ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

3 avril 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 1191/69 — Services publics de transport de voyageurs — Article 4 — Demande de suppression de l’obligation de service public — Article 6 — Droit à une compensation des charges découlant de l’exécution d’une obligation de service public»

Dans les affaires jointes C‑516/12 à C‑518/12,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Consiglio di Stato (Italie), par décisions du 3 juillet 2012, parvenues à la Cour le 15 novembre 2012, dans les procédures

CTP – Compagnia Trasporti Pubblici SpA

contre

Regione Campania (C‑516 à C‑518/12),

Provincia di Napoli (C‑516/12 et C‑518/12),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2013,

considérant les observations présentées:

pour CTP – Compagnia Trasporti Pubblici SpA, par Me M. Malena, avvocato,

pour la Regione Campania, par Mes L. Buondonno, M. Lacatena et M. d’Elia, avvocati,

pour la Provincia di Napoli, par Mes L. Scetta et A. Di Falco, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mmes E. Montaguti et N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO L 169, p. 1, ci-après le «règlement no 1191/69»).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant CTP – Compagnia Trasporti Pubblici SpA (ci-après la «CTP»), à la Regione Campania (Région de Campanie) (affaires C‑516/12 à C‑518/12) et à la Provincia di Napoli (province de Naples) (affaires C‑516/12 et C‑518/12), au sujet du refus de ces dernières d’octroyer à la CTP une compensation pour les charges découlant de la fourniture de services de transport public local.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er, paragraphes 1 à 5, du règlement no 1191/69, figurant dans la section I de celui-ci, intitulée «Dispositions générales», dispose:

«1.   Le présent règlement s’applique aux entreprises de transport qui exploitent des services dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

Les États membres peuvent exclure du champ d’application du présent règlement les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.

2.   Aux fins du présent règlement, on entend par:

‘services urbains et suburbains’, les services de transport répondant aux besoins d’un centre urbain ou d’une agglomération, ainsi qu’aux besoins du transport entre ce centre ou cette agglomération et ses banlieues,

‘services régionaux’, les services de transport destinés à répondre aux besoins en transports d’une région.

3.   Les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

4.   Pour garantir des services de transport suffisants, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire, ou en vue d’offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégories de voyageurs, les autorités compétentes des États membres peuvent conclure des contrats de service public avec une entreprise de transport. Les conditions et les modalités de ces contrats sont arrêtées à la section V.

5.   Toutefois, les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l’article 2 pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV.

[...]»

4

Dans la version originale du règlement no 1191/69, antérieure aux modifications apportées par le règlement no 1893/91, l’article 1er était rédigé comme suit:

«1.   Les États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

2.   Toutefois, les obligations peuvent être maintenues dans la mesure où elles sont indispensables pour garantir la fourniture de services de transport suffisants.

3.   Le paragraphe 1 ne s’applique pas, dans le domaine des transports de voyageurs, aux prix et conditions de transport imposés par un État membre dans l’intérêt d’une ou de plusieurs catégories sociales particulières.

4.   Les charges qui découlent pour les entreprises de transport du maintien des obligations visées au paragraphe 2 ainsi que de l’application des prix et conditions de transport visés au paragraphe 3, font l’objet de compensations selon des méthodes communes énoncées au présent règlement.»

5

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1191/69 prévoit:

«Par obligations de service public, il faut entendre les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ni dans les mêmes conditions.»

6

La section II dudit règlement, intitulée «Principes communs pour la suppression ou le maintien des obligations de service public», comprend les articles 3 à 8.

7

L’article 4 du même règlement est libellé comme suit:

«1.   Il appartient aux entreprises de transport de présenter aux autorités compétentes des États membres des demandes de suppression de tout ou partie d’une obligation de service public si cette obligation entraîne pour elles des désavantages économiques.

2.   Dans leurs demandes, les entreprises de transport peuvent proposer de substituer à la technique actuellement utilisée une autre technique de transport. Les entreprises déterminent les économies susceptibles d’améliorer les résultats de leur gestion financière en appliquant les dispositions de l’article 5.»

8

Aux termes de l’article 6 du règlement no 1191/69:

«1.   Dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du présent règlement, les entreprises de transport présentent aux autorités compétentes des États membres les demandes visées à l’article 4.

Les entreprises de transport peuvent présenter des demandes après l’expiration du délai prévu ci-dessus si elles constatent que les conditions visées à l’article 4 paragraphe 1 sont réunies.

2.   Les décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d’une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13.

3.   Les autorités compétentes des États membres prennent des décisions dans un délai d’un an à compter de la date de la présentation de la demande en ce qui concerne les obligations d’exploiter et de transporter et dans un délai de six mois en ce qui concerne les obligations tarifaires.

Le droit à compensation naît à compter du jour de la décision des autorités compétentes et au plus tôt à compter du 1er janvier 1971.

4.   Toutefois, si les autorités compétentes des États membres l’estiment nécessaire en raison du nombre et de l’importance des demandes présentées par chaque entreprise, elles peuvent proroger le délai prévu au premier alinéa du paragraphe 3 jusqu’au 1er janvier 1972 au plus tard. Dans ce cas, le droit à compensation naît à cette même date.

Lorsqu’elles entendent se prévaloir de cette faculté, les autorités compétentes des États membres en informent les entreprises intéressées dans un délai de six mois après la présentation des demandes.

En cas de difficultés particulières d’un État membre et à la demande de celui-ci, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut autoriser cet État à proroger jusqu’au 1er janvier 1973 le délai figurant au premier alinéa.

5.   Si les autorités compétentes n’ont pas pris de décision dans les délais prévus, l’obligation dont la suppression a été demandée en application de l’article 4 paragraphe 1 est supprimée.

6.   Le Conseil examinera, sur la base d’un rapport présenté par la Commission avant le 31 décembre 1972, la situation existante dans chaque État membre en ce qui concerne la mise en œuvre du présent règlement.»

9

La section V du règlement no 1191/69, intitulée «Contrats de service public», comporte un article unique, à savoir l’article 14, qui prévoit:

«1.   Par ‘contrat de service public’ on entend un contrat conclu entre les autorités compétentes d’un État membre et une entreprise de transport dans le but de fournir au public des services de transport suffisants.

Le contrat de service public peut en particulier comporter:

des services de transport répondant à des normes fixées de continuité, de régularité, de capacité et de qualité,

des services de transport complémentaires,

des services de transport à des prix et des conditions déterminés, notamment pour certaines catégories de voyageurs ou pour certaines relations,

des adaptations des services aux besoins effectifs.

2.   Le contrat de service public comprend, entre autres, les points suivants:

a)

les caractéristiques des services offerts, notamment les normes de continuité, de régularité, de capacité et de qualité;

b)

le prix des prestations faisant l’objet du contrat, qui soit s’ajoute aux recettes tarifaires, soit inclut les recettes, ainsi que les modalités des relations financières entre les deux parties;

c)

les règles concernant les avenants et modifications du contrat, notamment pour prendre en compte des changements imprévisibles;

d)

la durée de validité du contrat;

e)

les sanctions en cas de non-respect du contrat.

3.   Les actifs impliqués dans la fourniture des services de transport qui font l’objet d’un contrat de service public peuvent appartenir à l’entreprise ou être mis à sa disposition.

4.   Toute entreprise qui a l’intention de mettre fin ou d’apporter des modifications substantielles à un service de transport qu’elle fournit au public de manière continue et régulière et qui n’est pas couvert par le régime du contrat ou de l’obligation de service public en informe les autorités compétentes de l’État membre avec un préavis d’au moins trois mois.

Les autorités compétentes peuvent renoncer à ladite information.

Cette disposition ne porte pas atteinte aux autres procédures nationales applicables concernant le droit de mettre fin à des services de transport ou de les modifier.

5.   Après avoir reçu l’information visée au paragraphe 4, les autorités compétentes peuvent imposer le maintien du service en question encore pendant une année au maximum à compter de la date du préavis et elles notifient cette décision à l’entreprise au moins un mois avant l’expiration du préavis.

Elles peuvent également prendre l’initiative de négocier l’établissement ou la modification d’un tel service de transport.

6.   Les charges qui découlent pour les entreprises de transport des obligations visées au paragraphe 5 font l’objet de compensations selon les méthodes communes fixées aux sections II, III et IV.»

10

Dans la version originale du règlement no 1191/69, antérieure aux modifications apportées par le règlement no 1893/91, l’article 14 était rédigé comme suit:

«1.   Après la date d’entrée en vigueur du présent règlement, les États membres ne peuvent imposer des obligations de service public à une entreprise de transport que dans la mesure où ces obligations sont indispensables pour garantir la fourniture de services de transport suffisants pour autant qu’il ne s’agisse pas des cas visés à l’article 1er paragraphe 3.

2.   Lorsque les obligations ainsi imposées entraînent pour les entreprises de transport des désavantages économiques au sens de l’article 5 paragraphes 1 et 2 ou des charges au sens de l’article 9, les autorités compétentes des États membres prévoient, dans leurs décisions d’imposition, l’octroi d’une compensation des charges qui en découlent. Les dispositions des articles 10 à 13 sont applicables.»

Le droit italien

11

L’article 17 du décret législatif no 422, concernant le transfert aux régions et aux organismes locaux de fonctions et tâches en matière de transport public local conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la loi no 59 du 15 mars 1997 (decreto legislativo n. 422 – Conferimento alle regioni ed agli enti locali di funzioni e compiti in materia di trasporto pubblico locale, a norma dell’articolo 4, comma 4, della legge 15 marzo 1997, n. 59), du 19 novembre 1997 (GURI no 287, du 10 décembre 1997, p. 4), prévoit:

«Les régions, les provinces et les communes, dans le but d’assurer la mobilité des usagers, définissent, en application de l’article 2 du [règlement no 1191/69], des obligations de service public et prévoient, dans les contrats de services visés à l’article 19, les compensations économiques correspondantes pour les entreprises qui fournissent ces services, en tenant compte, en application de la disposition communautaire précitée, des recettes résultant des tarifs, ainsi que de celles provenant, le cas échéant, de la gestion de services complémentaires à la mobilité.»

Les litiges au principal et la question préjudicielle

12

La CTP fournit des services de transport public local dans la province de Naples. À ce titre, elle a introduit plusieurs demandes auprès de la Regione Campania et de la Provincia di Napoli, qui les ont rejetées, visant à obtenir la compensation du désavantage économique qu’elle estimait avoir subi en raison de la fourniture de ces services.

13

La CTP a demandé l’annulation de ces décisions administratives devant le Tribunale amministrativo regionale per la Campania. Celui-ci a considéré que, en application de l’article 4 du règlement no 1191/69, le droit à compensation d’un tel désavantage économique ne peut naître que si une entreprise de transport a préalablement introduit une demande de suppression de l’obligation de service public à laquelle elle est soumise, et uniquement lorsque les autorités compétentes rejettent cette demande. Constatant que la CTP n’avait pas introduit une telle demande de suppression, le Tribunale amministrativo regionale per la Campania a adopté trois jugements rejetant les recours introduits par la CTP.

14

La CTP a introduit des pourvois devant la juridiction de renvoi contre les trois jugements adoptés par le Tribunale amministrativo regionale per la Campania. La juridiction de renvoi estime que les articles 1er, 4 et 6 du règlement no 1191/69 se prêtent à deux interprétations divergentes quant à la naissance du droit à compensation dans le chef d’une entreprise de transport soumise à une obligation de service public.

15

Selon une interprétation qualifiée de «téléologique», adoptée par le Tribunale amministrativo regionale per la Campania, le droit à compensation ne pourrait naître qu’à la suite d’une demande de suppression de l’obligation de service public introduite par l’entreprise de transport concernée auprès des autorités compétentes. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cite l’article 17 dudit décret législatif no 422 du 19 novembre 1997, lequel prévoit la conclusion de contrats de services, et précise à cet égard que, à la différence de l’ancien régime de concession, le régime actuel se rapproche du contrat de prestation de services, dès lors que la somme versée par l’administration peut être assimilée à la contrepartie synallagmatique d’une obligation volontairement assumée. Toutefois, elle ajoute que ce droit à compensation, bien que prévu contractuellement, ne pourrait naître qu’à la suite d’une demande de suppression de l’obligation de service public.

16

Selon une interprétation qualifiée de «systématique», le droit à compensation naîtrait de plein droit, sans que l’entreprise de transport doive introduire une demande de suppression, dans la mesure où ce droit concerne une obligation de service public dont le maintien est permis en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1191/69, lequel vise les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs.

17

Dans ces conditions, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, libellée en des termes identiques dans les affaires C‑516/12 à C‑518/12:

«En application de l’article 4 du [règlement no 1191/69], le droit de compensation naît‑il seulement si, à la suite d’une demande expresse, les autorités compétentes n’ont pas prévu la suppression de l’obligation du service qui entraîne, à la charge de l’entreprise de transport, un désavantage économique, ou cette disposition s’applique-t-elle seulement aux obligations de service dont le règlement prévoit la suppression et ne permet pas le maintien?»

18

Par ordonnance du président de la Cour du 29 novembre 2012, les affaires C‑516/12 à C‑518/12 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur la question préjudicielle

19

À titre liminaire, il convient de déterminer le cadre dans lequel s’inscrivent les demandes de décision préjudicielle.

20

D’une part, rien dans le dossier soumis à la Cour ne suggère que la République italienne a fait usage de la possibilité, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1191/69, d’exclure du champ d’application de celui-ci les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux. Par conséquent, les dispositions de ce règlement sont pleinement applicables aux affaires au principal et la question préjudicielle doit être examinée à la lumière de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt Antrop e.a., C‑504/07, EU:C:2009:290, point 17).

21

D’autre part, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe exclusivement à la juridiction de renvoi de définir l’objet des questions qu’elle entend poser à la Cour. Il appartient en effet aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour (arrêt Kersbergen-Lap et Dams-Schipper, C‑154/05, EU:C:2006:449, point 21 et jurisprudence citée).

22

Or, selon les indications fournies par les parties lors de l’audience, les services de transport public local en cause dans les litiges au principal fournis par la CTP pourraient trouver leur origine soit dans une obligation de service public au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1191/69, soit dans un contrat de service public au sens de l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement.

23

Comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 34 et 35 de ses conclusions, l’article 4 du règlement no 1191/69, qui fait l’objet de la question posée, ainsi que l’article 6 de ce règlement n’ont vocation à s’appliquer que si les services de transport public local fournis par la CTP trouvent leur origine dans une obligation de service public, au sens de l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement. En revanche, ces articles seraient inapplicables si les services de transport public local fournis par la CTP trouvaient leur origine dans un contrat de service public au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1191/69, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer.

24

En l’occurrence, la question posée par la juridiction de renvoi vise une interprétation de l’article 4 du règlement no 1191/69, sans que cette juridiction fasse état d’une situation relevant de l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement. Eu égard à la jurisprudence énoncée au point 21 du présent arrêt, il y a lieu, par conséquent, d’examiner la question soumise à la Cour en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle les services de transport public local fournis par la CTP trouvent leur origine dans une obligation de service public, au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1191/69.

25

Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 4 et 6 du règlement no 1191/69 doivent être interprétés en ce sens que la naissance du droit à compensation pour les charges découlant de l’exécution d’une obligation de service public, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, est subordonnée, d’une part, à l’introduction d’une demande de suppression de cette obligation par l’entreprise concernée et, d’autre part, à une décision de maintien ou de suppression à terme de ladite obligation par les autorités compétentes.

26

À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1191/69, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 2, de celui-ci, une compensation pour les charges découlant d’une obligation de service public n’est octroyée aux entreprises de transport concernées que si elles demandent la suppression de tout ou partie de cette obligation et si les autorités compétentes décident, contrairement à cette demande, de maintenir ou de supprimer à terme tout ou partie de ladite obligation de service public. Ainsi, ces dispositions du règlement no 1191/69 exigent que les deux conditions énoncées au point 25 du présent arrêt soient remplies.

27

Or, il y a lieu de rappeler que, dans sa version originale et antérieure aux modifications apportées par le règlement no 1893/91, l’article 14 du règlement no 1191/69 permettait aux États membres d’imposer de nouvelles obligations de service public, mais obligeait les autorités compétentes à prévoir, dans la décision d’imposition, l’octroi d’une compensation des charges découlant de leur exécution.

28

Ainsi, dans la version originale du règlement no 1191/69, l’obligation de demander la suppression d’une obligation de service public afin de faire naître le droit à compensation, en vertu des dispositions combinées des articles 4 et 6 de ce règlement, n’était applicable qu’aux obligations nées avant son entrée en vigueur, alors que ce droit à compensation naissait de plein droit pour les obligations de service public nées postérieurement en vertu de l’article 14 dudit règlement.

29

Il est vrai que le règlement no 1893/91 a remplacé cette disposition par la version actuelle de l’article 14 du règlement no 1191/69, qui prévoit la conclusion de contrats de service public. En outre, le règlement no 1893/91 a introduit un nouvel article 1er, paragraphe 5, selon lequel le maintien et l’imposition d’obligations de service public se font conformément aux conditions et aux modalités prévues aux sections II à IV du règlement no 1191/69.

30

Selon le gouvernement italien, le règlement no 1893/91 aurait, de ce fait, modifié le régime applicable à l’imposition d’obligations de service public, en ce sens que le droit à compensation des charges découlant de telles obligations était désormais subordonné à l’introduction d’une demande de suppression de celles-ci, en application des articles 4 et 6 de ce règlement. Au soutien de cette interprétation, le gouvernement italien tire argument du fait que, après l’entrée en vigueur du règlement no 1893/91, le nouvel article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1191/69, qui habilite les États membres à imposer de nouvelles obligations de service public, renvoie expressément à la section II de ce règlement, qui comprend lesdits articles 4 et 6.

31

Cependant, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, rien ne permet de conclure que le règlement no 1893/91 a modifié le régime applicable aux obligations de service public nées après l’entrée en vigueur du règlement no 1191/69, tel que décrit au point 28 du présent arrêt. Au contraire, il ressort des considérants du règlement no 1893/91 que les États membres non seulement peuvent établir, dans le cadre d’un contrat conclu entre les autorités nationales compétentes et une entreprise de transport, les modalités des services publics dans le domaine du transport, mais également qu’ils conservent la possibilité de maintenir ou d’imposer certaines obligations de service public. Ainsi, le régime original a été complété par un second régime fondé sur un nouvel instrument juridique, à savoir le contrat de service public, au sens du nouvel article 14 du règlement no 1191/69.

32

En outre, force est de constater que le règlement no 1893/91 n’a apporté aucune modification aux articles 4 et 6 du règlement no 1191/69. Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que les demandes de suppression visées à l’article 4 doivent être introduites dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur dudit règlement, c’est-à-dire à compter du 1er janvier 1969. En outre, les délais établis aux paragraphes 3 à 6 de cet article se fondent notamment sur les dates des 1er janvier 1971, 1er janvier 1972, 1er janvier 1973 ou 31 janvier 1972. Il résulte de ce qui précède que l’article 6 du règlement no 1191/69 n’a vocation à s’appliquer qu’aux obligations de service public nées avant l’entrée en vigueur dudit règlement, soit le 1er janvier 1969.

33

Par ailleurs, et comme l’a souligné M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, il ne peut être déduit du libellé de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1191/69 que chacune des dispositions des sections II à IV de celui-ci s’applique tant au maintien qu’à l’imposition d’obligations de service public. Ainsi, certaines de ces dispositions, telles que les articles 3 ou 7, paragraphe 1, s’appliquent exclusivement au maintien de telles obligations. Il en est de même des articles 4 et 6 de ce règlement dont il ressort du libellé qu’ils s’appliquent uniquement aux obligations de service public nées avant le 1er janvier 1969. Par conséquent, l’argument du gouvernement italien, selon lequel l’article 1er, paragraphe 5, dudit règlement devrait être interprété en ce sens que les articles 4 et 6 de celui-ci s’appliquent à l’imposition de nouvelles obligations de service public, ne saurait prospérer.

34

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 4 et 6 du règlement no 1191/69 doivent être interprétés en ce sens que, pour les obligations de service public nées antérieurement à l’entrée en vigueur dudit règlement, la naissance d’un droit à compensation pour les charges découlant de l’exécution de telles obligations est subordonnée à l’introduction d’une demande de suppression de ces obligations par l’entreprise concernée ainsi qu’à une décision de maintien ou de suppression à terme desdites obligations par les autorités compétentes. En revanche, s’agissant des obligations de service public nées postérieurement à cette date, la naissance d’un tel droit à compensation n’est pas subordonnée à ces mêmes conditions.

Sur les dépens

35

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 4 et 6 du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991, doivent être interprétés en ce sens que, pour les obligations de service public nées antérieurement à l’entrée en vigueur dudit règlement, la naissance d’un droit à compensation pour les charges découlant de l’exécution de telles obligations est subordonnée à l’introduction d’une demande de suppression de ces obligations par l’entreprise concernée ainsi qu’à une décision de maintien ou de suppression à terme desdites obligations par les autorités compétentes. En revanche, s’agissant des obligations de service public nées postérieurement à cette date, la naissance d’un tel droit à compensation n’est pas subordonnée à ces mêmes conditions.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.