ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

2 février2012 ( *1 )

«Pourvoi — Dumping — Règlement (CE) no 1472/2006 — Importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Règlement (CE) no 384/96 — Articles 2, paragraphe 7, 9, paragraphe 5, et 17, paragraphe 3 — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Traitement individuel — Échantillonnage»

Dans l’affaire C-249/10 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 mai 2010,

Brosmann Footwear (HK) Ltd, établie à Kowloon (Chine),

Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, établie à Zhongshan (Chine),

Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, établie à Guangzhou (Chine),

Risen Footwear (HK) Co. Ltd, établie à Kowloon,

représentées par Mes L. Ruessmann, A. Willems, S. De Knop et C. Dackö, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et R. Szostak, en qualité d’agents, assistés de Me G. Berrisch, Rechtsanwalt, et de Mme N. Chesaites, barrister,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. T. Scharf et H. van Vliet, en qualité d’agents,

Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC),

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mai 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

Par leur pourvoi, Brosmann Footwear (HK) Ltd (ci-après «Brosmann»), Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd (ci-après «Lung Pao») et Risen Footwear (HK) Co. Ltd demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T-401/06, Rec. p. II-671, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation partielle du règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le «règlement litigieux»).

Le cadre juridique

2

Les dispositions régissant l’application de mesures antidumping par l’Union européenne figurent dans le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (JO L 77, p. 12, ci-après le «règlement de base»).

3

S’agissant des conditions d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le «SEM»), l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base prévoit:

a)

Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

Les parties à l’enquête sont informées rapidement après l’ouverture de celle-ci du pays tiers à économie de marché envisagé et disposent de dix jours pour présenter leurs commentaires.

b)

Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine […], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête […], que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent.

c)

La requête présentée au titre du point b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si:

les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité

et

les opérations de change sont exécutées aux taux du marché.

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête.»

4

L’article 3 du règlement de base, intitulé «Détermination de l’existence d’un préjudice», dispose à ses paragraphes 1, 2 et 7:

«1.   Pour les besoins du présent règlement, le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie communautaire, d’une menace de préjudice important pour une industrie communautaire ou d’un retard sensible dans la création d’une industrie communautaire et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif: a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

[…]

7.   Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire.»

5

S’agissant des conditions d’ouverture d’une procédure d’enquête antidumping, l’article 5, paragraphes 2 à 4, du règlement de base énonce:

«2.   Une plainte au sens du paragraphe 1 doit contenir des éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations dont il est allégué qu’elles font l’objet d’un dumping et le préjudice allégué. […]

[...]

3.   La Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête.

4.   Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimé par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie communautaire.»

6

Aux termes de l’article 9, paragraphes 5 et 6, du règlement de base:

«5.   Un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du présent règlement a été accepté. Le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable et, en règle générale, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 7, point a), le nom du pays fournisseur concerné.

En cas d’application de l’article 2, paragraphe 7, point a), un droit individuel peut toutefois être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que:

a)

dans le cas d’entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d’entreprises communes, les exportateurs sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices;

b)

les prix à l’exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement;

c)

la majorité des actions appartient à des particuliers. Les fonctionnaires d’État figurant dans le conseil d’administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou la société est suffisamment indépendante de l’intervention de l’État;

d)

les opérations de change sont exécutées au taux du marché, et

e)

l’intervention de l’État n’est pas de nature à permettre le contournement des mesures si les exportateurs bénéficient de taux de droit individuels.

6.   Lorsque la Commission a limité son examen conformément à l’article 17, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17 mais n’ont pas été inclus dans l’enquête ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon […] Des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel conformément à l’article 17.»

7

S’agissant de la technique consistant à recourir à l’échantillonnage, l’article 17, paragraphes 1 et 3, du règlement de base dispose:

«1.   Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume [représentatif] de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

[…]

3.   Lorsque l’examen est limité conformément au présent article, une marge de dumping individuelle est néanmoins calculée pour chaque exportateur ou producteur n’ayant pas été choisi initialement qui présente les renseignements nécessaires dans les délais prévus par le présent règlement, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile.»

8

L’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base est libellé comme suit:

«3.   Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

4.   Si des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués doit être informée immédiatement des raisons de leur rejet et doit avoir la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question doivent être communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques.»

Les antécédents du litige

9

Les antécédents du litige sont exposés par le Tribunal, aux points 10 à 42 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants:

«10

Les requérantes […] sont des sociétés productrices et exportatrices de chaussures établies en Chine.

11

Les importations de chaussures en provenance de Chine relevant de certaines classes de la nomenclature combinée étaient soumises à un régime de contingents quantitatifs qui a expiré le 1er janvier 2005.

12

À la suite d’une plainte déposée le 30 mai 2005 par la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure [ci-après la ‘CEC’], la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam. L’avis d’ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 juillet 2005 (JO C 166, p. 14, ci-après l’‘avis d’ouverture’).

13

Compte tenu du nombre important de parties concernées, il a été envisagé, au point 5.1, sous a), de l’avis d’ouverture, de recourir à la technique d’échantillonnage, conformément à l’article 17 du règlement de base.

14

Les requérantes ont pris contact avec la Commission en lui fournissant, les 25 et 26 juillet 2005, les informations requises par le point 5.1, sous a), i), et sous e), de l’avis d’ouverture afin de faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs que cette institution se proposait d’établir selon l’article 17 du règlement de base et afin de se voir octroyer le SEM ou, à défaut, de bénéficier d’un traitement individuel (ci-après le ‘TI’).

15

Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) no 553/2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 98, p. 3, ci après le ‘règlement provisoire’).

16

Selon le considérant 9 du règlement provisoire, l’enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005 (ci-après la ‘période d’enquête’). L’examen des tendances utiles à l’appréciation du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 mars 2005 (ci-après la ‘période considérée’).

17

Compte tenu de la nécessité d’établir une valeur normale pour ce qui concerne les produits des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens auxquels le SEM pourrait ne pas être accordé, une visite de vérification destinée à établir la valeur normale sur la base de données concernant un pays analogue, en l’occurrence la République fédérative du Brésil, a été effectuée dans les locaux de trois sociétés brésiliennes (considérant 8 du règlement provisoire).

18

S’agissant du produit concerné, il résulte des considérants 10, 11, 40 et 41 du règlement provisoire que celui-ci englobe essentiellement les sandales, les bottes, les chaussures de rue et les chaussures de ville, toutes fabriquées avec un dessus en cuir naturel ou reconstitué. Il résulte, en outre, des considérants 12 à 31 du règlement provisoire que la Commission a exclu de la définition du produit concerné les chaussures de sport à technologie spéciale (Special Technology Athletic Footwear, ci-après les ‘STAF’) et qu’elle y a inclus les chaussures pour enfants. Selon le considérant 38 du règlement provisoire, toutes les chaussures à dessus en cuir, bien que de types et de styles très différents, présentent les mêmes caractéristiques essentielles, sont destinées aux mêmes usages et bénéficient d’une même perception de la part des consommateurs. Ainsi, tous ces types et styles de chaussures sont, selon le considérant 39 du même règlement, en concurrence directe et, dans une très large mesure, interchangeables.

19

La Commission a donc conclu, au considérant 52 du règlement provisoire, que tous les types de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué produits et vendus dans les pays concernés et au Brésil et ceux produits et vendus sur le marché de la Communauté par l’industrie communautaire étaient semblables à ceux exportés des pays concernés vers la Communauté.

20

Dans le cadre de la détermination du dumping, la Commission a eu recours à la technique d’échantillonnage. Selon le considérant 55 du règlement provisoire, parmi les producteurs-exportateurs chinois qui se sont manifestés afin d’être inclus dans l’échantillon, 154 ont exporté vers la Communauté pendant la période d’enquête. Selon ce même considérant, ces sociétés ont été considérées, dans un premier temps, comme ayant coopéré et ont été prises en compte aux fins de la constitution de l’échantillon.

21

Il résulte du considérant 57 du règlement provisoire que la Commission a finalement retenu un échantillon comprenant treize producteurs-exportateurs chinois représentant plus de 20 % du volume des exportations chinoises vers la Communauté. Selon le considérant 59 du même règlement, les critères pris en considération aux fins de la sélection en question étaient, premièrement, l’importance du producteur-exportateur en termes de ventes à l’exportation vers la Communauté et, deuxièmement, l’importance de celui-ci en termes de ventes intérieures. S’agissant de ce dernier critère, la Commission a indiqué, au considérant 60 du règlement provisoire, que les données liées aux ventes intérieures augmentaient la représentativité de l’échantillon en fournissant des informations sur les prix et les coûts afférents à la production et à la vente du produit concerné sur les marchés intérieurs. Selon le considérant 61 du règlement provisoire, les sociétés chinoises retenues dans l’échantillon représentaient 25 % des volumes exportés vers la Communauté et 42 % des ventes effectuées sur le marché intérieur chinois par des producteurs ayant coopéré à l’enquête. Selon ce même considérant, l’exclusion des STAF de la définition du produit concerné n’a pas eu de conséquence marquante sur la représentativité des échantillons.

22

Conformément au considérant 62 du règlement provisoire, les producteurs-exportateurs non retenus dans l’échantillon ont été informés que tout droit antidumping les concernant serait calculé selon les dispositions de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base. S’agissant des demandes présentées par ces producteurs-exportateurs visant le calcul d’une marge de dumping individuelle selon l’article 9, paragraphe 6, et l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission a estimé, au considérant 64 du règlement provisoire, que l’examen individuel de celles-ci compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile. Dans ces conditions, la marge de dumping de ces producteurs a été déterminée en établissant la moyenne pondérée des marges de dumping des sociétés constituant l’échantillon (considérants 135 et 143 du règlement provisoire).

23

Une des treize sociétés initialement incluses dans l’échantillon n’a pas répondu au questionnaire antidumping que la Commission lui a adressé (considérant 63 du règlement provisoire).

24

En ce qui concerne la définition de l’industrie communautaire, la Commission a relevé, au considérant 150 du règlement provisoire, que les plaignants représentaient 42 % de la production communautaire totale du produit concerné. Selon les considérants 65 et 151 du règlement provisoire, la Commission a sélectionné un échantillon de dix producteurs communautaires établi sur la base du volume de production et de l’implantation de ceux-ci. Les producteurs inclus dans l’échantillon représenteraient 10 % de la production des plaignants. Ainsi, il a été considéré que les 814 producteurs communautaires au nom desquels avait été déposée la plainte constituaient l’‘industrie communautaire’ au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base (considérant 152 du règlement provisoire).

25

En ce qui concerne l’identité des producteurs communautaires retenus dans l’échantillon, la Commission a relevé que certains avaient, dans la Communauté, des clients qui s’approvisionnaient aussi en Chine et au Viêt Nam et qui bénéficiaient donc directement des importations en cause. Lesdits producteurs se trouveraient par conséquent dans ‘une situation délicate’, certains de leurs clients étant susceptibles de leur tenir rigueur d’avoir déposé ou appuyé une plainte portant sur des pratiques présumées de dumping préjudiciable. Ces producteurs estimeraient donc qu’ils pourraient être la ‘cible de représailles’ de la part de certains de leurs clients, qui pourraient éventuellement aller jusqu’à mettre fin à leurs relations commerciales. La Commission a donc fait droit à la demande de traitement confidentiel des sociétés retenues dans l’échantillon en ce qui concerne la divulgation de leur nom (considérant 8 du règlement provisoire).

26

S’agissant du niveau que les mesures antidumping provisoires devaient atteindre afin d’éliminer le préjudice, la Commission a précisé, au considérant 284 du règlement provisoire, qu’une marge bénéficiaire de 2 % sur le chiffre d’affaires pouvait être escomptée pour l’industrie communautaire en l’absence de dumping préjudiciable. Cette marge bénéficiaire correspond, selon ce même considérant, au bénéfice le plus élevé réalisé par l’industrie communautaire au cours de la période considérée et, plus précisément, en 2002, lorsque les pays concernés détenaient des parts de marché relativement faibles par rapport à celles enregistrées au cours de la période d’enquête.

27

Par lettres des 7 et 12 avril 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, respectivement, une copie du règlement provisoire et un document comportant des informations sur les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des droits antidumping provisoires ont été imposés (ci-après le ‘document d’information intermédiaire’). La Commission a invité les requérantes à lui transmettre leurs commentaires éventuels sur ces documents pour le 8 mai 2006.

28

Par lettres du 8 mai 2006, deux des requérantes, Brosmann […] et Lung Pao […], ont transmis à la Commission leurs commentaires sur le règlement provisoire et le document d’information intermédiaire.

29

Le 2 juin 2006, une réunion entre Lung Pao et la Commission s’est tenue au siège de cette dernière.

30

Par télécopie du 8 juillet 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d’information finale sur les faits et considérations essentiels fondant la proposition d’imposer des droits antidumping définitifs. La Commission a invité les requérantes à lui transmettre leurs commentaires sur le document d’information finale pour le 17 juillet 2006.

31

Par lettre du 28 juillet 2006, la Commission a transmis aux requérantes un document d’information finale additionnel.

32

Par lettres des 17 juillet et 2 août 2006, trois des requérantes, Brosmann, Seasonable Footwear (Zhongshan) [Ltd], Lung Pao ainsi que Novi Footwear (Far East) Pte Ltd, ont transmis à la Commission leurs commentaires sur le document d’information finale et le document d’information finale additionnel. Par lettre du 7 août 2006, l’autre requérante, Risen Footwear (HK) Co. [Ltd] a transmis à la Commission ses commentaires sur le document d’information finale additionnel.

33

Le 5 octobre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement [litigieux]. En vertu [de celui-ci], le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à l’exclusion des chaussures de sport, des STAF, des pantoufles et d’autres chaussures d’intérieur et de chaussures avec coquille de protection originaires de Chine et relevant de plusieurs codes de la nomenclature combinée (article 1er du règlement [litigieux]). Le taux de droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi, pour les chaussures issues de la production des requérantes, à 16,5 %. Selon l’article 3 du règlement [litigieux], celui-ci était applicable pendant une période de deux ans.

34

S’agissant du produit concerné, le Conseil a confirmé les appréciations de la Commission (voir point 18 ci-dessus), selon lesquelles les STAF devraient être exclues de la définition de celui-ci, alors que les chaussures pour enfants devraient y être incluses (considérants 19 et 25 du règlement [litigieux]). En revanche, le Conseil a rejeté les demandes visant à exclure de la définition du produit concerné six types de chaussures, dont les chaussures faisant appel à des technologies brevetées. À l’égard de cette catégorie de chaussures, le Conseil a relevé qu’une technologie brevetée ne représentait pas, en elle-même, une modification substantielle des caractéristiques qui en font des chaussures destinées à un usage ordinaire. Partant, ces chaussures resteraient en concurrence avec la production communautaire du produit concerné (considérant 37 du règlement [litigieux]).

35

En ce qui concerne la représentativité de l’échantillon des producteurs chinois, le Conseil a souligné, au considérant 44 du règlement [litigieux], que les entreprises en faisant partie représentaient plus de 12 % des exportations vers la Communauté provenant des producteurs ayant coopéré à l’enquête. Dès lors que l’article 17 du règlement de base ne prévoirait pas de seuil concernant le niveau de représentativité, l’échantillon constitué serait représentatif au sens de cette disposition.

36

Le Conseil a également précisé, au considérant 46 du règlement [litigieux], que la méthode appliquée avait pour but d’assurer une représentativité aussi grande que possible des échantillons et d’inclure, dans le plus grand volume représentatif d’exportations sur lequel l’enquête pouvait raisonnablement porter, des sociétés effectuant des ventes domestiques représentatives.

37

S’agissant de l’échantillon des producteurs communautaires, le Conseil a rejeté, aux considérants 53 à 59 du règlement [litigieux], l’ensemble des griefs mettant en cause sa représentativité et, dès lors, a confirmé les appréciations que la Commission avait effectuées dans le règlement provisoire (voir point 24 ci-dessus).

38

En ce qui concerne les questions liées aux demandes formulées par plusieurs sociétés visant l’octroi du SEM, sur lesquelles la Commission ne s’était pas prononcée, le Conseil y a consacré les considérants 60 à 65 du règlement [litigieux].

39

Selon ces considérants, le fait que la Commission n’ait pas répondu individuellement à chaque demande qui lui avait été présentée à cet égard ne constitue pas une violation du règlement de base. Cela serait, au contraire, en conformité avec son article 17. La méthode d’échantillonnage envisagée à cet article s’appliquerait également dans le cas où un nombre élevé de sociétés concernées demanderait à se voir octroyer soit le SEM, soit un TI. En l’espèce, le nombre exceptionnellement élevé de demandes présentées par les sociétés concernées n’aurait pas laissé d’autre alternative à l’administration que d’examiner uniquement celles provenant des sociétés de l’échantillon afin de concilier les impératifs découlant d’une analyse du dossier aussi individualisée que possible avec le respect des délais obligatoires. Cela aurait impliqué l’application à toutes les sociétés non retenues dans l’échantillon de la marge moyenne pondérée calculée pour les entreprises de l’échantillon. Il en résulterait que les griefs formulés durant la procédure administrative, selon lesquels le calcul du dumping ne serait pas représentatif, devraient également être rejetés.

40

Ces considérations seraient aussi valables s’agissant des demandes visant à l’octroi d’un TI.

41

S’agissant de la définition de l’industrie communautaire, le Conseil a souligné, au considérant 157 du règlement [litigieux], qu’aucun des plaignants n’avait omis de coopérer à l’enquête. Les questionnaires complets relatifs au préjudice n’auraient été envoyés qu’aux producteurs communautaires retenus dans l’échantillon, ce qui résulterait de la nature même de l’échantillonnage (considérant 158 du règlement [litigieux]).

42

Quant au niveau que devaient atteindre les mesures antidumping définitives afin d’éliminer le préjudice, le Conseil s’est référé, au considérant 292 du règlement [litigieux], à des éléments apportés par l’industrie communautaire après l’institution des droits provisoires, qui démontreraient que la marge bénéficiaire de 2 % fixée par le règlement provisoire (voir point 26 ci-dessus) devait être réexaminée. Sur cette base, le Conseil a porté cette marge bénéficiaire à 6 % du chiffre d’affaires de l’industrie communautaire en précisant que cette dernière avait atteint une telle marge bénéficiaire en ce qui concerne les chaussures qui ne faisaient pas l’objet d’un dumping préjudiciable.»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, les requérantes ont introduit devant celui-ci un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux. Par acte déposé audit greffe le 26 mars 2007, la Commission a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2007, la CEC a également demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 2 août 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis les demandes en intervention formulées par la Commission et la CEC.

11

À l’appui de leur recours, les requérantes ont soulevé huit moyens tirés respectivement:

de la violation des articles 2, paragraphe 7, sous b), et 9, paragraphe 5, du règlement de base, ainsi que de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime;

de la violation des articles 2, paragraphe 7, sous c), et 18 du règlement de base ainsi que de la violation des droits de la défense;

d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base;

d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 1er, paragraphe 4, ainsi que 2 et 3 du règlement de base;

d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation des articles 17 du règlement de base et 253 CE;

d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation des articles 3, paragraphe 2, du règlement de base et 253 CE;

d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, et

d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

12

Pour rejeter les deux premiers moyens du recours, le Tribunal a jugé, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, que, en cas de recours à la technique d’échantillonnage, le règlement de base n’octroie pas aux opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon retenu un droit inconditionnel à bénéficier du calcul d’une marge de dumping individuelle. Selon lui, l’acceptation d’une telle demande dépend en effet de la décision de la Commission relative à l’application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base. Le Tribunal a considéré que l’octroi du SEM ou d’un TI ne servant, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, qu’à déterminer la méthode de calcul de la valeur normale en vue d’un calcul des marges de dumping individuelles, la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, lorsqu’elle a conclu, dans le cadre de l’application de cet article 17, paragraphe 3, que le calcul de telles marges compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile. Le Tribunal en a inféré, au point 92 dudit arrêt, que la Commission n’ayant pas commis d’erreur en s’abstenant d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes, ces dernières n’étaient pas fondées à invoquer le dépassement du délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base dès lors que ce délai concernait les cas dans lesquels la Commission était tenue d’examiner lesdites demandes.

13

S’agissant du troisième moyen du recours, le Tribunal l’a rejeté en jugeant, au point 112 de l’arrêt attaqué, que la déclaration des producteurs communautaires, selon laquelle ils soutenaient la plainte, suffisait à établir l’existence d’un soutien de la plainte au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. En outre, le Tribunal a considéré, aux points 114 et 118 du même arrêt, que rien n’empêche la Commission de tenir compte, dans le cadre de l’enquête, d’éléments qui sont par nature récoltés avant l’ouverture de celle-ci et que, en l’espèce, le règlement litigieux a été adopté dans le délai de quinze mois prévu par le règlement de base.

14

Quant au quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 1er, paragraphe 4, ainsi que 2 et 3 du règlement de base, le Tribunal l’a rejeté au motif que les institutions avaient correctement défini le produit concerné dans le règlement provisoire et dans le règlement litigieux. Le Tribunal a également rejeté, au point 156 de l’arrêt attaqué, le cinquième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur recours, par lequel ces dernières contestaient, en substance, la représentativité de l’échantillon des producteurs-exportateurs, retenu en application de l’article 17 du règlement de base, ainsi que la motivation du règlement litigieux à cet égard.

15

Concernant le sixième moyen, le Tribunal a jugé, notamment au point 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en possession des renseignements nécessaires afin de procéder à la constitution de l’échantillon des producteurs communautaires sur la base des critères qui, selon elle, étaient les plus pertinents. Les requérantes n’ayant pas contesté la pertinence de ces critères, il a considéré que leur argumentation quant à la constitution de l’échantillon devait être rejetée. Il a également jugé, au point 173 de l’arrêt attaqué, que les allégations des requérantes concernant les données faussées prétendument fournies par deux sociétés italiennes ne pouvaient être considérées comme pertinentes que si lesdites données étaient susceptibles de remettre en cause les facteurs pris en compte par le Conseil afin d’établir l’existence d’un préjudice.

16

S’agissant du septième moyen du recours, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise en ce qui concerne les mauvais résultats à l’exportation de l’industrie communautaire, le Tribunal a jugé, au point 192 de l’arrêt attaqué, que c’est à juste titre que le Conseil avait constaté, au deux cent vingt-quatrième considérant du règlement litigieux, que l’essentiel de la production communautaire était destiné au marché communautaire et que, dès lors, les résultats à l’exportation n’étaient pas susceptibles d’avoir causé un préjudice important à l’industrie communautaire. Le Tribunal a aussi constaté, au point 196 de l’arrêt attaqué, que les effets résultant des importations en provenance d’autres États tiers n’étaient pas de nature à remettre en cause le lien de causalité existant entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire. En outre, ainsi que l’a jugé le Tribunal au point 199 dudit arrêt, lorsque les institutions constatent que les importations d’un produit assujetti jusqu’alors à des restrictions quantitatives augmentent après l’expiration de ces restrictions, elles peuvent tenir compte de cet accroissement aux fins de leur appréciation du préjudice subi par l’industrie communautaire. Il en a conclu, au point 200 du même arrêt, que les institutions avaient pris en compte plusieurs facteurs, concernant le préjudice et le lien de causalité, relatifs non seulement au dernier trimestre de la période d’enquête, mais aussi à la période considérée.

17

Enfin, le Tribunal a également rejeté le huitième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur recours, selon lequel l’appréciation du Conseil, dans le règlement litigieux, concernant le niveau que devaient atteindre les mesures antidumping définitives afin d’éliminer le préjudice, était manifestement erronée, en jugeant, au point 208 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire avait réalisée pour d’autres chaussures que celles visées par l’enquête, dès lors que ces autres chaussures sont suffisamment proches du produit concerné.

Les conclusions des parties

18

Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal n’a pas annulé le règlement litigieux et les a condamnées aux dépens de la procédure devant le Tribunal;

d’annuler le règlement litigieux, et

de condamner le Conseil aux dépens du pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.

19

Le Conseil demande à la Cour:

à titre principal, de rejeter le pourvoi;

à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

à titre plus subsidiaire, de rejeter le recours et, en tout état de cause, de condamner les requérantes aux dépens du pourvoi.

20

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens qu’elle a exposés.

Sur le pourvoi

21

À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent neuf moyens tirés, premièrement, d’une erreur de droit concernant l’application des articles 2, paragraphe 7, et 9, paragraphe 5, du règlement de base, deuxièmement, d’une erreur de droit relative à l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et d’un défaut de motivation quant au délai de trois mois tel qu’il a été appliqué aux demandes de SEM/TI des producteurs chinois faisant partie de l’échantillon, troisièmement, d’une erreur de droit concernant l’application de cet article 2, paragraphe 7, sous c), quant à ce même délai tel qu’il a été appliqué aux demandes de SEM/TI des requérantes, quatrièmement, d’une dénaturation des éléments de preuve, d’un défaut de motivation et d’une erreur de droit en ce qui concerne l’application des articles 3, paragraphes 2, 5 et 6, 4, paragraphe 1, ainsi que 5, paragraphe 4, du même règlement et, cinquièmement, d’une erreur de droit en ce qui concerne l’application de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Les quatre autres moyens invoqués au soutien du pourvoi concernent les constatations du Tribunal relatives au préjudice des producteurs communautaires et sont tirés, en premier lieu, d’une erreur de droit quant à l’application de l’article 3 du règlement de base et d’une dénaturation des éléments de preuve, en deuxième lieu, d’une erreur de droit commise en ce qui concerne l’obligation de l’autorité investigatrice d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents, en troisième lieu, d’une violation de l’article 253 CE et, en quatrième lieu, d’une erreur de droit commise en ce qui concerne l’application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

Sur les moyens tirés d’erreurs de droit relatives à l’application des articles 2, paragraphe 7, et 9, paragraphe 5, du règlement de base

22

Il y a lieu d’examiner conjointement les trois premiers moyens du pourvoi dans la mesure où ils concernent les erreurs prétendument commises dans le règlement litigieux à propos des demandes de SEM/TI des requérantes.

Argumentation des parties

23

Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne l’application des articles 2, paragraphe 7, sous c), et 9, paragraphe 5, du règlement de base, en jugeant que les institutions n’étaient pas tenues d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes ni d’en tenir compte d’une manière ou d’une autre. Selon ces dernières, si les producteurs-exportateurs chinois pouvaient démontrer qu’ils satisfont aux conditions prévues par ces dispositions, ils devaient être traités comme s’ils étaient établis dans un autre État que celui des producteurs qui ne satisfont pas à ces conditions, à savoir un État dans lequel n’existe pas une économie de marché. Par définition, lesdites dispositions ne pourraient être appliquées que de manière individuelle, car elles impliqueraient qu’il soit procédé à une caractérisation des conditions économiques dans lesquelles opère chaque société prise individuellement. Les requérantes constatent que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a réduit leur demande de SEM/TI à une demande visant à obtenir une marge de dumping individuelle au sens de l’article 17 du règlement de base. En tout état de cause, elles auraient demandé la reconnaissance du fait qu’elles opèrent dans une «Chine connaissant une économie de marché» et, dès lors, que le taux du droit moyen pondéré applicable aux producteurs opérant dans de telles conditions leur soit accordé. En outre, selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les institutions pouvaient valablement faire valoir le fait que le nombre de demandes de SEM/TI était si important que leur examen les aurait empêchées d’achever l’enquête en temps utile.

24

En ce qui concerne le deuxième moyen, les requérantes affirment que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’examinant pas leur allégation selon laquelle les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base en ne se prononçant pas sur la demande de SEM/TI des producteurs chinois faisant partie de l’échantillon dans le délai de trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête. En ne fournissant aucune motivation à cet égard, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation.

25

Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les requérantes ne pouvaient pas invoquer l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base pour ce qui concerne leurs propres demandes de SEM, au motif que la période de trois mois «concerne les cas dans lesquels la Commission est tenue d’examiner» les demandes de SEM/TI.

26

Selon le Conseil, le premier moyen consiste en une répétition du moyen tel qu’invoqué en première instance et qui a été rejeté par le Tribunal. Le Conseil soutient qu’il est constant que les exportateurs ne faisant pas partie de l’échantillon et dont la demande de SEM n’a pas été accueillie, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, ne peuvent pas obtenir une marge de dumping individuelle, qu’ils soient ou non établis dans un État à économie de marché. En conséquence, dans le cas d’États n’ayant pas une économie de marché, le SEM/TI a pour objet de permettre aux entreprises faisant partie de l’échantillon, ou à celles dont la demande a été accueillie conformément à cet article 17, paragraphe 3, d’obtenir une marge de dumping individuelle. En tout état de cause, les requérantes n’ont pas revendiqué le droit de bénéficier d’une marge de dumping individuelle ou d’un taux individuel de droit en première instance et, par conséquent, leur argumentation est dépourvue de pertinence.

27

La Commission rappelle que l’argument essentiel des requérantes consiste à soutenir que l’examen des demandes de SEM/TI des opérateurs qui ne font pas partie de l’échantillon peut être utile même lorsqu’une marge de dumping individuelle n’est pas attribuée à ces opérateurs. Elles affirmeraient que cet examen pourrait être utile si, en conséquence, les opérateurs concernés pouvaient obtenir le droit (moyen pondéré) des opérateurs faisant partie de l’échantillon bénéficiant du SEM ou d’un TI. Toutefois, le Tribunal a estimé, ce qui n’est pas contesté par les requérantes, que ce n’était pas possible en l’espèce. Selon la Commission, ces dernières ne présentent aucun raisonnement susceptible de justifier une obligation, pour les institutions, d’évaluer chaque demande de SEM/TI, même lorsque celles-ci décident d’avoir recours à la méthode de l’échantillonnage, obligation que le Tribunal aurait mal appliquée.

28

Concernant le deuxième moyen du pourvoi, le Conseil et la Commission soutiennent principalement que celui-ci est irrecevable en raison du fait qu’il constitue un moyen nouveau invoqué pour la première fois au stade du pourvoi.

29

Quant au troisième moyen, le Conseil considère que le délai de trois mois en cause s’applique expressément à «la question de savoir si le producteur remplit les critères du SEM». Lorsque cette question n’est pas examinée, ce délai de trois mois ne s’appliquerait pas. Selon la Commission, les institutions n’étaient pas obligées d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes, pour les mêmes raisons que celles évoquées en réponse au premier moyen de pourvoi. Ce moyen serait donc dépourvu de fondement.

Appréciation de la Cour

30

Il convient de relever, à titre liminaire, que selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 du même article, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché.

31

Toutefois, en vertu du paragraphe 7, sous b), dudit article, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance notamment de Chine, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au même paragraphe 7, sous c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné.

32

Il importe de souligner que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. À cet effet, ce même paragraphe 7, sous c), premier alinéa, prévoit que la requête présentée par un tel producteur doit contenir les preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, de ce qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés audit article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, sont satisfaits pour lui reconnaître le SEM et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste.

33

Ainsi qu’il ressort du point 14 de l’arrêt attaqué, les requérantes ont communiqué à la Commission les informations requises par le point 5.1, sous a), i), et sous e), de l’avis d’ouverture afin de se voir octroyer le SEM ou, à défaut, de bénéficier d’un TI. Les institutions de l’Union n’ont pas procédé à un examen individuel desdites demandes.

34

Il ressort en effet du soixante et unième considérant du règlement litigieux que les institutions concernées ont considéré, en se référant à l’article 17 du règlement de base, que, en raison de la nature de la technique d’échantillonnage, les exportateurs ne peuvent bénéficier d’une évaluation individuelle. Il a encore été précisé, audit considérant, que le nombre de demandes visant à obtenir le SEM et le TI était si important que, du point de vue administratif, un examen individuel des demandes, qui est effectué dans certains autres cas, était impossible. Les institutions de l’Union ont jugé raisonnable, dans ces circonstances, d’appliquer de la même manière à toutes les sociétés non retenues dans l’échantillon la marge moyenne pondérée qui a été calculée pour l’ensemble des sociétés de l’échantillon.

35

Aux points 72 à 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation des requérantes selon laquelle le règlement de base obligeait la Commission à examiner toute demande individuelle de SEM et de TI provenant d’un opérateur établi dans un pays n’ayant pas une économie de marché. Il a ainsi jugé, au point 78, que la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, lorsqu’elle a conclu, dans le cadre de l’application de l’article 17, paragraphe 3, dudit règlement, que le calcul de marges de dumping individuelles compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile.

36

Toutefois, le Tribunal a commis une erreur de droit dans la mesure où il a considéré que la Commission n’était pas tenue d’examiner les demandes de SEM fondées sur l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon.

37

À cet effet, il doit être relevé, premièrement, que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base fait partie des dispositions de ce règlement consacrées à la seule détermination de la valeur normale, tandis que l’article 17 du même règlement, relatif à l’échantillonnage, fait partie des dispositions portant notamment sur les méthodes disponibles pour la détermination de la marge de dumping. Partant, il s’agit de dispositions avec un contenu et une finalité différents.

38

Deuxièmement, l’obligation, dans le chef de la Commission, de se prononcer sur une demande d’un opérateur qui souhaite bénéficier du SEM ressort expressément de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. En effet, cette disposition établit l’obligation de déterminer la valeur normale, conformément aux paragraphes 1 à 6 du même article, s’il est avéré, sur la base des requêtes dûment documentées et présentées par un ou plusieurs producteurs, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ces producteurs. Une telle obligation relative à la reconnaissance des conditions économiques dans lesquelles opère chaque producteur, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné, n’est pas conditionnée par la manière dont la marge de dumping sera calculée.

39

Troisièmement, selon l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, la question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés au premier alinéa du même paragraphe 7, sous c), pour bénéficier du SEM doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête.

40

Par conséquent, les trois premiers moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi, en ce qu’ils sont fondés sur une violation de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, doivent être accueillis. Partant, il convient d’annuler l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi.

Sur le recours de première instance

41

Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

42

Il résulte tout d’abord des points 36 à 40 du présent arrêt que la Commission aurait dû examiner les requêtes documentées que les requérantes lui avaient soumises sur le fondement de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base en vue de bénéficier du SEM dans le cadre de la procédure antidumping visée par le règlement litigieux. Il doit être constaté, ensuite, qu’il n’est pas exclu qu’un tel examen aurait conduit à l’imposition, à leur égard, d’un droit antidumping définitif différent du droit de 16,5 % qui leur est applicable en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement litigieux. En effet, il ressort de cette même disposition qu’un droit antidumping définitif de 9,7 % a été imposé à l’égard du seul opérateur chinois figurant dans l’échantillon qui a obtenu le SEM. Or, ainsi qu’il ressort du point 38 du présent arrêt, si la Commission avait constaté que les conditions d’une économie de marché prévalaient également pour les requérantes, ces dernières, lorsque le calcul d’une marge de dumping individuelle n’était pas possible, auraient dû également bénéficier de ce dernier taux.

43

Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler le règlement litigieux en tant qu’il concerne les requérantes.

Sur les dépens

44

En vertu de l’article 122, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. L’article 69 du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, dispose, à son paragraphe 2, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Quant au paragraphe 4 du même article 69, il prévoit, à son premier alinéa, que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens et, à son troisième alinéa, que la Cour peut décider qu’une partie intervenante, autre que celles expressément mentionnées aux alinéas précédents, supportera ses propres dépens.

45

Le pourvoi des requérantes étant accueilli et le règlement litigieux étant annulé en tant qu’il les concerne, il y a lieu de condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par les requérantes, tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions en ce sens de ces dernières. Par ailleurs, la Commission et la CEC supportent leurs propres dépens exposés tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T-401/06), est annulé.

 

2)

Le règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam, est annulé en tant qu’il concerne Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd et Risen Footwear (HK) Co. Ltd.

 

3)

Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter les dépens exposés par Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd et Risen Footwear (HK) Co. Ltd tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure.

 

4)

La Commission européenne et la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC) supportent leurs propres dépens exposés tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.