ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

21 juin 2012 ( *1 )

«Directive 2003/88/CE — Aménagement du temps de travail — Droit au congé annuel payé — Congé de maladie — Congé annuel coïncidant avec un congé de maladie — Droit de bénéficier du congé annuel payé à une autre période»

Dans l’affaire C-78/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 26 janvier 2011, parvenue à la Cour le 22 février 2011, dans la procédure

Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED)

contre

Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA),

Federaciόn de Trabajadores Independientes de Comercio (Fetico),

Federaciόn Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT,

Federaciόn de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. M. Ilešič et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mars 2012,

considérant les observations présentées:

pour la Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA), par Me J. Caballero Ramos, abogado,

pour la Federación Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT, par Me J. Jiménez de Eugenio, abogado,

pour la Federación de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO., par Mes A. Martín Aguado et J. Jiménez de Eugenio, abogados,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mme S. Pardo Quintillán et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9), ci-après la «directive 2003/88».

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ci-après l’«ANGED») à la Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA), à la Federaciόn de Trabajadores Independientes de Comercio (Fetico), à la Federaciόn Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT et à la Federación de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO. (ci-après «FASGA e.a.»), syndicats représentants des travailleurs, au sujet de recours collectifs intentés par ces syndicats visant à faire reconnaître le droit pour certains travailleurs de bénéficier de leur congé annuel payé même lorsque celui-ci coïncide avec des périodes de congé pour incapacité temporaire de travail.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3

L’article 1er de la directive 2003/88, intitulé «Objet et champ d’application», énonce:

«1.   La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2.   La présente directive s’applique:

a)

aux périodes minimales […] de congé annuel […]

[…]»

4

L’article 7 de cette directive, intitulé «Congé annuel», dispose:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.   La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

5

L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7 de ladite directive.

La réglementation nationale

6

Le décret royal législatif 1/1995 portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs (Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), tel que modifié par la loi organique 3/2007 pour l’égalité effective entre femmes et hommes (Ley orgánica 3/2007 para la igualdad efectiva de mujeres y hombres), du 22 mars 2007 (BOE no 71, du 23 mars 2007, p. 12611, ci-après le «statut»), régit notamment la matière des congés payés annuels ainsi que celle des incapacités temporaires de travail.

7

L’article 38 du statut dispose:

«1.   La période de congé annuel payé, qui ne peut être remplacée par une indemnité financière, est celle convenue par convention collective ou contrat individuel. Sa durée ne pourra en aucun cas être inférieure à trente jours civils.

2.   La ou les périodes où le congé peut être pris sont fixées d’un commun accord entre l’entrepreneur et le travailleur, conformément à ce que prévoient, le cas échéant, les conventions collectives sur la planification annuelle des congés.

En cas de désaccord entre les parties, la juridiction compétente fixe la date à laquelle le congé sera pris, et sa décision n’est pas susceptible de recours. La procédure est accélérée et prioritaire.

3.   Le calendrier des congés est fixé dans chaque entreprise. Le travailleur doit connaître les dates le concernant au moins deux mois avant le début du congé.

Lorsque la période de congé fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise mentionné à l’alinéa précédent coïncide avec une période d’incapacité de travail due à la grossesse, à l’accouchement ou à l’allaitement, ou avec la période de suspension du contrat de travail prévue à l’article 48, paragraphe 4, de la présente loi, l’intéressé a le droit de prendre son congé à une époque distincte de celle de l’incapacité de travail ou de celle où il bénéficie du congé qui lui a été accordé en application de cette disposition, à l’expiration de la période de suspension, même si l’année civile correspondante est déjà écoulée.»

8

L’article 37 de la convention collective des grands magasins 2009-2010 contient une disposition analogue à celle du dernier paragraphe de l’article 38 du statut.

9

L’article 48, paragraphe 4, du statut régit les cas de suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, de décès de la mère après l’accouchement, d’accouchement prématuré, d’hospitalisation du nouveau-né, d’adoption ou d’accueil.

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

Par recours séparés qui ont été joints, FASGA e.a. ont ouvert une procédure de règlement d’un conflit collectif afin qu’il soit constaté que les travailleurs soumis à la convention collective des grands magasins 2009-2010 bénéficient de leur congé annuel payé, même lorsque celui-ci coïncide avec des périodes de congé pour incapacité de travail.

11

L’ANGED considère que les travailleurs qui se trouvent en situation d’incapacité temporaire de travail avant le début d’une période de congé fixé au préalable, ou au cours de cette période, n’ont pas le droit de bénéficier de leur congé après la fin de la situation d’incapacité de travail, excepté dans les cas expressément prévus par ladite convention collective, à savoir ceux prévus à l’article 48, paragraphe 4, du statut.

12

Par un arrêt du 23 novembre 2009, l’Audiencia Nacional a fait entièrement droit au recours de FASGA e.a.

13

L’ANGED a alors formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo contre cet arrêt.

14

Le Tribunal Supremo évoque la jurisprudence de la Cour, mais considère néanmoins nécessaire, dans la mesure où ce pourvoi vise le cas où l’incapacité de travail survient après le début de la période de congé annuel payé, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 […] s’oppose-t-il à une interprétation de la réglementation nationale qui ne permet pas d’interrompre le congé afin de bénéficier de la totalité du congé — ou du congé restant — à une date ultérieure si une incapacité temporaire de travail survient pendant ledit congé?»

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.

16

À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), elle-même, cette directive ayant été codifiée par la directive 2003/88 (arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, Rec. p. I-11757, point 23 et jurisprudence citée).

17

En deuxième lieu, il convient de noter que le droit au congé annuel payé revêt, en sa qualité de principe du droit social de l’Union, non seulement une importance particulière, mais qu’il est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêts KHS, précité, point 37, et du 3 mai 2012, Neidel, C-337/10, point 40).

18

Le droit au congé annuel payé ne saurait, en troisième lieu, être interprété de manière restrictive (voir arrêt du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C-486/08, Rec. p. I-3527, point 29).

19

Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (voir arrêt du 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08, Rec. p. I-8405, point 21).

20

Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’il découle notamment de la finalité du droit au congé annuel payé qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 22).

21

Il découle de la jurisprudence susmentionnée, qui concerne un travailleur en situation d’incapacité de travail avant le début d’une période de congé annuel payé, que le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence. Par conséquent, le travailleur a le droit de prendre son congé annuel payé coïncidant avec une période de congé de maladie à une époque ultérieure, et ce indépendamment du moment auquel cette incapacité de travail est survenue.

22

Il serait, en effet, aléatoire et contraire à la finalité du droit au congé annuel payé, précisée au point 19 du présent arrêt, d’accorder ledit droit au travailleur uniquement à la condition que ce dernier soit déjà en situation d’incapacité de travail lorsque la période de congé annuel payé a débuté.

23

Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que la nouvelle période de congé annuel, qui correspond à la durée du chevauchement entre la période de congé annuel initialement fixée et le congé de maladie, dont le travailleur est en droit de bénéficier après son rétablissement, peut être fixée, le cas échéant, en dehors de la période de référence correspondante pour le congé annuel (voir, en ce sens, arrêt Vicente Pereda, point 23 et dispositif).

24

Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.

Sur les dépens

25

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.


Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C-78/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 26 janvier 2011, parvenue à la Cour le 22 février 2011, dans la procédure

Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED)

contre

Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA),

Federaciόn de Trabajadores Independientes de Comercio (Fetico),

Federaciόn Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT,

Federaciόn de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. M. Ilešič et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général: M me  V. Trstenjak,

greffier: M me  M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mars 2012,

considérant les observations présentées:

– pour la Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA), par M e  J. Caballero Ramos, abogado,

– pour la Federación Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT, par M e  J. Jiménez de Eugenio, abogado,

– pour la Federación de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO., par M es  A. Martín Aguado et J. Jiménez de Eugenio, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par M me  G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par M me  S. Pardo Quintillán et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9), ci-après la «directive 2003/88».

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ci-après l’«ANGED») à la Federación de Asociaciones Sindicales (FASGA), à la Federaciόn de Trabajadores Independientes de Comercio (Fetico), à la Federaciόn Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de UGT et à la Federación de Comercio, Hostelería y Turismo de CC.OO. (ci-après «FASGA e.a.»), syndicats représentants des travailleurs, au sujet de recours collectifs intentés par ces syndicats visant à faire reconnaître le droit pour certains travailleurs de bénéficier de leur congé annuel payé même lorsque celui-ci coïncide avec des périodes de congé pour incapacité temporaire de travail.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3. L’article 1 er de la directive 2003/88, intitulé «Objet et champ d’application», énonce:

«1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique:

a) aux périodes minimales […] de congé annuel […]

[…]»

4. L’article 7 de cette directive, intitulé «Congé annuel», dispose:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

5. L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7 de ladite directive.

La réglementation nationale

6. Le décret royal législatif 1/1995 portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs (Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), du 24 mars 1995 (BOE n o  75, du 29 mars 1995, p. 9654), tel que modifié par la loi organique 3/2007 pour l’égalité effective entre femmes et hommes (Ley orgánica 3/2007 para la igualdad efectiva de mujeres y hombres), du 22 mars 2007 (BOE n o  71, du 23 mars 2007, p. 12611, ci-après le «statut»), régit notamment la matière des congés payés annuels ainsi que celle des incapacités temporaires de travail.

7. L’article 38 du statut dispose:

«1. La période de congé annuel payé, qui ne peut être remplacée par une indemnité financière, est celle convenue par convention collective ou contrat individuel. Sa durée ne pourra en aucun cas être inférieure à trente jours civils.

2. La ou les périodes où le congé peut être pris sont fixées d’un commun accord entre l’entrepreneur et le travailleur, conformément à ce que prévoient, le cas échéant, les conventions collectives sur la planification annuelle des congés.

En cas de désaccord entre les parties, la juridiction compétente fixe la date à laquelle le congé sera pris, et sa décision n’est pas susceptible de recours. La procédure est accélérée et prioritaire.

3. Le calendrier des congés est fixé dans chaque entreprise. Le travailleur doit connaître les dates le concernant au moins deux mois avant le début du congé.

Lorsque la période de congé fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise mentionné à l’alinéa précédent coïncide avec une période d’incapacité de travail due à la grossesse, à l’accouchement ou à l’allaitement, ou avec la période de suspension du contrat de travail prévue à l’article 48, paragraphe 4, de la présente loi, l’intéressé a le droit de prendre son congé à une époque distincte de celle de l’incapacité de travail ou de celle où il bénéficie du congé qui lui a été accordé en application de cette disposition, à l’expiration de la période de suspension, même si l’année civile correspondante est déjà écoulée.»

8. L’article 37 de la convention collective des grands magasins 2009-2010 contient une disposition analogue à celle du dernier paragraphe de l’article 38 du statut.

9. L’article 48, paragraphe 4, du statut régit les cas de suspension du contrat de travail en cas d’accouchement, de décès de la mère après l’accouchement, d’accouchement prématuré, d’hospitalisation du nouveau-né, d’adoption ou d’accueil.

Le litige au principal et la question préjudicielle

10. Par recours séparés qui ont été joints, FASGA e.a. ont ouvert une procédure de règlement d’un conflit collectif afin qu’il soit constaté que les travailleurs soumis à la convention collective des grands magasins 2009-2010 bénéficient de leur congé annuel payé, même lorsque celui-ci coïncide avec des périodes de congé pour incapacité de travail.

11. L’ANGED considère que les travailleurs qui se trouvent en situation d’incapacité temporaire de travail avant le début d’une période de congé fixé au préalable, ou au cours de cette période, n’ont pas le droit de bénéficier de leur congé après la fin de la situation d’incapacité de travail, excepté dans les cas expressément prévus par ladite convention collective, à savoir ceux prévus à l’article 48, paragraphe 4, du statut.

12. Par un arrêt du 23 novembre 2009, l’Audiencia Nacional a fait entièrement droit au recours de FASGA e.a.

13. L’ANGED a alors formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo contre cet arrêt.

14. Le Tribunal Supremo évoque la jurisprudence de la Cour, mais considère néanmoins nécessaire, dans la mesure où ce pourvoi vise le cas où l’incapacité de travail survient après le début de la période de congé annuel payé, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 […] s’oppose-t-il à une interprétation de la réglementation nationale qui ne permet pas d’interrompre le congé afin de bénéficier de la totalité du congé — ou du congé restant — à une date ultérieure si une incapacité temporaire de travail survient pendant ledit congé?»

Sur la question préjudicielle

15. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.

16. À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), elle-même, cette directive ayant été codifiée par la directive 2003/88 (arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, Rec. p. I-11757, point 23 et jurisprudence citée).

17. En deuxième lieu, il convient de noter que le droit au congé annuel payé revêt, en sa qualité de principe du droit social de l’Union, non seulement une importance particulière, mais qu’il est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêts KHS, précité, point 37, et du 3 mai 2012, Neidel, C-337/10, point 40).

18. Le droit au congé annuel payé ne saurait, en troisième lieu, être interprété de manière restrictive (voir arrêt du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C-486/08, Rec. p. I-3527, point 29).

19. Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (voir arrêt du 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08, Rec. p. I-8405, point 21).

20. Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’il découle notamment de la finalité du droit au congé annuel payé qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 22).

21. Il découle de la jurisprudence susmentionnée, qui concerne un travailleur en situation d’incapacité de travail avant le début d’une période de congé annuel payé, que le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence. Par conséquent, le travailleur a le droit de prendre son congé annuel payé coïncidant avec une période de congé de maladie à une époque ultérieure, et ce indépendamment du moment auquel cette incapacité de travail est survenue.

22. Il serait, en effet, aléatoire et contraire à la finalité du droit au congé annuel payé, précisée au point 19 du présent arrêt, d’accorder ledit droit au travailleur uniquement à la condition que ce dernier soit déjà en situation d’incapacité de travail lorsque la période de congé annuel payé a débuté.

23. Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que la nouvelle période de congé annuel, qui correspond à la durée du chevauchement entre la période de congé annuel initialement fixée et le congé de maladie, dont le travailleur est en droit de bénéficier après son rétablissement, peut être fixée, le cas échéant, en dehors de la période de référence correspondante pour le congé annuel (voir, en ce sens, arrêt Vicente Pereda, point 23 et dispositif).

24. Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.

Sur les dépens

25. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail.