ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

26 septembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Règlements (CE) nos 207/2009 et 2868/95 — Procédure de déchéance — Marque verbale communautaire CENTROTHERM — Usage sérieux — Notion — Moyens de preuve — Déclaration sur l’honneur — Article 134, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure du Tribunal — Pouvoir de réformation du Tribunal — Portée des moyens et des conclusions formulés par une partie intervenante»

Dans l’affaire C‑609/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 novembre 2011,

Centrotherm Systemtechnik GmbH, établie à Brilon (Allemagne), représentée par Mes A. Schulz et C. Onken, Rechtsanwälte, ainsi que par M. F. Schmidt, Patentanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

centrotherm Clean Solutions GmbH & Co. KG, établie à Blaubeuren (Allemagne), représentée par Mes O. Löffel et P. Lange, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus, M. Safjan et Mme A. Prechal (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 février 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Centrotherm Systemtechnik GmbH (ci-après «Centrotherm Systemtechnik») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM) (T-427/09, Rec. p. II-6207, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a accueilli le recours de centrotherm Clean Solutions GmbH & Co. KG (ci-après «centrotherm Clean Solutions») tendant à l’annulation partielle de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 25 août 2009 (affaire R 6/2008‑4) (ci-après la «décision litigieuse»), relative à une procédure de déchéance introduite par centrotherm Clean Solutions à l’encontre de la marque verbale communautaire CENTROTHERM dont est titulaire Centrotherm Systemtechnik.

2

Il convient de relever, par ailleurs, que, le 15 septembre 2011, le Tribunal a également rendu, dans une affaire parallèle opposant les mêmes parties et mettant aussi en cause la décision litigieuse, son arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI – centrotherm Clean Solutions (CENTROTHERM) (T-434/09, Rec. p. II-6227), par lequel cette juridiction a rejeté le recours de Centrotherm Systemtechnik tendant à l’annulation partielle de cette décision.

3

Ledit arrêt a fait l’objet d’un pourvoi introduit par Centrotherm Systemtechnik (affaire C‑610/11 P).

Le cadre juridique

4

Aux termes de l’article 134, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure du Tribunal:

«1.   Les parties à la procédure devant la chambre de recours autres que la partie requérante peuvent participer à la procédure devant le Tribunal en tant qu’intervenants en répondant à la requête dans les formes et délais prescrits.

2.   Les intervenants visés au paragraphe 1 disposent des mêmes droits procéduraux que les parties principales.

Ils peuvent soutenir les conclusions d’une partie principale et ils peuvent formuler des conclusions et des moyens autonomes par rapport à ceux des parties principales.

3.   Un intervenant visé au paragraphe 1 peut, dans son mémoire en réponse déposé conformément à l’article 135, paragraphe 1, formuler des conclusions visant à l’annulation ou la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête et présenter des moyens non soulevés dans la requête.

[…]»

Le règlement (CE) no207/2009

5

Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), a opéré une codification du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et a abrogé celui-ci.

6

L’article 15 du règlement no 207/2009 dispose, sous l’intitulé «Usage de la marque communautaire»:

«1.   Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

[…]»

7

L’article 51 de ce règlement prévoit:

«1.   Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a)

si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage; […]

[…]

2.   Si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.»

8

Figurant dans la section 5, intitulée «Procédure de déchéance et de nullité devant l’[OHMI]», du titre VI du règlement no 207/2009, l’article 57 de celui-ci dispose:

«1.   Au cours de l’examen de la demande en déchéance ou en nullité, l’[OHMI] invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’il leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties.

2.   Sur requête du titulaire de la marque communautaire, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque communautaire antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins.[…] À défaut d’une telle preuve, la demande en nullité est rejetée. […]

[…]»

9

L’article 65 du règlement no 207/2009 énonce:

«1.   Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.

[…]

3.   La Cour de justice a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.

4.   Le recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions.

[…]»

10

Figurant dans la section 1, intitulée «Dispositions générales», du chapitre IX, intitulé «Dispositions de procédure», du règlement no 207/2009, l’article 76 de celui-ci énonce, sous l’intitulé «Examen d’office des faits»:

«1.   Au cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2.   L’[OHMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.»

11

Aux termes de l’article 78, paragraphe 1, du règlement no 207/2009:

«Dans toute procédure devant l’[OHMI], les mesures d’instruction suivantes peuvent notamment être prises:

[…]

f)

les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites.»

Le règlement (CE) no 2868/95

12

La règle 22 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4, ci-après le «règlement no 2868/95»), énonce à ses paragraphes 2 à 4:

«2.

Si l’opposant doit apporter la preuve de l’usage de la marque ou de l’existence de justes motifs pour son non-usage, l’[OHMI] l’invite à le faire dans un délai qu’il lui impartit. Si l’opposant ne fournit pas cette preuve dans le délai imparti, l’[OHMI] rejette l’opposition.

3.

Les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 4.

4.

Les preuves sont produites conformément aux règles 79 et 79 bis et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article [78], paragraphe 1, point f), du [règlement no 207/2009].»

13

Aux termes de la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95:

«Dans le cas d’une demande en déchéance fondée sur l’article [51], paragraphe 1, point a), du [règlement no 207/2009], l’[OHMI] demande au titulaire de la marque communautaire la preuve de l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de la marque communautaire est prononcée. La règle 22, paragraphes 2, 3 et 4, s’applique mutatis mutandis

Les antécédents du litige

14

Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants:

«1

Le 7 septembre 1999, [Centrotherm Systemtechnik] a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’[OHMI] en vertu du règlement [no 40/94].

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CENTROTHERM.

3

Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 11, 17, 19 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié […]

4

La marque CENTROTHERM a été enregistrée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus, le 19 janvier 2001, en tant que marque communautaire.

5

Le 7 février 2007, [centrotherm Clean Solutions] a déposé auprès de l’OHMI, en vertu de l’article 15 et de l’article 50, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 [devenus article 15 et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009], une demande en déchéance de la marque CENTROTHERM pour tous les produits et les services enregistrés.

6

La demande en déchéance a été notifiée le 15 février 2007 à [Centrotherm Systemtechnik] qui a été invitée à présenter d’éventuelles observations et preuves de l’usage sérieux de la marque litigieuse dans un délai de trois mois.

7

Dans ses observations du 11 mai 2007, [Centrotherm Systemtechnik] a contesté la demande en déchéance et a, afin de démontrer l’usage sérieux de sa marque, produit les éléments suivants:

quatorze photographies numériques;

quatre factures;

une déclaration, intitulée ‘eidesstattliche Versicherung’ (déclaration sur l’honneur), établie par M. W., en sa qualité de gérant de [Centrotherm Systemtechnik].

8

[Centrotherm Systemtechnik] a déclaré être en possession de nombreuses autres copies de factures qu’elle renonçait à présenter, dans un premier temps, pour des raisons de confidentialité. Affirmant pouvoir produire d’autres documents, elle a prié la division d’annulation de l’OHMI de prendre une mesure procédurale en conséquence, au cas où celle-ci souhaiterait que d’autres preuves et documents individuels soient versés au dossier.

9

Le 30 octobre 2007, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque CENTROTHERM en constatant que les éléments de preuve fournis par [Centrotherm Systemtechnik] n’étaient pas suffisants pour démontrer l’usage sérieux de ladite marque.

10

Le 14 décembre 2007, [Centrotherm Systemtechnik] a formé un recours contre cette décision, auquel la quatrième chambre de recours de l’OHMI a partiellement fait droit par [la décision litigieuse].

11

La chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation et rejeté la demande en déchéance pour les produits ‘conduites d’échappement pour le chauffage, carneaux de cheminées, tuyaux de chaudières de chauffage; appliques pour becs de gaz; pièces mécaniques d’installations de chauffage; pièces mécaniques d’installations à gaz; robinets pour tuyauteries; tiroirs de cheminées’, relevant de la classe 11, ‘raccords pour tuyaux, manchons pour tuyaux, armatures pour conduites, tuyaux, les articles précités non métalliques’, relevant de la classe 17, et ‘tuyaux, canalisations, en particulier pour la construction; tuyaux de dérivation; tuyaux de cheminées’, relevant de la classe 19. La chambre de recours a rejeté le recours pour le surplus.

12

En particulier, la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage sérieux de la marque CENTROTHERM, s’agissant de la période de cinq ans précédant la présentation de la demande en déchéance, à savoir le 7 février 2007 (ci-après la ‘période pertinente’), pour les produits mentionnés au point 11 ci-dessus avait été apportée, dès lors que les photographies fournies par [Centrotherm Systemtechnik] démontraient la nature de l’usage de la marque et que les factures produites attestaient que les produits mentionnés avaient été commercialisés sous la marque litigieuse.»

15

Il convient de compléter l’exposé des antécédents du litige ainsi effectué par le Tribunal par les précisions suivantes.

16

D’une part, et ainsi qu’il ressort notamment du point 13 de l’arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI – centrotherm Clean Solutions (CENTROTHERM), précité, rendu par le Tribunal dans l’affaire parallèle T‑434/09, la chambre de recours a considéré, en ce qui concerne les autres produits et services pour lesquels la marque CENTROTHERM avait été enregistrée, que Centrotherm Systemtechnik avait uniquement apporté la déclaration de son gérant à titre de preuve, ce qui ne suffisait pas, d’après cette chambre, pour démontrer l’usage sérieux de ladite marque. À cet égard, la chambre de recours a fait observer que la division d’annulation n’était tenue ni de demander d’autres documents ni de prendre en considération le dossier d’une autre affaire également pendante devant l’OHMI.

17

D’autre part, il ressort du point 36 de la décision litigieuse que, s’agissant des éléments de preuve complémentaires produits par Centrotherm Systemtechnik devant la chambre de recours, cette dernière a considéré qu’une telle «preuve complémentaire a été produite tardivement et ne saurait être prise en considération» dès lors que «le délai visé à la règle 40, paragraphe 5, deuxième phrase, du [règlement no 2868/95] est un délai de forclusion dont le non-respect entraîne la déchéance de la marque, conformément à la règle 40, paragraphe 5, troisième phrase, [dudit règlement]». Au point 37 de cette décision, la chambre de recours a ajouté, à cet égard, que même en admettant que la chambre de recours, en vertu de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, apprécie librement la pertinence d’une prise en compte des preuves produites tardivement, la raison pour laquelle elle devrait exercer ce pouvoir en faveur de la requérante n’apparaissait pas en l’espèce. Ladite chambre a précisé que celle-ci, à cet égard, n’avait avancé que des arguments généraux sur le rôle et la valeur du droit de marque et qu’elle n’avait pas invoqué l’impossibilité de produire la preuve de l’usage dès la première instance.

L’arrêt attaqué

18

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2009, centrotherm Clean Solutions a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse pour autant que celle-ci avait rejeté la demande en déchéance de la marque CENTROTHERM.

19

À l’appui de ce recours, centrotherm Clean Solutions a invoqué un moyen unique, tiré d’une appréciation erronée des éléments de preuve. En considérant que les preuves présentées par Centrotherm Systemtechnik devant la division d’annulation étaient suffisantes pour prouver l’usage sérieux de la marque litigieuse, la chambre de recours aurait violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ainsi que les règles 22, paragraphes 2 et 3, et 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95.

20

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ledit recours en annulant la décision litigieuse pour autant qu’elle avait partiellement annulé la décision de la division d’annulation du 30 octobre 2007.

21

Aux points 21 à 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est, à titre liminaire, référé à l’objectif de la sanction de déchéance ainsi qu’aux règles de procédure et aux principes relatifs à l’administration de la preuve y afférents, tels qu’ils ressortent, en particulier, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95.

22

Le Tribunal a, ensuite, fait état, aux points 25 à 30 de l’arrêt attaqué des considérations suivantes:

«25

Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, […] point 54, et la jurisprudence citée].

26

Bien que la notion d’usage sérieux s’oppose donc à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé, il n’en reste pas moins que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du Tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T-194/03, Rec. p. II-445, point 32].

27

Plus précisément, pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause, il convient de réaliser une appréciation globale des éléments versés au dossier, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt [La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER)], précité, points 53 à 55, et la jurisprudence citée).

28

Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque en cause, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt [La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER)], précité, point 56, et la jurisprudence citée). Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt [La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER)], précité, point 57, et la jurisprudence citée).

29

Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [arrêt du Tribunal du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, […] point 31].

30

En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt [La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER)], précité, point 59, et la jurisprudence citée).»

23

Ayant indiqué, au point 31 de l’arrêt attaqué, que c’était à la lumière de l’ensemble des considérations ainsi rappelées aux points 21 à 30 dudit arrêt qu’il convenait d’apprécier si c’était à juste titre que la chambre de recours avait considéré, dans la décision litigieuse, que les éléments de preuve produits par Centrotherm Systemtechnik devant la division d’annulation démontraient un usage sérieux de la marque litigieuse en ce qui concerne les produits cités au point 11 de cet arrêt, le Tribunal a jugé ce qui suit, aux points 32 à 37 dudit arrêt:

«32

En l’espèce, les éléments de preuve fournis par [Centrotherm Systemtechnik] à la division d’annulation pour démontrer l’usage sérieux de sa marque sont la déclaration sur l’honneur de son gérant, quatre factures et quatorze photographies numériques.

33

À titre liminaire, il importe de constater qu’il ne ressort pas du raisonnement de la chambre de recours que sa conclusion relative à l’établissement d’un usage sérieux pour les produits cités au point 11 ci-dessus soit fondée sur la déclaration sur l’honneur du gérant de [Centrotherm Systemtechnik]. En effet, ainsi qu’il découle des points 26 à 30 de la décision [litigieuse], c’est l’interaction entre la valeur probante des photographies et celle des quatre factures qui a amené la chambre de recours à constater que l’usage sérieux de la marque CENTROTHERM avait été prouvé. Les références, effectuées aux points 27 et 31 de la décision [litigieuse], à ladite déclaration ne visent qu’à relever les carences de celle-ci et le défaut d’éléments additionnels corroborant son contenu.

34

Il s’ensuit qu’il convient d’examiner si l’appréciation globale des photographies et des quatre factures permet de conclure que la marque litigieuse a fait l’objet d’un usage sérieux conformément aux principes dégagés par la jurisprudence citée aux points 25 à 29 ci-dessus.

35

À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne les quatre factures, trois d’entre elles sont datées de juillet 2006 et concernent le Danemark, la Hongrie et la Slovaquie, et l’une d’entre elles date de janvier 2007 et concerne l’Allemagne. Le mot ‘centrotherm’ apparaît dans l’en-tête desdites factures, accompagné du logo de [Centrotherm Systemtechnik] faisant fonction de dénomination sociale et de son adresse postale.

36

Ces factures font état de ce que de multiples produits ayant trait à la plomberie (tuyaux, manchons, ensembles pour raccordement de chaudière, coudes de révision, caches pour systèmes d’échappement) ont été vendus par [Centrotherm Systemtechnik] à quatre clients pour une somme qui correspond, en incluant la facture de 2007, à moins de 0,03 % du chiffre d’affaires que le gérant de [Centrotherm Systemtechnik] a déclaré avoir réalisé en 2006 avec la vente de produits sous la marque CENTROTHERM.

37

Il s’ensuit que, devant l’OHMI, [Centrotherm Systemtechnik] a apporté des preuves de vente relativement faibles par rapport à la somme indiquée dans la déclaration de son gérant. Partant, même dans l’hypothèse où la chambre de recours aurait pris en compte ladite déclaration, il conviendrait de constater qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments dans le dossier étayant le contenu de celle-ci en ce qui concerne la valeur des ventes. De plus, s’agissant de l’aspect temporel de l’usage de la marque, lesdites factures portent sur une période très brève, voire ponctuelle, à savoir les 12, 18 et 21 juillet 2006 et le 9 janvier 2007.»

24

Aux points 38 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, par ailleurs, procédé à une appréciation de la valeur probante des photographies produites par Centrotherm Systemtechnik.

25

Il a conclu son examen et a accueilli le recours dans les termes suivants:

«43

Ainsi, force est de constater qu’une appréciation globale des éléments, tels qu’exposés aux points 35 à 42 ci-dessus, ne permet pas de conclure, à moins de recourir à des probabilités ou à des présomptions, que la marque litigieuse a fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période pertinente pour les produits cités au point 11 ci-dessus.

44

Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur en estimant que la preuve de l’usage sérieux de la marque CENTROTHERM avait été apportée par [Centrotherm Systemtechnik] pour lesdits produits.

45

Les arguments de [Centrotherm Systemtechnik], exposés aux points 18 à 20 ci-dessus, selon lesquels, en substance, la spécificité du marché rendrait difficile la réunion des preuves ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

46

En effet, les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités. La conclusion du Tribunal, selon laquelle l’usage sérieux n’a pas été prouvé en l’espèce, n’est pas due à l’exigence d’un seuil de preuve excessivement élevé, mais au fait que [Centrotherm Systemtechnik] a choisi de restreindre la production de preuves (voir point 8 ci-dessus). La division d’annulation a reçu des photographies d’une qualité inférieure portant sur des objets dont les numéros d’articles ne correspondent pas aux articles qui, selon les rares factures produites, ont été vendus. En outre, lesdites factures couvrent une brève période et font état de ventes d’une valeur minime par rapport à ce que [Centrotherm Systemtechnik] prétend avoir réalisé. Il convient également de constater que [Centrotherm Systemtechnik] a confirmé au cours de l’audience qu’il n’y avait aucun lien direct entres les factures et les photographies qu’elle avait produites devant l’OHMI.

47

Le recours est donc accueilli.»

Les conclusions des parties devant la Cour

26

Par son pourvoi, Centrotherm Systemtechnik demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter le recours formé par centrotherm Clean Solutions en première instance et de condamner celle-ci aux dépens.

27

L’OHMI conclut à ce qu’il soit fait droit au pourvoi et à la condamnation de centrotherm Clean Solutions aux dépens.

28

centrotherm Clean Solutions conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Centrotherm Systemtechnik aux dépens.

Sur le pourvoi

29

Centrotherm Systemtechnik invoque quatre moyens au soutien de son pourvoi.

Précision liminaire

30

En l’occurrence, il ressort de l’exposé des antécédents du litige rappelé au point 14 du présent arrêt que, bien que la procédure de déchéance en cause ait été initiée sous l’empire du règlement no 40/94, la décision litigieuse a été rendue par la chambre de recours de l’OHMI après que le règlement no 207/2009 est entré en vigueur.

31

Ce dernier règlement ayant toutefois opéré une codification du règlement no 40/94 et les dispositions pertinentes de celui-ci n’ayant subi aucune modification à l’occasion de ladite codification, il sera, dans la suite du présent arrêt, exclusivement fait référence aux dispositions du règlement no 207/2009.

Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 65 du règlement no 207/2009 et 134, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal

Argumentation des parties

32

Par son premier moyen, Centrotherm Systemtechnik soutient que l’arrêt attaqué a été adopté en méconnaissance du droit dont elle dispose, en qualité d’intervenant, conformément aux articles 65 du règlement no 207/2009 et 134, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal, de formuler des conclusions et des moyens autonomes visant notamment à la réformation de la décision rendue par une chambre de recours de l’OHMI.

33

Selon Centrotherm Systemtechnik, il ressort en effet des points 33 et 34 de l’arrêt attaqué que, aux fins de statuer sur le recours dont il était saisi, le Tribunal s’est borné à examiner le point de savoir si les clichés photographiques et les factures produites par Centrotherm Systemtechnik devant la division d’annulation permettaient de considérer, ainsi que l’avait fait la chambre de recours dans la décision litigieuse, qu’un usage sérieux de la marque en cause avait été établi.

34

Or, ainsi qu’il ressortirait de son mémoire en réponse déposé devant le Tribunal, Centrotherm Systemtechnik ne concluait pas seulement au rejet par ce dernier du recours de centrotherm Clean Solutions. Dans ledit mémoire, Centrotherm Systemtechnik aurait également développé une argumentation dénonçant l’absence de prise en compte par la chambre de recours, de la déclaration sur l’honneur de son gérant, des preuves complémentaires produites par elle devant ladite chambre ainsi que d’autres pièces figurant au dossier de la marque et visant à obtenir du Tribunal qu’il constate, au vu de ces divers éléments de preuve, que l’usage sérieux de la marque litigieuse avait été établi. À la lumière de ladite argumentation, le Tribunal aurait été tenu d’interpréter la demande de Centrotherm Systemtechnik comme visant également à obtenir du Tribunal qu’il maintienne la partie attaquée de la décision litigieuse au moyen d’une substitution de motifs.

35

L’OHMI fait valoir que Centrotherm Systemtechnik s’est bornée à conclure au rejet du recours de centrotherrn Clean Solutions et qu’elle n’a pas formulé de demande d’annulation ou de réformation de la décision litigieuse.

36

Selon centrotherm Clean Solutions, il ressort des points 32 et 37 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pris connaissance des preuves présentées par Centrotherm Systemtechnik et qu’il a statué sur l’argument de cette dernière relatif à la nécessité de prendre en considération la déclaration sur l’honneur en constatant que le contenu de celle-ci n’était pas étayé par les pièces du dossier. Par ailleurs, il ne serait pas nécessaire que le Tribunal statue expressément sur chaque point soulevé dans l’argumentation d’une partie.

Appréciation de la Cour

37

Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort de l’article 65, paragraphes 1 et 3, du règlement no 207/2009 que les décisions des chambres de recours de l’OHMI sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’Union et que ce dernier a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer de telles décisions.

38

Par ailleurs, l’article 134, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les parties à la procédure devant la chambre de recours autres que la partie ayant saisi le Tribunal peuvent participer à la procédure devant ce dernier en tant qu’intervenant et qu’ils sont habilités, en cette qualité, à formuler des conclusions et des moyens autonomes par rapport à ceux de la partie principale. L’article 134, paragraphe 3, de ce règlement de procédure précise, à cet égard, qu’un tel intervenant peut, dans son mémoire en réponse, formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête et présenter des moyens non soulevés dans celle-ci.

39

Il découle de ce qui précède que, en qualité de partie intervenante à la procédure visant à l’annulation partielle de la décision litigieuse introduite par centrotherm Clean Solutions devant le Tribunal, Centrotherm Systemtechnik était recevable à formuler une éventuelle demande visant à l’annulation ou à la réformation de cette décision.

40

En l’occurrence, il y a lieu de relever d’emblée que par le présent moyen, Centrotherm Systemtechnik n’allègue pas avoir conclu, devant le Tribunal, à l’annulation de la décision litigieuse.

41

En revanche, elle fait valoir que les conclusions de son mémoire en réponse devant ladite juridiction auraient dû, au vu des motifs exposés dans ce mémoire, être lues par le Tribunal en ce sens qu’elles visaient à obtenir de cette juridiction qu’elle rejette le recours de centrotherm Clean Solutions après avoir, si nécessaire, substitué sa propre appréciation à celle de la chambre de recours, en faisant, à cet égard, usage de son pouvoir de réformation.

42

À cet égard, il convient, tout d’abord, de constater que, dans le petitum des conclusions qu’elle a formulé dans son mémoire en réponse déposé devant le Tribunal, Centrotherm Systemtechnik s’est bornée à demander à cette juridiction de «rejeter le recours», sans aucunement faire mention, fût-ce à titre subsidiaire, de conclusions à fin d’annulation ou de réformation de la décision litigieuse.

43

Or, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 134, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal, cette disposition habilite l’intervenant à formuler, dans son mémoire en réponse, des «conclusions» autonomes visant à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée. Il s’ensuit que, en principe, ce qu’entend éventuellement postuler l’intervenante sur le fondement de cette disposition doit ressortir des conclusions de son mémoire en réponse (voir en ce sens, s’agissant de la requête introductive d’instance, ordonnance du 28 juin 2011, Verein Deutsche Sprache/Conseil, C‑93/11 P, point 18).

44

Ensuite, force est de constater que, pas davantage que le petitum des conclusions figurant dans le mémoire en réponse de Centrotherm Systemtechnik, l’argumentaire développé par celle-ci dans ce mémoire ne fait clairement et expressément état d’une demande de réformation de la décision litigieuse.

45

Enfin, il convient de relever que, à supposer que les affirmations figurant aux points 49 à 56 dudit mémoire en réponse, afférents à la déclaration sur l’honneur, et aux points 23 et 57 de celui-ci, relatifs aux éléments de preuve figurant au dossier de la marque litigieuse et à ceux produits par Centrotherm Systemtechnik devant la chambre de recours, puissent, ainsi que le soutient celle-ci, être interprétées en ce sens qu’elles invitaient le Tribunal à prendre en compte lesdits éléments au titre de son pouvoir de réformation, il demeurerait que le moyen tiré de ce que le Tribunal se serait abstenu à tort de faire usage d’un tel pouvoir ne saurait, en l’occurrence, prospérer.

46

D’une part, force est de constater que, en ce que ledit moyen vise en substance à dénoncer une absence de prise en compte par le Tribunal de la déclaration sur l’honneur en cause, il manque en fait. En effet, au point 37 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que même si cette déclaration avait été prise en compte par la chambre de recours, il convenait de constater qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments dans le dossier étayant le contenu de celle-ci en ce qui concerne la valeur des ventes.

47

Il s’ensuit que l’appréciation globale des éléments exposés aux points 35 à 42 de l’arrêt attaqué, au terme de laquelle le Tribunal a considéré, au point 43 dudit arrêt, que ces éléments ne permettaient pas de conclure que la marque litigieuse avait fait l’objet d’un usage sérieux, procède notamment de la prise en compte de ladite déclaration sur l’honneur et d’une appréciation de la force probante s’attachant tant à celle-ci qu’aux autres éléments examinés.

48

D’autre part, et en ce que le présent moyen fait en substance grief au Tribunal de n’avoir pas pris en compte, dans l’exercice de son pouvoir de réformation, les éléments de preuve figurant au dossier de la marque litigieuse et ceux produits au stade du recours devant la chambre de recours, il convient de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C-263/09 P, Rec. p. I-5853, point 72).

49

Or, en l’occurrence, et ainsi qu’il ressort des points 32 à 37 de la décision litigieuse, la chambre de recours s’est précisément refusée à prendre en considération les éléments de preuve en cause et, dès lors, s’est abstenue de porter une quelconque appréciation quant à la valeur probante de ceux-ci.

50

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que Centrotherm Systemtechnik n’aurait pu valablement demander au Tribunal d’examiner, à des fins de réformation éventuelle de la décision litigieuse, la force probante s’attachant à des éléments de preuve qui n’avaient pas été examinés par la chambre de recours dans cette décision.

51

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 51, paragraphe 1, sous a), et 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009

Argumentation des parties

52

Par son deuxième moyen, Centrotherm Systemtechnik fait valoir que, en considérant, ainsi qu’il ressortirait de manière implicite de l’arrêt attaqué et notamment du point 46 de celui-ci, que la charge de la preuve de l’usage sérieux de la marque litigieuse lui incombait, le Tribunal a commis une erreur de droit.

53

D’une part, la règle selon laquelle l’OHMI procède à l’examen d’office des faits, que pose l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, s’appliquerait dans le cadre d’une procédure de déchéance.

54

D’autre part, alors que les articles 42, paragraphe 2, et 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 prévoiraient que le titulaire de la marque antérieure doit apporter la preuve de l’usage sérieux de celle-ci, à défaut de quoi son opposition ou sa demande de nullité doivent être rejetées, l’article 51 de ce règlement ne comporterait pas de précisions similaires en ce qui concerne les procédures en déchéance.

55

Dans ces conditions, la règle relative à la charge de la preuve posée par la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 méconnaîtrait le règlement no 207/2009 et devrait être écartée. Il s’ensuivrait que le Tribunal aurait dû tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve à sa disposition.

56

Selon l’OHMI, eu égard au caractère inter partes et sui generis de la procédure de déchéance, le principe de l’examen d’office des faits n’est pas applicable et c’est au titulaire de la marque, qui dispose des éléments appropriés à cette fin, qu’il incombe de prouver qu’il a fait un usage sérieux de celle-ci.

57

centrotherm Clean Solutions fait également valoir que l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ne s’applique pas aux procédures en déchéance. En revanche, la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 déterminerait les modalités procédurales d’application afférentes à la déchéance, en prévoyant expressément que le titulaire de la marque doit apporter la preuve de l’usage sérieux de celle-ci. En outre, le Tribunal n’aurait, dans l’arrêt attaqué, aucunement affirmé que la charge de la preuve incombait au titulaire de la marque.

Appréciation de la Cour

58

Il importe, en premier lieu, de relever que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a, à aucun moment, affirmé que la charge de la preuve de l’usage sérieux incombait au titulaire de la marque antérieure.

59

En deuxième lieu, il convient de faire observer que le point 46 dudit arrêt, dans lequel la requérante prétend déceler une telle prise de position du Tribunal, n’est pas suffisamment univoque pour autoriser une telle conclusion.

60

En troisième lieu et surtout, force est de constater que Centrotherm Systemetechnik n’expose pas en quoi une telle appréciation implicite et l’erreur de droit que traduirait prétendûment celle-ci seraient, à les supposer avérées, de nature à commander l’annulation de l’arrêt attaqué.

61

Or, il convient, tout d’abord, de relever, à cet égard, que, ainsi qu’il a déjà été souligné aux points 40 et 42 du présent arrêt, dans son mémoire en réponse devant le Tribunal, Centrotherm Systemtechnik n’a en aucune manière conclu à l’annulation de la décision litigieuse. Aussi elle ne saurait, dans le cadre du présent pourvoi, faire grief au Tribunal d’avoir omis d’annuler cette décision en raison de l’erreur de droit qu’aurait prétendument commise la chambre de recours en considérant que la charge de la preuve de l’usage sérieux de la marque incombait au titulaire de celle-ci.

62

Ensuite, Centrotherm Systemtechnik ne saurait davantage reprocher au Tribunal de n’avoir pas pris en compte les éléments de preuve figurant au dossier de la marque et ceux produits devant la chambre de recours aux fins de constater, dans l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la déchéance de la marque litigieuse, puisque, ainsi qu’il ressort des points 48 à 50 du présent arrêt, le Tribunal n’était pas saisi d’une demande de réformation de la décision litigieuse, à laquelle il n’aurait, en tout état de cause, pas été fondé à procéder en prenant en compte lesdits éléments de preuve.

63

Enfin, il y a lieu de rappeler que, par son recours, centrotherm Clean Solutions se bornait à faire valoir que c’était erronément que la chambre de recours avait considéré que les éléments de preuve produits devant la division d’annulation permettaient d’établir l’usage sérieux de la marque litigieuse.

64

Il découle de ce qui précède que, aux fins de statuer sur le recours et sur les moyens dont il se trouvait saisi, le Tribunal n’était aucunement appelé à se prononcer sur la question de savoir à qui incombait la charge de la preuve de l’usage sérieux de ladite marque.

65

Il s’ensuit également que, même à la supposer avérée, l’erreur de droit implicite que Centrotherm Systemtechnik prétend déceler dans l’arrêt attaqué ne saurait conduire à une annulation de celui-ci.

66

Ainsi, il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009

Argumentation des parties

67

Par son troisième moyen, Centrotherm Systemtechnik allègue que, ainsi qu’il ressortirait du point 26 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur l’hypothèse selon laquelle la notion d’usage sérieux s’oppose à tout usage minimal et insuffisant. Ce faisant, cette juridiction aurait méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’exigence de caractère sérieux ne doit exclure que les formes d’usage à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par l’enregistrement de la marque.

68

Selon Centrotherm Systemtechnik, cette erreur de droit aurait été à la base de l’appréciation erronée portée par le Tribunal, aux points 36 et 37 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ont été apportées des preuves de vente relativement faibles, pour un montant total ne correspondant qu’à 0,03 % du chiffre d’affaires déclaré.

69

L’OHMI et centrotherm Clean Solutions font valoir, d’une part, que le point 26 de l’arrêt attaqué qui se réfère à un usage minimal et insuffisant «pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé» est pleinement conforme à la jurisprudence de la Cour. D’autre part, l’appréciation du Tribunal selon laquelle les preuves de vente apportées sont insuffisantes pour conclure à l’existence d’un usage sérieux de la marque ne pourrait faire l’objet d’un contrôle dans le cadre d’un pourvoi.

Appréciation de la Cour

70

Force est de constater, en premier lieu, que ce troisième moyen est fondé sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, en isolant de son contexte une partie de phrase figurant au point 26 dudit arrêt, Centrotherm Systemtechnik déforme la portée de ce point.

71

D’une part, en effet, l’appréciation portée audit point 26 ne saurait être lue en faisant abstraction du point 25 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal rappelle notamment qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

72

C’est au regard des principes ainsi rappelés que le Tribunal affirme, au point 26 de l’arrêt attaqué, que la notion d’usage sérieux s’oppose «donc» à tout usage minimal et insuffisant «pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé», avant de rappeler, en outre, dans ce même point, la jurisprudence selon laquelle l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

73

D’autre part, il ne peut davantage être ignoré que ces points 25 et 26 s’inscrivent dans le cadre d’un rappel plus large de la jurisprudence afférente à la notion d’usage sérieux de la marque, incluant divers enseignements complémentaires ayant trait à l’étendue de l’usage et, notamment, au volume commercial sur lequel porte celui-ci, ainsi qu’il ressort des points 27 à 29 dudit arrêt.

74

Il s’ensuit que l’affirmation que comporte le point 26 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal se borne à rappeler des enseignements jurisprudentiels constants, ne comporte aucune erreur de droit.

75

En second lieu, et s’agissant des points 36 et 37 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que ceux-ci s’inscrivent dans un processus complexe d’analyse, dont ils ne constituent que l’un des maillons, et visant, ainsi qu’il est annoncé au point 34 de cet arrêt, à examiner si l’appréciation globale des photographies et des quatre factures permettait de conclure que la marque litigieuse avait fait l’objet d’un usage sérieux au regard des principes jurisprudentiels rappelés aux points 25 à 29 dudit arrêt.

76

Dans ce contexte, les constats et les appréciations effectués par le Tribunal, notamment auxdits points 36 et 37, relativement à la fréquence des actes commerciaux invoqués, à la période sur laquelle ils s’étalent et au volume commercial dont ils témoignent, ne sauraient être isolés de l’ensemble des autres considérations retenues par le Tribunal pour conclure que l’usage sérieux de la marque concernée n’avait pas, en l’occurrence, été établi, notamment celles tirées de l’examen des photographies qui figurent aux points 38 à 42 de l’arrêt attaqué.

77

Par ailleurs, de tels constats et appréciations relèvent du champ factuel (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C-234/06 P, Rec. p. I-7333, point 75), et ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

78

Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 et de la règle 22 du règlement no 2868/95

Argumentation des parties

79

Par son quatrième moyen, Centrotherm Systemtechnik soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de réfuter la position de la chambre de recours, selon laquelle la déclaration sur l’honneur ne constitue pas une preuve, au sens de la règle 22, paragraphe 4, du règlement no 2968/95, lue en combinaison avec l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009.

80

Selon la requérante, si le Tribunal avait procédé à une telle réfutation et avait tenu compte du fait qu’il ne peut pas être exigé que toute information figurant dans une déclaration sur l’honneur soit étayée par d’autres éléments de preuve, il aurait été amené à adopter une position différente quant à l’existence d’un usage sérieux de la marque en cause.

81

Selon l’OHMI, il ressort du point 37 de l’arrêt attaqué ainsi que du point 34 de l’arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI – centrotherm Clean Solutions (CENTROTHERM), précité, rendu dans l’affaire parallèle T‑434/09, que le Tribunal n’a pas écarté in abstracto toute valeur probante en ce qui concerne les déclarations sur l’honneur, mais qu’il a évalué celle-ci en constatant, au terme d’une appréciation ne pouvant être contrôlée dans le cadre d’un pourvoi, que, en l’espèce, des preuves supplémentaires seraient nécessaires, eu égard aux liens existants entre l’auteur de la déclaration en cause et Centrotherm Systemtechnik.

82

centrotherm Clean Solutions fait valoir que l’affirmation contestée de la chambre de recours n’ayant pas été mise en cause dans le cadre du recours, le Tribunal n’avait pas l’obligation d’infirmer celle-ci. Ce dernier ne l’aurait d’ailleurs pas davantage approuvée, en se bornant à énoncer, au point 37 de l’arrêt attaqué, que, même si la chambre de recours avait pris en compte la déclaration en cause, il y aurait eu lieu de constater que le contenu de cette dernière n’était pas, en ce qui concerne le montant des ventes, suffisamment étayé par les pièces du dossier.

Appréciation de la Cour

83

Il convient de relever, en premier lieu, que ce quatrième moyen se confond en partie avec le premier moyen du pourvoi en ce que celui-ci faisait grief au Tribunal de n’avoir pas, à l’instar de la chambre de recours avant lui, pris la déclaration sur l’honneur en considération en tant qu’élément de preuve de l’usage de la marque, alors qu’une telle prise en considération lui aurait permis, dans l’exercice de son pouvoir de réformation, de constater que ledit usage sérieux avait été établi.

84

À cet égard, il suffit de relever qu’il résulte déjà des développements consacrés à l’examen de ce premier moyen aux points 46 et 47 du présent arrêt, qu’il ressort des points 37 et 43 de l’arrêt attaqué ainsi, d’ailleurs, que du point 46 de celui-ci, que l’appréciation d’ensemble des éléments de preuve ayant conduit le Tribunal à considérer que l’usage sérieux de la marque litigieuse n’était pas établi a englobé tant la déclaration litigieuse que les autres éléments de preuve produits devant la division d’annulation de l’OHMI, le Tribunal n’ayant, ce faisant, en aucune manière jugé qu’une telle déclaration ne constituerait pas un moyen de preuve admissible.

85

En second lieu, et s’agissant de l’argument de Centrotherm Systemtechnik selon lequel le Tribunal aurait considéré à tort que toute information figurant dans une déclaration sur l’honneur devait être étayée par d’autres éléments de preuve et privé de la sorte ce type de déclaration de toute force probante autonome, il suffit de constater que l’appréciation à laquelle s’est livré le Tribunal au point 37 de l’arrêt attaqué n’a nullement une telle portée. En effet, dans ce point, le Tribunal s’est borné à souligner la différence extrême existant entre les affirmations relatives aux chiffres d’affaires annuels prétendument réalisés par Centrotherm Systemtechnik entre les années 2002 et 2006, que comporte la déclaration sur l’honneur du gérant de Centrotherm Systemtechnik, et les volumes de vente comparativement minimes et limités à une période très brève, voire ponctuelle, dont attestent les factures effectivement produites par Centrotherm Systemtechnik.

86

Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être écarté.

87

Par conséquent, aucun des moyens invoqués par Centrotherm Systemtechnik n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

88

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. centrotherm Clean Solutions ayant conclu à la seule condamnation de Centrotherm Systemtechnik et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par centrotherm Clean Solutions. En conséquence, l’OHMI supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Centrotherm Systemtechnik GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par centrotherm Clean Solutions GmbH & Co. KG.

 

3)

L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.