CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 13 juillet 2011 (1)

Affaire C‑322/10

Medeva BV

contre

Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks

[demande de décision préjudicielle présentée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

Affaire C‑422/10

Georgetown University

University of Rochester

Loyola University of Chicago

contre

Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks

[demande de décision préjudicielle présentée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) (Royaume-Uni)]

«Certificat complémentaire de protection pour les médicaments à usage humain – Règlement (CE) nº 469/2009 – Vaccin couvrant plusieurs pathologies – Conditions d’octroi d’un certificat complémentaire de protection – Produit – Protection par un brevet de base en vigueur – Autorisation de mise sur le marché du produit en tant que médicament à usage humain»






Table des matières


I –   Introduction

II – Le cadre juridique

A –   Le droit de l’Union 

B –   La convention sur le brevet européen 

C –   Le droit national

III – Les faits et les demandes préjudicielles

A –   Affaire Medeva

B –   Affaire Georgetown University e.a.

1.     Les demandes de CCP de la Georgetown University

2.     Les demandes de CCP de la University of Rochester

3.     Les demandes de CCP de la Loyola University of Chicago

4.     Les questions préjudicielles de la juridiction de renvoi

IV – La procédure devant la Cour

V –   Les arguments des parties

A –   Les première à cinquième questions préjudicielles dans l’affaire Medeva

B –   Sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et question préjudicielle unique de l’affaire Georgetown University e.a.

VI – Appréciation juridique

A –   Les première à cinquième questions préjudicielles de l’affaire Medeva

1.     Interprétation du libellé et de la systématique du règlement nº 469/2009

a)     L’objet du certificat complémentaire de protection

b)     Le problème: des médicaments composés de plusieurs principes actifs dont la composition de principes actifs n’est que partiellement protégée par un brevet ne peuvent-ils pas faire l’objet d’un certificat complémentaire de protection?

2.     Interprétation téléologique du règlement nº 469/2009

a)     Une interprétation téléologique des articles 1er à 3 inclus du règlement nº 469/2009 s’impose

b)     Le produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009

c)     Le produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009

d)     Résultat intermédiaire

3.     Réponses aux première à cinquième questions de l’affaire Medeva

B –   Sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et question unique de l’affaire Georgetown University e.a.

VII – Conclusion

«A –  Première à cinquième question de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (affaire C-322/10)

B –    Sixième question de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (affaire C-322/10) et question unique de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) (affaire C-422/10)


I –    Introduction

1.        Les présentes demandes préjudicielles, introduites conformément à l’article 267 TFUE, portent sur l’octroi de certificats de protection complémentaires conformément au règlement (CE) nº 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (2). Les juridictions de renvoi demandent à la Cour de leur préciser les conditions d’octroi de certificats de protection complémentaires pour des vaccins couvrant plusieurs pathologies.

2.        Les vaccins couvrant plusieurs pathologies ont pour particularité de contenir plusieurs principes actifs. Une multitude de vaccins de compositions différentes couvrant plusieurs pathologies peuvent ainsi être mis au point en ajoutant ou en supprimant des principes actifs sur la base d’un seul principe actif breveté ou d’une seule composition de principes actifs brevetée et ils peuvent être ainsi mis sur le marché en tant que médicaments à usage humain. Dans les deux procédures au principal, la Cour doit notamment déterminer si et, dans l’affirmative, à quelles conditions un certificat de protection complémentaire peut être délivré pour des vaccins couvrant plusieurs pathologies dans la composition desquels une partie seulement des principes actifs de base bénéficient d’un brevet. Pour répondre à cette question, la Cour sera confrontée à la tâche délicate d’ouvrir le champ d’application du règlement n° 469/2009 également à des vaccins combinés partiellement brevetés conformément aux objectifs de ce règlement sans ébranler l’équilibre que ledit règlement a institué entre les différents intérêts qui sont en jeu dans le secteur pharmaceutique.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union (3)

3.        Le certificat de protection complémentaire a été introduit dans l’ordre juridique de l’Union par le règlement (CEE) nº 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (4). Ce règlement ayant été considérablement modifié à plusieurs reprises après son entrée en vigueur, il a été codifié par le règlement nº 469/2009 dans le but de le rendre plus clair et d’en permettre une meilleure vue d’ensemble. Il n’existe néanmoins pas de différences fondamentales entre les contenus des deux règlements.

4.        Voici ce que le législateur communautaire a expliqué dans l’exposé des motifs du règlement nº 469/2009:

«[…]

(2)      La recherche dans le domaine pharmaceutique contribue de façon décisive à l’amélioration continue de la santé publique.

(3)      Les médicaments, et notamment ceux résultant d’une recherche longue et coûteuse, ne continueront à être développés dans la Communauté et en Europe que s’ils bénéficient d’une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche.

(4)      À l’heure actuelle, la période qui s’écoule entre le dépôt d’une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation de mise sur le marché dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.

(5)      Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique.

(6)      Il existe un risque de déplacement des centres de recherche situés dans les États membres vers des pays offrant une meilleure protection.

(7)      Il convient de prévoir une solution uniforme au niveau communautaire et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement le fonctionnement du marché intérieur.

(8)      Il est donc nécessaire de prévoir un certificat complémentaire de protection pour les médicaments ayant donné lieu à une autorisation de mise sur le marché, qui puisse être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. En conséquence, le règlement est l’instrument juridique le plus approprié.

(9)      La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans la Communauté, du médicament en question.

(10)      Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu’il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament.

[…]»

5.        Les articles 1er à 7 inclus du règlement nº 469/2009 sont rédigés comme suit:

«Article premier – Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:

a)      ‘médicament’: toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal;

b)      ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament;

c)      ‘brevet de base’: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat;

d)      ‘certificat’: le certificat complémentaire de protection;

[…]

Article 2 – Champ d’application

Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain [JO L 311, p. 67] ou de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires [JO L 311, p. 1] peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat.

Article 3 – Conditions d’obtention du certificat

Le certificat est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:

a)      le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;

b)      le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas;

c)      le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat;

d)      l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.

Article 4 – Objet de la protection

Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat.

Article 5 – Effets du certificat

Sous réserve de l’article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.

Article 6 – Droit au certificat

Le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit.

Article 7 – Demande de certificat

1.      La demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que médicament, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article 3, point b).

2.      Nonobstant le paragraphe 1, lorsque l’autorisation de mise sur le marché intervient avant la délivrance du brevet de base, la demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date de délivrance du brevet.

[…]»

6.        Sous le titre «Durée du certificat», l’article 13 du règlement nº 469/2009 dispose ce qui suit:

«1.      Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans.

2.      Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet.

[…]»

B –    La convention sur le brevet européen (5)

7.        L’article 69 de la convention sur le brevet européen (CBE), intitulé «Étendue de la protection», est rédigé comme suit:

«1. L’étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.

2. Pour la période allant jusqu’à la délivrance du brevet européen, l’étendue de la protection conférée par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications contenues dans la demande telle que publiée. Toutefois, le brevet européen tel que délivré ou tel que modifié au cours de la procédure d’opposition, de limitation ou de nullité détermine rétroactivement la protection conférée par la demande, pour autant que cette protection ne soit pas étendue.»

8.        Le protocole interprétatif de l’article 69 de la CBE du 5 octobre 1973, tel que révisé par l’acte portant révision de la CBE du 29 novembre 2001, dispose ce qui suit:

«Article premier – Principes généraux

L’article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers.

Article 2 – Équivalents

Pour la détermination de l’étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalant à un élément indiqué dans les revendications.»

C –    Le droit national

9.        L’article 60 de la loi du Royaume-Uni sur les brevets de 1977 (UK Patents Act 1977) énonce les règles suivantes:

«1.      Conformément aux dispositions de la présente section, viole un brevet d’invention quiconque, alors que le brevet est en vigueur, accomplit l’un des actes suivants, et seulement l’un de ces actes, au Royaume-Uni, en relation avec l’invention, sans le consentement du titulaire du brevet:

a)      si l’invention est un produit, disposer du produit, offrir d’en disposer, l’utiliser, l’importer ou le conserver que ce soit pour en disposer ou autrement;

b)      si l’invention est un procédé, utiliser le procédé ou offrir de l’utiliser au Royaume-Uni, sachant, ou alors qu’une personne normalement devrait savoir, compte tenu des circonstances, que l’utilisation de ce procédé au Royaume-Uni sans le consentement du titulaire représenterait une contrefaçon du brevet;

c)      si l’invention est un procédé, disposer du produit obtenu directement au moyen de ce procédé, offrir d’en disposer, l’utiliser, l’importer ou le conserver que ce soit pour en disposer ou autrement.

[…]»

III – Les faits et les demandes préjudicielles

A –    Affaire Medeva

10.      Le 20 avril 1990, Medeva BV (ci-après «Medeva») a introduit une demande de brevet européen pour les antigènes «pertactine» et l’«hémagglutinine filamenteuse» (ci-après l’«AHF»), susceptibles d’entrer dans la composition de vaccins contre la coqueluche. Le brevet a été délivré le 18 février 2009 et a expiré le 25 avril 2010.

11.      La revendication 1 est rédigée comme suit: «procédé pour la préparation d’un vaccin acellulaire, lequel procédé comprend la préparation de l’antigène de 69kDa de Bordetella pertussis [= pertactine] sous la forme d’un constituant individuel, la préparation de l’antigène hémagglutinine filamenteuse de Bordetella pertussis sous la forme d’un constituant individuel, et le mélange de l’antigène de 69kDa et de l’antigène hémagglutinine filamenteuse en des quantités qui procurent l’antigène de 69kDa et l’antigène hémagglutinine filamenteuse en un rapport pondéral compris entre 1: 10 et 1: 1, de façon à produire un effet synergique quant à la puissance maximale».

12.      La revendication 2 est rédigée comme suit: «procédé selon la revendication 1, dans lequel le vaccin est dépourvu de la toxine B. pertussis».

13.      Le premier vaccin commercial fabriqué selon ce procédé a été produit en 1996 et sa mise sur le marché au Royaume-Uni a été autorisée la même année. Il avait pour principes actifs l’antigène, l’AHF et la toxine pertussis, en combinaison avec le l’anatoxine de la diphtérie et l’anatoxine du tétanos, combinaison permettant d’immuniser contre la coqueluche, la diphtérie et le tétanos en même temps. En 2000 et dans les années qui ont suivi, des vaccins combinés à spectre plus large contenant des principes actifs contre la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, la méningite (Haemophilus Influenzae de type B) et la poliomyélite ont fait l’objet d’une autorisation similaire et ont été mis sur le marché au Royaume-Uni. Depuis 2004, le vaccin combiné contre les cinq maladies, le DTPa-IPV/HiB (6), est régulièrement prescrit au Royaume-Uni comme vaccin de base pour les nouveau-nés.

14.      Le 17 avril 2009, Medeva a introduit cinq demandes de certificats complémentaires de protection portant les références SPC/GB09/015, SPC/GB09/016, SPC/GB09/017, SPC/GB09/018 et SPC/GB09/019 (ci-après les «demandes de CCP 09/015, 09/016, 09/017, 09/018 et 09/019») pour cinq vaccins combinés différents contre la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et, partiellement, contre la méningite (Haemophilus Influenzae de type B), qui contenaient tous les antigènes pertactine et AHF. Ces vaccins combinés contenaient également toute une série d’autres principes actifs.

15.      Concrètement, les demandes de CCP 09/015 et 09/017 portent sur des vaccins combinés contenant neuf principes actifs, la demande étant libellée pour chacun de ceux-ci. La demande de CCP 09/019 porte sur un vaccin combiné contenant huit principes actifs et est elle aussi libellée au nom de chacun de ceux-ci. Les demandes de CCP 09/016 et 09/018 ont pour objet des vaccins combinés contenant onze principes actifs, la demande de CCP 09/016 étant libellée au nom des antigènes pertactine et AHF et de sept autres principes actifs, tandis que la demande de CCP 09/018 porte uniquement sur les antigènes pertactine et AHF.

16.      Il résulte de cette énumération, d’une part, que les demandes de CCP 09/016 et 09/018 ne portent que sur une partie des principes actifs des vaccins combinés correspondants, à savoir neuf sur onze pour la première et deux sur onze pour la seconde. La demande de CCP 09/018 est en outre la seule qui porte uniquement sur les principes actifs pertactine et AHF, qui sont utilisés dans le procédé décrit dans le brevet de base. Les demandes de CCP 09/015, 09/016, 09/017 et 09/019, en revanche, englobent davantage de principes actifs que n’en compte le brevet de base.

17.      Les cinq vaccins combinés visés par les demandes de CCP en cause sont couverts par des autorisations de mise sur le marché en cours de validité. Comme ces autorisations concernent la combinaison de principes actifs complète de chacun des vaccins combinés, les demandes de CCP 09/016 et 09/018 ont moins de principes actifs pour objet que les autorisations de mise sur le marché des vaccins combinés correspondants. Les combinaisons de principes actifs des demandes de CCP 09/015, 09/017 et 09/019, en revanche, coïncident parfaitement avec les combinaisons de principes actifs des vaccins combinés respectifs.

18.      Par décision du 16 novembre 2009, le Comptroller-General of Patents a rejeté les demandes de CCP 09/015, 09/016, 09/017, 09/018 et 09/019 au motif que les conditions d’octroi des certificats imposées par l’article 3 du règlement nº 469/2009 n’étaient pas remplies. Il a constaté en particulier que les produits visés par les demandes de CCP 09/015, 09/016, 09/017 et 09/019 n’étaient pas protégés par un brevet de base au sens de l’article 3, sous a), de ce règlement. Il a en outre décidé que l’autorisation de mise sur le marché du médicament visée par la demande de CCP 09/018 n’était pas une autorisation en cours de validité au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009 qui permettrait de mettre sur le marché en tant que médicament le produit décrit dans la demande de CCP 09/018.

19.      Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 27 janvier 2010, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a confirmé ce point de vue. C’est contre cet arrêt de la High Court qu’un recours a été introduit devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division).

20.      Comme celle-ci concevait des doutes concernant l’interprétation de l’article 3, sous a) et b), du règlement nº 469/2009, elle a adressé les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1)      Le règlement n° 469/2009 (le règlement CCP) reconnaît, parmi les autres objectifs identifiés dans les considérants, la nécessité que l’octroi d’un CCP par chacun des États membres de la Communauté aux titulaires de brevets nationaux ou européens se fasse dans les mêmes conditions, comme le montrent les septième et huitième considérants. En l’absence d’harmonisation communautaire du droit des brevets, quel sens faut-il donner au membre de phrase ‘le produit est protégé par un brevet de base en vigueur’ à l’article 3, sous a), du règlement CCP, et quels sont les critères permettant de déterminer s’il en est ainsi?

2)      Dans une affaire comme celle du présent litige impliquant un médicament composé de plus d’un seul composant actif, convient-il d’utiliser des critères supplémentaires ou différents pour déterminer si oui ou non ‘le produit est protégé par un brevet de base en vigueur’ au sens de l’article 3, sous a), du règlement CCP, et, si oui, quels sont ces critères supplémentaires ou différents?

3)      Dans une affaire comme celle du présent litige impliquant un vaccin couvrant plusieurs pathologies, convient-il d’utiliser des critères supplémentaires ou différents pour déterminer si oui ou non ‘le produit est protégé par un brevet de base en vigueur’ au sens de l’article 3, sous a), du règlement CCP, et, si oui, quels sont ces critères supplémentaires ou différents?

4)      Aux fins de l’article 3, sous a), un vaccin couvrant plusieurs pathologies composé de multiples antigènes est-il ‘protégé par un brevet de base’ si l’un des antigènes du vaccin est ‘protégé par le brevet de base en vigueur’?

5)      Aux fins de l’article 3, sous a), un vaccin couvrant plusieurs pathologies composé de multiples antigènes est-il ‘protégé par un brevet de base’ si tous les antigènes dirigés contre une des pathologies sont ‘protégés par le brevet de base en vigueur’?

6)      Le règlement CCP, et plus particulièrement son article 3, sous b), permet-il l’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour un principe actif isolé ou une composition de principes actifs lorsque:

a)      un brevet de base en vigueur protège le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs au sens de l’article 3, point a), du règlement CCP; et que

b)      un médicament contenant le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs associés à un ou plusieurs autres principes actifs fait l’objet d’une autorisation valide, délivrée conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE, qui est la première autorisation de mise sur le marché ayant permis la mise sur le marché du principe actif isolé ou de la combinaison de principes actifs?»

B –    Affaire Georgetown University e.a.

21.      La question qui est au centre de l’affaire Georgetown University e.a. est celle de savoir si toute une série de demandes de CCP introduites par la Georgetown University, la University of Rochester et la Loyola University of Chicago remplissent les conditions énoncées à l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009.

22.      Les demandes de CCP en cause dans cette affaire portent sur un ou plusieurs des principes actifs des vaccins Gardasil et Cervarix, qui doivent immuniser contre le papillome humain (VPH). Les virions du papillome humain se répartissent en plusieurs types désignés par des numéros. Le vaccin Gardasil immunise contre les virions VPH des types 6, 11, 16 et 18 et le vaccin Cervarix contre les virions VPH des types 16 et 18.

1.      Les demandes de CCP de la Georgetown University

23.      La Georgetown University est titulaire d’un brevet européen pour une protéine L1 recombinante du papillome capable d’induire des anticorps neutralisants contre les virions de ce papillome. Le brevet a été déposé le 24 juin 1993 et délivré le 12 décembre 2007. Il expire le 23 juin 2013. La revendication 9 et la revendication 16 portent sur un vaccin destiné à prévenir les infections par le papillome humain.

24.      Forte de ce brevet, la Georgetown University a demandé huit certificats de protection complémentaires portant les numéros SPC/GB07/070 à SPC/GB07/074 et SPC/GB07/078 à SPC/GB07/080 (ci-après les «demandes de CCP 07/070 à 07/074 et 07/078 à 07/080»).

25.      Cinq de ces demandes de CCP sont fondées sur l’autorisation de mise sur le marché du médicament Gardasil:

–        la demande de CCP 07/079, qui porte sur le produit «protéine L1 recombinante du VPH 6»;

–        la demande de CCP 07/073, qui porte sur la «protéine L1 recombinante du VPH 11»;

–        la demande de CCP 07/080, qui porte sur la «protéine L1 recombinante du VPH 16»;

–        la demande de CCP 07/078, qui porte sur la «protéine L1 recombinante du VPH 18, et

–        la demande de CCP 07/074, qui porte sur le produit «combinaison de la protéine L1 recombinante du VPH 6, du VPH 11, du VPH 16 et du VPH 18».

26.      Les demandes de CCP 07/079, 07/073, 07/080 et 07/078, qui ont trait à un seul principe actif du médicament Gardasil, ont été rejetées par décision du UK Intellectual Property Office (ci-après l’«UKIPO») du 29 décembre 2009, au motif que la demanderesse n’avait pas fourni la preuve que les produits en cause étaient couverts par une autorisation de mise sur le marché en cours de validité au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009. Par lettre du 22 janvier 2010, l’UKIPO a déclaré que la demande de CCP 07/074 était en principe fondée. À la demande de la Georgetown University, l’octroi du certificat complémentaire de protection a toutefois été différé jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire en cours.

27.      La Georgetown University a également introduit trois demandes de CCP sur la base de l’autorisation de mise sur le marché du médicament Cervarix:

–        la demande de CCP 07/071, qui porte sur le produit «protéine L1 recombinante du VPH 16», qui a été ensuite légèrement modifiée;

–        la demande de CCP 07/070, qui porte sur le produit «protéine L1 recombinante du VPH 18», qui a été ensuite légèrement modifiée et

–        la demande de CCP 07/072, qui porte sur le produit «protéine L1 recombinante du VPH 16 et du VPH 18».

28.      Les demandes de CCP 07/071 et 07/070, qui avaient un seul principe actif du médicament «Cervarix» pour objet, ont été rejetées par décision de l’UKIPO du 29 décembre 2009, au motif que la demanderesse n’avait pas fourni la preuve que les produits concernés étaient couverts par une autorisation de mise sur le marché en cours de validité au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009. Par lettre du 22 janvier 2010, l’UKIPO a déclaré la demande de CCP 07/072 fondée en principe. À la demande de la Georgetown University, l’octroi du certificat complémentaire de protection a toutefois été différé jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire en cours.

2.      Les demandes de CCP de la University of Rochester

29.      La University of Rochester est titulaire d’un brevet européen pour une particule de type viral ou capsomère, purifiée et recombinante, du virus du papillome humain. Le brevet a été déposé le 8 mars 1994 et délivré le 27 mai 2005. Il expire le 7 mars 2014. La revendication 7 porte sur un vaccin destiné à immuniser contre une infection par le papillome humain.

30.      La University of Rochester a introduit trois demandes de certificats complémentaires de protection portant les numéros SPC/GB07/018, SPC/GB07/075 et SPC/GB07/076 (ci-après les «demandes de CCP 07/018, 07/075 et 07/076»).

31.      Deux de ces demandes sont fondées sur l’autorisation de mise sur le marché du médicament Cervarix:

–        la demande de CCP 07/075, qui porte sur une «particule de type viral de la protéine L1 recombinante du VPH 16» et qui a été ensuite légèrement modifiée;

–        la demande de CCP 07/076, qui porte sur la «combinaison de la particule de type viral de la protéine L1 recombinante du VPH 16 et du VPH 18».

32.      La demande de CCP 07/075, qui porte sur un seul principe actif du médicament Cervarix, a été rejetée par décision de l’UKIPO du 29 décembre 2009, au motif que la demanderesse n’avait pas fourni la preuve que le produit concerné avait obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009. L’UKIPO a accueilli favorablement la demande de CCP 07/076 et délivré le certificat complémentaire de protection le 5 octobre 2009.

33.      La demande de CCP 07/018 de la University of Rochester, qui porte sur le produit «combinaison de la particule de type viral de la protéine L1 recombinante du VPH 6, du VPH 11, du VPH 16 et du VPH 18» et qui est fondée sur l’autorisation de mise sur le marché du médicament Gardasil, a été favorablement accueillie par l’UKIPO, qui a délivré le certificat complémentaire de protection le 4 octobre 2009.

3.      Les demandes de CCP de la Loyola University of Chicago

34.      La Loyola University of Chicago est titulaire d’un brevet européen pour des particules de type virus du papillome, préparées par voie recombinante. Le brevet a été déposé le 9 octobre 1995 et délivré le 10 mai 2006. Il expire le 8 octobre 2015.

35.      La Loyola University of Chicago a introduit deux demandes de certificats complémentaires de protection portant les numéros SPC/GB07/069 et SPC/GB07/077 (ci-après les «demandes de CCP 07/069 et 07/077»). Elles sont toutes deux fondées sur l’autorisation de mise sur le marché du médicament Cervarix.

36.      La demande de CCP 07/069, qui porte sur le produit «particule de type viral de la protéine L1 recombinante du VPH 16» et qui a ensuite été légèrement modifiée, a été rejetée par l’UKIPO le 29 décembre 2009, au motif que la demanderesse n’avait pas fourni la preuve que le produit concerné avait obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009.

37.      La demande de CCP 07/077, qui porte sur le produit «combinaison de la particule de type viral de la protéine L1 recombinante du VPH 16 et du VPH 18», a été favorablement accueillie par l’UKIPO, qui a délivré le certificat complémentaire de protection le 5 octobre 2009.

4.      Les questions préjudicielles de la juridiction de renvoi

38.      Les parties requérantes au principal ont demandé à la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) de statuer sur la légalité des décisions par lesquelles l’UKIPO a rejeté les demandes de CCP susvisées chaque fois que le produit objet de ces demandes contenait moins de principes actifs que n’en compte la combinaison de principes actifs du médicament pour lequel avait été obtenue une autorisation de mise sur le marché au sens de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009 (7).

39.      Comme elle concevait des doutes concernant l’interprétation de l’article 3, du règlement nº 469/2009, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Le règlement CCP, et plus particulièrement son article 3, point b), permet-il l’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour un principe actif isolé ou une composition de principes actifs lorsque:

a)      un brevet de base en vigueur protège le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs au sens de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 et que

b)      un médicament contenant le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs associés à un ou plusieurs autres principes actifs fait l’objet d’une autorisation valide, délivrée conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE, qui est la première autorisation de mise sur le marché ayant permis la mise sur le marché du principe actif isolé ou de la combinaison de principes actifs?»

IV – La procédure devant la Cour

40.      La demande préjudicielle de l’affaire Medeva est parvenue au greffe de la Cour le 5 juillet 2010 et celle de l’affaire Georgetown University e.a. le 27 août 2010. Les affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt par ordonnance du 12 janvier 2011.

41.      La Commission européenne et le gouvernement portugais ont déposé des observations écrites dans les deux affaires. Medeva ainsi que les gouvernements letton et lituanien et le gouvernement du Royaume-Uni ont présenté des observations écrites dans l’affaire Medeva. La Georgetown University, la University of Rochester et la Loyola University of Chicago ont présenté des observations écrites dans l’affaire Georgetown University e.a. La Cour a adressé un certain nombre de questions écrites aux parties conformément à l’article 54 bis du règlement de procédure. Medeva, la Georgetown University, la University of Rochester et la Loyola University of Chicago, le gouvernement du Royaume-Uni et le gouvernement portugais ont répondu à ces questions par écrit. Ont comparu à l’audience du 12 mai 2011 afin d’y présenter leurs observations orales et d’y répondre aux questions de la Cour le gouvernement portugais, le gouvernement du Royaume-Uni, Medeva, la Georgetown University, la University of Rochester et la Loyola University of Chicago ainsi que la Commission.

V –    Les arguments des parties

A –    Les première à cinquième questions préjudicielles dans l’affaire Medeva

42.      Par les première à cinquième questions qu’elle a posées à la Cour dans l’affaire Medeva, la juridiction de renvoi demande en substance des éclaircissements sur l’application de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 à une demande de CCP portant sur une combinaison de principes actifs qui ne font pas l’objet d’un brevet en tant que tels, mais qui bénéficient néanmoins d’une protection en droit des brevets parce qu’un ou plusieurs des principes actifs qui entrent dans la combinaison sont protégés par un brevet de base en vigueur. La juridiction de renvoi souhaiterait que la Cour lui précise en particulier si une telle combinaison de principes actifs doit être considérée comme «protégée par un brevet en vigueur». Elle demande également si l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 s’applique différemment à des médicaments comportant plusieurs principes actifs tels que des vaccins combinés, d’une part, et à des médicaments ou vaccins qui n’en contiennent qu’un seul, d’autre part.

43.      À la question de savoir si une combinaison contenant aussi bien des principes actifs brevetés que des principes actifs non brevetés peut être considérée, dans sa globalité, comme un «produit protégé par un brevet de base en vigueur» au sens de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009, la Commission, les gouvernements portugais, letton et lituanien donnent une réponse négative, alors que Medeva et le gouvernement du Royaume-Uni répondent affirmativement. Quant à la question de savoir si l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 s’applique différemment aux médicaments contenant plusieurs principes actifs tels que les vaccins combinés, d’une part, et aux médicaments ou vaccins qui n’en contiennent qu’un seul, d’autre part, toutes les parties répondent, en substance, par la négative.

44.      La Commission estime que, dans un cas comme celui-ci, l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 impose à la juridiction de renvoi de rechercher si le produit, au sens de l’article 1er, sous b), est protégé par un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c). À cette fin, la juridiction de renvoi devra déterminer quels principes actifs sont protégés par un brevet en droit national, mais, en revanche, elle ne devra pas préciser les formes d’usage commercial que le titulaire du brevet peut interdire aux tiers. L’article 3, sous a), s’appliquerait aux demandes de CCP pour des médicaments ou des vaccins comportant plusieurs principes actifs de la même manière qu’aux demandes de CCP pour des médicaments ou des vaccins qui n’en contiennent qu’un seul. Cette solution vaudrait pour les vaccins combinés composés de plusieurs antigènes dont un seul est protégé par un brevet de base en vigueur tout autant que pour les vaccins combinés comportant plusieurs antigènes dont tous ceux qui protègent contre une des maladies reprises dans la revendication seraient protégés par un brevet de base en vigueur.

45.      Selon le gouvernement portugais, il faut interpréter l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 en partant de la prémisse que l’étendue de la protection conférée par les brevets de base doit être déterminée en fonction des règles du droit national. Conformément aux législations nationales des États signataires de la convention sur le brevet européen (CBE), l’étendue de la protection conférée par le brevet est définie par les revendications. C’est donc au départ de celles-ci qu’il convient de déterminer si un produit est protégé par un brevet de base en vigueur au sens de l’article 3, sous a). Pour les médicaments ou vaccins combinés comportant plus d’un principe actif, la combinaison de ceux-ci ne peut être protégée par un brevet de base que lorsqu’elle est mentionnée dans les revendications. Un vaccin combiné contenant plusieurs antigènes, dont un seul est protégé par un brevet de base en vigueur, ne remplirait donc pas les conditions de l’article 3, sous a). Un vaccin combiné dans la composition duquel entrent plusieurs antigènes protégés par un brevet de base ne remplirait les conditions de l’article 3, sous a), que lorsque la combinaison des principes actifs qu’il contient correspond parfaitement aux revendications.

46.      Selon le gouvernement lituanien, il résulterait de l’exposé des motifs et des dispositions du règlement nº 469/2009 que l’octroi d’un certificat complémentaire de protection ne présupposerait pas seulement que le produit concerné soit protégé par un brevet de base en vigueur et qu’une autorisation de mise sur le marché en vigueur ait été obtenue pour ce produit en tant que médicament, mais également que la substance active de ce médicament figure dans les revendications du brevet, et cela indépendamment de la nature du médicament pour lequel une demande de certificat complémentaire de protection a été présentée. Le gouvernement letton estime, lui aussi, que c’est sur la base des revendications qu’il faut déterminer si un produit est protégé par un brevet de base. Seul le produit décrit dans celles-ci serait protégé par un tel brevet. Cela vaudrait également pour les vaccins combinés et pour les médicaments comprenant plusieurs principes actifs.

47.      Selon le gouvernement du Royaume-Uni et Medeva, en revanche, l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une combinaison de principes actifs est protégée par un brevet de base en vigueur lorsqu’un de ses principes actifs au moins relève du champ de la protection conférée par un brevet, lequel champ est déterminé par les revendications formulées à l’appui de celui-ci, et lorsque l’ensemble de la combinaison des principes actifs bénéficie ainsi de la protection du brevet contre la commercialisation de produits identiques. Cette règle s’appliquerait sans restriction aux médicaments comportant plus d’un principe actif et aux vaccins combinés. Par conséquent, lorsqu’un vaccin combiné contient plusieurs antigènes dont un seul est protégé par un brevet de base en vigueur, le vaccin combiné devrait être considéré comme étant protégé par ce même brevet de base. La même solution vaudrait également lorsqu’un brevet combiné contient plusieurs antigènes contre une maladie et que tous ces antigènes sont protégés par un brevet de base en vigueur. À titre subsidiaire, Medeva fait valoir que son interprétation de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 devrait en tout cas valoir pour les vaccins combinés.

B –    Sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et question préjudicielle unique de l’affaire Georgetown University e.a.

48.      La sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et la question unique de l’affaire Georgetown University e.a. visent à obtenir des éclaircissements concernant l’application de l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009. Les juridictions de renvoi voudraient savoir, en substance, si la condition d’octroi d’un certificat complémentaire de protection qu’il énonce peut être remplie lorsque le médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été obtenue contient d’autres principes actifs que celui qui est désigné dans la demande de CCP ou que la combinaison de principes actifs qui y est mentionnée.

49.      Selon la Commission, la Georgetown University, la University of Rochester, la Loyola University of Chicago et selon Medeva, cette question appelle une réponse affirmative. Medeva ne formule cependant sa proposition de réponse que dans l’hypothèse où la Cour ne se rallierait pas aux réponses qu’elle a proposé de donner aux cinq premières questions préjudicielles de l’affaire Medeva.

50.      Selon le gouvernement du Royaume-Uni et selon les gouvernements portugais et letton, en revanche, l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que le médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été obtenue doit contenir la même combinaison de principes actifs que le produit pour lequel une demande de CCP a été introduite. Le gouvernement lituanien fait valoir que le principe actif du médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été délivrée doit correspondre au principe actif décrit dans les revendications formulées à l’appui de la demande de brevet.

VI – Appréciation juridique

A –    Les première à cinquième questions préjudicielles de l’affaire Medeva

51.      Les cinq premières questions de la juridiction de renvoi dans l’affaire Medeva portent, en substance, sur l’application de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 à la demande de CCP ayant pour objet la combinaison de principes actifs d’un médicament qui n’est pas intégralement protégée par un brevet, mais bénéficie néanmoins de la protection du droit des brevets contre la fabrication et la commercialisation par des tiers, parce qu’un brevet en vigueur couvre une partie de la combinaison des principes actifs.

52.      Même si, dans la formulation de ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi ne s’est référée qu’à l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009, elle a néanmoins, par sa demande, soulevé la question fondamentale de savoir si, et dans l’affirmative, de quelle manière et à quelles conditions des certificats complémentaires de protection peuvent être délivrés pour des médicaments comportant plusieurs principes actifs lorsqu’une partie de ceux-ci seulement a fait l’objet d’un brevet. La Cour ne s’est pas encore prononcée de manière exhaustive sur cette question de principe. Dans un tel contexte, il me paraît nécessaire d’analyser tout d’abord la problématique de l’applicabilité du règlement nº 469/2009 aux médicaments dans la composition desquels entrent des principes actifs dont une partie seulement bénéficient d’un brevet. Le résultat de cette analyse me permettra ensuite d’apporter une réponse utile aux questions préjudicielles concernant l’application de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 à de tels médicaments.

53.      Afin de pouvoir répondre à la question de l’applicabilité du règlement nº 469/2009 à des médicaments dans la composition desquels entrent des principes actifs dont une partie seulement bénéficient d’un brevet, je vais tout d’abord passer au crible le libellé et la systématique de ce règlement. Je pourrai ensuite confronter le résultat de cette interprétation littérale aux objectifs du règlement. Je répondrai enfin aux questions préjudicielles à la lumière des réflexions téléologiques qui résulteront de l’examen qui précède.

1.      Interprétation du libellé et de la systématique du règlement nº 469/2009

a)      L’objet du certificat complémentaire de protection

54.      Conformément à l’article 2 du règlement nº 469/2009, tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83 ou de la directive 2001/82 peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par ce règlement, faire l’objet d’un certificat.

55.      Les conditions précises d’octroi d’un tel certificat sont énoncées à l’article 3 du règlement nº 469/2009, aux termes du point a) duquel le certificat est délivré si, dans l’État membre où est présentée la demande et à la date de celle-ci, le produit est protégé par un brevet de base en vigueur.

56.      Les notions de «médicament», de «produit» et de «brevet de base» sont définies à l’article 1er du règlement nº 469/2009. Conformément à l’article 1er, sous a), un «médicament» est toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales. Selon l’article 1er, sous b), un «produit» est le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament. Aux termes de l’article 1er, sous c), un «brevet de base» est un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit.

57.      Dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement nº 1768/92 (8), la Commission a expliqué à propos du contenu des notions de «produit» et de «médicament» que la notion de médicament utilisée dans le langage courant est difficile à définir dans le domaine juridique et qu’en droit des produits pharmaceutiques et vétérinaires, elle ne coïncide pas nécessairement de façon précise avec la définition qu’en donne le droit des brevets. Le certificat complémentaire de protection se situant au carrefour de ces deux domaines juridiques, la notion de «produit» a été retenue en tant que terme général (9).

58.      Lorsqu’il les a définies, l’auteur du règlement a donc essayé d’introduire une distinction entre les notions de «médicament», de «produit» et de «principe actif», et, ce faisant, de jeter un pont conceptuel entre le domaine du droit des produits pharmaceutiques et vétérinaires, et le domaine du droit des biens immatériels. Si les définitions qui figurent à l’article 1er du règlement nº 469/2009 semblent contenir des clefs d’interprétation nettes dans ce contexte, une analyse plus approfondie des termes utilisés par le règlement révèle une certaine ambiguïté dans l’utilisation des notions de «produit» et de «médicament», de sorte que l’on ne peut pas toujours déterminer dans quelle mesure le contenu de ces notions se recoupe ou devrait se recouper.

59.      Une comparaison du titre du règlement nº 469/2009 avec l’article 2 de celui-ci en fournit le premier exemple. Si l’on s’en réfère au titre, le règlement porte sur le certificat complémentaire pour les «médicaments», alors qu’aux termes de l’article 2, le certificat complémentaire de protection est délivré pour un «produit» protégé par un brevet.

60.      Le texte de ce même article 2 du règlement nº 469/2009 en fournit un exemple supplémentaire, puisqu’il prévoit que tout produit protégé par un brevet et soumis, «en tant que médicament», préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83 ou en vertu de la directive 2001/82 peut faire l’objet d’un certificat. L’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 parle, lui aussi, d’une autorisation de mise sur le marché du «produit en tant que médicament».

61.      La définition de la notion de «produit» qui figure à l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 suggère, elle aussi, que le contenu de la notion de «produit» et celui de la notion de «médicament» se recoupent. Dans les différentes versions linguistiques dudit règlement dans lequel figure une distinction entre l’article défini et l’article indéfini, le produit est, en effet, défini comme étant «le» principe actif ou «la» composition de principes actifs d’un médicament (10). Le produit correspond donc à toute la partie active ou efficace du médicament qui fait de celui-ci un moyen de guérir ou de prévenir les maladies et qui en fait donc un médicament (11). Si l’on considère la formule utilisée, «un» principe actif qui n’est qu’une partie de la composition de principes actifs d’un médicament parmi d’autres principes actifs n’est donc pas un produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 (12).

62.      Cette dernière constatation concernant le libellé de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 est d’une pertinence particulière pour la solution de la présente affaire préjudicielle, car elle a pour conséquence que, dans le cas d’un vaccin combiné, seule la combinaison de tous les principes actifs est un produit au sens du règlement nº 469/2009. Conformément au texte de l’article 1er, sous b), en revanche, un principe actif isolé d’un vaccin combiné ne peut pas être rangé dans la notion de produit au sens du règlement nº 469/2009.

b)      Le problème: des médicaments composés de plusieurs principes actifs dont la composition de principes actifs n’est que partiellement protégée par un brevet ne peuvent-ils pas faire l’objet d’un certificat complémentaire de protection?

63.      Conformément à la formulation de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, un principe actif individuel qui entre dans la composition d’un médicament ou une combinaison de principes actifs qui entre dans la composition d’un médicament n’est pas un produit au sens de ce règlement. Une interprétation littérale du règlement nº 469/2009 entraîne dès lors la conclusion que, dans le cas de médicaments composés de plusieurs principes actifs, un certificat complémentaire de protection ne peut être délivré que pour l’ensemble de la combinaison de principes actifs. En effet, seule la composition de principes actifs en tant que telle est, selon le libellé de l’article 1er, sous b), le produit pour lequel un certificat complémentaire de protection peut être délivré.

64.      Cette interprétation littérale implique d’ailleurs également qu’un certificat complémentaire de protection ne peut pas être délivré pour des médicaments comportant plusieurs principes actifs dont une partie seulement sont protégés par un brevet. En règle générale, il serait, en effet, exclu de facto que de tels médicaments soient protégés par un brevet de base au sens de l’article 1er, sous b), du règlement comme l’exige l’article 3, sous a), de celui-ci.

65.      Cette solution résulte déjà de la définition de la notion de brevet de base qui figure à l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009.

66.      Conformément à celui-ci, le brevet de base est un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat. Cette définition renvoie aux trois grandes catégories de brevets dont peut relever le brevet de base, à savoir: 1) les brevets protégeant un produit, 2) les brevets protégeant un procédé d’obtention d’un produit et 3) les brevets protégeant une application d’un produit ou un procédé d’obtention d’un produit (13).

67.      Dans les trois catégories de brevets énumérées à l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009, l’objet du brevet de base est toujours le produit au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement, c’est-à-dire «le» principe actif ou «la» composition de principes actifs d’un médicament. Il en résulte qu’un brevet obtenu pour «un» principe actif qui ne représente qu’une partie de la composition de principes actifs d’un médicament ou pour «une» composition de principes actifs qui ne représente qu’une partie de la composition de principes actifs d’un médicament ne peut pas être un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009. Il ressort, en effet, d’une interprétation littérale que seule la composition de principes actifs de ce médicament dans sa totalité doit être qualifiée de produit au sens de l’article 1er, sous b), mais pas, en revanche, la partie brevetée de cette composition.

68.      Le débat engagé au principal, dans le contexte de l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009, à propos de la différence entre, d’une part, l’objet, c’est-à-dire le domaine de protection, d’un brevet de base et, d’autre part, ses effets protecteurs ne modifie rien à la solution qui précède. Ce débat concerne, en particulier, la question de savoir si le fait qu’une substance active qui a fait l’objet d’un brevet est un élément fixe d’une composition de principes actifs et que la composition de principes actifs globale ne peut, de ce fait, pas être fabriquée ou mise sur le marché sans l’autorisation du titulaire du brevet (il s’agit des effets protecteurs du brevet) a pour conséquence que la composition de principes actifs est considérée comme étant protégée par un brevet de base en vigueur.

69.      Le fait que la définition de la notion de brevet de base qui figure à l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009 se fonde sur l’objet du brevet et non pas sur son effet protecteur est déterminant dans ce contexte. Un brevet de base au sens du règlement nº 469/2009 désigne donc un brevet national ou européen dont l’objet englobe soit un produit en tant que tel, soit un procédé d’obtention d’un produit, soit une application d’un produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009.

70.      En l’absence d’une harmonisation du droit des brevets dans l’Union, c’est sur la base des dispositions nationales applicables à ce brevet que, en l’état actuel du droit de l’Union, il faut répondre à la question de savoir si un brevet national ou européen a pour objet un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 (14). La définition du brevet de base qui est énoncée à l’article 1er, sous c), du règlement (15) impose cependant de toujours se fonder, dans le cadre de l’application de cette définition, non pas sur les effets protecteurs du brevet en cause, mais bien sur son objet, lequel devra être déterminé suivant les règles du droit national.

71.      Cette définition, qui figure à l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009, réduit en même temps le risque que l’absence d’harmonisation du droit matériel des brevets dans l’Union donne naissance à des régimes de protection différents dans les États membres (16).

72.      Il résulte, selon moi, de ces considérations qu’il serait incompatible avec les critères impératifs énoncés à l’article 1er, sous c), du règlement nº 469/2009 qu’une juridiction nationale se fonde sur les effets protecteurs d’un brevet délivré pour un principe actif déterminé en se prévalant du droit national pour qualifier ce brevet de brevet de base pour toutes les compositions de principes actifs dans lesquelles le principe actif breveté a été utilisé.

73.      Il demeure donc, au terme d’une interprétation littérale des articles 1er à 3 inclus du règlement nº 469/2009, qu’en l’absence d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), de ce règlement, aucun certificat complémentaire de protection ne peut être octroyé pour des médicaments dont la composition de principes actifs n’est que partiellement brevetée.

2.      Interprétation téléologique du règlement nº 469/2009

74.      Les réflexions que j’ai exposées plus haut font apparaître que l’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour un vaccin combiné dont la composition de principes actifs n’est que partiellement brevetée est en principe exclu si l’on s’en tient à une interprétation littérale du règlement nº 469/2009. C’est pourquoi je vais à présent m’employer à déterminer si un tel résultat est compatible avec les objectifs du règlement nº 469/2009. Comme j’estime que tel n’est pas le cas, je compléterai ensuite l’interprétation littérale des articles 1er à 3 inclus du règlement nº 469/2009 par une interprétation téléologique.

a)      Une interprétation téléologique des articles 1er à 3 inclus du règlement nº 469/2009 s’impose

75.      Le certificat complémentaire de protection des médicaments a pour but essentiel de prolonger la durée de validité de la protection que le brevet confère aux principes actifs qui entrent dans la composition des médicaments.

76.      La durée de validité normale de la protection conférée par le brevet s’élève à vingt ans à compter du jour de la notification de la découverte. Si l’autorisation de mise sur le marché du médicament est délivrée après le dépôt du brevet conformément à la directive 2001/83 ou à la directive 2001/82, le fabricant (17) ne peut pas exploiter économiquement les droits d’exclusivité qu’il possède sur les principes actifs brevetés de ce médicament entre la date de dépôt du brevet et celle de l’autorisation de mise sur le marché du médicament. C’est parce que le législateur de l’Union a estimé que cela réduirait la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche et pour rassembler les moyens nécessaires à la pérennité d’une recherche efficace (18) que le règlement nº 469/2009 ouvre la possibilité de prolonger, au moyen d’un certificat complémentaire de protection, la durée de validité des droits d’exclusivité sur les principes actifs brevetés d’un médicament en la portant à quinze ans au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché du médicament en question dans l’Union (19).

77.      Cette règle doit permettre d’établir un équilibre entre les différents intérêts qui sont en jeu dans le secteur pharmaceutique. Il s’agit, d’une part, des intérêts des entreprises et des institutions qui effectuent des recherches parfois très coûteuses dans le domaine pharmaceutique et souhaitent donc une prolongation de la durée de la protection de leurs découvertes, de manière à pouvoir amortir les frais qu’ils ont investis dans ces recherches. D’autre part entrent également en jeu les intérêts des fabricants de médicaments génériques que la prolongation de la durée de la protection des principes actifs brevetés empêche de fabriquer et de commercialiser ces médicaments génériques. Le succès de ce type de médicaments entraîne, d’une manière générale, une baisse des prix des médicaments dont les brevets sont tombés dans le domaine public, de sorte que les intérêts des patients se situent entre ceux des entreprises et des instituts de recherche, et ceux des fabricants des produits génériques. En effet, les patients ont, d’une part, intérêt à ce que de nouveaux principes actifs pour médicaments soient mis au point, mais, d’autre part, ils ont également intérêt à ce que ceux-ci leur soient ensuite offerts au meilleur prix possible. Il en va de même des systèmes nationaux de santé publique en général, qui ont, en outre, un intérêt particulier à empêcher que de vieux principes actifs soient mis sur le marché sous une forme légèrement modifiée, mais sans véritable propriété innovante, tout en bénéficiant de la protection d’un certificat et que cette pratique entraîne une augmentation des dépenses de santé.

78.      Les auteurs du règlement nº 469/2009 se sont employés à dégager une solution équilibrée ménageant équitablement les intérêts de toutes les parties intéressées. Compte tenu de la complexité de cet équilibre des intérêts en présence (20), toute interprétation téléologique des diverses dispositions du règlement doit être menée avec la plus grande prudence.

79.      Il est néanmoins constant, selon moi, que le résultat de l’interprétation littérale des articles 1er à 3 inclus du règlement n° 469/2009, selon laquelle aucun certificat complémentaire de protection ne peut être délivré pour des médicaments comportant plusieurs principes actifs dont une partie seulement a fait l’objet d’un brevet, n’est pas compatible avec les objectifs de ce règlement n° 469/2009.

80.      Si aucun certificat complémentaire de protection ne pouvait être délivré pour des médicaments dont une partie seulement des principes actifs a fait l’objet d’un brevet, une telle exclusion aurait pour effet que, dans tous les domaines dans lesquels les fabricants de médicaments se trouvent, pour des raisons de droit ou de fait, obligés de mettre sur le marché des médicaments dans la composition desquels entrent aussi bien des principes actifs brevetés que d’autres principes qui ne le sont pas, toute prolongation de la durée de la protection des principes actifs brevetés serait exclue par l’effet du règlement n° 469/2009.

81.      L’exemple de la mise au point de principes actifs destinés à la fabrication de vaccins qui nous intéresse en l’espèce permet de démontrer sans ambiguïté qu’un tel résultat serait incompatible avec les objectifs du règlement n° 469/2009.

82.      On ne saurait guère surestimer l’importance des vaccins pour la santé publique. Cette importance se reflète, notamment, dans les explications que la direction générale «Santé et consommateurs» de la Commission a fournies à l’appui de sa stratégie de vaccination. Elle souligne, en particulier, que la vaccination vise à immuniser la population contre les maladies et est sans conteste une des mesures de santé publique les plus efficaces dont on dispose (21). Elle souligne également que la Commission apporte son soutien à la mise en circulation de vaccins contre le cancer du col de l’utérus et mentionne à cette occasion les vaccins Gardasil et Cervarix, qui sont expressément mentionnés dans l’affaire Georgetown University e.a. (22).

83.      Dans leurs observations écrites, aussi bien la Georgetown University, la University of Rochester et la Loyola University of Chicago (23) que Medeva (24) ont souligné que les autorités sanitaires nationales ainsi que les patients auraient un intérêt particulier à la mise au point de vaccins combinés en raison du fait, notamment, que de tels vaccins permettraient d’apporter aux nourrissons et aux enfants en bas âge une immunité rapide et à large spectre contre une multitude de maladies au moyen d’un nombre réduit de vaccinations. L’usage de pareils vaccins combinés permettrait à son tour de mieux maîtriser les calendriers de vaccination, de réduire au minimum les désagréments que les vaccins entraînent pour les patients et d’éviter tout retard dans l’obtention d’une protection immunisante à large spectre. C’est ce qui expliquerait pourquoi, dans de nombreux cas, les vaccins ne sont mis en circulation que sous la forme de vaccins combinés.

84.      À l’appui de leurs explications, ces parties renvoient au WHO Fact Sheet n° 288 (2005) – Immunization against diseases of public importance (25), document dont les auteurs indiquent, sous le titre «Type de vaccins», que les vaccins sont souvent administrés sous la forme de combinaisons d’antigènes. Medeva ajoute à ce propos n’avoir pas fabriqué de vaccin qui ne contiendrait que de l’AHF et de la pertactine (26).

85.      Cet exposé des entreprises du secteur de la recherche pharmaceutique est corroboré par de nombreuses publications de l’Organisation mondiale de la santé. Dans son rapport Six common misconceptions about immunization, celle-ci signale, par exemple, que les laboratoires cherchent à découvrir des possibilités de réunir plus d’antigènes dans un seul vaccin. Les vaccins combinés à large spectre présenteraient l’avantage de fournir aux nourrissons une large protection immunisante le plus tôt possible dans leur existence. La réduction du nombre de vaccins épargnerait en outre du temps et de l’argent aux parents et rendrait les vaccins moins traumatisants pour les enfants (27).

86.      La juridiction qui a saisi la Cour dans l’affaire Medeva a elle aussi souligné que la stratégie d’achat des États obligerait les fabricants de vaccins à produire des vaccins combinés à spectre aussi large que possible. Selon elle, le marché serait ainsi manœuvré par les États, qui les inciteraient à combiner des vaccins entre eux autant que faire se peut, ce qui expliquerait que des vaccins brevetés à usage unique proposés sur le marché pourraient ne pas trouver preneur (28).

87.      Ces explications démontrent que les fabricants de médicaments peuvent avoir un intérêt légitime à mettre des vaccins combinés sur le marché. Selon moi, il serait donc incompatible avec les objectifs du règlement n° 469/2009 que l’équilibre des intérêts que le législateur s’est employé à y réaliser, en permettant aux fabricants de médicaments de prolonger la validité de leurs droits d’exclusivité sur les principes actifs pour une durée de quinze années au maximum à compter de la première autorisation de mise sur le marché des médicaments en question dans l’Union, soit mis en péril en raison du fait que les principes actifs brevetés sont mis sur le marché sous la forme de médicaments dans la composition desquels entrent d’autres principes actifs.

88.      Il résulte de ce qui précède que l’interprétation littérale des articles 1er à 3 inclus du règlement n° 469/2009 doit être complétée par une interprétation téléologique, qui doit garantir que les dispositions que ce règlement énonce à propos des certificats complémentaires de protection puissent sortir tous leurs effets également à l’égard de médicaments dont la combinaison de principes actifs n’a que partiellement fait l’objet d’un brevet (29).

b)      Le produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009

89.      Il me paraît résulter nécessairement des explications que je viens d’exposer qu’il faut interpréter la définition de la notion de «produit» qui figure à l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009 suivant la méthode téléologique en ce sens que le produit au sens dudit règlement ne comprend pas seulement «le» principe actif ou «la» composition de principes actifs, mais également «un» principe actif ou «une» composition de principes actifs d’un médicament.

90.      Une telle interprétation ouvre le champ d’application du règlement n° 469/2009 aux médicaments dont la composition de principes actifs n’a que partiellement fait l’objet d’un brevet. Elle permet, en effet, dans le cadre d’une demande de CCP, de désigner la partie de la composition de principes actifs qui a fait l’objet d’un brevet comme étant le produit au sens de l’article 1er, sous b). Ce brevet peut alors être qualifié, sans autre forme de procès, de brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), du règlement, de sorte que le respect des conditions d’octroi du certificat complémentaire de protection énoncées à l’article 3 du règlement peut être vérifié sur cette base-là.

c)      Le produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009

91.      Même si le fait d’élargir la notion de produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009 à «un» principe actif ou à «une» composition de principes actifs ouvre en principe le champ d’application de ce règlement aux médicaments dont la composition de principes actifs n’a que partiellement fait l’objet d’un brevet, il faut s’assurer que cette interprétation téléologique ne va pas au-delà de l’objectif poursuivi par le législateur, qui entendait réaliser l’équilibre des intérêts en présence.

92.      Il s’agit d’éviter qu’interpréter l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009 en ce sens qu’aussi bien «la» composition de principes actifs d’un médicament qu’une partie de celle-ci peuvent être considérées comme étant le «produit» au sens de cette disposition puisse servir à annihiler le système de restriction de la durée de validité des certificats complémentaires de protection mis en place par l’auteur du règlement.

93.      Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 469/2009, le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union, réduite d’une période de cinq ans. Conformément à l’article 13, paragraphe 2, la durée du certificat ne peut pas être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet.

94.      Ces règles expriment la décision de l’auteur du règlement d’accorder au titulaire du brevet une prolongation de sa position d’exclusivité d’une durée égale à la partie de la procédure d’autorisation du médicament excédant cinq ans, prorogation elle-même plafonnée à cinq ans. Le point de départ uniforme à partir duquel la durée de validité du certificat est calculée est la première autorisation de mise sur le marché «dans l’Union» (30), de sorte que les certificats complémentaires de protection afférents aux mêmes produits ont en principe la même durée de validité dans tous les États membres.

95.      Ainsi donc, il est exclu qu’un fabricant qui parvient à mettre sur le marché un médicament contenant un principe actif couvert par un brevet dans un délai de cinq ans à partir du dépôt de celui-ci puisse obtenir un certificat de protection, mais, en revanche, il bénéficiera pour son médicament d’une protection de quinze ans au minimum si l’on prend comme point de départ une durée de validité normale du brevet de vingt ans. Par contre, si ce fabricant a besoin de dix ans ou plus à partir du dépôt du brevet pour obtenir la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union, il aura droit à la protection maximum conférée par le certificat, à savoir une protection de cinq ans.

96.      Considérer comme produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009 aussi bien la composition de principes actifs d’un médicament qu’un principe actif breveté de celui-ci ou une composition de principes actifs brevetée contenue dans ce médicament entraîne le risque qu’un fabricant de médicaments se prévale d’un principe actif breveté ou d’une composition de principes actifs brevetée pour élaborer plusieurs médicaments comportant diverses compositions de principes actifs et les mettre sur le marché partiellement avec retard afin de tirer un profit maximum de la protection conférée par le certificat.

97.      Ce fabricant de médicaments pourrait, par exemple, exploiter au maximum la durée de la protection conférée par le brevet et le certificat en mettant un premier médicament contenant un principe actif breveté aussi rapidement que possible sur le marché afin de tirer tout le profit économique que la protection du brevet existant lui accorde déjà. Si la procédure d’obtention d’une autorisation de mise sur le marché a duré plus de cinq ans, il peut en même temps demander un certificat complémentaire de protection et désigner comme produit la composition complète de principes actifs du médicament. Il pourrait alors essayer de fonder sa demande en alléguant que ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur comme l’exige l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 et en se référant à l’effet protecteur du brevet de base qu’il a obtenu pour le principe actif breveté contenu dans la composition de principes actifs de son médicament (31). Ensuite, il pourrait mettre sur le marché des médicaments présentant des compositions de principes actifs légèrement modifiées contenant également le principe actif breveté et, suivant la même logique, demander pour eux de nouveaux certificats complémentaires de protection, qui pourraient alors avoir une durée de validité pouvant atteindre cinq ans.

98.      Pour éviter une telle perversion du système, prévu par le règlement n° 469/2009, de limitation de la durée de validité du certificat complémentaire de protection, l’article 3, sous a), doit être interprété de telle manière que le produit au sens de cette disposition coïncide avec le produit qui fait l’objet du brevet de base au sens de l’article 1er, sous c).

99.      Cette description du produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 implique, d’une part, que le juge appelé à appliquer cette disposition doit contrôler en substance si le produit en cause fait l’objet d’un brevet de base en s’instruisant des règles applicables au brevet de base. En cas de réponse affirmative, la deuxième condition posée par l’article 3, sous a), à savoir que ce produit doit être protégé par un brevet de base en vigueur, est généralement remplie eo ipso. En effet, bien qu’ils doivent en principe répondre à cette deuxième question également en appliquant les dispositions applicables au brevet de base (32), il convient de présumer qu’un produit qui fait l’objet d’un brevet de base conforme aux règles qui régissent ces brevets est également protégé par celui-ci.

100. Si l’on attache une attention particulière à l’article 3, sous c), du règlement n° 469/2009, conformément auquel un seul certificat complémentaire de protection peut être délivré par produit dans l’État membre où la demande est déposée, cette interprétation de l’article 3, sous a), implique, d’autre part, qu’un seul certificat complémentaire de protection pour chaque principe actif faisant l’objet d’un brevet ou pour chaque composition de principes actifs faisant l’objet d’un brevet peut être délivré en vue de prolonger la durée de la protection conférée par ce brevet, et cela indépendamment du nombre de compositions de principes actifs dans lesquelles a été intégré le principe actif breveté ou la composition de principes actifs brevetée (33). Cette règle empêche les fabricants de médicaments d’exploiter au mieux la durée de validité de la protection conférée par le brevet ou le certificat pour un principe actif en étalant partiellement dans le temps la mise sur le marché du principe actif breveté grâce à plusieurs compositions de principes actifs présentées dans des médicaments différents.

101. L’article 3, sous a), du règlement n° 462/2009 devant être interprété en ce sens que le produit au sens de cette disposition doit coïncider avec le produit qui fait l’objet du brevet de base, le fabricant de médicaments titulaire d’un brevet pour un principe actif ou pour une composition de principes actifs peut choisir librement la manière de mettre sur le marché ce principe actif breveté ou cette composition de principes actifs brevetée: il peut le faire soit sous la forme d’un médicament contenant uniquement ce principe actif ou uniquement cette composition de principes actifs, soit sous la forme d’un médicament dans lequel ce principe actif ou cette composition de principes actifs sont combinés avec d’autres principes actifs, soit, encore, sous la forme de plusieurs médicaments contenant diverses compositions de principes actifs. Pour chacune de ces formes de médicament, le principe actif breveté ou la composition de principes actifs brevetée doit être qualifié(e) de produit protégé par un brevet de base en vigueur au sens de l’article 3, sous a). Conformément à l’article 3, sous c), du règlement, un seul certificat complémentaire de protection peut être accordé pour ce produit, et cela indépendamment du nombre de compositions de principes actifs différentes dans lesquelles le principe actif breveté ou la composition de principes actifs brevetée est mis sur le marché en tant que médicament.

102. L’exposé des faits de l’affaire Georgetown University e.a. mérite une attention particulière, qui m’oblige à mentionner ici le cas particulier dans lequel un brevet porte sur plusieurs principes actifs ainsi que sur une ou plusieurs compositions de ces principes actifs. En pareille hypothèse, chacun de ces principes actifs et chacune de ces compositions de principes actifs utilisé(e) pour fabriquer un médicament peut être considéré(e) comme un produit au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009. Pour chacun de ces principes actifs et chacune de ces compositions de principes actifs, le brevet du fabricant de médicaments peut en outre être considéré comme brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 469/2009. Il est néanmoins exclu que des certificats complémentaires de protection puissent être délivrés, sur la base de ce brevet de base, pour chacun de ces principes actifs et pour chacune de ces combinaisons de principes actifs qui est utilisé(e) pour la fabrication d’un médicament. Conformément à la jurisprudence de la Cour, en effet, un seul certificat complémentaire peut être délivré pour chaque brevet de base (34).

103. Il résulte de ce qui précède que le titulaire d’un brevet couvrant plusieurs principes actifs ainsi qu’une ou plusieurs compositions de ces principes actifs doit opérer un choix et décider pour lequel de ces principes actifs ou pour laquelle de ces compositions de principes actifs il introduit une demande de certificat complémentaire de protection sur la base du brevet de base, car l’octroi d’un premier certificat pour un principe actif ou pour une composition de principes actifs sur la base de ce brevet exclut l’octroi d’autres certificats sur la base du même brevet de base.

104. Cette interprétation du règlement n° 469/2009 permet d’éviter, d’une part, qu’afin de tirer le profit maximum de la durée de la protection, les fabricants de produits pharmaceutiques détournent le système, mis en place par le règlement, de limitation de la durée de la protection conférée par le certificat en formulant les revendications dans la demande de brevet de telle manière qu’elles englobent à la fois un ou plusieurs principes actifs individuels et plusieurs combinaisons de ces principes actifs individuels. Si un certificat complémentaire de protection pouvait être délivré pour chacun de ces principes actifs et pour chacune de ces combinaisons de principes actifs, les fabricants pourraient ensuite prolonger la durée de la protection conférée par le brevet et par le certificat pour des principes actifs individuels en étalant partiellement dans le temps la mise sur le marché de ceux-ci et de leurs combinaisons, qu’ils présenteraient sous la forme de médicaments différents (35).

105. D’autre part, cette interprétation offre normalement aux fabricants de médicaments, selon moi, la possibilité également d’obtenir une protection appropriée au moyen d’un certificat en désignant, dans leur demande de CCP, le principe actif essentiel ou la composition de principes actifs essentielle qui entrent dans la fabrication des différents médicaments à mettre au point.

106. Les règles qui régissent l’étendue, la portée et le contenu de la protection conférée par le certificat sont énoncées aux articles 4 et 5 du règlement n° 469/2009. Conformément à l’article 4, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat. Conformément à l’article 5, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.

107. Il résulte de ces dispositions que la protection conférée par le certificat est toujours une protection ciblée: l’étendue et les effets de la protection conférée par le certificat complémentaire de protection sont limités aux utilisations du produit, en tant que médicament, pour lesquelles une autorisation de mise sur le marché a été délivrée (36).

108. Lorsqu’un certificat complémentaire de protection est octroyé pour un principe actif d’un médicament ou pour une composition de principes actifs d’un médicament, l’effet protecteur de ce certificat s’étend donc, dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, à toutes les utilisations du produit dans des médicaments ultérieurs dont la mise sur le marché sera autorisée avant l’expiration du certificat. Dans la mesure où le brevet de base couvrant la substance active protégée par le certificat ou la composition de principes actifs protégée par le certificat protège le titulaire de ce brevet contre toute fabrication ou commercialisation non autorisées de médicaments contenant ce principe actif ou cette composition de principes actifs, le certificat complémentaire de protection octroyé pour ce principe actif ou pour cette composition de principes actifs prémunit donc, lui aussi, son titulaire contre toute fabrication ou commercialisation non autorisées de tous les médicaments ultérieurs dont la mise sur le marché sera autorisée avant l’expiration du certificat et qui contiennent ce principe actif ou cette composition de principes actifs.

109. En désignant, dans sa demande de CCP, le principe actif essentiel ou la composition de principes actifs essentielle qui est contenu(e) dans les médicaments qui doivent être mis sur le marché à l’avenir, le titulaire d’un brevet couvrant plusieurs principes actifs ainsi qu’une ou plusieurs compositions de ces principes actifs peut donc assurer que, dans les limites du brevet de base et avant l’expiration du certificat complémentaire de protection, ces médicaments futurs seront, eux aussi, protégés contre toute fabrication ou commercialisation qu’il n’aurait pas autorisées.

d)      Résultat intermédiaire

110. Il résulte de l’exposé qui précède qu’une interprétation téléologique du règlement n° 469/2009 débouche sur la conclusion que la définition de la notion de produit qui figure à l’article 1er, sous b), dudit règlement ne couvre pas seulement «le» principe actif ou «la» composition de principes actifs, mais également «un» principe actif ou «une» composition de principes actifs d’un médicament. De plus, l’article 3, sous a), du règlement doit être interprété en ce sens que le produit au sens de cette disposition doit coïncider avec le produit qui fait l’objet du brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), du règlement.

3.      Réponses aux première à cinquième questions de l’affaire Medeva

111. Compte tenu des explications que je viens d’exposer, les réponses suivantes peuvent être données aux première à cinquième questions de l’affaire Medeva.

112. Pour répondre à la première question, qui est de savoir comment et sur la base de quel critère l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 peut être interprété et appliqué, il faut partir du principe que la notion de produit au sens de l’article 3, sous a), vise un produit qui fait l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), du règlement. C’est, en principe, sur la base des dispositions applicables au brevet de base qu’il convient de répondre à la question de savoir si un produit fait l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), et si ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur comme le veut la condition énoncée à l’article 3, sous a). La définition du brevet de base énoncée à l’article 1er, sous c), interdit néanmoins de qualifier de produits au sens de l’article 3, sous a), des combinaisons de principes actifs qui ne font pas l’objet d’un brevet de base, mais bénéficient cependant de la protection conférée par le brevet en raison de la présence d’un principe actif breveté.

113. Conformément à ce qui précède, il convient de répondre comme suit à la première question préjudicielle: un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament peuvent être considérés comme un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 à condition que ce principe actif ou cette composition de principes actifs fassent l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c). C’est en principe sur la base des dispositions applicables au brevet de base qu’il faut déterminer si un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament fait l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), et si ce principe actif ou cette composition de principes actifs est protégé(e) par un brevet en vigueur comme l’exige l’article 3, sous a). La définition de la notion de brevet de base qui figure à l’article 1er, sous c), du règlement interdit cependant d’utiliser l’effet protecteur du brevet de base comme critère pour déterminer si un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament fait l’objet d’un brevet de base.

114. Cette interprétation de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 vaut aussi bien pour les médicaments qui ne contiennent qu’un seul principe actif que pour les médicaments qui en contiennent plusieurs.

115. Eu égard à la solution qui précède, il convient de répondre à la deuxième et à la troisième question en ce sens que, pour apprécier une demande de CCP introduite pour un médicament contenant plusieurs principes actifs ou pour un vaccin combiné, il n’existe pas de critères supplémentaires ou autres permettant de déterminer si le produit en cause est un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 et si ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur.

116. Sur la base des réponses qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième et à la cinquième question en ce sens que c’est, en principe, sur la base des dispositions applicables au brevet de base qu’il faut répondre à la question de savoir si un vaccin combiné peut être considéré comme un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 ainsi qu’à la question de savoir si ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur lorsqu’un seul de ses principes actifs ou chacun de ses principes actifs contre une des maladies est protégé par un brevet de base en vigueur. L’effet protecteur du brevet de base ne peut cependant pas être utilisé comme critère permettant de déterminer si le produit en cause est un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement.

B –    Sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et question unique de l’affaire Georgetown University e.a.

117. En formulant la sixième question préjudicielle de l’affaire Medeva et la question unique, rédigée dans les mêmes termes, de l’affaire Georgetown University e.a., les juridictions de renvoi ont voulu s’entendre préciser si l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 s’oppose à l’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour un principe actif breveté ou pour une composition de principes actifs brevetée lorsque ce principe actif ou cette composition de principes actifs est combinée à un ou à plusieurs autres principes actifs dans un médicament, de sorte que l’autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 2001/83 ou à la directive 2001/82 porte sur un médicament dans lequel le principe actif breveté ou la combinaison de principes actifs brevetée ont été combinés à d’autres principes actifs.

118. Les réflexions que j’ai exposées plus haut à propos de l’interprétation téléologique du règlement n° 469/2009 m’amènent à la conclusion que le champ d’application de ce règlement doit englober également des médicaments dont la composition de principes actifs n’est pas entièrement couverte par un brevet, mais qui contiennent néanmoins un principe actif breveté ou une composition de principes actifs brevetée.

119. Il en résulte, en ce qui concerne l’interprétation de l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009, qu’une autorisation de mise sur le marché peut également être une autorisation de mise sur le marché en cours de validité au sens de cette disposition lorsque, conformément à la directive 2001/83 ou à la directive 2001/82, elle porte sur un médicament qui, outre le principe actif breveté ou la composition de principes actifs brevetée, contient également un ou plusieurs autres principes actifs.

120. Il convient néanmoins de souligner à ce sujet que l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 doit être lu en combinaison avec son article 3, sous d), et avec son article 7, paragraphe 1. Conformément à l’article 3, sous d), l’autorisation mentionnée sous b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit en tant que médicament. L’article 7 du règlement prévoit en outre que la demande de CCP doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que médicament, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article 3, sous b), ou, lorsque l’autorisation de mise sur le marché intervient avant la délivrance du brevet de base, à compter de la date de délivrance du brevet (37).

121. Il découle ainsi de l’effet combiné de ces dispositions qu’un fabricant de médicaments qui met sur le marché un principe actif, faisant l’objet d’un brevet de base, associé à d’autres principes actifs sous la forme de plusieurs médicaments dont les compositions de principes actifs sont différentes doit introduire la demande de CCP pour le principe actif breveté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la première autorisation de mise sur le marché du premier médicament contenant le principe actif breveté a été délivrée dans l’État membre où cette demande est introduite (38).

122. Cette analyse est corroborée notamment par la décision que la Cour a rendue le 17 avril 2007 dans l’affaire Yissum (39), dans laquelle elle s’est penchée sur l’interprétation du règlement n° 1768/92. Dans cette affaire, un principe actif breveté avait été mis sur le marché dans plusieurs médicaments. Lorsqu’il avait demandé un certificat complémentaire de protection, le titulaire de ce brevet n’avait pas mentionné le premier médicament contenant ce principe actif breveté autorisé dans l’État membre où il avait introduit sa demande. Au cours de la procédure au principal, la requérante avait essayé de justifier le fait que, dans cette demande, elle avait désigné le médicament autorisé ultérieurement en disant que le principe actif breveté avait une indication thérapeutique différente dans les divers médicaments (40). Cette argumentation, susceptible de permettre de contourner la règle énoncée à l’article 3, sous b), du règlement, a été rejetée par la Cour, qui a expliqué que la notion de «produits» au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement ne saurait inclure l’utilisation thérapeutique d’un principe actif protégé par le brevet de base (41).

123. La systématique globale du règlement n° 469/2009 confirme, elle aussi, le bien-fondé de la règle imposant au fabricant de médicaments, lorsqu’il existe plusieurs médicaments contenant le même principe actif breveté, d’invoquer, dans sa demande de certificat complémentaire de protection, la première autorisation de mise sur le marché du médicament qui a été autorisé en tant que premier médicament contenant ce principe actif dans l’État membre où la demande est présentée. Étant donné que le certificat complémentaire de protection porte sur le principe actif ou la composition de principes actifs qui ont fait l’objet du brevet de base, l’octroi d’un certificat complémentaire de protection sur la base du premier médicament contenant ce principe actif ou cette combinaison de principes actifs a pour conséquence que tous les médicaments ultérieurs dans lesquels le principe actif bénéficiant de la protection conférée par le certificat ou la composition de principes actifs protégée par le certificat est présent sont eux aussi protégés contre toute fabrication et commercialisation par des tiers dans les limites de la protection conférée par le brevet de base conformément aux articles 4 et 5 du règlement n° 469/2009 (42).

124. Eu égard à l’exposé qui précède, il convient de répondre à la sixième question de l’affaire Medeva et à la question unique de l’affaire Georgetown University e.a. en ce sens qu’un principe actif unique ou une composition de principes actifs fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché en cours de validité d’un produit en tant que médicament au sens de l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 lorsque ce principe actif ou cette composition de principes actifs sont utilisés en combinaison avec un autre principe actif ou avec plusieurs autres principes actifs pour la fabrication d’un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché en cour de validité a été octroyée conformément à la directive 2001/83 ou à la directive 2001/82.

VII – Conclusion

125. Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

 «A –  Première à cinquième question de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (affaire C-322/10)

1)      Un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament peuvent être considérés comme un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, à condition que ce principe actif ou cette composition de principes actifs fassent l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c). C’est en principe sur la base des dispositions applicables au brevet de base qu’il faut déterminer si un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament fait l’objet d’un brevet de base au sens de l’article 1er, sous c), et si ce principe actif ou cette composition de principes actifs est protégé(e) par un brevet en vigueur comme l’exige l’article 3, sous a). La définition de la notion de brevet de base qui figure à l’article 1er, sous c), du règlement interdit cependant d’utiliser l’effet protecteur du brevet de base comme critère pour déterminer si un principe actif ou une composition de principes actifs d’un médicament fait l’objet d’un brevet de base.

2)      Pour apprécier une demande de certificat complémentaire de protection introduite pour un médicament contenant plusieurs principes actifs ou pour un vaccin combiné, il n’existe pas de critères supplémentaires ou autres permettant de déterminer si le produit en cause est un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 et si ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur.

3)      C’est, en principe, sur la base des dispositions applicables au brevet de base qu’il faut répondre à la question de savoir si un vaccin combiné peut être considéré comme un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 ainsi qu’à la question de savoir si ce produit est protégé par un brevet de base en vigueur lorsqu’un seul de ses principes actifs ou chacun de ses principes actifs contre une des maladies est protégé par un brevet de base en vigueur. L’effet protecteur du brevet de base ne peut cependant pas être utilisé comme critère permettant de déterminer si le produit en cause est un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement.

 B –    Sixième question de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (affaire C-322/10) et question unique de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) (affaire C-422/10)

4)      Un principe actif unique ou une composition de principes actifs fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché en cours de validité d’un produit en tant que médicament au sens de l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 lorsque ce principe actif ou cette composition de principes actifs sont utilisés en combinaison avec un autre principe actif ou avec plusieurs autres principes actifs pour la fabrication d’un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché en cours de validité a été octroyée conformément à la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, ou à la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.»


1 – Langue originale: allemand.


2 – JO L 152, p. 1.


3 – Conformément aux formules utilisées dans le TUE et dans le TFUE, la notion de «droit de l’Union» désigne à la fois le droit communautaire et le droit de l’Union. Chaque fois que des dispositions de droit primaire seront évoquées dans les pages qui suivent, j’utiliserai les prescriptions en vigueur ratione temporis.


4 – JO L 182, p. 1.


5 – Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, telle que modifiée par l’acte portant révision de l’article 63 de la CBE du 17 décembre 1991 et par l’acte de révision de la CBE du 29 novembre 2000.


6 – Ce diminutif est composé des lettres «D» pour diphtérie, «T» pour tétanos, «Pa» pour pertussis, c’est-à-dire coqueluche, «IPV» pour poliomyélite [IPV se réfère au vaccin polio inactivé («Inactivated Polio Vaccine»)] et «HiB» pour Haemophilus Influenzae de type B, qui est une bactérie pouvant provoquer une méningite.


7 – La procédure au principal concerne donc les demandes de CCP de la Georgetown University 07/070, 07/071, 07/073, 07/078, 07/079 et 07/080 ainsi que la demande de CCP 07/075 de la University of Rochester et la demande de CCP 07/069 de la Loyola University of Chicago.


8 – Exposé des motifs de la proposition de la Commission de règlement (CEE) du Conseil concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [COM(90) 101 final – SYN 255, JO 1990, C 114, p. 10], dont la version allemande est reproduite dans Schennen, D., Die Verlängerung der Patentlaufzeit für Arzneimittel im Gemeinsamen Markt, Cologne: Bundesanzeiger, 1993, p. 92 et suiv.


9 – Ibidem, point 28.


10 – Dans les différentes versions linguistiques, cette définition est rédigée, notamment, comme suit. En allemand: «den Wirkstoff oder die Wirkstoffzusammensetzung eines Arzneimittels»; en anglais: «the active ingredient or combination of active ingredients of a medicinal product»; en néerlandais: «de werkzame stof of de samenstelling van werkzame stoffen van een geneesmiddel»; en espagnol: «el principio activo o la composición de principios activos de un medicamento» et en italien: «il principio attivo o la composizione di principi attivi di un medicinale».


11 – Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 4 mai 2006 dans l’affaire Massachusetts Institute of Technology (C-431/04, Rec. p. I-4089, point 25), la Cour a déjà constaté que la substance qui n’est pas dotée d’effets thérapeutiques propres et qui a pour fonction de permettre d’obtenir une forme pharmaceutique déterminée du médicament ne relève pas de la notion de principe actif, laquelle permet, pour sa part, de définir la notion de produit.


12 – En fin de compte, la définition du «produit» comme étant toute la partie active ou efficace d’un médicament qui figure à l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 explique également l’assimilation partielle des notions de «produit» et de «médicament» dans le règlement nº 469/2009.


13 – Voir, à propos de ces catégories de brevets, Melullis, K.-J., dans Europäisches Patentübereinkommen (éd. Benkard, G.), Munich, 2002, article 52, points 105 et suiv., qui, dans le contexte de la CBE, signale que les brevets protégeant un produit peuvent être délivrés pour des matières, des mélanges de matières, des machines et des appareils. Les brevets protégeant des procédés peuvent concerner des procédés de fabrication, des procédés de contrôle, des applications, etc. Le brevet d’utilisation protège l’utilisation d’un objet ou d’un procédé, généralement connu conformément à l’état de la technique. Un tel brevet repose donc sur la découverte d’une nouvelle application d’un produit ou d’un procédé correspondant à l’état de la technique.


14 – Voir arrêt du 16 septembre 1999, Farmitalia (C-392/97, Rec. p. I-5553).


15 – On rappellera à ce propos qu’en l’absence de mention expresse, l’ordre juridique communautaire ne définit pas, en principe, ses concepts par référence à un ou à plusieurs ordres juridiques nationaux; voir arrêts du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a. (C-296/95, Rec. p. I-1605, point 30); du 22 mai 2003, Commission/Allemagne (C-103/01, Rec. p. I-5369, point 33), et du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône (C-314/06, Rec. p. I-12273, point 21).


16 – La Cour a déjà mis en garde contre les risques de disparité des régimes de protection des médicaments dans les États membres dans l’arrêt qu’elle a rendu le 13 juillet 1995, dans l’affaire Espagne/Conseil (C-350/92, Rec. p. I-1985, point 36), et elle a souligné à ce propos qu’une différenciation de la protection dans l’Union pour un médicament identique donnerait lieu à une fragmentation du marché caractérisée par des marchés nationaux où le médicament serait encore protégé et des marchés où cette protection n’existerait plus. Cette différenciation de la protection entraînerait pour les médicaments des conditions de commercialisation elles-mêmes différentes selon les États membres. La Cour a confirmé cette appréciation pour la dernière fois dans l’arrêt qu’elle a rendu le 3 septembre 2009, AHP Manufacturing (C-482/07, Rec. p. I-7295, point 35), dans lequel elle a mis en garde contre une évolution hétérogène des législations nationales qui aboutirait à de nouvelles disparités de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.


17 – Même si le titulaire du brevet de base d’un principe actif ou le titulaire du certificat complémentaire de protection ne doit pas nécessairement être le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du médicament, je fonderai mon appréciation juridique des questions préjudicielles, pour des raisons de clarté, sur l’hypothèse que le fabricant du médicament est le titulaire du brevet de base et de l’autorisation de mise sur le marché et que c’est lui également qui a demandé le certificat complémentaire de protection.


18 – Voir quatrième considérant du règlement nº 469/2009.


19 – Voir article 13 du règlement nº 469/2009 ainsi que neuvième considérant de celui-ci.


20 – Voir, également, à ce sujet dixième considérant du règlement nº 469/2009.


21 – http://ec.europa.eu/health/vaccination/policy/index_de.htm.


22 – http://ec.europa.eu/health/vaccination/hpv/index_de.htm.


23 – Observations écrites, point 20.


24 – Observations écrites, point 74 et suiv.


25 – Ce document est produit en annexe 4 des observations écrites de la Georgetown University, de la University of Rochester et de la Loyola University of Chicago ainsi qu’en annexe 19 des observations écrites de Medeva.


26 – Observations écrites, point 74.


27–http://www.who.int/immunization_safety/aefi/immunization_misconceptions/en/index6.html# (dernière mise à jour: 11 décembre 2010).


28 – Décision de renvoi dans l’affaire Medeva, points 27 et 28.


29 – La Cour a confirmé dans une jurisprudence constante la pertinence de la méthode téléologique dans l’interprétation du règlement n° 469/2009. C’est ainsi que, dans l’arrêt Farmitalia (déjà cité à la note 14, points 17 et suiv.), elle s’est déjà prononcée en faveur d’une interprétation large de l’article 3, sous b), de ce règlement en se référant aux objectifs du règlement n° 1768/92.


30 – Entrent en considération en tant que première autorisation de mise sur le marché dans l’Union non seulement les autorisations délivrées dans les différents États membres de l’Union européenne, mais également les autorisations octroyées par les États de l’Espace économique européen (EEE) que sont la République d’Islande, le Royaume de Norvège et la Principauté de Liechtenstein; voir à ce sujet Kellner H., «Salz in der Suppe oder Sand im Getriebe? Anmerkungen zu Schutzzertifikaten», GRUR, 1999, p. 805, 808. De surcroît, une autorisation de mise sur le marché délivrée par les autorités helvétiques et automatiquement reconnue par la Principauté de Liechtenstein conformément à la législation de cet État doit, elle aussi, être considérée comme une première autorisation de mise sur la marché dans l’EEE au sens de l’article 13 du règlement n° 469/2009, tel qu’il doit être compris pour l’interprétation de l’accord EEE; voir en ce sens l’arrêt que la Cour a rendu le 21 avril 2005 dans l’affaire Novartis e.a. (C-207/03 et C-252/03, Rec. p. I-3209).


31 – Voir, à ce sujet, également point 68 des présentes conclusions.


32 – Voir, à ce sujet, arrêt Farmitalia (déjà cité à la note 14).


33 – Lorsqu’un principe actif est protégé par plusieurs brevets de base en vigueur appartenant, le cas échéant, à plusieurs titulaires, chacun de ces brevets peut évidemment être désigné aux fins de la procédure d’obtention du certificat sans, toutefois, que plus d’un certificat puisse être délivré pour chaque brevet de base; voir arrêt du 23 janvier 1997, Biogen (C-181/95, Rec. p. I-357, point 28). Dans l’arrêt AHP Manufacturing (déjà cité à la note 16), la Cour a en outre confirmé que la règle énoncée à l’article 3, sous c), du règlement n° 1768/92 ne s’oppose pas à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection au titulaire d’un brevet de base pour un produit pour lequel, au moment du dépôt de la demande de certificat, un ou plusieurs certificats ont déjà été délivrés à un ou à plusieurs titulaires d’un ou de plusieurs autres brevets de base.


34 – Arrêt Biogen (déjà cité à la note 33, point 28).


35 – Voir, à ce sujet, points 97 et suiv. des présentes conclusions.


36 – Voir, à ce sujet, Brändel, C., «Offene Fragen zum ‘ergänzenden Schutzzertifikat’», GRUR, 2001, p. 875, 876 et suiv., et Hacker F., «PatG – Anhang zu 16a», dans Patentgesetz (Busse, R.), Berlin, 2003, sixième édition, points 56 à 67.


37 – Ces délais ont été conçus dans le but de respecter, d’une part, les intérêts du titulaire du brevet et, d’autre part, ceux des tiers souhaitant savoir le plus tôt possible si le produit en question sera ou non protégé par un certificat complémentaire de protection; voir arrêt AHP Manufacturing (déjà cité à la note 16, point 28).


38 – Sur cet effet combiné de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 469/2009 lu en combinaison avec son article 3, sous b) et d), voir arrêts du 11 décembre 2003, Hässle (C-127/00, Rec. p. I‑14781, point 26), et du 2 septembre 2010, Kirin Amgen (C-66/09, non encore publié au Recueil, point 36).


39 – C-202/05, Rec. p. I-2839.


40 – Le principe actif en cause avait été mis sur le marché dans trois médicaments différents, à savoir sous la forme de solution aqueuse pour injections intraveineuses, sous la forme de capsules souples de gélatine pour usage par voie orale et sous forme d’onguent.


41 – Ibidem, point 18.


42 – Voir, à ce sujet, points 105 et suiv. des présentes conclusions.