1. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Égalité de traitement — Avantages sociaux
(Art. 45 TFUE; règlement du Conseil n o 1612/68, tel que modifié par le règlement n o 2434/92, art. 7, § 2)
2. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Égalité de traitement — Avantages sociaux — Accès à l’enseignement des enfants d’un travailleur
(Règlement du Conseil n o 1612/68, tel que modifié par le règlement n o 2434/92, art. 7, § 2, et 12)
1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement n o 2434/92, l’État membre qui impose une condition de résidence d’au moins trois années au cours des six années précédant l’inscription en vue de poursuivre des études supérieures en dehors de cet État membre, aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille à l’entretien desquels ils continuent de pourvoir afin de leur permettre d’obtenir le financement des études supérieures poursuivies en dehors de cet État.
Une telle condition risque de jouer principalement au détriment des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux. Dans ce contexte, il est indifférent que la mesure litigieuse affecte, le cas échéant, aussi bien les ressortissants nationaux n’étant pas en mesure de respecter un tel critère que les ressortissants des autres États membres. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’indirectement discriminatoire, il n’est pas nécessaire qu’elle ait pour effet de favoriser l’ensemble des ressortissants nationaux ou de ne défavoriser que les seuls ressortissants des autres États membres à l’exclusion des nationaux.
L’objectif d’éviter une charge financière déraisonnable ne saurait être considéré comme une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une telle inégalité de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs des autres États membres. À cet égard, s’agissant de travailleurs migrants et frontaliers, le fait d’avoir accédé au marché du travail d’un État membre crée, en principe, le lien d’intégration suffisant dans la société de cet État leur permettant d’y bénéficier du principe d’égalité de traitement par rapport aux travailleurs nationaux quant aux avantages sociaux. Ce principe est applicable non seulement à toutes conditions d’emploi et de travail, mais aussi à tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux en raison, principalement, de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence ordinaire sur le territoire national. Le lien d’intégration résulte notamment du fait que, avec les contributions fiscales qu’il paye dans l’État membre d’accueil en vertu de l’activité salariée qu’il y exerce, le travailleur migrant contribue aussi au financement des politiques sociales de cet État et doit en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux.
Par ailleurs, une telle réglementation n’est pas justifiée par la promotion de la mobilité des étudiants. Certes, une telle justification constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction au principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Toutefois, une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité, telle que la libre circulation des travailleurs, ne peut être valablement justifiée que si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. Or, la mesure précitée présente un caractère trop exclusif. En effet, en imposant des périodes spécifiques de résidence sur le territoire de l’État membre concerné, la règle dite «des 3 ans sur 6» privilégie un élément qui n’est pas nécessairement le seul représentatif du degré réel de rattachement entre l’intéressé et ledit État membre.
(cf. points 38, 65, 66, 69, 72, 73, 86, 89 et disp)
2. Les membres de la famille d’un travailleur migrant sont des bénéficiaires indirects de l’égalité de traitement accordée à ce travailleur par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement n o 2434/92. Dès lors que l’octroi du financement des études à un enfant d’un travailleur migrant constitue pour le travailleur migrant un avantage social, l’enfant peut lui-même se prévaloir de cette disposition pour obtenir ce financement si, en vertu du droit national, celui-ci est accordé directement à l’étudiant. Ce bénéfice ne constitue, toutefois, pour le travailleur migrant, un avantage social, au sens de ladite disposition, que dans la mesure où celui-ci continue à assurer le soutien de son descendant.
En revanche, l’article 12 du même règlement confère aux enfants d’un travailleur migrant un droit propre d’accès à l’enseignement. Ce droit n’est subordonné ni au statut d’enfant à charge ni au droit de séjour de leurs parents dans l’État membre d’accueil. Il n’est pas non plus limité aux enfants des travailleurs migrants puisqu’il est également applicable aux enfants des anciens travailleurs migrants. L’article 12 exige uniquement que l’enfant ait vécu avec ses parents ou avec l’un d’eux dans un État membre pendant que l’un de ses parents au moins y résidait en qualité de travailleur.
S’il est vrai que les articles 7, paragraphe 2, et 12 du règlement n o 1612/68 ont des champs d’application personnels différents, il n’en reste pas moins que ces articles édictent tous les deux, de façon identique, une règle générale qui, dans le domaine de l’enseignement, impose à tout État membre d’assurer l’égalité de traitement entre ses ressortissants et les enfants des travailleurs ressortissants d’un autre État membre établis sur son territoire.
En tout état de cause, l’étendue du champ d’application personnel de l’obligation d’égalité de traitement prévue à l’article 7, paragraphe 2, ne saurait dépendre de la nature de la discrimination.
(cf. points 48-51, 53)
Affaire C-542/09
Commission européenne
contre
Royaume des Pays-Bas
«Manquement d’État — Libre circulation des personnes — Accès à l’enseignement des travailleurs migrants et des membres de leur famille — Financement des études supérieures poursuivies en dehors du territoire de l’État membre concerné — Condition de résidence»
Sommaire de l’arrêt
Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Avantages sociaux
(Art. 45 TFUE; règlement du Conseil no 1612/68, tel que modifié par le règlement no 2434/92, art. 7, § 2)
Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Accès à l’enseignement des enfants d’un travailleur
(Règlement du Conseil no 1612/68, tel que modifié par le règlement no 2434/92, art. 7, § 2, et 12)
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement no 2434/92, l’État membre qui impose une condition de résidence d’au moins trois années au cours des six années précédant l’inscription en vue de poursuivre des études supérieures en dehors de cet État membre, aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille à l’entretien desquels ils continuent de pourvoir afin de leur permettre d’obtenir le financement des études supérieures poursuivies en dehors de cet État.
Une telle condition risque de jouer principalement au détriment des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux. Dans ce contexte, il est indifférent que la mesure litigieuse affecte, le cas échéant, aussi bien les ressortissants nationaux n’étant pas en mesure de respecter un tel critère que les ressortissants des autres États membres. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’indirectement discriminatoire, il n’est pas nécessaire qu’elle ait pour effet de favoriser l’ensemble des ressortissants nationaux ou de ne défavoriser que les seuls ressortissants des autres États membres à l’exclusion des nationaux.
L’objectif d’éviter une charge financière déraisonnable ne saurait être considéré comme une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une telle inégalité de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs des autres États membres. À cet égard, s’agissant de travailleurs migrants et frontaliers, le fait d’avoir accédé au marché du travail d’un État membre crée, en principe, le lien d’intégration suffisant dans la société de cet État leur permettant d’y bénéficier du principe d’égalité de traitement par rapport aux travailleurs nationaux quant aux avantages sociaux. Ce principe est applicable non seulement à toutes conditions d’emploi et de travail, mais aussi à tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux en raison, principalement, de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence ordinaire sur le territoire national. Le lien d’intégration résulte notamment du fait que, avec les contributions fiscales qu’il paye dans l’État membre d’accueil en vertu de l’activité salariée qu’il y exerce, le travailleur migrant contribue aussi au financement des politiques sociales de cet État et doit en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux.
Par ailleurs, une telle réglementation n’est pas justifiée par la promotion de la mobilité des étudiants. Certes, une telle justification constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction au principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Toutefois, une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité, telle que la libre circulation des travailleurs, ne peut être valablement justifiée que si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. Or, la mesure précitée présente un caractère trop exclusif. En effet, en imposant des périodes spécifiques de résidence sur le territoire de l’État membre concerné, la règle dite «des 3 ans sur 6» privilégie un élément qui n’est pas nécessairement le seul représentatif du degré réel de rattachement entre l’intéressé et ledit État membre.
(cf. points 38, 65, 66, 69, 72, 73, 86, 89 et disp)
Les membres de la famille d’un travailleur migrant sont des bénéficiaires indirects de l’égalité de traitement accordée à ce travailleur par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement no 2434/92. Dès lors que l’octroi du financement des études à un enfant d’un travailleur migrant constitue pour le travailleur migrant un avantage social, l’enfant peut lui-même se prévaloir de cette disposition pour obtenir ce financement si, en vertu du droit national, celui-ci est accordé directement à l’étudiant. Ce bénéfice ne constitue, toutefois, pour le travailleur migrant, un avantage social, au sens de ladite disposition, que dans la mesure où celui-ci continue à assurer le soutien de son descendant.
En revanche, l’article 12 du même règlement confère aux enfants d’un travailleur migrant un droit propre d’accès à l’enseignement. Ce droit n’est subordonné ni au statut d’enfant à charge ni au droit de séjour de leurs parents dans l’État membre d’accueil. Il n’est pas non plus limité aux enfants des travailleurs migrants puisqu’il est également applicable aux enfants des anciens travailleurs migrants. L’article 12 exige uniquement que l’enfant ait vécu avec ses parents ou avec l’un d’eux dans un État membre pendant que l’un de ses parents au moins y résidait en qualité de travailleur.
S’il est vrai que les articles 7, paragraphe 2, et 12 du règlement no 1612/68 ont des champs d’application personnels différents, il n’en reste pas moins que ces articles édictent tous les deux, de façon identique, une règle générale qui, dans le domaine de l’enseignement, impose à tout État membre d’assurer l’égalité de traitement entre ses ressortissants et les enfants des travailleurs ressortissants d’un autre État membre établis sur son territoire.
En tout état de cause, l’étendue du champ d’application personnel de l’obligation d’égalité de traitement prévue à l’article 7, paragraphe 2, ne saurait dépendre de la nature de la discrimination.
(cf. points 48-51, 53)