Affaire C‑360/12

Coty Germany GmbH

contre

First Note Perfumes NV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)

«Coopération judiciaire en matière civile — Règlements (CE) nos 40/94 et 44/2001 — Marque communautaire — Article 93, paragraphe 5, du règlement (CE) no 40/94 — Compétence internationale en matière de contrefaçon — Détermination du lieu où le fait dommageable s’est produit — Participation transfrontalière de plusieurs personnes à un même acte illicite»

Sommaire – Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 5 juin 2014

  1. Marque communautaire – Litiges en matière de contrefaçon et de validité des marques communautaires – Compétence internationale en matière de contrefaçon – Compétence des juridictions du lieu de commission du fait de contrefaçon – Portée – Compétence pour connaître d’une action en contrefaçon dirigée contre une partie n’ayant pas agi elle-même dans l’État membre de la juridiction saisie – Exclusion

    (Convention du 27 septembre 1968, art. 5, § 3; règlements du Conseil no 40/94, art. 90, § 2, 92 et 93, § 5, et no 44/2001, art. 5, point 3)

  2. Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement no 44/2001 – Compétences spéciales – Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle – Action en responsabilité pour concurrence déloyale en raison de l’usage abusif d’une marque communautaire

    (Règlements du Conseil no 40/94, art. 14, § 2, et no 44/2001, art. 5, point 3)

  3. Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement no 44/2001 – Compétences spéciales – Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle – Lieu de la matérialisation du dommage et lieu de l’événement causal – Allégation de publicité comparative illicite ou d’imitation déloyale d’un signe protégé par une marque communautaire – Participation transfrontalière de plusieurs personnes – Compétence des juridictions de l’État membre du lieu de la matérialisation du dommage – Portée

    (Règlement du Conseil no 44/2001, art. 5, point 3)

  1.  La notion de «territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis» figurant à l’article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94, sur la marque communautaire, doit être interprétée en ce sens que, dans le cas d’une vente et d’une livraison d’un produit contrefait opérées sur le territoire d’un État membre, suivies d’une revente par l’acquéreur sur le territoire d’un autre État membre, cette disposition ne permet pas d’établir une compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en contrefaçon dirigée contre le vendeur initial qui n’a pas lui-même agi dans l’État membre dont relève la juridiction saisie.

    En effet, en vertu des dispositions combinées des articles 90, paragraphe 2, et 92 du règlement no 40/94, l’application de l’article 5, paragraphe 3, de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, auquel correspond l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux actions en contrefaçon d’une marque communautaire se trouve expressément exclue. Dès lors, la notion de «territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis ou menace de l’être», figurant à l’article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94, doit être interprétée de façon autonome par rapport à la notion de «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire» figurant audit article 5, point 3, du règlement no 44/2001.

    À cet égard, le point de rattachement prévu par ledit article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94 vise le territoire de l’État membre où l’événement qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée est survenu ou risque de survenir et non le territoire de l’État membre où ladite contrefaçon produit ses effets. Par conséquent, la compétence juridictionnelle au titre de cet article peut être établie uniquement au profit des tribunaux des marques communautaires de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a commis l’acte illicite allégué.

    (cf. points 28, 31, 34, 37, 38, disp. 1)

  2.  Dès lors que l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 40/94, sur la marque communautaire, dispose expressément que des actions portant sur une marque communautaire peuvent être intentées sur la base du droit des États membres concernant notamment la responsabilité civile et la concurrence déloyale, la compétence pour connaître de telles actions n’est pas régie par le règlement no 40/94 et doit être déterminée sur le fondement des dispositions du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Ainsi, s’agissant d’une demande fondée sur la violation de la loi nationale relative à la répression de la concurrence déloyale, l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 est applicable en vue d’établir la compétence juridictionnelle de la juridiction saisie.

    (cf. points 40-42)

  3.  L’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une allégation de publicité comparative illicite ou d’imitation déloyale d’un signe protégé par une marque communautaire, interdites par le droit de l’État membre dont relève la juridiction saisie, cette disposition ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal d’un dommage résultant de la violation de cette loi, la compétence d’une juridiction dudit État membre dès lors que celui des auteurs supposés qui y est attrait n’y a pas agi lui-même. En revanche, dans un tel cas, ladite disposition permet d’établir, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, la compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en responsabilité fondée sur ledit droit national introduite contre une personne établie dans un autre État membre et dont il est allégué qu’elle a commis, dans celui-ci, un acte qui a entraîné ou risque d’entraîner, dans le ressort de la juridiction saisie, un dommage.

    En effet, les termes «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire», figurant à l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, visent à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et le lieu de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage, de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l’un ou l’autre de ces deux lieux. L’identification de l’un de ces points de rattachement devant permettre d’établir la compétence de la juridiction objectivement la mieux placée pour apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité de la personne attraite sont réunis, il en résulte que ne peut être valablement saisie que la juridiction dans le ressort de laquelle se situe le point de rattachement pertinent. À cet égard, dans des circonstances où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, il ne peut pas être considéré que l’événement causal s’est produit dans le ressort de cette juridiction au sens de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001.

    Par ailleurs, s’agissant de dommages résultant d’atteintes à un droit de propriété intellectuelle et commerciale, la matérialisation du dommage dans un État membre déterminé est subordonnée à la protection, dans ce dernier, du droit dont la violation est alléguée. Cette exigence est transposable aux cas dans lesquels est en cause la protection d’un tel droit au moyen d’une loi nationale relative à la répression de la concurrence déloyale. Dans ces conditions, un litige relatif à la violation de ladite loi peut être porté devant les juridictions nationales, pour autant que le fait commis dans un autre État membre a entraîné ou risque d’entraîner un dommage dans le ressort de la juridiction saisie.

    (cf. points 46, 48, 50, 55-57, 59, disp. 2)


Affaire C‑360/12

Coty Germany GmbH

contre

First Note Perfumes NV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)

«Coopération judiciaire en matière civile — Règlements (CE) nos 40/94 et 44/2001 — Marque communautaire — Article 93, paragraphe 5, du règlement (CE) no 40/94 — Compétence internationale en matière de contrefaçon — Détermination du lieu où le fait dommageable s’est produit — Participation transfrontalière de plusieurs personnes à un même acte illicite»

Sommaire – Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 5 juin 2014

  1. Marque communautaire — Litiges en matière de contrefaçon et de validité des marques communautaires — Compétence internationale en matière de contrefaçon — Compétence des juridictions du lieu de commission du fait de contrefaçon — Portée — Compétence pour connaître d’une action en contrefaçon dirigée contre une partie n’ayant pas agi elle-même dans l’État membre de la juridiction saisie — Exclusion

    (Convention du 27 septembre 1968, art. 5, § 3; règlements du Conseil no 40/94, art. 90, § 2, 92 et 93, § 5, et no 44/2001, art. 5, point 3)

  2. Coopération judiciaire en matière civile — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Règlement no 44/2001 — Compétences spéciales — Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle — Action en responsabilité pour concurrence déloyale en raison de l’usage abusif d’une marque communautaire

    (Règlements du Conseil no 40/94, art. 14, § 2, et no 44/2001, art. 5, point 3)

  3. Coopération judiciaire en matière civile — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Règlement no 44/2001 — Compétences spéciales — Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle — Lieu de la matérialisation du dommage et lieu de l’événement causal — Allégation de publicité comparative illicite ou d’imitation déloyale d’un signe protégé par une marque communautaire — Participation transfrontalière de plusieurs personnes — Compétence des juridictions de l’État membre du lieu de la matérialisation du dommage — Portée

    (Règlement du Conseil no 44/2001, art. 5, point 3)

  1.  La notion de «territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis» figurant à l’article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94, sur la marque communautaire, doit être interprétée en ce sens que, dans le cas d’une vente et d’une livraison d’un produit contrefait opérées sur le territoire d’un État membre, suivies d’une revente par l’acquéreur sur le territoire d’un autre État membre, cette disposition ne permet pas d’établir une compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en contrefaçon dirigée contre le vendeur initial qui n’a pas lui-même agi dans l’État membre dont relève la juridiction saisie.

    En effet, en vertu des dispositions combinées des articles 90, paragraphe 2, et 92 du règlement no 40/94, l’application de l’article 5, paragraphe 3, de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, auquel correspond l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux actions en contrefaçon d’une marque communautaire se trouve expressément exclue. Dès lors, la notion de «territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis ou menace de l’être», figurant à l’article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94, doit être interprétée de façon autonome par rapport à la notion de «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire» figurant audit article 5, point 3, du règlement no 44/2001.

    À cet égard, le point de rattachement prévu par ledit article 93, paragraphe 5, du règlement no 40/94 vise le territoire de l’État membre où l’événement qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée est survenu ou risque de survenir et non le territoire de l’État membre où ladite contrefaçon produit ses effets. Par conséquent, la compétence juridictionnelle au titre de cet article peut être établie uniquement au profit des tribunaux des marques communautaires de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a commis l’acte illicite allégué.

    (cf. points 28, 31, 34, 37, 38, disp. 1)

  2.  Dès lors que l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 40/94, sur la marque communautaire, dispose expressément que des actions portant sur une marque communautaire peuvent être intentées sur la base du droit des États membres concernant notamment la responsabilité civile et la concurrence déloyale, la compétence pour connaître de telles actions n’est pas régie par le règlement no 40/94 et doit être déterminée sur le fondement des dispositions du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Ainsi, s’agissant d’une demande fondée sur la violation de la loi nationale relative à la répression de la concurrence déloyale, l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 est applicable en vue d’établir la compétence juridictionnelle de la juridiction saisie.

    (cf. points 40-42)

  3.  L’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une allégation de publicité comparative illicite ou d’imitation déloyale d’un signe protégé par une marque communautaire, interdites par le droit de l’État membre dont relève la juridiction saisie, cette disposition ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal d’un dommage résultant de la violation de cette loi, la compétence d’une juridiction dudit État membre dès lors que celui des auteurs supposés qui y est attrait n’y a pas agi lui-même. En revanche, dans un tel cas, ladite disposition permet d’établir, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, la compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en responsabilité fondée sur ledit droit national introduite contre une personne établie dans un autre État membre et dont il est allégué qu’elle a commis, dans celui-ci, un acte qui a entraîné ou risque d’entraîner, dans le ressort de la juridiction saisie, un dommage.

    En effet, les termes «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire», figurant à l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, visent à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et le lieu de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage, de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l’un ou l’autre de ces deux lieux. L’identification de l’un de ces points de rattachement devant permettre d’établir la compétence de la juridiction objectivement la mieux placée pour apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité de la personne attraite sont réunis, il en résulte que ne peut être valablement saisie que la juridiction dans le ressort de laquelle se situe le point de rattachement pertinent. À cet égard, dans des circonstances où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, il ne peut pas être considéré que l’événement causal s’est produit dans le ressort de cette juridiction au sens de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001.

    Par ailleurs, s’agissant de dommages résultant d’atteintes à un droit de propriété intellectuelle et commerciale, la matérialisation du dommage dans un État membre déterminé est subordonnée à la protection, dans ce dernier, du droit dont la violation est alléguée. Cette exigence est transposable aux cas dans lesquels est en cause la protection d’un tel droit au moyen d’une loi nationale relative à la répression de la concurrence déloyale. Dans ces conditions, un litige relatif à la violation de ladite loi peut être porté devant les juridictions nationales, pour autant que le fait commis dans un autre État membre a entraîné ou risque d’entraîner un dommage dans le ressort de la juridiction saisie.

    (cf. points 46, 48, 50, 55-57, 59, disp. 2)