ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

1er juillet 2009 (*)

«Pourvoi – Contrat de financement communautaire d’un projet de recherche – Clause compromissoire – Recours introduit par une personne n’étant pas partie à ce contrat – Incompétence du Tribunal»

Dans l’affaire C‑29/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 18 janvier 2009,

Daniela Marinova, demeurant à Sofia (Bulgarie), représentée par Me G. Georgiev, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Université Libre de Bruxelles,

Commission des Communautés européennes,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur) et M. E. Juhász, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Mme Marinova demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 5 novembre 2008, Marinova/Université Libre de Bruxelles et Commission (T‑213/08 et T‑213/08 AJ, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté son recours en responsabilité contractuelle fondé sur une clause compromissoire contenue dans un contrat de financement communautaire d’un projet de recherche (ci-après le «contrat de financement») conclu entre la Commission des Communautés européennes et l’Université Libre de Bruxelles (ci-après l’«ULB»).

 Les faits à l’origine du litige

2        Dans le cadre du programme spécifique de recherche et de développement technologique (Structuring ERA), action «Marie Curie Incoming International Fellowships», la Commission, agissant au nom des Communautés européennes, a, le 14 avril 2007, conclu avec l’ULB le contrat de financement du projet de recherche intitulé «Active Structures with Smart Materials: Modeling, Control, Numerical Simulation and Experimental Validation» [contrat nº 038950 (MEIF CT/2007 038950)].

3        L’annexe I de ce contrat désigne le pr Preumont comme responsable de ce projet de recherche et Mme Marinova comme chercheur.

4        Le contrat de financement contient une clause attribuant compétence aux juridictions communautaires pour statuer sur tout litige survenu entre la Communauté et son cocontractant, à savoir l’ULB, en ce qui concerne la validité, l’exécution ou l’interprétation de ce même contrat.

5        En vue de la réalisation dudit projet de recherche, l’ULB a, les 31 août et 5 octobre 2007, conclu deux contrats de travail successifs, le premier d’une durée de trois mois et le second d’une durée de neuf mois, avec Mme Marinova (ci-après le «contrat de travail»).

6        Par lettre du 19 décembre 2007, Mme Marinova a adressé une plainte à la Commission concernant le contenu et l’exécution du contrat de travail.

7        Par lettre du 11 février 2008, la Commission a répondu en substance à Mme Marinova que, selon les informations qu’elle avait recueillies auprès de l’ULB, celle-ci bénéficiait d’un contrat de travail normal assorti d’une couverture sociale pleine et entière. Elle a ajouté que, à la fin du projet de recherche en cause, elle vérifierait que l’ULB avait employé la part de la contribution financière communautaire prévue par le contrat de financement pour la réalisation des travaux effectués par Mme Marinova afin de payer cette dernière. Enfin, pour des questions supplémentaires relatives au contrat de travail, la Commission suggérait à Mme Marinova de s’adresser directement à l’ULB.

8        Une seconde plainte datée du 10 mars 2008 a été adressée par Mme Marinova à la Commission, qui y a répondu par lettre du 14 avril 2008.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2008, Mme Marinova a introduit un recours en responsabilité contractuelle à l’encontre de l’ULB et de la Commission sur le fondement de la clause compromissoire contenue dans le contrat de financement.

10      Par acte séparé déposé le même jour, Mme Marinova a demandé que ce recours soit traité selon la procédure accélérée.

11      Par lettre du 25 août 2008, elle a déposé une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 95 du règlement de procédure du Tribunal.

12      Sur le fondement de l’article 111 de son règlement de procédure, le Tribunal a, par l’ordonnance attaquée, rejeté le recours introduit par Mme Marinova.

13      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a également, en application de l’article 94, paragraphe 3, de son règlement de procédure, rejeté la demande d’aide judiciaire présentée par Mme Marinova.

14      Les points pertinents de la motivation de l’ordonnance attaquée sont les suivants:

«13      Il y a lieu de constater que les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 225 CE et à l’article 140 A EA, tels que précisés par l’article 51 du statut de la Cour de justice. En application de ces dispositions, le Tribunal n’est compétent pour statuer, en première instance, sur les litiges en matière contractuelle portés devant lui qu’en vertu d’une clause compromissoire. Faute de quoi, il étendrait sa compétence juridictionnelle au-delà des litiges dont la connaissance lui est limitativement réservée par l’article 240 CE, cette disposition conférant aux juridictions nationales la compétence de droit commun pour connaître des litiges auxquels la Communauté est partie (ordonnance du Tribunal du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑186/96, Rec. p. II‑1633, point 47). Cette compétence est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement (arrêt de la Cour du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, Rec. p. 4057, point 11).

14      La jurisprudence a également reconnu que seules les parties à un contrat contenant une clause compromissoire peuvent être parties à l’action introduite sur le fondement de l’article 238 CE (ordonnance du Tribunal du 8 janvier 2008, Commission/Lior e.a., T‑245/04, […] point 112; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 décembre 1976, Pellegrini/Commission [et Flexon-Italia], 23/76, Rec. p. 1807, point 31).

15      En l’espèce, le contrat de financement […] comporte une clause compromissoire attribuant compétence aux juridictions communautaires pour connaître des litiges relatifs à sa validité, à son interprétation ou à son exécution.

16      Cette clause compromissoire ne s’applique donc qu’aux relations contractuelles entre les parties à ce contrat, à savoir la Commission et l’ULB. En particulier, la circonstance que le contrat de financement […] impose à cette dernière le respect d’un certain nombre d’obligations précises à l’égard de la requérante, en sa qualité de chercheur dans le cadre du projet en cause, ainsi que le relève la requérante, ne modifie rien au fait que la Commission est uniquement liée par un lien contractuel avec l’ULB.

17      Il en découle en premier lieu que la clause compromissoire contenue dans le contrat de financement […] ne peut pas être invoquée utilement par la partie requérante, dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle contre la Commission. Le Tribunal est dès lors manifestement incompétent pour connaître du présent recours en ce qu’il a été formé contre la Commission.

18      En second lieu, la requérante ne saurait davantage se fonder sur la clause compromissoire susmentionnée, dans un litige l’opposant à l’ULB, à laquelle elle est liée par un contrat de travail. En effet, ce contrat de travail conclu avec la requérante en exécution du contrat de financement susvisé n’a pas été passé par la Communauté ou pour son compte, mais par l’ULB. Il ne pouvait dès lors contenir de clause compromissoire attribuant compétence au Tribunal en application de l’article 238 CE, et ne contient d’ailleurs pas [une] telle clause.

19      Il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître du présent recours tant en ce qu’il a été formé contre la Commission que contre l’ULB. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.»

 Le pourvoi

15      Par son pourvoi, Mme Marinova conclut à l’annulation de l’ordonnance attaquée et à ce qu’il soit fait droit à l’intégralité de ses conclusions présentées en première instance.

 Sur le pourvoi

16      En vertu de l’article 119 du règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

17      Selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 15, ainsi que du 27 février 2007, Segi e.a./Conseil, C‑355/04 P, Rec. p. I‑1657, point 22).

18      Or, le pourvoi de Mme Marinova ne répond pas à ces exigences.

19      En effet, par son pourvoi, Mme Marinova se borne simplement à commenter chacun des points de l’ordonnance attaquée sans présenter une argumentation juridique cohérente visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont seraient entachés ces points.

20      Un pourvoi revêtu de telles caractéristiques n’est pas susceptible de faire l’objet d’une appréciation juridique permettant à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe dans le domaine considéré et d’effectuer son contrôle de légalité (voir ordonnances du 29 novembre 2007, Weber/Commission, C‑107/07 P, point 28, et du 10 février 2009, Correia de Matos/Commission, C‑290/08 P, point 21).

21      En tout état de cause, à supposer même que le pourvoi puisse être interprété en ce sens que Mme Marinova reproche au Tribunal de ne pas avoir vérifié si la responsabilité non contractuelle de la Communauté était engagée en l’espèce, il suffit de constater que cette allégation a été soulevée pour la première fois au stade du pourvoi et que, par conséquent, elle constitue, en vertu de l’article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi conformément à l’article 118 de ce règlement, un moyen nouveau devant être déclaré irrecevable dès lors qu’il ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

22      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

23      Conformément à l’article 69 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, Mme Marinova supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme Marinova supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.