ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 décembre 2013 ( *1 )

«Recours en annulation — Aides d’État — Article 108, paragraphes 1 et 2, TFUE — Aide accordée par la République de Lituanie en vue de l’acquisition de terres agricoles — Compétence du Conseil de l’Union européenne — Régime d’aides existant — Mesures utiles — Caractère indissociable de deux régimes d’aides — Changement de circonstances — Circonstances exceptionnelles — Crise économique — Erreur manifeste d’appréciation — Principe de proportionnalité»

Dans l’affaire C‑111/10,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 26 février 2010,

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, L. Flynn et B. Stromsky ainsi que par Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. É. Sitbon et F. Florindo Gijón, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme L. Liubertaitė, en qualité d’agents,

Hongrie, représentée par MM. G. Koós et M. Fehér ainsi que par Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

République de Pologne, représentée par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, M. A. Tizzano, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. L. Bay Larsen (rapporteur), E. Juhász, A. Borg Barthet, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, présidents de chambre, MM. A. Rosas, G. Arestis, J. Malenovský, Mme A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour d’annuler la décision 2009/983/UE du Conseil, du 16 décembre 2009, concernant l’octroi d’une aide d’État par les autorités de la République de Lituanie en vue de l’acquisition de terres agricoles appartenant à l’État entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013 (JO L 338, p. 93, ci-après la «décision attaquée»).

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 659/1999

2

L’article 1er du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

b)

‘aide existante’:

[...]

ii)

toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil [de l’Union européenne];

[...]

c)

‘aide nouvelle’: toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante;

[...]»

3

L’article 17, paragraphe 2, de ce règlement dispose:

«Si la Commission considère qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle informe l’État membre concerné de cette conclusion préliminaire et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois. [...]»

4

L’article 18 dudit règlement prévoit:

«Si, à la lumière des informations que lui a transmises l’État membre en application de l’article 17, la Commission parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles. [...]»

5

L’article 19, paragraphe 1, du même règlement est rédigé en ces termes:

«Si l’État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte et en informe l’État membre. L’État membre est tenu, par cette acceptation, de mettre en œuvre les mesures utiles.»

Le règlement (CE) no 1857/2006

6

L’article 4 du règlement (CE) no 1857/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides d’État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) no 70/2001 (JO L 358, p. 3), dispose:

«1.   Les aides aux investissements dans les exploitations agricoles, à l’intérieur de [l’Union européenne], en faveur de la production primaire de produits agricoles sont compatibles avec le marché commun au sens de l’article [107, paragraphe 3, sous c), TFUE], et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE] si elles remplissent les conditions des paragraphes 2 à 10 du présent article.

[...]

8.   Des aides peuvent être accordées pour l’achat de terres autres que des terrains à bâtir d’un coût ne dépassant pas 10 % des dépenses éligibles de l’investissement.

[...]»

Le règlement (CE) no 1535/2007

7

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1535/2007 de la Commission, du 20 décembre 2007, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles (JO L 337, p. 35), dispose:

«Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article [107, paragraphe 1, TFUE] et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE] les aides qui satisfont aux conditions énoncées aux paragraphes 2 à 7 du présent article.»

Les lignes directrices agricoles

8

Le point 29 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013 (JO 2006, C 319, p. 1, ci-après les «lignes directrices agricoles») précise:

«Les aides aux investissements dans les exploitations agricoles seront déclarées compatibles avec l’article [107, paragraphe 3, sous c), TFUE] si elles remplissent toutes les conditions de l’article 4 du [règlement no 1857/2006] [...]»

9

Sous le titre «Propositions de mesures utiles», le point 196 de ces lignes directrices est rédigé dans les termes suivants:

«Conformément à l’article [108, paragraphe 1, TFUE], la Commission propose aux États membres de modifier leurs régimes d’aide existants afin de se conformer aux présentes lignes directrices au plus tard le 31 décembre 2007, à l’exception des régimes d’aide existants [...] pour des investissements concernant l’acquisition de terres dans des exploitations agricoles, qui doivent être modifiés pour être rendus conformes aux présentes lignes directrices au plus tard le 31 décembre 2009.»

10

Le point 197 desdites lignes directrices prévoit que les États membres sont invités à confirmer par écrit qu’ils acceptent ces propositions de mesures utiles au plus tard le 28 février 2007.

11

Le point 198 des mêmes lignes directrices est libellé en ces termes:

«Au cas où un État membre ne confirmerait pas son acceptation par écrit avant cette date, la Commission appliquera l’article 19, paragraphe 2, du règlement [no 659/1999] et, si nécessaire, entamera les procédures mentionnées dans cette disposition.»

Le cadre temporaire

12

Le point 4.2.2 du cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, institué par la communication de la Commission, du 17 décembre 2008 (JO 2009, C 83, p. 1), tel que modifié par la communication de la Commission publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 31 octobre 2009 (JO C 261, p. 2, ci‑après le «cadre temporaire»), prévoit que, eu égard à la situation économique, il est jugé nécessaire d’autoriser temporairement l’octroi d’un montant limité d’aide sous certaines conditions.

13

Le point 4.2.2, sous h), du cadre temporaire précise, entre autres, que, «[l]orsque l’aide est octroyée à des entreprises actives dans la production primaire de produits agricoles [...], le montant de la subvention directe (ou l’équivalent-subvention brut) n’excède pas 15000 [euros] par entreprise».

14

Le point 7 du cadre temporaire dispose, notamment, que «[c]ette communication [...] ne sera pas appliquée au-delà du 31 décembre 2010».

Les antécédents du litige

15

Par lettre du 25 février 2005, la République de Lituanie a notifié à la Commission, sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, une mesure d’aide d’État intitulée «Soutien à l’acquisition de terres». Cette mesure était destinée à remplacer un régime d’aides existant et devait s’appliquer jusqu’en 2010. Elle prenait la forme d’une aide aux investissements bénéficiant aux agriculteurs qui avaient l’intention d’acquérir des terres agricoles appartenant à l’État.

16

Estimant que cette aide était compatible avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission a, par décision du 22 novembre 2006 (JO C 317, p. 6, ci-après la «décision du 22 novembre 2006»), décidé de ne pas soulever d’objection. Cette décision précisait que la durée du régime d’aides concerné s’étendait de la date de l’approbation de la Commission «jusqu’en 2010».

17

Au point 196 des lignes directrices agricoles, la Commission a proposé aux États membres de modifier les régimes d’aides existants en vue de l’acquisition de terres agricoles afin de les rendre conformes à ces lignes directrices au plus tard le 31 décembre 2009.

18

Le 22 mars 2007, la République de Lituanie a notifié son acceptation des propositions de mesures utiles figurant au point 196 desdites lignes directrices. Comme le prévoit l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, la Commission a pris acte de cet accord par une communication publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2008, C 70, p. 11).

19

Le 23 novembre 2009, la République de Lituanie a adressé au Conseil une demande, fondée sur l’article 88, paragraphe 2, CE, visant à ce que le régime d’aides en vue de l’acquisition de terres agricoles existant soit prolongé jusqu’au 31 décembre 2013.

20

Par la décision attaquée, le Conseil a accueilli ladite demande sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. L’article 1er de cette décision est libellé comme suit:

«L’aide d’État exceptionnelle, d’un montant maximal de 55 millions de [litas lituaniens (LTL)], accordé par les autorités lituaniennes pour des prêts destinés à l’acquisition de terres agricoles appartenant à l’État, pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, est considérée comme compatible avec le marché intérieur.»

21

Le Conseil a motivé sa décision en évoquant, notamment, dans les considérants 2 à 4 de celle-ci, la structure défavorable, en termes de superficie, des exploitations agricoles lituaniennes, la faiblesse des revenus des agriculteurs, la baisse très importante des prix des produits agricoles entraînée par la crise économique et financière ainsi que le niveau élevé des taux d’intérêt des prêts pour l’achat de terres agricoles. Il a également souligné la faiblesse des fonds propres dont disposent les agriculteurs lituaniens.

22

Aux termes des considérants 9 et 10 de la décision attaquée:

«(9)

La Commission n’a pas, à ce stade, ouvert de procédure ni pris position sur la nature ni sur la compatibilité de l’aide.

(10)

Il existe donc des circonstances exceptionnelles permettant de considérer cette aide, à titre dérogatoire et dans la mesure strictement nécessaire pour achever avec succès la réforme agraire et améliorer la structure des exploitations agricoles et l’efficacité de l’agriculture en Lituanie, comme compatible avec le marché intérieur.»

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23

La Commission demande à la Cour:

d’annuler la décision attaquée, et

de condamner le Conseil aux dépens.

24

Le Conseil demande à la Cour:

de rejeter le recours comme non fondé, et

de condamner la Commission aux dépens.

25

Par ordonnance du président de la Cour du 9 août 2010, la République de Lituanie, la Hongrie et la République de Pologne ont été admises à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

Sur le recours

26

La Commission invoque quatre moyens au soutien de son recours, tirés, respectivement, de l’incompétence du Conseil, d’un détournement de pouvoir, d’une violation du principe de coopération loyale et d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence de circonstances exceptionnelles ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité.

Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence du Conseil

Argumentation des parties

27

Par son premier moyen, la Commission soutient que le Conseil n’avait pas compétence pour adopter la décision attaquée.

28

Selon la Commission, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le pouvoir dont le Conseil se trouve investi par l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE revêt un caractère d’exception et que le Conseil n’est dès lors pas compétent pour infirmer une décision de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide avec le marché intérieur ou pour tenter de contourner une telle décision.

29

Or, la Commission estime qu’elle a adopté, au point 196 des lignes directrices agricoles, une position définitive sur la compatibilité avec le marché intérieur du régime d’aides mis en place par la République de Lituanie en faveur de l’acquisition de terres agricoles. Le fait que cette position ait été adoptée sous forme de lignes directrices ne porterait pas à conséquence dans la mesure où les juridictions de l’Union européenne auraient jugé qu’un État membre qui accepte des lignes directrices est tenu de les appliquer.

30

En l’espèce, la République de Lituanie aurait notifié son acceptation des propositions de mesures utiles figurant au point 196 des lignes directrices agricoles. Par conséquent, elle serait tenue de mettre un terme audit régime d’aides le 31 décembre 2009 au plus tard et de ne pas le réinstaurer avant le 31 décembre 2013. Dès lors, en autorisant ce même régime d’aides à partir du 1er janvier 2010, le Conseil aurait mis en échec l’efficacité de la décision de la Commission, outrepassant ainsi sa compétence.

31

Le Conseil soutient, au contraire, que le régime d’aides autorisé par la décision attaquée constitue un nouveau régime d’aides, distinct de celui approuvé par la Commission par la décision du 22 novembre 2006, notamment parce qu’il est fondé sur de nouveaux éléments de fait et de droit. La Commission n’aurait dès lors jamais apprécié la compatibilité avec le marché intérieur du régime d’aides autorisé par la décision attaquée.

32

Le Conseil ajoute que le point 196 des lignes directrices agricoles n’est pas applicable au régime d’aides qu’il a approuvé, puisque les mesures utiles prévues à l’article 108, paragraphe 1, TFUE ne s’appliquent qu’aux aides existantes.

33

Dans sa réplique, la Commission fait valoir que les différences relevées par le Conseil entre le régime d’aides existant et le régime d’aides autorisé par la décision attaquée ne sont pas pertinentes dans la mesure où ces régimes sont liés d’une manière tellement indissociable qu’il serait largement artificiel de prétendre opérer une distinction entre ces deux régimes aux fins de l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

34

La République de Lituanie, la Hongrie et la République de Pologne partagent, en substance, l’analyse du Conseil.

Appréciation de la Cour

35

Afin d’apprécier le bien-fondé du premier moyen invoqué par la Commission au soutien de son recours, il est nécessaire de déterminer si le Conseil était compétent, au titre de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, pour considérer comme compatible avec le marché intérieur le régime d’aides visé par la décision attaquée, alors que la République de Lituanie avait accepté les mesures utiles proposées au point 196 des lignes directrices agricoles.

36

Conformément à l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, le Conseil, sur demande d’un État membre et statuant à l’unanimité, peut décider qu’une aide instituée ou à instituer par cet État doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, par dérogation aux dispositions de l’article 107 TFUE ou des règlements prévus à l’article 109 TFUE, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision.

37

Un État membre peut donc, dans des circonstances bien définies, notifier une aide non pas à la Commission, qui aurait statué dans le cadre défini à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, mais au Conseil, qui statuera dans le cadre défini à l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, en dérogeant aux dispositions de l’article 107 TFUE ou aux règlements prévus à l’article 109 TFUE.

38

La Cour a déjà eu l’occasion de préciser certains aspects de l’interprétation de cette disposition.

39

Ainsi, elle a tout d’abord jugé, après avoir rappelé le rôle central que le traité FUE réserve à la Commission pour la reconnaissance de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché intérieur, que l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE vise un cas exceptionnel et particulier, si bien que le pouvoir dont le Conseil se trouve investi par cette disposition revêt manifestement un caractère d’exception (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2004, Commission/Conseil, C-110/02, Rec. p. I-6333, points 29 à 31), ce qui implique que cet article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, par analogie, arrêts du 22 avril 2010, Mattner, C-510/08, Rec. p. I-3553, point 32, et du 14 mars 2013, Česká spořitelna, C‑419/11, point 26).

40

Ensuite, s’agissant des dispositions figurant à l’article 108, paragraphe 2, troisième et quatrième alinéas, TFUE, selon lesquelles, d’une part, la saisine du Conseil par un État membre suspend l’examen en cours au sein de la Commission durant un délai de trois mois et, d’autre part, à défaut de décision du Conseil dans ce délai, la Commission statue, la Cour a décidé que ces dispositions devaient être interprétées en ce sens que, lorsque ledit délai a expiré, le Conseil n’est plus compétent pour adopter une décision au titre dudit troisième alinéa à l’égard de l’aide concernée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Conseil, précité, point 32).

41

La Cour a considéré, à cet égard, que l’édiction d’une telle limitation temporelle à la compétence du Conseil indique également que, si aucune demande n’a été adressée au Conseil par l’État membre concerné, sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, avant que la Commission déclare l’aide en cause incompatible avec le marché intérieur et clôture de la sorte la procédure visée au premier alinéa de cet article 108, paragraphe 2, TFUE, le Conseil n’est plus autorisé à exercer le pouvoir exceptionnel que lui confère le troisième alinéa de cette dernière disposition aux fins de déclarer une telle aide compatible avec le marché intérieur (arrêts Commission/Conseil, précité, point 33, et du 22 juin 2006, Commission/Conseil, C-399/03, Rec. p. I-5629, point 24).

42

La Cour a souligné, dans ce contexte, que cette interprétation permet d’éviter la prise de décisions dont le dispositif s’avérerait contradictoire et contribue ainsi à la sécurité juridique, en ce qu’elle préserve le caractère définitif d’une décision administrative, acquis à l’expiration de délais de recours raisonnables ou par l’épuisement des voies de recours (voir, en ce sens, arrêts précités du 29 juin 2004, Commission/Conseil, points 32 et 35, ainsi que du 22 juin 2006, Commission/Conseil, point 25).

43

Enfin, la Cour s’est prononcée sur la question de savoir si la circonstance que le Conseil n’a pas compétence pour se prononcer sur la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide à propos de laquelle la Commission a déjà statué définitivement implique que le Conseil est également incompétent pour statuer sur une aide qui a pour objet l’attribution, aux bénéficiaires de l’aide illégale antérieurement déclarée incompatible par une décision de la Commission, d’un montant destiné à compenser les remboursements auxquels ces bénéficiaires sont tenus en application de cette décision.

44

À cet égard, la Cour a relevé que, selon une jurisprudence constante, admettre qu’un État membre puisse octroyer aux bénéficiaires d’une telle aide illégale une aide nouvelle d’un montant équivalent à celui de l’aide illégale, destinée à neutraliser l’impact des remboursements auxquels ces derniers sont tenus en application de ladite décision, reviendrait à l’évidence à mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu des articles 107 TFUE et 108 TFUE (arrêts précités du 29 juin 2004, Commission/Conseil, point 43, et du 22 juin 2006, Commission/Conseil, point 27).

45

La Cour a alors jugé que le Conseil, qui ne saurait faire obstacle à une décision de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide avec le marché intérieur en déclarant lui-même cette aide compatible avec ledit marché, ne saurait davantage mettre en échec l’efficacité d’une telle décision en déclarant compatible avec le marché intérieur, au titre de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, une aide destinée à compenser, au profit des bénéficiaires de l’aide illégale déclarée incompatible avec le marché intérieur, les remboursements auxquels ceux-ci sont tenus en application de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts précités du 29 juin 2004, Commission/Conseil, points 44 et 45, ainsi que du 22 juin 2006, Commission/Conseil, point 28).

46

Il découle de cette jurisprudence que, pour l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, les compétences respectives du Conseil et de la Commission sont délimitées de manière à ce que, premièrement, la compétence de la Commission s’exerce à titre principal, le Conseil n’étant compétent que dans des circonstances exceptionnelles. Deuxièmement, la compétence du Conseil, qui permet à celui-ci de déroger, dans sa décision, à certaines dispositions du traité en matière d’aides d’État, doit être exercée dans un cadre temporel déterminé. Troisièmement, dès que la Commission ou le Conseil a définitivement statué sur la compatibilité d’une aide en question, l’autre de ces deux institutions ne peut plus adopter une décision en sens contraire.

47

Cette interprétation vise à préserver la cohérence et l’efficacité de l’action de l’Union, en ce que, d’une part, elle exclut que des décisions contradictoires soient prises et, d’autre part, elle empêche que la décision d’une institution de l’Union devenue définitive puisse, en dehors de tout délai, y compris celui prévu à l’article 263, paragraphe 6, TFUE, et en méconnaissance du principe de sécurité juridique, être contredite par celle d’une autre institution.

48

Les considérations qui sous-tendent cette interprétation font en outre apparaître qu’il importe peu que l’aide faisant l’objet de la décision du Conseil constitue une aide existante ou une aide nouvelle. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’efficacité de la décision de la Commission est mise en cause non seulement lorsque le Conseil adopte une décision déclarant compatible avec le marché intérieur une aide qui est la même que celle sur laquelle la Commission s’est déjà prononcée, mais également lorsque l’aide faisant l’objet de la décision du Conseil est une aide destinée à compenser, au profit des bénéficiaires de l’aide illégale déclarée incompatible avec le marché intérieur, les remboursements auxquels ceux-ci sont tenus en application de la décision de la Commission. Dans de telles circonstances, la seconde aide est liée d’une manière tellement indissociable à celle dont l’incompatibilité avec le marché intérieur a été constatée précédemment par la Commission qu’il apparaît largement artificiel de prétendre opérer une distinction entre ces aides aux fins de l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2004, Commission/Conseil, précité, points 45 et 46).

49

Dans la présente affaire, il importe donc d’examiner la question de savoir si les aides déclarées compatibles avec le marché intérieur par le Conseil doivent, indépendamment de leur caractère d’aide existante ou d’aide nouvelle, être considérées comme des aides sur lesquelles la Commission a déjà statué définitivement.

50

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission peut, dans l’exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 107 TFUE et 108 TFUE, arrêter des lignes directrices qui ont pour objet d’indiquer la manière dont elle entend exercer, au titre des mêmes articles, son pouvoir d’appréciation à l’égard d’aides nouvelles ou à l’égard de régimes d’aides existants (arrêt du 18 juin 2002, Allemagne/Commission, C-242/00, Rec. p. I-5603, point 27).

51

Lorsqu’elles sont fondées sur l’article 108, paragraphe 1, TFUE, ces lignes directrices représentent un élément de la coopération régulière et périodique dans le cadre de laquelle la Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existants et leur propose les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 1996, IJssel-Vliet, C-311/94, Rec. p. I-5023, points 36 et 37, ainsi que du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C-288/96, Rec. p. I-8237, point 64). Dans la mesure où ces propositions de mesures utiles sont acceptées par un État membre, elles ont un effet contraignant à l’égard de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts précités IJssel-Vliet, points 42 et 43, ainsi que du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, point 65), qui est tenu, comme le rappelle l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, de les mettre en œuvre.

52

En l’espèce, la République de Lituanie a notifié le 22 mars 2007 son acceptation des propositions de mesures utiles figurant au point 196 des lignes directrices agricoles.

53

Ces mesures utiles consistent, notamment, en une modification des régimes d’aides existants pour des investissements concernant l’acquisition de terres dans des exploitations agricoles en vue de rendre lesdits régimes conformes à ces lignes directrices au plus tard le 31 décembre 2009.

54

Il s’ensuit que, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, les mesures utiles proposées par la Commission au point 196 des lignes directrices agricoles ne portent que sur des régimes d’aides existants.

55

Or, le régime autorisé par la décision attaquée constitue un régime d’aides nouveau.

56

Ainsi, le régime d’aides mentionné au point 15 du présent arrêt ne pouvait, en application de l’article 1er, sous b), ii), du règlement no 659/1999, être considéré comme un régime d’aides existant que pour la période durant laquelle il avait été autorisé par la décision du 22 novembre 2006, soit jusqu’au 31 décembre 2009.

57

Dès lors, étant donné qu’il ressort de l’article 1er, sous c), de ce règlement que tout régime d’aides qui n’est pas un régime d’aides existant constitue un régime d’aides nouveau et que le régime d’aides autorisé par la décision attaquée était applicable à partir du 1er janvier 2010, ce dernier constituait nécessairement un régime d’aides nouveau.

58

La circonstance que ce régime serait une simple prolongation du régime arrivé à échéance le 31 décembre 2009, à la supposer établie, n’est pas déterminante dans la mesure où la prolongation d’un régime d’aides existant crée une aide nouvelle distincte du régime prolongé (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C-138/09, Rec. p. I-4561, points 46 et 47).

59

Les obligations pesant sur la République de Lituanie, à la suite de son acceptation des propositions de mesures utiles, ne portent donc pas sur le régime considéré comme compatible avec le marché intérieur par la décision attaquée, dans la mesure où il s’agit d’un régime d’aides nouveau qui ne se confond pas avec un régime d’aides existant visé par les mesures utiles acceptées par cet État membre.

60

Le Conseil ne saurait cependant se prévaloir du simple caractère nouveau d’un régime d’aides pour réexaminer une situation sur laquelle la Commission a déjà porté une appréciation définitive et contredire ainsi cette appréciation. Le Conseil n’est donc pas compétent pour décider qu’un régime d’aides nouveau doit être considéré comme compatible avec le marché intérieur lorsque celui-ci est lié de manière tellement indissociable à un régime d’aides existant qu’un État membre s’est engagé à modifier ou à supprimer, dans le cadre prévu à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, qu’il apparaît largement artificiel de prétendre opérer une distinction entre ces deux régimes aux fins de l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2004, Commission/Conseil, précité, point 46).

61

Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

62

À cet égard, il peut être relevé qu’un délai significatif s’est écoulé entre l’appréciation portée par la Commission et celle portée par le Conseil, puisque la décision attaquée est survenue près de trois ans après les propositions de mesures utiles en cause.

63

En outre, cette décision est spécifiquement motivée par l’apparition de circonstances nouvelles, considérées comme exceptionnelles par le Conseil, dont la Commission n’a pas pu tenir compte dans son appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur du régime d’aides existant en vue de l’acquisition de terres agricoles mis en œuvre par la République de Lituanie.

64

Ainsi, alors que les lignes directrices agricoles ont été adoptées en 2006, la décision attaquée fait largement référence aux effets produits au cours des années 2008 et 2009 par la crise économique et financière sur le secteur agricole en Lituanie. Le Conseil évoque notamment la baisse très importante des prix des produits agricoles intervenue durant l’année 2009 et le niveau élevé des taux d’intérêt des prêts en vue de l’achat de terres agricoles constatés au cours des années 2008 et 2009.

65

Or, la position adoptée par la Commission, au soutien de sa proposition de mesures utiles, quant à la compatibilité avec le marché intérieur du régime mentionné au point 15 du présent arrêt, était nécessairement fondée sur l’appréciation, au regard des données économiques dont elle disposait en 2006, des conséquences que pouvaient impliquer l’application de ce régime pour le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.

66

En raison du changement majeur de circonstances mentionné au point 64 du présent arrêt, l’appréciation portée par la Commission sur ce régime d’aides ne peut donc être considérée comme préjugeant de celle qui aurait été portée sur un régime d’aides comprenant des mesures similaires, mais qui aurait trouvé à s’appliquer dans un contexte économique radicalement différent de celui que la Commission a pris en compte dans le cadre de son appréciation. Il s’ensuit que la compatibilité avec le marché intérieur du nouveau régime d’aides ayant fait l’objet d’une demande adressée au Conseil par la République de Lituanie au titre de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE doit être évaluée au terme d’une appréciation individuelle distincte de celle du régime mentionné au point 15 du présent arrêt, effectuée en prenant en considération les circonstances économiques pertinentes au moment où ces aides sont accordées (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, point 21, ainsi que du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C-459/10 P, Rec. p. I-109, point 48).

67

Dès lors, la situation en cause dans la présente affaire se distingue de celle que la Cour a examinée dans les arrêts précités du 29 juin 2004, Commission/Conseil, et du 22 juin 2006, Commission/Conseil.

68

En effet, à l’inverse des décisions du Conseil annulées dans ces deux arrêts, la décision attaquée est, en l’occurrence, motivée précisément par des éléments nouveaux qui résultent d’un changement majeur de circonstances intervenu entre le moment où la Commission a examiné le régime d’aides existant appliqué par la République de Lituanie et celui où le Conseil a apprécié le régime d’aides nouveau faisant l’objet de la demande que cet État membre lui avait adressée.

69

Par conséquent, les éléments qui avaient justifié l’incompétence du Conseil dans les deux arrêts mentionnés au point 67 du présent arrêt font défaut dans la présente affaire.

70

Par ailleurs, l’admission de la compétence du Conseil ne saurait permettre un contournement des mesures utiles acceptées par les États membres.

71

En effet, d’une part, le Conseil n’est compétent pour autoriser un régime d’aides nouveau similaire à un régime d’aides existant qu’un État membre était obligé de modifier ou de supprimer, par suite de l’acceptation de propositions de mesures utiles, que dans l’hypothèse où sont apparues, postérieurement auxdites propositions, des circonstances nouvelles.

72

D’autre part, le pouvoir accordé au Conseil par l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE ne trouve à s’appliquer que dans les limites indiquées par cette disposition, à savoir en présence de circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil, C-122/94, Rec. p. I-881, point 13).

73

Enfin, en ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel le Conseil ne serait pas compétent pour autoriser une aide contraire aux orientations définies dans les lignes directrices agricoles, il importe de rappeler que, au sein de ces lignes directrices, seules les propositions de mesures utiles figurant au point 196 et acceptées par les États membres sont susceptibles de constituer une prise de position définitive de la Commission sur la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché intérieur.

74

En effet, seules ces propositions de mesures utiles sont soumises à l’acceptation des États membres, comme l’indique le point 197 des lignes directrices agricoles, alors que les autres dispositions de ces dernières constituent seulement des règles générales indicatives qui s’imposent à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C-382/99, Rec. p. I-5163, point 24 et jurisprudence citée), sans lier les États membres. Elles ne sauraient a fortiori lier le Conseil dans la mesure où l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE lui donne le pouvoir de déroger, dans des circonstances exceptionnelles, aux dispositions de l’article 107 TFUE ou aux règlements prévus à l’article 109 TFUE.

75

Or, il découle du point 196 de ces lignes directrices que, en ce qui concerne les régimes d’aides existants en vue de l’acquisition de terres agricoles, les États membres se sont engagés uniquement à modifier ces régimes pour les rendre conformes auxdites lignes directrices ou, à défaut, à les supprimer, au plus tard le 31 décembre 2009.

76

En revanche, il découle des considérations figurant aux points 60 à 69 du présent arrêt que les États membres, par l’acceptation des propositions de mesures utiles figurant au point 196 des lignes directrices agricoles, ne se sont pas privés de toute possibilité de solliciter l’autorisation de réintroduire des régimes similaires ou identiques pendant toute la période d’application de ces lignes directrices.

77

Il s’ensuit que le premier moyen soulevé par la Commission, tiré du défaut de compétence du Conseil, n’est pas fondé et doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Argumentation des parties

78

Par son deuxième moyen, la Commission soutient que le Conseil a commis un détournement de pouvoir en cherchant à neutraliser les conséquences de l’appréciation qu’elle avait portée sur le régime d’aides en vue de l’acquisition des terres agricoles institué par la République de Lituanie.

79

Le Conseil fait valoir qu’il n’a pas cherché, en adoptant la décision attaquée, à réduire à néant les effets d’une appréciation portée par la Commission, étant donné que cette dernière n’avait adopté aucune décision déclarant le régime d’aides autorisé par la décision attaquée incompatible avec le marché intérieur. L’objectif poursuivi par le Conseil consisterait en réalité à aider les agriculteurs lituaniens affectés par la crise économique et financière à acheter des terres agricoles.

Appréciation de la Cour

80

Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C-48/96 P, Rec. p. I-2873, point 52, et du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C-310/04, Rec. p. I-7285, point 69).

81

Force est de constater que la Commission n’a pas fourni de tels indices.

82

En ce qui concerne les fins poursuivies par le Conseil lors de l’adoption de la décision attaquée, rien dans le dossier soumis à la Cour ne permet d’affirmer que le Conseil ait poursuivi un but exclusif, ou à tout le moins déterminant, autre que celui d’aider les agriculteurs lituaniens à acquérir plus facilement des terres agricoles en vue d’assurer l’achèvement de la réforme agraire ainsi que l’amélioration de la structure des exploitations agricoles et l’efficacité de l’agriculture en Lituanie.

83

S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel il ressort de la succession des événements et des correspondances échangées que la décision attaquée visait à infirmer la position qu’elle avait arrêtée, il apparaît que le Conseil a pu valablement considérer que la Commission n’avait pas pris position sur la compatibilité du régime d’aides en cause, comme le souligne le considérant 9 de la décision attaquée.

84

Dès lors, le deuxième moyen du recours, tiré d’un détournement de pouvoir, doit être écarté comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de coopération loyale

Argumentation des parties

85

Par son troisième moyen, la Commission soutient que la décision attaquée a été adoptée en violation du principe de coopération loyale entre les institutions dans la mesure où, en adoptant cette décision, le Conseil a dégagé la République de Lituanie de l’obligation de coopération avec la Commission, qui incombe à cet État membre en vertu de l’article 108, paragraphe 1, TFUE.

86

En effet, en autorisant la prolongation d’un régime d’aides existant que la République de Lituanie se serait engagée à supprimer, le Conseil aurait compromis les résultats du dialogue tenu précédemment entre la Commission et cet État membre.

87

Le Conseil estime qu’il n’est pas tenu par l’obligation de coopération découlant de l’article 108, paragraphe 1, TFUE. En outre, il réaffirme qu’il n’existait aucun engagement de la République de Lituanie concernant le régime d’aides approuvé par la décision attaquée.

Appréciation de la Cour

88

L’article 108, paragraphe 1, TFUE impose à la Commission et aux États membres une obligation de coopération régulière et périodique dans le cadre de laquelle la Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existants et leur propose les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2002, Allemagne/Commission, précité, point 28 et jurisprudence citée).

89

À cet égard, il ressort du point 69 du présent arrêt que la République de Lituanie n’avait pris aucun engagement spécifique concernant le régime d’aides autorisé par la décision attaquée. Dès lors, cette décision ne peut être considérée comme ayant dégagé la République de Lituanie d’une obligation particulière de coopération dans la mesure où elle n’a aucunement compromis les résultats du dialogue tenu précédemment entre la Commission et cet État membre.

90

Au vu de ces éléments, le troisième moyen de la Commission, tiré d’une violation du principe de coopération loyale, doit être rejeté comme non fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité

91

Par la première branche de son quatrième moyen, la Commission soutient que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il existait des circonstances exceptionnelles justifiant les mesures autorisées. Aux termes de la seconde branche du même moyen, elle fait valoir que la décision attaquée va à l’encontre du principe de proportionnalité dès lors que les mesures en cause ne permettent pas d’atteindre les objectifs poursuivis par ladite décision et ne se limitent pas au minimum nécessaire pour atteindre ces objectifs.

Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence de circonstances exceptionnelles

– Argumentation des parties

92

La Commission considère que des circonstances ne peuvent être considérées comme exceptionnelles, au sens de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, que si elles n’étaient pas prévisibles avant leur survenance et que, en l’occurrence, elles touchent particulièrement la République de Lituanie. Dès lors, tel ne saurait être le cas d’un obstacle structurel préexistant ou d’un problème rencontré par la plupart des États membres.

93

Or, la Commission estime que la faible taille des exploitations agricoles en Lituanie constitue un problème déjà ancien qui tient à la structure même de l’économie agraire lituanienne. De même, rien n’indiquerait que le manque de capital auquel sont confrontés les agriculteurs lituaniens ne constituerait pas un problème structurel qui ne pourrait, par nature, être qualifié d’exceptionnel.

94

En outre, tout en admettant que la crise économique puisse constituer une circonstance exceptionnelle, la Commission estime néanmoins que cette crise ne peut justifier la décision attaquée que dans la mesure où elle a interagi avec les problèmes structurels préexistants, de façon à engendrer des circonstances exceptionnelles en Lituanie, ce que le Conseil n’aurait pas démontré. La Commission soutient également que l’incidence de ladite crise sur le niveau des taux d’intérêt et sur la baisse des revenus agricoles en Lituanie ne présente pas un caractère exceptionnel eu égard au contexte de l’ensemble de l’Union.

95

Le Conseil considère que la définition de la notion de circonstances exceptionnelles proposée par la Commission est trop restrictive au regard de la jurisprudence car de telles circonstances doivent seulement être imprévues et peuvent affecter d’autres États membres ou des secteurs autres que celui de l’agriculture.

96

En l’espèce, il existerait des circonstances exceptionnelles, constituées par des événements extraordinaires relatifs à la crise économique, qui auraient eu d’importantes répercussions pour les agriculteurs lituaniens et qui auraient, par conséquent, encore aggravé les problèmes structurels que connaissaient déjà les exploitations agricoles lituaniennes. Ainsi, la baisse très importante des revenus agricoles causée par la chute des prix et le niveau élevé des taux d’intérêt résultant de la crise, plus marqués en Lituanie que dans d’autres États membres, auraient rendu extrêmement difficile, voire impossible, l’achat de terres agricoles par les agriculteurs lituaniens.

– Appréciation de la Cour

97

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le Conseil bénéficie, pour l’application de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, qui doivent être effectuées dans le contexte de l’Union. Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil, précité, points 18 et 19, ainsi que, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C-333/07, Rec. p. I-10807, point 78).

98

Or, au regard des caractères inhabituel et imprévisible ainsi que de l’ampleur des effets de la crise économique et financière sur l’agriculture lituanienne, le Conseil ne saurait être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ces effets étaient constitutifs de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. La Commission a d’ailleurs reconnu, dans son mémoire en réplique, que la survenance de cette crise pouvait constituer une telle circonstance exceptionnelle.

99

Le fait que la crise économique et financière ait produit également des effets considérables dans d’autres États membres n’est pas déterminant, dans la mesure où cette circonstance n’a pas d’incidence sur le caractère exceptionnel des effets de cette crise en ce qui concerne l’évolution de la situation économique des agriculteurs lituaniens et de la réforme agraire menée en Lituanie.

100

De même, le constat selon lequel la faiblesse des revenus agricoles, la superficie limitée des exploitations agricoles ou le manque de fonds propres auquel sont confrontés les agriculteurs constitueraient des problèmes structurels en Lituanie ne permet pas d’établir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la baisse très importante des revenus agricoles causée par la chute des prix et le niveau élevé des taux d’intérêt résultant de la crise ont sensiblement détérioré la situation des agriculteurs lituaniens, menaçant ainsi la réforme agraire et empêchant, partant, de remédier auxdits problèmes structurels (voir, par analogie, arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil, précité, point 21).

101

Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée comme non fondée.

Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité

– Argumentation des parties

102

Selon la Commission, le Conseil a méconnu le principe de proportionnalité en adoptant la décision attaquée.

103

En effet, la Commission estime que le régime d’aides en cause ne peut permettre d’atteindre les objectifs indiqués dans ladite décision. Ainsi, malgré l’existence d’un régime d’aides en vue de l’acquisition de terres agricoles, la taille moyenne d’une exploitation agricole en Lituanie n’aurait que peu évolué au cours des dernières années écoulées. Il ne serait pas établi que le régime d’aides autorisé par la décision attaquée permette d’obtenir de meilleurs résultats, alors que le régime d’aides préexistant n’aurait pas permis de faire face aux taux d’intérêt élevés observés au cours des années 2008 et 2009. Les aides en vue de l’acquisition de terres agricoles contribueraient en réalité à l’augmentation du prix des terres agricoles plutôt qu’au changement de la structure de la propriété de ces terres.

104

Par ailleurs, le respect du principe de proportionnalité implique, selon la Commission, de prendre pleinement en compte les mesures en vigueur susceptibles de répondre aux besoins que le Conseil qualifie de circonstances exceptionnelles. Or, la décision attaquée ne tiendrait aucun compte des mesures autorisées précédemment par la Commission ou permises par ses lignes directrices et ses règlements d’exemption par catégorie. En particulier, le cadre temporaire permettrait aux États membres d’octroyer des aides aux exploitants agricoles. De même, il serait possible de recourir aux aides de minimis autorisées par le règlement no 1535/2007.

105

Enfin, les mesures autorisées par la décision attaquée ne se limiteraient pas au minimum nécessaire car elles ont une durée qui dépasse la date fixée par la Commission dans le cadre temporaire pour l’application des aides spécifiquement destinées à faire face aux effets de la crise économique.

106

Le Conseil affirme que, en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, la légalité des mesures adoptées sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE ne peut être affectée que si ces mesures sont manifestement inappropriées par rapport à l’objectif que le Conseil entend poursuivre.

107

La Commission n’aurait pas démontré que l’évaluation de faits économiques complexes à laquelle le Conseil a procédé était manifestement entachée d’erreur. Ce dernier considère notamment que le régime d’aides en vue de l’acquisition de terres agricoles appliqué par la République de Lituanie a amélioré la structure des exploitations agricoles lituaniennes en termes de superficie. Le Conseil fait également valoir que la Commission n’a pas établi qu’un tel régime d’aides contribuerait à l’augmentation des prix des terres. De plus, il considère que l’augmentation de la superficie des exploitations agricoles permet d’améliorer la compétitivité et les revenus des agriculteurs concernés.

108

En outre, le Conseil estime qu’il n’était pas tenu de prendre en compte les mesures déjà approuvées par la Commission, dans la mesure où le pouvoir que lui confère l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE vise justement à lui permettre d’approuver des aides que la Commission n’aurait légalement pas été en mesure d’approuver, ce qui serait le cas en l’espèce. Au demeurant, le régime d’aides autorisé par la décision attaquée ne serait pas couvert par le cadre temporaire.

109

Quant à la durée de ce régime d’aides, celle-ci n’aurait pas à se limiter à la période couverte par le cadre temporaire et elle correspondrait au temps estimé nécessaire pour achever le processus de privatisation des terres agricoles en Lituanie et pour réduire les effets de la crise.

– Appréciation de la Cour

110

En ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, il découle des considérations figurant au point 97 du présent arrêt que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE par rapport à l’objectif que le Conseil entend poursuivre peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, par analogie, arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C-343/09, Rec. p. I-7027, point 46, et du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C‑59/11, point 39).

111

Il s’ensuit qu’il convient de déterminer si l’autorisation du régime d’aides visé par la décision attaquée est manifestement inappropriée aux fins de la réalisation des objectifs figurant au considérant 10 de cette décision, consistant à achever avec succès la réforme agraire et à améliorer la structure des exploitations agricoles ainsi que l’efficacité de l’agriculture en Lituanie.

112

Il est admis que ces objectifs ne peuvent être atteints qu’à travers une augmentation de la superficie des exploitations agricoles, ce qui suppose l’acquisition de terres agricoles par les agriculteurs lituaniens. Or, il n’est pas contesté que la faiblesse des revenus et les difficultés d’accès au crédit auxquelles sont confrontés ces agriculteurs font obstacle à la réalisation d’acquisitions de ce type. Dès lors, autoriser le régime d’aides en cause, qui cherche à compenser ces problèmes et leur aggravation par la crise économique et financière en proposant soit une réduction du prix de vente des terres agricoles, soit une bonification d’intérêts afférents aux prêts destinés à l’achat de telles terres n’apparaît pas manifestement inapproprié pour réaliser les objectifs poursuivis à travers l’adoption de la décision attaquée.

113

Dans ces conditions, la circonstance que le régime d’aides en vue de l’acquisition de terres agricoles appliqué antérieurement n’ait pas permis une augmentation significative et continue de la superficie des exploitations agricoles lituaniennes n’est pas de nature à démontrer le caractère manifestement inapproprié de la décision attaquée aux fins d’atteindre les objectifs poursuivis par celle-ci, tels qu’ils ont été rappelés au point 111 du présent arrêt.

114

En effet, d’une part, la faible progression de la superficie moyenne desdites exploitations ne suffit pas à démontrer l’inefficacité manifeste du régime d’aides autorisé par le Conseil, dans la mesure où il est envisageable que cette faible progression résulte de circonstances qui n’ont pas vocation à perdurer sur l’ensemble de la période couverte par la décision attaquée. Ce constat peut ainsi s’expliquer, comme le fait valoir la République de Lituanie, par les particularités des règles régissant la restitution des terres, processus qui ne se confond pas avec l’acquisition de terres par contrat que cherche à promouvoir le régime d’aides autorisé par la décision attaquée. D’autre part, il convient de rappeler que la décision attaquée vise non pas seulement à améliorer la structure des exploitations agricoles, mais aussi à achever avec succès la réforme agraire en Lituanie. Or, la réalisation de ce dernier objectif ne peut pas être évaluée uniquement sur la base de l’évolution de la superficie des exploitations agricoles.

115

Quant à l’argument de la Commission, selon lequel les régimes d’aides en vue de l’acquisition de terres agricoles contribuent à l’augmentation du prix des terres agricoles plutôt qu’au changement de la structure de la propriété de ces terres, il convient de constater que cette allégation n’est pas suffisamment étayée pour qu’il puisse être établi que le Conseil aurait opté pour une mesure manifestement inappropriée par rapport à l’objectif qu’il poursuivait.

116

Par ailleurs, il convient de vérifier si l’autorisation du régime d’aides en cause ne va pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés par la décision attaquée. En effet, la Commission soutient que le Conseil n’a pas suffisamment tenu compte des perspectives offertes par d’autres instruments susceptibles de contribuer à la réalisation des objectifs de la décision attaquée.

117

Eu égard à l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil en l’espèce, la décision attaquée ne saurait être considérée comme violant le principe de proportionnalité en raison du seul fait qu’il aurait été envisageable, pour la République de Lituanie, de poursuivre les objectifs visés au point 111 du présent arrêt au moyen d’un autre type de régime d’aides. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, lors de l’examen du respect du principe de proportionnalité par une décision prise sur la base d’un pouvoir d’appréciation tel que celui dont est investi le Conseil par l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, la Cour doit déterminer non pas si celle-ci était la seule ou la meilleure possible, mais seulement si elle était manifestement disproportionnée (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C-33/08, Rec. p. I-5035, point 33 et jurisprudence citée).

118

Pour autant, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, le large pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil ne dispense pas celui-ci de prendre en considération, dans son appréciation, les mesures préexistantes spécifiquement destinées à remédier aux circonstances exceptionnelles qui ont justifié l’autorisation du régime d’aides en cause.

119

À cet égard, le règlement no 1535/2007 vise à exempter les aides de faible montant de l’obligation de notification figurant à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et ne peut donc être considéré comme tendant spécifiquement à remédier aux effets de la crise économique et financière sur les agriculteurs lituaniens.

120

En revanche, il est vrai que le cadre temporaire a été instauré pour favoriser l’accès des entreprises au financement dans le contexte de la crise économique et financière. Néanmoins, les aides que ce cadre temporaire prévoit ont une fonction générale de soutien à l’investissement et ne sont donc pas spécifiquement destinées à permettre l’acquisition de terres agricoles. En outre, à la date de l’adoption de la décision attaquée, le point 7 du cadre temporaire prévoyait que celui-ci ne serait pas appliqué au-delà du 31 décembre 2010. Dès lors, la décision du Conseil d’autoriser un régime d’aides spécifiquement destiné à assurer l’achèvement de la réforme agraire et l’augmentation de la superficie des exploitations agricoles en Lituanie sur une période plus longue ne peut être considérée comme allant manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par la décision attaquée.

121

S’agissant, enfin, de la durée du régime d’aides autorisé par ladite décision, il résulte de la logique même de l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE que le Conseil ne saurait être tenu par une limitation temporelle fixée dans une communication de la Commission. En outre, au regard du temps qu’exige l’achèvement de la réforme agraire et de la durée des effets de la crise économique et financière, il n’y a pas lieu de considérer que le Conseil a opté pour une mesure manifestement disproportionnée en autorisant le régime d’aides en cause pendant la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013.

122

Par conséquent, il y a lieu d’écarter également la seconde branche du quatrième moyen soulevé par la Commission comme non fondée.

123

Il en découle que ce quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

124

Aucun des moyens soulevés par la Commission n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours.

Sur les dépens

125

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

126

Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, la République de Lituanie, la Hongrie et la République de Pologne supporteront leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission européenne est condamnée aux dépens.

 

3)

La République de Lituanie, la Hongrie et la République de Pologne supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.