ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

22 mars 2010 (*)

«Pourvoi – Article 119 du règlement de procédure de la Cour – Responsabilité non contractuelle de la Communauté – Organisation commune des marchés dans le secteur de la banane – Régime d’importation de bananes originaires des pays ACP dans la Communauté – Préjudice prétendument subi par un producteur indépendant – Non-respect des règles de concurrence dans le domaine de la politique agricole commune – Violation des principes généraux du droit, notamment du principe de bonne administration – Pourvoi manifestement irrecevable ou manifestement non fondé»

Dans l’affaire C‑39/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 26 janvier 2009,

Société des plantations de Mbanga SA (SPM), établie à Douala (Cameroun), représentée par Me A. Farache, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. de Gregorio Merino et E. Sitbon, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. R. Grass,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, la Société des plantations de Mbanga SA (ci-après «SPM») demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission (T‑128/05, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté le recours de SPM tendant à la réparation du préjudice prétendument subi du fait d’un comportement illégal du Conseil de l’Union européenne et de la Commission des Communautés européennes dans le cadre de l’établissement de la réglementation concernant l’importation de bananes dans la Communauté européenne.

 Le cadre juridique

 L’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane

2        L’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (ci-après l’«OCM banane») a été instituée par le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1). Par les dispositions figurant sous son titre IV, intitulé «Du régime des échanges avec les pays tiers», ce règlement a substitué, à partir du 1er juillet 1993, un régime commun d’importation de bananes aux divers régimes nationaux qui existaient antérieurement.

3        Au moment de l’introduction du recours de SPM devant le Tribunal, ce régime commun et les modalités de gestion de celui-ci avaient fait l’objet de plusieurs modifications successives.

4        Le régime commun d’importation de bananes applicable du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001 (ci-après le «régime de 1999») résulte de l’adoption du règlement (CE) n° 1637/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28), et du règlement (CE) n° 2362/98 de la Commission, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32).

5        Aux termes de l’article 17, premier alinéa, du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 1637/98:

«Toute importation de bananes dans la Communauté est soumise à la présentation d’un certificat d’importation délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté, sans préjudice des dispositions particulières prises pour l’application des articles 18 et 19.»

6        L’article 19 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 1637/98, dispose:

«1.      La gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18, paragraphes 1 et 2, et des importations de bananes traditionnelles ACP s’effectue par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’).

La Commission arrête les modalités d’application nécessaires selon la procédure prévue à l’article 27.

En cas de besoin, d’autres méthodes appropriées peuvent être arrêtées.

2.      La méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, des besoins d’approvisionnement du marché de la Communauté et de la nécessité de sauvegarder l’équilibre de celui-ci.»

7        L’article 20 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 1637/98, prévoit:

«La Commission arrête les modalités d’application du présent titre [IV] selon la procédure prévue à l’article 27. Ces modalités comportent notamment:

a)      les garanties quant à la nature, à la provenance et à l’origine du produit;

b)      les dispositions relatives à la reconnaissance du document permettant de vérifier les garanties visées au point a);

c)      les conditions de délivrance et la durée de validité des certificats d’importation;

d)      les mesures spécifiques nécessaires pour faciliter le passage du régime d’importation applicable à compter du 1er juillet 1993 au régime introduit par le présent titre IV;

e)      les mesures nécessaires pour respecter les obligations découlant des accords conclus par la Communauté en conformité avec l’article 228 du traité [CE].»

8        Le régime d’importation applicable à partir du 1er juillet 2001 (ci-après le «régime de 2001») est issu des modifications apportées au règlement n° 404/93 par les règlements (CE) nos 216/2001 du Conseil, du 29 janvier 2001 (JO L 31, p. 2), et 2587/2001 du Conseil, du 19 décembre 2001 (JO L 345, p. 13), ainsi que du règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6).

9        Aux termes de l’article 17, premier alinéa, du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001:

«Dans la mesure nécessaire, l’importation de bananes dans la Communauté est soumise à la présentation d’un certificat d’importation délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté, sans préjudice des dispositions particulières prises pour l’application des articles 18 et 19.»

10      L’article 19 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, prévoit:

«1.      La gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes.

2.      La méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire.»

11      L’article 20 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 216/2001, dispose:

«La Commission arrête les modalités d’application du présent titre selon la procédure prévue à l’article 27. Ces modalités comportent notamment:

a)      les modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18;

b)      en tant que de besoin, les garanties quant à la nature et à l’origine des produits;

c)      les mesures nécessaires pour respecter les obligations découlant des accords conclus par la Communauté en conformité avec l’article 300 du traité.»

12      SPM précise dans son pourvoi que celui-ci vise uniquement l’arrêt attaqué en tant que celui-ci concerne la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illégal eu égard aux règlements nos 2362/98 et 896/2001 (ci-après les «règlements litigieux»), adoptés par la Commission dans le cadre, respectivement, des régimes de 1999 et de 2001, sur le fondement du règlement n° 404/93 tel que modifié, respectivement, par le règlement no 1637/98, d’une part, et par les règlements nos 216/2001 et 2587/2001, d’autre part, et notamment de ses articles 19 et 20.

 Les conventions internationales

13      L’importation de bananes dans la Communauté, pour autant que celles-ci proviennent des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «États ACP»), est également concernée par les conventions qui ont été conclues entre les États ACP et la Communauté.

14      Jusqu’à l’année 2000, les relations entre les États ACP et la Communauté étaient régies par la quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989 (ci-après la «quatrième convention de Lomé»), approuvée par la décision 91/400/CECA, CEE du Conseil et de la Commission, du 25 février 1991, concernant la conclusion de la quatrième convention ACP-CEE (JO L 229, p. 1).

15      À cette convention a succédé l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO L 317, p. 3).

16      L’article 1er du protocole n° 5, faisant partie de l’annexe V de cet accord (ci-après le «protocole n° 5 Cotonou»), dispose:

«Les parties reconnaissent l’importance économique capitale que revêtent pour les fournisseurs de bananes ACP leurs exportations vers le marché de la Communauté. La Communauté accepte d’examiner et, le cas échéant, de prendre des mesures visant à garantir la viabilité de leurs entreprises exportatrices de bananes et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché de la Communauté.»

 Le cadre spécial d’assistance

17      Le règlement (CE) n° 856/1999 du Conseil, du 22 avril 1999, établissant un cadre spécial d’assistance en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes (JO L 108, p. 2), vise à permettre à ces fournisseurs de s’adapter aux nouvelles conditions du marché et, notamment, d’améliorer leur compétitivité à la suite de l’adoption du règlement n° 1637/98. Le Cameroun est l’un des «fournisseurs ACP traditionnels» éligibles pour cette assistance technique et financière.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18      SPM est une société anonyme constituée le 5 octobre 1998, dont le siège social est situé à Douala (Cameroun). En 2003, elle est devenue une filiale à 100 % de Union fruitière africaine, société établie à Paris (France), elle-même détenue à concurrence de 30 % par le groupe danois Maersk.

19      Prétendant avoir subi un dommage du fait de l’établissement de la réglementation concernant l’importation des bananes dans la Communauté, SPM a introduit un recours en indemnité sur le fondement des articles 235 CE et 288 CE par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2005, demandant à ce dernier:

–        de condamner solidairement le Conseil et la Commission à lui payer la somme de 12 615 278 euros, majorée des intérêts de retard, à titre de réparation de son dommage et la somme de 100 000 euros pour les frais irrépétibles, et

–        de condamner le Conseil et la Commission aux dépens de l’instance.

20      Le Conseil et la Commission ont conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

21      Avant d’examiner les six griefs formulés par SPM, le Tribunal a rappelé, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’un comportement illégal au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE présuppose la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Il a ensuite énoncé que, en matière de politique agricole commune, le législateur communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que, dans ce domaine, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre pourrait affecter la légalité d’une telle mesure. Le Tribunal a également considéré que, en cette matière, le Conseil peut être amené à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’exécution dont les limites doivent être appréciées, notamment, en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché.

22      Aux points 87 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le premier grief de SPM, selon lequel les règlements litigieux auraient favorisé les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs, en violation de l’objectif de préservation de l’équilibre concurrentiel sur le marché de la banane et des engagements internationaux liant la Communauté aux États ACP.

23      Tout d’abord, le Tribunal a exclu, aux points 89 à 95 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’objectif de préservation de l’équilibre concurrentiel sur le marché de la banane dans les relations commerciales entre les «opérateurs» tels que définis par les régimes de 1999 et de 2001 (ci-après la «réglementation litigieuse») et les producteurs situés dans les États ACP. À cet égard, le Tribunal a notamment jugé que les prétendues pratiques anticoncurrentielles identifiées par la requérante seraient le fait des opérateurs, et non des institutions communautaires. Il a estimé à ce sujet que la requérante ne démontrait pas que la réglementation litigieuse avait éliminé toute possibilité de comportement concurrentiel de la part des opérateurs.

24      Ensuite, le Tribunal a, aux points 96 à 118 de l’arrêt attaqué, rejeté l’argument relatif à une violation de la quatrième convention de Lomé et de son protocole n° 5. À cet égard, le Tribunal a notamment considéré que, en vertu du régime de 1999, SPM aurait pu obtenir la qualité d’opérateur «nouvel arrivé», donnant accès aux contingents tarifaires, en s’établissant dans la Communauté et en important au départ des bananes hors contingent, mais avec un droit préférentiel. En outre, le Tribunal a estimé que la Commission avait cherché, lors de l’adoption du règlement n° 2362/98, à concilier les objectifs inhérents à l’OCM banane avec le respect des engagements internationaux de la Communauté découlant des accords adoptés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que de la quatrième convention de Lomé, tout en respectant les lignes directrices établies par le règlement n° 404/93.

25      Enfin, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument tiré d’une violation de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou au motif que cette disposition n’a pas d’effet direct.

26      En ce qui concerne le deuxième grief formulé par SPM, relatif à la violation du principe de bonne administration, le Tribunal a souligné, au point 127 de l’arrêt attaqué, que ce principe ne constitue pas, en lui-même, une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, sauf lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques, comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier ou le droit à la motivation des décisions, ce qui n’était pas invoqué. Le Tribunal en a conclu que, en l’espèce, la violation du principe de bonne administration ne pouvait fonder la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

27      S’agissant de l’argument de SPM selon lequel les institutions communautaires auraient omis de prendre, d’une part, des mesures compensatoires au profit des producteurs ACP indépendants, c’est-à-dire non-opérateurs ou non intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux, et, d’autre part, des mesures de contrôle visant à sanctionner les abus de position dominante commis par les opérateurs ainsi que leurs ententes et pratiques concertées cloisonnant le marché, le Tribunal a notamment jugé, au point 131 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou ne saurait, en l’absence d’effet direct, être invoqué directement par la requérante. En tout état de cause, eu égard à son libellé, cette disposition n’établirait pas d’obligation légale, pour la Communauté, de garantir la viabilité des producteurs ACP indépendants, mais se référerait uniquement au secteur de l’exportation de bananes pris dans son ensemble des différents États ACP.

28      Il ressort des points 132 à 134 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, la Commission n’avait pas d’obligation d’agir aux fins de prendre des mesures de contrôle visant à sanctionner les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs eu égard à son large pouvoir d’appréciation quant au choix des plaintes devant donner lieu à des poursuites. Le Tribunal a, en outre, souligné que, en toute hypothèse, SPM n’avait déposé une plainte auprès de la direction générale de la concurrence de la Commission que 18 jours avant d’introduire son recours en indemnité.

29      Le quatrième grief formulé par SPM, relatif à la violation du principe de non-discrimination, a également été rejeté par le Tribunal, qui a notamment jugé, au point 169 de l’arrêt attaqué, que les producteurs disposant aussi de la qualité d’opérateur, d’une part, et les producteurs qui ne bénéficient pas de cette qualité, d’autre part, ne pouvaient pas être considérés comme se trouvant dans des situations comparables et n’étaient, en tout état de cause, pas traités de manière identique. À l’estime du Tribunal, même à supposer que la prétendue catégorie constituée par les producteurs ACP indépendants ait pu être traitée différemment, par la réglementation litigieuse, de la catégorie constituée par les producteurs ACP non indépendants, cela ne suffirait pas pour considérer cette réglementation comme discriminatoire, dans la mesure où un tel traitement apparaîtrait comme justifié.

30      Après avoir rejeté également les autres griefs, relatifs à la violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et du libre exercice des activités professionnelles ainsi que de l’article 87 CE, le Tribunal a conclu que l’illégalité du comportement de la Commission n’était pas établie et a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties au pourvoi

31      Par son pourvoi, SPM demande à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler partiellement l’arrêt attaqué ainsi que de condamner la Commission au paiement de la somme de 15 163 825 euros à titre d’indemnités, majorée des intérêts au taux légal, et aux dépens des deux instances;

–        à titre subsidiaire, d’annuler partiellement l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue à nouveau et se prononce sur le montant des indemnités.

32      Le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi en ce qui concerne la demande formulée à titre subsidiaire et de condamner la requérante aux dépens.

33      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

34      En vertu de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter le pourvoi, par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

35      À l’appui de son pourvoi, SPM invoque trois moyens, qui concernent uniquement le rejet, par l’arrêt attaqué, de son recours en indemnité en tant que celui-ci était fondé sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait du comportement prétendument illégal de la Commission.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit concernant l’étendue du pouvoir d’appréciation de la Commission

 Argumentation des parties

36      Par son premier moyen, SPM fait valoir que le Tribunal a reconnu à tort à la Commission un large pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole commune. Un tel pouvoir correspondrait, selon la jurisprudence de la Cour, aux responsabilités politiques que les articles 34 CE et 37 CE attribuent au législateur communautaire, et qui incomberaient en principe seulement au Conseil. Il ne serait donc pas opportun d’étendre ce pouvoir aux cas où la Commission agit en situation d’application ordinaire d’une législation de base. La compétence conférée à la Commission par l’article 20 du règlement n° 404/93 correspondrait à un strict pouvoir d’exécution, sans caractère politique ou législatif, pour lequel une retenue excessive du juge dans l’exercice de son contrôle ne se justifierait plus. Or, le Tribunal n’aurait pas distingué le contrôle exercé à l’égard, d’une part, des actes du Conseil et, d’autre part, des actes d’application de la Commission, en cause en l’espèce.

37      La Commission est d’avis que la gestion des contingents d’importation dont elle a été investie constitue une activité de nature législative. Le Conseil lui aurait en effet conféré un large pouvoir d’appréciation. En adoptant un système particulier de répartition des contingents tarifaires par les deux règlements litigieux, elle aurait opéré des arbitrages entre des intérêts divergents et aurait été amenée à prendre des décisions dans le cadre de choix politiques relevant de ses responsabilités propres.

 Appréciation de la Cour

38      Selon la jurisprudence constante de la Cour, le Conseil peut, dans le domaine de la politique agricole commune, être amené à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’appréciation (voir en ce sens, notamment, arrêts du 21 mars 1991, SAFA, C‑359/89, Rec. p. I‑1677, point 16; du 6 mars 2003, Niemann, C‑14/01, Rec. p. I‑2279, point 38, ainsi que du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 74). La reconnaissance d’une marge d’appréciation n’est donc pas réservée aux actes adoptés par le Conseil (voir, en ce sens, arrêts Niemann, précité, points 38 à 46, et du 14 juillet 2005, Rica Foods/Commission, C‑40/03 P, Rec. p. I‑6811, points 53 à 57).

39      En outre, l’article 19 du règlement n° 404/93, dans ses deux versions pertinentes en l’espèce, permet à la Commission d’opérer un choix concernant la méthode à adopter pour la gestion des contingents d’importation de bananes. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient SPM dans son pourvoi, l’adoption des règlements litigieux, sur le fondement des articles 19 et 20 du règlement n° 404/93, dans lesdites versions, n’est pas intervenue dans le cadre d’un «strict pouvoir d’exécution» et ne constitue pas non plus seulement «l’application ordinaire d’une législation de base».

40      Enfin, la Cour a déjà jugé que le Conseil a accordé une marge d’appréciation à la Commission pour la gestion des contingents tarifaires d’importation de bananes (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 57, ainsi que Alessandrini e.a./Commission, précité, point 81), comme la requérante l’avait d’ailleurs elle-même admis au point 135 de sa requête en première instance.

41      Dès lors, en constatant l’existence, dans le chef de la Commission, d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’adoption des règlements litigieux, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

42      Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe du maintien d’une concurrence effective

 Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la nécessité de prendre en compte des objectifs de concurrence lors de l’adoption des règlements litigieux

–       Argumentation des parties

43      Par cette branche, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, notamment aux points 115 à 117 de l’arrêt attaqué, examiné les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission exclusivement par rapport à l’objectif de ne pas perturber les liens commerciaux traditionnels. Il aurait totalement exclu la prise en compte des objectifs de concurrence dans le cadre de son analyse, bien que, selon les arrêts du 29 novembre 1978, Redmond (83/78, Rec. p. 2347, point 57), ainsi que du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union (C‑137/00, Rec. p. I‑7975, points 58 et 61), l’OCM banane ne constitue pas «un espace sans concurrence». Le respect des règles de concurrence en matière agricole ne concernerait pas seulement le comportement des entreprises, mais s’étendrait également, sous certaines conditions, aux mesures adoptées par les autorités publiques.

44      Or, rien ne se serait opposé, lors de l’adoption des règlements litigieux, à la prise en considération simultanée, dans le cadre du régime communautaire d’importation de bananes, des objectifs de la politique agricole commune et des objectifs de la politique communautaire de concurrence. À cet égard, SPM souligne que son recours ne remet pas en cause l’existence même du système de certificats d’importation, mais vise seulement les modalités d’attribution et d’utilisation desdits certificats instaurés par la réglementation communautaire en ce que ces modalités conduisent à octroyer des avantages économiques au bénéfice de quelques entreprises présentes sur le marché de la banane et à favoriser des pratiques anticoncurrentielles.

45      La Commission considère cette branche également comme non fondée.

–       Appréciation de la Cour

46      Tout d’abord, il y a lieu de constater que la présente branche repose sur une lecture incomplète de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a abordé la prétendue violation de l’objectif de préserver l’équilibre concurrentiel entre les opérateurs et les producteurs sur le marché de la banane aux points 89 à 94 de cet arrêt. De surcroît, aux points 117 et 118 de celui-ci, le Tribunal a pris en considération les objectifs visant à permettre une certaine évolution des structures de commercialisation ainsi qu’à favoriser une évolution du commerce international et une plus grande fluidité des échanges.

47      En outre, même si les organisations communes des marchés des produits agricoles ne constituent pas des espaces sans concurrence (voir arrêt Milk Marque et National Farmers’ Union, précité, point 61), il découle de l’article 36 CE que sont reconnus tout à la fois la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et le pouvoir du Conseil de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s’appliquer dans le secteur agricole (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, points 59 à 61, et du 12 décembre 2002, France/Commission, C‑456/00, Rec. p. I‑11949, point 33).

48      À cet égard, il convient de rappeler le quatorzième considérant du règlement n° 404/93, aux termes duquel, afin de ne pas perturber les liens commerciaux actuels tout en permettant une certaine évolution des structures de commercialisation, la délivrance des certificats d’importation pour chaque opérateur doit être opérée sur la base de la quantité moyenne de bananes qu’il a commercialisée au cours des trois années précédentes pour lesquelles des données statistiques sont disponibles. Le respect de ces objectifs lors de l’adoption des règlements litigieux ne saurait être reproché à la Commission.

49      Enfin, quant à la jurisprudence invoquée par SPM, il convient de rappeler que les arrêts précités Redmond ainsi que Milk Marque et National Farmers’ Union avaient pour objet des mesures nationales s’écartant des conditions déterminées par la réglementation communautaire d’une organisation commune de marché à l’intérieur de l’Union européenne. En revanche, en l’espèce, SPM fait valoir que le libre accès au marché doit s’étendre également aux producteurs établis dans des pays tiers. Or, il ressort du règlement n° 404/93 que l’OCM banane ne constitue pas un marché auquel tout producteur situé dans un pays tiers a librement accès.

50      Par voie de conséquence, la première branche du deuxième moyen doit être écartée comme manifestement non fondée.

 Sur la seconde branche, relative au lien entre les règlements litigieux et l’existence d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles

–       Argumentation des parties

51      SPM reproche au Tribunal d’avoir refusé, au point 93 de l’arrêt attaqué, de reconnaître que les pratiques anticoncurrentielles existant sur le marché de l’importation de bananes puissent être le fait des institutions communautaires.

52      Tout d’abord, le Tribunal aurait méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle, pour qu’une loi soit jugée contraire aux règles de concurrence du traité, il n’est pas nécessaire qu’elle élimine toute possibilité d’un comportement concurrentiel de la part de certains opérateurs sur le marché.

53      En outre, SPM soutient qu’elle avait démontré en première instance que le système instauré par la Commission conduit inévitablement les opérateurs historiques à abuser de leur position dominante sur le marché de la banane, par exemple en mettant en œuvre une entente sur les prix des bananes et des certificats. L’affirmation du Tribunal selon laquelle il n’est pas interdit aux nouveaux arrivés sur le marché de la banane de prétendre à la qualité d’opérateur n’aurait qu’une valeur purement théorique. En effet, le Tribunal omettrait de tenir compte de la réalité des démarches et des coûts qu’implique la demande de la qualité d’opérateur pour un producteur tel que SPM, ne bénéficiant pas d’une structure d’importation historique et ne souhaitant pas entrer dans un système de rentes artificiel.

54      Enfin, selon SPM, il est contradictoire de rejeter, au point 95 de l’arrêt attaqué, la demande d’autorisation de produire le rapport COGEA de 2006, déclaré «dépourvu de pertinence dans le cadre du présent recours» au motif que ce rapport était présenté comme attestant de pratiques anticoncurrentielles, après que le Tribunal a reproché à la requérante, au point 93 de cet arrêt, de ne pas avoir démontré l’existence de telles pratiques.

55      La Commission souligne que tant le régime de 1999 que celui de 2001 auraient permis à la requérante, si elle l’avait voulu, de s’engager dans le commerce d’importation de bananes dans la Communauté. Il ne serait pas anormal que l’entrée dans un nouveau négoce se fasse au prix d’investissements importants. En outre, le Tribunal aurait estimé à juste titre que SPM n’avait pas démontré que la réglementation litigieuse a éliminé toute possibilité d’un comportement concurrentiel de la part des opérateurs. Enfin, en tout état de cause, s’il avait existé une entente ou une concertation, elle aurait été le fait non pas de la réglementation litigieuse, mais de la structure particulière du marché de la banane, caractérisée par un faible nombre d’opérateurs dont les parts de marché sont similaires, et des comportements imputables aux entreprises importatrices.

–       Appréciation de la Cour

56      En premier lieu, il convient de relever que la jurisprudence de la Cour invoquée par SPM (arrêts du 19 février 2002, Arduino, C‑35/99, Rec. p. I‑1529, point 34, et du 9 septembre 2003, CIF, C‑198/01, Rec. p. I‑8055, point 45), selon laquelle il y a violation des articles 10 CE et 81 CE lorsqu’un État membre favorise la conclusion d’ententes contraires à l’article 81 CE ou renforce les effets de telles ententes (arrêts précités Arduino, point 35, et CIF, point 46), ne vise que des mesures des États membres susceptibles de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. En revanche, SPM reproche à la Commission d’avoir influencé la concurrence en ce qui concerne l’accès au marché commun d’opérateurs économiques de pays tiers. Il s’ensuit que la jurisprudence invoquée par SPM ne saurait être transposée au cas d’espèce.

57      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté présuppose, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 55 de l’arrêt attaqué, la méconnaissance manifeste et grave, par une institution communautaire, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation [voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2005, Commission/CEVA et Pfizer, C‑198/03 P, Rec. p. I‑6357, point 64; du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, point 47, ainsi que du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, non encore publié au Recueil, point 160].

58      Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en examinant si les règlements litigieux ont laissé subsister la possibilité d’un comportement concurrentiel autonome de la part des entreprises.

59      En deuxième lieu, dans son pourvoi, SPM ne démontre pas de manière circonstanciée pour quelle raison la conclusion du Tribunal selon laquelle les règlements litigieux n’ont pas inévitablement conduit les opérateurs historiques à abuser de leur position dominante et à mettre en œuvre des ententes sur les prix des bananes et des certificats est entachée d’une erreur de droit. En particulier, SPM ne critique pas la constatation, faite au point 93 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les préjudices allégués par SPM «ne se seraient réalisés […] qu’à partir de 2003, ce qui suggère que les prétendues pratiques anticoncurrentielles n’ont débuté que plusieurs années après l’entrée en vigueur des régimes de 1999 et de 2001».

60      En ce qui concerne, en troisième lieu, la possibilité pour SPM d’acquérir la qualité d’opérateur, force est de constater que tant le régime de 1999 que celui de 2001 permettaient à des entreprises de s’engager dans le commerce d’importation de bananes dans la Communauté et de devenir opérateurs après un certain temps. Comme la Commission le souligne à juste titre, il n’est pas inhabituel que l’entrée dans un nouveau négoce se fasse au prix d’investissements importants. SPM indique elle-même qu’elle ne «souhaitait» pas entrer dans le système, ce qui constitue un indice de l’existence d’une décision autonome. Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les règlements litigieux n’ont pas exclu la possibilité pour SPM de prétendre à la qualité d’opérateur.

61      En quatrième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’existe pas de contradiction entre les points 93 et 95 de l’arrêt attaqué. Selon le point 93 de cet arrêt, la requérante n’a pas démontré que la réglementation litigieuse avait éliminé toute possibilité d’un comportement concurrentiel de la part des opérateurs. Au point 95 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que, selon la demande d’autorisation de produire le rapport COGEA de 2006, ce rapport met en exergue les pratiques anticoncurrentielles prétendument mises en œuvre par les opérateurs. Or, l’existence de telles pratiques, à elle seule, ne permet pas de conclure que lesdites pratiques sont la conséquence inéluctable des règlements litigieux.

62      Dans ces conditions, la seconde branche du deuxième moyen doit également être écartée comme manifestement non fondée.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de certains principes généraux du droit

 Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de bonne administration

–       Argumentation des parties

63      SPM soutient que le Tribunal a méconnu l’importance du respect du principe de bonne administration dans l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission. Elle reproche au Tribunal de s’être limité à déclarer, au point 127 de l’arrêt attaqué, que «le principe de bonne administration ne constitue pas, en lui-même, une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers». Or, SPM aurait invoqué le principe de bonne administration en tant qu’il impliquait l’obligation, pour la Commission, de réunir les éléments factuels pertinents indispensables à l’adoption des règlements litigieux, notamment ceux relatifs à la situation des producteurs ne pouvant obtenir la qualité d’opérateur au sens des règlements litigieux, en particulier celle d’une entreprise productrice et exportatrice de bananes ACP indépendante telle que SPM.

64      Le Conseil et la Commission estiment que cette argumentation repose sur une lecture incomplète de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait admis que le principe de bonne administration serait susceptible de conférer des droits aux particuliers sous certaines conditions, mais que, en l’espèce, ces conditions ne seraient pas remplies.

–       Appréciation de la Cour

65      À titre liminaire, il convient de rappeler que le Tribunal a, au point 127 de l’arrêt attaqué, reconnu que le principe de bonne administration peut constituer une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques comme, entre autres, le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable ou le droit d’être entendu.

66      En soutenant qu’elle a invoqué le principe de bonne administration en tant qu’il implique l’obligation, pour la Commission, de réunir les éléments factuels pertinents indispensables à l’adoption des règlements litigieux, SPM admet implicitement l’affirmation du Tribunal selon laquelle le principe de bonne administration ne peut être invoqué que lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques. Elle se limite donc à faire valoir qu’elle a invoqué un tel droit spécifique, ce qui ressortirait du point 121 de l’arrêt attaqué.

67      Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen du pourvoi n’est pas fondée sur une violation du principe de bonne administration en tant que tel.

68      En revanche, SPM fait valoir que le Tribunal a méconnu que la Commission aurait dû prévoir des règles particulières pour un certain groupe d’opérateurs économiques situés à l’extérieur de la Communauté, à savoir les entreprises productrices et exportatrices de bananes ACP indépendantes telles que SPM, ne pouvant, selon celle-ci, obtenir la qualité d’opérateur au sens de la réglementation litigieuse.

69      Toutefois, la reconnaissance d’une telle obligation spécifique dans le cadre du principe de bonne administration n’est pas compatible avec les circonstances caractérisant la situation de la Commission lors de l’adoption des règlements litigieux.

70      En effet, l’adoption de ceux-ci ne constituait pas une procédure administrative ayant pour objet un cas particulier. Au contraire, lors de l’adoption des règlements litigieux, fixant les modalités de gestion des contingents tarifaires, il appartenait à la Commission, disposant d’un pouvoir d’appréciation accordé par le Conseil, d’édicter des règles générales dans un contexte nécessitant la conciliation d’une multitude d’objectifs et d’intérêts divergents, voire opposés.

71      La Commission a dû assurer le respect des engagements internationaux de la Communauté découlant, d’une part, des accords conclus au sein de l’OMC ainsi que, d’autre part, des conventions conclues avec les États ACP, tout en réalisant les objectifs et en respectant les lignes directrices de l’OCM banane et du règlement n° 404/93. Or, ces derniers comprennent, notamment, selon le troisième considérant et l’article 19, paragraphe 2, de ce règlement, le respect de la préférence communautaire et la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire. En outre, l’article 17, premier alinéa, dudit règlement prévoit la nécessité de disposer d’un établissement dans la Communauté pour pouvoir obtenir des certificats d’importation.

72      Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 60 de la présente ordonnance, la possibilité de devenir opérateur au sens des règlements litigieux n’était pas exclue.

73      Il découle de ce qui précède que, dans le cadre du principe de bonne administration, l’obligation spécifique invoquée par SPM, consistant à inclure dans les règlements litigieux des règles particulières pour un certain groupe d’opérateurs économiques situés à l’extérieur de la Communauté, ne saurait être reconnue.

74      De surcroît, le Conseil a établi, par le règlement n° 856/1999, un cadre d’assistance technique et financière en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles conditions du marché et notamment d’améliorer leur compétitivité. La Communauté a donc, en fait, pris en considération les éventuelles difficultés des fournisseurs ACP traditionnels découlant de la modification du régime des échanges avec les pays tiers par suite de l’adoption du règlement n° 1637/98.

75      Par voie de conséquence, la première branche du troisième moyen est manifestement non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une violation de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou

–       Argumentation des parties

76      SPM fait valoir que, pour écarter, aux points 129 à 132 de l’arrêt attaqué, l’existence de toute obligation dans le chef des institutions communautaires de garantir la viabilité économique des entreprises ACP productrices de bananes, le Tribunal s’est fondé sur une analyse imprécise et erronée des termes de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou. D’une part, selon les termes mêmes de cette disposition, l’obligation d’examiner la situation de ces entreprises ne serait assortie d’aucune condition et s’imposerait aux institutions communautaires. D’autre part, l’absence d’effet direct de ladite disposition n’aurait pas d’incidence sur son caractère protecteur des droits des particuliers pouvant servir de fondement à l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

77      Le Conseil et la Commission considèrent que le Tribunal a correctement dégagé la portée de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou. Cette disposition se rapporterait seulement au secteur de l’exportation de bananes des différents États ACP pris dans son ensemble et les mesures à prendre éventuellement ne seraient ni automatiques ni déjà définies. En outre, une disposition de droit international dépourvue d’effet direct ne saurait être invoquée pour fonder la responsabilité extracontractuelle des institutions vis-à-vis d’un particulier. Au contraire, l’absence d’effet direct d’une telle disposition empêcherait le juge communautaire de considérer l’illégalité des actions des institutions communautaires à la lumière de celle-ci.

–       Appréciation de la Cour

78      En ce qui concerne le premier grief soulevé dans le cadre de la présente branche, il convient de constater que SPM se limite à faire valoir que, selon les termes de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou, l’obligation d’examen incombant aux institutions communautaires ne serait assortie d’aucune condition. Or, l’obligation d’examiner la situation des entreprises exportatrices de bananes des États ACP ne saurait être assimilée à une obligation de garantir effectivement la viabilité des entreprises d’une certaine catégorie de producteurs ACP, obligation dont l’existence a été écartée par le Tribunal aux points 119 et 131 de l’arrêt attaqué. Il s’ensuit que le premier grief ne saurait justifier l’annulation de l’arrêt attaqué.

79      S’agissant du second grief, relatif à la possibilité de fonder la responsabilité extracontractuelle de la Communauté sur la violation d’une disposition n’ayant pas d’effet direct, force est de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, en l’absence d’effet direct d’une disposition, cette dernière ne saurait conférer directement des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, points 14 et 24; du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029, point 23; du 11 mai 2000, Savas, C‑37/98, Rec. p. I‑2927, point 54, ainsi que du 24 mars 2009, Danske Slagterier, C‑445/06, non encore publié au Recueil, point 22). À défaut d’engendrer de tels droits susceptibles d’être invoqués à l’appui de l’allégation de l’illégalité d’un comportement d’une institution communautaire, la disposition en cause n’est pas susceptible de fonder un recours en indemnité contre la Communauté.

80      Dès lors, il convient d’écarter également la deuxième branche du troisième moyen comme manifestement non fondée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de sanction des abus de position dominante

81      La troisième branche concerne l’examen effectué par le Tribunal du grief de SPM selon lequel la Commission aurait omis de prendre des mesures de contrôle visant à sanctionner les abus de position dominante commis par les opérateurs ainsi que les ententes et pratiques concertées de ceux-ci. À cet égard, SPM reproche au Tribunal de s’être fondé, au point 133 de l’arrêt attaqué, sur le principe d’opportunité des poursuites consacré, au profit de la Commission, dans le cadre du contrôle des pratiques anticoncurrentielles. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission serait limité par l’obligation d’examiner avec soin, sérieux et impartialité les plaintes qui lui sont soumises et de prendre en considération tous les éléments et circonstances pertinents de la situation dénoncée.

82      Or, au point 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en toute hypothèse, SPM n’avait déposé une plainte auprès de la Commission que quelques jours avant l’introduction du recours en indemnité. Il s’ensuit que la question de savoir si la Commission était obligée d’entamer des poursuites par suite de cette plainte ne saurait avoir d’incidence sur la demande de réparation d’un prétendu préjudice né avant l’introduction de ce recours. Les constatations opérées par le Tribunal au point 133 de l’arrêt attaqué, visées par la présente branche, qui sont relatives aux limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission concernant le choix des plaintes devant donner lieu à poursuites, sont donc sans influence sur le dispositif de cet arrêt.

83      Dès lors, la troisième branche du troisième moyen est manifestement inopérante et, partant, doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du principe de non-discrimination

84      SPM soutient que le raisonnement du Tribunal relatif au principe de non-discrimination, figurant au point 169 de l’arrêt attaqué, est entaché de contradiction. En effet, après avoir établi que les producteurs qui bénéficient de la qualité d’opérateur et ceux qui ne bénéficient pas de cette qualité ne sont pas dans une situation comparable, ce qui justifie qu’ils fassent l’objet d’un traitement différent en matière d’attribution de certificats, le Tribunal aurait tenté de justifier la différence de traitement entre producteurs indépendants et producteurs-opérateurs, ce qui supposerait que cette différence de traitement est, a priori, illégitime.

85      À cet égard, il convient de relever que, pour rejeter le grief tiré d’une violation du principe de non-discrimination, le Tribunal a développé, au point 169 de l’arrêt attaqué, une argumentation principale et une argumentation subsidiaire. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière argumentation que le Tribunal a posé l’hypothèse d’une discrimination, laquelle serait justifiée.

86      Dans ces conditions, la contradiction alléguée ne saurait être constatée et il y a lieu de rejeter la quatrième branche du troisième moyen comme manifestement non fondée.

87      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil et la Commission ayant conclu à la condamnation de SPM et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Société des plantations de Mbanga SA (SPM) est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.