ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

13 mai 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Licenciements collectifs — Directive 98/59/CE — Notion d’‘établissement’ — Modalités de calcul du nombre de travailleurs licenciés»

Dans l’affaire C‑392/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (Espagne), par décision du 9 juillet 2013, parvenue à la Cour le 9 juillet 2013, dans la procédure

Andrés Rabal Cañas

contre

Nexea Gestión Documental SA,

Fondo de Garantía Salarial,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas, E. Juhász (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2014,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. J. Enegren et R. Vidal Puig ainsi que par Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 février 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 225, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rabal Cañas à Nexea Gestión Documental SA (ci-après «Nexea») et au Fondo de Garantía Salarial au sujet du licenciement de M. Rabal Cañas, que ce dernier considère comme étant contraire aux dispositions de cette directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Il ressort du considérant 1 de la directive 98/59 que celle-ci a codifié la directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 48, p. 29).

4

En vertu du considérant 2 de la directive 98/59, il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré au sein de l’Union européenne.

5

Les considérants 3 et 4 de cette directive énoncent:

«(3)

considérant que, malgré une évolution convergente, des différences subsistent entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les modalités et la procédure des licenciements collectifs ainsi que les mesures susceptibles d’atténuer les conséquences de ces licenciements pour les travailleurs;

(4)

considérant que ces différences peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur».

6

Le considérant 7 de ladite directive souligne la nécessité de promouvoir le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs.

7

L’article 1er de la même directive, intitulé «Définitions et champ d’application», dispose:

«1.   Aux fins de l’application de la présente directive:

a)

on entend par ‘licenciements collectifs’: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres:

i)

soit, pour une période de trente jours:

au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs,

au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs;

ii)

soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés;

[...]

Pour le calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq.

2.   La présente directive ne s’applique pas:

a)

aux licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, sauf si ces licenciements interviennent avant le terme ou l’accomplissement de ces contrats;

[...]»

8

L’article 2 de la directive 98/59 dispose:

«1.   Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.

2.   Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés.

[...]

3.   Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations:

a)

de leur fournir tous renseignements utiles et

b)

de leur communiquer, en tout cas, par écrit:

i)

les motifs du projet de licenciement;

ii)

le nombre et les catégories des travailleurs à licencier;

iii)

le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés;

iv)

la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements;

v)

les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur;

vi)

la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement autre que celle découlant des législations et/ou pratiques nationales.

L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une copie des éléments de la communication écrite prévus au premier alinéa, points b) i) à v).

[...]»

9

L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.

[...]

La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs prévues à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements.»

10

L’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive est libellé comme suit:

«1.   Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis.

Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa.

2.   L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés.»

11

L’article 5 de la même directive dispose:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions conventionnelles plus favorables aux travailleurs.»

Le droit espagnol

12

En vertu de l’article 49, paragraphe 1, sous c), de la loi sur le statut des travailleurs (Ley del Estatuto de los Trabajadores), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le «ST»), le contrat de travail cesse par expiration du terme convenu ou accomplissement de l’ouvrage ou du service faisant l’objet du contrat.

13

L’article 51 du ST prévoit:

«1.   Aux fins des dispositions de la présente loi, on entend par licenciement collectif la cessation de contrats de travail pour des causes économiques, techniques ou relatives à l’organisation ou à la production lorsque, au cours d’une période de 90 jours, elle affecte au minimum:

a)

10 travailleurs dans les entreprises qui en emploient moins de 100;

b)

10 % du nombre des travailleurs dans les entreprises qui emploient entre 100 et 300 travailleurs;

c)

30 travailleurs dans les entreprises qui emploient plus de 300 travailleurs.

Les causes sont réputées économiques lorsque les résultats de l’entreprise révèlent une situation économique négative, dans des cas caractérisés par l’existence de pertes actuelles ou prévues ou par la diminution persistante du niveau des recettes ordinaires ou des ventes. En toute hypothèse, la diminution est réputée persistante si, pendant trois trimestres consécutifs, le niveau des recettes ordinaires ou des ventes de chaque trimestre est inférieur à celui enregistré au cours du même trimestre de l’année antérieure.

Les causes sont réputées techniques lorsque des changements interviennent, notamment, dans le domaine des moyens ou des outils de production; les causes sont réputées relatives à l’organisation lorsque des changements interviennent, notamment dans le domaine des systèmes et des méthodes de travail du personnel ou dans le mode d’organisation de la production et les causes sont réputées relatives à la production lorsque des changements interviennent notamment dans la demande des produits ou des services que l’entreprise entend placer sur le marché.

Est également considérée comme licenciement collectif la cessation des contrats de travail de la totalité du personnel de l’entreprise, à condition que le nombre de travailleurs affectés soit supérieur à cinq, lorsqu’elle résulte de la cessation totale de l’activité d’entreprise, pour les mêmes causes que celles signalées ci-dessus.

Pour le calcul du nombre de cessations de contrats auquel se réfère le premier alinéa du présent paragraphe, il faut également tenir compte de toutes les autres cessations intervenues au cours de la période de référence à l’initiative de l’entrepreneur pour d’autres motifs non inhérents à la personne du travailleur et distincts de ceux prévus à l’article 49, paragraphe 1, sous c), de la présente loi, pour autant que le nombre de travailleurs concernés est au moins égal à cinq.

Lorsque, au cours de périodes successives de 90 jours et en vue d’éluder les prescriptions du présent article, l’entreprise procède à des cessations de contrats au titre de l’article 52, sous c), de la présente loi en nombre inférieur aux seuils indiqués et sans qu’il y ait de cause nouvelle justifiant son action, ces cessations nouvelles sont réputées effectuées en fraude à la loi et seront déclarées nulles et de nul effet.

2.   Le licenciement collectif doit être précédé d’une période de consultations des représentants légaux des travailleurs pendant une durée maximale de 30 jours civils ou de 15 jours pour les entreprises de moins de 50 travailleurs. La consultation des représentants légaux des travailleurs devra porter, à tout le moins, sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs et d’en atténuer les conséquences par des mesures sociales d’accompagnement, comme des mesures de reclassement ou des actions de formation ou de recyclage professionnel pour améliorer l’employabilité.

L’entrepreneur communique l’ouverture de la période de consultation par écrit aux représentants légaux des travailleurs, avec copie à l’autorité de tutelle de l’emploi. Cette communication écrite contient les informations suivantes:

a)

la spécification des causes du licenciement collectif conformément au paragraphe 1;

La communication en question doit être accompagnée d’un mémoire explicatif des causes du licenciement collectif et des autres aspects visés à l’alinéa précédent [...]

[...]

Une fois écoulée la période de consultations, l’entrepreneur en communique le résultat à l’autorité de tutelle de l’emploi. Si un accord a été obtenu, il en transmet une copie intégrale. Dans le cas contraire, il remet aux représentants des travailleurs et à l’autorité de tutelle de l’emploi la décision finale de licenciement collectif qu’il a adoptée, avec les conditions de ce licenciement.

[...]»

Les faits au principal et les questions préjudicielles

14

M. Rabal Cañas travaillait, depuis le 14 janvier 2008, en tant qu’agent qualifié de Nexea, société qui faisait partie du groupe commercial Correos, dont la totalité du capital social appartenait à la Sociedad Estatal de Participaciones Industriales (SEPI). Cette dernière est une société publique commerciale relevant du Ministerio de Hacienda y Administraciones Públicas (ministère de l’Économie et des Administrations publiques), dont l’objectif est de gérer et de rentabiliser les participations à caractère commercial qui lui sont attribuées par le gouvernement.

15

Au mois de juillet 2012, Nexea détenait deux établissements, sis à Madrid et à Barcelone (Espagne), employant, respectivement, 164 et 20 personnes. Le 20 juillet 2012, cette entreprise a licencié 14 salariés de l’établissement de Madrid, en invoquant une baisse des chiffres d’affaires pendant trois trimestres consécutifs ainsi que les pertes subies durant l’année 2011 et celles prévues pour l’année 2012. Les recours juridictionnels visant à contester ces licenciements ont été rejetés.

16

Au mois d’août 2012, il a été mis fin à deux contrats de travail de salariés de l’établissement de Barcelone et, au mois de septembre 2012, à celui d’un salarié de l’établissement de Madrid.

17

Aux mois d’octobre et de novembre 2012, cinq autres cessations de contrats de travail sont intervenues, trois au sein de l’établissement de Madrid et deux autres au sein de celui de Barcelone, en raison de l’arrivée à échéance de contrats de travail à durée déterminée qui avaient été conclus pour faire face à un surcroît de production.

18

Le 20 décembre 2012, M. Rabal Cañas et 12 autres salariés de l’établissement de Barcelone ont été informés de leur licenciement pour des raisons économiques et relatives à la production ainsi qu’à l’organisation, obligeant Nexea à fermer ledit établissement et à transférer le reste du personnel concerné à Madrid. Les motifs invoqués étaient, en substance, les mêmes que ceux allégués lors des licenciements intervenus au cours du mois de juillet 2012.

19

M. Rabal Cañas a contesté son licenciement devant la juridiction de renvoi, en invoquant la nullité de celui-ci, au motif que Nexea aurait, de manière frauduleuse, éludé l’application de la procédure relative aux licenciements collectifs qui, en vertu de la directive 98/59, aurait un caractère obligatoire.

20

Le requérant au principal estime, d’une part, que Nexea aurait dû recourir à cette procédure, dès lors que la fermeture de l’établissement de Barcelone, qui avait entraîné, au mois de décembre 2012, 16 cessations de relations de travail, pouvait être considérée comme constituant un licenciement collectif, dès lors que cette fermeture et le licenciement de l’ensemble du personnel s’assimilaient à la fermeture de l’entreprise ou à la cessation de l’activité commerciale de celle-ci.

21

M. Rabal Cañas soutient, d’autre part, que, eu égard au fait qu’il convient de prendre en compte toutes les cessations de contrats de travail, en y incluant également celles de contrats de travail à durée déterminée, le seuil défini par la réglementation nationale transposant la directive 98/59, et au‑delà duquel la procédure relative au licenciement collectif est obligatoire, était atteint.

22

La juridiction de renvoi s’interroge, premièrement, sur la question de savoir si la notion de «licenciements collectifs», définie à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59, étant donné qu’elle inclut tous les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui restreint, ainsi que le fait la réglementation en cause au principal, la portée de cette notion aux cessations qui répondent à des causes économique, technique ou relatives à l’organisation ou à la production.

23

Deuxièmement, cette juridiction demande si l’article 1er de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins du calcul du nombre de licenciements nécessaires pour que la qualification de «licenciements collectifs» puisse être retenue, il convient de prendre en compte les cessations de relations de travail résultant de l’arrivée à leur terme de contrats de travail individuels.

24

Troisièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59, qui exclut du champ d’application de cette directive les licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, doit être interprété en ce sens que cette exception se définit exclusivement par le critère strictement quantitatif figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ladite directive ou si elle requiert que la cause de la cessation collective de la relation de travail découle d’un même cadre de recrutement collectif pour une même durée ou une même tâche.

25

Cette juridiction précise, en ce qui concerne ces trois questions, que, en fonction des réponses qui seront apportées à celles-ci, les 5 cessations de contrats de travail intervenues au cours des mois d’octobre et de novembre 2012, en raison du caractère temporaire de ces contrats, pourraient être ajoutées aux 13 licenciements effectués au mois de décembre 2012, parmi lesquels figure celui de M. Rabal Cañas. Il en résulterait un nombre total de cessations de contrats de travail égal à 18 au cours d’une période de 90 jours, ce nombre représentant plus de 10 % des effectifs, et, partant, une qualification de celles-ci de «licenciements collectifs».

26

Quatrièmement, la juridiction de renvoi demande des éclaircissements au sujet de la notion d’«établissement», figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59. En fait, si le seuil de 10 travailleurs était appliqué à l’établissement de Barcelone, les licenciements du requérant au principal et des 12 autres salariés concernés, intervenus à la même date, auraient dû être qualifiés de «licenciements collectifs».

27

À cet égard, cette juridiction ajoute que, selon la réglementation nationale en cause au principal, est également qualifiée de «licenciement collectif» la cessation des contrats de travail de la totalité du personnel de l’entreprise, à condition que le nombre de travailleurs concernés soit supérieur à 5, lorsqu’elle résulte de la cessation totale de l’activité de celle-ci. En revanche, selon ladite juridiction, cette réglementation nationale réserverait un traitement différent aux licenciements résultant de la fermeture d’un établissement d’une entreprise.

28

Par conséquent, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 1er, paragraphe 1, et 5 de la directive 98/59 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui rapporte le seuil numérique prévu exclusivement à l’ensemble de l’entreprise, à l’exclusion des situations dans lesquelles ce seuil aurait été dépassé si l’établissement avait été choisi comme unité de référence.

29

C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (juge du travail no 33 de Barcelone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

En tant qu’elle inclut dans son champ tous les ‘licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs’, avec le seuil numérique indiqué, la notion de ‘licenciements collectifs’ établie à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 98/59 doit-elle être interprétée – compte tenu de sa portée communautaire – en ce sens qu’elle empêche que ou s’oppose à ce que la norme d’intégration ou de transposition dans l’ordre juridique national restreigne le champ de cette notion à un type déterminé de cessations, à savoir celles qui répondent à des causes ‘économiques, technique ou relatives à l’organisation ou à la production’, comme le fait l’article 51, paragraphe 1, du ST?

2)

Aux fins de calculer le nombre de licenciements à prendre en compte pour retenir éventuellement la qualification de ‘licenciements collectifs’, selon les termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 – que ce soit sous la forme de ‘licenciements effectués par un employeur’ [article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a)] ou de ‘cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq’ (article 1er, paragraphe 1, second alinéa) –, faut-il tenir compte des cessations individuelles dues à l’arrivée à son terme du contrat à durée déterminée (conclu pour une durée, un ouvrage ou un service convenus à l’avance), telles que celles visées à l’article 49, paragraphe 1, sous c), du ST?

3)

La notion de ‘licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées’ employée à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59, dont cette directive permet d’écarter l’application, se définit-elle exclusivement par le critère strictement quantitatif prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ou requiert-elle en outre que la cause de la cessation collective découle d’un même cadre de recrutement collectif pour une même durée, un même service ou un même ouvrage?

4)

En tant que ‘notion de droit communautaire’ essentielle pour définir le ‘licenciement collectif’, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59, et, compte tenu du caractère de norme minimale de cette directive, établi à l’article 5 de celle-ci, la notion d’‘établissement’ admet-elle une interprétation permettant que la norme de transposition ou d’intégration dans la réglementation interne de l’État membre – l’article 51, paragraphe 1, du ST dans le cas du Royaume d’Espagne – rapporte le champ du calcul du seuil numérique exclusivement à l’ensemble de l’‘entreprise’, à l’exclusion des situations où le seuil numérique prévu à cette disposition aurait été dépassé si l’on avait pris l’‘établissement’ comme unité de référence?»

La procédure devant la Cour

30

La juridiction de renvoi a demandé à la Cour, dans sa décision, de soumettre l’affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cette demande a été rejetée par l’ordonnance du président de la Cour Rabal Cañas (C‑392/13, EU:C:2013:877).

31

Par une lettre du 10 février 2015, la juridiction de renvoi a communiqué à la Cour ses observations sur les conclusions de M. l’avocat général, présentées le 5 février 2015. Estimant que M. l’avocat général avait omis de proposer une réponse à la quatrième question, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour d’inviter M. l’avocat général à compléter ses conclusions ou, à titre subsidiaire, d’admettre ses observations en tant qu’éclaircissements au titre de l’article 101 du règlement de procédure.

32

À cet égard, il y a lieu de constater que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité, pour les parties ou pour la juridiction de renvoi, de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. En outre, selon l’article 101 du règlement de procédure, seule la Cour dispose de la possibilité de demander des éclaircissements à la juridiction de renvoi.

Sur les questions préjudicielles

Sur la quatrième question

33

La Cour considère qu’il est nécessaire d’examiner la quatrième question en premier lieu.

34

Le gouvernement espagnol estime que cette quatrième question est irrecevable, étant donné que, en l’occurrence, la directive 98/59 n’est pas applicable.

35

Ce gouvernement fait valoir que les critères prévus par cette directive ne permettent pas de constater, dans l’affaire au principal, l’existence d’un cas de licenciement collectif. Il rappelle que la directive 98/59 définit son champ d’application à son article 1er, en mentionnant, au paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), de cet article, uniquement les établissements employant habituellement plus de 20 personnes ou, au paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), dudit article, les cas dans lesquels les licenciements concernent au moins 20 personnes. Étant donné que l’établissement de Barcelone n’atteint aucun de ces seuils, cette question est, selon ledit gouvernement, hypothétique.

36

Or, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 30 et jurisprudence citée).

37

Le gouvernement espagnol estime avoir utilisé la faculté accordée à l’article 5 de la directive 98/59 en introduisant des dispositions législatives destinées à être plus favorables aux travailleurs. Il a, notamment, déterminé comme unité de référence non pas l’établissement, mais l’entreprise. Le calcul des seuils au niveau de l’entreprise pouvant faire obstacle à l’application de la procédure d’information et de consultation prévue par cette directive aux licenciements en cause au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la réglementation nationale concernée est conforme à ladite directive.

38

Dans ces conditions, la question posée ne peut être considérée comme hypothétique.

39

Par conséquent, la quatrième question doit être considérée comme recevable.

40

Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui définit la notion de «licenciements collectifs» en utilisant comme seule unité de référence l’entreprise et non l’établissement.

41

La réponse à cette question exige tout d’abord que soit précisée la notion d’«établissement».

42

D’emblée, il convient de constater, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la notion d’«établissement», qui n’est pas définie par la directive 98/59, constitue une notion du droit de l’Union et ne peut se définir par référence aux législations des États membres (voir, en ce sens, arrêt Rockfon, C‑449/93, EU:C:1995:420, point 25). Elle doit, à ce titre, recevoir une interprétation autonome et uniforme dans l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Chartopoiïa, C‑270/05, EU:C:2007:101, point 23).

43

La Cour a déjà interprété la notion d’«établissement» ou d’«établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59.

44

Au point 31 de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420), la Cour, en se référant au point 15 de l’arrêt Botzen e.a., (186/83, EU:C:1985:58), a observé que la relation de travail est essentiellement caractérisée par le lien qui existe entre le travailleur et la partie de l’entreprise à laquelle il est affecté pour exercer sa tâche. La Cour a dès lors décidé, au point 32 de l’arrêt Rockfon (C‑449/93, EU:C:1995:420), qu’il y a lieu d’interpréter la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 comme désignant, selon les circonstances, l’unité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche. Le fait que l’unité en cause dispose d’une direction pouvant effectuer de manière indépendante des licenciements collectifs n’est pas essentiel à la définition de la notion d’«établissement».

45

Dans l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C‑270/05, EU:C:2007:101), la Cour a apporté des précisions supplémentaires à la notion d’«établissement», notamment en jugeant, au point 27 de cet arrêt, que, aux fins de l’application de la directive 98/59, peut notamment constituer un «établissement», dans le cadre d’une entreprise, une entité distincte, présentant une certaine permanence et stabilité, qui est affectée à l’exécution d’une ou de plusieurs tâches déterminées et qui dispose d’un ensemble de travailleurs ainsi que de moyens techniques et d’une certaine structure organisationnelle permettant l’accomplissement de ces tâches.

46

Par l’emploi des termes «entité distincte» et «dans le cadre d’une entreprise», la Cour a précisé que les notions d’«entreprise» et d’«établissement» sont différentes et que l’établissement constitue normalement une partie d’une entreprise. Cela n’exclut cependant pas que, dans le cas où l’entreprise ne dispose pas de plusieurs unités distinctes, l’établissement et l’entreprise puissent coïncider.

47

Au point 28 de l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C‑270/05, EU:C:2007:101), la Cour a considéré, que la directive 98/59 visant les effets socio‑économiques que des licenciements collectifs seraient susceptibles de provoquer dans un contexte local et un environnement social déterminés, l’entité en cause ne doit pas nécessairement être dotée d’une autonomie juridique quelconque ni d’une autonomie économique, financière, administrative ou technologique pour pouvoir être qualifiée d’«établissement».

48

De plus, la Cour a jugé, dans les arrêts Lyttle e.a. (C‑182/13, EU:C:2015:0000, point 35) ainsi que USDAW et Wilson (C‑80/14, EU:C:2015:291, point 54), que la signification des termes «établissement» ou «établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), de la directive 98/59 est la même que celle des termes «établissement» ou «établissements» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de cette directive.

49

Par conséquent, lorsqu’une «entreprise» comprend plusieurs entités répondant aux critères précisés aux points 44, 45 et 47 du présent arrêt, c’est l’entité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche qui constitue l’«établissement», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59, et dont il y a lieu de prendre en considération le nombre de licenciements effectués séparément de ceux intervenus dans les autres établissements de cette même entreprise (voir, en ce sens, arrêts Lyttle e.a., C‑182/13, EU:C:2015:0000, point 33, ainsi que USDAW et Wilson, C‑80/14, EU:C:2015:291, point 52).

50

En l’occurrence, il ressort des observations soumises par le gouvernement espagnol, et qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, que, au moment du licenciement en cause au principal, Nexea exerçait une activité commerciale consistant à fournir des services de courrier hybride dans deux établissements, sis à Madrid et à Barcelone. Si ces deux établissements disposaient d’un seul responsable de production, d’une comptabilité et d’une gestion budgétaire communes et exerçaient des fonctions essentiellement identiques, à savoir l’impression, le traitement et la mise sous pli du courrier, l’établissement de Barcelone disposait cependant d’un chef d’établissement, mis à la disposition de celui-ci par l’établissement de Madrid et chargé de la coordination des tâches sur place. L’établissement de Barcelone avait été ouvert aux fins d’augmenter la capacité de Nexea à traiter le courrier de ses clients et, notamment, en vue du traitement des commandes des clients locaux de l’entreprise.

51

Partant, l’établissement de Barcelone est susceptible de répondre aux critères énoncés par la jurisprudence citée aux points 44, 45 et 47 du présent arrêt, relative à la notion d’«établissement» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59.

52

Le remplacement de la notion d’«établissement» par celle d’«entreprise» ne peut être considéré comme favorable aux travailleurs qu’à la condition que cet élément soit additionnel et n’implique pas l’abandon ou la réduction de la protection accordée aux travailleurs dans le cas où, en prenant en compte la notion d’établissement, le nombre de licenciements requis à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59, aux fins de la qualification de «licenciements collectifs», est atteint.

53

Ainsi, plus spécifiquement, une réglementation nationale ne pourrait être considérée comme conforme à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), de la directive 98/59 que si elle prévoyait l’application des obligations d’information et de consultation résultant des articles 2 à 4 de celle-ci, à tout le moins, en cas de licenciement de 10 travailleurs dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs. Cette obligation est indépendante des exigences additionnelles, résultant du droit national, imposées aux entreprises employant habituellement moins de 100 travailleurs.

54

Par conséquent, méconnaît l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 une réglementation nationale qui introduit, comme seule unité de référence, l’entreprise et non l’établissement, lorsque l’application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d’information et de consultation prévue aux articles 2 à 4 de cette directive, alors que, si l’établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de «licenciements collectifs», au regard de la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ladite directive.

55

En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les licenciements en cause au principal n’atteignaient pas le seuil prévu à l’article 51, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du ST, au niveau de l’entreprise, englobant les deux établissements de Nexea sis à Madrid et à Barcelone. Ce dernier établissement n’employant pas, au cours de la période concernée, plus de 20 travailleurs, il apparaît que ni le seuil prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i), premier tiret, de la directive 98/59, non plus qu’un autre seuil prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de cette directive n’a été atteint.

56

Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la directive 98/59 n’exige pas l’application de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de celle-ci à une situation où tous les éléments d’un seuil d’application prévu par cette disposition ne sont pas remplis.

57

Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui introduit, comme seule unité de référence, l’entreprise et non l’établissement, lorsque l’application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d’information et de consultation prévue aux articles 2 à 4 de cette directive, alors que, si l’établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de «licenciements collectifs», au regard de la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ladite directive.

Sur la première question

58

Étant donné que l’examen de la quatrième question a révélé que, en l’occurrence, la directive 98/59 ne s’applique pas, il n’est pas nécessaire de répondre à la première question.

Sur la deuxième question

59

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins de constater que des licenciements collectifs, au sens de cette disposition, ont été effectués, il y a lieu également de tenir compte des cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, dans le cas où ces cessations interviennent à la date d’échéance du contrat de travail ou à la date à laquelle cette tâche a été accomplie.

60

La juridiction de renvoi se réfère à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59, selon lequel cette directive ne s’applique pas aux licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, sauf si ces licenciements interviennent avant le terme ou l’accomplissement de ces contrats. Elle suggère que, en utilisant les termes «licenciements collectifs» figurant à cette disposition, le législateur de l’Union a laissé, a contrario, ouverte la possibilité d’inclure, dans la notion de «licenciements collectifs», figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de cette directive, les cessations individuelles de contrats.

61

S’il est vrai que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59 concerne uniquement des licenciements collectifs, à savoir ceux dont le nombre atteint un seuil déterminé, il n’est pas possible d’en déduire, a contrario, que les cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées ne seraient pas exclues non plus du champ d’application de cette directive.

62

Néanmoins, cette exclusion du champ d’application de la directive 98/59 des cessations individuelles de contrats conclus pour une durée ou une tâche déterminées ressort clairement du texte et de l’économie de cette directive.

63

En effet, de tels contrats cessent non pas à l’initiative de l’employeur, mais en vertu des clauses qu’ils contiennent ou en vertu de la loi applicable, à la date à laquelle ils arrivent à échéance ou à celle où la tâche pour laquelle ils ont été conclus a été accomplie. Dès lors, il serait vain de suivre les procédures prévues aux articles 2 à 4 de la directive 98/59. En particulier, l’objectif consistant à éviter les licenciements ou à réduire leur nombre et à rechercher des possibilités d’en atténuer les conséquences ne pourrait en aucune manière être atteint en ce qui concerne les licenciements résultant de ces cessations de contrats.

64

Par ailleurs, l’interprétation évoquée au point 60, deuxième phrase, du présent arrêt conduirait à un résultat paradoxal en vertu duquel les licenciements collectifs résultant de cessations de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, et intervenant à l’occasion du terme ou de l’accomplissement de ces contrats, seraient exclues du champ d’application de la directive 98/59, alors que de telles cessations, considérées de manière individuelle, ne le seraient pas.

65

Cependant, la juridiction de renvoi fait valoir qu’une intégration dans le champ d’application de cette directive des cessations individuelles de contrats conclus pour une durée ou une tâche déterminées serait utile aux fins de procéder au contrôle de la justification de celles-ci.

66

À cet égard, comme le souligne la Commission européenne, si la directive 98/59 n’a pas pour objet un tel contrôle, il existe, à cette fin, des textes spécifiques, tels que, notamment, les directives 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (JO L 80, p. 29), et 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

67

Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins de constater que des «licenciements collectifs», au sens de cette disposition, ont été effectués, il n’y a pas lieu de tenir compte des cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, dans le cas où ces cessations interviennent à la date d’échéance du contrat ou à la date à laquelle cette tâche a été accomplie.

Sur la troisième question

68

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, pour constater l’existence de licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, il est nécessaire que la cause de tels licenciements collectifs découle d’un même cadre de recrutement collectif pour une même durée ou une même tâche.

69

Il convient de constater que la notion de «licenciements collectifs», ainsi qu’il ressort des termes introductifs de l’article 1er de la directive 98/59, est définie aux fins de l’application de cette directive prise dans son ensemble, y compris aux fins de l’application de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de celle-ci. Ainsi, l’interprétation sollicitée de cette dernière disposition serait susceptible de limiter également le champ d’application de la directive 98/59.

70

Or, à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59, le législateur n’a utilisé qu’un seul critère qualitatif, à savoir celui selon lequel la cause du licenciement doit être «non inhérente à la personne des travailleurs». Il n’a pas prévu d’autres exigences en ce qui concerne tant la naissance de la relation de travail que la cessation de cette relation. En limitant le champ d’application de cette directive, de telles exigences seraient susceptibles de porter atteinte à l’objectif de ladite directive consistant, ainsi qu’il ressort du considérant 2 de cette dernière, à protéger les travailleurs en cas de licenciements collectifs.

71

Partant, des exigences telles que celles mentionnées dans la troisième question ne sauraient être considérées comme justifiées aux fins de l’application de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59.

72

Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question que l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, pour constater l’existence de licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, il n’est pas nécessaire que la cause de tels licenciements collectifs découle d’un même cadre de recrutement collectif pour une même durée ou une même tâche.

Sur les dépens

73

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui introduit, comme seule unité de référence, l’entreprise et non l’établissement, lorsque l’application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d’information et de consultation prévue aux articles 2 à 4 de cette directive, alors que, si l’établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de «licenciements collectifs», au regard de la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de ladite directive.

 

2)

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins de constater que des «licenciements collectifs», au sens de cette disposition, ont été effectués, il n’y a pas lieu de tenir compte des cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, dans le cas où ces cessations interviennent à la date d’échéance du contrat ou à la date à laquelle cette tâche a été accomplie.

 

3)

L’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, pour constater l’existence de licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, il n’est pas nécessaire que la cause de tels licenciements collectifs découle d’un même cadre de recrutement collectif pour une même durée ou une même tâche.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.