ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 octobre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Sécurité sociale — Règlement (CEE) no 1408/71 — Article 22, paragraphe 2, second alinéa — Assurance maladie — Soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre — Refus d’autorisation préalable — Défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité»

Dans l’affaire C‑268/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 7 mai 2013, parvenue à la Cour le 16 mai 2013, dans la procédure

Elena Petru

contre

Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu,

Casa Națională de Asigurări de Sănătate,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mars 2014,

considérant les observations présentées:

pour Mme Petru, par Me R. Giura, avocat,

pour la Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu et la Casa Națională de Asigurări de Sănătate, par MM. F. Cioloboc et C. Fechete ainsi que par Mme L. Bogdan, en qualité d’agents,

pour le gouvernement roumain, par Mmes R.‑I. Hațieganu et A.‑L. Crișan ainsi que par M. R.‑H. Radu, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Beeko, en qualité d’agent, assistée de Mme M. Gray, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme C. Gheorghiu et M. D. Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008 (JO L 177, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Petru à la Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu (caisse départementale d’assurance maladie de Sibiu) ainsi qu’à la Casa Națională de Asigurări de Sănătate (caisse nationale d’assurance maladie) au sujet de soins hospitaliers dispensés en Allemagne dont elle demande le remboursement à titre de dommages et intérêts.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le règlement no 1408/71 dispose à son article 22, intitulé «Séjour hors de l’État compétent – Retour ou transfert de résidence dans un autre État membre au cours d’une maladie ou d’une maternité – Nécessité de se rendre dans un autre État membre pour recevoir des soins appropriés»:

«1.   Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et:

[...]

c)

qui est autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,

a droit:

i)

aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour [...], selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’il y était affilié, la durée de service des prestations étant toutefois régie par la législation de l’État compétent;

[...]

2.   [...]

L’autorisation requise au titre du paragraphe 1 point c) ne peut pas être refusée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et si ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence.

3.   Les paragraphes 1 [...] et 2 sont applicables par analogie aux membres de la famille d’un travailleur salarié ou non salarié.

[...]»

4

Sur la base de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO L 74, p. 1), la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, visée à l’article 80 du règlement no 1408/71, a adopté un modèle pour le certificat nécessaire à l’application de l’article 22, paragraphe 1, sous c), i), de ce dernier règlement, à savoir le formulaire E 112.

Le droit roumain

5

L’article 208, paragraphe 3, de la loi no 95/2006 relative à la réforme du système de santé (Legea nr. 95/2006 privind reforma în domeniul sănătății, Monitorul Oficial al României, partie I, no 372, du 28 avril 2006) prévoit:

«L’assurance maladie est obligatoire et fonctionne comme un système unitaire, les objectifs prévus au paragraphe 2 étant remplis conformément aux principes suivants:

a)

le libre choix par les assurés de leur caisse d’assurances;

b)

la solidarité et la subsidiarité dans la constitution et l’utilisation des fonds;

c)

le libre choix par les assurés de leurs fournisseurs de prestations médicales, de médicaments et de dispositifs médicaux, dans les conditions prévues par la présente loi et par le contrat-cadre;

d)

la décentralisation et l’autonomie de direction et de gestion;

e)

la participation obligatoire au paiement des cotisations au bénéfice du Fonds national unique d’assurance maladie;

f)

la participation des assurés, de l’État et des employeurs à la gestion du Fonds national unique d’assurance maladie;

g)

le droit de tout assuré de bénéficier d’un ensemble de prestations médicales de base, de manière équitable et non discriminatoire;

h)

la transparence de l’activité du système d’assurance maladie;

i)

la libre concurrence entre les fournisseurs concluant des contrats avec les caisses d’assurance maladie.»

6

Aux termes de l’article 40, paragraphe 1, sous b), de l’annexe de l’arrêté no 592/2008 du président de la caisse nationale d’assurance maladie (Ordinul președintelui Casei Naționale de Asigurări de Sănătate nr. 592/2008), du 26 août 2008, portant approbation des modalités d’utilisation, dans le cadre du régime d’assurance maladie roumain, des formulaires délivrés en application du règlement no 1408/71 ainsi que du règlement no 574/72 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 648, du 11 septembre 2008), tel que modifié par l’arrêté no 575/2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 312, du 12 mai 2009, et rectificatif publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 461, du 3 juillet 2009):

«Le formulaire E 112 est destiné aux travailleurs salariés ou non-salariés et aux membres de leur famille autorisés par l’institution compétente à se rendre dans un autre État membre afin de recevoir des soins médicaux.»

7

L’article 40, paragraphe 3, de cet arrêté prévoit:

«La délivrance du formulaire E 112 dans le cas prévu au paragraphe 1, sous b), ne peut être refusée par l’institution compétente lorsque les soins en cause figurent parmi les prestations accordées sur le fondement de la législation de l’État membre sur le territoire duquel la personne concernée réside et que ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans l’État membre de résidence dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit.»

8

L’article 8, paragraphe 1, de l’annexe de l’arrêté no 729/2009 de la caisse nationale d’assurance maladie portant approbation des modalités de remboursement et de récupération des frais de soins de santé dispensés sur la base des instruments internationaux en matière de santé auxquels la Roumanie est partie (Ordinul nr. 729/2009 al Casei Naționale a Asigurărilor de Sănătate pentru aprobarea Normelor metodologice privind rambursarea şi recuperarea cheltuielilor reprezentând asistența medicală acordată în baza documentelor internaționale cu prevederi în domeniul sănătății la care România este parte), du 17 juillet 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 545, du 5 août 2009), dispose:

«Si un assuré relevant du régime d’assurance maladie roumain se rend dans un État membre de l’Union européenne pour y recevoir un traitement médical sans autorisation préalable de la caisse d’assurance maladie auprès de laquelle il est inscrit en tant qu’assuré, il doit supporter le coût des prestations médicales fournies.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Il ressort de la décision de renvoi que Mme Petru souffre depuis plusieurs années d’affections vasculaires graves. Elle a eu, au cours de l’année 2007, un infarctus du myocarde à la suite duquel elle a subi une intervention chirurgicale. Au cours de l’année 2009, son état de santé s’étant détérioré, elle a été hospitalisée à l’Institutul de Boli Cardiovasculare (institut des maladies cardiovasculaires) de Timișoara (Roumanie). Les examens médicaux qu’elle y a subis ont conduit à la décision de procéder à une opération à cœur ouvert pour remplacer la valve mitrale et implanter deux endoprothèses vasculaires.

10

Estimant que les conditions matérielles de cet établissement hospitalier étaient insatisfaisantes pour subir une telle intervention chirurgicale, Mme Petru a décidé de se rendre dans une clinique en Allemagne, où cette intervention a été effectuée. Le coût de cette dernière et les frais d’hospitalisation post-opératoire se sont élevés à la somme totale de 17 714,70 euros.

11

Avant de se rendre en Allemagne, Mme Petru avait sollicité de la Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu la prise en charge de cette intervention au moyen du formulaire E 112. Sa demande, enregistrée le 2 mars 2009, a été rejetée au motif qu’il ne ressortait pas du rapport du médecin traitant que la prestation demandée, qui fait partie des prestations de base, ne pouvait être effectuée dans une structure médicale en Roumanie, et ce dans un délai raisonnable au regard de son état de santé courant et de l’évolution de sa maladie.

12

Le 2 novembre 2011, Mme Petru a introduit une action civile aux fins d’obtenir la condamnation de la Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu et de la Casa Națională de Asigurări de Sănătate à lui verser la contrevaleur en lei roumains de la somme de 17 714,70 euros à titre de dommages et intérêts. Elle a fait valoir, au soutien de cette demande, que les conditions d’hospitalisation à l’Institutul de Boli Cardiovasculare de Timișoara étaient particulièrement insatisfaisantes, les médicaments et les fournitures médicales de première nécessité faisant défaut et le nombre de lits étant insuffisant, et que c’est en raison de la complexité de l’intervention envisagée ainsi que de ces mauvaises conditions qu’elle a décidé de quitter cet établissement et de se rendre dans une clinique en Allemagne.

13

La juridiction de première instance ayant rejeté son recours par jugement du 5 octobre 2012, Mme Petru a formé un pourvoi contre celui-ci devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu).

14

À l’appui de ce pourvoi, Mme Petru invoque l’article 208, paragraphe 3, de la loi no 95/2006, l’article 22, paragraphes 1, sous c), et 2, second alinéa, du règlement no 1408/71 ainsi que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

15

Les défenderesses au principal concluent au rejet de ce pourvoi en faisant valoir que Mme Petru ne remplissait pas les conditions requises pour la délivrance du formulaire E 112, n’ayant pas rapporté la preuve de l’impossibilité de bénéficier en Roumanie de la prestation médicale en cause dans un délai raisonnable. Elles invoquent les dispositions des règlements nos 1408/71 et 574/72, de la loi no 95/2006 et de l’arrêté no 592/2008, tel que modifié par l’arrêté no 575/2009, ainsi que l’article 8 de l’arrêté no 729/2009.

16

La juridiction de renvoi expose que les parties au principal divergent quant à l’interprétation des dispositions nationales et du droit de l’Union applicables au litige dont elle est saisie et que la solution de celui-ci dépend de l’interprétation à faire de l’article 22 du règlement no 1408/71.

17

C’est dans ces conditions que le Tribunalul Sibiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’impossibilité de dispenser des soins [à un assuré] sur le territoire de l’État où il réside, au sens de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du [règlement no 1408/71], doit-elle être interprétée d’une manière absolue ou [d’une manière] raisonnable? Autrement dit, une situation dans laquelle une intervention chirurgicale peut être effectuée dans l’État de résidence en temps utile et de manière satisfaisante sur le plan technique, puisque les spécialistes requis, disposant même d’un niveau équivalent de connaissances scientifiques, existent, mais dans laquelle les médicaments et les fournitures médicales de première nécessité font défaut, équivaut-elle à une situation dans laquelle les soins médicaux nécessaires ne peuvent pas être dispensés au sens des dispositions de cet article?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

18

Le gouvernement roumain, rappelant qu’il incombe à la juridiction nationale de définir, dans sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel dans lequel s’insèrent les questions qu’elle pose à la Cour, fait observer que, en l’occurrence, la juridiction de renvoi n’a pas exposé les faits du litige au principal tels qu’ils sont établis par les éléments de preuve produits devant elle, mais a simplement repris les affirmations des parties. Or, selon la Casa Județeană de Asigurări de Sănătate Sibiu et la Casa Națională de Asigurări de Sănătate, les faits allégués par Mme Petru concernant le défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité, qui sous-tendent la question posée, sont démentis par ces éléments de preuve, de sorte que cette question ne présente aucune utilité pour la solution dudit litige.

19

Le gouvernement roumain relève, en outre, que la juridiction de renvoi n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle considère qu’une réponse à sa question est nécessaire à la solution du litige au principal.

20

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêts Geistbeck, C‑509/10, EU:C:2012:416, point 47, et Impacto Azul, C‑186/12, EU:C:2013:412, point 26).

21

Dans le cadre de cette coopération, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 59, et Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, EU:C:2006:784, point 16).

22

Pour permettre à la Cour de fournir une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national, l’article 94 du règlement de procédure de la Cour prévoit que la demande de décision préjudicielle doit contenir, notamment, un exposé sommaire de l’objet du litige au principal, ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi, ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées, de même qu’un exposé des raisons qui ont conduit ladite juridiction à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal.

23

Les questions portant sur le droit de l’Union bénéficiant d’une présomption de pertinence, le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts Cipolla e.a., C‑94/04 et C‑202/04, EU:C:2006:758, point 25, ainsi que Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 32).

24

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

25

En effet, d’une part, quant aux faits du litige au principal, la décision de renvoi contient, sous le titre «La requête introductive d’instance», l’exposé des allégations de Mme Petru et, sous le titre «Les faits», celui des éléments factuels résumés aux points 9 à 11 du présent arrêt. Si la juridiction de renvoi ne se prononce pas dans cette décision sur les preuves produites par les parties pour établir ou réfuter ces allégations et, partant, ne constate pas, à ce stade de la procédure, le défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité sous-tendant la question préjudicielle, elle expose ainsi, à tout le moins, les données factuelles sur lesquelles cette question est fondée.

26

D’autre part, s’agissant des raisons ayant conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation de l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1408/71, il ressort de la décision de renvoi que, les parties au litige au principal divergeant sur l’interprétation de cette disposition, ladite juridiction s’interroge sur la question de savoir si celle-ci s’applique lorsque l’impossibilité de dispenser les soins dont il s’agit dans l’État membre de résidence résulte d’un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité et qu’elle estime que la solution qui sera donnée au litige au principal dépend de la réponse à apporter à cette question.

27

Ainsi, l’interprétation sollicitée n’est pas manifestement dépourvue de tout rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal et le problème soulevé n’est pas hypothétique, mais se rapporte aux faits discutés par les parties au principal qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer. En outre, la Cour dispose des éléments nécessaires pour répondre utilement à la question posée.

28

Il s’ensuit que cette dernière est recevable.

Sur le fond

29

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que l’autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée lorsque c’est en raison d’un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité que les soins hospitaliers dont il s’agit ne peuvent être dispensés en temps opportun dans l’État membre de résidence de l’assuré social.

30

Il convient de rappeler que l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1408/71 énonce deux conditions dont la réunion rend obligatoire la délivrance, par l’institution compétente, de l’autorisation préalable sollicitée sur le fondement du paragraphe 1, sous c), i), du même article. La première condition exige que les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social. La seconde condition requiert que les soins que ce dernier envisage de recevoir dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel il réside ne puissent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution de sa maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence (voir, en ce sens, arrêt Elchinov, C‑173/09, EU:C:2010:581, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).

31

S’agissant de cette seconde condition, sur laquelle porte en l’espèce la question préjudicielle, la Cour a déjà jugé que l’autorisation requise ne peut être refusée lorsqu’un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité ne peut être obtenu en temps opportun dans l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts Inizan, C‑56/01, EU:C:2003:578, points 45 et 60; Watts, C‑372/04, EU:C:2006:325, point 61, ainsi que Elchinov, EU:C:2010:581, point 65).

32

À cet égard, la Cour a précisé que, aux fins d’apprécier si un traitement présentant le même degré d’efficacité peut être obtenu en temps utile dans l’État membre de résidence, l’institution compétente est tenue de prendre en considération l’ensemble des circonstances caractérisant chaque cas concret, en tenant dûment compte non seulement de la situation médicale du patient au moment où l’autorisation est sollicitée et, le cas échéant, du degré de douleur ou de la nature du handicap de ce dernier, qui pourrait, par exemple, rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice d’une activité professionnelle, mais également de ses antécédents (arrêts Inizan, EU:C:2003:578, point 46; Watts, EU:C:2006:325, point 62, et Elchinov, EU:C:2010:581, point 66).

33

Parmi cet ensemble de circonstances que l’institution compétente est tenue de prendre en considération peut se trouver dans un cas concret un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité, tel que celui allégué dans l’affaire au principal. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 25 de ses conclusions, l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1408/71 ne fait pas de distinction selon les différentes raisons pour lesquelles une prestation médicale déterminée ne peut être fournie en temps opportun. Or, un tel défaut de médicaments et de fournitures médicales peut à l’évidence, comme l’absence d’équipements spécifiques ou de compétences spécialisées, rendre impossible la délivrance de soins identiques ou présentant le même degré d’efficacité en temps opportun dans l’État membre de résidence.

34

Cependant, ainsi que l’ont fait valoir les gouvernements roumain et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne, il découle de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt que cette impossibilité doit être appréciée, d’une part, au niveau de l’ensemble des établissements hospitaliers de l’État membre de résidence aptes à dispenser les soins dont il s’agit et, d’autre part, au regard du laps de temps au cours duquel ces derniers peuvent être obtenus en temps opportun.

35

En ce qui concerne l’affaire au principal, le gouvernement roumain observe que Mme Petru avait le droit de s’adresser à tout autre établissement de soins en Roumanie disposant de l’équipement nécessaire pour réaliser l’intervention dont elle avait besoin. Il relève également, de même que les défenderesses au principal, que le rapport du médecin traitant indiquait que cette intervention devait être effectuée dans un délai de trois mois. Dès lors, si les faits allégués par Mme Petru concernant le défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité à l’Institutul de Boli Cardiovasculare de Timișoara sont établis, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si cette intervention n’aurait pas pu être réalisée dans ce délai dans un autre établissement hospitalier en Roumanie.

36

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que l’autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée lorsque c’est en raison d’un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité que les soins hospitaliers dont il s’agit ne peuvent être dispensés en temps opportun dans l’État membre de résidence de l’assuré social. Cette impossibilité doit être appréciée au niveau de l’ensemble des établissements hospitaliers de cet État membre aptes à dispenser lesdits soins et au regard du laps de temps au cours duquel ces derniers peuvent être obtenus en temps opportun.

Sur les dépens

37

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

L’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, doit être interprété en ce sens que l’autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée lorsque c’est en raison d’un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité que les soins hospitaliers dont il s’agit ne peuvent être dispensés en temps opportun dans l’État membre de résidence de l’assuré social. Cette impossibilité doit être appréciée au niveau de l’ensemble des établissements hospitaliers de cet État membre aptes à dispenser lesdits soins et au regard du laps de temps au cours duquel ces derniers peuvent être obtenus en temps opportun.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le roumain.