ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
8 mai 2013 ( *1 )
«Libre circulation des personnes — Règlement (CEE) no 1612/68 — Article 12 — Conjoint divorcé d’un ressortissant d’un État membre ayant travaillé dans un autre État membre — Enfant majeur poursuivant ses études dans l’État membre d’accueil — Droit de séjour pour le parent ressortissant d’un État tiers — Directive 2004/38/CE — Articles 16 à 18 — Droit de séjour permanent des membres de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant pas la nationalité d’un État membre — Séjour légal — Séjour fondé sur ledit article 12»
Dans l’affaire C‑529/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London (Royaume-Uni), par décision du 2 juin 2011, parvenue à la Cour le 17 octobre 2011, dans la procédure
Olaitan Ajoke Alarape,
Olukayode Azeez Tijani
contre
Secretary of State for the Home Department,
en presence de:
AIRE Centre,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. G. Arestis, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2012,
considérant les observations présentées:
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pour Mme Alarape et M. Tijani, par M. Z. Jafferji, barrister, |
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pour AIRE Centre, par M. A. Weiss, legal director, et M. A. Berry, barrister, |
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pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent, assistée de Mme F. Saheed et de M. B. Kennelly, barristers, |
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pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent, |
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pour la Commission européenne, par Mme C. Tufvesson et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 janvier 2013,
rend le présent
Arrêt
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La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), tel que modifié par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34, ci-après le «règlement no 1612/68»), et des articles 16, paragraphe 2, 17, paragraphes 3 et 4, ainsi que 18 de ladite directive 2004/38. |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, Mme Alarape et son fils, M. Tijani, au Secretary of State for the Home Department (ci-après le «Secretary of State») au sujet du rejet par ce dernier de leur demande tendant à obtenir un droit de séjour permanent au Royaume-Uni au titre de la directive 2004/38. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 1612/68
3 |
L’article 12 du règlement no 1612/68, qui ne figure pas parmi les dispositions de ce règlement abrogées par la directive 2004/38, prévoyait: «Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions.» |
La directive 2004/38
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L’article 2 de la directive 2004/38, intitulé «Définitions», énonce: «Aux fins de la présente directive, on entend par:
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Le chapitre III de ladite directive, intitulé «Droit de séjour», comprend les articles 6 à 15 de celle-ci. L’article 6 concerne le «[d]roit de séjour jusqu’à trois mois». |
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L’article 7 de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», est libellé comme suit: «1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:
2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). 3. Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:
4. Par dérogation au paragraphe 1, point d), et au paragraphe 2 ci-dessus, seul le conjoint, le partenaire enregistré au sens de l’article 2, paragraphe 2, point b), et les enfants à charge bénéficient du droit de séjour en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui remplit les conditions énoncées au paragraphe 1, point c). L’article 3, paragraphe 1, s’applique à ses ascendants directs à charge et à ceux de son conjoint ou partenaire enregistré.» |
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L’article 12 de la directive 2004/38, intitulé «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou [de] départ du citoyen de l’Union», dispose: «1. Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union ou son départ du territoire de l’État membre d’accueil n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre. Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir eux-mêmes les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, points a), b), c) ou d). 2. Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui résidaient dans l’État membre d’accueil en tant que membre de sa famille depuis au moins un an avant le décès du citoyen de l’Union. Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles définies à l’article 8, paragraphe 4. Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel. 3. Le départ du citoyen de l’Union ou son décès n’entraîne pas la perte du droit de séjour de ses enfants ou du parent qui a effectivement la garde des enfants, quelle que soit leur nationalité, pour autant que ceux-ci résident dans l’État membre d’accueil et soient inscrits dans un établissement scolaire pour y suivre un enseignement, jusqu’à la fin de leurs études.» |
8 |
Sous le titre «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré», l’article 13 de la directive 2004/38 énonce: «1. Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage d’un citoyen de l’Union ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2) b), n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre. Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, points a), b), c) ou d). 2. Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2 b), n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre:
Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles prévues à l’article 8, paragraphe 4. Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel.» |
9 |
Sous le chapitre IV de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour permanent», l’article 16 de celle-ci, lui-même intitulé «Règle générale pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille», est libellé comme suit: «1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III. 2. Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil. 3. La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers. 4. Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.» |
10 |
Sous l’intitulé «Dérogations pour les travailleurs ayant cessé leur activité dans l’État membre d’accueil et les membres de leur famille», l’article 17 de ladite directive prévoit pour ces travailleurs et les membres de leur famille l’attribution, sous certaines conditions, d’un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil avant l’écoulement d’une période ininterrompue de cinq ans de séjour. |
11 |
Sous le même chapitre IV, l’article 18 de la directive 2004/38, intitulé «Acquisition du droit de séjour permanent des membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre», prévoit: «Sans préjudice des dispositions de l’article 17, les membres de la famille d’un citoyen de l’Union visés à l’article 12, paragraphe 2, et à l’article 13, paragraphe 2, qui remplissent les conditions énoncées dans ces dispositions, acquièrent un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement, de façon continue, pendant cinq ans dans l’État membre d’accueil.» |
Le droit du Royaume-Uni
12 |
Le règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006, ci-après le «règlement de 2006»] est entré en vigueur le 30 avril 2006 et vise à mettre en œuvre, dans le droit du Royaume-Uni, les dispositions de la directive 2004/38. |
13 |
L’article 10 du règlement de 2006 dispose: «1) Aux fins du présent règlement, on entend par ‘membre de la famille qui a conservé le droit de séjour’, sous réserve du paragraphe 8, une personne qui remplit les conditions énoncées aux paragraphes 2, 3, 4 ou 5. […] 5) Une personne remplit les conditions du présent paragraphe si:
6) La condition prévue au présent paragraphe est que la personne
[…]» |
14 |
Sous l’intitulé «Droit de séjour permanent», l’article 15 du règlement de 2006 énonce: «1) Les personnes suivantes acquièrent un droit de séjour permanent au Royaume-Uni:
2) Une fois acquis, le droit de séjour permanent découlant du présent règlement ne se perd que par des absences du Royaume-Uni d’une durée supérieure à deux années consécutives. […]» |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
15 |
Mme Alarape et son fils M. Tijani, tous deux de nationalité nigériane, sont nés respectivement le 9 juillet 1970 et le 28 février 1988. Après leur installation au Royaume-Uni, ils ont, au mois de juillet 2004 et au mois d’août 2005, obtenu un titre de séjour en tant que, respectivement, conjoint d’un ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre et descendant de moins de 21 ans ou à charge, le terme de ces titres étant fixé au 17 février 2009. |
16 |
Pendant son séjour au Royaume-Uni, Mme Alarape y a exercé une activité non salariée à temps partiel avec un revenu mensuel d’environ 1600 GBP. Elle s’est acquittée de ses impôts et de ses cotisations sociales. |
17 |
M. Tijani a suivi un enseignement à temps plein depuis son arrivée au Royaume-Uni, d’abord à l’école, ensuite à la London Metropolitan University et, enfin, à la London South Bank University. À la date du dépôt de la demande de décision préjudicielle devant la Cour, il avait formellement été admis à l’université d’Édimbourg afin de préparer un doctorat. En principe, il avait prévu de vivre à Édimbourg (Royaume-Uni) pendant la période des cours. Au cours des années 2006 à 2008, il a travaillé à temps partiel. |
18 |
Par une décision du 29 janvier 2010, le Secretary of State a rejeté la demande des requérants au principal tendant à obtenir un droit de séjour permanent au Royaume-Uni au titre de la directive 2004/38. Le 16 février suivant, Mme Alarape a divorcé. |
19 |
Le recours introduit par les requérants au principal à l’encontre de ladite décision du Secretary of State a été rejeté par le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), en raison du fait que ces derniers n’avaient pas prouvé, selon cette juridiction, que le membre de leur famille, qui est un citoyen de l’Union, avait exercé au Royaume-Uni des droits découlant du traité CE pendant la période concernée, les preuves fournies à cet égard n’établissant la condition de travailleur salarié de l’intéressé que pour la période comprise entre le mois d’avril 2004 et celui d’avril 2006. Cette juridiction a également rejeté l’argumentation des requérants au principal selon laquelle, d’une part, Mme Alarape aurait acquis le maintien de son droit de séjour après son divorce et, d’autre part, leur droit fondamental au respect de la vie privée et familiale aurait été violé par cette décision de rejet. |
20 |
Dans le cadre de la procédure de l’appel interjeté devant la juridiction de renvoi contre ladite décision du First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), les requérants au principal ont soulevé pour la première fois un argument fondé sur l’article 12 du règlement no 1612/68. |
21 |
La juridiction de renvoi considère que le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) pourrait avoir commis une erreur de droit en n’examinant pas, dans l’affaire en cause au principal, l’éventuelle incidence de l’article 12 du règlement no 1612/68. À cet égard, elle relève qu’une telle incidence aurait dû être examinée d’office, de sorte que la circonstance que cet article n’a pas été invoqué en première instance par les requérants au principal n’est pas de nature à influer sur la procédure. |
22 |
C’est dans ce contexte que l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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Sur les questions préjudicielles
Sur les quatre premières questions
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Par ses quatre premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelles sont les conditions auxquelles doit satisfaire le parent d’un enfant de plus de 21 ans qui a accédé à l’enseignement sur le fondement de l’article 12 du règlement no 1612/68 pour continuer à bénéficier d’un droit dérivé de séjour au titre de ce même article. |
24 |
En premier lieu, il convient de relever que la survenance de la majorité n’a pas d’incidence directe sur les droits conférés à l’enfant par l’article 12 du règlement no 1612/68, tel qu’interprété par la Cour, étant donné que, eu égard à leur objet et à leur finalité, tant le droit d’accéder à l’enseignement prévu à cet article que le droit de séjour corrélatif de l’enfant perdurent jusqu’à ce que ce dernier ait terminé ses études (arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C-480/08, Rec. p. I-1107, points 78 et 79). |
25 |
Ainsi, dans la mesure où, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, le champ d’application de l’article 12 du règlement no 1612/68 inclut également les études supérieures, la date à laquelle l’enfant termine ses études peut se situer après la majorité de celui-ci (voir arrêt Teixeira, précité, point 80 et jurisprudence citée). |
26 |
En second lieu, en ce qui concerne le droit dérivé de séjour du parent, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que, lorsque les enfants jouissent, en vertu de l’article 12 du règlement no 1612/68, du droit de continuer leur scolarité dans l’État membre d’accueil, tandis que les parents assurant leur garde risquent de perdre leurs droits de séjour, le refus d’accorder auxdits parents la possibilité de demeurer dans l’État membre d’accueil pendant la scolarité de leurs enfants pourrait être de nature à priver ces derniers d’un droit qui leur a été reconnu par le législateur de l’Union (voir arrêt du 23 février 2010, Ibrahim et Secretary of State for the Home Department, C-310/08, Rec. p. I-1065, point 30). |
27 |
De même, il a été jugé que le fait que les parents des enfants concernés ont entre-temps divorcé, le fait que seul l’un des parents est un citoyen de l’Union et que ce parent n’est plus un travailleur migrant dans l’État membre d’accueil n’ont à cet égard aucune incidence (voir arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R, C-413/99, Rec. p. I-7091, point 63, ainsi que Ibrahim et Secretary of State for the Home Department, précité, point 29). |
28 |
En outre, s’agissant du droit dérivé de séjour d’un parent qui avait la garde d’un enfant ayant atteint l’âge de la majorité et exerçant son droit de poursuivre ses études dans l’État membre d’accueil, la Cour a déjà jugé que, même si ce dernier est en principe présumé apte à satisfaire à ses propres besoins, le droit dudit parent peut néanmoins se prolonger au-delà de cet âge lorsque l’enfant continue d’avoir besoin de la présence et des soins de ce parent afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est effectivement le cas dans l’affaire au principal (voir, en ce sens, arrêt Teixeira, précité, point 86). |
29 |
En revanche, si le bénéficiaire du droit de séjour au titre de l’article 12 du règlement no 1612/68 cesse d’avoir besoin de la présence et des soins du parent qui en avait la garde afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études dans l’État membre d’accueil, le droit dérivé de séjour dans ce dernier de ce parent prend fin à la majorité dudit bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt Teixeira, précité, point 87). |
30 |
Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 35 à 37 de ses conclusions, la question de savoir si l’enfant majeur continue ou non à avoir besoin de la présence et des soins de son parent afin de poursuivre et de terminer ses études est une question de fait qu’il incombe au seul juge national d’apprécier. À cet égard, ce dernier pourra tenir compte des circonstances et des indices propres au litige au principal qui feraient apparaître un réelle nécessité, tels que, notamment, l’âge de l’enfant, la résidence au foyer familial ou le besoin d’un soutien parental sur le plan financier ou affectif aux fins de la poursuite et de l’achèvement de ses études. |
31 |
Par conséquent, il convient de répondre aux quatre premières questions que le parent d’un enfant ayant atteint l’âge de la majorité et ayant accédé à l’enseignement sur le fondement de l’article 12 du règlement no 1612/68 peut continuer à bénéficier d’un droit dérivé de séjour au titre de ce même article si sa présence et ses soins demeurent nécessaires à cet enfant pour lui permettre de poursuivre et de terminer ses études, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’affaire dont elle est saisie. |
Sur la cinquième question
32 |
Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les périodes de séjour dans un État membre d’accueil, accomplies par des membres de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant pas la nationalité d’un État membre sur le seul fondement de l’article 12 du règlement no 1612/68 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour au titre de la directive 2004/38, peuvent être prises en considération aux fins de l’acquisition par ces membres de la famille du droit de séjour permanent au sens de cette directive. |
33 |
À cet égard, il convient de relever que la directive 2004/38 vise deux situations différentes dans lesquelles les membres de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant pas la nationalité d’un État membre peuvent acquérir le droit de séjour permanent au sens de cette directive. D’une part, selon l’article 16, paragraphe 2, de ladite directive, le droit de séjour permanent visé au paragraphe 1 de cet article bénéficie également auxdits membres de la famille s’ils ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil. L’article 17 de la même directive prévoit, sous certaines conditions, des dérogations pour les travailleurs ayant cessé leur activité dans l’État membre d’accueil et les membres de leur famille. D’autre part, selon l’article 18 de la directive 2004/38, les membres de la famille d’un citoyen de l’Union visés aux articles 12, paragraphe 2, et 13, paragraphe 2, de celle-ci, qui remplissent les conditions énoncées dans ces dispositions, acquièrent un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement, de façon continue, pendant cinq ans dans l’État membre d’accueil. |
34 |
Pour l’application de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, il y a lieu de constater que l’acquisition du droit de séjour permanent des membres de la famille du citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre dépend en tout état de cause du fait que, d’une part, ce citoyen remplit lui-même les conditions énoncées à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive et que, d’autre part, lesdits membres ont séjourné avec lui pendant la période concernée. |
35 |
En ce qui concerne les conditions que doit remplir le citoyen de l’Union, il y a lieu de relever que, s’agissant de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, la Cour a déjà jugé, après avoir analysé les objectifs ainsi que le contexte global et particulier dans lequel s’inscrit cette directive, que la notion de séjour légal qu’impliquent les termes «ayant séjourné légalement» figurant à cette disposition doit s’entendre d’un séjour conforme aux conditions prévues par cette même directive, notamment celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci, et que, par conséquent, un séjour conforme au droit d’un État membre, mais ne remplissant pas les conditions visées à cet article 7, paragraphe 1, ne saurait être considéré comme un séjour «légal» au sens dudit article 16, paragraphe 1 (arrêt du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja, C-424/10 et C-425/10, Rec. p. I-14035, points 46 et 47). |
36 |
S’agissant de l’acquisition d’un droit de séjour permanent par les membres de la famille du citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, l’obligation, rappelée au point 34 du présent arrêt, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil pendant la période concernée implique l’existence nécessaire et concomitante pour ceux-ci d’un droit de séjour au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, en tant que membres de la famille accompagnant ou rejoignant ce citoyen. |
37 |
Il s’ensuit que, aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, au titre de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, seules les périodes de séjour de ces membres remplissant la condition prévue à l’article 7, paragraphe 2, de celle-ci peuvent être prises en considération. |
38 |
De même, en renvoyant aux articles 12, paragraphe 2, et 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, l’article 18 de cette dernière délimite le droit de séjour permanent qu’il vise, dans la mesure où, d’une part, un tel droit de séjour ne bénéficie qu’aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et dont le droit de séjour est maintenu en cas de décès de ce citoyen, de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré, et où, d’autre part, ledit droit de séjour est subordonné à la condition que les intéressés puissent démontrer eux-mêmes, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, qu’ils remplissent les mêmes conditions que celles visées à l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) ou d), de la directive 2004/38. |
39 |
Par conséquent, seules les périodes de séjour remplissant les conditions prévues par la directive 2004/38 peuvent être prises en considération aux fins de l’acquisition par les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre du droit de séjour permanent au sens de cette directive. |
40 |
La circonstance que le membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas la nationalité d’un État membre a séjourné dans un État membre sur le seul fondement de l’article 12 du règlement no 1612/68 ne peut dès lors avoir aucune incidence sur l’acquisition du droit de séjour permanent au sens de la directive 2004/38. |
41 |
Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par le constat opéré dans l’arrêt du 7 octobre 2010, Lassal (C-162/09, Rec. p. I-9217), selon lequel des périodes de séjour ininterrompu de cinq ans, accomplies avant la date de transposition de la directive 2004/38 dans l’État membre concerné, conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs à cette date, doivent être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive. |
42 |
En effet, en premier lieu, ainsi qu’il ressort des points 33 à 39 du présent arrêt, seules les périodes de séjour remplissant les conditions prévues par la directive 2004/38 peuvent être prises en considération aux fins de l’acquisition par les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre du droit de séjour permanent au sens de cette directive. |
43 |
En second lieu, il convient de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lassal, précité, la qualité de «travailleur» de l’intéressée au sens du droit de l’Union et, partant, le fait que celle-ci satisfaisait à la condition prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/38 ne faisait pas l’objet d’une discussion. |
44 |
Il est certes vrai que, dans la mesure où la plupart des périodes de séjour de l’intéressée dans l’État membre concerné étaient antérieures à la directive 2004/38, lesdites périodes ne pouvaient avoir été accomplies que «conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs» à celle-ci. Toutefois, un tel libellé de l’arrêt Lassal, précité, doit être compris dans le cadre des questions posées par la juridiction de renvoi, lesquelles concernaient non pas les conditions matérielles du séjour légal au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, mais le traitement des périodes de séjour remplissant ces conditions accomplies antérieurement à la date de transposition de ladite directive dans cet État membre. |
45 |
En revanche, la notion de séjour légal qu’impliquent les termes «ayant séjourné légalement», figurant à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, n’a été analysée pour la première fois que dans l’arrêt Ziolkowski et Szeja, précité. |
46 |
Par ailleurs, il convient de rappeler que la directive 2004/38, d’une part, a pour but de dépasser une approche sectorielle et fragmentaire du droit de circuler et de séjourner librement aux fins de faciliter l’exercice de ce droit, en élaborant un acte législatif unique qui codifie et révise les instruments du droit de l’Union antérieurs à cette directive et, d’autre part, a prévu un système graduel en ce qui concerne le droit de séjour dans l’État membre d’accueil, qui, reprenant en substance les étapes et conditions prévues dans les différents instruments du droit de l’Union et la jurisprudence antérieurs à cette directive, aboutit au droit de séjour permanent (voir arrêt Ziolkowski et Szeja, précité, points 37 et 38). |
47 |
Ainsi, les termes «instruments du droit de l’Union antérieurs» à la directive 2004/38, dont il est question au point 40 de l’arrêt Lassal, précité, doivent être compris comme se rapportant aux instruments que cette directive a codifiés, révisés et abrogés et non pas à ceux qui, tel que l’article 12 du règlement no 1612/68, n’ont pas été affectés par celle-ci. |
48 |
Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la cinquième question que les périodes de séjour dans un État membre d’accueil, accomplies par des membres de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant pas la nationalité d’un État membre sur le seul fondement de l’article 12 du règlement no 1612/68 et sans que soient satisfaites les conditions prévues pour bénéficier d’un droit de séjour au titre de la directive 2004/38, ne peuvent pas être prises en considération aux fins de l’acquisition par ces membres de la famille du droit de séjour permanent au sens de celle-ci. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.