surface exploitée, le volume de production ou une combinaison des deux. L’article 126 du règlement no 73/2009 n’indiquerait nullement qu’il convient également d’utiliser la même période représentative pour l’octroi des aides relatives à chaque campagne de commercialisation. Ces parties soutiennent que le règlement no 73/2009 opère systématiquement une distinction entre «critères» et «période représentative», comme l’illustrent, par exemple, les articles 128 et 129 de ce règlement. Elles estiment que leur interprétation s’impose en raison de la nécessité de ne pas opérer une discrimination entre les producteurs.

21

La partie défenderesse au principal fait valoir que le PSS est un paiement découplé de la production. Ainsi, contrairement à ce qu’avancent les parties requérantes au principal, le PSS ne devrait pas être calculé en fonction de la production actuelle de betteraves, et octroyé uniquement aux agriculteurs qui continuent à produire cette dernière. Cette distinction entre paiement couplé et découplé serait clairement opérée par le règlement no 73/2009. La réforme du marché du sucre, qui a débuté au cours de l’année 2006, aurait pour but de maintenir la production de betteraves sucrières au niveau existant, et non de stimuler sa croissance. Dès lors, l’utilisation de données de production actuelles ne serait pas nécessaire. En outre, l’article 126 du règlement no 73/2009 viserait à instaurer un paiement découplé de la production. Ainsi, eu égard non seulement aux termes, mais également à l’objectif de cette disposition, la notion de «critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés» engloberait l’ensemble des modalités de répartition et d’octroi du PSS fixées à l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003, à savoir tant la notion de «période représentative» que celle de «critères objectifs et non discriminatoires».

22

C’est dans ces circonstances que l’Obvodní soud pro Prahu 1 a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Faut-il interpréter l’article 126 du [règlement no 73/2009] en ce sens que le paiement séparé pour le sucre est un paiement découplé de la production?

2)

Faut-il interpréter l’article 126, paragraphe 1, du [règlement no 73/2009] en ce sens que les ‘critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés’ incluent également la période représentative, alors retenue par un État membre, en application de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du [règlement no 1782/2003]?»

Sur les questions préjudicielles

23

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 126, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que la notion de «critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés» comprend également la campagne de commercialisation que ces États membres devaient choisir avant le 30 avril 2006 comme période représentative pour l’octroi du PSS, en application de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003.

24

À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement no 1782/2003 établit, notamment, aux termes de son article 1er, des règles communes en matière de paiements directs au titre des régimes de soutien des revenus relevant de la politique agricole commune, une aide au revenu des agriculteurs, à savoir le régime de paiement unique, ainsi qu’une aide aux revenus simplifiée et transitoire destinée aux agriculteurs des nouveaux États membres ayant adhéré à l’Union européenne au cours des années 2004 et 2007, tels qu’énumérés à l’article 2, sous g), de ce règlement (ci-après les «nouveaux États membres»), à savoir le régime de paiement unique à la surface. Conformément aux articles 143 bis et 143 ter dudit règlement, les paiements directs ou, le cas échéant, le régime de paiement unique à la surface sont introduits progressivement dans ces nouveaux États membres (voir, en ce sens, arrêt Bábolna, C‑115/10, EU:C:2011:376, points 33 et 34, ainsi que ordonnance Brunovskis, C‑650/11, EU:C:2013:7, point 15).

25

Aux termes de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, dudit règlement, les nouveaux États membres qui ont choisi d’appliquer le régime du paiement unique à la surface disposaient de la possibilité de décider, «pour le 30 avril 2006 au plus tard», d’octroyer un PSS aux agriculteurs éligibles dans le cadre de ce régime.

26

Il s’ensuit que le règlement no 1782/2003 accorde à ces États membres une certaine marge d’appréciation pour l’octroi du PSS dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune. Toutefois, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, lesdits États membres doivent se conformer à deux conditions. Premièrement, ce paiement doit être subordonné à l’application par les mêmes États membres de critères objectifs et non discriminatoires (voir, en ce sens, arrêt Uzonyi, C‑133/09, EU:C:2010:563, point 29). Deuxièmement, les nouveaux États membres devaient également déterminer, avant le 30 avril 2006, la ou les périodes représentatives à prendre en compte pour l’octroi dudit paiement, parmi les campagnes de commercialisation énumérées à l’article 143 ter bis, paragraphe 1, de ce règlement, à savoir les campagnes 2004/2005, 2005/2006 et 2006/2007.

27

En vertu de l’article 126, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, ces nouveaux États membres, qui ont fait usage de la faculté d’octroyer le PSS en application de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003, continuent d’octroyer ce paiement.

28

À cet égard, il y a lieu de constater que, à la différence de cette dernière disposition, l’article 126 du règlement no 73/2009 se limite à indiquer que le PSS est accordé sur la base des «critères adoptés en 2006 et 2007» par ces États membres, sans que le libellé dudit article mentionne expressément la période représentative à prendre en compte.

29

Or, selon une jurisprudence constante, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, il importe de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie et de leur contexte (arrêt Maatschap Schonewille-Prins, C‑45/05, EU:C:2007:296, point 30 et jurisprudence citée).

30

S’agissant, tout d’abord, de l’objectif poursuivi par le règlement no 1782/2003, la Cour a déjà jugé que celui-ci visait à permettre la transition progressive de l’aide à la production vers l’aide au producteur, notamment, en introduisant un système découplé d’aide au revenu pour chaque exploitation agricole (voir, en ce sens, arrêt Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 17). Il ressort du considérant 2 du règlement no 73/2009 que ce dernier poursuit le même objectif.

31

Ensuite, il convient d’ajouter que, ainsi qu’il est exposé au considérant 1 du règlement no 319/2006, le législateur de l’Union a engagé au cours de l’année 2006 une réforme importante de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Cette réforme s’est, notamment, traduite par une réduction significative du prix de soutien institutionnel du sucre communautaire.

32

S’agissant du PSS, qui a été instauré par le règlement no 319/2006, sa finalité, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 9 de celui-ci, est de compenser les pertes de revenus, découlant de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, des planteurs de betteraves à sucre et de chicorées des nouveaux États membres qui ont bénéficié, depuis leur adhésion, du soutien des prix dans le cadre de cette organisation commune du marché. Dans ces circonstances, les articles 143 ter bis du règlement no 1782/2003 et 126 du règlement no 73/2009 doivent être considérés comme ayant pour objectif de soutenir les agriculteurs qui ont bénéficié des mesures de soutien du marché du sucre avant la réforme survenue au cours de l’année 2006.

33

En outre, il ressort du considérant 7 du règlement no 319/2006 que le niveau de soutien des revenus individuels doit être calculé sur la base du soutien dont l’agriculteur a bénéficié dans le contexte de l’organisation commune du marché dans le secteur du sucre pendant une ou plusieurs campagnes de commercialisation devant être déterminées par les États membres eux-mêmes.

34

À cet effet, l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 vise explicitement les campagnes de commercialisation 2004/2005, 2005/2006 et 2006/2007 comme les périodes parmi lesquelles les États membres pouvaient choisir pour déterminer la période de référence pour l’octroi du PSS. En outre, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission européenne dans ses observations, cette période représentative devait être déterminée de manière définitive par l’État membre concerné avant le 30 avril 2006.

35

À cet égard, force est de constater que lesdites campagnes de commercialisation sont représentatives d’une période durant laquelle les agriculteurs bénéficiaient du prix de soutien institutionnel du sucre communautaire.

36

Enfin, quant au contexte dans lequel s’inscrit l’article 126 du règlement no 73/2009, il y a lieu de constater qu’il ressort clairement de l’annexe I des règlements no 1782/2003 et no 73/2009 que le PSS est une aide aux revenus destinée aux agriculteurs des nouveaux États membres qui est octroyée au titre des «paiements découplés». Or, au regard de l’objectif rappelé au point 30 du présent arrêt, de tels paiements doivent s’entendre comme désignant des paiements dont le montant est indépendant de la production réelle de l’agriculteur. Tel est précisément le cas lorsque le montant du PSS est calculé sur la base de la production d’une période historique donnée ou sur la base des surfaces consacrées à la culture de betteraves à sucre utilisées pour la production de sucre pendant une telle période.

37

Dans ces conditions, l’article 126, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 ne saurait être interprété comme visant, pour l’octroi du PSS, une période représentative qui ne soit pas l’une des campagnes de commercialisation énumérées à l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 et qui devait être choisie avant le 30 avril 2006 et de manière définitive par l’État membre concerné en application de cette disposition.

38

Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 126, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que la notion de «critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés» comprend la campagne de commercialisation que ces États membres devaient choisir avant le 30 avril 2006 comme période représentative pour l’octroi du PSS, en application de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

 

L’article 126, paragraphe 1, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003, doit être interprété en ce sens que la notion de «critères adoptés en 2006 et 2007 par les États membres concernés» comprend la campagne de commercialisation que ces États membres devaient choisir avant le 30 avril 2006 comme période représentative pour l’octroi du paiement séparé pour le sucre, en application de l’article 143 ter bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001, tel que modifié par les règlements (CE) no 319/2006 du Conseil, du 20 février 2006, (CE) no 2011/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006, et (CE) no 2012/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le tchèque.