Affaire C-386/09

Jhonny Briot

contre

Randstad Interim e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la cour du travail de Bruxelles)

«Article 104, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure — Directive 2001/23/CE — Transfert d’entreprises — Maintien des droits des travailleurs — Non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée d’un travailleur intérimaire»

Sommaire de l'ordonnance

Politique sociale — Rapprochement des législations — Transferts d'entreprises — Maintien des droits des travailleurs — Directive 2001/23

(Directive du Conseil 2001/23, art. 3, § 1, al. 1, et 4, § 1, al. 1)

Lorsque le contrat de travail à durée déterminée d'un travailleur intérimaire a pris fin, du fait de la survenance du terme convenu, à une date antérieure à celle du transfert de l'activité à laquelle ce travailleur intérimaire était affecté, le non-renouvellement dudit contrat en raison de ce transfert ne méconnaît pas l'interdiction prévue à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements. Dès lors, ledit travailleur intérimaire ne doit pas être considéré comme étant toujours à la disposition de l'entreprise utilisatrice à la date dudit transfert.

En effet, le travailleur n'a pas droit, en principe, au renouvellement d'un contrat de travail à durée déterminée. Le fait que la date d'expiration d'un tel contrat précède la date prévue pour le transfert de l'activité à laquelle le travailleur est affecté n'est pas susceptible de créer un tel droit. Le non-renouvellement d'un contrat de travail intérimaire à durée déterminée, en raison de l'absence d'un nouvel accord de volonté entre l'employeur et le travailleur, ne saurait donc être assimilé à un licenciement au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23, par lequel il est mis fin au contrat de travail ou à la relation de travail par une décision unilatérale de l'employeur.

(cf. points 33-34, 37 et disp.)







ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

15 septembre 2010 (*)

«Article 104, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure – Directive 2001/23/CE – Transfert d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée d’un travailleur intérimaire»

Dans l’affaire C‑386/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la cour du travail de Bruxelles (Belgique), par décision du 21 septembre 2009, parvenue à la Cour le 30 septembre 2009, dans la procédure

Jhonny Briot

contre

Randstad Interim,

Sodexho SA,

Conseil de l’Union européenne,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

la juridiction de renvoi ayant été informée que la Cour se propose de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, second alinéa, de son règlement de procédure,

les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ayant été invités à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 à 4 de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 82, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Briot à l’agence de travail intérimaire Randstad Interim (ci-après «Randstad»), à la société Sodexho (ci-après «Sodexho») et au Conseil de l’Union européenne au sujet de diverses demandes introduites par M. Briot concernant, d’une part, les conditions dans lesquelles il a travaillé dans le restaurant du Conseil établi à Bruxelles dans le cadre d’un contrat de travail intérimaire conclu avec Randstad et, d’autre part, le fait qu’il n’a pas été repris au service de Sodexho après la cession à celle-ci de l’exploitation dudit restaurant.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La directive 2001/23 constitue la codification de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 61, p. 26), telle que modifiée par la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 201, p. 88).

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23:

«a)      La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b)      Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.»

5        L’article 2 de la directive 2001/23 dispose:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)      ‘cédant’: toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, paragraphe 1, perd la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement;

b)      ‘cessionnaire’: toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, paragraphe 1, acquiert la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement;

[…]

2.      La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition du contrat ou de la relation de travail.

Cependant, les États membres ne sauraient exclure du champ d’application de la présente directive les contrats ou relations de travail uniquement du fait:

[...]

c)      qu’il s’agit de relations de travail intérimaire au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 91/383/CEE et que l’entreprise, l’établissement ou la partie d’entreprise ou d’établissement transféré est l’entreprise de travail intérimaire qui est l’employeur ou fait partie de celle-ci.»

6        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23:

«Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.»

7        L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit:

«Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif [de] licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.»

 La réglementation nationale

8        Les dispositions de la directive 77/187 ont été mises en œuvre en droit belge par la convention collective de travail n° 32 bis, du 7 juin 1985, conclue au sein du Conseil national du travail, concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur du fait d’un transfert conventionnel d’entreprise et réglant les droits des travailleurs repris en cas de reprise de l’actif après faillite ou concordat judiciaire par abandon d’actif, rendue obligatoire par arrêté royal du 25 juillet 1985 (Moniteur belge du 9 août 1985, p. 11527), telle que modifiée par la convention collective de travail n° 32 quater, du 19 décembre 1989, rendue obligatoire par arrêté royal du 6 mars 1990 (Moniteur belge du 21 mars 1990, p. 5114).

9        En ce qui concerne le champ d’application personnel, ladite convention collective de travail emprunte à la directive la définition des notions de «cédant» et de «cessionnaire», et précise en outre ce qui suit:

«-      pour l’application de la présente convention collective de travail, il faut entendre par travailleurs: les personnes qui, en vertu d’un contrat de travail ou d’apprentissage, fournissent des prestations de travail.

-      sont assimilées aux travailleurs: les personnes qui, autrement qu’en vertu d’un contrat de travail, fournissent des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Le 1er septembre 1998, un contrat-cadre a été conclu entre le secrétariat général du Conseil et Randstad. Ce contrat-cadre visait à la mise à disposition, sur demande du Conseil, de travailleurs intérimaires ayant des qualifications de cuisiniers, de chefs de rang, de magasiniers, de serveurs/demi-chefs de rang et de plongeurs.

11      À partir du 3 septembre 1998, M. Briot a été mis à disposition du Conseil dans le cadre de différents contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société de travail intérimaire Daoust, puis, à partir du 15 janvier 2001, avec Randstad.

12      M. Briot a d’abord exercé la fonction de plongeur et puis, à partir du 15 janvier 2001, celle de cuisinier.

13      À partir du 1er janvier 2003, le Conseil a modifié le mode d’exploitation de son restaurant et confié la gestion de celui-ci à un seul sous‑traitant, Sodexho.

14      Par suite de cette attribution, Sodexho a écrit aux sociétés Compass Group Belgilux et Iris Cleaning en vue de connaître les membres du personnel de ces sociétés devant être repris en vertu des conventions collectives relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise.

15      Le contrat de travail intérimaire de M. Briot a pris fin le 20 décembre 2002 et plus aucun contrat de travail intérimaire ne lui a été proposé à partir de cette date par Randstad.

16      Par lettre du 3 juin 2003, l’organisation syndicale de M. Briot a mis le Conseil et Randstad en demeure de verser à M. Briot une indemnité de rupture, une indemnité pour licenciement abusif, une indemnité complémentaire dans le cadre de la prépension ainsi que les différences de salaire entre le salaire des fonctionnaires du Conseil et celui qui lui a été versé.

17      Par lettre du 29 juillet 2003, le secrétariat général du Conseil a contesté le caractère irrégulier de la mise à disposition de M. Briot ainsi que l’insuffisance des salaires perçus par celui-ci et a rappelé que, selon l’arrêt de la Cour du 3 octobre 1985, Tordeur (232/84, Rec. p. 3223), la sanction civile prévue à l’article 31 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs (Moniteur belge du 20 août 1987, p. 12405) ne peut être appliquée aux institutions communautaires.

18      En l’absence de solution amiable, M. Briot a décidé d’intenter un recours devant le tribunal du travail de Bruxelles.

19      Celui-ci a notamment jugé que la mise à disposition de M. Briot auprès du Conseil était contraire à ladite loi du 24 juillet 1987, mais qu’aucune sanction ne pouvait être appliquée au Conseil. Il a également considéré que, dans la mesure où aucun contrat de travail ne liait M. Briot au Conseil, d’une part, celui-ci ne pouvait pas être condamné à payer des indemnités en raison de la rupture du contrat de travail de M. Briot et, d’autre part, les droits et obligations découlant dudit contrat de travail n’ont pu être transférés à Sodexho lorsque l’exploitation du restaurant du Conseil a été transférée à cette dernière.

20      Le 5 décembre 2007, M. Briot a interjeté appel de cette décision devant la cour du travail de Bruxelles.

21      Par un arrêt du 19 janvier 2009, ladite cour a décidé de rouvrir les débats en ce qui concerne l’existence et les conséquences éventuelles d’un transfert d’entreprise. Dans ce contexte, M. Briot a fait valoir que la cession de l’exploitation du restaurant du Conseil à Sodexho, le 1er janvier 2003, constitue un transfert d’entreprise, de sorte que Sodexho avait l’obligation de le reprendre à son service. Il a sollicité la réformation du jugement de première instance en ce qu’il a été décidé que, en l’absence de contrat de travail entre M. Briot et le Conseil, les droits et obligations à l’égard de M. Briot n’ont pu être transférés à Sodexho.

22      Dans ces circonstances, la cour du travail de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      a)     Lorsque, dans le cadre d’un transfert d’entreprise au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, il apparaît que l’entité transférée, à savoir le restaurant d’entreprise d’une institution communautaire, utilisait un nombre important de travailleurs intérimaires en vertu d’un contrat-cadre conclu avec différentes sociétés de travail intérimaire, la société de travail intérimaire, ou, à défaut, l’institution sous le contrôle et la direction de laquelle les travailleurs intérimaires effectuaient leur travail, doit-elle être considérée comme un employeur-cédant au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive?

b)      Dans l’hypothèse où la qualité d’employeur-cédant ne pourrait être reconnue ni à la société de travail intérimaire ni à l’entreprise utilisatrice, faut-il considérer que les travailleurs intérimaires ne peuvent bénéficier des garanties offertes par la directive 2001/23?

2)      L’article 4, paragraphe l, de la directive 2001/23 […] doit-il être interprété en ce sens que le non-renouvellement des contrats de travail à durée déterminée des travailleurs intérimaires en raison du transfert de l’activité à laquelle ils étaient affectés méconnaît l’interdiction prévue par cette disposition, de manière telle que ces travailleurs intérimaires doivent être considérés comme étant toujours à la disposition de l’utilisateur à la date du transfert?

3)      a)     L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23 […], lu éventuellement en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, sous c), [de celle-ci,] doit-il être interprété comme imposant au cessionnaire de maintenir une relation de travail avec les travailleurs intérimaires qui étaient affectés à l’activité faisant l’objet du transfert ou qui doivent être considérés comme étant toujours à la disposition de l’utilisateur à la date du transfert?

b)      En cas de réponse affirmative à cette question, l’article 3, paragraphe 1, [de cette directive] doit-il être interprété comme imposant la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée dans l’hypothèse où le cessionnaire n’est pas une société de travail intérimaire et ne peut conclure un contrat de travail intérimaire?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la deuxième question

23      Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le non-renouvellement des contrats de travail à durée déterminée de travailleurs intérimaires en raison du transfert de l’activité à laquelle ils étaient affectés méconnaît l’interdiction prévue à l’article 4, paragraphe l, de la directive 2001/23, de sorte que ces travailleurs intérimaires devraient être considérés comme étant toujours à la disposition de l’entreprise utilisatrice à la date dudit transfert.

24      Considérant que la réponse à cette question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour a, conformément à l’article 104, paragraphe 3, second alinéa, de son règlement de procédure, informé la juridiction de renvoi qu’elle se proposait de statuer par voie d’ordonnance motivée et a invité les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet.

25      M. Briot ainsi que les gouvernements belge et allemand ont répondu à l’invitation de la Cour. M. Briot a demandé qu’une audience soit tenue en raison de l’importance des questions posées pour les travailleurs intérimaires mis régulièrement au service d’une entreprise utilisatrice. À cet égard, il fait valoir que la situation de travailleurs intérimaires mis régulièrement au service d’utilisateurs doit être distinguée de celle où plus de cent travailleurs sont mis irrégulièrement, pendant plus de trois ans, au service du même utilisateur. Dans ce cas, l’entité constituée des intérimaires pourrait être identifiée tant au sein de la société qu’au sein de l’entreprise utilisatrice. Toutefois, dans la mesure où ces observations visent un élément étranger à la problématique au centre de la présente demande de décision préjudicielle, elles ne sont pas susceptibles de conduire la Cour à écarter la voie procédurale envisagée. Les gouvernements belge et allemand n’ont, pour leur part, émis aucune objection quant à l’intention de la Cour de statuer par voie d’ordonnance motivée.

26      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, la directive 2001/23 tend à assurer le maintien des droits des travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en leur permettant de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant (voir, notamment, arrêt du 27 novembre 2008, Juuri, C‑396/07, Rec. p. I‑8883, point 28 et jurisprudence citée). L’objet de ladite directive est de garantir, autant que possible, la continuation des contrats ou des relations de travail, sans modification, avec le cessionnaire, afin d’empêcher que les travailleurs concernés soient placés dans une position moins favorable du seul fait du transfert (voir par analogie, s’agissant de la directive 77/187, arrêts du 17 décembre 1987, Ny Mølle Kro, 287/86, Rec. p. 5465, point 25, et du 26 mai 2005, Celtec, C‑478/03, Rec. p. I‑4389, point 26).

27      Cela étant, ainsi qu’il découle des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23, la protection que ladite directive vise à assurer ne concerne que les travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail existant à la date du transfert.

28      À ce sujet, la Cour a dit pour droit, s’agissant de la directive 77/187, que, sauf disposition spécifique contraire, le bénéfice de cette directive pouvant être invoqué par les seuls travailleurs dont le contrat ou la relation de travail est en cours à la date du transfert, l’existence ou non d’un contrat ou d’une relation de travail à cette date doit être appréciée en fonction du droit national, sous réserve, toutefois, que soient respectées les règles impératives de ladite directive relatives à la protection des travailleurs contre le licenciement du fait du transfert (voir arrêt du 15 juin 1988, Bork International e.a., 101/87, Rec. p. 3057, point 17).

29      À ce dernier égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23, le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire.

30      Par conséquent, les travailleurs employés par l’entreprise dont le contrat de travail ou la relation de travail a été résilié avec effet à une date antérieure à celle du transfert en violation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doivent être considérés comme étant toujours employés par l’entreprise à la date du transfert, avec la conséquence, notamment, que les obligations d’employeur à leur égard sont transférées de plein droit du cédant au cessionnaire, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive (voir, par analogie, arrêt Bork International e.a., précité, point 18).

31      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le requérant au principal a été mis à disposition du Conseil, à partir du 3 septembre 1998, dans le cadre de différents contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société de travail intérimaire Daoust, puis, à partir du 15 janvier 2001, avec Randstad. Son contrat de travail avec Randstad a pris fin le 20 décembre 2002, donc antérieurement au transfert de l’activité à laquelle il était affecté, lequel est intervenu le 1er janvier 2003, et aucun contrat de travail intérimaire ne lui a plus été proposé par son ancien employeur après cette date. En outre, aucun élément du dossier n’indique qu’un autre type de relation de travail existait entre Randstad et M. Briot à la date du transfert.

32      À cet égard, en concluant un contrat de travail à durée déterminée, le travailleur est pleinement conscient que ce contrat de travail prendra fin, ipso facto, au terme contractuellement prévu. Il doit s’attendre, dès le début de cette relation contractuelle, à ce que l’autre partie usera de son droit de se prévaloir, à l’échéance du terme, de la fin du contrat.

33      Il en découle que, en principe, le travailleur n’a pas de droit au renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée. Le fait que la date d’expiration d’un tel contrat précède la date prévue pour le transfert de l’activité à laquelle le travailleur est affecté n’est pas susceptible de créer un tel droit.

34      Pour qu’un renouvellement ait lieu, il est, dès lors, nécessaire que se forme un nouvel accord de volonté entre l’employeur et le travailleur. En revanche, dans le cas d’un licenciement, il est mis fin au contrat de travail ou à la relation de travail par une décision unilatérale de l’employeur. Force est dès lors de constater que le non-renouvellement d’un contrat de travail intérimaire à durée déterminée, en raison de l’absence d’un nouvel accord de volonté entre l’employeur et le travailleur, ne saurait être assimilé à un licenciement au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23 (voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2001, Jiménez Melgar, C‑438/99, Rec. p. I‑6915, point 45).

35      Il résulte de ce qui précède que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée, lequel a pris fin, du fait de la survenance de son terme, à une date antérieure à celle du transfert de l’activité à laquelle le travailleur intérimaire concerné était affecté, ne méconnaît pas l’interdiction prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/23.

36      Il y a lieu, enfin, de préciser que cette solution, dans la mesure où la Cour se prononce uniquement sur l’applicabilité de la directive 2001/23, ne préjuge pas de la protection dont un travailleur intérimaire tel que le requérant au principal pourrait, le cas échéant, bénéficier contre l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs en vertu d’autres dispositions du droit de l’Union, notamment la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), ni de l’interprétation à donner à ces dernières par la Cour.

37      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question posée que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, lorsque le contrat de travail à durée déterminée d’un travailleur intérimaire a pris fin, du fait de la survenance du terme convenu, à une date antérieure à celle du transfert de l’activité à laquelle ce travailleur intérimaire était affecté, le non-renouvellement dudit contrat en raison de ce transfert ne méconnaît pas l’interdiction prévue à l’article 4, paragraphe l, de la directive 2001/23. Dès lors, ledit travailleur intérimaire ne doit pas être considéré comme étant toujours à la disposition de l’entreprise utilisatrice à la date dudit transfert.

 Sur les première et troisième questions

38      Dans la mesure où, pour les raisons exposées dans le cadre de la réponse à la deuxième question, un travailleur se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal ne peut pas bénéficier des garanties prévues par la directive 2001/23, il n’y a pas lieu de répondre aux première et troisième questions posées.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, lorsque le contrat de travail à durée déterminée d’un travailleur intérimaire a pris fin, du fait de la survenance du terme convenu, à une date antérieure à celle du transfert de l’activité à laquelle ce travailleur intérimaire était affecté, le non-renouvellement dudit contrat en raison de ce transfert ne méconnaît pas l’interdiction prévue à l’article 4, paragraphe l, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements. Dès lors, ledit travailleur intérimaire ne doit pas être considéré comme étant toujours à la disposition de l’entreprise utilisatrice à la date dudit transfert.

Signatures


* Langue de procédure: le français.