ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 octobre 2012 ( *1 )

«Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds — Recours en annulation — Obligation de motivation»

Dans l’affaire T‑63/12,

Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock), établie à Téhéran (Iran), représentée par Me K. Kleinschmidt, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme Z. Kupčová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), dans la mesure où elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

La requérante, Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock), est une société établie en Iran, qui exerce des activités de production, de recherche et de service dans les secteurs gazier, pétrochimique et de l’énergie en général. En particulier, elle produit et commercialise des turbines et des turbocompresseurs adaptés spécifiquement aux besoins de ses clients.

2

Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste est établie aux annexes I et II de cette même décision.

3

Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement.

4

Le 1er décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/783/PESC modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71, ci-après la «décision attaquée»), par laquelle il a notamment ajouté le nom de la requérante à la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413.

5

Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11), par lequel il a notamment ajouté le nom de la requérante à la liste établie à l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

6

Dans la décision attaquée, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante :

«Succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) (alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG), société désignée par l’UE.»

7

Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante de son inscription sur la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Cette lettre est revenue au Conseil avec la mention «a déménagé» apposée par les services postaux iraniens.

8

Par lettre du 9 février 2012, la requérante a demandé au Conseil de réexaminer la décision d’inscription sur la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

Procédure et conclusions des parties

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

10

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande visant à ce que le litige soit tranché selon une procédure accélérée, en application de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

11

Par décision du 13 mars 2012, le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à cette demande.

12

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 juillet 2012.

13

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée pour autant qu’elle la concerne ;

adopter une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 64 du règlement de procédure, afin d’ordonner au Conseil de produire l’ensemble des documents ayant un rapport avec la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

condamner le Conseil aux dépens.

14

Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

15

À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens. Ils sont pris, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels la décision attaquée est fondée, le deuxième, d’une violation du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu.

16

Dans le cadre du premier moyen, premièrement, la requérante fait valoir qu’elle n’a jamais été une succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) et que cette dernière n’a jamais été une de ses succursales. Deuxièmement, le Conseil confondrait Turbo Compressor Manufacturer (TCMFG), qui était une société liée à la requérante, avec SATAK. Troisièmement, dès lors qu’elle ne dispose d’aucun élément de fait ou de preuve démontrant que TCMFG a participé à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération et/ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires ou d’autres systèmes d’armes, la requérante considère que la décision 2011/299/PESC du Conseil, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65), par laquelle le Conseil a notamment ajouté TCMFG à la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413, est illégale, dans la mesure où elle concerne TCMFG. Quatrièmement, à la date d’adoption de la décision attaquée, il n’existerait plus aucune participation croisée entre elle et TCMFG dès lors que, d’une part, l’ensemble des participations détenues par TCMFG a été vendu à D. le 6 juin 2011 et, d’autre part, l’ensemble des participations qu’elle détenait dans TCMFG a été vendu à Sa.

17

Le Conseil conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

18

Selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T-390/08, Rec. p. II-3967, points 37 et 107).

19

De surcroît, en vertu d’une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322/01, Rec. p. II-3137, point 325, et la jurisprudence citée).

20

En l’espèce, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante :

«Succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) (alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG), société désignée par l’UE.»

21

Il convient de relever que la requérante admet avoir été liée à TCMFG, mais produit plusieurs documents de nature à démontrer qu’il n’existait plus aucune participation croisée entre elle et cette société au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 1er décembre 2011, de sorte que l’affirmation du Conseil selon laquelle elle était, audit moment, une succursale de TCMFG doit être considérée comme étant matériellement erronée.

22

Ainsi, il ressort des éléments du dossier que TCMFG a vendu l’ensemble des parts qu’elle détenait dans la requérante à D. le 6 juin 2011. La requérante a produit à cet égard une copie de l’acte notarié ainsi que la copie d’un justificatif, daté du 6 juin 2011, attestant le paiement du prix de vente à hauteur de 363036010000 rials iraniens (IRR) (23970600 euros). En outre, elle a produit la copie de la preuve de paiement de la taxe acquittée au titre de ladite vente à l’administration fiscale iranienne, pour un montant de 14521440400 IRR (958825 euros). Enfin, il importe d’observer, à l’instar de la requérante, que le procès-verbal de la réunion de son conseil d’administration du 13 juin 2011 entérine la vente par TCMFG de ses parts à D.

23

De même, la requérante a produit des documents prouvant qu’elle ne possédait plus aucune action de TCMFG. En particulier, elle a fourni la preuve qu’elle a vendu ses parts dans TCMFG à Sa. le 8 juin 2011, à savoir la copie du contrat de vente, la copie du justificatif attestant le paiement du prix de vente à hauteur de 160772410000 IRR (10612500 euros) ainsi que la copie du justificatif de paiement de la taxe due à l’administration fiscale iranienne au titre de ladite vente, pour un montant de 6430896400 IRR (424621 euros).

24

Lors de l’audience, le Conseil a admis qu’il ne contestait pas la matérialité de ces éléments. Dès lors, il y a lieu de considérer que, quand bien même TCMFG détenait des actions de la requérante jusqu’au 6 juin 2011, la décision attaquée est fondée sur une prémisse factuelle erronée, étant entendu que, comme cela été relevé au point 19 ci-dessus, la légalité de cette décision doit s’apprécier à la date de son adoption, c’est-à-dire au 1er décembre 2011, date à laquelle TCMFG avait revendu l’ensemble desdites actions.

25

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil.

26

Dans le mémoire en défense, le Conseil soutient que la vente des participations croisées détenues par TCMFG et la requérante n’a été effectuée que pour donner l’apparence d’une scission de société et dissimuler les véritables participations, ce qui implique que les raisons justifiant l’inclusion de la requérante dans la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 étaient valables le jour de l’adoption de la décision attaquée et le demeurent. En outre, lors de l’audience, il a affirmé que, malgré ladite vente, TCMFG avait toujours des liens avec la requérante.

27

À cet égard, il convient de relever, ainsi que cela a été mentionné au point 20 ci-dessus, que le Conseil s’est contenté d’invoquer, dans la décision attaquée, la circonstance que la requérante était une succursale de SATAK alias TCMFG. Il n’a nullement fait état de ce que, bien que TCMFG n’ait plus possédé aucune participation dans la requérante, elle exerçait de facto un contrôle sur cette dernière, la cession des participations étant une manœuvre destinée à contourner l’application des dispositions réglementaires permettant au Conseil d’inclure dans la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 les entités qui sont la propriété ou sous le contrôle des personnes et entités directement associées ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

28

En outre, il y a lieu de remarquer, que, lors de l’audience, le Conseil a explicitement reconnu avoir développé une nouvelle motivation afin de justifier l’inclusion de la requérante dans ladite liste dans le cadre du mémoire en défense ainsi que dans celui de la procédure orale, dans la mesure où il ne disposait pas des éléments pertinents au soutien de cette motivation lorsque la décision attaquée a été adoptée.

29

Or, le Tribunal observe que la légalité de la décision attaquée ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels elle a été adoptée et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de cette décision, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement fonder l’adoption de ladite décision. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels cette décision est fondée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 mars 2012, Egan et Hackett/Parlement, T‑190/10, points 102 et 103, et la jurisprudence citée).

30

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen. Il s’ensuit qu’il convient d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne la requérante, sans qu’il soit besoin ni d’examiner les autres moyens et arguments des parties ni d’ordonner au Conseil de produire les documents visés par la requérante dans son deuxième chef de conclusions.

Sur les dépens

31

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée pour autant qu’elle concerne Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock).

 

2)

Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Oil Turbo Compressor.

 

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2012.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T-63/12,

Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock), établie à Téhéran (Iran), représentée par M e  K. Kleinschmidt, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et M me  Z. Kupčová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1 er  décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), dans la mesure où elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M mes  I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M me  K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. La requérante, Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock), est une société établie en Iran, qui exerce des activités de production, de recherche et de service dans les secteurs gazier, pétrochimique et de l’énergie en général. En particulier, elle produit et commercialise des turbines et des turbocompresseurs adaptés spécifiquement aux besoins de ses clients.

2. Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste est établie aux annexes I et II de cette même décision.

3. Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) n o  961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n o  423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n o  961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement.

4. Le 1 er  décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/783/PESC modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71, ci-après la « décision attaquée »), par laquelle il a notamment ajouté le nom de la requérante à la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413.

5. Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n o  1245/2011 mettant en œuvre le règlement n o  961/2010 (JO L 319, p. 11), par lequel il a notamment ajouté le nom de la requérante à la liste établie à l’annexe VIII du règlement n o  961/2010.

6. Dans la décision attaquée, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante :

« Succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) (alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG), société désignée par l’UE. »

7. Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante de son inscription sur la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n o  961/2010. Cette lettre est revenue au Conseil avec la mention « a déménagé » apposée par les services postaux iraniens.

8. Par lettre du 9 février 2012, la requérante a demandé au Conseil de réexaminer la décision d’inscription sur la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n o  961/2010.

Procédure et conclusions des parties

9. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

10. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande visant à ce que le litige soit tranché selon une procédure accélérée, en application de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

11. Par décision du 13  mars 2012, le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à cette demande.

12. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 juillet 2012.

13. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée pour autant qu’elle la concerne ;

– adopter une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 64 du règlement de procédure, afin d’ordonner au Conseil de produire l’ensemble des documents ayant un rapport avec la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

– condamner le Conseil aux dépens.

14. Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

15. À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens. Ils sont pris, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels la décision attaquée est fondée, le deuxième, d’une violation du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu.

16. Dans le cadre du premier moyen, premièrement, la requérante fait valoir qu’elle n’a jamais été une succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) et que cette dernière n’a jamais été une de ses succursales. Deuxièmement, le Conseil confondrait Turbo Compressor Manufacturer (TCMFG), qui était une société liée à la requérante, avec SATAK. Troisièmement, dès lors qu’elle ne dispose d’aucun élément de fait ou de preuve démontrant que TCMFG a participé à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération et/ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires ou d’autres systèmes d’armes, la requérante considère que la décision 2011/299/PESC du Conseil, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65), par laquelle le Conseil a notamment ajouté TCMFG à la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413, est illégale, dans la mesure où elle concerne TCMFG. Quatrièmement, à la date d’adoption de la décision attaquée, il n’existerait plus aucune participation croisée entre elle et TCMFG dès lors que, d’une part, l’ensemble des participations détenues par TCMFG a été vendu à D. le 6 juin 2011 et, d’autre part, l’ensemble des participations qu’elle détenait dans TCMFG a été vendu à Sa.

17. Le Conseil conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

18. Selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T-390/08, Rec. p. II-3967, points 37 et 107).

19. De surcroît, en vertu d’une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322/01, Rec. p. II-3137, point 325, et la jurisprudence citée).

20. En l’espèce, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante :

« Succursale de Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) (alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG), société désignée par l’UE. »

21. Il convient de relever que la requérante admet avoir été liée à TCMFG, mais produit plusieurs documents de nature à démontrer qu’il n’existait plus aucune participation croisée entre elle et cette société au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 1 er  décembre 2011, de sorte que l’affirmation du Conseil selon laquelle elle était, audit moment, une succursale de TCMFG doit être considérée comme étant matériellement erronée.

22. Ainsi, il ressort des éléments du dossier que TCMFG a vendu l’ensemble des parts qu’elle détenait dans la requérante à D. le 6 juin 2011. La requérante a produit à cet égard une copie de l’acte notarié ainsi que la copie d’un justificatif, daté du 6 juin 2011, attestant le paiement du prix de vente à hauteur de 363 036 010 000  rials iraniens (IRR) (23 970 600 euros). En outre, elle a produit la copie de la preuve de paiement de la taxe acquittée au titre de ladite vente à l’administration fiscale iranienne, pour un montant de 14 521 440 400 IRR (958 825 euros). Enfin, il importe d’observer, à l’instar de la requérante, que le procès-verbal de la réunion de son conseil d’administration du 13 juin 2011 entérine la vente par TCMFG de ses parts à D.

23. De même, la requérante a produit des documents prouvant qu’elle ne possédait plus aucune action de TCMFG. En particulier, elle a fourni la preuve qu’elle a vendu ses parts dans TCMFG à Sa. le 8 juin 2011, à savoir la copie du contrat de vente, la copie du justificatif attestant le paiement du prix de vente à hauteur de 160 772 410 000 IRR (10 612 500 euros) ainsi que la copie du justificatif de paiement de la taxe due à l’administration fiscale iranienne au titre de ladite vente, pour un montant de 6 430 896 400 IRR (424 621 euros).

24. Lors de l’audience, le Conseil a admis qu’il ne contestait pas la matérialité de ces éléments. Dès lors, il y a lieu de considérer que, quand bien même TCMFG détenait des actions de la requérante jusqu’au 6 juin 2011, la décision attaquée est fondée sur une prémisse factuelle erronée, étant entendu que, comme cela été relevé au point 19 ci-dessus, la légalité de cette décision doit s’apprécier à la date de son adoption, c’est-à-dire au 1 er  décembre 2011, date à laquelle TCMFG avait revendu l’ensemble desdites actions.

25. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil.

26. Dans le mémoire en défense, le Conseil soutient que la vente des participations croisées détenues par TCMFG et la requérante n’a été effectuée que pour donner l’apparence d’une scission de société et dissimuler les véritables participations, ce qui implique que les raisons justifiant l’inclusion de la requérante dans la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 étaient valables le jour de l’adoption de la décision attaquée et le demeurent. En outre, lors de l’audience, il a affirmé que, malgré ladite vente, TCMFG avait toujours des liens avec la requérante.

27. À cet égard, il convient de relever, ainsi que cela a été mentionné au point 20 ci-dessus, que le Conseil s’est contenté d’invoquer, dans la décision attaquée, la circonstance que la requérante était une succursale de SATAK alias TCMFG. Il n’a nullement fait état de ce que, bien que TCMFG n’ait plus possédé aucune participation dans la requérante, elle exerçait de facto un contrôle sur cette dernière, la cession des participations étant une manœuvre destinée à contourner l’application des dispositions réglementaires permettant au Conseil d’inclure dans la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 les entités qui sont la propriété ou sous le contrôle des personnes et entités directement associées ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

28. En outre, il y a lieu de remarquer, que, lors de l’audience, le Conseil a explicitement reconnu avoir développé une nouvelle motivation afin de justifier l’inclusion de la requérante dans ladite liste dans le cadre du mémoire en défense ainsi que dans celui de la procédure orale, dans la mesure où il ne disposait pas des éléments pertinents au soutien de cette motivation lorsque la décision attaquée a été adoptée.

29. Or, le Tribunal observe que la légalité de la décision attaquée ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels elle a été adoptée et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de cette décision, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement fonder l’adoption de ladite décision. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels cette décision est fondée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 mars 2012, Egan et Hackett/Parlement, T-190/10, points 102 et 103, et la jurisprudence citée).

30. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen. Il s’ensuit qu’il convient d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne la requérante, sans qu’il soit besoin ni d’examiner les autres moyens et arguments des parties ni d’ordonner au Conseil de produire les documents visés par la requérante dans son deuxième chef de conclusions.

Sur les dépens

31. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1 er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée pour autant qu’elle concerne Oil Turbo Compressor Co. (Private Joint Stock).

2) Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Oil Turbo Compressor.