Affaire C‑199/11

Europese Gemeenschap

contre

Otis NV e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank van koophandel Brussel)

«Représentation de l’Union européenne devant les juridictions nationales — Articles 282 CE et 335 TFUE — Demande de dommages et intérêts en raison du préjudice causé à l’Union par une entente — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Droit à un procès équitable — Droit d’accès à un tribunal — Égalité des armes — Article 16 du règlement no 1/2003»

Sommaire — Arrêt de la Cour (grande chambre) du 6 novembre 2012

  1. Union européenne – Représentation devant les juridictions nationales – Action civile en réparation du préjudice causé à l’Union par une pratique anticoncurrentielle susceptible d’avoir affecté des marchés publics passés par des institutions ou organes de l’Union – Pouvoir de représentation de la Commission – Obligation pour la Commission de disposer d’un mandat à cet effet de la part desdits institutions ou organes – Absence

    (Art. 81 CE et 282 CE; art. 101 TFUE)

  2. Concurrence – Ententes – Interdiction – Droit de faire valoir la nullité d’une entente interdite par l’article 81 CE et de demander réparation du préjudice subi – Droit appartenant également à l’Union

    (Art. 81 CE)

  3. Droit de l’Union – Principes – Droit à une protection juridictionnelle effective – Portée

    (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

  4. Concurrence – Règles de l’Union – Application par les juridictions nationales – Appréciation d’un accord ou d’une pratique ayant déjà fait l’objet d’une décision de la Commission – Conditions

    (Art. 101 TFUE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 16)

  5. Questions préjudicielles – Appréciation de validité – Constatation d’invalidité – Incompétence des juridictions nationales

    (Art. 267 TFUE)

  6. Droit de l’Union – Principes – Droit à une protection juridictionnelle effective – Consécration par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en matière de concurrence – Contrôle de légalité et de pleine juridiction, tant de droit que de fait – Violation – Absence

    (Art. 261 TFUE et 263 TFUE; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47; règlements du Conseil no 17, art. 17, et no 1/2003, art. 31)

  7. Droit de l’Union – Principes – Droit à une protection juridictionnelle effective – Consécration par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Décision de la Commission constatant une pratique anticoncurrentielle – Action en réparation intentée par la Commission devant une juridiction nationale en raison du préjudice subi par l’Union à la suite de ladite pratique anticoncurrentielle – Obligation des juridictions nationales de ne pas prendre de décisions allant à l’encontre d’une décision de la Commission constatant une pratique anticoncurrentielle – Compétence des juridictions nationales pour apprécier l’existence du préjudice causé et du lien de causalité – Violation – Absence

    (Art. 81 CE; art. 101 TFUE; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47; règlement du Conseil no 1/2003, art. 16)

  1.  Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la Commission représente l’Union devant une juridiction nationale saisie d’une action civile en réparation du préjudice causé à l’Union par une entente ou une pratique interdites par les articles 81 CE et 101 TFUE, susceptibles d’avoir affecté certains marchés publics passés par différentes institutions et différents organes de l’Union, sans qu’il soit nécessaire que la Commission dispose d’un mandat à cet effet de la part de ces derniers.

    (cf. point 36, disp. 1)

  2.  Toute personne est en droit de se prévaloir en justice de la violation de l’article 81 CE et, partant, de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article. En ce qui concerne, en particulier, la possibilité de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, la pleine efficacité de l’article 81 CE et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles de concurrence de l’Union et est de nature à décourager les accords ou pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union.

    Il s’ensuit que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE. Ce droit appartient, dès lors, également à l’Union.

    (cf. points 40-44)

  3.  Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ledit article 47 assure, dans le droit de l’Union, la protection conférée par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme. Le principe de protection juridictionnelle effective figurant audit article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter.

    En ce qui concerne le droit d’accès à un tribunal, pour qu’un tribunal puisse décider d’une contestation sur des droits et obligations découlant du droit de l’Union en conformité avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il faut qu’il ait compétence pour examiner toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

    S’agissant du principe d’égalité des armes, qui est un corollaire de la notion même de procès équitable, il implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ainsi, l’égalité des armes a pour but d’assurer l’équilibre entre les parties à la procédure, en garantissant que tout document fourni à la juridiction puisse être évalué et contesté par toute partie à la procédure. Inversement, le préjudice que le déséquilibre doit provoquer doit en principe être prouvé par celui qui l’a subi.

    (cf. points 46-49, 71, 72)

  4.  Lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant notamment de l’article 101 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission. Ce principe vaut également lorsque les juridictions nationales sont saisies d’une action en réparation du préjudice subi à la suite d’une entente ou d’une pratique dont la contrariété avec l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette institution. L’application des règles de concurrence de l’Union repose ainsi sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, respectivement, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité.

    Par conséquent, la règle selon laquelle les juridictions nationales ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE est une expression spécifique de la répartition des compétences, au sein de l’Union, entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union.

    (cf. points 50-52, 54)

  5.  Voir le texte de la décision.

    (cf. point 53)

  6.  La règle selon laquelle les juridictions nationales ne peuvent pas prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE n’implique pas que les parties devant une juridiction nationale sont privées de leur droit d’accès à un tribunal.

    En effet, le droit de l’Union prévoit un système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application de l’article 101 TFUE qui offre toutes les garanties requises par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, la décision de la Commission peut être soumise à un contrôle de légalité effectué par les juridictions de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE.

    Si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Le juge de l’Union doit également vérifier d’office si la Commission a motivé sa décision et, notamment, si elle a expliqué la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération. Il appartient, en outre, au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères relatifs à la fixation de l’amende mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait. Enfin, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui était reconnue au juge de l’Union par l’article 17 du règlement no 17 et qui l’est maintenant par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

    Par conséquent, le contrôle prévu par les traités implique que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes. Il apparaît, dès lors, que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévue à l’article 31 du règlement no 1/2003, est conforme aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

    (cf. points 54-57, 59-63)

  7.  L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce que la Commission intente, au nom de l’Union, devant une juridiction nationale, une action en réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’une entente ou d’une pratique dont la contrariété à l’article 81 CE ou à l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette institution.

    Une telle action civile en réparation implique non seulement la constatation de la survenance d’un fait dommageable, mais également l’existence d’un préjudice et d’un lien direct entre celui-ci et ledit fait dommageable. S’il est vrai que l’obligation du juge national de ne pas prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE impose, certes, à celui-ci d’admettre l’existence d’une entente ou d’une pratique interdite, l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité directe entre ce préjudice et l’entente ou la pratique en cause reste, en revanche, soumise à l’appréciation du juge national. En effet, même lorsque la Commission a été amenée à déterminer les effets précis de l’infraction dans sa décision, il appartient toujours au juge national de déterminer de façon individuelle le préjudice causé à chacune des personnes ayant intenté une action en réparation. Une telle appréciation n’est pas contraire à l’article 16 du règlement no 1/2003.

    (cf. points 65, 66, 77, disp. 2)


Affaire C‑199/11

Europese Gemeenschap

contre

Otis NV e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank van koophandel Brussel)

«Représentation de l’Union européenne devant les juridictions nationales — Articles 282 CE et 335 TFUE — Demande de dommages et intérêts en raison du préjudice causé à l’Union par une entente — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Droit à un procès équitable — Droit d’accès à un tribunal — Égalité des armes — Article 16 du règlement no 1/2003»

Sommaire — Arrêt de la Cour (grande chambre) du 6 novembre 2012

  1. Union européenne — Représentation devant les juridictions nationales — Action civile en réparation du préjudice causé à l’Union par une pratique anticoncurrentielle susceptible d’avoir affecté des marchés publics passés par des institutions ou organes de l’Union — Pouvoir de représentation de la Commission — Obligation pour la Commission de disposer d’un mandat à cet effet de la part desdits institutions ou organes — Absence

    (Art. 81 CE et 282 CE; art. 101 TFUE)

  2. Concurrence — Ententes — Interdiction — Droit de faire valoir la nullité d’une entente interdite par l’article 81 CE et de demander réparation du préjudice subi — Droit appartenant également à l’Union

    (Art. 81 CE)

  3. Droit de l’Union — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective — Portée

    (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

  4. Concurrence — Règles de l’Union — Application par les juridictions nationales — Appréciation d’un accord ou d’une pratique ayant déjà fait l’objet d’une décision de la Commission — Conditions

    (Art. 101 TFUE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 16)

  5. Questions préjudicielles — Appréciation de validité — Constatation d’invalidité — Incompétence des juridictions nationales

    (Art. 267 TFUE)

  6. Droit de l’Union — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective — Consécration par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en matière de concurrence — Contrôle de légalité et de pleine juridiction, tant de droit que de fait — Violation — Absence

    (Art. 261 TFUE et 263 TFUE; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47; règlements du Conseil no 17, art. 17, et no 1/2003, art. 31)

  7. Droit de l’Union — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective — Consécration par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Décision de la Commission constatant une pratique anticoncurrentielle — Action en réparation intentée par la Commission devant une juridiction nationale en raison du préjudice subi par l’Union à la suite de ladite pratique anticoncurrentielle — Obligation des juridictions nationales de ne pas prendre de décisions allant à l’encontre d’une décision de la Commission constatant une pratique anticoncurrentielle — Compétence des juridictions nationales pour apprécier l’existence du préjudice causé et du lien de causalité — Violation — Absence

    (Art. 81 CE; art. 101 TFUE; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47; règlement du Conseil no 1/2003, art. 16)

  1.  Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la Commission représente l’Union devant une juridiction nationale saisie d’une action civile en réparation du préjudice causé à l’Union par une entente ou une pratique interdites par les articles 81 CE et 101 TFUE, susceptibles d’avoir affecté certains marchés publics passés par différentes institutions et différents organes de l’Union, sans qu’il soit nécessaire que la Commission dispose d’un mandat à cet effet de la part de ces derniers.

    (cf. point 36, disp. 1)

  2.  Toute personne est en droit de se prévaloir en justice de la violation de l’article 81 CE et, partant, de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article. En ce qui concerne, en particulier, la possibilité de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, la pleine efficacité de l’article 81 CE et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles de concurrence de l’Union et est de nature à décourager les accords ou pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union.

    Il s’ensuit que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE. Ce droit appartient, dès lors, également à l’Union.

    (cf. points 40-44)

  3.  Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ledit article 47 assure, dans le droit de l’Union, la protection conférée par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme. Le principe de protection juridictionnelle effective figurant audit article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter.

    En ce qui concerne le droit d’accès à un tribunal, pour qu’un tribunal puisse décider d’une contestation sur des droits et obligations découlant du droit de l’Union en conformité avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il faut qu’il ait compétence pour examiner toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

    S’agissant du principe d’égalité des armes, qui est un corollaire de la notion même de procès équitable, il implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ainsi, l’égalité des armes a pour but d’assurer l’équilibre entre les parties à la procédure, en garantissant que tout document fourni à la juridiction puisse être évalué et contesté par toute partie à la procédure. Inversement, le préjudice que le déséquilibre doit provoquer doit en principe être prouvé par celui qui l’a subi.

    (cf. points 46-49, 71, 72)

  4.  Lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant notamment de l’article 101 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission. Ce principe vaut également lorsque les juridictions nationales sont saisies d’une action en réparation du préjudice subi à la suite d’une entente ou d’une pratique dont la contrariété avec l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette institution. L’application des règles de concurrence de l’Union repose ainsi sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, respectivement, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité.

    Par conséquent, la règle selon laquelle les juridictions nationales ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE est une expression spécifique de la répartition des compétences, au sein de l’Union, entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union.

    (cf. points 50-52, 54)

  5.  Voir le texte de la décision.

    (cf. point 53)

  6.  La règle selon laquelle les juridictions nationales ne peuvent pas prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE n’implique pas que les parties devant une juridiction nationale sont privées de leur droit d’accès à un tribunal.

    En effet, le droit de l’Union prévoit un système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application de l’article 101 TFUE qui offre toutes les garanties requises par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, la décision de la Commission peut être soumise à un contrôle de légalité effectué par les juridictions de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE.

    Si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Le juge de l’Union doit également vérifier d’office si la Commission a motivé sa décision et, notamment, si elle a expliqué la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération. Il appartient, en outre, au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères relatifs à la fixation de l’amende mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait. Enfin, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui était reconnue au juge de l’Union par l’article 17 du règlement no 17 et qui l’est maintenant par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

    Par conséquent, le contrôle prévu par les traités implique que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes. Il apparaît, dès lors, que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévue à l’article 31 du règlement no 1/2003, est conforme aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

    (cf. points 54-57, 59-63)

  7.  L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce que la Commission intente, au nom de l’Union, devant une juridiction nationale, une action en réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’une entente ou d’une pratique dont la contrariété à l’article 81 CE ou à l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette institution.

    Une telle action civile en réparation implique non seulement la constatation de la survenance d’un fait dommageable, mais également l’existence d’un préjudice et d’un lien direct entre celui-ci et ledit fait dommageable. S’il est vrai que l’obligation du juge national de ne pas prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE impose, certes, à celui-ci d’admettre l’existence d’une entente ou d’une pratique interdite, l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité directe entre ce préjudice et l’entente ou la pratique en cause reste, en revanche, soumise à l’appréciation du juge national. En effet, même lorsque la Commission a été amenée à déterminer les effets précis de l’infraction dans sa décision, il appartient toujours au juge national de déterminer de façon individuelle le préjudice causé à chacune des personnes ayant intenté une action en réparation. Une telle appréciation n’est pas contraire à l’article 16 du règlement no 1/2003.

    (cf. points 65, 66, 77, disp. 2)