ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

27 octobre 2011 (*)

«Pourvoi – Ordonnance de référé – Protection des animaux – Règlement (CE) n° 1007/2009 – Commerce des produits dérivés du phoque – Restrictions à l’importation et à la commercialisation desdits produits – Non-lieu à statuer»

Dans l’affaire C‑605/10 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 décembre 2010,

Inuit Tapiriit Kanatami, établie à Ottawa (Canada),

Nattivak Hunters and Trappers Organization, établie à Qikiqtarjuaq (Canada),

Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Organization, établie à Pangnirtung (Canada),

Jaypootie Moesesie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Allen Kooneeliusie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Toomaasie Newkingnak, demeurant à Qikiqtarjuaq,

David Kuptana, demeurant à Ulukhaktok (Canada),

Karliin Aariak, demeurant à Iqaluit (Canada),

Canadian Seal Marketing Group, établi à Québec (Canada),

Ta Ma Su Seal Products Inc., établie à Cap-aux-Meules (Canada),

Fur Institute of Canada, établi à Ottawa,

NuTan Furs Inc., établie à Catalina (Canada),

GC Rieber Skinn AS, établie à Bergen (Norvège),

Inuit Circumpolar Council Greenland (ICC), établie à Nuuk, Groenland (Danemark),

Johannes Egede, demeurant à Nuuk,

Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK), établie à Nuuk,

représentés par Mes H. Viaene et J. Bouckaert, advocaten,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par Mme I. Anagnostopoulou et M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

parties défenderesses en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver, E. White et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. J. Mazák, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, les requérants demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2010, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10 R II, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle ce dernier a rejeté leur demande en référé tendant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution du règlement (CE) n° 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, sur le commerce des produits dérivés du phoque (JO L 286, p. 36).

2        Les faits à l’origine du litige et la procédure devant le juge des référés ont été présentés aux points 1 à 13 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants:

«1      Le règlement [n° 1007/2009] a pour objet, selon son article 1er, l’établissement de règles harmonisées concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque.

2      Afin d’éviter une perturbation du marché intérieur des produits concernés tout en tenant compte de la question du bien-être animal, l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009 prévoit ce qui suit:

‘La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour les produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés [inuit] et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance. Ces conditions s’appliquent au moment ou au point d’importation pour les produits importés.’

3      Le considérant 14 du règlement n° 1007/2009 précise à cet égard qu’il importe que les intérêts économiques et sociaux fondamentaux des communautés inuit pratiquant la chasse aux phoques à des fins de subsistance ne soient pas compromis. […]

4      Il ressort de l’article 3, paragraphe 4, et de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1007/2009 que des mesures relatives, notamment, à la mise en œuvre de l’autorisation au bénéfice des communautés inuit doivent être arrêtées par la Commission des Communautés européennes.

5      Selon l’article 8 du règlement n° 1007/2009, bien que ce dernier entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, son article 3 est applicable à partir du 20 août 2010.

6      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2010, [les requérants] ont introduit un recours visant à l’annulation du règlement n° 1007/2009.

7      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2010, [les requérants] ont introduit une première demande en référé, dans laquelle ils ont demandé au président du Tribunal, en substance, d’ordonner le sursis à l’exécution du règlement n° 1007/2009 jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation formé contre ce même règlement (ci-après la ‘première demande en référé’).

8      Par ordonnance du 30 avril 2010, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T-18/10 R, non publiée au Recueil, ci-après l’‘ordonnance du 30 avril 2010’), le président du Tribunal a rejeté la première demande en référé. En effet, après avoir estimé que, d’une part, la recevabilité du recours principal ne pouvait être exclue […] et, d’autre part, les moyens invoqués par les requérants apparaissaient, à première vue, suffisamment pertinents et sérieux pour constituer un fumus boni juris de nature à justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité, il a conclu à l’absence d’urgence […]

9      L’ordonnance du 30 avril 2010 n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.

10      En revanche, par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2010, [les requérants] ont introduit une nouvelle demande en référé, fondée sur les articles 278 TFUE et 279 TFUE ainsi que sur l’article 109 du règlement de procédure du Tribunal.

11      Au soutien de cette nouvelle demande en référé, les requérants font valoir qu’ils ont pris connaissance, le 2 juin 2010, dans le cadre de la procédure au principal, du projet d’un règlement de la Commission comportant les mesures de mise en œuvre de l’autorisation au bénéfice des communautés inuit (ci-après l’‘exception inuit’) au titre de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1007/2009. Selon eux, il ressort de ce texte que le futur règlement [d’exécution] de la Commission sera totalement inapproprié en ce qu’il privera l’exception inuit de toute portée pratique.

[…]

13      Par conséquent, les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal:

–        déclarer la nouvelle demande en référé recevable en raison des faits nouveaux qui sont venus étayer les arguments développés dans la première demande en référé;

–        ordonner le sursis à l’exécution du règlement n° 1007/2009 jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours en annulation formé contre ce même règlement;

–        condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.»

3        À la suite de l’introduction de la seconde demande en référé, le règlement (UE) n° 737/2010 de la Commission, du 10 août 2010, portant modalités d’application du règlement n° 1007/2009 (JO L 216, p. 1, ci-après le «règlement d’exécution»), a été adopté. Ce règlement a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 17 août 2010. Il y a lieu de relever que le règlement d’exécution a introduit un mécanisme par lequel des «organismes reconnus» délivrent des attestations établissant que les produits dérivés du phoque remplissent les conditions fixées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009. En outre, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, les États membres doivent désigner une ou plusieurs autorités compétentes chargées, notamment, de vérifier les attestations accompagnant les produits dérivés du phoque importés d’États tiers.

4        Par ordonnance du 19 août 2010, adoptée en vertu de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président de celui-ci a accordé le sursis à l’exécution des conditions restreignant, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1007/2009, la mise sur le marché de produits dérivés du phoque, en ce qui concerne les requérants, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance clôturant la procédure de référé.

5        Le 7 septembre 2010, le Parlement, le Conseil et la Commission ont déposé leurs observations écrites au greffe du Tribunal, lesquelles tendaient au rejet de la demande en référé et à la condamnation des requérants aux dépens.

 L’ordonnance attaquée

6        Par l’ordonnance attaquée, le juge des référés a au préalable procédé à un examen de la recevabilité de la demande en référé dont il était saisi. À l’issue de cet examen, il a considéré, au point 23 de la même ordonnance, que cette demande devait être déclarée recevable, dès lors qu’elle était fondée sur un fait nouveau, à savoir la publication du projet de règlement d’exécution, susceptible de remettre en cause les appréciations qui avaient amené le juge des référés à rejeter, par l’ordonnance du 30 avril 2010, la première demande en référé.

7        Dans le cadre de l’appréciation de l’urgence et, en particulier, du caractère grave et irréparable du préjudice subi par les requérants, le juge des référés a considéré, aux points 53 et 54 de l’ordonnance attaquée, que, étant donné qu’aucune entité de droit public telle qu’un État ou une entité territoriale infraétatique ne figurait parmi les requérants, ces derniers ne sauraient faire valoir, dans le cadre de la présente procédure de référé, les intérêts généraux économiques, sociaux et culturels des Inuits.

8        Dès lors, il a examiné si les requérants avaient démontré, à suffisance de droit, qu’ils risquaient de subir un préjudice grave et irréparable, à titre personnel, en raison du caractère impraticable du règlement d’exécution, dans l’hypothèse où aucun sursis ne serait accordé.

9        En ce qui concerne tant le préjudice financier que non financier allégué par les requérants, le juge des référés, après avoir réparti les requérants entre trois catégories différentes, à savoir les personnes physiques, les sociétés commerciales ainsi que les organisations et associations sans but lucratif, a considéré, au point 73 de l’ordonnance attaquée, qu’aucune de ces trois catégories de requérants n’avait établi la gravité des préjudices allégués, en ce qui concerne chacun d’entre eux pris individuellement, et ce à supposer même que leurs prétentions relatives au caractère impraticable du règlement d’exécution soient fondées.

10      Au demeurant, le juge des référés a également examiné les éléments chiffrés globaux et généraux relatifs aux communautés inuit au Canada et au Groenland. En ce qui concerne, d’une part, les Inuits canadiens, il a jugé que, eu égard à leur participation minime à l’«économie du phoque» au Canada, les chiffres globaux relatifs à l’économie en question n’étaient pas de nature à démontrer l’urgence, même en admettant que les prétentions relatives au caractère impraticable du règlement d’exécution soient fondées. D’autre part, quant aux Inuits groenlandais, bien que les requérants n’aient pas fourni de chiffres précis indiquant l’évolution de l’«économie du phoque» au Groenland, le juge des référés, prenant en compte le fait que l’économie en question constitue essentiellement une économie inuit susceptible de subir un préjudice grave si le règlement d’exécution s’avérait impraticable, a procédé à l’appréciation du caractère impraticable dudit règlement en ce qui concerne la mise en œuvre de l’exception inuit au Groenland. À cet égard, il a conclu, au point 86 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’ont pas démontré l’impraticabilité objective du règlement d’exécution. En effet, les arguments invoqués en ce sens constituent, selon ledit juge, de simples affirmations générales non étayées, alors qu’ils auraient dû fournir des indications concrètes et prouver les faits censés fonder la perspective de l’impraticabilité alléguée, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique ne saurait justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité.

11      Sur le fondement de ces considérations, au point 94 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal, considérant que l’existence de l’urgence n’était pas établie, a rejeté la demande en référé.

 Sur le pourvoi

12      Par leur pourvoi, les requérants demandent, à titre principal, l’annulation de l’ordonnance attaquée ainsi que le renvoi de l’affaire devant le juge des référés du Tribunal et, à titre subsidiaire, l’octroi du sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement n° 1007/2009. Partant, ils concluent à la condamnation du Parlement et du Conseil aux dépens.

13      À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent un moyen unique, tiré d’une appréciation erronée de l’urgence par le président du Tribunal. En particulier, ils font valoir, d’une part, que ce dernier a commis une erreur en qualifiant certaines des parties requérantes d’«organisations sans but lucratif», alors que celles-ci sont des entités de droit public. D’autre part, ils relèvent que le président du Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation quant au niveau du préjudice grave et irréparable subi par l’économie et la société inuit.

14      Sans qu’il y ait lieu de statuer sur le bien-fondé dudit moyen unique, il y a lieu de relever que, par ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, non encore publiée au Recueil), le Tribunal a statué sur le recours principal des requérants. En particulier, le Tribunal, aux points 61 et 66 de cette ordonnance, a considéré, d’une part, que le règlement n° 1007/2009 ne constitue pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il a, d’autre part, procédé à l’examen de l’éventuelle incidence directe de ce règlement sur la situation des requérants, en concluant, aux points 85 et 86 de ladite ordonnance, que, à l’exception de Ta Ma Su Seal Products Inc., de NuTan Furs Inc., de GC Rieber Skinn AS et du Canadian Seal Marketing Group, qui sont actifs dans la transformation et/ou la commercialisation des produits dérivés du phoque, les autres requérants ne sont pas directement concernés par ce règlement. Enfin, le Tribunal a examiné l’éventuelle incidence du même règlement sur la situation individuelle de ces quatre requérants et il a constaté, au point 93 de l’ordonnance susmentionnée, qu’ils n’étaient pas individuellement concernés par ledit règlement. Pour ces motifs, le Tribunal, au point 94 de l’ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, précitée, a rejeté le recours des requérants comme irrecevable.

15      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle cette dernière peut soulever d’office le défaut d’intérêt d’une partie à introduire ou à poursuivre un pourvoi, en raison d’un fait postérieur à l’arrêt du Tribunal de nature à enlever à celui-ci son caractère préjudiciable pour le demandeur au pourvoi, et déclarer le pourvoi irrecevable ou sans objet pour ce motif. En effet, l’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a introduit (arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, Rec. p. I‑3319, point 13, ainsi que du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, Rec. p. I‑8495, point 63).

16      Or, en l’occurrence, par l’ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, précitée, le Tribunal a rejeté le recours principal des requérants comme irrecevable.

17      Il s’ensuit que, à supposer même qu’il soit fait droit aux conclusions des requérants dans le cadre du présent pourvoi, une annulation de l’ordonnance attaquée ne serait susceptible de leur apporter aucun bénéfice étant donné que, par leur demande en référé devant le Tribunal, ils avaient demandé le sursis à l’exécution du règlement n° 1007/2009 jusqu’à ce que celui-ci ait statué sur le recours en annulation.

18      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le présent pourvoi est devenu sans objet, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celui-ci.

 Sur les dépens

19      En vertu de l’article 69, paragraphe 6, de son règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, en cas de non-lieu à statuer, la Cour règle librement les dépens.

20      En l’occurrence, le pourvoi a été privé d’objet non pas en raison du comportement de l’une des parties, mais en raison du fait que le Tribunal a entre-temps statué sur le recours principal.

21      En conséquence, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le pourvoi.

2)      Les requérants, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.