ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

17 mars 2011 (*)

«Manquement d’État – Introduction en libre pratique de bananes fraîches – Poids déclaré ne correspondant pas au poids réel – Obligation des autorités douanières de contrôler le poids déclaré – Code des douanes communautaire – Règlement (CEE) n° 2913/92 – Articles 68 et suivants – Règlement (CEE) nº 2454/93 – Article 290 bis – Annexe 38 ter – Système des ressources propres – Perte des recettes – Règlement (CEE, Euratom) nº 1552/89 – Règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 – Articles 2, 6, 9, 10 et 11»

Dans l’affaire C‑23/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 14 janvier 2010,

Commission européenne, représentée par M. A. Caeiros, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. D. Šváby, président de chambre, MM. E. Juhász et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en raison de l’acceptation systématique, au cours des années 1998 à 2002, de déclarations en douane de mise en libre pratique de bananes fraîches par ses autorités douanières, alors qu’elles savaient ou devaient raisonnablement savoir que le poids déclaré des bananes ne correspondait pas à leur poids réel, et en raison du refus des autorités portugaises de mettre à disposition les ressources propres correspondant à la perte de recettes et les intérêts de retard dus, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu:

–        des articles 68 et suivants du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»),

–        de l’article 290 bis du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 89/97 de la Commission, du 20 janvier 1997 (JO L 17, p. 28, ci-après le «règlement n° 2454/93»), et de l’annexe 38 ter de celui-ci, ainsi que

–        des articles 2, 6 et 9 à 11 du règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 155, p. 1), tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) n° 1355/96 du Conseil, du 8 juillet 1996 (JO L 175, p. 3, ci-après le «règlement n° 1552/89»), et des mêmes articles du règlement (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 130, p. 1).

 Le cadre juridique

 La réglementation relative au code des douanes

2        Selon l’article 13 du code des douanes, «les autorités douanières peuvent prendre, aux conditions fixées par les dispositions en vigueur, toutes les mesures de contrôle qu’elles estiment nécessaires pour l’application correcte de la réglementation douanière».

3        Aux termes de l’article 68 de ce code:

«Pour la vérification des déclarations acceptées par elles, les autorités douanières peuvent procéder:

a)      à un contrôle documentaire portant sur la déclaration et les documents qui y sont joints. Les autorités douanières peuvent exiger du déclarant de leur présenter d’autres documents en vue de la vérification de l’exactitude des énonciations de la déclaration;

b)      à l’examen des marchandises accompagné d’un éventuel prélèvement d’échantillons en vue de leur analyse ou d’un contrôle approfondi.»

4        L’article 71 dudit code prévoit:

«1.      Les résultats de la vérification de la déclaration servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées.

2.      Lorsqu’il n’est pas procédé à la vérification de la déclaration, l’application des dispositions visées au paragraphe 1 s’effectue d’après les énonciations de la déclaration.»

5        L’article 72 du code des douanes énonce:

«1.      Les autorités douanières prennent les mesures permettant d’identifier les marchandises lorsque cette identification est nécessaire pour garantir le respect des conditions du régime douanier pour lequel lesdites marchandises ont été déclarées.

2.      Les moyens d’identification apposés sur les marchandises ou sur les moyens de transport ne peuvent être enlevés ou détruits que par les autorités douanières ou avec l’autorisation de ces autorités à moins que, par suite d’un cas fortuit ou de force majeure, leur enlèvement ou leur destruction ne soit indispensable pour assurer la sauvegarde des marchandises ou des moyens de transport.»

6        Aux termes de l’article 73, paragraphe 1, de ce code:

«Sans préjudice de l’article 74 lorsque les conditions de placement sous le régime en cause sont réunies et pour autant que les marchandises ne fassent pas l’objet de mesures de prohibition ou de restriction, les autorités douanières octroient la mainlevée des marchandises dès que les énonciations de la déclaration ont été vérifiées ou admises sans vérification. Il en est de même si la vérification ne peut pas être terminée dans des délais raisonnables et que la présence des marchandises en vue de cette vérification n’est plus nécessaire.»

7        Le règlement nº 89/97 en modifiant le règlement nº 2454/93 dans sa version précédente a inséré dans celui-ci des dispositions spéciales concernant la mise en libre pratique de bananes applicables à partir du 1er février 1997.

8        L’article 290 bis du règlement n° 2454/93 dispose:

«L’examen des bananes du code NC 0803 00 19 pour le contrôle de la masse nette à l’importation doit porter sur un nombre minimal de déclarations de mise en libre pratique égal à 10 % par année par bureau de douane.

L’examen des bananes s’effectue au moment de la mise en libre pratique conformément aux règles fixées à l’annexe 38 ter.»

9        L’annexe 38 ter du règlement n° 2454/93 prévoit:

«1.      Pour l’application de l’article 290 bis, les autorités douanières du bureau de douane auprès duquel la déclaration pour la mise en libre pratique de bananes fraîches a été déposée déterminent la masse nette en se basant sur un échantillon d’unités d’emballage de bananes pour chaque type d’emballage et pour chaque origine.

2.      L’échantillon des unités d’emballage à peser doit être représentatif de la déclaration. Il doit porter, au minimum, sur les quantités reprises ci-dessous:

Nombre d’unités d’emballage déclaré (par type d’emballage et par origine)

Nombre d’unités d’emballage à examiner

jusqu’à 400

de 401 à 700

de 701 à 1 000

de 1 001 à 2 000

plus de 2 000

5

7

10

13

15

Dans le cas où l’ensemble d’une cargaison fait l’objet d’une seule déclaration en douane, le service des douanes peut, sauf soupçon de fraude, baser le calcul de la masse nette sur un échantillonnage minimal de 15 unités d’emballage (de même type d’emballage et de même origine).

La masse nette est déterminée de la manière suivante:

–        après ouverture d’au moins une unité d’emballage, par détermination de la masse de l’emballage,

–        la masse reconnue de l’emballage sera admise pour tous les emballages de même type et sera déduite de la masse reconnue de l’ensemble des unités d’emballage pesées,

–        la masse moyenne établie par unité d’emballage de bananes, en fonction de la masse reconnue pour l’échantillon contrôlé sera admise comme base pour déterminer la masse nette des bananes faisant l’objet de la déclaration.»

 La réglementation relative aux ressources propres

10      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 94/728/CE, Euratom du Conseil, du 31 octobre 1994, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 293, p. 9), qui a pris effet au 1er janvier 1995, constituent des ressources propres inscrites au budget des Communautés européennes les recettes provenant, notamment, des «droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions des Communautés sur les échanges avec les pays non membres». Cette disposition a le même contenu que celui de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 88/376/CEE, Euratom du Conseil, du 24 juin 1988, relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 185, p. 24).

11      L’article 2, paragraphes 1 et 1 bis, du règlement n° 1552/89 prévoit:

«1.      Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de la décision 88/376/CEE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

1 bis.          La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière.

[…]»

12      Aux termes de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de ce règlement:

«1.      Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du [T]résor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[…]

2.      a)     Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b)      Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a), dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.

[…]»

13      L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement dispose que, «[s]elon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son [T]résor ou de l’organisme qu’il a désigné».

14      L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1552/89 prévoit:

«Après déduction de 10 % au titre des frais de perception en application de l’article 2 paragraphe 3 de la décision 88/376/CEE, Euratom, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de cette décision, intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6 paragraphe 2 point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits.»

15      Aux termes de l’article 11 de ce règlement, «[t]out retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard».

16      L’article 17, paragraphes 1 et 2, dudit règlement énonce:

«1.      Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.      Les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure. En outre, dans des cas d’espèce, les États membres peuvent ne pas mettre ces montants à la disposition de la Commission lorsqu’il s’avère, après examen approfondi de toutes les données pertinentes du cas en question, qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne sauraient leur être imputables. […]»

17      À partir du 31 mai 2000, le règlement n° 1552/89 a été remplacé par le règlement n° 1150/2000. Les articles 2, 6, 9 à 11 et 17 de ce dernier règlement ont, en substance, un contenu identique à celui des mêmes articles du règlement n° 1552/89. Il convient cependant de préciser que, si le règlement n° 1552/89 faisait référence à la décision 88/376, le règlement n° 1150/2000 renvoie à la décision 94/728. Par ailleurs, la numérotation des articles de ce dernier règlement diffère légèrement de celle du règlement n° 1552/89 en ce sens que l’article 2, paragraphe 1 bis, est devenu l’article 2, paragraphe 2, ainsi que l’article 6, paragraphe 2, est devenu l’article 6, paragraphe 3, et la référence effectuée à cette disposition à l’article 10, paragraphe 1, a été adaptée.

18      L’article 8, faisant partie du titre III, intitulé «Contrôles», du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), dispose:

«1.      Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la régularité et de la réalité des opérations engageant les intérêts financiers des Communautés.

2.      Les mesures de contrôle sont adaptées aux spécificités de chaque secteur et proportionnées aux objectifs poursuivis. Elles tiennent compte des pratiques et des structures administratives existant dans les États membres et sont déterminées de manière à ne pas engendrer de contraintes économiques et de coûts administratifs excessifs.

La nature et la fréquence des contrôles et des vérifications sur place à effectuer par les États membres, ainsi que les modalités de leur exécution, sont déterminées, en tant que de besoin, par les réglementations sectorielles en vue d’assurer une application uniforme et efficace des réglementations en question et, notamment, de prévenir et de détecter les irrégularités.

3.      Les réglementations sectorielles contiennent les dispositions nécessaires afin d’assurer un contrôle équivalent par le rapprochement des procédures et des méthodes de contrôle.»

 La procédure précontentieuse

19      À la suite d’une indication fournie par la République italienne par lettre du 22 juin 2000 concernant le traitement de l’introduction en libre pratique de bananes par certains bureaux de douane communautaires, la Commission a effectué, du 18 au 22 juin 2001, une visite de contrôle dans les bureaux de douane portugais Alcântara Norte et Setúbal. Selon le rapport sur cette visite, adressé à la République portugaise par lettre du 23 octobre 2001, les agents desdits bureaux de douane acceptaient systématiquement et sans contrôle un poids déclaré de 18,14 kg par carton de bananes, tout en sachant que ces déclarations ne correspondaient pas à la réalité et indiquaient souvent un poids inférieur au poids réel. Les autorités portugaises ont été invitées à préciser comment elles entendaient neutraliser les effets négatifs de ladite pratique pour le budget communautaire. La République portugaise a transmis ses observations par lettre du 6 mars 2002.

20      Par lettre du 27 août 2002, la Commission a invité la République portugaise à modifier, le plus rapidement possible, ladite pratique administrative et à établir une méthode d’évaluation des éventuelles conséquences financières résultant de celle-ci, en s’appuyant, par exemple, sur le résultat de statistiques de contrôles de poids effectués. La République portugaise a répondu, le 13 mars 2003, qu’il n’était pas possible, lorsqu’il n’y a pas eu de pesage, de calculer les droits dus à partir d’une base d’imposition différente de celle figurant dans la déclaration en douane qui a été présentée et acceptée.

21      Selon un courrier électronique, envoyé le 23 juin 2003 par une fonctionnaire du ministère des Finances portugais à la Commission, les autorités portugaises avaient cessé d’accepter des déclarations d’importation de bananes indiquant un poids de 18,14 kg et avaient élaboré des instructions internes destinées aux bureaux de douane afin de modifier la procédure de contrôle et estimaient, alors, qu’elles étaient en mesure de garantir le respect des règles communautaires en matière d’importation de bananes.

22      Par lettre du 5 août 2003, la Commission a invité la République portugaise, en l’absence d’une proposition de sa part concernant l’évaluation des conséquences financières découlant de l’acceptation des déclarations d’importation de bananes indiquant un poids fictif, d’une part, à lui communiquer les relevés de poids de toutes les déclarations contrôlées au cours de l’année 2000 et, d’autre part, à contrôler, dans la mesure du possible, toutes les déclarations de mise en libre pratique des bananes fraîches pour la période du 1er août au 31 octobre 2003.

23      Le 9 février 2004, la République portugaise a transmis, d’une part, la circulaire n° 82/2003, du 16 juillet 2003, comprenant des instructions internes adressées aux douanes relatives au régime de contrôle à l’importation des bananes et, d’autre part, les résultats du contrôle de toutes les déclarations d’importation des bananes fraîches présentées à ses bureaux de douane entre le 1er août et le 31 octobre 2003. En revanche, elle n’a pas communiqué les résultats des contrôles portant sur l’année 2000.

24      La Commission a, par lettre du 9 juillet 2004, informé la République portugaise que «le différentiel des droits à l’importation dus entre le poids de 18,14 kg par carton et le poids réel sera calculé, à moins que les autorités portugaises ne fournissent des éléments en sens contraire, sur la base des résultats» des contrôles effectués entre le 1er août et le 31 octobre 2003. Ainsi, le montant encore dû pour les années 1998 à 2002 s’élèverait à 16 087 604,41 euros. En conséquence, elle a invité la République portugaise à mettre ce montant à disposition le plus rapidement possible. Celle-ci a répondu, par lettre du 22 mars 2005, que les déclarations n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle avaient été acceptées sur le fondement des articles 68, 71 et 73 du code des douanes, de sorte qu’il n’y aurait pas eu de préjudice pour le budget communautaire.

25      La Commission a décidé d’engager la procédure prévue à l’article 226 CE et a mis en demeure la République portugaise par lettre du 23 mars 2007. À la suite de la réponse de cette dernière du 31 mai 2007, la Commission a, par lettre du 1er février 2008, transmis un avis motivé invitant la République portugaise à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception. La République portugaise a maintenu sa position par lettre du 4 avril 2008.

26      C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

27      La Commission reproche, en premier lieu, à la République portugaise d’avoir accepté, d’une manière systématique, des déclarations en douane de mise en libre pratique de bananes fraîches indiquant un poids «standard», notamment le poids minimal garanti à l’arrivée par l’expéditeur pour les bananes mûres, sans vérifier l’exactitude de ces déclarations.

28      En effet, selon le règlement n° 2454/93 la «masse nette» des bananes à l’importation, c’est-à-dire leur «poids réel», devrait servir de base à l’application des droits de douane. Or, à la suite des contrôles effectués sur une partie desdites déclarations, les autorités douanières portugaises auraient su ou raisonnablement dû savoir que le poids réel des bananes importées était toujours différent du poids «standard» déclaré, ce poids réel se situant normalement au-dessus de celui-ci. Par conséquent, la faculté offerte aux autorités douanières d’effectuer des contrôles supplémentaires du poids des bananes, au-delà du minimum de 10 % exigé par l’article 290 bis du règlement n° 2454/93, deviendrait une obligation en vue de protéger efficacement les ressources propres communautaires. À cet égard, la déclaration d’un poids «standard» commercial aurait suffit à elle seule à faire douter du caractère réel du poids déclaré.

29      En second lieu, la Commission considère que les autorités portugaises sont responsables de toute perte de ressources propres communautaires résultant de ladite pratique. Le montant à mettre à la disposition du budget communautaire pour les années 1998 à 2002 s’élèverait à 16 087 604,41 euros. La pratique critiquée n’aurait été modifiée qu’au cours de l’année 2003, ainsi que cela résulterait du courrier électronique du 23 juin 2003 et de la circulaire n° 82/2003.

30      La méthode de calcul dudit montant convenue avec les autorités portugaises aurait consisté à contrôler l’ensemble des importations de bananes fraîches entre le 1er août et le 31 octobre 2003, puis à calculer, en fonction des résultats de ce contrôle, le poids moyen des bananes importées au cours des années 1998 à 2002. Cette méthode forfaitaire garantirait la protection des intérêts financiers communautaires, tout en évitant une charge de travail disproportionnée pour les autorités portugaises. Dans son mémoire en réplique, la Commission ajoute que, eu égard à l’absence des marchandises sur lesquelles faire porter les vérifications, elle a invité, à plusieurs reprises, mais sans succès, la République portugaise à proposer une méthode d’évaluation des conséquences financières, pour le budget communautaire, de l’acceptation de déclarations en douane qui indiquaient un poids fictif.

31      La République portugaise conclut au rejet du présent recours comme non fondé.

32      Elle demande, à titre liminaire, à avoir accès à l’ensemble de la correspondance échangée entre la Commission et les autorités italiennes, afin de connaître tant les informations fournies par ces autorités que les positions adoptées ensuite par la Commission.

33      En ce qui concerne le manquement reproché, la République portugaise reconnaît que, jusqu’à l’année 2006, il était de pratique courante, de la part des opérateurs économiques, de déclarer un poids fictif standard par carton de bananes fraîches importées, poids qui s’élevait d’abord, notamment en 1998, à 18,14 kg et, durant le second semestre de l’année 2002, à 18,85 kg. Toutefois, cet État membre estime que le droit communautaire avait été respecté dans la mesure où les autorités douanières effectuaient des pesages sur 30 %, en moyenne, des déclarations, ce que la Commission ne conteste pas.

34      Il n’existait, selon ledit État, aucune obligation de contrôler, par le pesage, plus de 10 % des déclarations en douane de mise en libre pratique des bananes importées, indépendamment du fait que ces déclarations ont été remplies sur la base du «poids réel» desdites bananes ou d’un poids fictif quelconque. Étant donné que, selon l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95, les réglementations sectorielles déterminent la fréquence des contrôles, en vue, en particulier, de prévenir les irrégularités, le législateur communautaire aurait renoncé à imposer le pesage de 90 % des déclarations lorsqu’il a imposé, par une réglementation sectorielle, le contrôle de seulement 10 % de ces déclarations, tout en étant conscient de la pratique courante consistant à déclarer un poids fictif.

35      En tout état de cause, il n’existerait pas d’obligation de contrôler toutes les déclarations de bananes indiquant un poids net de 18,14 kg par carton de bananes. Une telle obligation ne saurait être fondée sur le risque d’acceptation de déclarations incorrectes. Ce risque serait inhérent à la méthode fixée à l’annexe 38 ter du règlement n° 2454/93, laquelle prévoit uniquement le pesage d’un nombre réduit de cartons. En outre, un contrôle de l’ensemble des déclarations en douane impliquerait de sérieuses contraintes au niveau de la gestion des ressources humaines existantes et surchargerait financièrement l’État membre concerné.

36      Il ne serait pas non plus possible de conclure que les agents des bureaux de douane avaient certainement eu conscience de ce que le poids réel par carton de bananes était toujours supérieur à 18,14 kg. Certes, les pesages effectués au cours de l’année 1997 et pendant les années suivantes auraient permis de démontrer que le poids réel était, en moyenne, supérieur au poids déclaré de 200 grammes par carton. Toutefois, près de la moitié des cartons de bananes pesés par la douane de Setúbal durant l’année 2000 auraient eu un poids net inférieur à 18,14 kg.

37      En outre, la République portugaise ne serait pas tenue de mettre à la disposition de la Commission le montant de 16 087 604,41 euros et les intérêts de retard correspondants. En raison de l’impossibilité d’utiliser les marchandises litigieuses pour procéder à la vérification des déclarations par pesage, il serait exclu d’affirmer que des montants inférieurs à ceux légalement dus ont été perçus. Les autorités portugaises n’auraient jamais convenu avec la Commission de l’utilisation d’une quelconque méthode forfaitaire aux fins du calcul des conséquences financières de la pratique en cause pour le budget communautaire, en particulier de l’utilisation à cette fin des pesages effectués au cours de l’année 2003.

38      Quant à la détermination du moment de la modification de la pratique litigieuse, la République portugaise fait valoir que le courrier électronique du 23 juin 2003 ne saurait être invoqué à titre de preuve dans la présente affaire. Il aurait été envoyé à titre personnel par un agent de l’État et n’indiquerait pas à quel moment cette pratique a été modifiée. Il ne serait pas non plus possible de soutenir que ladite pratique n’a été rectifiée qu’à la suite de la publication de la circulaire n° 82/2003.

39      En outre, ledit État membre allègue qu’il convient de tenir compte des circonstances suivantes dans le cadre de l’appréciation de sa responsabilité.

40      En particulier, l’évaluation de l’éventuel impact négatif de la pratique litigieuse pour le budget communautaire devrait se fonder sur les contrôles effectués durant la période en cause. En effet, il résulterait des vérifications opérées, au cours de l’année 1998 et des années suivantes, que le poids moyen par carton de bananes importées était de 18,35 kg, ce qui représente un poids évidemment inférieur au poids moyen de 19,16 kg constaté entre le 1er août et le 31 octobre 2003. Ladite évaluation devrait également prendre en compte les importations de bananes originaires de la République dominicaine et du Guatemala, effectuées pendant la période en cause et non uniquement celles en provenance du Costa Rica, du Panama, de la Colombie et de l’Équateur.

41      En outre, d’autres États membres ne se seraient pas non plus conformés à la législation communautaire telle qu’interprétée par la Commission. Or, celle-ci n’aurait effectué des contrôles que dans certains États membres.

42      Enfin, la Commission semblerait avoir accepté la pratique généralisée consistant à déclarer un poids fictif. Tout en ayant connaissance de cette pratique, elle n’aurait ni renforcé l’obligation de déclarer le poids réel lors de l’adoption du règlement n° 89/97 ni publié une communication à l’intention des importateurs soulignant la nécessité de déclarer le poids réel. La Commission aurait également violé l’obligation d’assistance mutuelle étant donné qu’elle n’aurait pas, immédiatement après avoir reçu les informations des autorités italiennes, invité les autorités portugaises à contrôler toutes les déclarations indiquant un poids fictif. À la suite de l’inspection réalisée au cours du mois de juin 2001, la Commission aurait adopté une position peu claire concernant les mesures à prendre, la mise en cause de la responsabilité des autorités portugaises ainsi que la méthode d’évaluation du préjudice éventuellement causé.

 Appréciation de la Cour

43      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la Cour ne saurait statuer, dans le cadre du présent recours, sur la demande de la République portugaise d’avoir accès à l’ensemble de la correspondance échangée entre la Commission et les autorités italiennes. L’objet de ce recours étant uniquement le manquement reproché par la Commission à l’État membre concerné, ladite demande dépasse le cadre de la présente procédure.

 Sur l’acceptation systématique de déclarations en douane indiquant un poids standard fictif

44      Tout d’abord, il convient de souligner qu’il découle de l’article 290 bis du règlement n° 2454/93 que l’application des droits de douane pour des bananes fraîches doit être fondée sur la masse nette de ces bananes à l’importation et, partant, sur leur poids réel. En revanche, il n’est pas prévu qu’une certaine différence entre ce poids réel et le poids déclaré peut être admise par les autorités douanières. Il s’ensuit que l’inscription d’un poids standard dans une déclaration en douane de mise en libre pratique n’est pas conforme à la réglementation communautaire.

45      Ledit article 290 bis prévoit également que, pour contrôler la masse nette à l’importation des bananes fraîches, l’examen de celles-ci, qui s’effectue au moment de la mise en libre pratique conformément aux règles fixées à l’annexe 38 ter de ce règlement, doit porter sur un nombre minimal de déclarations de mise en libre pratique égal à 10 % par année par bureau de douane.

46      Pour autant que ledit article fixe ce taux minimal indépendamment des circonstances concrètes des importations concernées, il ne limite pas la possibilité de procéder à davantage de contrôles s’il y a lieu de penser que la véracité des déclarations peut être mise en doute.

47      En ce qui concerne la question de savoir si, dans des circonstances telles que celles en cause dans le présent recours, il est nécessaire d’effectuer des contrôles des déclarations en douane au-delà du taux minimal de 10 %, il convient de rappeler que, selon l’article 1er du code des douanes, la réglementation douanière est constituée par ce code et par les dispositions prises pour son application au niveau communautaire ou national. Les règles établies dans un règlement d’application, tel que le règlement n° 2454/93, n’écartent donc pas l’application des règles générales établies par le code des douanes, mais en constituent des modalités d’application (voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2006, Nowaco Germany, C‑353/04, Rec. p. I‑7357, point 52).

48      En particulier, les articles 13, 68 et 71 du code des douanes constituent, tel qu’il résulte de la structure de ce code, des dispositions douanières générales qui s’appliquent, entre autres, à toutes les déclarations en douane de mise en libre pratique (voir, en ce sens, arrêt Nowaco Germany, précité, points 46 et 47).

49      Il découle de ces articles que les mesures de contrôle prises par les autorités douanières ont pour objectif de vérifier l’exactitude des énonciations figurant dans les déclarations en douane et, partant, d’assurer une application correcte de la réglementation douanière, ce qui est nécessaire afin de protéger efficacement les ressources propres communautaires.

50      Le pouvoir discrétionnaire, accordé par l’article 290 bis du règlement n° 2454/93 aux autorités douanières, en ce qui concerne la décision d’effectuer des contrôles des déclarations en douane au-delà du taux minimal de 10 %, doit par conséquent être exercé en fonction des objectifs poursuivis par les articles 13, 68 et 71 du code des douanes. Il s’ensuit que, afin d’assurer l’application correcte de la réglementation douanière, il convient de procéder à la vérification d’une déclaration en douane au-delà du seuil susvisé, notamment, lorsque les autorités douanières disposent d’indications concrètes quant à l’inexactitude d’une telle déclaration, ce qui pourrait avoir comme conséquence de recouvrer des droits de douane inférieurs à ceux effectivement dus.

51      Étant donné que, dans ces conditions, la nécessité de vérifier une telle déclaration en douane résulte des règles générales prévues aux articles 13, 68 et 71 du code des douanes, il y a lieu de procéder à la vérification indépendamment de l’existence ou non d’une disposition dans le règlement n° 2454/93 prévoyant expressément un taux de contrôle supérieur dans certaines conditions.

52      À cet égard, la République portugaise ne saurait pas valablement invoquer l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95. Ce règlement ayant pour objet la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, il n’est donc pas susceptible d’exclure la nécessité de procéder à cette vérification en raison de l’existence d’une réglementation douanière poursuivant, en substance, le même but que ledit règlement. En effet, ainsi qu’il découle de l’article 290 bis du règlement n° 2454/93, lu en combinaison avec les articles 13, 68 et 71 du code des douanes, l’objectif d’assurer une application correcte de la réglementation douanière entraîne la nécessité d’effectuer de telles vérifications, et ce afin d’assurer également la protection des ressources propres communautaires.

53      S’agissant des déclarations de mise en libre pratique indiquant un poids standard de bananes, il convient de constater que les conditions énoncées au point 50 du présent arrêt étaient remplies en l’espèce. À cet égard, la République portugaise admet que, au cours des années 1998 à 2002, les opérateurs économiques déclaraient régulièrement un poids de bananes par carton forfaitaire qui ne correspondait pas au poids réel. Elle admet également que, en raison des contrôles des déclarations effectués au cours de l’année 1997 et pendant les années suivantes, ses autorités douanières étaient au courant que le poids forfaitaire déclaré était, en moyenne, inférieur au poids réel constaté lors desdits contrôles.

54      Il résulte de ce qui précède que les autorités portugaises n’ont pas effectué les contrôles requis par l’article 290 bis du règlement n° 2454/93, lu en combinaison avec les articles 13, 68 et 71 du code des douanes, en acceptant systématiquement des déclarations en douane de bananes importées mentionnant un poids standard, sans vérifier le poids réel de ces produits, et ce en dépit du fait qu’elles savaient, en raison des vérifications effectuées sur une partie desdites déclarations, que, en moyenne, ces vérifications conduisaient à la majoration du poids déclaré et, partant, à celle des droits de douane dus.

55      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les allégations de la République portugaise selon lesquelles un contrôle de l’ensemble des déclarations mentionnant un poids «standard» créerait des difficultés pratiques et financières pour cet État membre. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de situations internes, telles que les difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, pour justifier le non-respect des obligations résultant des normes du droit communautaire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France, C‑121/07, Rec. p. I‑9159, point 72, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, non encore publié au Recueil, point 83). Par ailleurs, les autorités portugaises ont déclaré dans leur réponse, du 7 juin 2001, au questionnaire de la Commission sur l’application du règlement n° 89/97 qu’elles ne rencontraient pas de difficultés dans cette application.

56      En revanche, la Commission n’a pas établi que la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’annexe 38 ter du règlement n° 2454/93. En effet, tandis que l’article 290 bis de ce règlement vise le taux des déclarations de mise en libre pratique de bananes à contrôler, ladite annexe 38 ter précise la méthode à suivre lors d’un tel contrôle, et notamment le nombre d’unités d’emballage à examiner. Or, la Commission ne démontre ni dans sa requête ni dans son mémoire en réplique que les autorités portugaises n’auraient pas respecté cette méthode lors des contrôles effectués.

 Sur la mise à disposition des ressources propres et des intérêts de retard

57      En ce qui concerne la question de savoir si la République portugaise est obligée de mettre à disposition de l’Union européenne les ressources propres correspondant à la perte de recettes consécutive à l’acceptation systématique de déclarations en douane énonçant un poids fictif et les intérêts de retard y afférents, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres communautaires, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser des intérêts de retard (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1989, Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, point 17; du 12 juin 2003, Commission/Italie, C‑363/00, Rec. p. I‑5767, point 43, et du 1er juillet 2010, Commission/Allemagne, C‑442/08, non encore publié au Recueil, point 93).

58      Il résulte d’une jurisprudence bien établie que les États membres ont l’obligation de constater les ressources propres des Communautés. En effet, l’article 2, paragraphe 1, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 doit être interprété en ce sens que les États membres ne peuvent pas se dispenser de constater les créances, même s’ils les contestent, sous peine d’admettre que l’équilibre financier des Communautés soit bouleversé, ne fût-ce qu’à titre temporaire, par le comportement d’un État membre (voir, notamment, arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, Rec. p. I‑2461, point 37, ainsi que du 17 juin 2010, Commission/Italie, C‑423/08, non encore publié au Recueil, point 39 et jurisprudence citée).

59      Les États membres sont tenus de constater un droit des Communautés sur les ressources propres dès que leurs autorités douanières disposent des éléments nécessaires et, partant, sont en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière ainsi que de déterminer le redevable (voir, notamment, arrêts du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, Rec. p. I‑9811, points 59 et 61; du 17 juin 2010, Commission/Italie, C‑423/08, précité, point 40, ainsi que Commission/Allemagne, précité, point 76).

60      Si une erreur commise par les autorités douanières d’un État membre a pour effet que les droits de douane n’ont pas été recouvrés, elle ne saurait remettre en cause l’obligation de l’État membre en question de payer les droits qui auraient dû être constatés, dans le cadre de la mise à disposition des ressources propres, ainsi que les intérêts de retard (voir arrêts Commission/Danemark, C‑392/02, précité, point 63; du 19 mars 2009, Commission/Italie, C‑275/07, Rec. p. I‑2005, point 100, et du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, non encore publié au Recueil, point 50).

61      Dans ces conditions, un État membre qui s’abstient de constater le droit des Communautés sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans que l’une des conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000 soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit communautaire (voir arrêts du 18 octobre 2007, Commission/Danemark, C‑19/05, Rec. p. I‑8597, point 32, et du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, précité, point 51).

62      En vertu de l’article 11 des règlements nos 1552/89 et 1150/2000, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, des mêmes règlements donne lieu au paiement par l’État membre concerné d’intérêts applicables à toute la période du retard (voir, notamment, arrêts du 14 avril 2005, Commission/Pays-Bas, C‑460/01, Rec. p. I‑2613, point 91, ainsi que Commission/Allemagne, précité, point 94 et jurisprudence citée), indépendamment de la raison du retard et d’un délai fixé par la Commission pour la mise à disposition des ressources propres (voir, notamment, arrêt Commission/Allemagne, précité, points 93 et 95).

63      S’agissant de la pratique en cause en l’espèce, à savoir l’acceptation systématique de déclarations en douane indiquant un poids standard des bananes importées sans vérification de celui-ci par les autorités douanières portugaises, il résulte du point 53 du présent arrêt que cette pratique a eu pour conséquence que les montants effectivement dus au titre des droits sur les ressources propres des Communautés n’ont pas été constatés et recouvrés. Étant donné que ces montants auraient pu être constatés correctement dès la réalisation des opérations d’importations et de leur dédouanement consécutif si lesdites autorités avaient effectué les vérifications nécessaires, la République portugaise doit être placée, pour la période litigieuse, dans une situation équivalente à celle où elle aurait constaté correctement les droits et les aurait inscrits dans la comptabilité (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, précité, points 71 et 72).

64      En ce qui concerne la période à prendre en considération à cet égard, il convient de rappeler que celle-ci concerne, selon la Commission, les années 1998 à 2002. Elle soutient que la pratique en cause a été modifiée au cours de l’année 2003, en se fondant sur deux indices, à savoir le courrier électronique du 23 juin 2003 et la circulaire n° 82/2003. La République portugaise se limite à contester de manière générale la pertinence de ces deux éléments sans pour autant indiquer à quel moment, antérieur selon elle, la pratique en cause a été modifiée. Aussi, il suffit de relever qu’une telle contestation ne permet pas d’écarter la valeur indicative desdits indices et de constater que le manquement reproché a pris fin plus tôt.

65      Quant au moyen de défense selon lequel il serait exclu de quantifier le montant des ressources propres qui n’ont pas été dûment constatées au cours des années en cause, il convient de relever que l’impossibilité de procéder à des vérifications en l’absence des marchandises concernées est la conséquence inéluctable de l’omission des autorités portugaises constatée au point 54 du présent arrêt. En outre, il y a lieu de constater que les résultats des contrôles effectués entre le 1er août et le 31 octobre 2003 peuvent être considérés, en raison de l’étendue desdits contrôles, comme pertinents. Ces contrôles ont permis de corroborer qu’il existe une différence entre le poids moyen déclaré par carton de bananes importées et le poids moyen constaté correspondant à peu près à la différence moyenne observée par les autorités douanières portugaises lors des contrôles effectués au cours des années 1998 à 2002.

66      Il s’ensuit que, eu égard à ces particularités, il n’est pas inapproprié, en l’espèce, de quantifier le montant des ressources propres qui n’ont pas été dûment constatées au cours des années en cause sur la base des résultats des contrôles effectués entre le 1er août et le 31 octobre 2003. Toutefois, une telle détermination doit être réalisée en comparant le poids moyen par carton de bananes constaté lors desdits contrôles avec le poids moyen déclaré pendant cette même période, étant donné que le poids standard déclaré a augmenté entre l’année 1998 et l’année 2003. Par ailleurs, il convient également de tenir compte de l’article 10, paragraphe 1, des règlements nos 1552/89 et 1150/2000, qui prévoit, en faveur des États membres, une déduction de 10 % au titre des frais de perception avant l’inscription des ressources propres.

67      En revanche, les autres éléments allégués par la République portugaise afin de s’exonérer de sa responsabilité ne sont pas pertinents.

68      En effet, cet État membre n’indique aucunement dans quelle mesure la prise en considération des importations de bananes originaires de la République dominicaine et du Guatemala est susceptible d’influer sur la mise en jeu de sa responsabilité ou de réduire celle-ci.

69      En outre, un État membre ne saurait justifier l’inexécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire par la circonstance que d’autres États membres auraient manqué ou manqueraient également à leurs obligations (voir en ce sens, notamment, arrêts du 26 février 1976, Commission/Italie, 52/75, Rec. p. 277, point 11, et du 19 novembre 2009, Commission/Finlande, C‑118/07, Rec. p. I‑10889, point 48).

70      Enfin, les prétendues omissions de la Commission alléguées par la République portugaise ne sont pas non plus susceptibles d’exclure la responsabilité de cette dernière.

71      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en raison de l’acceptation systématique, au cours des années 1998 à 2002, de déclarations en douane de mise en libre pratique de bananes fraîches par ses autorités douanières, alors qu’elles savaient ou devaient raisonnablement savoir que le poids déclaré des bananes ne correspondait pas à leur poids réel, et en raison du refus des autorités portugaises de mettre à disposition les ressources propres correspondant à la perte de recettes et les intérêts de retard dus, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, 68 et 71 du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 290 bis du règlement n° 2454/93, ainsi que des articles 2, 6 et 9 à 11 du règlement n° 1552/89 et des mêmes articles du règlement n° 1150/2000.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, notamment, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, les parties ayant succombé respectivement sur un ou plusieurs chefs, il y a lieu de décider que chacune d’elles supportent ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      En raison de l’acceptation systématique, au cours des années 1998 à 2002, de déclarations en douane de mise en libre pratique de bananes fraîches par ses autorités douanières, alors qu’elles savaient ou devaient raisonnablement savoir que le poids déclaré des bananes ne correspondait pas à leur poids réel, et en raison du refus des autorités portugaises de mettre à disposition les ressources propres correspondant à la perte de recettes et les intérêts de retard dus, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, 68 et 71 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, lu en combinaison avec l’article 290 bis du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) nº 89/97 de la Commission, du 20 janvier 1997, ainsi que des articles 2, 6 et 9 à 11 du règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés, tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) n° 1355/96 du Conseil, du 8 juillet 1996, et des mêmes articles du règlement (CE, Euratom) n° 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne et la République portugaise supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.