ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

13 janvier 2011 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Marque constituée d’un slogan publicitaire et composée d’éléments dépourvus isolément de caractère distinctif – Signe figuratif ‘BEST BUY’»

Dans l’affaire C‑92/10 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 février 2010,

Media-Saturn-Holding GmbH, établie à Ingolstadt (Allemagne), représentée par Me E. Warnke, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J.-J. Kasel, président de chambre, MM. E. Levits et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Media-Saturn-Holding GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 décembre 2009, Media-Saturn/OHMI (BEST BUY) (T-476/08, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 28 août 2008, rejetant le recours contre la décision de l’examinateur ayant lui-même refusé l’enregistrement du signe figuratif «BEST BUY» en tant que marque communautaire (ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, le litige dont a été saisi le Tribunal demeure régi, compte tenu de la date des faits, par le règlement n° 40/94.

3        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement:

«[...]

b)      les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

[...]»

 Les antécédents du litige

4        Le 23 juin 2006, la requérante a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement du signe figuratif

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en tant que marque communautaire.

5        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 2, 5 à 12, 14 à 17, 20 à 22, 27, 28, 35, 37, 38 et 40 à 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

6        Par lettre du 7 février 2007, l’examinateur a informé la requérante que la marque dont l’enregistrement était demandé ne lui semblait pas susceptible de pouvoir être enregistrée pour les produits et les services en cause, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Le 28 février 2007, la requérante a informé l’examinateur qu’elle maintenait sa demande d’enregistrement.

7        Par décision du 26 février 2008, l’examinateur a rejeté ladite demande sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en estimant que la marque dont l’enregistrement a été demandé était un syntagme composé de termes courants de la langue anglaise et indiquant uniquement un rapport avantageux entre le prix des produits et des services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et leur valeur marchande.

8        Le 7 avril 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

9        Par la décision litigieuse, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 au motif que la marque dont l’enregistrement était demandé était dépourvue de caractère distinctif pour les produits et les services en cause.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10      Le 4 novembre 2008, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal aux fins de l’annulation de la décision litigieuse, invoquant un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

11      Elle a soutenu, en substance, que la marque dont l’enregistrement est demandé présente le caractère distinctif minimal requis pour être protégée et que, contrairement à l’appréciation de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, sa présentation graphique n’est pas courante dans la publicité. Plus particulièrement, elle a estimé que, en raison de la présentation de la lettre «b» qui constitue l’initiale de chacun des deux mots «best» et «buy», la marque dont l’enregistrement est demandé comporte un élément graphique original, caractéristique et non courant dans la publicité, qui sera perçu par le public concerné comme une référence à l’origine commerciale des produits et des services en cause. De même, la décision litigieuse ne contiendrait aucune preuve ni aucun élément établissant le caractère usuel dans la publicité et le manque de caractère distinctif de cette marque.

12      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’abord rappelé la jurisprudence concernant l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et s’est notamment référé, au point 19 dudit arrêt, à sa propre jurisprudence relative aux signes figuratifs comprenant des informations à caractère promotionnel ou publicitaire:

«Il suffit, pour constater l’absence de caractère distinctif, de relever que le contenu sémantique du signe figuratif en cause indique au consommateur une caractéristique du produit relative à sa valeur marchande, qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire, que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits. [...]»

13      Le Tribunal a ensuite rappelé, au point 20 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant d’une marque complexe, l’appréciation de son caractère distinctif ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses termes ou de ses éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère.

14      Dans le cadre de son examen de la légalité de la décision litigieuse, le Tribunal a, d’une part, fait référence, au point 23 de l’arrêt attaqué, à la constatation de la quatrième chambre de recours de l’OHMI selon laquelle la marque dont l’enregistrement est demandé est composée, dans son ensemble, d’éléments qui, envisagés séparément, s’avèrent dépourvus de caractère distinctif pour la commercialisation des produits et des services concernés et qu’il n’existe pas d’interaction entre les différents éléments de cette marque susceptibles de conférer un caractère distinctif à l’ensemble.

15      D’autre part, le Tribunal a examiné, successivement, le contenu sémantique, l’élément figuratif et le graphisme prétendument singulier utilisé.

16      En ce qui concerne le contenu sémantique, le Tribunal a considéré, au point 26 de l’arrêt attaqué, que le consommateur, en présence du signe «BEST BUY», le percevra exclusivement comme une indication du rapport avantageux entre la qualité et le prix et ne sera pas en mesure d’y voir une quelconque indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause. Par ailleurs, le fait que la requérante demande l’enregistrement de la marque pour une gamme de produits très étendue renforcerait le caractère non distinctif de celle-ci.

17      Le Tribunal a ensuite relevé, aux points 27 et 28 de l’arrêt attaqué, que le rectangle entourant le signe «BEST BUY» est une forme géométrique simple ayant pour fonction de mettre l’information en exergue et qui ne rend pas distinctive la marque dont l’enregistrement est demandé. La présentation visuelle des slogans publicitaires aurait pour objectif d’attirer l’attention du consommateur.

18      En ce qui concerne le graphisme du signe en cause, le Tribunal, en souscrivant à l’appréciation faite par la quatrième chambre de recours de l’OHMI, a considéré, au point 29 de l’arrêt attaqué, que la lettre «b» serait perçue sans peine par le public pertinent comme faisant partie de chacun des deux mots «best» et «buy». Il serait donc exclu que le signe en cause puisse être lu, ainsi que l’avait soutenu la requérante, comme «est buy» ou «best uy».

19      Considérant que la quatrième chambre de recours de l’OHMI a démontré, à suffisance de droit, l’absence de caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé s’agissant des produits et des services en cause, le Tribunal a rejeté le moyen unique comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

20      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse et de condamner l’OHMI aux dépens.

21      L’OHMI conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

22      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une interprétation erronée, par le Tribunal, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce moyen se divise en trois branches visant, respectivement, l’interprétation du signe en cause par le Tribunal, le non-respect du principe de l’analyse d’ensemble d’un signe composé et l’utilisation, par le Tribunal, d’un critère trop sévère pour l’appréciation du caractère distinctif.

 Sur la première branche du moyen unique

 Argumentation des parties

23      La requérante fait valoir que le Tribunal s’est livré à une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en considérant d’emblée qu’il existe un signe «BEST BUY» lorsqu’est examiné le caractère distinctif de l’élément verbal du signe en cause et en renvoyant, pour la compréhension de la marque dont l’enregistrement est demandé, à l’arrêt du Tribunal du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY) (T‑122/01, Rec. p. II‑2235), relatif à un autre signe que celui dont l’enregistrement est demandé par la requérante, à savoir

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24      Selon la requérante, un élément verbal de la forme «BEST BUY» n’apparaîtrait en l’espèce qu’à l’issue d’une réflexion en partant du signe dont l’enregistrement est précisément demandé, à savoir «ESTBUY» ou «BESTUY». Ledit élément verbal «BEST BUY» ne constituerait cependant pas le signe dont l’enregistrement est demandé ni même son élément verbal.

25      La transposition directe, au point 26 de l’arrêt attaqué, des considérations relatives au signe «BEST BUY» en ce qui concerne le signe dont l’enregistrement est demandé constituerait une erreur de droit puisque le Tribunal aurait méconnu le principe selon lequel, pour vérifier si les conditions d’un refus absolu d’enregistrement sont réunies, il convient d’analyser l’ensemble des circonstances constitutives d’un cas donné et, par conséquent, de réfléchir à une marque concrète. Une telle analyse aurait dû aboutir à la conclusion que les deux signes susmentionnés se distinguent, au moins de manière minimale, en ce qui concerne leur perception par les milieux concernés.

26      L’OHMI excipe de l’irrecevabilité de la première branche du moyen unique au motif que la requérante remet uniquement en question une appréciation factuelle faite par le Tribunal. Cette appréciation selon laquelle la lettre «B» serait perçue sans peine par le public pertinent comme faisant partie de chacun des deux mots «Best» et «Buy» n’étant pas une question de droit, la requérante ne pourrait pas la contester au stade du pourvoi.

 Appréciation de la Cour

27      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents. L’appréciation de ces faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, non encore publié au Recueil, point 49 et jurisprudence citée).

28      Or, s’agissant de l’examen du caractère distinctif du signe en cause, force est de constater que la considération selon laquelle il est exclu que ce signe puisse être lu comme «est buy» ou «best uy» constitue une appréciation de nature factuelle. L’identification, par le Tribunal, de l’élément verbal «BEST BUY» au lieu et à la place des lectures proposées par la requérante n’est donc pas soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Il est constant aussi que la requérante n’allègue aucune dénaturation des faits par le Tribunal.

29      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait reprocher au Tribunal de se référer, en ce qui concerne l’élément verbal du signe en cause, aux constatations faites dans son arrêt Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), précité, par rapport au signe verbal «BEST BUY».

30      Il y a donc lieu de considérer que, en alléguant que les constatations du Tribunal ne portaient pas sur la marque concrète dont l’enregistrement est demandé, la requérante vise à remettre en cause et à faire réexaminer par la Cour une appréciation factuelle du Tribunal.

31      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du moyen unique comme manifestement irrecevable.

 Sur la deuxième branche du moyen unique

 Argumentation des parties

32      La requérante reproche au Tribunal d’avoir uniquement vérifié si les différents éléments du signe en cause pris chacun séparément ont un caractère distinctif. Le Tribunal aurait dû également apprécier si ces éléments peuvent, pris ensemble, éventuellement constituer une dénomination d’origine considérée par le public pertinent comme davantage que la somme de ses éléments.

33      Contrairement à l’exigence rappelée au point 20 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne se serait pas livré à une appréciation de la marque en cause dans son ensemble prenant en considération la possibilité que la somme d’éléments qui, envisagés séparément, ne sont pas susceptibles d’être protégés, constitue une marque qui, prise dans son ensemble, est susceptible de l’être.

34      L’OHMI considère que la deuxième branche du moyen unique procède d’une compréhension erronée du rôle du Tribunal. Celui-ci ne serait pas généralement tenu de statuer de nouveau sur l’ensemble de la demande d’enregistrement et d’effectuer toutes les appréciations factuelles de manière autonome et indépendante par rapport aux appréciations faites par l’examinateur ou la chambre de recours concernée. Le Tribunal serait en effet autorisé à se référer aux analyses effectuées par la chambre de recours concernée et à ne les contrôler ponctuellement et dans le détail que dans la mesure où la requérante invoque des éléments fondés à leur encontre.

35      Il n’y aurait jamais eu de doute sur le fait que, ainsi que la quatrième chambre de recours de l’OHMI l’a établi, l’appréciation du caractère distinctif d’une marque complexe doit être fondée sur celle-ci dans son ensemble, cette approche n’excluant toutefois pas un examen séparé préalable des différents éléments constitutifs de ladite marque. L’appréciation de l’impression d’ensemble devrait toujours être précédée d’un relevé et d’une analyse des éléments discernables qui produisent cette impression.

 Appréciation de la Cour

36      Il est de jurisprudence constante que, s’agissant d’une marque complexe, telle que celle en cause en l’espèce, l’appréciation de son caractère distinctif ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses termes ou de ses éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère (arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 41 et jurisprudence citée). En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un tel caractère (arrêt Eurohypo/OHMI, précité, point 41 et jurisprudence citée).

37      Si, au point 20 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est expressément référé à cette jurisprudence, force est de constater que, dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision litigieuse, le Tribunal n’a pas lui-même apprécié la perception globale de la combinaison des différents éléments de la marque dont l’enregistrement est demandé.

38      Il ressort néanmoins de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, la requérante n’a pas fait grief à la quatrième chambre de recours de l’OHMI d’avoir méconnu l’exigence d’une appréciation de la marque en cause dans son ensemble. En l’absence d’un tel grief, le Tribunal n’était pas tenu de procéder à une telle appréciation. C’est donc à bon droit qu’il s’est borné à rappeler, au point 23 de l’arrêt attaqué, que ladite chambre de recours a conclu à l’absence d’interaction entre les différents éléments de la marque dont l’enregistrement est demandé.

39      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la deuxième branche du moyen unique constitue en réalité un moyen nouveau qui n’a pas été soumis à l’appréciation du Tribunal. Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir arrêt du 25 février 2010, Lancôme/OHMI, C‑408/08 P, non encore publié au Recueil, point 53 et jurisprudence citée).

40      En conséquence, la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

 Sur la troisième branche du moyen unique

 Argumentation des parties

41      Par la troisième branche du moyen unique, la requérante fait valoir que le Tribunal a interprété de manière trop stricte l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et qu’il n’a pas suffisamment motivé son appréciation de la perception du signe en cause par le consommateur.

42      Elle rappelle que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, l’enregistrement d’une marque constituée de signes ou d’indications qui sont normalement utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou invitation à la vente de produits ou de prestations de services qui font référence à cette marque n’est pas exclu d’emblée. Il ressortirait de l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, non encore publié au Recueil), que, pour autant que le public concerné perçoit la marque concernée comme une indication de l’origine commerciale, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif.

43      Le Tribunal se serait écarté de ces considérations en jugeant, au point 19 de l’arrêt attaqué, que le fait de percevoir une marque «en premier lieu» comme une information à caractère publicitaire suffit à faire considérer qu’il existe un obstacle absolu à l’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

44      La requérante ajoute que même l’application par le Tribunal de ce critère trop étroit à la marque en cause est erronée. Une analyse du signe dont l’enregistrement est demandé en vue de savoir s’il doit précisément être considéré exclusivement comme slogan publicitaire et non également comme indication de provenance ferait défaut en l’espèce. À cet égard, la requérante allègue que l’affirmation du Tribunal, au point 26 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le consommateur perçoit «exclusivement» la marque en cause comme une indication d’un rapport prix/prestation avantageux n’est pas fondée sur l’appréciation de ce caractère exclusif.

45      Le Tribunal aurait assimilé en pratique, sans autre analyse, à un pur slogan commercial le contenu commercial de l’élément verbal du signe en cause, de sorte que, contrairement aux prescriptions de la Cour, la fonction commerciale de ce signe exclurait automatiquement la fonction d’origine de celui-ci.

46      Toujours selon la requérante, le Tribunal aurait dû au moins mentionner les raisons pour lesquelles la marque dont l’enregistrement est demandé ne peut pas être perçue simultanément par les milieux concernés comme un slogan publicitaire et une indication de l’origine. Le contenu publicitaire de cette marque ne saurait suffire à lui seul.

47      L’OHMI considère que la troisième branche du moyen unique, tirée de ce que le Tribunal aurait appliqué un critère trop sévère pour l’examen du caractère distinctif d’un message à caractère publicitaire, constitue, en réalité, non pas une question de droit, mais une remise en cause des appréciations factuelles du Tribunal.

48      Selon l’OHMI, le Tribunal n’a pas retenu un critère trop sévère en considérant, au point 19 de l’arrêt attaqué, qu’il suffit de relever que le contenu sémantique du signe figuratif en cause indique au consommateur une caractéristique du produit qui procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire, que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits.

49      En ce qui concerne les constatations opérées au point 26 de l’arrêt attaqué relatives à la perception du consommateur, l’OHMI estime qu’elles doivent, en application des critères établis par la jurisprudence de la Cour, amener à constater l’absence de caractère distinctif du signe en cause. La question de savoir si l’appréciation tant du Tribunal que de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, selon laquelle le consommateur percevra le signe en cause exclusivement comme une indication du rapport avantageux entre la qualité et le prix, est correcte ne saurait toutefois, eu égard à son caractère factuel, faire l’objet d’un réexamen dans le cadre d’un pourvoi.

50      Quant à la question de savoir si le Tribunal aurait dû motiver davantage cette appréciation de la perception du consommateur, l’OHMI estime qu’elle ne fait pas l’objet du litige puisque la requérante n’a pas invoqué de violation de l’obligation de motivation. Ses allégations à cet égard seraient, de surcroît, trop peu fondées pour être considérées comme un moyen autonome.

 Appréciation de la Cour

51      S’agissant, en premier lieu, de l’argument tiré de ce que le Tribunal aurait appliqué un critère trop sévère à l’examen du caractère distinctif du signe dont l’enregistrement est demandé, il convient d’observer que, au point 26 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que le consommateur, en présence du signe «BEST BUY», percevra celui-ci exclusivement comme une indication du rapport avantageux entre la qualité et le prix et ne sera pas en mesure d’y voir une quelconque indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause.

52      Sur la base de cette appréciation des faits dont la Cour ne saurait contrôler l’exactitude dans le cadre d’un pourvoi, le Tribunal a donc conclu à l’absence de caractère distinctif d’un signe qui ne sera pas du tout perçu comme une indication de ladite origine commerciale. Or, cette conclusion n’est pas incompatible avec le principe, récemment rappelé par la Cour, selon lequel pour autant que le public concerné perçoit la marque en cause comme une indication de cette même origine commerciale, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêt Audi/OHMI, précité, point 45).

53      Il y a donc lieu de constater que le Tribunal n’a pas appliqué un critère trop sévère à l’examen du caractère distinctif du signe en cause. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’examiner la question, disputée entre les parties, de savoir si la considération formulée au point 19 de l’arrêt attaqué est, en tant que telle, compatible avec la jurisprudence rappelée au point 52 du présent arrêt.

54      S’agissant, en second lieu, de l’argument selon lequel le Tribunal n’aurait pas suffisamment motivé la considération selon laquelle le consommateur percevra exclusivement le signe en cause comme une indication du rapport avantageux entre la qualité et le prix, il y a lieu de l’écarter.

55      D’une part, contrairement à ce qu’allègue la requérante, ladite considération n’est pas impérativement déduite du point 24 de l’arrêt attaqué. Ainsi qu’il ressort clairement du point 26 dudit arrêt, ce sont les conclusions dans l’arrêt Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), précité, qui, selon le Tribunal, s’appliquent également à la présente affaire et non les appréciations factuelles qui sont propres à l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

56      D’autre part, il convient d’observer que, devant le Tribunal, la requérante a soutenu que c’est en raison de son graphisme que le signe dont l’enregistrement est demandé sera perçu comme une référence à l’origine commerciale des produits et des services en cause. Or, aux points 27 à 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a réfuté les arguments relatifs aux différents aspects du graphisme. Dans ces conditions, le Tribunal n’était pas tenu de motiver davantage l’appréciation selon laquelle le consommateur percevra exclusivement ledit signe comme une indication du rapport avantageux entre la qualité et le prix.

57      Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique n’est pas fondée.

58      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble comme en partie manifestement irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en son moyen, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Media-Saturn-Holding GmbH est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.