ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 novembre 2012 ( *1 )

«Transport — Transport ferroviaire — Obligation du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire de fournir, aux entreprises ferroviaires, en temps réel, toutes les informations concernant la circulation des trains et, notamment, celles relatives aux retards éventuels des trains permettant d’assurer les correspondances»

Dans l’affaire C‑136/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Schienen-Control Kommission (Autriche), par décision du 11 mars 2011, parvenue à la Cour le 18 mars 2011, dans la procédure

Westbahn Management GmbH

contre

ÖBB-Infrastruktur AG,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), J-J. Kasel, M. Safjan et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mars 2012,

considérant les observations présentées:

pour Westbahn Management GmbH, par Mes D. Böhmdorfer, et R. Schender, Rechtsanwälte,

pour ÖBB-Infrastruktur AG, par Mes G. Ganzger, A. Egger et G. Lansky, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et H. Støvlbæk, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement (CE) no 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (JO L 315, p. 14), ainsi que sur les dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe II de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire (JO L 75, p. 29, et rectificatif JO 2004, L 220, p. 16), telle que modifiée par la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 (JO L 164, p. 44, ci-après la «directive 2001/14»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Westbahn Management GmbH (ci-après «Westbahn Management») à ÖBB-Infrastruktur AG (ci-après «ÖBB-Infrastruktur»), au sujet du refus de cette dernière de fournir à Westbahn Management les données en temps réel relatives à d’autres entreprises ferroviaires, qui autoriseraient celle-ci à informer ses passagers des heures de départ effectives des trains permettant d’assurer les correspondances.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 2001/14

3

Aux termes du considérant 1 de la directive 2001/14:

«Une plus grande intégration du secteur ferroviaire de la Communauté est un élément essentiel en vue de l’achèvement du marché unique et des progrès vers la réalisation d’une mobilité durable.»

4

L’article 5 de la directive 2001/14, intitulé «Services», prévoit:

«1.   Les entreprises ferroviaires peuvent prétendre, sur une base non discriminatoire, à l’ensemble des prestations minimales ainsi qu’à l’accès par le réseau aux infrastructures de services décrits à l’annexe II. Les services de l’annexe II, point 2, sont fournis de manière non discriminatoire et les demandes des entreprises ferroviaires ne peuvent être rejetées que s’il existe d’autres options viables aux conditions du marché. Si les services ne sont pas fournis par un gestionnaire d’infrastructure unique, le fournisseur de ‘l’infrastructure principale’ fait tout effort raisonnable pour faciliter la fourniture de ces services.

2.   Si le gestionnaire de l’infrastructure fournit l’un ou l’autre des services décrits à l’annexe II, point 3, en tant que prestations complémentaires, il doit les fournir à toute entreprise ferroviaire qui en fait la demande.

3.   Les entreprises ferroviaires peuvent demander en sus au gestionnaire de l’infrastructure ou à d’autres fournisseurs un ensemble de services connexes, énumérés à l’annexe II, point 4. Le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas tenu de fournir ces prestations connexes.»

5

L’annexe II de ladite directive, intitulée «Services à fournir aux entreprises ferroviaires», dispose:

«1.

L’ensemble des prestations minimales comprend:

a)

le traitement des demandes de capacités de l’infrastructure;

b)

le droit d’utiliser les capacités accordées;

c)

l’utilisation des branchements et aiguilles du réseau;

d)

la régulation de la circulation des trains comprenant la signalisation, la régulation, le dispatching, ainsi que la communication et la fourniture d’informations concernant la circulation des trains;

e)

toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l’exploitation du service pour lequel les capacités ont été accordées.

2.

L’accès par le réseau aux infrastructures de services et les services fournis portent sur:

a)

l’utilisation du système d’alimentation électrique pour le courant de traction, le cas échéant;

b)

les infrastructures d’approvisionnement en combustible;

c)

les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures;

d)

les terminaux de marchandises;

e)

les gares de triage;

f)

les gares de formation;

g)

les gares de remisage;

h)

les centres d’entretien et les autres infrastructures techniques.

3.

Les prestations complémentaires peuvent comprendre:

a)

le courant de traction;

b)

le préchauffage des voitures;

c)

la fourniture du combustible, les services de manœuvre et tous les autres services fournis aux installations d’accès mentionnées ci-dessus;

d)

la mise à disposition de contrats sur mesure pour:

le contrôle du transport de marchandises dangereuses,

l’assistance à la circulation de convois spéciaux.

4.

Les prestations connexes peuvent comprendre:

a)

l’accès au réseau de télécommunications;

b)

la fourniture d’informations complémentaires;

c)

le contrôle technique du matériel roulant.»

Le règlement no 1371/2007

6

Aux termes des considérants 1 à 5 et 7 à 9 du règlement no 1371/2007:

«(1)

Dans le cadre de la politique commune des transports, il importe de sauvegarder les droits des voyageurs ferroviaires et d’améliorer la qualité et l’efficacité des services ferroviaires de voyageurs afin d’aider à accroître la part du transport ferroviaire par rapport aux autres modes de transport.

(2)

La communication de la Commission intitulée ‘Stratégie pour la politique des consommateurs 2002-2006’ [JO C 137, p. 2] fixe l’objectif d’un niveau élevé de protection des consommateurs dans le domaine des transports, conformément à l’article 153, paragraphe 2, [CE].

(3)

Le voyageur ferroviaire étant la partie faible du contrat de transport, il convient de sauvegarder ses droits à cet égard.

(4)

Les droits des usagers des services ferroviaires comprennent la réception d’informations concernant le service avant et pendant le voyage. Dans la mesure du possible, les entreprises ferroviaires et les vendeurs de billets devraient fournir ces informations à l’avance et dans les meilleurs délais.

(5)

Des exigences plus précises concernant la fourniture d’informations sur les voyages seront définies dans les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) visées par la directive 2001/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire conventionnel [(JO L 110, p. 27), telle que modifiée par la directive 2007/32/CE de la Commission, du 1er juin 2007 (JO L 141, p. 63)].

[...]

(7)

Les entreprises ferroviaires devraient coopérer en vue de faciliter le transfert des voyageurs ferroviaires d’un opérateur à l’autre par la fourniture de billets directs, dans la mesure du possible.

(8)

La fourniture d’informations et de billets aux voyageurs ferroviaires devrait être facilitée par l’adaptation des systèmes informatiques à une spécification commune.

(9)

La poursuite de la mise en œuvre des systèmes d’information des voyageurs et de réservation devrait se faire conformément aux STI.»

7

L’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1371/2007 énonce:

«Les entreprises ferroviaires fournissent au voyageur, pendant le voyage, au moins les informations mentionnées à l’annexe II, partie II.»

8

L’article 9, paragraphe 1, de ce règlement dispose:

«Les entreprises ferroviaires et les vendeurs de billets proposent, pour autant qu’ils soient disponibles, des billets, des billets directs et des réservations.»

9

L’article 18, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«En cas de retard de l’arrivée ou du départ, l’entreprise ferroviaire ou le gestionnaire des gares tient les voyageurs informés de la situation ainsi que des heures de départ et d’arrivée prévues, dès que ces informations sont disponibles.»

10

L’annexe II, partie II, du même règlement, relative aux «informations pendant le voyage», prévoit la fourniture des informations suivantes:

«Services à bord

Gare suivante

Retards

Correspondances principales

Questions relatives à la sécurité et à la sûreté».

La réglementation autrichienne

11

L’article 54 de la loi relative aux chemins de fer (Eisenbahngesetz, BGBl. 60/1957, ci-après l’«EisbG») dispose:

«Les dispositions de la sixième partie de la présente loi visent à assurer l’utilisation économique et efficace des voies ferrées en Autriche,

1.

en établissant, sur le marché du transport ferroviaire, une concurrence égalitaire et fonctionnelle entre les entreprises de transport ferroviaire sur les voies principales et sur les voies secondaires connectées à d’autres voies principales ou secondaires;

2.

en encourageant la pénétration de nouvelles entreprises de transport ferroviaire sur le marché du transport ferroviaire;

3.

en assurant l’accès de l’infrastructure ferroviaire aux bénéficiaires de l’accès, et

4.

en contrôlant la concurrence afin de protéger les bénéficiaires de l’accès contre tout abus de position dominante.»

12

L’article 58 de ladite loi énonce:

«1.   Aux fins de l’accès à l’infrastructure ferroviaire, l’entreprise d’infrastructure ferroviaire doit fournir, sans aucune discrimination, aux bénéficiaires de l’accès les prestations minimales suivantes, en plus de l’accès proprement dit:

1.

l’utilisation des branchements et aiguilles du réseau;

2.

la régulation de la circulation des trains comprenant [...] la communication et la fourniture d’informations concernant la circulation des trains;

3.

les données issues des systèmes de communication et d’information qui, pour des raisons juridiques, factuelles et économiques, sont indispensables aux bénéficiaires afin d’exercer leur droit d’accès.

[...]

4.   Aux fins de l’accès à l’infrastructure ferroviaire, l’entreprise d’infrastructure ferroviaire peut fournir, sans y être obligée, les prestations connexes suivantes aux bénéficiaires de l’accès:

1.

un accès au réseau de télécommunications plus important que celui prévu au paragraphe 1, point 3;

2.

la fourniture d’informations complémentaires;

3.

le contrôle technique du matériel roulant.

[...]»

13

L’article 81 de l’EisbG prévoit:

«1.   Une Schienen-Control Kommission [commission de contrôle ferroviaire] est créée au sein de la société Schienen-Control GmbH.

2.   La Schienen-Control Kommission exerce les compétences que lui attribuent les parties 3, 5 à 6 ter et 9 de la présente loi [...] et statue sur les pourvois en appel dirigés contre les décisions de Schienen-Control GmbH. [...]

3.   La gérance de la Schienen-Control Kommission incombe à Schienen-Control GmbH. Dans le cadre de son activité exercée pour la Schienen-Control Kommission, le personnel de Schienen-Control GmbH est tenu de respecter les instructions du président ou du membre désigné dans le règlement intérieur.»

14

Aux termes de l’article 82 de l’EisbG:

«1.   La Schienen-Control Kommission se compose d’un président et de deux autres membres titulaires. Un membre suppléant doit être nommé pour chaque membre titulaire. Le membre suppléant remplace le membre titulaire en cas d’empêchement de ce dernier. Le président et son suppléant doivent appartenir à la magistrature et sont nommés par le Bundesminister für Justiz [ministre fédéral de la Justice]. Les autres membres titulaires et leurs suppléants doivent être des spécialistes dans les domaines pertinents du transport et sont nommés par le gouvernement fédéral sur proposition du Bundesminister für Verkehr, Innovation und Technologie [ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie].

2.   Les personnes suivantes n’ont pas le droit de faire partie de la Schienen-Control Kommission:

1.

les membres du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement régional ainsi que les secrétaires d’État;

2.

les personnes qui, juridiquement ou de facto, sont proches de celles exerçant une activité au sein de la Schienen-Control Kommission;

3.

les personnes qui ne sont pas éligibles au Nationalrat [Conseil national].

3.   Les membres de la Schienen-Control Kommission et leurs suppléants sont nommés pour une durée de cinq ans. À l’issue de leur mandat, ils restent en fonction jusqu’à ce que leur poste soit pourvu. Le mandat est renouvelable. Si un membre titulaire ou un membre suppléant cesse ses fonctions avant la fin de son mandat, un nouveau titulaire ou un nouveau suppléant doit être nommé pour la durée restante du mandat, conformément au paragraphe 1.

4.   Un membre (titulaire ou suppléant) perd sa qualité:

1.

en cas de décès;

2.

au terme de son mandat;

3.

par abandon de ses fonctions;

4.

lorsque l’ensemble des autres membres constate son incapacité à exercer correctement ses fonctions par suite d’une grave infirmité physique ou mentale;

5

lorsque l’ensemble des autres membres constate que celui-ci n’a pas répondu à trois convocations successives à une séance sans fournir d’excuse suffisante;

6.

pour le président et son suppléant: lorsqu’ils quittent la magistrature.

5.   Les membres titulaires et leurs suppléants sont liés par une obligation de réserve, conformément à l’article 20, paragraphe 3, de la Constitution fédérale autrichienne (Bundes-Verfassungsgesetz).»

15

L’article 83 de l’EisbG dispose:

«Les décisions de la Schienen-Control Kommission sont prises à la majorité des voix; les abstentions sont interdites. En cas d’égalité des voix, la voix du président est prépondérante. La Schienen-Control Kommission doit se doter d’un règlement intérieur, lequel peut confier à certains de ses membres la gestion des affaires courantes, y compris l’adoption de décisions de nature procédurale. Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres sont indépendants et ne sont liés par aucune instruction.»

16

L’article 84 de l’EisbG énonce:

«Sauf dispositions contraires prévues dans la présente loi, la Schienen-Control Kommission doit appliquer la loi générale relative à la procédure administrative [Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz], notamment les dispositions de cette loi concernant la procédure devant les chambres administratives indépendantes. Les décisions de la Schienen-Control Kommission ne peuvent être annulées ou modifiées par voie administrative. Un recours peut être formé devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative)».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17

Westbahn Management fournit, à partir de l’horaire de service 2011/2012 des services ferroviaires de transport de voyageurs sur la ligne reliant Vienne (Autriche) à Salzbourg (Autriche).

18

ÖBB-Infrastruktur gère la plus grande partie du réseau ferroviaire autrichien, y compris la ligne reliant Vienne à Salzbourg. Elle dispose des données en temps réel relatives à tous les trains circulant sur le réseau ferroviaire dont elle assure la gestion. Ces données comprennent la position d’un train à un moment donné ainsi que les heures d’arrivée, de passage et de départ pour la durée restante du trajet.

19

ÖBB-Infrastruktur communique aux différentes entreprises ferroviaires les données en temps réel relatives à leurs trains respectifs. Grâce à un programme protégé par un mot de passe, chaque entreprise ferroviaire peut consulter, sur le site Internet d’ÖBB-Infrastruktur, les données en temps réel relatives à tous les trains circulant sur le réseau ferroviaire géré par cette dernière société, les différentes entreprises ferroviaires n’étant cependant pas mentionnées dans ces données.

20

Dans plusieurs gares importantes, ÖBB-Infrastruktur indique, sur des écrans, les heures de départ et d’arrivée effectives des trains de voyageurs.

21

Westbahn Management a demandé à ÖBB-Infrastruktur de lui fournir les données en temps réel relatives à d’autres entreprises ferroviaires, afin qu’elle puisse informer ses passagers des heures de départ effectives des trains permettant d’assurer les correspondances.

22

ÖBB-Infrastruktur a, par une lettre du 22 octobre 2010, refusé de donner une suite favorable à cette demande, au motif qu’elle ne transmettait, en principe, que les données relatives à l’entreprise ferroviaire concernée. Elle a conseillé à Westbahn Management de conclure avec les autres entreprises ferroviaires un accord par lequel celles-ci accepteraient de transmettre les données les concernant.

23

Aucun accord de ce type n’a toutefois été conclu entre Westbahn Management et une quelconque autre entreprise ferroviaire. ÖBB-Personenverkehr AG (ci-après «ÖBB-PV») a notamment refusé de conclure un tel accord. Dans le domaine du transport des voyageurs, ÖBB-PV est la principale entreprise du marché autrichien concerné. Elle est détenue par ÖBB-Holding AG, qui est aussi l’actionnaire d’ÖBB-Infrastruktur.

24

Westbahn Management considère que la non-transmission de ces données est contraire à l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 et exige de pouvoir accéder à ces informations. Elle a, par conséquent, introduit une demande en ce sens devant la Schienen-Control Kommission.

25

Considérant que l’issue du litige dont elle est saisie dépend de l’interprétation du droit de l’Union, la Schienen-Control Kommission a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement [no 1371/2007], en ce sens que les informations relatives aux principales correspondances doivent également indiquer, outre les heures de départ normales, les retards ou les suppressions desdites correspondances?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question:

À la lumière des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007, convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe II de la directive [2001/14], en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de fournir de manière non discriminatoire aux entreprises ferroviaires les données en temps réel relatives aux trains d’autres entreprises ferroviaires, lorsque ces trains constituent les principales correspondances au sens de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la compétence de la Cour

26

Avant de répondre aux questions posées, il convient de vérifier si, ainsi qu’il est soutenu dans la décision de renvoi, la Schienen-Control Kommission constitue une juridiction au sens de l’article 267 TFUE et, partant, si la Cour est compétente pour répondre aux questions préjudicielles posées.

27

Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêts du 14 juin 2007, Häupl, C-246/05, Rec. p. I-4673, point 16; du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk, C-195/06, Rec. p. I-8817, point 19, ainsi que du 10 décembre 2009, Umweltanwalt von Kärnten, C-205/08, Rec. p. I-11525, point 35).

28

À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 28 de ses conclusions, il convient de souligner que la Schienen-Control Kommission a été instituée en tant qu’organe permanent par l’article 81, paragraphe 1, de l’EisbG. Les articles 81 à 84 de cette loi font apparaître que la Schienen-Control Kommission répond aux critères relatifs à l’origine légale, au caractère obligatoire et permanent de l’organisme, à l’application des règles de droit et à l’indépendance d’un tel organe.

29

Par ailleurs, il convient, d’une part, de constater que, selon la décision de renvoi, la loi générale relative à la procédure administrative s’applique à la procédure devant la Schienen-Control Kommission et garantit ainsi la nature contradictoire de la procédure devant celle-ci, les parties ayant la possibilité de faire valoir leurs droits ainsi que leurs intérêts juridiques et le débat contradictoire pouvant donner lieu à une audience à laquelle des témoins et des experts peuvent participer.

30

D’autre part, il y a également lieu de relever que, selon l’article 84 de l’EisbG, la Schienen-Control Kommission est régie par le droit procédural administratif général, que ses décisions ne peuvent être annulées par des décisions administratives, mais qu’elles sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le Verwaltungsgerichtshof.

31

Il résulte de ce qui précède que la Schienen-Control Kommission doit être considérée comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que la Cour est compétente pour répondre aux questions préjudicielles posées.

Sur la première question

32

Par sa première question, la Schienen-Control Kommission demande, en substance, si les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 doivent être interprétées en ce sens que les informations relatives aux principales correspondances doivent comprendre, outre les heures de départ normales, également les retards ou les suppressions desdites correspondances, et notamment celles relatives à d’autres entreprises ferroviaires.

33

Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation de dispositions de droit de l’Union telles que celles en cause, de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (voir, notamment, arrêts du 26 juin 1990, Velker International Oil Company, C-185/89, Rec. p. I-2561, point 17, et du 19 juillet 2012, A, C‑33/11, point 27).

34

Les objectifs poursuivis par le règlement no 1371/2007 sont mentionnés dans les considérants de celui-ci. Ainsi le considérant 1 du règlement no 1371/2007 souligne que, dans le cadre de la politique commune des transports, il importe de sauvegarder les droits des voyageurs ferroviaires et d’améliorer la qualité et l’efficacité des services ferroviaires de voyageurs. Il ressort des considérants 2 et 3 de ce règlement qu’un niveau élevé de protection des consommateurs doit être atteint et que le voyageur, en tant que partie la plus faible du contrat de transport, doit être protégé. Le considérant 4 dudit règlement se réfère au droit d’obtenir des informations sur le voyage avant et après le début du trajet, et ce dans les meilleurs délais. En outre, les considérants 5, 8 et 9 dudit règlement mettent également en évidence le but consistant à faciliter l’accès aux informations concernées sur le plan transfrontalier.

35

C’est à la lumière de ces objectifs qu’il convient d’interpréter l’article 8 du règlement no 1371/2007.

36

L’article 8, paragraphe 2, de ce règlement dispose que les entreprises ferroviaires fournissent au voyageur, pendant le voyage, au moins les informations mentionnées à l’annexe II, partie II, dudit règlement. Ces informations concernent les services à bord, la gare suivante, les retards, les correspondances principales ainsi que les questions relatives à la sécurité et à la sûreté.

37

Afin de respecter les intérêts des voyageurs ainsi que les objectifs généraux poursuivis par le règlement no 1371/2007, rappelés au point 34 du présent arrêt, les informations fournies au voyageur doivent être utiles à ce dernier.

38

À cet égard, les informations concernant les retards ou les suppressions de correspondances dont le voyageur aurait pu avoir connaissance en consultant les tableaux d’affichage avant son départ, à supposer qu’elles aient été connues à ce moment-là, constituent des éléments qui doivent également être communiqués au voyageur lorsque ces retards ou ces suppressions de trains surviennent après son départ. Dans le cas contraire, le voyageur ne serait, en méconnaissance des objectifs poursuivis par le règlement no 1371/2007, informé que de l’horaire programmé des correspondances principales mais nullement des changements survenus après son départ, les informations qui lui sont communiquées étant, dès lors, obsolètes.

39

Les entreprises ferroviaires ont donc l’obligation, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007, de fournir en temps réel des informations relatives aux correspondances principales.

40

En outre, l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 mentionne les «correspondances principales», cette expression ne limitant pas l’obligation d’information incombant à l’entreprise ferroviaire uniquement à ses propres correspondances principales.

41

Par conséquent, cette obligation doit être entendue comme visant toutes les correspondances principales, celles-ci comprenant les correspondances principales de l’entreprise ferroviaire concernée ainsi que celles assurées par d’autres entreprises ferroviaires. À défaut, l’objectif d’information des voyageurs poursuivi par le règlement no 1371/2007 ne saurait être atteint.

42

Cette interprétation est confirmée par l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1371/2007 qui prévoit que les entreprises ferroviaires et les vendeurs de billets proposent, pour autant qu’ils soient disponibles, des billets, des billets directs et des réservations. Le considérant 7 de ce règlement précise que la fourniture de billets directs facilite le transfert des voyageurs ferroviaires d’un opérateur à l’autre. Une interprétation restrictive des informations auxquelles les voyageurs doivent avoir accès entraverait le transfert de ces derniers et mettrait en cause l’objectif ainsi poursuivi en incitant les voyageurs à préférer les grandes entreprises ferroviaires, qui seraient en mesure de leur fournir en temps réel des informations relatives à toutes les étapes de leur voyage.

43

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 doivent être interprétées en ce sens que les informations relatives aux correspondances principales doivent comprendre également, outre les heures de départ normales, les retards ou les suppressions desdites correspondances, quelle que soit l’entreprise ferroviaire qui assure ces dernières.

Sur la seconde question

44

Afin de répondre à cette question relative aux obligations du gestionnaire de l’infrastructure, il y a lieu de constater que l’article 5 de la directive 2001/14 dispose que les entreprises ferroviaires peuvent prétendre, sur une base non discriminatoire, à l’ensemble des prestations minimales ainsi qu’à l’accès par le réseau aux infrastructures de services décrits à l’annexe II de cette directive.

45

L’annexe II, point 1, sous d), de la directive 2001/14, qui prévoit que ces prestations comprennent notamment la communication et la fourniture d’informations concernant la circulation des trains, doit être, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 51 de ses conclusions, lue en combinaison avec l’annexe II, point 1, sous e), de cette directive qui permet aux entreprises ferroviaires d’obtenir toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l’exploitation du service pour lequel les capacités ont été accordées.

46

À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été exposé au point 41 du présent arrêt, que les informations en temps réel relatives aux correspondances principales et, notamment, celles concernant d’autres entreprises ferroviaires sont nécessaires à toute entreprise ferroviaire afin qu’elle soit en mesure de remplir les obligations qui lui incombent en vertu du règlement no 1371/2007.

47

En outre, force est de constater que, afin d’assurer une concurrence équitable sur le marché du transport ferroviaire des voyageurs, il convient d’assurer que toutes les entreprises ferroviaires soient en mesure de fournir à ces derniers une qualité de service comparable. Ainsi qu’il a été souligné aux points 40 et 41 du présent arrêt, si une entreprise ferroviaire ne pouvait fournir que des informations relatives à ses propres correspondances, une entreprise disposant d’un réseau plus large pourrait fournir à ses voyageurs une information plus complète que celle pouvant être assurée par une entreprise exploitant un nombre limité de lignes, ce qui irait à l’encontre, d’une part, de l’objectif visant à permettre une plus grande intégration du secteur ferroviaire, figurant au considérant 1 de la directive 2001/14, et, d’autre part, de l’obligation d’information des voyageurs.

48

Dès lors, les entreprises ferroviaires doivent, aux fins de l’exercice du droit d’accès à l’infrastructure ferroviaire, se faire fournir, par le gestionnaire de l’infrastructure, des informations en temps réel relatives aux correspondances principales assurées par d’autres entreprises ferroviaires, afin de pouvoir, conformément aux dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe II, point 1, sous e), de la directive 2001/14, mettre en œuvre le service pour lequel les capacités ont été accordées.

49

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient ÖBB-Infrastruktur, ces informations, qui sont disponibles sur les panneaux d’affichage des différentes gares, ne peuvent être considérées comme ayant un caractère confidentiel ou sensible qui empêcherait leur divulgation aux différentes entreprises ferroviaires concernées.

50

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question que les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 ainsi que les dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe II de la directive 2001/14 doivent être interprétées en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de fournir, de manière non discriminatoire, aux entreprises ferroviaires les données en temps réel relatives aux trains exploités par d’autres entreprises ferroviaires, lorsque ces trains constituent les correspondances principales au sens de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007.

Sur les dépens

51

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

1)

Les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement (CE) no 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, doivent être interprétées en ce sens que les informations relatives aux correspondances principales doivent comprendre également, outre les heures de départ normales, les retards ou les suppressions desdites correspondances, quelle que soit l’entreprise ferroviaire qui assure ces dernières.

 

2)

Les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007 ainsi que les dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe II de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire, telle que modifiée par la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, doivent être interprétées en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de fournir, de manière non discriminatoire, aux entreprises ferroviaires les données en temps réel relatives aux trains exploités par d’autres entreprises ferroviaires, lorsque ces trains constituent les correspondances principales au sens de l’annexe II, partie II, du règlement no 1371/2007.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.