ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

17 juillet 2014 ( *1 )

«Manquement d’État — Ressources propres — Recouvrement a posteriori de droits à l’importation — Responsabilité financière des États membres — Stocks excédentaires de sucre non exportés»

Dans l’affaire C‑335/12,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 13 juillet 2012,

Commission européenne, représentée par M. A. Caeiros, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes, J. Gomes et P. Rocha ainsi que par Mme A. Cunha, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en refusant de mettre à sa disposition un montant de 785078,50 euros, correspondant aux droits relatifs aux quantités excédentaires de sucre non exportées à la suite de l’adhésion de la République portugaise à la Communauté européenne, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE, de l’article 254 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, ci-après l’«acte d’adhésion»), de l’article 7 de la décision 85/257/CEE, Euratom du Conseil, du 7 mai 1985, relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 128, p. 15), des articles 4, 7 et 8 du règlement (CEE) no 579/86 de la Commission, du 28 février 1986, établissant les modalités relatives aux stocks de produits du secteur du sucre se trouvant au 1er mars 1986 en Espagne et au Portugal (JO L 57, p. 21), tel que modifié par le règlement (CEE) no 3332/86 de la Commission, du 31 octobre 1986 (JO L 306, p. 37, ci-après le «règlement no 579/86»), de l’article 2 du règlement (CEE) no 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement «a posteriori» des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui n’ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1), ainsi que des articles 2, 11 et 17 du règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 155, p. 1).

Le cadre juridique

2

L’article 254 de l’acte d’adhésion prévoit:

«Tout stock de produits se trouvant en libre pratique sur le territoire portugais au 1er mars 1986 et dépassant en quantité celle qui peut être considérée comme représentant un stock normal de report doit être éliminé par la République portugaise et à la charge de celle-ci dans le cadre de procédures communautaires à définir et dans des délais à déterminer dans les conditions prévues à l’article 258. La notion de stock normal de report est définie pour chaque produit en fonction des critères et objectifs propres à chaque organisation commune de marché.»

3

Aux termes de l’article 371 de l’acte d’adhésion:

«1.   La décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés [...] est appliquée conformément aux articles 372 à 375.

2.   Toute référence à la décision du 21 avril 1970 faite dans les articles du présent chapitre doit s’entendre comme se référant à la décision du Conseil du 7 mai 1985 relative au système des ressources propres de la Communauté dès l’entrée en vigueur de cette dernière décision.»

4

L’article 372, premier alinéa, de l’acte d’adhésion dispose:

«Les recettes dénommées ‘prélèvements agricoles’ visées à l’article 2, premier alinéa point a) de la décision du 21 avril 1970 comprennent également les recettes provenant de tout montant constaté à l’importation dans les échanges entre le Portugal et les autres États membres et entre le Portugal et les pays tiers au titre des articles 233 à 345, de l’article 210 paragraphe 3 et de l’article 213.»

5

L’article 2 de la décision 85/257 prévoit:

«Les recettes provenant:

a)

des prélèvements, primes, montants supplémentaires ou compensatoires, montants ou éléments additionnels et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres dans le cadre de la politique agricole commune, ainsi que des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

b)

des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres,

constituent des ressources propres inscrites au budget des Communautés.

[...]»

6

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette décision:

«Les ressources communautaires visées aux articles 2 et 3 sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont modifiées, le cas échéant, à cet effet. Les États membres mettent ces ressources à la disposition de la Commission.»

7

L’article 2, paragraphe 1, de la décision 88/376/CEE, Euratom du Conseil, du 24 juin 1988, relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 185, p 24), dispose:

«Constituent des ressources propres inscrites au budget des Communautés, les recettes provenant:

a)

des prélèvements, primes, montants supplémentaires ou compensatoires, montants ou éléments additionnels et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres dans le cadre de la politique agricole commune, ainsi que des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

b)

des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres et des droits de douane sur les produits relevant du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier;

[...]»

8

L’article 8, paragraphe 1, de cette décision prévoit:

«Les ressources propres communautaires visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation communautaire. [...] Les États membres mettent les ressources prévues à l’article 2 paragraphe 1 points a) à d) à la disposition de la Commission.»

9

L’article 1er du règlement no 1697/79 dispose:

«1.   Le présent règlement détermine les conditions dans lesquelles les autorités compétentes procèdent au recouvrement a posteriori des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui, pour quelque raison que ce soit, n’ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits.

2.   Au sens du présent règlement, on entend par:

a)

droits à l’importation, tant les droits de douane et taxes d’effet équivalent que les prélèvements agricoles et autres impositions à l’importation prévues dans le cadre de la politique agricole commune ou dans celui des régimes spécifiques applicables, au titre de l’article 235 du traité, à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles;

[...]

c)

prise en compte, l’acte administratif par lequel est dûment établi le montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation à percevoir par les autorités compétentes;

d)

dette douanière, l’obligation d’une personne physique ou morale de payer le montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation applicables, en vertu des dispositions en vigueur, aux marchandises passibles de tels droits.»

10

L’article 2 du règlement no 1697/79 prévoit:

«1.   Lorsque les autorités compétentes constatent que tout ou partie du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus pour une marchandise déclarée pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits n’a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus.

Toutefois, cette action ne peut plus être engagée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la prise en compte du montant primitivement exigé du redevable, ou, s’il n’y a pas eu de prise en compte, à compter de la date de la naissance de la dette douanière relative à la marchandise en cause.

2.   Au sens du paragraphe 1, l’action en recouvrement est engagée par la notification à l’intéressé du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dont il est redevable.»

11

L’article 1er du règlement (CEE) no 3771/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif aux stocks de produits agricoles se trouvant au Portugal (JO L 362, p. 21), énonce:

«Le présent règlement établit les règles générales relatives à l’application de l’article 254 de l’acte d’adhésion.»

12

L’article 8 du règlement no 3771/85 dispose:

«1.   Les modalités d’application du présent règlement sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 38 du règlement no 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant établissement d’une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses [(JO 1966, 172, p. 3025)], ou, selon le cas, aux articles correspondants des autres règlements portant organisation commune des marchés agricoles.

2.   Les modalités d’application visées au paragraphe 1 comportent notamment:

a)

la fixation du stock visé à l’article 254 de l’acte d’adhésion pour les produits dont les quantités dépassent le stock normal de report;

[...]

d)

les modalités d’écoulement des produits excédentaires.

3.   Les modalités d’application visées au paragraphe 1 peuvent prévoir:

[...]

c)

la perception d’une taxe au cas où un intéressé ne respecterait pas les modalités d’écoulement des produits excédentaires.»

13

Aux termes du deuxième considérant du règlement no 579/86:

«[...] compte tenu du risque spéculatif qui existe dans les nouveaux États membres pour le sucre et l’isoglucose, produits stockables pour lesquels des restitutions à l’exportation sont fixées, il y a lieu de prévoir des dispositions en matière de stocks se trouvant au 1er mars 1986 [...] au Portugal».

14

Le sixième considérant de ce règlement est libellé comme suit:

«[...] les quantités excédant le stock de report [...] qui n’auraient pas été exportées avant la date prévue et donc non éliminées du marché doivent être considérées comme écoulées sur le marché intérieur de la Communauté et comme si elles avaient été importées des pays tiers; [...] dans ces conditions, il est justifié de prévoir que soit perçu un montant égal au prélèvement à l’importation pour le produit en cause en vigueur le dernier jour du délai prévu pour l’exportation; [...] il y a lieu de retenir en vue de la conversion de ce montant en monnaie nationale le taux agricole applicable à cette même date».

15

L’article 3 dudit règlement dispose:

«1.   Les nouveaux États membres procèdent [...] à un recensement des stocks de sucre et d’isoglucose se trouvant en libre pratique sur leur territoire respectif le 1er mars 1986 à 0.00 heure.

2.   Pour l’application du paragraphe 1, tout détenteur [...] d’une quantité de sucre ou d’isoglucose d’au moins 3000 kilogrammes [...] se trouvant en libre pratique le 1er mars 1986 à 0.00 heure, doit la déclarer avant le 13 mars 1986 aux autorités compétentes.

[...]»

16

L’article 4 du règlement 579/86 prévoit:

«1.   Lorsque la quantité du stock de sucre ou d’isoglucose constatée par le recensement visé à l’article 3 dépasse, pour un nouvel État membre, la quantité fixée pour celui-ci à l’article 2, paragraphe 1, cet État membre assure que soit exportée hors de la Communauté, avant le [...] 1er juillet 1987, lorsqu’il s’agit du Portugal, une quantité égale à la différence entre la quantité recensée et la quantité fixée en cause [...]

[...]

2.   Pour les quantités à exporter en vertu du paragraphe 1:

[...]

c)

l’exportation du produit en cause doit être effectuée [...] avant le 1er juillet 1987 en ce qui concerne le Portugal, à partir du territoire du nouvel État membre où la constatation visée au paragraphe 1 est intervenue, et le produit doit avoir quitté le territoire géographique de la Communauté avant la date concernée.»

17

L’article 5 du règlement no 579/86 dispose:

«1.   La preuve de l’exportation visée à l’article 4 paragraphe 1 doit être apportée, sauf cas de force majeure, [...] avant le 1er septembre 1987 pour les exportations à partir du Portugal par la présentation:

a)

des certificats d’exportation délivrés conformément à l’article 6 par l’organisme compétent du nouvel État membre concerné;

b)

des documents concernés visés aux articles 30 et 31 du règlement (CEE) no 3183/80 [de la Commission, du 3 décembre 1980, portant modalités communes d’application du régime de certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 338, p. 1),] nécessaires à la libération de la garantie.

2.   Si la preuve visée au paragraphe 1 n’est pas apportée avant la date prévue, la quantité en cause est considérée comme écoulée sur le marché intérieur de la Communauté.

[...]»

18

L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 579/86 énonce:

«Pour les quantités qui, au sens de l’article 5 paragraphe 2, sont considérées comme écoulées sur le marché intérieur, il est perçu un montant qui est égal:

a)

en ce qui concerne le sucre, par 100 kilogrammes, au prélèvement à l’importation, pour le sucre blanc, [...] en vigueur le 30 juin 1987 dans le cas du Portugal, augmenté ou diminué selon le cas du montant compensatoire ‘adhésion’ en vigueur à la même date pour le sucre blanc pour le nouvel État membre en cause;

[...]»

19

L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement prévoit:

«Les nouveaux États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour l’application du présent règlement et déterminent en particulier toutes les procédures de contrôle qui s’avèrent nécessaires pour la réalisation du recensement visé à l’article 3 et pour l’accomplissement de l’obligation d’exportation visées à l’article 4 paragraphe 1.»

20

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1552/89 dispose:

«Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de la décision [88/376] est constaté dès que le montant dû est communiqué par le service compétent de l’État membre au redevable. Cette communication est effectuée dès que le redevable est connu et que le montant du droit peut être calculé par les autorités administratives compétentes, dans le respect de toutes les dispositions communautaires applicables en la matière.»

21

L’article 11 du règlement no 1552/89 prévoit:

«Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard.»

22

L’article 17 de ce règlement dispose:

«1.   Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.   Les États membres ne sont dispensés de mettre à disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure. En outre, dans des cas d’espèce, les États membres peuvent ne pas mettre ces montants à la disposition de la Commission lorsqu’il s’avère, après examen approfondi de toutes les données pertinentes du cas en question, qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne sauraient leur être imputables. Ces cas doivent être mentionnés dans le rapport prévu au paragraphe 3, dans la mesure où les montants dépassent 10000 [euros], convertis en monnaie nationale au taux du premier jour ouvrable du mois d’octobre de l’année civile passée; ce rapport doit comporter une indication des raisons qui ont empêché l’État membre de mettre à disposition les montants en cause. La Commission dispose d’un délai de six mois pour communiquer, le cas échéant, ses observations à l’État membre concerné.

[...]»

La procédure précontentieuse

23

Le 26 juin 2003, la République portugaise a demandé à la Commission, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2000/597/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 130, p. 1), l’autorisation d’être dispensée de mettre à la disposition de cette institution le montant de 785078,50 euros relatif à des ressources traditionnelles.

24

Selon la République portugaise, ces prélèvements étaient devenus irrécouvrables à la suite de l’intervention d’un arrêt du Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) du 8 mai 2002, qui a annulé une ordonnance d’apurement de droits initialement notifiée au redevable concerné, le 25 octobre 1990. L’apurement portait sur des ressources propres relatives à des quantités excédentaires de sucre pour lesquelles aucune preuve d’exportation n’avait été apportée jusqu’au 1er septembre 1987, délai fixé par le règlement no 579/86.

25

En réponse à cette demande, la Commission a, par des lettres des 17 décembre 2003 et 20 février 2004, demandé aux autorités portugaises des renseignements complémentaires portant, notamment, sur les motifs pour lesquels, d’une part, ledit redevable avait reçu la notification de la dette douanière en cause plus de trois ans après la constitution de cette dette et, d’autre part, le Supremo Tribunal Administrativo «a[vait] annulé l’acte de prise en compte de la[dite] dette».

26

Par une lettre du 22 mars 2004, les autorités portugaises ont fourni les renseignements demandés ainsi qu’une copie de l’arrêt du Supremo Tribunal Administrativo du 8 mai 2002 et de l’arrêt du Tribunal Tributário de Segunda Instância (tribunal fiscal de seconde instance) du 26 mars 1996. Il ressort de ces renseignements que l’entreprise en cause n’avait pas produit de preuves de l’exportation des quantités excédentaires de sucre se trouvant en sa possession et que, conformément à une communication du service des douanes de Funchal (Portugal) du 16 octobre 1987, elle avait payé, le 30 octobre 1987, une somme de 522511,20 euros. Au terme de nouvelles vérifications, les autorités portugaises ont informé cette entreprise que le montant supplémentaire qu’elle devait acquitter s’élevait à 785 078,50 euros. Ladite entreprise a formé un recours contre la décision mettant à sa charge cette somme. L’affaire a été portée devant le Supremo Tribunal Administrativo, lequel, avant de se prononcer, a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour, qui a rendu, le 11 octobre 2001, l’ordonnance William Hinton & Sons (C‑30/00, EU:C:2001:536). Par la suite, le 8 mai 2002, le Supremo Tribunal Administrativo a définitivement annulé la créance des autorités douanières portugaises, au motif que la notification du montant supplémentaire en cause avait été effectuée à un moment où cette créance était déjà prescrite.

27

Par une lettre du 19 juillet 2004, la Commission a fait savoir aux autorités portugaises que leur demande du 26 juin 2003, par laquelle elles sollicitaient une dispense de l’obligation de mettre à la disposition de cette institution les ressources propres en question, avait été rejetée. La Commission a également indiqué à ces autorités qu’elle considérait que la République portugaise n’avait pas démontré que les motifs du non‑recouvrement des ressources propres en cause ne lui étaient pas imputables. Elle a, dès lors, demandé aux autorités portugaises de mettre à sa disposition, pour le 20 septembre 2004 au plus tard, la somme de 785078,50 euros.

28

Par une lettre du 29 novembre 2004, les autorités portugaises ont demandé aux services de la Commission de reconsidérer leur position.

29

Par une lettre du 28 juillet 2006, la Commission a rejeté la demande de la République portugaise. Dès lors, elle a de nouveau demandé aux autorités portugaises de mettre immédiatement à sa disposition le montant en cause. Dans cette lettre, la Commission a formulé sa demande sur la base de la qualification du montant en cause de «recettes provenant [...] des cotisations et d’autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre». Une autre demande de mise à disposition du montant dû, présentée par une lettre du 31 janvier 2007, n’a pas non plus donné lieu à une réponse favorable des autorités portugaises.

30

Le 23 octobre 2007, la Commission a adressé à la République portugaise une lettre de mise en demeure, dans laquelle elle a exposé les raisons pour lesquelles elle était en désaccord avec la position exprimée par cet État membre, «qui refus[ait] de reconnaître que les droits en cause constitu[aient] des ressources propres des Communautés» et elle a présenté également, dans cette lettre, les motifs pour lesquels ces droits «constitu[aient] effectivement des ressources propres des Communautés».

31

Dans ladite lettre de mise en demeure, la Commission a souligné qu’il était «indiscutable que la décision juridictionnelle définitive du Supremo Tribunal Administrativo ne pouvait être ignorée ni par les autorités portugaises ni par la Commission» et que, cependant, cette décision «concern[ait] directement la relation entre l’opérateur et les autorités nationales [...], mais [qu’]elle n’affect[ait] pas les obligations de l’État membre relatives aux ressources propres des Communautés».

32

Dans la même lettre de mise en demeure, la Commission a rappelé que «l’article 254 de l’acte d’adhésion exigeait que [la République portugaise] élimine, à sa propre charge, les quantités de sucre excédentaires» et elle a souligné que, «à cet égard, les autorités portugaises auraient dû assurer l’exportation des quantités excédentaires (conformément à l’article 4 du règlement no 579/86)». La Commission a ajouté que, «en ce qui concerne les quantités à exporter, elles auraient dû percevoir les droits constatés, conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe 3, point c), du règlement no 3771/85 [...] et de l’article 7, paragraphe 1, point a), du règlement no 579/86 et auraient dû prendre toutes les mesures nécessaires en vue de l’application de ladite législation (conformément à l’article 8 de ce dernier règlement)».

33

La Commission a également invité la République portugaise à mettre à la disposition de la Commission, le plus rapidement possible, la somme de 785078,50 euros, afin d’éviter une plus grande accumulation d’intérêts de retard, conformément à l’article 11 du règlement no 1150/2000, et elle a invité cet État membre, en application de l’article 226 CE, à présenter ses observations sur cette affaire dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre de mise en demeure susmentionnée.

34

Par une lettre du 8 février 2008, les autorités portugaises ont répondu à cette lettre de mise en demeure, en faisant valoir que, lorsqu’elles avaient «communiqué à la Commission, le 26 juin 2003, leur demande de dispense de mise à disposition de ressources propres [...], elles [avaient] qualifié le montant en cause de prélèvement» et que, par suite du «prononcé, le 7 décembre 2004, de l’arrêt du Tribunal de première instance [des Communautés européennes] dans l’affaire Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission [(T‑240/02, EU:T:2004:354)], la qualification retenue par les autorités portugaises a[vait] été mise en cause [...] [et que] l’interprétation figurant dans cet arrêt a[vait] ultérieurement été confirmée par la Cour dans son arrêt du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission [(C‑68/05 P, EU:C:2006:674)]». Ces autorités ont souligné que, «[e]n effet, il ressort[ait] de ces deux arrêts (bien qu’ils concernent le montant perçu au titre du sucre non exporté) que le montant dû, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, point a), du règlement no 579/86, ne [pouvait] être qualifié de ‘prélèvement’, dans la mesure où ce montant [...] poursui[vai]t des objectifs distincts de ceux qui sont associés à la mise en œuvre des prélèvements à l’importation [et] utilis[ait] le prélèvement uniquement comme base de calcul».

35

Les autorités portugaises ont précisé, dans ladite lettre, que «ce n’[était] que dans sa lettre du 28 juillet 2006 que la Commission [avait qualifié], pour la première fois, le montant en cause d’‘autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre’, au sens de l’article 2 de la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42) [...]», qualification avec laquelle les autorités portugaises ont exprimé leur désaccord en expliquant les raisons d’une telle position.

36

Le 2 février 2009, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé, dans lequel elle a réfuté les arguments avancés par lesdites autorités.

37

À cet égard, la Commission a rappelé, d’une part, que la nature de ressources propres des Communautés des montants en cause résultait de la législation communautaire et ne relevait pas des États membres, ce qui impliquait que la qualification donnée à ces montants par les États membres était dénuée de pertinence, et, d’autre part, elle a confirmé sa position selon laquelle «le montant en cause en l’espèce [devait] être qualifié d’‘autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre’, conformément à l’article 2, point a), de la décision [85/257]».

38

La Commission a également invité le gouvernement portugais à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

39

Le 28 octobre 2011, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé complémentaire, dans lequel elle a confirmé les termes de l’avis motivé adressé le 2 février 2009 à cet État membre, et elle a informé les autorités portugaises que «deux erreurs matérielles manifestes [avaient] été décelées dans l’avis motivé [...] et qu’il conv[enait], pour des raisons de clarté et de sécurité juridique, de les rectifier au moyen du présent avis motivé complémentaire».

40

La Commission a rectifié lesdites erreurs matérielles aux points 11 et 12 de cet avis motivé complémentaire, dans les termes suivants: «[...] du fait que les autorités portugaises ont refusé de mettre à disposition un montant de 785078,50 euros de ressources propres correspondant à des droits relatifs aux quantités excédentaires de sucre non exportées à la suite de l’adhésion [de la République portugaise] à la [Communauté], la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE, de l’article 254 de l’acte d’adhésion, de l’article 7 de la décision 85/257, des articles 4, 7 et 8 du règlement no 579/86, de l’article 2 du règlement no 1697/79 et des articles 2, 11 et 17 du règlement no 1552/89».

41

Dans ledit avis motivé complémentaire, la Commission a de nouveau demandé à la République portugaise de se conformer à ses obligations dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

42

Le 6 février 2012, les autorités portugaises ont répondu au même avis motivé complémentaire. Elles ont maintenu leurs arguments et ont fait savoir qu’elles «marqu[aient] leur désaccord sur les arguments qui fond[aient] l’avis motivé et que la Commission maint[enait] dans l’avis motivé complémentaire».

43

N’étant pas satisfaite de la réponse de cet État membre, la Commission a décidé d’introduire le présent recours au titre de l’article 258 TFUE.

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

44

Par une lettre du 18 mars 2014, la République portugaise a demandé la réouverture de la procédure orale en faisant valoir, en substance, que l’avocat général, d’une part, n’a pas tenu compte de tous ses arguments en ce qui concerne la question de la qualification des montants en cause de ressources propres de l’Union européenne et, d’autre part, qu’il s’est fondé, s’agissant de l’appréciation de la diligence des autorités portugaises, sur des éléments de fait sur lesquels la République portugaise n’a pas été interrogée par la Cour.

45

À cet égard, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir arrêt Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑266/09, EU:C:2010:779, point 28).

46

Il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 83 du règlement de procédure que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties.

47

La Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose, en l’occurrence, de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le présent recours et que l’affaire ne doit pas être examinée au regard d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.

48

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

Sur le recours

49

Il est constant que, à la date fixée dans l’avis motivé, soit le 2 avril 2009, le montant de 785078,50 euros n’avait pas été mis à disposition de la Commission.

50

Il n’est pas contesté que ce montant a été calculé sur la base des dispositions des articles 4, 7 et 8 du règlement no 579/86.

51

La Commission et la République portugaise s’opposent sur la qualification de l’imposition prévue à l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 3771/85, qui est perçue en cas de non‑respect des modalités d’écoulement des produits excédentaires. L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 579/86 désigne cette imposition simplement sous le terme «montant». Un tel terme, en lui-même, ne fournit pas d’indication sur la question de savoir si cette imposition relève ou non des ressources propres des Communautés.

52

La Commission affirme que cette imposition constitue un autre droit prévu dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, au sens de l’article 2, sous a), de la décision 85/257 et de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 88/376, et que, ainsi, elle constitue une ressource propre des Communautés.

53

La Commission, pour arriver à cette qualification, a tiré les conséquences des arrêts du Tribunal Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission (EU:T:2004:354) et de la Cour Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission (EU:C:2006:674). Dans ces arrêts, les juridictions de l’Union ont écarté la qualification de ladite imposition de prélèvement à l’importation.

54

La qualification de ressource propre, invoquée par la Commission, doit être retenue.

55

En effet, l’article 1er du règlement no 3771/85 énonce que ce règlement établit les règles générales relatives à l’application de l’article 254 de l’acte d’adhésion. Cette disposition prévoit non seulement que, tout stock de produits se trouvant en libre pratique sur le territoire portugais au 1er mars 1986 et dépassant en quantité celle qui peut être considérée comme représentant un stock normal de report doit être éliminé par la République portugaise et à la charge de celle‑ci, mais aussi que la notion de stock normal de report est définie pour chaque produit en fonction des critères et des objectifs propres à chaque organisation commune de marché.

56

Ainsi que la Cour l’a constaté au point 54 de l’ordonnance William Hinton & Sons (EU:C:2001:536), l’article 254 de l’acte d’adhésion vise à assurer la transition, en ce qui concerne la République portugaise, entre le régime antérieur et celui de la politique agricole commune. À cet effet, il détermine les limites dans lesquelles l’écoulement de certains produits se trouvant en libre pratique sur le territoire portugais au 1er mars 1986 peut faire l’objet d’un soutien financier de la part de la Communauté à cette date.

57

S’agissant des règles générales relatives à l’application de cet article 254, l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 3771/85 prévoit que les modalités d’application de ce règlement, à fixer selon les procédures prévues par la réglementation portant organisation commune des marchés agricoles, comportent notamment la perception d’une taxe au cas où l’intéressé ne respecterait pas les modalités d’écoulement des produits excédentaires. Ainsi, pour mettre en œuvre l’élimination des stocks excédentaires de sucre dont l’existence a été constatée au Portugal, le règlement no 579/86 prévoit, à titre principal, l’exportation de ces stocks dans un délai déterminé et, à défaut d’exportation dans ce délai, en vertu de son article 7, paragraphe 1, le paiement d’un montant qui est égal au prélèvement à l’importation, pour le sucre blanc, en vigueur le 30 juin 1987 (voir, en ce sens, ordonnance William Hinton & Sons, EU:C:2001:536, point 56).

58

En outre, et indépendamment de ce contexte législatif, il est reconnu que l’élimination des stocks excédentaires de certains produits agricoles du marché ou le maintien des stocks normaux de ces produits sur le marché sont typiquement l’objectif de la politique agricole commune et que les mesures visant à réaliser cet objectif s’intègrent dans cette politique. Ainsi, de telles mesures – et l’imposition prévue à l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 3771/85 se trouve parmi celles‑ci –, sauf dispositions contraires du droit de l’Union, sont à considérer comme se situant dans le cadre de l’organisation commune des marchés en cause, en l’espèce le marché du sucre.

59

Par ailleurs, le règlement no 579/86, qui établit les modalités relatives aux stocks de produits du secteur du sucre se trouvant au 1er mars 1986 en Espagne et au Portugal, a comme base juridique non seulement l’acte d’adhésion et le règlement no 3771/85, mais aussi le règlement (CEE) no 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4).

60

La République portugaise conteste cette qualification, mais les arguments invoqués à cet égard ne peuvent être accueillis.

61

Tout d’abord, cet État membre soutient que les recettes devant être qualifiées de «ressources propres» sont précisées dans l’acte d’adhésion et que l’imposition en cause n’y figure pas. Il se réfère spécifiquement aux articles 371 et 372 de cet acte.

62

À cet égard, il convient de relever que la référence faite par la République portugaise à ces articles n’est pas pertinente. En effet, l’article 371 de l’acte d’adhésion prévoit que la décision 85/257 est appliquée conformément aux articles 372 à 375 de cet acte. L’article 372, premier alinéa, de l’acte d’adhésion précise que les recettes dénommées «prélèvements agricoles» visées par la décision 85/257 «comprennent également les recettes provenant de tout montant constaté à l’importation dans les échanges» entre la République portugaise et les autres États membres ou des pays tiers, sans pour autant limiter les recettes propres de la Communauté à ces seuls «prélèvements agricoles». Au regard de ces termes, l’article 372, premier alinéa, de l’acte d’adhésion n’exclut pas la perception de recettes propres autres que les «prélèvements agricoles».

63

La République portugaise considère que l’imposition prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 579/86 a été instaurée exclusivement en application de l’article 254 de l’acte d’adhésion et du règlement no 3771/85, le renvoi au règlement no 1785/81 dans le règlement no 579/86 ne couvrant que certaines dispositions de ce dernier, comme l’article 2, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 2, sous b), de celui‑ci. Cet État membre se réfère au point 54 de l’ordonnance William Hinton & Sons (EU:C:2001:536) comme élément démontrant qu’il s’agit de la mise en œuvre de l’acte d’adhésion.

64

En réponse à cet argument, il convient de relever que la République portugaise ne livre pas les raisons pour lesquelles, selon elle, l’influence de la base juridique du règlement no 1785/81 serait limitée à certaines dispositions du règlement no 579/86. Par ailleurs, elle mentionne les dispositions figurant au point précédent du présent arrêt à titre d’exemple. En ce qui concerne la référence au point 54 de l’ordonnance William Hinton & Sons (EU:C:2001:536), il doit être constaté que ce point vient plutôt au soutien de l’argument de la Commission. En effet, le traité d’adhésion et l’acte d’adhésion servent non seulement à réaliser l’acte juridique et politique par lequel un État candidat devient membre de l’Union, mais aussi à déterminer les conditions dans lesquelles le nouvel État membre va, transitoirement, fonctionner. La transition vers la politique agricole commune peut impliquer que le nouvel État membre aura l’obligation d’appliquer immédiatement ou dans un délai déterminé la réglementation pertinente de l’Union ou certains éléments de celle‑ci.

65

La République portugaise s’appuie sur le règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1), selon lequel aucune recette ne peut être perçue autrement que par l’imputation à un article du budget et indique que, pour les exercices 1987 à 1989 et les budgets ultérieurs, l’imposition en cause n’a été imputée à aucun article de ces budgets.

66

Il convient de constater que l’objet de la requête est constitué par le refus de la République portugaise de mettre à la disposition de cette institution un montant considéré comme faisant partie des ressources propres. À cet égard, il importe de distinguer la décision 85/257 qui a, en tant que mesure de droit budgétaire, pour objet de définir les ressources propres inscrites au budget de l’Union et les taxes ou les droits établis par le législateur communautaire dans l’exercice d’une compétence fondée sur les dispositions du traité CE relatives à la politique agricole commune (voir, en ce sens, arrêts Amylum/Conseil, 108/81, EU:C:1982:322, point 32, et Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65, point 40, ainsi que ordonnance Isera & Scaldis Sugar e.a., C‑154/12, EU:C:2013:101, point 31). Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions, la perception du montant dû en vertu des articles 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 3771/85 et 7, paragraphe 2, du règlement no 579/86 ne saurait dépendre de son imputation à une ligne du budget des Communautés.

67

Enfin, la République portugaise soutient que, selon l’article 6, paragraphe 3, du règlement (CE) no 60/2004 de la Commission, du 14 janvier 2004, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne (JO L 9, p. 8), et l’article 12, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1832/2006 de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie (JO L 354, p. 8), les montants qui sont de la même nature que ceux en cause sont imputés au budget national de ces États membres et, par conséquent, ne sont pas considérés comme des ressources propres.

68

Ainsi que le souligne la Commission, ces règlements ne peuvent être pris en considération ratione temporis. Ils ont été adoptés postérieurement à la date des faits qui font l’objet de la requête de la Commission et dans des circonstances qui ne sont pas identiques à celles de la présente affaire. C’est à juste titre que cette institution fait également valoir que le législateur de l’Union dispose de la liberté de déterminer et de qualifier les mesures qu’il adopte.

69

Eu égard aux considérations qui précèdent, l’imposition prévue aux articles 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 3771/85 et 7, paragraphe 1, du règlement no 579/86 constitue un autre droit prévu dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, au sens de l’article 2, sous a), de la décision 85/257 et de l’article 2, sous a), de la décision 88/376. Il s’ensuit que la République portugaise était tenue de mettre le montant en cause à la disposition de la Commission.

70

Dans sa requête, la Commission demande également à la Cour de constater le manquement de la République portugaise au regard de l’article 2 du règlement no 1697/79.

71

À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 1er de ce règlement, celui-ci détermine les conditions dans lesquelles les autorités compétentes procèdent au recouvrement a posteriori des droits à l’importation ou des droits à l’exportation. Selon l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement, lorsque les autorités compétentes constatent que tout ou partie du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus pour une marchandise déclarée pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits n’a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus.

72

Il ressort des termes de ces dispositions que l’application du même règlement présuppose, notamment, que le montant à recouvrer constitue un droit à l’importation ou à l’exportation.

73

Or, le montant en cause ne constitue pas un droit à l’importation ou à l’exportation. En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 579/86, ce montant ne constitue pas un prélèvement à l’importation ou à l’exportation, mais est seulement égal à un prélèvement à l’importation de sucre. En outre, il ressort de cette disposition, lue en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, que le fait générateur dudit montant est non pas l’importation ou l’exportation, mais l’absence de preuve d’une exportation des quantités excédentaires au 1er septembre 1987.

74

Il convient de rappeler que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission (EU:T:2004:354, point 38) et Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission (EU:C:2006:674, points 38 à 43), les juridictions de l’Union ont constaté que le montant dû en raison de la non‑exportation de sucre C, au sens du règlement no 1785/81 et du règlement (CEE) no 2670/81 de la Commission, du 14 septembre 1981, établissant les modalités d’application pour la production hors quota dans le secteur du sucre (JO L 262, p. 14), ne peut être considéré comme un droit de douane à l’importation ou à l’exportation ou une taxe d’effet équivalent ou une imposition agricole à l’importation ou à l’exportation, à savoir un prélèvement.

75

Or, la Commission reconnaît, dans sa requête, que le fait générateur de ce montant est substantiellement identique au fait générateur de la perception du montant prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 579/86.

76

Par ailleurs, pour cette raison, la Commission soutient que l’imposition en cause, ne pouvant pas être qualifiée de droit à l’importation ou de droit à l’exportation au regard de la jurisprudence citée au point 74 du présent arrêt, constitue un autre droit prévu dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

77

Dans ces conditions, le règlement no 1697/79 n’est pas applicable dans cette affaire et ainsi le délai de prescription de trois ans pour les actions en recouvrement, prévu à l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce règlement, ne s’applique pas non plus.

78

L’argumentation présentée en défense par la République portugaise est fondée essentiellement sur le fait que le recouvrement du montant en cause n’était plus possible en raison de la prescription de la dette de la société redevable et que cet État membre n’a pas commis de faute dans le dépassement du délai de prescription de trois ans.

79

À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1552/89, auquel se réfère la Commission, les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées (arrêt Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, point 66).

80

Il est constant que, le 25 octobre 1990, les autorités portugaises compétentes ont adressé à la société redevable une lettre lui ordonnant de payer le montant dû. Sans même qu’il y ait lieu d’examiner la question de savoir si la République portugaise a agi, jusqu’à cette date, avec toute la diligence nécessaire pour constater et recouvrer la dette en question, il apparaît que, ultérieurement et jusqu’à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire, à l’exception d’arguments juridiques qui se sont révélés infondés, cet État membre n’a apporté la preuve ni d’une force majeure ni d’une impossibilité dans laquelle il aurait été de mettre à la disposition de la Commission la somme en cause. Il n’a pas même tenté de recouvrer la somme en cause sur la base juridique selon laquelle la prescription n’était pas encore arrivée à son terme.

81

Par conséquent, il convient de considérer que, sauf en tant qu’il porte sur un manquement de la République portugaise aux obligations lui incombant en vertu de l’article 2 du règlement no 1697/79, le recours de la Commission est fondé.

82

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu:

de constater que, la République portugaise, en refusant de mettre à la disposition de la Commission un montant de 785078,50 euros, correspondant aux droits relatifs aux quantités excédentaires de sucre non exportées à la suite de son adhésion à la Communauté, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE, de l’article 254 de l’acte d’adhésion, de l’article 7 de la décision 85/257, des articles 4, 7 et 8 du règlement no 579/86 ainsi que des articles 2, 11 et 17 du règlement no 1552/89, et

de rejeter le recours pour le surplus.

Sur les dépens

83

En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise aux dépens et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

 

1)

La République portugaise, en refusant de mettre à la disposition de la Commission européenne un montant de 785078,50 euros, correspondant aux droits relatifs aux quantités excédentaires de sucre non exportées à la suite de son adhésion à la Communauté européenne, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE, de l’article 254 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, de l’article 7 de la décision 85/257/CEE, Euratom du Conseil, du 7 mai 1985, relative au système des ressources propres des Communautés, des articles 4, 7 et 8 du règlement (CEE) no 579/86 de la Commission, du 28 février 1986, établissant les modalités relatives aux stocks de produits du secteur du sucre se trouvant au 1er mars 1986 en Espagne et au Portugal, tel que modifié par le règlement (CEE) no 3332/86 de la Commission, du 31 octobre 1986, ainsi que des articles 2, 11 et 17 du règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

La République portugaise est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le portugais.