CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 11 avril 2013 ( 1 )

Affaire C‑5/12

Marc Betriu Montull

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS)

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social no 1 de Lleida (Espagne)]

«Politique sociale — Égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins — Directive 76/207/CEE — Articles 2 et 5 — Directive 92/85/CEE — Article 8 — Droit à un congé de maternité en faveur des mères salariées — Utilisation possible par la mère salariée ou par le père salarié — Mère non salariée — Exclusion du droit à un congé pour le père salarié — Directive 96/34/CE — Accord-cadre sur le congé parental — Droits de la mère et du père — Pères biologiques et pères adoptifs»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 3 janvier 2012, porte sur l’interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ( 2 ) et à la directive 96/34/CE du Conseil, du 31 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES ( 3 ).

2.

Les questions posées par le Juzgado de lo Social no 1 de Lleida (Espagne) s’inscrivent dans le cadre d’un litige opposant M. Betriu Montull à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (ci-après l’«INSS») relatif à l’application combinée de l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs ( 4 ) et de l’article 133 bis de la loi générale sur la sécurité sociale ( 5 ). L’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs ( 6 ) prévoit un congé de maternité de seize semaines, dont les six premières semaines postérieures à l’accouchement sont obligatoirement prises par la mère de l’enfant. La mère peut alors choisir de transférer au père tout ou partie du reste du congé de maternité. L’article 133 bis de la loi générale sur la sécurité sociale prévoit une allocation de maternité pour les périodes de repos accordées pour la maternité en application de l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

3.

M. Betriu Montull est salarié et affilié au régime général de la sécurité sociale espagnole. Mme Macarena Ollé, Procuradora de los Tribunales, est inscrite à la Mutualidad General de los Procuradores, régime étranger au système espagnol de sécurité sociale ( 7 ).

4.

Après la naissance de leur fils le 20 avril 2004 à Lleida et, je présume, avec le consentement de la mère de l’enfant, comme le prévoit la législation espagnole, M. Betriu Montull a demandé l’allocation de maternité pour la période postérieure aux six semaines de repos obligatoire que la mère doit prendre immédiatement après l’accouchement. Par décisions des 28 juillet et 8 août 2004, cette demande a été refusée par l’INSS. Selon celui-ci, la mère n’étant inscrite dans aucun régime public du système de sécurité sociale et, partant, n’étant pas titulaire du droit originaire au congé qui donne lieu à la situation protégée par le système de sécurité sociale, le père, dans un cas de maternité biologique, dispose non pas d’un droit propre, autonome et indépendant, mais uniquement d’un droit nécessairement dérivé de celui de la mère.

5.

Le 13 septembre 2004, M. Betriu Montull a introduit devant la juridiction de renvoi un recours contre la décision de l’INSS pour demander la reconnaissance de son droit à l’allocation, en alléguant, entre autres, une violation du principe d’égalité de traitement.

6.

La juridiction de renvoi se demande si les dispositions nationales en cause, qui conçoivent le droit du père à l’allocation comme étant dérivé de celui de la mère, portent atteinte au principe d’égalité entre hommes et femmes.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 76/207

7.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 76/207 est ainsi libellé:

«La présente directive vise la mise en œuvre, dans les États membres, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail et, dans les conditions prévues au paragraphe 2, la sécurité sociale. Ce principe est dénommé ci-après ‘principe de l’égalité de traitement’.»

8.

L’article 2 de cette directive énonce:

«1.   Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

[…]

3.   La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.

4.   La présente directive ne fait pas obstacle aux mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans les domaines visés à l’article 1er, paragraphe 1.»

9.

Aux termes de l’article 5 de ladite directive:

«1.   L’application du principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.

2.   À cet effet, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a)

soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement;

b)

soient nulles, puissent être déclarées nulles ou puissent être amendées les dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement qui figurent dans les conventions collectives ou dans les contrats individuels de travail, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes;

c)

soient révisées celles des dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement lorsque le souci de protection qui les a inspirées à l’origine n’est plus fondé; que, pour les dispositions conventionnelles de même nature, les partenaires sociaux soient invités à procéder aux révisions souhaitables.»

2. La directive 92/85/CEE

10.

La directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) ( 8 ) a pour objet, selon son article 1er, paragraphe 1, «la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail».

11.

L’article 8 de la directive 92/85, intitulé «Congé de maternité», dispose:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses au sens de l’article 2 bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2.   Le congé de maternité visé au paragraphe 1 doit inclure un congé de maternité obligatoire d’au moins deux semaines, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.»

3. La directive 96/34

12.

Selon son article 1er, la directive 96/34 vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995 par les organisations interprofessionnelles à vocation générale (UNICE, CEEP et CES) et figurant en annexe de cette directive.

13.

En vertu de la clause 1, point 2, de l’accord-cadre annexé à la directive 96/34, l’«accord s’applique à tous les travailleurs, hommes et femmes, ayant un contrat ou une relation de travail définie par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque État membre».

14.

La clause 2 de l’accord-cadre annexé à la directive 96/34, intitulée «Congé parental» prévoit:

«1.

En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou les partenaires sociaux.

2.

Pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, les parties signataires du présent accord considèrent que le droit au congé parental prévu à la clause 2.1 devrait, en principe, être accordé de manière non transférable.

3.

Les conditions d’accès et modalités d’application du congé parental sont définies par la loi et/ou les conventions collectives dans les États membres, dans le respect des prescriptions minimales du présent accord. […]»

B – Le droit espagnol

15.

Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le statut des travailleurs s’applique aux travailleurs qui prestent volontairement leurs services contre rémunération pour le compte d’autrui dans le cadre de l’organisation et sous la direction d’une autre personne physique ou morale appelée l’«employeur ou entrepreneur».

16.

Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, du statut des travailleurs:

«Sont exclus du champ d’application de la présente loi:

[...]

g)

en général, tout travail effectué dans le cadre d’une relation distincte de celle définie au paragraphe 1 du présent article [...]»

17.

L’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, dans sa version applicable à l’époque des faits en cause au principal qui datent de 2004 ( 9 ), prévoit:

«En cas d’accouchement, le contrat est suspendu pour une durée ininterrompue de seize semaines, […]. La période de suspension sera répartie au choix de l’intéressée à condition que six semaines soient prises immédiatement après l’accouchement […].

Nonobstant les dispositions précédentes, et sans préjudice des six semaines de repos immédiatement postérieures à l’accouchement obligatoirement prises par la mère, au cas où les deux parents travailleraient, la mère pourra, au début de la période de congé de maternité, choisir que l’autre parent jouisse d’une partie déterminée et ininterrompue de la période de repos après l’accouchement, de manière simultanée ou successive à son congé, sauf si au moment de sa mise en œuvre, le retour au travail de la mère implique un risque pour sa santé.

[...]

Dans les cas d’adoption et d’accueil, tant préalable à l’adoption que permanent, de mineurs de moins de six ans, la suspension aura une durée de seize semaines ininterrompues, prolongée en cas d’adoption ou d’accueil multiples à raison de deux semaines par enfant mineur à compter du second. Cette suspension prendra effet, au choix du travailleur, soit à compter de la décision judiciaire constitutive de l’adoption, soit à compter de la décision administrative ou judiciaire d’accueil, provisoire ou définitive. Le contrat sera suspendu également, pour seize semaines dans les hypothèses d’adoption ou d’accueil de mineurs de plus six ans lorsqu’il s’agit de mineurs handicapés ou de mineurs qui, en raison de leurs circonstances et expériences personnelles ou qui, parce qu’ils viennent de l’étranger, ont des difficultés particulières d’insertion sociale et familiale dûment établies par les services sociaux compétents. Dans le cas où les deux parents travaillent, la période de suspension sera répartie au choix des intéressés, qui pourront en jouir de manière simultanée ou successive, mais toujours pour des périodes ininterrompues et dans les limites établies.

En cas de jouissance simultanée des périodes de repos, la somme des deux périodes ne pourra pas dépasser les seize semaines visées aux paragraphes précédents ou celles correspondant aux cas d’accouchement, d’adoption ou d’accueil multiples.

[...]»

18.

L’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs a ultérieurement été modifié par la loi organique 3/2007 pour l’égalité effective entre femmes et hommes (Ley orgánica 3/2007 para la igualdad efectiva de mujeres y hombres), du 22 mars 2007 (BOE no 71, du 23 mars 2007, p. 12611). Pour ce qui nous concerne ici, l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs a été modifié par l’ajout de l’alinéa suivant:

«Dans le cas où la mère n’aurait pas le droit de suspendre son activité professionnelle assorti d’un droit à percevoir certaines prestations en vertu des normes régissant cette activité, l’autre parent aura le droit de suspendre son contrat de travail pendant la période qui aurait dû être celle de la mère, ce qui est compatible avec l’exercice du droit reconnu à l’article suivant [suspension du contrat de travail liée à la paternité]. [...]» ( 10 ).

19.

L’article 133 bis de la loi générale sur la sécurité sociale prévoit:

«Aux fins de l’allocation de maternité, seront considérés comme des situations protégées la maternité, l’adoption et l’accueil, tant préalable à l’adoption que permanent, pour les périodes de repos accordées pour ces situations, conformément aux dispositions de l’article 48, paragraphe 4, du texte codifié du statut des travailleurs, adopté par le Real decreto législatif 1/1995 du 24 mars 1995, et aux dispositions de l’article 30, paragraphe 3, de la loi 30/1984 sur les mesures adoptées pour la réforme de la fonction publique, du 2 août 1984».

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

20.

Outre les faits décrits aux points 3 à 5 ci-dessus, il faut relever que, le 20 avril 2005, la juridiction de renvoi a saisi le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle) d’une question portant sur la conformité de l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs avec la Constitution espagnole. Par arrêt du 19 mai 2011, la Cour constitutionnelle a jugé que la disposition en question n’était pas contraire aux articles 14 (principe de non-discrimination), 39 (protection sociale, économique et juridique de la famille) et 41 (système de sécurité sociale) de la Constitution.

21.

Toutefois, la juridiction de renvoi doute de la conformité de cette disposition avec le droit de l’Union et, plus particulièrement, avec le principe général d’égalité de traitement.

22.

La juridiction de renvoi constate qu’il n’y pas de contestation relative à la période de repos obligatoire de six semaines que la mère doit prendre immédiatement après l’accouchement. En ce qui concerne, en revanche, la période ultérieure de dix semaines, elle constate que, dans la mesure où le droit du père est conçu comme un droit dérivé de celui de la mère, la législation nationale traite différemment le père et la mère salariés alors que leurs situations respectives sont comparables.

23.

Selon la juridiction de renvoi, la suspension du contrat de travail avec maintien de l’emploi prévue à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, à l’exception des six semaines qui suivent l’accouchement, doit être comprise comme un congé parental et une mesure de conciliation de la vie familiale et professionnelle, étant donné que la réalité biologique de la grossesse et de l’accouchement, qui concerne exclusivement la femme, n’est déterminante que pour la période de repos obligatoirement prise par la mère.

24.

Cette juridiction estime que, de ce fait, le congé en cause dans le litige au principal doit pouvoir être utilisé indistinctement par la mère ou le père, dans les cas où ces derniers ont tous les deux la condition de salariés et en raison de leur qualité de parents de l’enfant.

25.

Selon la juridiction de renvoi, la loi espagnole en cause traite également de manière différente le père biologique et le père adoptif. En effet, dans l’hypothèse d’une adoption, l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs permet au père et à la mère, lorsqu’ils travaillent tous les deux, de répartir entre eux comme ils l’entendent la période de repos. Dans ce cas, le droit au congé est donc conçu non pas comme un droit originaire de la mère, qui peut le céder au père, mais comme une période de suspension répartie de commun accord entre le père et la mère. Dès lors, en cas d’adoption, le père salarié affilié à un régime du système de sécurité sociale pourra profiter du congé dans son intégralité et percevoir l’allocation correspondante, même si la mère n’est pas une salariée affiliée à un régime du système de sécurité sociale, alors que, dans la même hypothèse, en cas de maternité biologique et d’accouchement, le père ne pourra pas profiter des dix dernières semaines de la période de congé, ce droit au congé étant considéré comme un droit originaire de la mère.

26.

Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social no 1 de Lleida a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Faut-il considérer qu’est contraire à la directive [76/207] et à la directive [96/34] une disposition de la loi nationale, en l’occurrence l’article 48, paragraphe 4 [du statut des travailleurs], qui érige le droit au congé pour maternité dans l’hypothèse d’un accouchement, après la période des six semaines consécutives à l’accouchement, et à l’exception des cas où il y a danger pour la santé de la mère, en droit originaire et autonome pour les mères salariées, et en droit dérivé pour les pères salariés, lesquels ne peuvent profiter de ce congé que si la mère est également salariée et choisit de céder au père une partie déterminée de ce congé?

2)

Faut-il considérer qu’est contraire au principe d’égalité de traitement qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe une disposition nationale, concrètement l’article 48, paragraphe 4 [du statut des travailleurs], qui reconnaît la suspension du contrat de travail avec maintien du poste de travail, prise en charge par la sécurité sociale dans l’hypothèse d’un accouchement, comme étant un droit originaire de la mère et non du père, même après la période des six semaines qui suivent l’accouchement, excepté les cas de danger pour la santé de la mère, de sorte que le congé ne peut être accordé au père travailleur salarié que si la mère de l’enfant a également le statut de travailleur salarié?

3)

Faut-il considérer qu’est contraire au principe d’égalité de traitement qui interdit toute discrimination une disposition nationale, concrètement l’article 48, paragraphe 4 [du statut des travailleurs], qui reconnaît un droit originaire à la suspension du contrat de travail avec maintien du poste de travail et prise en charge par la sécurité sociale aux pères travailleurs salariés lorsqu’ils adoptent un enfant, alors que, lorsqu’ils ont un enfant biologique, elle ne leur reconnaît qu’un droit dérivé de celui de la mère et non un droit de suspension propre, autonome et indépendant?»

IV – La procédure devant la Cour

27.

Des observations écrites ont été présentées par l’INSS, les gouvernements espagnol et polonais ainsi que par la Commission européenne. Ils ont formulé des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 21 février 2013.

V – Analyse

A – Sur la recevabilité des questions préjudicielles

28.

Le gouvernement espagnol considère que les questions préjudicielles sont irrecevables. Il estime que la décision de renvoi n’expose pas les raisons précises justifiant la pertinence des questions préjudicielles, ce qui met en évidence le caractère purement hypothétique de celles-ci. La juridiction de renvoi aurait ainsi demandé à la Cour un avis consultatif sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union en liaison avec l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

29.

Lors de l’audience, l’INSS a également affirmé que les questions préjudicielles étaient irrecevables. Selon lui, étant donné que l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs prévoit un congé pour une durée ininterrompue de seize semaines, les questions préjudicielles posées neuf ans après l’accouchement sont nécessairement hypothétiques puisqu’elles interviennent à un moment où la possibilité de bénéficier de ce congé est exclue.

30.

Il est de jurisprudence constante que la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. Dans le cadre de cette coopération, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées. La fonction confiée à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle consiste, en effet, à contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques ( 11 ).

31.

En l’espèce, il ressort de la décision du juge de renvoi et des questions préjudicielles posées que celui-ci s’interroge sur la question de savoir si des dispositions de droit de l’Union, à savoir les directives 76/207 et 96/34, s’opposent à une règle telle que celle prévue à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs. S’il est vrai que, dans le litige au principal, M. Betriu Montull a demandé à bénéficier de l’«allocation de maternité» prévue à l’article 133 bis de la loi générale sur la sécurité sociale et que cette loi ne définit pas les conditions ouvrant droit à l’allocation en question, elle renvoie toutefois par ce même article 133 bis à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs qui définit ces conditions.

32.

Au vu du lien direct prévu expressément par le législateur espagnol entre ces deux dispositions, je ne vois pas en quoi les questions du juge du renvoi seraient de nature générale ou hypothétique ni en quoi la réponse de la Cour à ces questions n’aurait aucun intérêt pour la solution du litige en cause au principal.

33.

En outre, quant aux observations de l’INSS figurant au point 29 ci-dessus, je considère que, même en acceptant l’impossibilité alléguée pour M. Betriu Montull de bénéficier rétrospectivement du congé en cause, ce dernier, outre qu’il est demandeur d’une allocation, peut en tout cas faire valoir ses droits à réparation à l’égard de l’INSS, ce que ce dernier a d’ailleurs évoqué à l’audience.

34.

Dès lors, je considère que les questions préjudicielles sont recevables.

35.

Toutefois, il convient de relever d’ores et déjà que, dans la mesure où la juridiction de renvoi n’a pas exposé dans la décision de renvoi le cadre juridique national relatif au congé parental, je n’examinerai pas la question de savoir si la directive 96/34 s’oppose à une mesure telle que celle prévue à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs ( 12 ).

B – Sur la substance des questions préjudicielles

1. Arguments

36.

S’agissant de la première question, l’INSS considère qu’il n’est pas contraire à la directive 92/85 de ne pas autoriser le transfert au père du droit de percevoir l’allocation de maternité lorsque la mère n’y a pas droit elle-même en raison de son inscription volontaire à une mutuelle qui ne reconnaît pas cette protection, car nul ne peut transférer un droit qu’il ne détient pas.

37.

L’INSS observe que le congé parental visé par la directive 96/34 est différent de celui qui fait l’objet du litige au principal. Selon l’INSS, le droit au congé parental est transposé en droit espagnol par l’article 46, paragraphe 3, du statut des travailleurs qui dispose que «les travailleurs ont droit à une période de prolongement du congé qui n’excède pas trois ans afin de s’occuper de l’enfant, que celui-ci soit naturel, adopté, ou fasse l’objet d’un accueil, permanent ou préalable à l’adoption, même s’il s’agit d’accueils provisoires, et ce à compter de la date de naissance de l’enfant, ou, le cas échéant, de la décision judiciaire ou administrative». Ce congé parental aurait pour objectif de concilier les responsabilités professionnelles et familiales des parents travailleurs (qu’ils soient hommes ou femmes) alors que le congé en cause dans l’affaire au principal aurait pour finalité de préserver la santé de la mère et les relations particulières entre la mère et le nouveau-né après l’accouchement.

38.

S’agissant de la deuxième question, l’INSS observe que M. Betriu Montull n’a pas bénéficié du congé en cause parce que Mme Macarena Ollé, mère de leur enfant, était affiliée, de son propre choix, à la Mutualidad Gerneral de los Procuradores et non au régime général de sécurité sociale. Selon l’INSS, le droit de suspendre son activité professionnelle à l’occasion de la maternité, assorti du droit de percevoir une allocation durant le congé et de la possibilité de partager ce congé rétribué avec le père de l’enfant, dépend non pas de la qualité de salariée de la mère, mais de son choix de s’inscrire ou non dans le cadre protecteur du système de sécurité sociale visé par la législation nationale en cause.

39.

S’agissant de la troisième question, l’INSS estime que la différence de traitement entre les pères salariés, selon qu’ils sont pères adoptifs ou biologiques, est parfaitement justifiée étant donné que, dans le cas d’une parenté biologique, il est raisonnable que le droit soit exclusivement prévu pour la mère qui doit pouvoir se rétablir de la grossesse et de l’accouchement, alors que la suspension du contrat pour cause d’adoption ou d’accueil aurait pour finalité de faciliter l’intégration harmonieuse du nouvel enfant dans la cellule familiale, ce qui concerne indistinctement le père ou la mère.

40.

Le gouvernement espagnol observe que le législateur espagnol a légiféré en respectant le texte de l’article 8 de la directive 92/85 et la marge de manœuvre y laissée aux États membres. Selon le gouvernement espagnol, le fait que la mère puisse non seulement renoncer totalement à la période postérieure aux six semaines de repos qu’elle doit obligatoirement prendre après l’accouchement, mais encore la partager ou la céder au père respecte la teneur et la finalité de la directive 92/85 en permettant d’impliquer le père dans les tâches familiales.

41.

Le gouvernement espagnol considère que la possibilité de suspension du contrat de travail avec maintien du poste de travail en cas d’adoption est conforme aux dispositions des directives 96/34 et 76/207. Selon lui, la directive 96/34 reconnaît que la naissance et l’adoption d’un enfant ne sont pas des cas équivalents en ce que la clause 2, point 3, sous c), de l’accord-cadre annexé indique que les États membres pourront notamment ajuster les conditions d’accès et les modalités d’application du congé parental aux circonstances particulières de l’adoption. Il estime, par conséquent, que le législateur européen laisse aux États membres une marge d’appréciation pour adapter le congé parental aux circonstances particulières de l’adoption.

42.

Selon le gouvernement polonais, si le législateur national permet aux pères salariés de bénéficier d’une partie du congé de maternité, il est légitime que ce droit soit dérivé de celui de la mère salariée. Il relève que c’est à la mère et non au père de l’enfant que le droit de l’Union accorde le congé de maternité. L’ayant acquis, la mère peut certes renoncer à une partie de celui-ci et le transférer au père, mais ce dernier ne pourrait prétendre s’occuper de l’enfant et bénéficier du congé de maternité à la place de la mère. Une telle solution serait contraire aux objectifs du congé de maternité qui visent à protéger la mère et sa relation avec son enfant. Le gouvernement polonais estime que, si une femme qui n’a pas le statut de travailleur n’a acquis aucun droit à un congé, elle ne peut a fortiori le transférer au père de l’enfant. Il observe que seule une analyse présupposant le caractère dérivé du droit du père de l’enfant à bénéficier du congé de maternité permet de préserver la fonction fondamentale de ce congé et de le différencier du congé parental.

43.

Selon le gouvernement polonais, le droit au congé d’adoption et les conditions de son exercice ne sont pas prévus en droit de l’Union et restent de la compétence exclusive du législateur national, de sorte qu’on ne saurait les apprécier du point de vue du principe général d’égalité de traitement.

44.

La Commission observe que la législation espagnole se situe en dehors du champ d’application de la directive 92/85 étant donné qu’un travailleur (masculin) ne pourrait, en aucun cas, bénéficier du congé de maternité au sens de cette directive. Selon la Commission, l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs établit une différence de traitement fondée sur le sexe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207, entre les mères ayant le statut de travailleur salarié et les pères ayant ce même statut. Cette différence de traitement ne saurait être justifiée par des raisons liées à la protection de la grossesse et de la maternité, au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207.

45.

La Commission estime que la période de suspension du contrat de travail de dix semaines, en cause au principal, se distingue en ce sens des périodes de repos obligatoire pour la mère, notamment les six semaines suivant immédiatement l’accouchement. Elle relève que les six semaines suivant immédiatement l’accouchement constituent une période de repos obligatoire pour la mère, cette période étant ainsi liée à la protection de la mère et des rapports particuliers entre la mère et son enfant au cours de la période qui fait suite à l’accouchement.

46.

La Commission estime, en revanche, que, lorsque la législation espagnole permet au père de bénéficier d’une période ultérieure de dix semaines, elle détache cette période du fait biologique de la maternité. Cette période serait perçue, dans la législation espagnole, comme une période consacrée aux soins et à l’attention à l’enfant, dont peuvent bénéficier aussi bien la mère que le père travailleurs salariés.

47.

La Commission considère que les conclusions auxquelles la Cour est parvenue dans son arrêt du 30 septembre 2010 dans l’affaire Roca Álvarez ( 13 ), sont applicables en l’espèce. De l’avis de la Commission, les articles 2 et 5 de la directive 76/207 doivent, en l’espèce également, être interprétés comme s’opposant à une mesure nationale telle que celle faisant l’objet du litige au principal qui reconnaît aux mères travaillant comme salariées le droit à la suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, au-delà des six premières semaines de repos obligatoire pour la mère, tandis que les pères travaillant comme salariés ne peuvent bénéficier de cette suspension que si la mère a également le statut de travailleur salarié.

48.

La Commission estime qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour pouvoir conclure que le temps de repos prévu à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, à l’exception des six semaines de repos obligatoire pour la mère, constitue un congé parental au sens de la directive 96/34.

2. Analyse

a) Sur les première et deuxième questions

49.

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives 76/207 et 96/34 ainsi que le principe d’égalité de traitement, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit une différence de traitement fondée sur le sexe, dans la mesure où elle reconnaît aux mères travaillant comme salariées, le droit à la suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, au-delà des six semaines de repos obligatoire pour la mère après l’accouchement, et à l’exception des cas où il y a danger pour sa santé, alors que les pères travaillant comme salariés ne peuvent bénéficier de cette suspension que si la mère a également le statut de travailleur salarié et choisit (comme le permet la législation en cause) de céder au père une partie déterminée de ce congé.

50.

Il est constant que l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs prévoit en cas d’accouchement un congé d’une durée ininterrompue de seize semaines, dont les six semaines suivant l’accouchement sont obligatoirement prises par la mère. En outre, il ressort clairement du libellé de cette disposition et du dossier devant la Cour que la mère peut choisir que le père bénéficie en tout ou en partie du reste du congé jusqu’à un maximum de dix semaines. Il importe de souligner, à cet effet, que ce choix opéré par la mère dans le litige au principal n’est pas mis en cause.

51.

Par ailleurs, la juridiction de renvoi ne pose pas de questions relatives aux six semaines de repos obligatoire pour la mère suivant l’accouchement ( 14 ), et il n’est pas question ici de risque pour la santé de la mère, auquel cas la mère ne peut décider que le père bénéficiera du reste du congé ( 15 ).

52.

À titre liminaire, il est opportun de confronter l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs avec l’article 8 de la directive 92/85.

53.

Je relève que l’article 8 de la directive 92/85 prévoit que les travailleuses bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues. Cette disposition ne prévoit aucun congé pour le père de l’enfant. À la différence de cet article dont le champ d’application ratione personae s’applique uniquement aux travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes ( 16 ), les travailleurs masculins relèvent, à certaines conditions, du champ d’application de l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

54.

Je considère, toutefois, que le libellé même de l’article 8 de la directive 92/85 permet l’adoption par les États membres de mesures additionnelles ou allant au-delà des exigences minimales prévues par cette disposition à condition, bien évidemment, que ces exigences minimales soient respectées ( 17 ). À cet égard, je considère, conformément aux observations du gouvernement espagnol visées au point 40 ci-dessus, que l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, en permettant à la mère de faire bénéficier le père de l’enfant de tout ou partie du congé de maternité, va au-delà des exigences minimales prévues à l’article 8 de la directive 92/85 tout en respectant le régime contraignant qu’il impose aux États membres.

55.

En effet, d’une part, le congé de maternité que la mère seule doit prendre est de six semaines après l’accouchement, alors que la directive 92/85 n’en impose que deux (réparties avant et/ou après l’accouchement), et, d’autre part, la possibilité pour la mère de faire bénéficier le père du reste du congé disparaît si, «au moment de sa mise en œuvre, le retour au travail de la mère implique un risque pour sa santé» ( 18 ), ce qui s’inscrit dans l’objectif de la directive 92/85 qui est de promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ( 19 ).

56.

Il importe de souligner, dans un but de clarification, que, même si l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/85 prévoit que seulement les deux premières semaines (avant ou après l’accouchement) constituent un congé de maternité obligatoire, le droit de la mère de l’enfant de bénéficier des quatorze semaines de congé de maternité prévues à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 92/85 ne pourrait, en aucun cas, lui être retiré contre sa volonté au bénéfice du père de l’enfant ( 20 ).

57.

Par conséquent, je considère que la possibilité pour le père de l’enfant de bénéficier, dans certaines conditions et exclusivement à l’initiative de la mère, d’un congé de dix semaines comme dans le litige au principal respecte l’article 8 de la directive 92/85.

58.

Cette possibilité doit encore être examinée à la lumière de la directive 76/207 ( 21 ). Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 76/207, celle-ci vise à mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne, notamment, l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail. Ce principe est précisé aux articles 2 et 5 de cette directive. Ledit article 2, paragraphe 1, énonce que le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de discrimination fondée sur le sexe soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial. L’article 5, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que l’application de ce principe, en ce qui concerne les conditions de travail, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions sans discrimination fondée sur le sexe ( 22 ).

59.

Il ressort clairement de la décision de renvoi que, au-delà des six semaines de repos qui suivent l’accouchement, une mère travaillant comme salariée a, en principe, le droit de bénéficier de dix semaines supplémentaires de congé alors qu’un père travaillant comme salarié ne peut bénéficier de ces dix semaines qu’avec l’accord de la mère (qui n’est pas en cause dans le litige au principal) et à la condition que les deux parents aient le statut de travailleur salarié.

60.

En fait, cette mesure est analogue à celle en cause dans l’arrêt Roca Álvarez, précité, qui portait sur l’interprétation de l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, ainsi que l’article 5 de la directive 76/207 et s’inscrivait dans le cadre d’un litige opposant M. Roca Álvarez à son employeur à propos du refus de ce dernier de lui accorder un congé dit «d’allaitement».

61.

La législation espagnole en cause dans cette affaire réservait, en principe, le droit au congé dit «d’allaitement» aux mères des enfants, le père ne pouvant bénéficier de ce congé qu’à la condition que les deux parents aient le statut de travailleur salarié. Ainsi, la qualité de parent n’était pas suffisante pour permettre aux hommes ayant le statut de travailleur salarié de bénéficier du congé alors qu’elle l’était pour les femmes ayant un statut identique ( 23 ).

62.

La Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence selon laquelle «les situations d’un travailleur masculin et d’un travailleur féminin, respectivement père et mère d’enfants en bas âge, sont comparables au regard de la nécessité dans laquelle ceux-ci peuvent se trouver d’avoir à réduire leur temps de travail journalier afin de s’occuper de cet enfant» ( 24 ), a dit pour droit que la législation en cause établissait «une différence de traitement fondée sur le sexe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207, entre les mères ayant le statut de travailleur salarié et les pères ayant ce même statut» ( 25 ).

63.

La Cour a ensuite examiné si une telle différence de traitement était justifiée en application de l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la directive 76/207 qui précise que cette directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité ni aux mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes en ce qui concerne les conditions de travail.

64.

Selon la Cour, le fait que le congé dit «d’allaitement» en cause puisse, en application de la réglementation nationale, être pris indifféremment par le père salarié ou la mère salariée impliquait que l’alimentation et le temps d’attention à l’enfant pouvaient être assurés aussi bien par le père que par la mère.

65.

En conséquence, cette réglementation ne pouvait être considérée comme permettant d’assurer la protection de la condition biologique de la femme à la suite de sa grossesse ou la protection des rapports particuliers entre la mère et son enfant en application de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207. En effet, la réglementation nationale détachait l’octroi du congé dit «d’allaitement» du fait biologique de l’allaitement avec le résultat qu’il n’était pas couvert par l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207.

66.

La Cour a aussi jugé dans cet arrêt que le fait de considérer que seule la mère ayant le statut de travailleur salarié serait titulaire du droit de bénéficier du congé dit «d’allaitement», alors que le père ayant le même statut ne pouvait que bénéficier de ce droit sans en être le titulaire, était de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles entre hommes et femmes en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire à celui des femmes en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. La Cour a ensuite dit pour droit que le fait de refuser le bénéfice du congé aux pères ayant le statut de travailleur salarié, au seul motif que la mère de l’enfant ne disposait pas de ce statut, pouvait avoir pour effet qu’une femme qui était travailleuse indépendante se voyait contrainte de limiter son activité professionnelle et de supporter seule la charge résultant de la naissance de son enfant, sans pouvoir recevoir une aide du père de l’enfant. Selon la Cour, la législation nationale en cause n’éliminait ni ne réduisait les inégalités de fait pouvant exister, pour les femmes, dans la réalité de la vie sociale, au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 76/207 et n’était pas «une mesure visant à déboucher sur une égalité substantielle et non formelle en réduisant les inégalités de fait pouvant survenir dans la vie sociale et, ainsi, à prévenir ou à compenser, conformément à l’article 157, paragraphe 4, TFUE, des désavantages dans la carrière professionnelle des personnes concernées» ( 26 ).

67.

En reprenant le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Roca Álvarez, précité, il est manifeste que la mesure en cause au principal établit à propos des périodes de repos en cause dans l’affaire au principal une différence de traitement fondée sur le sexe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 entre les mères ayant le statut de travailleur salarié et les pères ayant ce même statut.

68.

Comme la Cour l’a jugé au point 24 de l’arrêt Roca Álvarez, précité, les situations d’un travailleur masculin et d’un travailleur féminin, respectivement père et mère d’enfants en bas âge, sont comparables au regard de la nécessité dans laquelle ceux-ci peuvent se trouver d’avoir à réduire leur temps de travail journalier afin de s’occuper de cet enfant.

69.

Il convient, ensuite, d’examiner si cette discrimination contraire à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207 pourrait être justifiée en application des paragraphes 3 et 4 de ce même article qui permettent de déroger au principe de l’égalité de traitement.

70.

En ce qui concerne, en premier lieu, la protection de la grossesse et de la maternité, il est de jurisprudence constante que, en réservant aux États membres le droit de maintenir ou d’introduire des dispositions destinées à assurer cette protection, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207 reconnaît la légitimité, au regard du principe de l’égalité de traitement entre les sexes, d’une part, de la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et, d’autre part, de la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à l’accouchement ( 27 ).

71.

Toutefois, à la différence des six semaines de repos immédiatement postérieures à l’accouchement qui, en vue de protéger sa condition biologique, doivent obligatoirement être prises par la mère, le congé de dix semaines en cause au principal ne saurait relever du champ d’application de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207. En effet, en prévoyant que la mère pourra, au début de la période de congé de maternité, choisir que, au-delà des six premières semaines l’autre parent jouisse d’une partie déterminée et ininterrompue des dix semaines suivantes de repos, le législateur espagnol a détaché ces dix semaines de congé de la condition biologique de la mère et, par conséquent, de la finalité de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207. Il s’ensuit que ce congé ne saurait relever du champ d’application de cette disposition ( 28 ).

72.

Par ailleurs, les circonstances de l’affaire au principal doivent être distinguées de celles en cause dans l’arrêt Hofmann, précité. Il ressort, en effet, de cet arrêt que le congé de maternité en cause dans cette affaire était dans son intégralité réservé à la mère, à l’exclusion de toute autre personne, et strictement lié à la protection de la condition biologique de la mère ( 29 ).

73.

Il découle de ce qui précède que, comme le congé dit «d’allaitement» en cause dans l’arrêt Roca Álvarez, précité, le congé de dix semaines en l’espèce est accordé aux travailleurs en leur seule qualité de parents de l’enfant et n’est pas lié à la protection de la condition biologique de la femme à la suite de sa grossesse ou des rapports particuliers entre elle et son enfant ( 30 ).

74.

S’agissant, en second lieu, de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 76/207, qui permet de déroger au principe de non-discrimination prévu à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, afin de promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes et de réduire les inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans le domaine des conditions de travail, il est de «jurisprudence constante que [cette disposition] a pour but, précis et limité d’autoriser des mesures qui, tout en étant discriminatoires selon leurs apparences, visent effectivement à éliminer ou à réduire les inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale. Cette disposition autorise des mesures nationales dans le domaine de l’accès à l’emploi, y compris la promotion, qui, en favorisant spécialement les femmes, ont pour but d’améliorer leur capacité de concourir sur le marché du travail et de poursuivre une carrière sur un pied d’égalité avec les hommes […]. Ledit article 2, paragraphe 4, vise à déboucher sur une égalité substantielle et non formelle en réduisant les inégalités de fait pouvant survenir dans la vie sociale et, ainsi, à prévenir ou à compenser, conformément à l’article 157, paragraphe 4, TFUE, des désavantages dans la carrière professionnelle des personnes concernées […]» ( 31 ).

75.

Le gouvernement espagnol observe que, en autorisant la cession de la période volontaire au père, plutôt que d’en perdre le bénéfice en cas de renoncement, la législation en cause vise à corriger la répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes qui maintient les hommes dans un rôle subsidiaire dans l’exercice des fonctions parentales.

76.

À mon avis, si pareil objectif de promouvoir la correction des effets qui pourraient contribuer à perpétuer une répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes est louable et doit être encouragé, il suffit de rappeler que la Cour a dit pour droit au point 36 de l’arrêt Roca Álvarez, précité, que le fait que seule la mère ayant le statut de travailleur salarié était titulaire du droit de bénéficier du congé en cause dans cette affaire, alors que le père ayant le même statut ne pouvait que jouir de ce droit sans en être le titulaire, était plutôt de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles entre hommes et femmes en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire à celui des femmes en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. La Cour a ajouté que l’exclusion du bénéfice du congé du père travaillant comme salarié, au seul motif que la mère de l’enfant ne dispose pas de ce statut, pourrait précisément avoir pour effet qu’une femme se verrait contrainte de limiter son activité professionnelle et de supporter seule la charge résultant de la naissance de l’enfant, sans pouvoir recevoir une aide du père de l’enfant ( 32 ). Ce raisonnement est applicable mutatis mutandis à une mesure telle que celle en cause au principal. Il résulte que la différence de traitement instituée par une mesure telle que celle en cause ne peut être justifiée au titre de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 76/207.

77.

Dans sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi fait également référence à la directive 96/34 mettant en œuvre l’accord-cadre sur le congé parental.

78.

Il convient de relever que la juridiction de renvoi n’a pas exposé, dans la décision de renvoi, le cadre juridique national relatif au congé parental. Plus particulièrement, la juridiction de renvoi n’a pas indiqué la pertinence, à cet égard, de l’article 46, paragraphe 3, du statut des travailleurs et la liaison de cette disposition avec l’article 48, paragraphe 4, dudit statut. En conséquence, je considère que, en l’absence de description dans le dossier du contenu de la réglementation espagnole en matière de congé parental, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si la directive 96/34 s’oppose à une mesure telle que celle prévue à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

79.

De toute façon, étant donné que je considère que l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, ainsi que l’article 5 de la directive 76/207 s’opposent à une mesure nationale telle que celle prévue à l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, il n’est pas nécessaire d’examiner cette dernière disposition à la lumière de la directive 96/34.

80.

Au vu de ce qui précède, je suggère à la Cour, en réponse aux première et deuxième questions préjudicielles, de dire pour droit que l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, ainsi que l’article 5 de la directive 76/207 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit une différence de traitement fondée sur le sexe, dans la mesure où elle reconnaît aux mères travaillant comme salariées le droit à la suspension du contrat de travail, au-delà des six semaines de repos obligatoire pour elles après l’accouchement, tandis que les pères travaillant comme salariés ne peuvent bénéficier de cette suspension que si la mère qui choisit de céder au père une partie déterminée de ce congé a également le statut de travailleur salarié.

b) Sur la troisième question

81.

Les réponses que je propose aux première et deuxième questions préjudicielles peuvent nous dispenser de répondre à la troisième qui interroge la Cour sur la compatibilité avec le principe d’égalité de traitement d’une disposition nationale tel l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs qui reconnaît un droit originaire à la suspension du contrat de travail et à la prise en charge par le système de sécurité sociale aux pères travailleurs salariés lorsqu’ils adoptent un enfant alors que, lorsqu’ils ont un enfant biologique, le droit qui leur est reconnu n’est qu’un droit dérivé de celui de la mère.

82.

Je me permettrai, cependant, de relever que, s’il ressort du dossier devant la Cour que l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs opère une discrimination nette et manifeste entre les pères adoptifs et les pères biologiques au détriment de ces derniers, le droit de l’Union ne contient aucune disposition protégeant directement un père biologique qui se trouverait victime de pareille discrimination. Pareille discrimination n’est visée ni par le traité FUE ni par aucune directive et en particulier la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ( 33 ), et qui vise, en cette matière, à lutter contre la discrimination fondée sur la religion et les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ( 34 ).

83.

En outre, comme cela a été indiqué au point 53 ci-dessus, les travailleurs (masculins) ne relèvent pas du champ d’application ratione personae de la directive 92/85 qui vise uniquement les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. L’intervention du législateur de l’Union serait nécessaire afin d’étendre son champ d’application aux travailleurs (masculins) et d’éliminer le lien inéluctable entre le congé de maternité prévu par cette directive et la condition biologique d’une travailleuse enceinte, accouchée ou allaitante.

84.

Enfin, la différence de traitement en cause ne relève pas non plus du champ d’application de la directive 76/207 qui vise uniquement la discrimination entre hommes et femmes. En l’espèce, la différence de traitement est opérée entre travailleurs de sexe masculin.

85.

On pourrait à la limite s’interroger sur le point de savoir si une discrimination telle que celle en cause est conforme ou non à la clause 2 de l’accord-cadre annexé à la directive 96/34 qui, à son point 1, ne fait aucune différence entre la naissance ou l’adoption d’un enfant pour l’octroi d’un droit individuel à un congé parental et, à son point 3, permet aux États membres, dans le respect des prescriptions minimales de ladite directive, de définir les conditions d’accès et les modalités d’application du congé parental. J’aurais tendance à penser qu’une différence de traitement aussi nette entre les pères adoptifs et les pères biologiques, alors que le point 1 de la clause 2 de l’accord-cadre annexé à la directive 96/34 ne fait aucune différence entre la naissance et l’adoption, irait au-delà du respect des prescriptions minimales qu’exige le point 3 de la clause 2 de cet accord-cadre.

86.

Cela étant, au vu de ma réponse au point 78 ci-dessus et de l’absence de description dans le dossier du contenu de la réglementation espagnole en matière de congé parental, il n’est pas possible de se prononcer utilement sur la troisième question.

VI – Conclusion

87.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose que la Cour réponde aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de lo Social no 1 de Lleida de la manière suivante:

«L’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, ainsi que l’article 5 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit une différence de traitement fondée sur le sexe, dans la mesure où elle reconnaît aux mères travaillant comme salariées le droit à la suspension du contrat de travail, au-delà des six semaines de repos obligatoire pour elles après l’accouchement, tandis que les pères travaillant comme salariés ne peuvent bénéficier de cette suspension que si la mère qui choisit de céder au père une partie déterminé de ce congé a également le statut de travailleur salarié.»


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 39, p. 40. La directive 76/207 a été modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 269, p. 15). Étant donné que l’article 2 de la directive 2002/73 prévoit qu’elle doit être transposée par les États membres au plus tard le 5 octobre 2005, cette directive ne s’applique pas ratione temporis aux faits de l’affaire au principal datant de 2004. La directive 76/207 a été abrogée, avec effet au 15 août 2009, par l’article 34 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204, p. 23). Malgré ces modifications, je considère que les présentes conclusions restent pertinentes pour l’interprétation de la directive 2006/54. Plus particulièrement, l’article 28 de la directive 2006/54 prévoit que cette dernière ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité et qu’elle s’applique sans préjudice des dispositions des directives 96/34 et 92/85. En outre, en application de l’article 3 de la directive 2006/54, intitulé «[m]esures positives», «les États membres peuvent maintenir ou adopter des mesures au sens de [l’article 157, paragraphe 4, TFUE], pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle». En conséquence, je considère que la directive 2006/54 n’a pas changé la substance des dispositions de la directive 76/207 applicables aux faits de l’affaire au principal.

( 3 ) JO L 145, p. 4. La directive 96/34 a été abrogée, avec effet au 8 mars 2012, par l’article 4 de la directive 2010/18/UE du Conseil, du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE (JO L 68, p. 13). Nonobstant les modifications apportées par la directive 2010/18 au régime juridique applicable au congé parental, je considère que cette dernière n’a pas changé la substance des dispositions de la directive 96/34 invoquées dans les observations soumises en l’espèce à la Cour.

( 4 ) Le texte consolidé de la loi sur le statut des travailleurs (Texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), adopté par le décret législatif royal 1/1995, du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), tel que modifié par la loi 39/1999, du 5 novembre 1999 (BOE no 266, du 6 novembre 1999), visant à promouvoir la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle des travailleurs (Ley 39/1999 para promover la conciliación de la vida familiar y laboral de las personas trabajadoras), du 5 novembre 1999 (BOE no 266, du 6 novembre 1999, p. 38934, ci-après le «statut des travailleurs»), est applicable au litige au principal.

( 5 ) Ley General de la Seguridad Social, adoptée par le décret législatif royal 1/1994, du 20 juin 1994 (BOE no 154, du 29 juin 1994, p. 20658), dans sa version résultant de la loi 39/1999 (ci-après la «loi générale sur la sécurité sociale»).

( 6 ) Dans la version applicable à l’époque des faits en cause dans le litige au principal.

( 7 ) Il ressort du dossier devant la Cour que le système espagnol de sécurité sociale est composé d’un régime général et de régimes spéciaux. Un Procurador de los Tribunales en Espagne peut choisir d’être affilié soit au régime spécial des travailleurs indépendants, qui fait partie intégrante du système espagnol de sécurité sociale, soit à la Mutualidad General de los Procuradores, une entité privée de prévoyance sociale professionnelle destinée aux Procuradores de los Tribunales. L’affiliation à la Mutualidad General de los Procuradores peut aussi avoir un caractère complémentaire au système espagnol de sécurité sociale.

( 8 ) JO L 348, p. 1.

( 9 ) Voir points 3 à 5 ci-dessus.

( 10 ) Il ressort du dossier devant la Cour et du texte de l’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs après modification par la loi organique 3/2007 que, si cette version modifiée était en vigueur à l’époque des faits de la présente espèce, le litige au principal n’aurait pas existé, car le père aurait pu suspendre son contrat et bénéficier d’une allocation indépendamment du fait que la mère soit ou non inscrite dans un régime du système de sécurité sociale. L’INSS et le gouvernement espagnol ont confirmé cette interprétation lors de l’audience.

( 11 ) Arrêt du 15 septembre 2011, Unió de Pagesos de Catalunya (C-197/10, Rec. p. I-8495, points 16 à 18 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir points 78 et 86 ci-dessous.

( 13 ) C-104/09, Rec. p. I-8661.

( 14 ) La décision de renvoi expose qu’«[i]l n’y a pas de discussion sur cette période».

( 15 ) Voir article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

( 16 ) Article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/85.

( 17 ) Voir, à cet égard, l’usage fait à deux reprises des termes «d’au moins» par la disposition en cause. Cette interprétation est, à mon sens, corroborée par le premier considérant de la directive 92/85 qui fait référence à sa base juridique, à savoir l’article 118 A du traité CEE qui prévoyait que le Conseil arrête, par voie de directive, les «prescriptions minimales» en vue de promouvoir l’amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Voir, également, en ce sens, article 153 TFUE.

( 18 ) Article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs.

( 19 ) Arrêt du 11 octobre 2007, Paquay (C-460/06, Rec. p. I-8511, point 27).

( 20 ) Au point 58 de l’arrêt du 27 octobre 1998, Boyle e.a. (C-411/96, Rec. p. I-6401), la Cour a dit pour droit «que, si les États membres doivent, en vertu de l’article 8 de [la] directive [92/85], prendre les mesures nécessaires pour que les travailleuses bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines, il s’agit pour celles-ci d’un droit auquel elles peuvent renoncer, exception faite des deux semaines de congé de maternité obligatoire, prévues au paragraphe 2».

( 21 ) L’article 48, paragraphe 4, du statut des travailleurs, en prévoyant une période de suspension du contrat de travail, affecte les conditions de travail au sens de l’article 5 de la directive 76/207.

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, Roca Álvarez, (C-104/09, Rec. p. I-8661, points 19 et 20).

( 23 ) Ibidem (points 22 et 23).

( 24 ) Voir arrêts Roca Álvarez, précité (point 24); du 29 novembre 2001, Griesmar (C-366/99, Rec. p. I-9383, point 56), et du 19 mars 2002, Lommers (C-476/99, Rec. p. I-2891, point 30).

( 25 ) Ibidem (point 25).

( 26 ) Ibidem (points 36 à 38).

( 27 ) Arrêts Roca Álvarez, précité (point 27); du 12 juillet 1984, Hofmann (184/83, Rec. p. 3047, point 25); du 14 juillet 1994, Webb (C-32/93, Rec. p. I-3567, point 20); du 30 juin 1998, Brown (C-394/96, Rec. p. I-4185, point 17), et du 1er février 2005, Commission/Autriche (C-203/03, Rec. p. I-935, point 43).

( 28 ) Arrêt du 19 novembre 1998, Høj Pedersen e.a. (C-66/96, Rec. p. I-7327, points 54 à 56).

( 29 ) Arrêt Hofmann, précité (points 25 et 26).

( 30 ) Voir, par analogie, arrêt Roca Álvarez, précité (point 31).

( 31 ) Ibidem (points 33 et 34).

( 32 ) Ibidem (point 37).

( 33 ) JO L 303, p. 16.

( 34 ) Voir l’article 1er.