Affaire C-242/10

Enel Produzione SpA

contre

Autorità per l'energia elettrica e il gas

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia)

«Directive 2003/54/CE — Marché intérieur de l’électricité — Installations de production d’électricité essentielles au fonctionnement du réseau électrique — Obligation de présenter des offres sur le marché de la bourse nationale de l’électricité conformément aux limites et aux critères établis par le gestionnaire de réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique — Service d’appel et d’ajustement — Obligations de service public»

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Mesures de rapprochement — Règles communes pour le marché intérieur de l'électricité — Directive 2003/54

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/54, art. 3, § 2, et 11, § 2 et 6)

La directive 2003/54, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92, et en particulier les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, aux fins de la réduction du prix de l’électricité dans l’intérêt du consommateur final et de la sécurité du réseau électrique, impose aux opérateurs qui possèdent des installations ou des groupements d’installations considérés, selon les critères définis par l’autorité de régulation nationale, comme essentiels à la satisfaction des besoins de la demande en électricité des services d’appel l’obligation de présenter des offres sur les marchés nationaux de l’électricité aux conditions préalablement établies par cette autorité, pour autant que cette réglementation n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que l'objectif qu'elle poursuit soit atteint. Il incombe à la juridiction nationale de vérifier si cette condition est remplie.

(cf. point 89 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Directive 2003/54/CE – Marché intérieur de l’électricité – Installations de production d’électricité essentielles au fonctionnement du réseau électrique – Obligation de présenter des offres sur le marché de la bourse nationale de l’électricité conformément aux limites et aux critères établis par le gestionnaire de réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique – Service d’appel et d’ajustement – Obligations de service public»

Dans l’affaire C‑242/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie), par décision du 21 janvier 2010, parvenue à la Cour le 17 mai 2010, dans la procédure

 Enel Produzione SpA

contre

 Autorità per l’energia elettrica e il gas,

en présence de:

 Terna rete elettrica nazionale SpA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Enel Produzione SpA, par Mes G. Greco et M. Muscardini, avvocati,

–        pour Terna rete elettrica nazionale SpA, par Mes A. Clarizia, P. Ziotti, P. Clarizia et G. Guida, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. C. Zadra et Mme O. Beynet, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 23 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE ainsi que des articles 11, paragraphes 2 et 6, et 24, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37, et rectificatif JO 2004, L 16, p. 74).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Enel Produzione SpA (ci-après «Enel») à l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (ci-après l’«AEEG») au sujet de la réglementation nationale obligeant les producteurs d’énergie électrique disposant d’installations essentielles au fonctionnement du réseau électrique à respecter, dans la formulation des offres de fourniture d’électricité, des règles établies par la société gestionnaire du réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique (ci-après le «gestionnaire de réseau»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La directive 2003/54 fait partie du «second paquet énergie» adopté par le législateur de l’Union en vue de la libéralisation progressive d’un marché intérieur de l’électricité et du gaz. Conformément à son article 1er, la directive 2003/54 «établit des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité, l’accès au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne les appels d’offres et l’octroi des autorisations ainsi que l’exploitation des réseaux».

4        Sous le chapitre II, intitulé «Règles générales d’organisation du secteur», l’article 3 de la directive 2003/54, intitulé «Obligations de service public et protection des consommateurs», dispose, à son paragraphe 2:

«En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique et la protection du climat. Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantissent aux entreprises d’électricité de l’Union européenne un égal accès aux consommateurs nationaux. [...]»

5        L’article 9 de ladite directive, relatif aux tâches des gestionnaires de réseau de transport, prévoit:

«Chaque gestionnaire de réseau de transport est tenu de:

a)      garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de transport d’électricité;

b)      contribuer à la sécurité d’approvisionnement grâce à une capacité de transport et une fiabilité du réseau adéquates;

[...]»

6        L’article 11 de la même directive, intitulé «Appel et ajustement», dispose, à ses paragraphes 2 et 6:

«2.      L’appel des installations de production et l’utilisation des interconnexions sont faits sur la base de critères qui peuvent être approuvés par l’État membre, et qui doivent être objectifs, publiés et appliqués de manière non discriminatoire, afin d’assurer un bon fonctionnement du marché intérieur de l’électricité. Ils tiennent compte de l’ordre de préséance économique de l’électricité provenant des installations de production disponibles ou de transferts par interconnexion, ainsi que des contraintes techniques pesant sur le réseau.

[...]

6.      Les gestionnaires de réseau de transport se procurent l’énergie qu’ils utilisent pour couvrir les pertes d’énergie et maintenir une capacité de réserve dans leur réseau selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché, à chaque fois qu’ils assurent cette fonction.»

7        Sous le chapitre V, intitulé «Exploitation du réseau de distribution», l’article 14 de la directive 2003/54, relatif aux tâches des gestionnaires de réseau de distribution, dispose:

«1.      Le gestionnaire de réseau de distribution veille à assurer la sécurité du réseau de distribution d’électricité, sa fiabilité et son efficacité dans la zone qu’il couvre, dans le respect de l’environnement.

2.      En tout état de cause, le gestionnaire de réseau de distribution doit s’abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs du réseau ou les catégories d’utilisateurs du réseau, notamment en faveur de ses entreprises liées.

[...]

6.      Lorsque les gestionnaires de réseaux de distribution sont chargés d’assurer l’équilibre du réseau de distribution, les règles qu’ils adoptent à cet effet doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires, y compris les règles de tarification pour les redevances à payer par les utilisateurs du réseau en cas de déséquilibre. Les conditions, y compris les règles et les prix, applicables pour la prestation de ces services par les gestionnaires de réseau de distribution sont établies d’une manière non discriminatoire et en tenant compte des coûts, selon une méthode compatible avec l’article 23, paragraphe 2, et sont publiées.

[...]»

8        Sous le chapitre VII, intitulé «Organisation de l’accès au réseau», l’article 23 de cette directive, qui concerne les autorités de régulation, prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres désignent un ou plusieurs organes compétents chargés d’exercer les fonctions d’autorités de régulation. Ces autorités sont totalement indépendantes du secteur de l’électricité. Elles sont au minimum chargées, par l’application du présent article, d’assurer la non-discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché, notamment en ce qui concerne:

[...]

b)      tout dispositif visant à remédier à l’encombrement du réseau national d’électricité;

[...]

g)      la mesure dans laquelle les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution s’acquittent des tâches leur incombant conformément aux articles 9 et 14;

[...]»

9        L’article 24 de la directive 2003/54, intitulé «Mesures de sauvegarde», prévoit que, en cas de crise soudaine sur le marché de l’énergie et de menace pour la sécurité physique ou la sûreté des personnes, des appareils ou des installations, ou encore l’intégrité du réseau, un État membre peut prendre temporairement les mesures de sauvegarde nécessaires, qu’il doit immédiatement notifier à la Commission européenne.

 Le droit national

10      Le décret législatif n° 79, du 16 mars 1999 (GURI n° 75, du 31 mars 1999, ci-après le «décret Bersani»), a mis en œuvre la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20).

11      L’article 2, paragraphe 10, de ce décret définit l’appel comme «l’activité visant à impartir des ordres relatifs à l’utilisation et au fonctionnement coordonnés des installations de production, du réseau de transport et des services auxiliaires». Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, l’appel est l’opération par laquelle le gestionnaire de réseau «appelle» les installations de production disposant d’une réserve de capacité appropriée et situées dans sa zone, en fonction des exigences de la demande, en vue d’assurer, à chaque instant, l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sur le réseau, et ainsi garantir la continuité de la fourniture d’électricité.

12      Conformément aux articles 3, paragraphe 3, et 5, du décret Bersani, l’AEEG a adopté, le 30 décembre 2003, la décision n° 168/03 (supplément ordinaire à la GURI n° 24, du 30 janvier 2004) afin de faire face au pouvoir de marché local de certaines installations de production indispensables pour satisfaire la demande d’électricité dans des conditions de sécurité suffisantes. Cette décision définit les conditions de fonctionnement du service d’appel d’électricité et d’approvisionnement en ressources énergétiques correspondantes.

13      Ainsi que le prévoit le décret du ministre des Activités productives du 19 décembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 301, du 30 décembre 2003), le marché italien de l’électricité est organisé en trois marchés distincts, à savoir, premièrement, le marché du jour d’avant (ci-après le «MJA»), où se négocient les offres d’achat et de vente d’électricité pour chaque période pertinente du jour suivant, deuxièmement, le marché infrajournalier (ci-après le «MI»), où se négocient les offres d’achat et de vente d’électricité pour l’ajustement des programmes d’introduction et de prélèvement définis sur le MJA, et, troisièmement, le marché des services d’appel (ci-après le «MSA»), subdivisé en marché des services d’appel ex ante et marché de l’équilibrage.

14      La décision n° 111/06, adoptée le 9 juin 2006 par l’AEEG (supplément ordinaire à la GURI n° 153, du 4 juillet 2006, ci-après la «décision n° 111/06»), a modifié la décision n° 168/03 citée au point 12 du présent arrêt en dotant le principal gestionnaire de réseau, à savoir Terna rete elettrica nazionale SpA (ci-après «Terna»), d’un instrument permettant de repérer les ressources nécessaires aux fins du service d’appel. Il s’agit du régime des installations essentielles au fonctionnement et à la sécurité du réseau électrique (ci-après le «régime des installations essentielles»). Les dispositions relatives au régime des installations essentielles étaient contenues dans la section 3, titre 2, de l’annexe A de la décision n° 111/06 et, notamment, dans les articles 63, 64 et 65 de cette annexe.

15      Le décret-loi n° 185, du 29 novembre 2008, tel que converti et modifié par la loi n° 2, du 28 janvier 2009 (supplément ordinaire à la GURI n° 22, du 28 janvier 2009), concernant des mesures urgentes de soutien aux ménages, au travail, à l’emploi et aux entreprises et visant à la modification du cadre stratégique national par des mesures anticrise (supplément ordinaire à la GURI n° 280, du 29 novembre 2008, ci-après le «décret-loi n° 185»), a repris les grandes lignes du régime des installations essentielles. Son article 3, paragraphe 10, prévoit les principes auxquels doit se conformer la réglementation relative au marché de l’électricité «compte tenu de la crise économique internationale exceptionnelle et de ses effets sur le marché des prix des matières premières, afin de garantir une réduction des charges pour les ménages et les entreprises et de diminuer le prix de l’électricité».

16      S’agissant, en particulier, du MSA, l’article 3, paragraphe 10, sous d), du décret-loi n° 185 prévoit que «[s]a gestion est confiée au concessionnaire du service de transport et d’appel afin de permettre la sélection des besoins en ressources nécessaires pour garantir la sécurité du réseau électrique sur la base des différentes prestations que chaque ressource fournit au réseau, au moyen d’une valorisation transparente et efficace du point de vue économique. Les services d’appel sont assurés par l’achat des ressources nécessaires par les opérateurs habilités. Sur le [MSA], le prix de l’énergie est déterminé sur la base des différents prix offerts de manière contraignante par chaque utilisateur habilité et acceptés par le concessionnaire des services d’appel, la préséance étant accordée aux offres dont les prix sont les plus bas jusqu’à la satisfaction complète des besoins [...]»

17      L’article 3, paragraphe 11, du décret-loi n° 185 prévoit, en substance, que, afin de garantir l’allègement des charges supportées par les ménages et les entreprises et de réduire le prix de l’énergie électrique:

«l’[AEEG] adapte ses propres décisions, y compris en ce qui concerne l’appel d’énergie électrique, en se conformant aux principes et aux critères directeurs suivants:

a)      les entités disposant individuellement d’installations ou de groupements d’installations essentielles à la satisfaction des besoins des services d’appel, telles qu’elles sont identifiées sur la base des critères établis par l’[AEEG] conformément aux principes visés au présent point, sont tenues de présenter des offres sur les marchés aux conditions fixées par l’[AEEG], laquelle met en œuvre des mécanismes ponctuels visant à minimiser les coûts du système et à garantir une rémunération équitable des fournisseurs: sont notamment indispensables à la couverture des besoins des services d’appel, uniquement au cours des périodes où les conditions décrites ci-après se vérifient, les installations qui, d’un point de vue technique et structurel, s’avèrent indispensables à la résolution d’encombrements du réseau ou au maintien de niveaux suffisants de sécurité du système électrique national pendant une période significative;

b)      des mesures sont adoptées pour l’amélioration de l’efficacité du [MSA], l’incitation à la réduction du coût d’approvisionnement desdits services, la contractualisation des ressources à terme et la stabilisation de la contrepartie due par les clients finals.»

18      En application du décret-loi n° 185 et de la loi n° 2/09, l’AEEG a adopté, le 29 avril 2009, la décision n° ARG/elt 52/09 (supplément ordinaire à la GURI n° 133, du 11 juin 2009, ci-après la «décision n° 52/09»), dont l’article 1er porte modification des articles 63, 64 et 65 de l’annexe A de la décision n° 111/06. Par la décision n° 52/09, l’AEEG a introduit une nouvelle réglementation en matière d’appel applicable aux installations essentielles au fonctionnement et à la sécurité du réseau électrique.

19      Au sens de l’article 63, paragraphe 9, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, le gestionnaire de réseau doit chaque année prévoir et publier une liste énumérant les installations et les groupements d’installations considérés comme indispensables au fonctionnement et à la sécurité du réseau électrique. Ces installations sont soumises aux obligations d’offre et au régime de rémunération décrits aux articles 63 à 65 de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09.

20      Le régime prévu à l’article 64 de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09 (ci-après le «régime ordinaire»), prévoit que le propriétaire d’une installation essentielle est tenu de présenter, pour les quantités et pendant la période au cours de laquelle son installation est considérée comme essentielle, des offres soumises aux contraintes suivantes:

–        sur le MJA et sur le MI, les offres de vente doivent être faites à un prix égal à zéro et les offres d’achat sans indication de prix, et

–        sur le MSA, les offres doivent être égales au prix de l’électricité vendue sur le MJA.

21      Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, le producteur a la faculté d’offrir un prix librement déterminé en ce qui concerne les quantités et les heures qui ne sont pas considérées comme essentielles.

22      La décision n° 52/09 a en outre introduit dans l’annexe A de la décision n° 111/06 un article 65 bis qui prévoit la possibilité pour le propriétaire d’installations essentielles de choisir pour ses propres installations, sur une base contractuelle, une modalité d’offre différente de celle prévue aux articles 63 à 65 de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, de sorte qu’aucune des installations de production dont il dispose ne sera inscrite sur la liste des installations essentielles pour l’année civile sur laquelle porte le contrat.

Le litige au principal et la question préjudicielle

23      Enel, en sa qualité de société productrice d’énergie électrique possédant des installations considérées comme essentielles, a saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant à l’annulation de la décision n° 52/09 en faisant notamment valoir qu’elle était contraire à la directive 2003/54 et, en particulier, à l’article 11, paragraphes 2 et 6, de celle-ci.

24      Enel soutient que, dans le système introduit par la réglementation attaquée, la mise à disposition de la quantité d’énergie nécessaire au fonctionnement des services d’appel par le gestionnaire de réseau échappe au jeu de l’offre et de la demande et s’effectue sur la base d’ordres, impartis aux entreprises possédant des installations ou des groupements d’installations essentielles, de mettre à disposition des quantités déterminées d’énergie sur l’ensemble des marchés qui constituent la bourse de l’électricité, à savoir le MJA, le MI et le MSA, à un prix non pas déterminé par le producteur dans le cadre de sa stratégie commerciale, mais imposé par l’AEEG, en fonction du prix moyen en bourse déterminé sur le MJA et le MI, sur la base de tarifs étrangers aux valeurs du marché boursier spécifique de référence, qui est le MSA.

25      Cela serait contraire aux objectifs et aux dispositions de la directive 2003/54 qui prévoirait, aux fins de l’uniformisation des législations des différents États membres, que la production et l’offre d’énergie électrique s’inscrivent dans un contexte de libre concurrence et non en suivant un modèle dirigiste. La réglementation prévue par la décision n° 52/09 serait également contraire aux paragraphes 2 et 6 de l’article 11 de cette directive, qui prévoient, respectivement, que les services d’appel tiennent compte de l’ordre de préséance économique de l’électricité provenant des installations de production, en sélectionnant les offres disponibles sur la base du critère économique, et que les gestionnaires de réseau sont tenus de se procurer l’énergie qu’ils utilisent pour couvrir les pertes d’énergie et maintenir une capacité de réserve dans leur réseau selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché.

26      La juridiction de renvoi se demande si la réglementation nationale en cause est compatible avec les règles du traité relatives à la liberté d’établissement, à la libre prestation des services ainsi qu’à la liberté de circulation des marchandises et des capitaux. L’imposition de l’obligation de contracter constituerait en effet une ingérence substantielle dans la liberté de contracter dont jouissent, en principe, les opérateurs économiques et serait de nature à entraîner pour eux des charges supplémentaires et un changement de stratégie commerciale. La liberté d’établissement serait également entravée par la prédétermination du prix de vente de l’énergie.

27      La juridiction de renvoi doute que les mesures prévues par la réglementation nationale en cause puissent être justifiées au titre des dérogations accordées par l’article 86, paragraphe 2, CE et par l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/54, car il ne serait pas certain qu’elles puissent constituer des obligations de service public.

28      Cette juridiction doute également du caractère proportionné desdites mesures. En effet, celles-ci ne seraient pas destinées à mettre en œuvre les conditions de concurrence sur le MSA en vue de réduire le pouvoir des opérateurs qui possèdent des positions pivots, mais limiteraient, aux fins de réduire ce pouvoir, le rôle du MSA au bénéfice d’un système administratif de fourniture de l’énergie par le gestionnaire de réseau. En outre, il ne serait pas démontré que le pouvoir de marché desdits opérateurs ne pourrait être réduit par des mesures conciliables avec le choix de libéralisation du marché.

29      La juridiction de renvoi relève enfin que les mesures en cause sont de nature à constituer une dérogation permanente au régime du marché intérieur de l’énergie. De telles mesures ne sauraient, en outre, constituer des «mesures de sauvegarde» au sens de l’article 24 de la directive 2003/54.

30      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 23 [CE], 43 [CE], 49 [CE] et 56 [CE] ainsi que [les articles] 11, paragraphes 2 et 6, et [...] 24 de la directive 2003/54 s’opposent-ils à une réglementation nationale qui, sans avoir été notifiée à la Commission [...], impose de manière permanente à certains producteurs d’électricité jouant, dans des conditions données, un rôle essentiel pour la satisfaction des besoins de la demande pour les services d’appel de présenter des offres sur les marchés de la bourse de l’électricité suivant des programmes arrêtés de façon hétéronome par le gestionnaire [de] réseau, et qui soustrait la rémunération de ces offres à la libre décision du producteur en la rattachant à des paramètres qui n’ont pas été déterminés à l’avance selon des ‘procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché’?»

 Sur la question préjudicielle

 Considérations liminaires

31      Par sa question, la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur l’interprétation des dispositions de l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux.

32      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour ne peut statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’elle ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 25, ainsi que du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 53). La décision de renvoi doit indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Dans ce contexte, il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt Centro Europa 7, précité, point 54 et jurisprudence citée).

33      Or, la juridiction de renvoi ne fournit aucune explication sur le lien qu’elle établit entre, d’une part, les dispositions du traité sur la libre circulation des capitaux et, d’autre part, le litige au principal ou l’objet de ce litige. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, en ce qu’elle a trait aux dispositions du traité sur la libre circulation des capitaux, la question est irrecevable.

34      S’agissant des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises, la libre prestation des services et la liberté d’établissement qui ont été invoquées par la juridiction de renvoi, il importe de remarquer, d’une part, que la directive 2003/54 a été adoptée sur la base, notamment, des articles 47, paragraphe 2, CE et 55 CE relatifs auxdites libertés. D’autre part, le litige au principal a pour origine un recours contre la réglementation nationale relative au service d’appel. Or, ce dernier fait précisément l’objet de l’article 11 de la directive 2003/54. Aux fins du litige au principal, cette directive assure la mise en œuvre dans le secteur de l’électricité des libertés fondamentales consacrées par le traité, dont la libre circulation des marchandises, la libre prestation des services et la liberté d’établissement, et contribue ainsi à leur garantie. C’est donc au regard de ladite directive qu’il faut examiner l’éventuelle existence d’entraves à ces libertés.

35      En ce qui concerne l’article 24 de la directive 2003/54 mentionné par la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever que cet article a pour objet les mesures de sauvegarde qu’un État membre est autorisé à prendre pour faire face à des risques exceptionnels pesant sur le réseau. Il convient toutefois de relever que, même si le décret-loi n° 185 a été adopté «compte tenu de la crise économique internationale et de ses effets sur les prix des matières premières», il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que l’adoption de cette réglementation relève d’un cas de crise soudaine sur le marché de l’énergie ou de menace pour la sécurité physique ou la sûreté des personnes, des appareils ou des installations, ou encore l’intégrité du réseau, ainsi que l’envisage cet article 24. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ledit article n’est pas pertinent aux fins de la réponse à la demande de décision préjudicielle.

36      Il convient par ailleurs de relever que, dans la mesure où la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la question de savoir si les mesures en question peuvent constituer des obligations de service public, il y a lieu également de prendre en compte l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/54, en vertu duquel les États membres peuvent imposer de telles obligations aux entreprises du secteur de l’électricité.

37      En considération de ces éléments et pour donner à la juridiction de renvoi une réponse utile aux fins de la solution du litige au principal, la question posée doit être comprise comme visant à apprécier si la directive 2003/54, et en particulier les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs qui possèdent des installations ou des groupements d’installations considérés, selon les critères définis par l’autorité de régulation nationale, comme essentiels à la satisfaction des besoins de la demande en électricité des services d’appel, l’obligation de présenter des offres sur les marchés nationaux de l’électricité aux conditions préalablement établies par cette autorité.

 Les conditions de l’intervention des États membres

 Obligations de service public

38      L’article 3 de la directive 2003/54 prévoit, à son paragraphe 2, que, en tenant pleinement compte de l’article 86 CE, les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture.

39      Il y a lieu de relever que les États membres sont tenus, en application de l’article 3, paragraphe 9, de la directive 2003/54, d’informer la Commission de toutes les mesures prises pour remplir les obligations de service public, y compris la protection des consommateurs, et de leurs effets éventuels sur la concurrence nationale et internationale, que ces mesures nécessitent ou non une dérogation à cette directive, et de lui notifier, tous les deux ans, toute modification éventuelle de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2010, Federutility e.a., C‑265/08, Rec. p. I‑3377, point 23) et que la notification de ces mesures permet de vérifier si un État membre a voulu imposer une obligation de service public. Toutefois, l’absence de notification ne saurait suffire, à elle seule, à démontrer que la réglementation en cause ne constitue pas une obligation de service public.

40      L’article 86, paragraphe 2, CE prévoit, d’une part, que les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles de concurrence dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie et, d’autre part, que le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

41      Ainsi que la Cour l’a précisé, cette disposition vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises en tant qu’instrument de politique économique ou sociale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96, Rec. p. I‑5751, point 103 et jurisprudence citée).

42      Il résulte ainsi des termes mêmes de l’article 86 CE que les obligations de service public que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/54 permet d’imposer aux entreprises doivent respecter le principe de proportionnalité et que, dès lors, ces obligations ne peuvent porter atteinte à la libre fixation du prix de la fourniture de l’électricité que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de l’objectif d’intérêt économique général qu’elles poursuivent (arrêt Federutility e.a., précité, point 33).

 La réglementation de l’Union sur le marché de l’électricité et les services d’appel

43      Dans le cadre de la libéralisation progressive du marché de l’électricité, les autorités de régulation, désignées par les États membres, ont été dotées de responsabilités particulières. En effet, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous b) et g), de la directive 2003/54, les autorités de régulation, telles que l’AEEG, sont chargées d’assurer l’absence de discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché notamment en ce qui concerne les dispositifs visant à remédier à l’encombrement du réseau national d’électricité et la mesure dans laquelle les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution s’acquittent des tâches leur incombant conformément aux articles 9 et 14 de cette directive.

44      L’article 9, sous a) et b), de la directive 2003/54 prévoit que le gestionnaire de réseau est tenu de garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de transport d’électricité et de contribuer à la sécurité d’approvisionnement grâce à une capacité de transport et une fiabilité du réseau adéquates. L’article 14, paragraphes 1, 2 et 6, de cette directive prévoit que ce gestionnaire veille à assurer la sécurité du réseau, sa fiabilité et son efficacité dans la zone qu’il couvre, tout en s’abstenant de toute discrimination entre les utilisateurs du réseau.

45      En ce qui concerne, en particulier, les services d’appel, il convient de relever que, conformément aux articles 9 et 11 de la directive 2003/54, le gestionnaire de réseau est responsable de la gestion des flux d’électricité sur le réseau afin d’assurer sa sécurité, sa fiabilité et son efficacité. Cette directive fait ainsi peser sur le gestionnaire de réseau la responsabilité de l’appel des installations de production situées dans sa zone.

46      En vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/54, l’appel des installations de production doit être fait sur la base de critères qui peuvent être approuvés par l’État membre concerné, et qui doivent être objectifs, publiés et appliqués de manière non discriminatoire. Ces critères doivent tenir compte de l’ordre de préséance économique de l’électricité provenant des installations de production disponibles ainsi que des contraintes techniques pesant sur le réseau. Quant au paragraphe 6 de cet article, il prévoit, en substance, que le gestionnaire de réseau se procure l’énergie qu’il utilise selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché.

47      Les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de la directive 2003/54 permettent à l’État membre concerné d’imposer, par l’intermédiaire des autorités de régulation et des gestionnaires de réseau, des obligations de service public aux entreprises disposant d’installations de production nécessaires à la satisfaction des besoins du service d’appel, pour autant que les conditions énoncées à ces dispositions sont réunies.

48      Une réglementation prévoyant une telle intervention doit poursuivre un objectif d’intérêt économique général et respecter le principe de proportionnalité. En outre, lesdites obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantir auxdites entreprises un égal accès aux consommateurs nationaux. En tout état de cause, l’appel de ces installations doit être fait selon des critères objectifs, publiés et appliqués de manière non discriminatoire, qui tiennent compte de la préséance économique de l’électricité provenant desdites installations ainsi que des contraintes techniques du réseau.

49      Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier, dans le cadre du litige au principal, si ces exigences sont remplies. Toutefois, il appartient à la Cour de lui donner toutes les indications nécessaires à cet effet au regard du droit de l’Union.

 L’intérêt économique général

50      Il importe de rappeler que les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général. Ils peuvent en particulier tenir compte d’objectifs propres à leur politique nationale (voir, en ce sens, arrêts précités Albany, point 104, ainsi que Federutility e.a., point 29).

51      Ainsi qu’il ressort de l’article 3 du décret Bersani, le service d’appel de l’électricité est un service public destiné à assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sur le réseau de transport national, garantissant ainsi la sécurité et la continuité de la fourniture d’énergie.

52      En ce qui concerne la question de savoir si une entreprise, telle que Terna, a été chargée de la gestion de services d’intérêt général, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette entreprise s’est vu conférer, par une concession de droit public, la responsabilité du service d’appel.

53      S’agissant, en particulier, du régime des installations essentielles, celui-ci a été adopté, ainsi que le rappelle l’article 3, paragraphe 10, du décret-loi n° 185, afin de garantir l’allègement des charges supportées par les ménages et les entreprises ainsi que de réduire le prix de l’énergie électrique.

54      Les obligations visées au point précédent répondent à des préoccupations de sécurité du réseau et de protection du consommateur, admises par l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/54. Il doit donc être admis, en principe, que le régime des installations essentielles poursuit un objectif d’intérêt économique général.

 Le respect du principe de proportionnalité

55      Si, ainsi qu’il ressort du point 42 du présent arrêt, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/54, lu en combinaison avec l’article 86 CE, permet d’imposer aux entreprises chargées de la gestion d’un service public des obligations concernant, notamment, la fixation du prix de la fourniture de l’électricité, une réglementation nationale imposant de telles obligations doit être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint, en vue de répondre au critère de proportionnalité.

56      Il convient dès lors d’examiner si une réglementation telle que celle en cause au principal est propre à garantir la réalisation des objectifs invoqués, à savoir la sécurité du réseau et la protection du consommateur.

57      Il ressort du dossier soumis à la Cour que cette réglementation nationale s’applique uniquement aux opérateurs disposant d’installations essentielles, c’est-à-dire dans les cas où il n’existe qu’une seule unité de production qui, en raison de ses caractéristiques techniques et de la rapidité de variation de sa puissance, est en mesure d’offrir les ressources nécessaires aux exigences de l’appel. Sur un marché tel que celui de l’électricité, dans lequel la demande est caractérisée par une absence d’élasticité, et le bien en cause n’étant pas susceptible d’être stocké, une telle installation serait indispensable à la résolution des encombrements et/ou au maintien des niveaux de sécurité du système. Ce caractère indispensable, ou essentiel, conférerait à l’opérateur disposant d’une telle installation le statut d’opérateur en position stratégique et incontournable.

58      La République italienne a souligné à cet égard, sans être contredite, que cette situation a causé une augmentation non justifiée des coûts et du prix final de l’électricité, augmentation qui ne correspondrait pas à un accroissement réel des coûts et risquerait d’affecter la sécurité des approvisionnements.

59      À ce propos, il ne saurait être a priori exclu qu’une augmentation excessive du prix des offres à la vente, du fait de l’existence de telles positions stratégiques et incontournables, soit répercutée sur le prix de l’électricité payé par les consommateurs finals et les entreprises.

60      Dans ces conditions, il peut être admis que l’application du régime des installations essentielles à l’égard des producteurs dont il est estimé qu’ils occupent une position stratégique et incontournable sur le marché soit propre à garantir la sécurité du réseau et la protection du consommateur.

61      S’agissant du régime des installations essentielles tel qu’il a été modifié par la décision n° 52/09, il ressort du dossier soumis à la Cour que le décret-loi n° 185 et la décision n° 52/09 ont été adoptés à la suite du constat du manque d’efficacité du système alors en vigueur, en raison du faible nombre de centrales considérées comme essentielles, mais également en raison du fait que le caractère «essentiel» s’appliquait uniquement aux installations individuelles et non aux entreprises qui les possédaient, de sorte qu’«il pouvait arriver que la soumission d’une seule installation au régime contraignant ne suffise pas à éliminer les situations de position dominante sur le marché de certains opérateurs qui, en tant que propriétaires d’autres installations, globalement indispensables à la couverture des besoins d’appel, auraient en tout état de cause pu déterminer de manière unilatérale le prix de vente de la quantité marginale d’énergie nécessaire dans certaines conditions de fonctionnement du réseau».

62      Dès lors, dans la mesure où, aux termes de l’article 63, paragraphe 2, sous a), de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, Terna considère comme essentielle toute installation sans laquelle il serait impossible de garantir la sécurité du réseau et où, en vertu du paragraphe 3, sous a) et b), de cet article, il s’agit des installations de production qui sont strictement nécessaires et indispensables à la satisfaction des besoins du service d’appel, une réglementation telle que le régime des installations essentielles est susceptible de garantir la sécurité du réseau et la protection du consommateur.

63      Il convient néanmoins d’apprécier si cette méthode d’intervention ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt économique général poursuivis.

64      Enel a fait valoir à cet égard, sans être contredite, que la décision n° 52/09 a eu pour effet de soumettre au régime des installations essentielles une partie considérable de sa capacité de production, cette dernière étant passée de 500 MW à plus de 10 000 MW. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier le bien-fondé de cette affirmation.

65      Il convient d’examiner, dans ce contexte, les principales caractéristiques du régime des installations essentielles tel qu’il a été modifié par la décision n° 52/09.

66      L’article 63, paragraphe 9, sous b), de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoit que Terna est compétente pour déterminer le nombre d’heures et la puissance des installations et/ou des groupements d’installations qualifiés d’essentiels. Terna inscrit donc les unités et les installations uniquement pendant des plages horaires et pour les quantités pour lesquelles l’installation de production est réputée essentielle à la sécurité du réseau. En ce qui concerne les quantités qui ne sont pas considérées comme essentielles, le régime ordinaire prévoit que le producteur a la faculté d’offrir sur le marché la quantité qu’il veut au prix qu’il souhaite.

67      En outre, l’article 64, paragraphes 3 et 4, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoit que, dans la détermination des limites et des critères concernant le MSA, Terna doit prendre en compte les résultats obtenus sur le MJA et sur le MI. S’agissant, plus précisément, du prix des offres de vente ou d’achat acceptées sur le MSA, l’article 64, paragraphe 7, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoit qu’il équivaut au prix de vente de l’électricité sur le MJA dans la zone de localisation de l’installation de production. Dès lors, s’il est vrai que cette énergie ne sera pas payée au prix que l’utilisateur de l’appel aurait pu proposer et obtenir sur ces marchés, l’offre sur le MJA et sur le MI devant être égale à zéro, il y a lieu de constater qu’elle lui sera payée au prix moyen du marché correspondant à la même zone.

68      Dans ces conditions, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir Enel, l’énergie mise à disposition sur le MSA n’apparaît pas rémunérée sur la base de tarifs totalement étrangers aux valeurs du marché boursier spécifique de référence. L’article 64, paragraphe 7, de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoyant que cette énergie sera payée au prix moyen du marché correspondant à la zone de localisation de l’installation de production, il y a lieu de constater que, ainsi que le prévoit d’ailleurs l’article 3, paragraphe 11, du décret-loi n° 185, ce régime semble de nature à garantir une rémunération équitable des opérateurs disposant de telles installations.

69      De plus, l’article 64, paragraphe 8, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoit que, si ce prix est inférieur aux coûts variables de l’installation, Terna accorde à l’opérateur disposant de l’installation essentielle une compensation correspondant à la différence, si elle est positive, entre le coût variable accordé aux unités de production de ladite installation et le prix de vente de l’électricité sur le MJA. Il ressort du dossier soumis à la Cour qu’un tel mécanisme vise à garantir à l’utilisateur de l’appel que la rémunération des installations essentielles disponibles sur les marchés ne soit pas inférieure aux coûts variables de l’installation elle-même.

70      En outre, le régime des installations essentielles présente une certaine flexibilité et paraît proposer aux opérateurs disposant d’installations essentielles des alternatives visant à réduire l’impact de son application à leur égard.

71      En effet, l’article 63, paragraphe 5, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, permet à l’utilisateur de l’appel de choisir quel groupement minimal d’installations de production, parmi ceux présélectionnés par Terna, sera soumis au régime des installations essentielles.

72      L’article 63, paragraphe 11, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, permet à l’utilisateur de l’appel de demander à l’AEEG l’application du «régime de remboursement des coûts», qui permet de percevoir un montant spécifique, déterminé par l’AEEG, égal à la différence entre les coûts de production reconnus à l’installation essentielle et les rentrées obtenues par cette dernière pendant la période au cours de laquelle elle a figuré sur la liste des installations essentielles. Il est prévu, en échange, que l’installation en cause est soumise au régime ordinaire pour les périodes et la capacité de production déclarées comme essentielles, mais aussi à des restrictions supplémentaires sur les quantités et les périodes non essentielles ou «libres», fixées à l’article 65 de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09.

73      En ce qui concerne les installations figurant dans la liste visée à l’article 63, paragraphe 1, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, qui n’ont pas été admises audit régime de remboursement des coûts, l’article 64, paragraphe 9, de cette décision, telle que modifiée, prévoit que l’utilisateur de l’appel peut proposer à Terna, dans les délais et selon les modalités qu’ils ont prédéfinis ensemble, de remplacer une ou plusieurs unités de production par d’autres unités de production en sa possession.

74      Par ailleurs, les propriétaires d’installations essentielles ont la possibilité de déroger à la réglementation applicable aux installations essentielles en accédant à l’instrument contractuel prévu à l’article 65 bis de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, qui leur permet de conclure avec Terna un des deux types de contrats prévus à cet article. Ces contrats sont approuvés par l’AEEG préalablement à leur conclusion avec lesdits propriétaires. Selon les stipulations de ces contrats, l’utilisateur de l’appel propriétaire d’installations essentielles s’engage à rendre disponibles pour Terna sur le MSA des quantités définies de capacités de production en les offrant à l’achat et à la vente à des prix déterminés à l’avance par l’AEEG, contre le paiement d’une prime par Terna. Il convient d’ailleurs de relever qu’Enel a opté pour un tel mécanisme alternatif.

75      S’agissant de la durée de l’intervention prévue par la réglementation en cause au principal, elle doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs qu’elle poursuit. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la liste des installations essentielles fait l’objet d’une procédure annuelle de révision et de réévaluation, les installations n’y semblent inscrites que pour une durée limitée. En tout état de cause, l’inscription d’une installation sur cette liste ne devrait être maintenue que dans la mesure où ladite installation est qualifiée d’essentielle, c’est-à-dire tant qu’il n’existe pas d’autre installation qui soit en mesure d’offrir, de façon concurrente, les ressources nécessaires aux exigences de l’appel dans une zone déterminée.

76      À cet égard, il convient de relever que le décret-loi n° 185 a pour objectif, notamment, l’amélioration du réseau de transport et que son article 3, paragraphe 11, sous b), prévoit que l’AEEG adopte également d’autres types de mesures pour améliorer l’efficacité du marché des services d’appel, inciter à la réduction des coûts d’approvisionnement desdits services, contractualiser des ressources à terme et stabiliser la contrepartie due par les clients finals.

77      Il importe d’ajouter que la République italienne a souligné que le régime des installations essentielles n’est pas destiné à avoir un caractère permanent et qu’il pourra être abandonné lorsque les interventions structurelles à moyen et à long terme sur le réseau, qui ont déjà été entreprises dans les zones les plus critiques, telles que la Sicile et la Sardaigne, ou qui sont prévues par le législateur national, auront amélioré l’efficacité de la gestion des services d’appel en réduisant la concentration du pouvoir de marché local de ces installations.

78      Il y a lieu, enfin, de constater, ainsi qu’il ressort de l’article 63, paragraphe 2, sous b), de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, que le régime des installations essentielles a permis d’inclure, outre les installations spécifiquement indispensables à la satisfaction des besoins de l’un des services d’appel, certaines installations qui sont globalement indispensables pour satisfaire les besoins des services d’appel.

79      Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, ces dernières installations peuvent être nécessaires d’un point de vue économique, dans la mesure où elles placent leurs propriétaires dans une position de domination du marché qui leur permet de contrôler les prix de l’électricité, y compris les prix payés pour les services d’appel.

80      Dans ces conditions, la réglementation en cause au principal semble ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qu’elle poursuit. Il incombe cependant à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est le cas.

 Le respect des autres conditions prévues aux articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de la directive 2003/54

81      Ainsi qu’il ressort du point 48 du présent arrêt, il convient encore de vérifier si les obligations de service public relatives à l’appel qui pèsent sur Terna et sur les opérateurs disposant d’installations essentielles sont objectives, clairement définies, transparentes, publiées et contrôlables.

82      À cet égard, il convient de relever que la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, ainsi que l’article 3, paragraphe 11, du décret-loi n° 185 et le code de transport, d’appel, de développement et de sécurité du réseau (Codice di trasmissione, dispacciamento, sviluppo e sicurezza della rete) précisent les conditions et les critères selon lesquels Terna qualifie d’essentiel une installation ou un groupement d’installations. L’article 63 de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, prévoit également que Terna établit puis publie chaque année une liste énumérant lesdites installations. Ainsi qu’il ressort du dossier, ces critères sont commentés dans le rapport technique expliquant le contenu de la décision n° 52/09 et détaillés au chapitre 4 dudit code.

83      En particulier, le paragraphe 9 de cet article 63 prévoit que Terna est tenue de transmettre à l’AEEG et aux utilisateurs de l’appel, en ce qui concerne les installations essentielles dont ils disposent, premièrement, un rapport indiquant les raisons justifiant l’inscription des installations de production de ce groupement sur la liste, deuxièmement, les périodes de l’année et les circonstances dans lesquelles Terna prévoit que chacune de ces installations s’avérera indispensable à la sécurité du réseau, en précisant de quelles installations il s’agit, troisièmement, les principaux paramètres de fonctionnement prévus et les périodes concernées de l’année civile suivante au cours desquelles lesdits paramètres devraient se vérifier en fonction des prévisions effectuées par Terna et, quatrièmement, une estimation de l’utilisation probable des installations de production et de l’ensemble des autres installations faisant partie d’un groupement au cours des périodes pendant lesquelles celles-ci pourraient s’avérer indispensables pour assurer la gestion sûre du réseau électrique, calculée de façon séparée, dans la mesure du possible, pour chacun des paramètres envisagés.

84      Sur la base de ces données, l’utilisateur de l’appel communique à Terna, au moins douze heures avant l’expiration du délai de présentation des offres sur le MJA, quelles unités appartenant aux installations essentielles pour la résolution des encombrements serviront à l’exécution des obligations d’offre.

85      Par ailleurs, les obligations auxquelles sont soumis les utilisateurs de l’appel sont établies aux articles 63, paragraphe 7, et 64, paragraphes 1 à 10, de l’annexe A de la décision n° 111/06, telle que modifiée par la décision n° 52/09, qui déterminent les conditions dans lesquelles les offres peuvent être présentées.

86      Le régime des installations essentielles n’a pas le caractère discriminatoire que lui reproche Enel. En effet, ce régime s’applique sans distinction à tous les opérateurs qui, au cours d’une période donnée, possèdent une ou plusieurs installations qui, d’après des critères techniques objectifs, peuvent s’avérer essentielles à la satisfaction des besoins en électricité des services d’appel.

87      En ce qui concerne l’exigence selon laquelle l’appel doit être fait en tenant compte de l’ordre de préséance économique de l’électricité, il ne ressort pas du dossier que les offres de vente présentées sur le MJA et sur le MI ne sont pas sélectionnées par Terna sur la base du critère dit «de mérite économique», en commençant par l’offre la plus basse et en poursuivant par ordre croissant.

88      S’agissant, enfin, de l’exigence selon laquelle la réglementation en cause au principal doit être contrôlable, il convient de relever que la décision n° 52/09 est une décision administrative qui, en tant que telle, semble pouvoir être attaquée par la voie juridictionnelle, ainsi que Terna l’a indiqué en réponse à une question posée lors de l’audience. Il y a lieu à cet égard de relever qu’un recours contre cette décision est à l’origine du litige au principal.

89      Il découle de ce qui précède qu’il convient de répondre à la question posée que la directive 2003/54, et en particulier les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins de la réduction du prix de l’électricité dans l’intérêt du consommateur final et de la sécurité du réseau électrique, impose aux opérateurs qui possèdent des installations ou des groupements d’installations considérés, selon les critères définis par l’autorité de régulation nationale, comme essentiels à la satisfaction des besoins de la demande en électricité des services d’appel, l’obligation de présenter des offres sur les marchés nationaux de l’électricité aux conditions préalablement établies par cette autorité, pour autant que cette réglementation n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif qu’elle poursuit soit atteint. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire en cause au principal, cette condition est remplie.

 Sur les dépens

90      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

La directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE, et en particulier les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphes 2 et 6, de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins de la réduction du prix de l’électricité dans l’intérêt du consommateur final et de la sécurité du réseau électrique, impose aux opérateurs qui possèdent des installations ou des groupements d’installations considérés, selon les critères définis par l’autorité de régulation nationale, comme essentiels à la satisfaction des besoins de la demande en électricité des services d’appel, l’obligation de présenter des offres sur les marchés nationaux de l’électricité aux conditions préalablement établies par cette autorité, pour autant que cette réglementation n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif qu’elle poursuit soit atteint. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire en cause au principal, cette condition est remplie.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.