ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 juillet 2011 (*)

«Impositions intérieures – Article 110 TFUE – Taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles»

Dans l’affaire C‑263/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Gorj (Roumanie), par décision du 24 mars 2010, parvenue à la Cour le 27 mai 2010, dans la procédure

Iulian Nisipeanu

contre

Direcţia Generală a Finanţelor Publice Gorj,

Administraţia Finanţelor Publice Tîrgu Cărbuneşti,

Administraţia Fondului pentru Mediu,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, M. Ilešič (rapporteur), E. Levits et M. Safjan, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement roumain, initialement par MM. A. Popescu et V. Angelescu, puis par M. R. H. Radu et Mme A. Wellman, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 110 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Nisipeanu à la Direcţia Generală a Finanţelor Publice Gorj (direction générale des finances publiques de Gorj), à l’Administraţia Finanţelor Publice Tîrgu Cărbuneşti (administration des finances publiques de Tîrgu Cărbuneşti) et à l’Administraţia Fondului pentru Mediu (administration du fonds pour l’environnement), au sujet d’une taxe que M. Nisipeanu a dû acquitter lors de l’immatriculation d’un véhicule automobile provenant d’un autre État membre.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        Les «normes de pollution européennes» reflètent les limites acceptables d’émission de gaz d’échappement de véhicules automobiles neufs vendus dans les États membres de l’Union européenne. La première de ces normes (communément appelée «Euro 1») a été introduite par la directive 91/441/CEE du Conseil, du 26 juin 1991, modifiant la directive 70/220/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur (JO L 242, p. 1), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1992. Depuis, les règles en la matière sont devenues progressivement plus rigoureuses, dans le but d’améliorer la qualité de l’air dans l’Union.

4        La norme «Euro 2» a été instituée avec effet au 1er janvier 1996. Le législateur de l’Union a, ensuite, introduit de nouvelles normes, parmi lesquelles la norme «Euro 4», instituée avec effet au 1er janvier 2005. En application du règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO L 171, p. 1), la limite actuellement en vigueur est celle de la norme «Euro 5» et la mise en application d’une norme «Euro 6» est prévue pour l’année 2014.

5        Par ailleurs, la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO L 263, p. 1), distingue les véhicules automobiles de catégorie M, comprenant les «[véhicules automobiles] pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues», de ceux de catégorie N, laquelle comprend les «[véhicules automobiles] pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues». Ces catégories font l’objet de subdivisions selon le nombre de places assises et le poids maximal (catégorie M), ou selon le poids maximal seulement (catégorie N).

 La réglementation nationale

6        L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008, établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 21 avril 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 327 du 25 avril 2008, ci-après l’«OUG n° 50/2008»), laquelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, instaure, à son article 3, une taxe sur la pollution pour les véhicules automobiles des catégories Ml à M3 et N1 à N3.

7        Aux termes de l’article 4, sous a), de l’OUG n° 50/2008, l’obligation de payer ladite taxe naît «lors de la première immatriculation d’un véhicule automobile en Roumanie».

8        L’article 6 de l’OUG n° 50/2008 dispose:

«1.      La somme versée au titre de la taxe est calculée […] comme suit:

a)      pour les véhicules à moteur de la catégorie M1 ayant une norme de pollution Euro 3, Euro 4, Euro 5 ou Euro 6:

[…]

b)      pour les véhicules automobiles de la catégorie M1 ayant une norme de pollution non-Euro, Euro 1 ou Euro 2, selon la formule:

Somme = C x D x (100-E) : 100

dans laquelle:

C =      cylindrée (capacité cylindrique);

D =      taxe spécifique par cylindrée, prévue dans la troisième colonne du tableau à l’annexe n° 2;

E =      pourcentage de réduction de la taxe, prévu dans la deuxième colonne du tableau à l’annexe n° 4;

[…]

3.      Le pourcentage fixe de réduction prévu dans l’annexe n° 4 est fixé en fonction de l’ancienneté du véhicule automobile, du kilométrage moyen annuel, de l’état technique et des équipements du véhicule automobile. […]

[…]»

9        En vertu de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 208/2008, fixant certaines mesures concernant la taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 208/2008 pentru stabilirea unor măsuri privind taxa pe poluare pentru autovehicule), du 4 décembre 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 825 du 8 décembre 2008, ci-après l’«OUG n° 208/2008»), les véhicules automobiles dont la cylindrée ne dépasse pas 2 000 cm3 et qui ont été immatriculés pour la première fois en Roumanie ou dans d’autres États membres à compter du 15 décembre 2008 sont exemptés de la taxe instaurée par l’OUG n° 50/2008.

10      Pour les véhicules automobiles ne répondant pas à ces critères, le montant de ladite taxe a été majoré par l’OUG n° 208/2008.

11      L’OUG n° 208/2008 a ensuite été abrogée par l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 218/2008, portant modification de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 218/2008 privind modificarea Ordonanţei de urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 10 décembre 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 836 du 11 décembre 2008, ci-après l’«OUG n° 218/2008»), cette nouvelle ordonnance énonçant que les véhicules automobiles de catégorie M1 conformes à la norme de pollution Euro 4 et dont la cylindrée ne dépasse pas 2 000 cm3, de même que tous les véhicules automobiles de catégorie N1 conformes à cette même norme Euro 4, immatriculés pour la première fois en Roumanie ou dans d’autres États membres au cours de la période du 15 décembre 2008 au 31 décembre 2009, sont exemptés de la taxe instaurée par l’OUG n° 50/2008.

12      Pour les autres véhicules automobiles des catégories M1 et N1, le montant de la taxe n’a pas varié par rapport à celui fixé par l’OUG n° 208/2008.

13      Par l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 7/2009, portant modification de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 7/2009 privind modificarea Ordonanţei de urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 18 février 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 103 du 19 février 2009, ci-après l’«OUG n° 7/2009»), les annexes 1, 2 et 4 de l’OUG n° 50/2008, telle que modifiée ultérieurement, ont été remplacées par les annexes 1 à 3 de ladite OUG n° 7/2009.

14      Par la suite, l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 117/2009, portant application de certaines mesures concernant la taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 117/2009 pentru aplicarea unor măsuri privind taxa pe poluare pentru autovehicule), du 29 décembre 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 926 du 30 décembre 2009, ci-après l’«OUG n° 117/2009»), entrée en vigueur le 30 décembre 2009, a prévu que les véhicules automobiles de la catégorie M1 répondant à la norme de pollution Euro 4 et dont la cylindrée n’excède pas 2 000 cm³, ainsi que tous les véhicules automobiles de la catégorie N1 répondant à la même norme et immatriculés pour la première fois dans un État membre de l’Union européenne entre le 15 décembre 2008 et le 31 décembre 2009 inclus, sont exemptés de la taxe sur la pollution, à la condition qu’ils aient été immatriculés pour la première fois en Roumanie dans les 45 jours suivant le 30 décembre 2009.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      M. Nisipeanu a fait immatriculer en Roumanie un véhicule automobile d’occasion acheté en Allemagne. Ce véhicule figure parmi les véhicules de catégorie M1, a une capacité cylindrique de 1 597 cm3 et respecte, au regard des émissions qu’il produit, la norme de pollution Euro 2. Il avait été immatriculé en Allemagne durant l’année 1997.

16      Aux fins de l’immatriculation dudit véhicule en Roumanie, M. Nisipeanu a, le 1er février 2010, acquitté la somme de 4 431 lei au titre de la taxe prévue par l’OUG n° 50/2008, conformément à une décision émise par l’autorité compétente. Il a, ensuite, demandé de lui restituer cette somme. Devant le refus qui lui a été opposé, M. Nisipeanu a déposé un recours devant le Tribunalul Gorj, par lequel il a conclu à ce que les parties défenderesses au principal soient condamnées à lui restituer ladite somme. À l’appui de son recours, il a fait valoir que la taxe en cause est incompatible avec l’article 110 TFUE.

17      Dans ces conditions, le Tribunalul Gorj a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 110 [TFUE] doit-il être interprété en ce sens que les impositions intérieures discriminatoires qu’il interdit comprennent la taxe aménagée dans la législation roumaine par l’[OUG n° 50/2008], telle que modifiée par [les OUG n° 208/2008, n° 218/2008, n° 7/2009 et n° 117/2009]?

2)      L’article 110 [TFUE] autorise-t-il la Roumanie à instituer, au moyen de la législation nationale, à l’occasion de l’adoption de l’OUG n° 50/2008 [...], entrée en vigueur le 1er  juillet 2008, le critère de la ‘première immatriculation en Roumanie’ tel que fixé à l’article 4, sous a), de ladite [OUG], et ce dernier est-il une condition objective conforme aux dispositions du traité FUE?

3)      L’article 110 [TFUE] autorise-t-il la Roumanie [...] à appliquer, à partir du 1er juillet 2008, la taxe sur la pollution des véhicules automobiles d’occasion importés de [l’Union] ou obtenus par la voie d’acquisitions [dans d’autres États membres de l’Union] et immatriculés pour la première fois en Roumanie, tandis que la taxe sur la pollution ne s’applique pas aux véhicules automobiles d’occasion achetés en Roumanie?

4)      L’article 110 [TFUE] autorise-t-il la Roumanie à n’accorder [...] l’exemption de la taxe sur la pollution qu’aux ‘véhicules à moteur de catégorie M1 conformes à la norme de pollution Euro 4 et dont la cylindrée ne dépasse pas 2 000 cm3, de même [qu’à] tous les véhicules à moteur de catégorie N1 conformes à cette même norme Euro 4, immatriculés pour la première fois en Roumanie ou dans d’autres États membres de l’Union au cours de la période du 15 décembre 2008 au 31 décembre 2009 inclus’, alors que pour les voitures neuves ayant d’autres caractéristiques que celles susmentionnées, l’exemption n’est pas accordée?

5)      L’article 110 [TFUE] doit-il être interprété en ce sens qu’il permet à la Roumanie de protéger son industrie automobile nationale, étant donné que la taxe sur la pollution est due uniquement à raison des [véhicules automobiles] d’occasion importés d’un autre État membre de l’Union [...], alors qu’elle n’est pas due à raison des [véhicules automobiles] d’occasion déjà immatriculés en Roumanie et qui y sont ensuite revendus?

6)      Dans les circonstances indiquées ci-dessus, la taxe en cause constitue-t-elle une taxe discriminatoire, interdite par les dispositions de l’article 110 [TFUE], dans l’hypothèse où le critère de la ‘première immatriculation en Roumanie’ fixé à l’article 4, sous a), de l’OUG n° 50/2008 ne serait pas un critère objectif compte tenu de l’objectif déclaré de l’institution de la taxe sur la pollution en application du principe ‘pollueur-payeur’ et où la taxe, liée à ce critère, protégerait la production nationale des voitures particulières neuves ainsi que le marché intérieur [roumain] des [véhicules automobiles] d’occasion?»

 Sur les questions préjudicielles

18      Par ses première à troisième, cinquième et sixième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 110 TFUE s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution, telle que celle en cause au principal, frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre.

19      Il est constant que, formellement, le régime de taxation en cause au principal n’opère de distinction ni entre les véhicules automobiles selon leur provenance ni entre les propriétaires de ces véhicules selon leur nationalité. Cependant, même si les conditions d’une discrimination directe ne sont pas réunies, une imposition intérieure peut être indirectement discriminatoire en raison de ses effets (arrêt du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh, C‑290/05 et C‑333/05, Rec. p. I‑10115, point 47).

20      S’agissant d’une taxe telle que celle régie par l’OUG n° 50/2008, il convient, ainsi que la Cour l’a déjà relevé au point 38 de son arrêt du 7 avril 2011, Tatu (C‑402/09, non encore publié au Recueil), d’examiner la neutralité de la taxe en cause, notamment, entre les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés sur le territoire national avant l’entrée en vigueur de cette taxe.

21      Certes, ainsi que l’a souligné le gouvernement roumain, l’article 110 TFUE ne vise pas à empêcher un État membre d’introduire des impôts nouveaux ou de modifier le taux ou l’assiette d’impôts existants (arrêts précités Nádasdi et Németh, point 49, ainsi que Tatu, point 50).

22      En outre et de toute évidence, lorsqu’un État membre introduit une nouvelle loi fiscale, il fixe l’application de celle-ci à compter d’une date donnée. Dès lors, la taxe appliquée après l’entrée en vigueur de cette loi peut être différente du taux fiscal en vigueur auparavant. Cette dernière circonstance ne peut pas, prise isolément, être considérée comme ayant un effet discriminatoire entre les situations précédemment constituées et celles qui sont postérieures à l’entrée en vigueur de la nouvelle règle (arrêt Tatu, précité, point 51).

23      Toutefois, le pouvoir des États membres dans l’aménagement de nouvelles taxes n’est pas illimité. Il est, en effet, de jurisprudence constante que l’interdiction édictée à l’article 110 TFUE doit s’appliquer chaque fois qu’une imposition fiscale est de nature à décourager l’importation de biens originaires d’autres États membres au profit de produits nationaux (arrêt Tatu, précité, point 52 et jurisprudence citée).

24      S’agissant des taxes frappant les véhicules automobiles, il est constant que les véhicules présents sur le marché dans un État membre sont des «produits nationaux» de celui-ci, au sens de l’article 110 TFUE. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme des «produits similaires» aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents (arrêt Tatu, précité, point 55 et jurisprudence citée).

25      Il s’ensuit que, malgré les constatations opérées aux points 21 et 22 du présent arrêt, l’article 110 TFUE oblige chaque État membre à choisir et à aménager les taxes frappant les véhicules automobiles de façon à ce que celles-ci n’aient pas pour effet de favoriser la vente de véhicules d’occasion nationaux et de décourager ainsi l’importation de véhicules d’occasion similaires (arrêt Tatu, précité, point 56).

26      Ainsi que la Cour l’a exposé au point 58 de l’arrêt Tatu, précité, une réglementation telle que l’OUG n° 50/2008 a pour effet que des véhicules automobiles d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes sont, malgré l’application d’une réduction élevée du montant de la taxe afin de tenir compte de leur dépréciation, frappés d’une taxe qui peut avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale. Il ne saurait être contesté que, dans ces conditions, ladite réglementation nationale a pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en Roumanie de véhicules automobiles d’occasion achetés dans d’autres États membres.

27      Les mêmes considérations s’imposent s’agissant du régime de taxation prévu par l’OUG n° 50/2008 telle que modifiée, respectivement, par les OUG n° 208/2008, n° 218/2008, n° 7/2009 et n° 117/2009. Il ressort, en effet, du dossier que l’ensemble des versions modificatives de l’OUG n° 50/2008 maintiennent un régime de taxation dissuasif de l’immatriculation, en Roumanie, de véhicules automobiles d’occasion achetés dans d’autres États membres et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale. Par ailleurs, au cours de l’audience, laquelle a eu lieu après le prononcé de l’arrêt Tatu, précité, le gouvernement roumain n’a pas soutenu qu’il y aurait une différence pertinente, aux fins de l’examen de la compatibilité avec l’article 110 TFUE d’une taxe telle que celle régie par l’OUG n° 50/2008, entre la version initiale de l’OUG n° 50/2008 et les versions ultérieures de celle-ci.

28      Il convient, enfin, de rappeler que l’objectif de protection de l’environnement, qui se traduit par le fait, d’une part, d’empêcher, par l’application d’une taxe dissuasive, la circulation en Roumanie de véhicules particulièrement polluants, tels que ceux correspondant aux normes Euro 1 et Euro 2 et ayant une cylindrée importante, et, d’autre part, de récupérer les revenus générés par cette taxe pour financer des projets environnementaux, pourrait être réalisé de manière plus complète et cohérente en frappant de la taxe sur la pollution tout véhicule de ce type qui a été mis en circulation en Roumanie. Une telle taxation, dont la mise en œuvre dans le cadre d’une taxe annuelle routière est parfaitement envisageable, ne favoriserait pas le marché national des véhicules d’occasion au détriment de la mise en circulation de véhicules d’occasion importés et serait, en outre, conforme au principe du pollueur-payeur (arrêt Tatu, précité, point 60).

29      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première à troisième, cinquième et sixième questions posées que l’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

30      Cette réponse permettant à la juridiction de renvoi de régler l’affaire au principal, laquelle porte sur la taxe à l’immatriculation d’un véhicule relevant de la norme de pollution Euro 2, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question posée, laquelle concerne l’exemption de la taxe introduite par l’OUG n° 50/2008 en faveur de ceux qui font immatriculer en Roumanie certains véhicules automobiles conformes à la norme de pollution Euro 4.

 Sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt

31      Dans l’hypothèse où l’arrêt à intervenir jugerait que l’article 110 TFUE s’oppose à la perception d’une taxe telle que celle instituée par la réglementation nationale en cause, le gouvernement roumain a, au cours de l’audience, demandé à la Cour de limiter les effets de son arrêt dans le temps.

32      Conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle du droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il s’ensuit que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies (voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Blaizot e.a., 24/86, Rec. p. 379, point 27; du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, Rec. p. I-199, point 50, et du 18 janvier 2007, Brzeziński, C‑313/05, Rec. p. I-513, point 55).

33      Dès lors, ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (arrêts Skov et Bilka, précité, point 51, ainsi que du 3 juin 2010, Kalinchev, C‑2/09, non encore publié au Recueil, point 50).

34      Quant au risque de troubles graves, il y a lieu de rappeler que l’existence de conséquences financières découlant pour un État membre d’un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifie pas, par elle-même, la limitation des effets de cet arrêt dans le temps (arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 52; du 15 mars 2005, Bidar, C-209/03, Rec. p. I-2119, point 68, et Brzeziński, précité, point 58). Il incombe à l’État membre sollicitant une telle limitation de produire, devant la Cour, des données chiffrées établissant le risque de répercussions économiques graves (arrêts précités Brzeziński, points 59 et 60, ainsi que Kalinchev, points 54 et 55).

35      Or, s’agissant des répercussions économiques pouvant découler d’un arrêt de la Cour disant pour droit que l’article 110 TFUE s’oppose à un régime de taxation tel que celui instauré par l’OUG n° 50/2008, le gouvernement roumain s’est essentiellement limité à faire état du nombre élevé de demandes de remboursement de la taxe perçue, qui s’élèverait à 40 000 environ, et à faire référence à la crise économique frappant la Roumanie.

36      Force est de constater que, en l’absence de données chiffrées plus précises et permettant de conclure que l’économie roumaine risque d’être sérieusement perturbée par les répercussions du présent arrêt, la condition portant sur l’existence de troubles graves ne saurait être considérée comme établie.

37      Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de vérifier s’il est satisfait au critère relatif à la bonne foi des milieux intéressés.

38      Il résulte de ces considérations qu’il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

Signatures


* Langue de procédure: le roumain.