ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

13 mars 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 1999/70/CE — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Clause 4 — Notion de ‘conditions d’emploi’ — Délai de préavis de résiliation d’un contrat de travail à durée déterminée — Différence de traitement avec les travailleurs à durée indéterminée»

Dans l’affaire C‑38/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy w Białymstoku (Pologne), par décision du 14 janvier 2013, parvenue à la Cour le 25 janvier 2013, dans la procédure

Małgorzata Nierodzik

contre

Samodzielny Publiczny Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej im. dr Stanisława Deresza w Choroszczy,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Hornung et M. D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 1 et 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci‑après l’«accord-cadre»), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), ainsi que de l’article 1er de cette directive.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Nierodzik, infirmière assistante, à son ancien employeur, le Samodzielny Publiczny Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej im. dr Stanisława Deresza w Choroszczy (hôpital psychiatrique public et autonome, docteur Stanisław Deresz de Choroszcz, ci‑après le «Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej»), au sujet de la résiliation du contrat de travail à durée déterminée qui la liait à ce dernier.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Il ressort du considérant 14 de la directive 1999/70, fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE, que les parties signataires de l’accord-cadre ont souhaité, par la conclusion d’un tel accord, améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination et établir un cadre pour prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats à durée déterminée successifs.

4

Aux termes de l’article 1er de cette directive, celle-ci vise «à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

5

Le troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre est libellé comme suit:

«Le présent accord énonce les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, reconnaissant que leur application détaillée doit prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles, et saisonnières. Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination et pour l’utilisation de contrats à travail à durée déterminée sur une base acceptable pour les employeurs et les travailleurs.»

6

Conformément à la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet «d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination».

7

La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée «Champ d’application», énonce à son point 1:

«Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

8

La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée «Définitions», dispose:

«Aux termes du présent accord, on entend par:

1.

‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

2.

‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.»

9

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination», prévoit à son point 1:

«Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.»

Le droit polonais

10

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en application de l’article 32, paragraphe 1, de la loi instituant un code du travail (Ustawa –Kodeks pracy), du 26 juin 1974 (Dz. U. de 1998, no 21, position 94, ci‑après le «code du travail»), chacune des parties peut mettre fin, moyennant préavis, à un contrat de travail conclu pour une période d’essai ou pour une durée indéterminée. En vertu de l’article 32, paragraphe 2, du code du travail, le contrat de travail prend fin à l’expiration d’un délai de préavis.

11

L’article 33 de ce code, qui concerne le délai de préavis applicable aux contrats à durée déterminée, prévoit:

«Lors de la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, les parties peuvent prévoir la faculté de résilier le contrat avant son échéance moyennant un préavis de deux semaines.»

12

Aux termes de l’article 36, paragraphe 1, dudit code, «[l]e délai de préavis dont est assorti un contrat de travail à durée indéterminée dépend du temps de service accompli auprès de l’employeur concerné et est de:

1)

deux semaines si le travailleur a été employé moins de 6 mois,

2)

un mois si le travailleur a été employé au moins 6 mois,

3)

trois mois si le travailleur a été employé au moins 3 ans».

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

Mme Nierodzik a été employée par le Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej durant la période allant du 12 mai 1986 au 15 février 2010. Les parties étaient liées, pendant l’essentiel de cette période, par un contrat de travail à durée indéterminée. Le 15 février 2010, elles ont mis fin à ce contrat d’un commun accord à la demande de la requérante au principal qui voulait bénéficier d’une retraite anticipée.

14

Par la suite, le Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej a conclu avec Mme Nierodzik, pour la période allant du 16 février 2010 au 3 février 2015, un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel. En vertu de ce contrat, le Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej pouvait, au terme d’un délai de préavis de deux semaines, résilier ce contrat unilatéralement sans avoir à justifier cette rupture.

15

Le 3 avril 2012, le Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej a notifié à Mme Nierodzik la résiliation unilatérale dudit contrat en lui indiquant que ce dernier prendrait fin au terme du délai de préavis de deux semaines, à savoir le 21 avril 2012.

16

Estimant que la conclusion, pour une période de plusieurs années, d’un contrat de travail à durée déterminée était illégale, visait à contourner la législation nationale et à la priver des droits dont elle aurait pu se prévaloir si elle avait bénéficié d’un contrat de travail à durée indéterminée, Mme Nierodzik a attrait le Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej devant le Sąd Rejonowy w Białymstoku. Elle demande que le contrat de travail à durée déterminée soit requalifié en contrat à durée indéterminée et partant, qu’il soit reconnu qu’elle aurait dû bénéficier d’un délai de préavis d’une durée de trois mois.

17

La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec l’accord-cadre de la législation nationale dès lors que l’application de celle-ci aurait pour conséquence une différence de traitement entre les travailleurs à durée indéterminée et les travailleurs à durée déterminée. À ce titre, cette juridiction relève que l’article 33 du code du travail prévoit que les parties qui concluent un contrat de travail à durée déterminée d’une durée de plus de six mois peuvent y stipuler un délai de préavis de deux semaines, alors que, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, ce délai serait, en vertu de l’article 36, paragraphe 1, de ce code, d’une durée comprise entre deux semaines et trois mois, déterminée en fonction de l’ancienneté du salarié concerné.

18

Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy w Białymstoku a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 1er de la directive [1999/70], la clause 1 de l’[accord-cadre], la clause 4 de l’[accord-cadre] ainsi que le principe général du droit [de l’Union] interdisant les discriminations fondées sur le type de contrat de travail doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant, en ce qui concerne la détermination de la durée du préavis pour la résiliation des contrats de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, des règles différentes, moins favorables du point de vue des travailleurs employés par contrats à durée déterminée, de celles qui s’appliquent pour déterminer la durée du préavis de résiliation des contrats de travail à durée indéterminée, et s’opposent-ils concrètement à une disposition du droit national (l’article 33 [du code du travail]) qui prévoit, pour la résiliation des contrats de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, un délai de préavis fixe de deux semaines, qui ne dépend pas de l’ancienneté du travailleur, alors que la durée du préavis de résiliation dans le cas des contrats à durée indéterminée est fonction de l’ancienneté du travailleur et peut varier de deux semaines à trois mois (article 36, paragraphe 1, [...] du code du travail)?»

Sur la question préjudicielle

19

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, lue en combinaison avec l’article 1er de la directive 1999/70 et avec la clause 1 de l’accord-cadre ainsi qu’avec le principe de non-discrimination, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, pour la résiliation des contrats de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, la possibilité d’appliquer un délai de préavis fixe de deux semaines indépendamment de l’ancienneté du travailleur concerné, alors que la durée du préavis de résiliation dans le cas des contrats à durée indéterminée est fixée en fonction de l’ancienneté du travailleur concerné et peut varier de deux semaines à trois mois.

20

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

21

Dès lors, il y a lieu de déterminer au préalable si la durée de préavis d’un contrat de travail à durée déterminée relève de la notion de «conditions d’emploi» au sens de ladite disposition.

22

À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, l’un des objets de celui-ci est d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination. De même, à son troisième alinéa, le préambule de l’accord-cadre précise que celui-ci «illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination». Le considérant 14 de la directive 1999/70 indique à cet effet que l’objectif de l’accord-cadre consiste, notamment, à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en fixant des prescriptions minimales de nature à garantir l’application du principe de non-discrimination (arrêt du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, C-444/09 et C-456/09, Rec. p. I-14031, point 47).

23

L’accord-cadre, en particulier sa clause 4, vise à faire application dudit principe aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée (arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C-307/05, Rec. p. I-7109, point 37, ainsi que Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, précité, point 48).

24

Eu égard aux objectifs poursuivis par l’accord-cadre, selon une jurisprudence constante de la Cour, la clause 4 de l’accord-cadre doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive (voir, en ce sens, arrêts Del Cerro Alonso, précité, point 38, et du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, Rec. p. I-2483, point 114).

25

La Cour a jugé que le critère décisif pour déterminer si une mesure relève des «conditions d’emploi» au sens de ladite clause est précisément celui de l’emploi, à savoir la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Carratù, C‑361/12, point 35).

26

À cet égard, la Cour a déjà considéré que relèvent de la notion de «conditions d’emploi», au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, les primes triennales d’ancienneté (voir, en ce sens, arrêts Del Cerro Alonso, précité, point 47; Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres, précité, points 50 à 58, ainsi que ordonnance du 18 mars 2011, Montoya Medina, C‑273/10, points 32 à 34) et l’indemnité qu’un employeur est tenu de verser à un travailleur en raison de la fixation illicite d’un terme à son contrat de travail (arrêt Carratù, précité, point 38).

27

En l’occurrence, il importe de relever que la réglementation nationale en cause au principal porte sur les conditions de résiliation d’un contrat de travail à durée déterminée. Or, une interprétation de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre qui exclurait de la définition de la notion de «conditions d’emploi», au sens de cette disposition, ces conditions de résiliation reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite disposition, le champ d’application de la protection accordée aux travailleurs à durée déterminée contre les discriminations.

28

De plus, il y a lieu de relever que la notion de «conditions d’emploi» figure également tant dans la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), que dans la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204, p. 23). Or, il convient de constater que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 et de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/54, les conditions d’emploi comprennent, notamment, les conditions de licenciement. S’agissant de l’accord-cadre, la portée de la notion de «conditions d’emploi», au sens de la clause 4, point 1, de celui‑ci, est, par analogie, similaire.

29

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que relève de la notion de «conditions d’emploi», au sens de cette clause 4, point 1, le délai de préavis de résiliation des contrats de travail à durée déterminée.

30

En ce qui concerne l’application de ladite clause 4, point 1, il convient d’examiner, en premier lieu, si la situation des travailleurs à durée déterminée et celle des travailleurs à durée indéterminée, en cause au principal, sont comparables.

31

À cet égard, pour apprécier si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément aux clauses 3, point 2, et 4, point 1, de ce dernier, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable (arrêt du 18 octobre 2012, Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, point 42 et jurisprudence citée).

32

Il appartient donc à la juridiction de renvoi d’établir si la requérante au principal, lorsqu’elle exerçait ses fonctions auprès du Psychiatryczny Zakład Opieki Zdrowotnej dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, se trouvait dans une situation comparable à celle des salariés engagés pour une durée indéterminée par ce même employeur au cours de la même période (voir, par analogie, arrêt Valenza e.a., précité, point 43 et jurisprudence citée).

33

En l’occurrence, si ladite juridiction constate que la requérante au principal effectuait un travail similaire ou identique à celui d’un travailleur à durée indéterminée, il y a lieu de considérer que cette requérante se trouvait dans une situation comparable à celle des travailleurs à durée indéterminée. À cet égard, le fait que ladite requérante a occupé auparavant le même poste, en étant employée par un contrat de travail à durée indéterminée, peut constituer un indice permettant de conclure que sa situation de travailleur à durée déterminée était comparable à celle d’une personne engagée à durée indéterminée.

34

Dans cette hypothèse, force est de constater que la durée de la période de préavis, antérieure à la résiliation du contrat de travail de la requérante au principal, fixée sans tenir compte de l’ancienneté de cette dernière, a été de deux semaines, alors que, si Mme Nierodzik avait été employée en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée, cette durée, calculée en fonction de l’ancienneté du travailleur, aurait été d’un mois, soit le double de la durée de la période de préavis dont la requérante au principal a bénéficié. Le seul élément qui serait susceptible de distinguer la situation de Mme Nierodzik de celle d’un travailleur à durée indéterminée semble être la nature temporaire de la relation de travail qui la liait à son employeur.

35

Il résulte de ce qui précède que l’application de différentes durées de préavis constitue une différence de traitement dans les conditions d’emploi.

36

En second lieu, s’agissant de l’existence d’une éventuelle justification objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, le gouvernement polonais fait valoir des arguments tenant à la différence de nature et d’objet distinguant les contrats de travail à durée déterminée des contrats de travail à durée indéterminée. En l’occurrence, la différence entre les deux types de contrats de travail résiderait dans leur durée ainsi que dans la stabilité de la relation de travail.

37

Or, en ce qui concerne la différence de nature entre lesdits contrats de travail, il importe de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà considéré que le recours à la seule nature temporaire du travail n’est pas susceptible de constituer une raison objective (voir, en ce sens, arrêt Valenza e.a., précité, point 52 et jurisprudence citée).

38

En effet, une différence de traitement, en ce qui concerne les conditions d’emploi, entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée ne saurait être justifiée par un critère qui, de manière générale et abstraite, se réfère à la durée même de l’emploi. Admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une telle différence viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre. Au lieu d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée et de promouvoir l’égalité de traitement recherchée tant par la directive 1999/70 que par l’accord-cadre, le recours à un tel critère reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée (ordonnance du 9 février 2012, Lorenzo Martínez, C‑556/11, point 50 et jurisprudence citée).

39

S’agissant de l’argument du gouvernement polonais selon lequel le contrat de travail à durée déterminée est censé favoriser la stabilité de la relation de travail, force est de constater que celle‑ci ne saurait constituer une raison objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord‑cadre, afin de légitimer une différence de traitement telle que celle en cause au principal.

40

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, pour la résiliation des contrats de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, la possibilité d’appliquer un délai de préavis fixe de deux semaines indépendamment de l’ancienneté du travailleur concerné, alors que la durée du préavis de résiliation dans le cas des contrats à durée indéterminée est fixée en fonction de l’ancienneté du travailleur concerné et peut varier de deux semaines à trois mois, lorsque ces deux catégories de travailleurs se trouvent dans des situations comparables.

Sur les dépens

41

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

 

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, pour la résiliation des contrats de travail à durée déterminée d’une durée supérieure à six mois, la possibilité d’appliquer un délai de préavis fixe de deux semaines indépendamment de l’ancienneté du travailleur concerné, alors que la durée du préavis de résiliation dans le cas des contrats à durée indéterminée est fixée en fonction de l’ancienneté du travailleur concerné et peut varier de deux semaines à trois mois, lorsque ces deux catégories de travailleurs se trouvent dans des situations comparables.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le polonais.