ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 juillet 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Politique agricole commune — Régime de paiement unique — Règlement (CE) no 73/2009 — Article 34, paragraphe 2, sous a) — Notion de ‘surface admissible au bénéfice de l’aide’ — Notion de ‘surface agricole’ — Surface constituant la couche de recouvrement végétalisée d’une décharge désaffectée — Utilisation à des fins agricoles — Admissibilité»

Dans l’affaire C‑422/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Schleswig‑Holsteinisches Oberverwaltungsgericht (Allemagne), par décision du 15 juillet 2013, parvenue à la Cour le 25 juillet 2013, dans la procédure

Landesamt für Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig‑Holstein

contre

Uta Wree,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procedure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le Landesamt für Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig‑Holstein, par Mes W. Ewer et A. Behnsen, Rechtsanwälte,

pour Mme Wree, par Me A. Kröner, Rechtsanwältin,

pour le gouvernement danois, par MM. C. Thorning et R. Holdgaard, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. H. Kranenborg et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO L 30, p. 16, et rectificatif JO 2010, L 43, p. 7).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Landesamt für Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig‑Holstein (office régional pour l’agriculture, l’environnement et les espaces ruraux du Land de Schleswig‑Holstein, ci‑après le «Landesamt») à Mme Wree au sujet de la prise en compte, en tant que surfaces admissibles au bénéfice de l’aide concernée, des surfaces constituant la couche de recouvrement végétalisée de deux décharges se trouvant dans la phase de désaffectation, pour l’une, et dans la phase de gestion après désaffectation, pour l’autre.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 73/2009

3

Le règlement no 73/2009 a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 94, p. 70), à compter du 1er janvier 2009.

4

Le considérant 7 du règlement no 73/2009 est ainsi libellé:

«Le règlement [...] no 1782/2003 reconnaît l’effet positif sur l’environnement des pâturages permanents. Il y a lieu de conserver les mesures dudit règlement destinées à encourager le maintien des pâturages permanents existants, afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.»

5

Aux termes de l’article 2 du règlement no 73/2009, on entendait par:

«[...]

c)

‘activité agricole’, la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales au sens de l’article 6;

[...]

h)

‘surface agricole’, l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents ou des cultures permanentes.»

6

L’article 34 du règlement no 73/2009 prévoyait:

«1.   L’aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d’un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu’ils fixent.

2.   Aux fins du présent règlement, on entend par ‘hectare admissible’:

a)

toute surface agricole de l’exploitation et les surfaces plantées de taillis à courte rotation (code NC ex 0602 90 41) utilisées aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles [...]

[...]»

Le règlement (CE) no 1120/2009

7

L’article 2 du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO L 316, p. 1), disposait:

«Aux fins du titre III du règlement [...] no 73/2009 et aux fins du présent règlement, on entend par:

a)

‘terres arables’: les terres labourées destinées à la production de cultures ou maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales conformément à l’article 6 du règlement [...] no 73/2009 [...]

[...]

c)

‘pâturages permanents’: les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère [...]; à cette fin, on entend par ‘herbe et autres plantes fourragères herbacées’, toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux) [...]

[...]»

8

Aux termes de l’article 9 du règlement no 1120/2009:

«Aux fins de l’article 34, paragraphe 2, point a), du règlement [...] no 73/2009, lorsqu’une surface agricole d’une exploitation est également utilisée pour des activités autres qu’agricoles, cette surface est considérée comme étant essentiellement utilisée à des fins agricoles si l’activité agricole peut être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

Les États membres fixent les critères relatifs à la mise en œuvre du premier alinéa sur leur territoire.»

Le règlement (CE) no 1122/2009

9

Conformément à l’article 58, troisième alinéa, du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO L 316, p. 65), lorsque la différence entre la superficie déclarée par un agriculteur et la superficie pour laquelle l’ensemble des conditions applicables à l’octroi d’une aide sont remplies excède 50 % de cette dernière superficie, aucune aide n’est versée et l’agriculteur est également pénalisé à concurrence d’un montant correspondant à la différence entre ces deux superficies.

La directive 1999/31/CE

10

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182, p. 1), prévoit:

«En vue de répondre aux exigences de la directive 75/442/CEE [du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39)], et notamment de ses articles 3 et 4, la présente directive a pour objet, par des exigences techniques et opérationnelles strictes applicables aux déchets et aux décharges, de prévoir des mesures, procédures et orientations visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement, et notamment la pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, du sol et de l’air, et sur l’environnement de la planète, y compris l’effet de serre, ainsi que les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.»

11

Aux termes de l’article 13 de la directive 1999/31:

«Les États membres prennent des mesures pour que, conformément, le cas échéant, à l’autorisation:

[...]

c)

après la désaffectation définitive d’une décharge, son exploitant soit responsable de l’entretien, de la surveillance et du contrôle de la décharge pour toute la durée que l’autorité compétente aura jugée nécessaire compte tenu de la période pendant laquelle la décharge peut présenter des risques.

L’exploitant notifie à l’autorité compétente les effets néfastes sur l’environnement révélés par les procédures de contrôle et se conforme à la décision de l’autorité compétente concernant la nature et le calendrier des mesures correctives à prendre;

d)

aussi longtemps que l’autorité compétente estime qu’une décharge est susceptible d’entraîner un danger pour l’environnement et sans préjudice de toute législation communautaire ou nationale en matière de responsabilité du détenteur de déchets, l’exploitant du site soit responsable de la surveillance et de l’analyse des gaz de décharge et des lixiviats du site ainsi que des nappes d’eau souterraines situées à proximité, conformément à l’annexe III.»

Le droit allemand

12

Il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de l’article 3, paragraphe 10, de la loi visant à promouvoir l’économie circulaire et à garantir l’élimination écologique des déchets [Gesetz zur Förderung der Kreislaufwirtschaft und Sicherung der umweltverträglichen Beseitigung von Abfällen (Kreislaufwirtschafts‑ und Abfallgesetz)], les décharges constituent des constructions ou des installations d’élimination des déchets. Elles conservent, en tout état de cause, cette qualification tant qu’elles restent soumises à l’obligation de gestion après désaffectation ou aux règles de sécurité.

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

Mme Wree, qui est vétérinaire, exploite une bergerie. Elle y élève notamment des ovins et produit des agneaux de boucherie.

14

Ses troupeaux paissent sur différentes surfaces herbagères situées sur les territoires des districts de Frise‑du‑Nord (Allemagne) et de Schleswig‑Flensbourg (Allemagne).

15

Ces pâturages se composent notamment de la couche de revêtement végétalisée de la décharge d’Ahrenshöft, dans le district de Frise‑du‑Nord, et de celle de Schleswig‑Haferteich, dans le district de Schleswig‑Flensbourg. Sur ces deux décharges à ciel ouvert, la phase de dépôt des déchets a pris fin. La décharge d’Ahrenshöft se trouve encore dans la phase de désaffectation et doit bientôt entrer dans la phase de gestion après désaffectation, tandis que la décharge de Schleswig‑Haferteich se trouve déjà dans cette dernière phase.

16

Mme Wree et les exploitants des décharges concernées sont convenus par contrat d’autoriser, à titre gratuit, le pâturage des ovins de Mme Wree sur les surfaces herbagères situées sur ces décharges.

17

Le contrat passé entre Mme Wree et l’exploitant de la décharge d’Ahrenshöft est qualifié de «bail rural portant sur différentes surfaces». Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de celui‑ci, «le bail vise à prévenir l’embroussaillement de la surface [et] le preneur s’oblige, en accord et en collaboration avec le bailleur, à empêcher que le tapis végétal subisse des dommages».

18

L’article 19, paragraphe 1, de ce contrat stipule:

«Le bailleur ou une personne mandatée par celui‑ci ont à tout moment le droit de pénétrer sur les surfaces données à bail et de les faire inspecter.»

19

Des accords contractuels ont également été conclus, depuis l’année 2007, entre Mme Wree et l’exploitant de la décharge de Schleswig‑Haferteich.

20

Le 11 mai 2010, Mme Wree a demandé le versement de l’aide au titre du régime de paiement unique pour l’année 2010 et, à cet effet, elle a déclaré une superficie admissible au bénéfice de cette aide de 25,5098 hectares, dans laquelle étaient comprises les surfaces herbagères situées sur les décharges d’Ahrenshöft et de Schleswig‑Haferteich.

21

Par une décision du 14 décembre 2010, le Landesamt a rejeté cette demande au motif que les surfaces concernées, d’une superficie de 19,7855 hectares, n’étaient pas répertoriées dans le registre des parcelles agricoles et que la surface admissible déclarée par Mme Wree devait en réalité être chiffrée à 5,7243 hectares. Par conséquent, le Landesamt a, en application de l’article 58, troisième alinéa, du règlement no 1122/2009, décidé qu’aucune aide ne devait être versée à Mme Wree au titre du régime de paiement unique.

22

Mme Wree a formé un recours administratif contre la décision adoptée par le Landesamt. Elle a fait valoir qu’elle utilise les surfaces situées sur lesdites décharges comme pâturages, pour un élevage ovin, et qu’elle égalise et fauche certaines parties de ces surfaces. Elle a par ailleurs soutenu, à l’appui de son recours, que la totalité de la surface des mêmes décharges pouvait être utilisée sans restriction pour le pâturage des ovins.

23

Par une décision du 31 mars 2011, le Landesamt a rejeté ledit recours comme dénué de fondement. À l’appui de sa décision, le Landesamt a fait valoir que les surfaces faisant l’objet de la demande de Mme Wree étaient non pas des surfaces agricoles utiles, au sens du règlement no 73/2009, mais des décharges désaffectées, au sens du règlement sur les décharges (Deponieverordnung).

24

Le 15 avril 2011, Mme Wree a, devant le Schleswig‑Holsteinisches Verwaltungsgericht (tribunal administratif du Schleswig‑Holstein), introduit un recours contre cette décision en soutenant, notamment, que les surfaces concernées ne sauraient être considérées comme faisant principalement l’objet d’une «utilisation» en tant que décharge désaffectée, étant donné qu’il s’agit là d’un état et non d’une utilisation. Au contraire, le Landesamt a fait valoir que lesdites surfaces sont principalement utilisées en tant que décharges se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation et que, pour des raisons de stabilité de ces dernières, lesdites surfaces peuvent, sous contrôle, servir de pâtures à des ovins. Selon le Landesamt, c’est essentiellement afin de prévenir la survenance de processus biologiques dommageables ayant une influence sur la stabilité des décharges que les exploitants de ces dernières ont mis gratuitement les surfaces concernées à la disposition de Mme Wree.

25

Par un arrêt du 19 janvier 2012, le Schleswig‑Holsteinisches Verwaltungsgericht a fait droit au recours de Mme Wree. Il a jugé que cette dernière avait droit au paiement unique au titre de l’année 2010 et que lesdites surfaces devaient être prises en compte aux fins du calcul de l’aide demandée par l’intéressée.

26

Le Landesamt a été autorisé à faire appel de cet arrêt par une ordonnance du Schleswig‑Holsteinisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Schleswig‑Holstein) du 3 septembre 2012.

27

Devant la juridiction de renvoi, le Landesamt soutient, notamment, que les surfaces des décharges d’Ahrenshöft et de Schleswig‑Haferteich ne sauraient être considérées comme des surfaces agricoles, au sens de l’article 2, sous h), du règlement no 73/2009.

28

Considérant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union, le Schleswig‑Holsteinisches Oberverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Une surface qui, bien qu’elle soit aussi utilisée à des fins agricoles (pâturage en vue d’un élevage ovin), forme toutefois la couche de couverture d’une décharge se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation constitue‑t‑elle également une surface agricole, au sens de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009?»

Sur la question préjudicielle

29

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que constitue une surface agricole, au sens de cette disposition, une surface qui, bien qu’utilisée en tant que pâturage en vue d’un élevage ovin, forme la couche de couverture d’une décharge se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation.

30

Conformément à ladite disposition, est admissible au bénéfice de l’aide, notamment, toute surface agricole de l’exploitation utilisée aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisée à des fins agricoles.

31

La notion de «surface agricole» est définie à l’article 2, sous h), du règlement no 73/2009 comme étant «l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents ou des cultures permanentes».

32

Dans le litige au principal, il est constant que les surfaces en cause sont utilisées comme pâturages.

33

Toutefois, pour pouvoir être qualifiées de «pâturages permanents», et donc de «surfaces agricoles», au sens de l’article 2, sous h), du règlement no 73/2009, de telles surfaces doivent répondre à la définition figurant à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 et selon laquelle constituent des «pâturages permanents»«les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère». Cette disposition précise que, «à cette fin, on entend par ‘herbe et autres plantes fourragères herbacées’, toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux)».

34

S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si des surfaces formant la couche de couverture de décharges se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation peuvent être qualifiées de «terres», au sens de ladite disposition, il convient de relever que Mme Wree a soutenu dans ses observations écrites que les décharges en cause au principal sont recouvertes de plusieurs couches, au nombre desquelles figure une couche supérieure contenant des éléments présents dans le sol naturel, à savoir du sable et de l’argile.

35

À cet égard, et sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, si la couche de couverture végétalisée de ces décharges devait précisément avoir pour fonction d’être aussi proche que possible d’une surface naturelle couverte d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées, celle‑ci devrait être considérée comme étant une «terre», au sens du règlement no 73/2009.

36

Ensuite, s’agissant de la qualification des surfaces en cause de «pâturages permanents», au sens de l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, celle‑ci dépend de l’affectation effective des terres en question, une surface utilisée comme «pâturage permanent», au sens de cette disposition, devant être qualifiée d’«agricole» (voir, par analogie, arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, point 37).

37

Il s’ensuit que la circonstance, prévue dans le contrat de bail, que l’activité exercée par Mme Wree sur les surfaces en cause au principal a également pour objectif de prévenir, ou de limiter, l’embroussaillement de celles‑ci, et ce afin d’éviter une destruction de la couche de couverture des décharges, est dénuée de pertinence à cet égard.

38

De même, la circonstance, invoquée par le Landesamt, que lesdites surfaces soient soumises au régime de la gestion des déchets ne saurait, en tant que telle, faire obstacle à ce que celles‑ci soient qualifiées de «pâturages permanents», au sens de ladite disposition.

39

Il découle des considérations qui précèdent qu’une surface qui forme la couche de couverture d’une décharge se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation constitue une «surface agricole», au sens de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, dès lors qu’elle est effectivement utilisée en tant que pâturage permanent, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

40

En vue de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient d’ajouter que, pour être admissibles au bénéfice de l’aide, en application de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, les surfaces agricoles en cause au principal doivent être utilisées aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, être essentiellement utilisées à de telles fins.

41

À cet égard, l’article 9, premier alinéa, du règlement no 1120/2009 précise qu’une surface est considérée comme étant essentiellement utilisée à des fins agricoles si l’activité agricole peut être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

42

En l’occurrence, il est constant que Mme Wree fait paître ses troupeaux sur les surfaces constituées par la couche de couverture végétalisée de deux décharges. Cette activité, dans la mesure où elle consiste en l’élevage et en la détention d’animaux à des fins agricoles, constitue une «activité agricole», au sens de l’article 2, sous c), du règlement no 73/2009.

43

Il appartient également à la juridiction de renvoi de vérifier si une activité non agricole a été exercée sur les surfaces litigieuses et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles celle‑ci a été exercée, la simple possibilité, prévue de manière contractuelle ou légale, que des activités non agricoles soient exercées sur les surfaces concernées ne suffisant pas pour que ces dernières soient considérées comme ayant effectivement fait l’objet d’une utilisation pour de telles activités. Il s’ensuit que, en l’espèce, la circonstance que le bailleur soit, en vertu du contrat de bail, à tout moment en droit de pénétrer sur les surfaces en cause au principal et de faire procéder à leur inspection ne saurait préjuger de leur utilisation réelle.

44

Enfin, il convient de rappeler que, pour pouvoir être admissibles au bénéfice de l’aide, au sens de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, les surfaces agricoles en cause au principal doivent faire partie de l’exploitation de l’agriculteur concerné. À cet égard, la Cour a jugé que tel est le cas lorsque ce dernier dispose du pouvoir de gérer celles‑ci aux fins de l’exercice d’une activité agricole, c’est‑à‑dire lorsque ce dernier dispose, en ce qui concerne ces surfaces, d’une autonomie suffisante aux fins de l’exercice de son activité agricole (voir, par analogie, arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, points 58 et 62).

45

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens qu’une surface qui forme la couche de couverture d’une décharge se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation constitue une «surface agricole», au sens de cette disposition, dès lors qu’elle est effectivement utilisée en tant que pâturage permanent.

Sur les dépens

46

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

L’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003, doit être interprété en ce sens qu’une surface qui forme la couche de couverture d’une décharge se trouvant dans la phase de gestion après désaffectation constitue une «surface agricole», au sens de cette disposition, dès lors qu’elle est effectivement utilisée en tant que pâturage permanent.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.