Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Procédure — Répartition des compétences entre la Cour et le Tribunal — Remise en cause par le Tribunal des points de droit tranchés par la Cour lors d'un précédent pourvoi

2. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Contrôle au regard des droits fondamentaux — Portée

(Règlement du Conseil nº 881/2002; règlement de la Commission nº 1190/2008)

3. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Droits de la défense

(Règlement du Conseil nº 881/2002; règlement de la Commission nº 1190/2008)

4. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Gel général et persistant des fonds, avoirs et autres ressources économiques desdites personnes et entités sans audition de ces dernières — Violation du droit de propriété

(Règlement du Conseil nº 881/2002; règlement de la Commission nº 1190/2008)

Sommaire

1. Dans des circonstances où est en cause un acte adopté par la Commission en remplacement d’un acte antérieur annulé par la Cour, dans le cadre d’un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal ayant rejeté le recours en annulation formé contre ledit acte, le principe même du pourvoi et la structure juridictionnelle hiérarchique qui en est le corollaire recommandent en principe au Tribunal de ne pas remettre lui-même en cause les points de droit tranchés par la décision de la Cour. Il en va d’autant plus ainsi lorsque la Cour a statué en grande chambre et a manifestement entendu prononcer un arrêt de principe. Dès lors, si une réponse devait être apportée aux interrogations soulevées par les institutions, les États membres et les milieux juridiques intéressés, à la suite d'un arrêt de la Cour, il conviendrait que la Cour elle-même y pourvoie dans le cadre des futures affaires dont elle pourrait avoir à connaître. Par ailleurs, dans de telles circonstances, c’est en principe à la Cour, et non au Tribunal, qu’il revient, le cas échéant, d’opérer un revirement de jurisprudence, si cela lui apparaît justifié au regard, notamment, des graves inconvénients invoqués par les institutions et par les gouvernements des États membres.

(cf. points 121, 123)

2. Dans le cadre d'un recours en annulation ayant pour objet le règlement nº 1190/2008, modifiant pour la cent et unième fois le règlement nº 881/2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, il incombe au Tribunal d'assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité dudit règlement au regard des droits fondamentaux, sans faire bénéficier ce règlement d'une quelconque immunité juridictionnelle au motif qu'il vise à mettre en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies.

Il doit en aller ainsi, à tout le moins, aussi longtemps que les procédures de réexamen mises en œuvre par le comité des sanctions des Nations unies n'offrent manifestement pas les garanties d'une protection juridictionnelle effective. À cet égard, dès lors que le Conseil de sécurité n'a toujours pas estimé opportun d'établir un organe indépendant et impartial chargé de statuer, en droit comme en fait, sur les recours dirigés contre les décisions individuelles prises par le comité des sanctions, le contrôle exercé par le juge communautaire sur les mesures communautaires de gel des fonds ne saurait être qualifié d'effectif que s'il porte, indirectement, sur les appréciations de fond effectuées par le comité des sanctions lui-même ainsi que sur les éléments qui les sous-tendent.

Le principe d'un contrôle juridictionnel complet et rigoureux des mesures de gels de fonds est d'autant plus justifié que ces mesures affectent de façon sensible et durable les droits fondamentaux des intéressés.

(cf. points 126-129, 151)

3. Dès lors que le règlement nº 1190/2008, modifiant pour la cent et unième fois le règlement nº 881/2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, impose à une personne des mesures restrictives du fait de son inclusion dans la liste contenue à l'annexe I de ce dernier règlement, sans fournir à ladite personne de garantie réelle quant à la communication des informations et des éléments de preuve retenus à sa charge ou quant à la possibilité pour celle-ci d'être utilement et effectivement entendue à cet égard, il doit être conclu que ce règlement a été arrêté selon une procédure au cours de laquelle les droits de la défense n'ont pas été respectés.

En outre, à défaut d'avoir eu le moindre accès utile aux informations et aux éléments de preuve retenus à sa charge et compte tenu des rapports qui existent entre les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif, ladite personne n'a pas non plus pu défendre ses droits au regard desdits éléments dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire, de sorte qu'une violation dudit droit à un recours juridictionnel effectif doit également être constatée.

(cf. points 181, 184)

4. L'imposition à l'égard d'une personne des mesures restrictives, comme le gel de fonds, que comporte le règlement nº 1190/2008, modifiant pour la cent et unième fois le règlement nº 881/2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, du fait de son inclusion dans la liste contenue à l'annexe I de ce dernier règlement, constitue une restriction injustifiée de son droit de propriété, dès lors que ledit règlement nº 1190/2008 a été adopté sans fournir aucune garantie réelle permettant à ladite personne d'exposer sa cause aux autorités compétentes, et ce dans une situation dans laquelle la restriction de son droit de propriété doit être qualifiée de considérable, eu égard à la portée générale et à la persistance des mesures de gel dont elle fait l'objet.

(cf. points 192-193)