Affaire C-410/09
Polska Telefonia Cyfrowa sp. z o.o.
contre
Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Najwyższy)
«Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne — Article 58 — Directive 2002/21/CE — Lignes directrices de la Commission — Absence de publication au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d’un État membre — Opposabilité»
Sommaire de l'arrêt
Adhésion de nouveaux États membres aux Communautés — Acte d'adhésion de 2003 — Lignes directrices de la Commission adoptées en application de la directive 2002/21 — Absence de publication au Journal officiel dans la langue d'un nouvel État membre, langue officielle de l'Union européenne — Opposabilité aux particuliers
(Acte d'adhésion de 2003, art. 58; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/21, art. 15 et 16)
L’article 58 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (acte d'adhésion de 2003), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une autorité réglementaire nationale (ARN) puisse se référer aux lignes directrices de la Commission de 2002 sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques dans une décision par laquelle cette autorité impose certaines obligations réglementaires à un opérateur de services de communications électroniques, et ce nonobstant le fait que ces lignes directrices n’ont pas été publiées au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question, alors même que celle-ci est une langue officielle de l’Union.
Les articles 15 et 16 de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, qui s'adressent expressément aux ARN, constituent la base juridique sur laquelle sont fondées ces lignes directrices. Elles ne contiennent aucune obligation susceptible d’être imposée, directement ou indirectement, à des particuliers. Dès lors, l’absence de publication de ces lignes directrices au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d'un État membre ne fait pas obstacle à ce que l’ARN dudit État s’y réfère dans une décision adressée à un particulier.
L'article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 n’impose pas au Conseil, à la Commission ou à la Banque centrale européenne de traduire dans les neuf langues nouvelles énumérées à cet article tous les actes des institutions et de la Banque centrale européenne adoptés avant l’adhésion des nouveaux États membres. Ledit article, qui régit le régime linguistique et les conditions de publication des actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne, se borne en effet à prévoir que, parmi ces actes, seuls ceux dont les textes ont été établis dans les langues des nouveaux États membres constituant des langues officielles de l’Union font foi, dès l’adhésion, dans les mêmes conditions que les textes établis dans les autres langues officielles et sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne dans les cas où ces derniers ont fait l’objet d’une telle publication. Ainsi, ledit article implique que les États membres et institutions procèdent à une sélection des actes devant faire l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne et n’exclut pas que certains actes puissent ne pas être publiés. Par conséquent, l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 n’exigeait pas la publication audit Journal officiel des lignes directrices de 2002 dans leur version en langue polonaise.
(cf. points 31, 34, 37, 39 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
12 mai 2011 (*)
«Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne – Article 58 – Directive 2002/21/CE – Lignes directrices de la Commission – Absence de publication au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d’un État membre – Opposabilité»
Dans l’affaire C‑410/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Sąd Najwyższy (Pologne), par décision du 28 octobre 2009, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure
Polska Telefonia Cyfrowa sp. z o.o.
contre
Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej,
en présence de:
Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2010,
considérant les observations présentées:
– pour Polska Telefonia Cyfrowa sp. z o.o., par MM. M. Korcz et S. Dudzik, radcy prawni,
– pour le Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, par M. M. Kołtoński et Mme D. Pawłowska, radcy prawni,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,
– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme K. Mojzesowicz, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 58 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’«acte d’adhésion de 2003»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Polska Telefonia Cyfrowa sp. z o.o. (ci-après «PTC») au Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (président de l’Office des communications électroniques, ci-après le «Prezes») à propos de certaines obligations réglementaires qui lui ont été imposées par ce dernier.
Le cadre juridique
L’acte d’adhésion de 2003
3 Aux termes de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003:
«Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte.»
4 L’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 dispose:
«Les textes des actes des institutions et de la Banque centrale européenne adoptés avant l’adhésion et qui ont été établis par le Conseil, la Commission ou la Banque centrale européenne en langue tchèque, estonienne, hongroise, lettone, lituanienne, maltaise, polonaise, slovaque et slovène font foi, dès l’adhésion, dans les mêmes conditions que les textes établis dans les onze langues actuelles. Ils sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne dans les cas où les textes dans les langues actuelles ont fait l’objet d’une telle publication.»
Le règlement n° 1
5 Selon l’article 1er du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié par l’acte d’adhésion de 2003, les langues officielles de l’Union sont:
«l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois».
6 L’article 4 de ce règlement dispose:
«Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les vingt langues officielles.»
7 L’article 5 dudit règlement énonce:
«Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les vingt langues officielles.»
8 Aux termes de l’article 8 du même règlement:
«En ce qui concerne les États membres où existent plusieurs langues officielles, l’usage de la langue sera, à la demande de l’État intéressé, déterminé suivant les règles générales découlant de la législation de cet État.»
La directive 2002/21/CE
9 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), est libellé comme suit:
«La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de [l’Union].»
10 L’article 15 de la directive 2002/21, qui concerne la procédure de définition du marché, dispose à ses paragraphes 1 à 3:
«1. Après consultation publique et consultation des autorités réglementaires nationales, la Commission adopte une recommandation sur les marchés pertinents de produits et de services (ci-après dénommée la ‘recommandation’). La recommandation recense, conformément à l’annexe I, les marchés de produits et de services dans le secteur des communications électroniques dont les caractéristiques peuvent justifier l’imposition d’obligations réglementaires fixées dans les directives particulières, sans préjudice des marchés qui peuvent être définis dans le cadre d’affaires spécifiques en droit de la concurrence. La Commission définit les marchés en accord avec les principes du droit de la concurrence.
La Commission réexamine régulièrement la recommandation.
2. La Commission publie au plus tard à la date d’entrée en vigueur de la présente directive des lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché (ci-après dénommées ‘lignes directrices’) qui sont conformes aux principes du droit de la concurrence.
3. Les autorités réglementaires nationales tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux figurant dans la recommandation.»
11 L’article 16 de la directive 2002/21, intitulé «Procédure d’analyse de marché», prévoit à ses paragraphes 1 à 5:
«1. Dès que possible après l’adoption de la recommandation ou de sa mise à jour éventuelle, les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents, en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.
2. Lorsque, conformément aux articles 16, 17, 18 ou 19 de la directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) ou aux articles 7 ou 8 de la directive 2002/19/CE (directive ‘accès’), l’autorité réglementaire nationale [ci-après l’«ARN»] est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.
3. Lorsqu’une [ARN] conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.
4. Lorsqu’une [ARN] détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 et impose à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.
5. Dans le cas de marchés transnationaux recensés dans la décision visée à l’article 15, paragraphe 4, les [ARN] concernées effectuent conjointement l’analyse de marché en tenant le plus grand compte des lignes directrices, et se prononcent de manière concertée sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations réglementaires sectorielles visées au paragraphe 2 du présent article.»
12 En application de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2002/21, la Commission a adopté les lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (JO 2002, C 165, p. 6, ci-après les «lignes directrices de 2002»).
Le litige au principal et la question préjudicielle
13 PTC est l’un des principaux opérateurs de télécommunications en Pologne.
14 Le 17 juillet 2006, le Prezes a considéré que PTC disposait d’une puissance significative sur le marché des services de terminaison d’appel vocal et a décidé d’imposer à cette entreprise certaines obligations réglementaires.
15 Le recours de PTC contre cette décision du Prezes a été rejeté par les juridictions de première instance et d’appel. Dans le cadre d’un pourvoi introduit devant la juridiction de renvoi, PTC soutient que les lignes directrices de 2002, sur lesquelles est fondée ladite décision, lui sont inopposables dans la mesure où elles n’ont pas été publiées en langue polonaise au Journal officiel de l’Union européenne.
16 Le Sąd Najwyższy éprouve des doutes quant aux conséquences à tirer de cette absence de publication.
17 Cette juridiction rappelle que la Cour a jugé que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 s’oppose à ce que les obligations contenues dans une réglementation communautaire qui n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d’un nouvel État membre, alors que celle-ci est une langue officielle de l’Union européenne, puissent être imposées à des particuliers dans cet État, alors même que ces personnes auraient pu prendre connaissance de cette réglementation par d’autres moyens (arrêts du 11 décembre 2007, Skoma-Lux, C‑161/06, Rec. p. I‑10841, points 57 à 59, et du 4 juin 2009, Balbiino, C‑560/07, Rec. p. I‑4447, point 30).
18 Cette jurisprudence amène la juridiction de renvoi à considérer que les entreprises polonaises de télécommunications se trouvent dans une situation moins favorable que celle des entreprises établies dans des États membres autres que la République de Pologne, lesquelles sont en mesure de prendre connaissance des lignes directrices dans la langue officielle de ces États.
19 La juridiction de renvoi se demande si la formule «obligations contenues dans une réglementation communautaire», employée au point 51 de l’arrêt Skoma-Lux, précité, vise exclusivement les règlements et les décisions qui, par nature, créent des obligations à l’égard des particuliers ou si elle s’étend également à d’autres actes des institutions de l’Union qui ont une incidence sur les droits ou les obligations de particuliers, lesquels sont régis par des dispositions du droit national transposant des directives communautaires. Elle relève à cet égard que, dans son arrêt du 10 mars 2009, Heinrich (C‑345/06, Rec. p. I‑1659), la Cour semble avoir interprété de manière extensive la notion de «réglementation communautaire», notion susceptible d’englober tous les actes des institutions de l’Union. Elle souligne également qu’il semble résulter de l’arrêt du 21 juin 2007, ROM-projecten (C‑158/06, Rec. p. I‑5103), que ce ne sont pas seulement les actes juridiques de l’Union imposant des obligations aux particuliers qui doivent faire l’objet d’une publication, mais que, pour qu’une telle publication soit requise, il suffit qu’un acte fasse obligation à un État membre d’effectuer une action concrète à l’égard des particuliers.
20 La juridiction de renvoi relève que les lignes directrices de 2002 créent des attentes juridiques légitimes de la part des personnes dont la situation relève de leur champ d’application. En outre, l’adoption de ces lignes directrices par la Commission découlerait directement d’une obligation prévue à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2002/21. Les articles 15, paragraphe 3, et 16, paragraphe 1, de celle-ci prévoiraient que les ARN doivent tenir «le plus grand compte» des lignes directrices, tant pour la définition des marchés pertinents que pour leur analyse.
21 Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les [lignes directrices de 2002] dont, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la [directive 2002/21], l’[ARN] est censée tenir le plus grand compte lors de l’analyse des marchés pertinents, peuvent-elles, au titre de l’article 58 de [l’acte d’adhésion de 2003], être opposées aux particuliers établis dans un État membre donné, étant entendu que ces lignes directrices n’ont pas été publiées au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de cet État, laquelle est pourtant une langue officielle de l’Union européenne?»
Sur la question préjudicielle
22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une ARN puisse se référer aux lignes directrices de 2002 dans une décision par laquelle cette autorité impose certaines obligations réglementaires à un opérateur de services de communications électroniques, dans la mesure où ces lignes directrices n’ont pas été publiées au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question, alors que celle-ci est une langue officielle de l’Union.
23 Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler qu’un principe fondamental dans l’ordre juridique de l’Union exige qu’un acte émanant des pouvoirs publics ne soit pas opposable aux justiciables avant que n’existe pour eux la possibilité d’en prendre connaissance (arrêt du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 15).
24 En outre, il ressort de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003 que les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dès l’adhésion. Toutefois, leur opposabilité aux personnes physiques et morales dans ces États est subordonnée aux conditions générales de mise en œuvre du droit de l’Union dans les États membres telles qu’elles sont prévues par les traités originaires et, pour les nouveaux États membres, par l’acte d’adhésion de 2003 lui-même (arrêt Skoma-Lux, précité, point 32).
25 S’agissant de règlements du Conseil et de la Commission ainsi que des directives de ces institutions qui sont adressées à tous les États membres, il résulte des dispositions de l’article 254, paragraphe 2, CE que ces actes ne peuvent produire des effets de droit que s’ils ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt Skoma-Lux, précité, point 33).
26 En outre, lesdits actes ne peuvent pas être opposés aux personnes physiques et morales dans un État membre avant que ces dernières n’aient eu la possibilité d’en prendre connaissance par une publication régulière au Journal officiel de l’Union européenne (arrêts précités Racke, point 15, et Skoma-Lux, point 37).
27 Le respect de ces principes s’impose avec les mêmes conséquences lorsqu’une réglementation de l’Union oblige les États membres à prendre, pour sa mise en œuvre, des mesures imposant des obligations aux particuliers. Dès lors, des mesures nationales qui, en exécution d’une réglementation de l’Union, imposent des obligations aux particuliers doivent être publiées afin que ces derniers puissent en prendre connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2002, Mulligan e.a., C‑313/99, Rec. p. I‑5719, points 51 et 52). Dans une telle situation, les intéressés doivent également avoir la possibilité de s’informer sur la source des mesures nationales leur imposant des obligations. Doivent alors être publiés non seulement la réglementation nationale, mais aussi l’acte du droit de l’Union qui, le cas échéant, oblige les États membres à prendre des mesures imposant des obligations aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt Heinrich, précité, points 45 à 47).
28 Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées de l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 ainsi que des articles 4, 5 et 8 du règlement n° 1 qu’une publication régulière d’un règlement de l’Union, pour un État membre dont la langue est une langue officielle de l’Union, doit s’entendre de la publication de cet acte, dans cette langue, au Journal officiel de l’Union européenne (arrêt Skoma-Lux, précité, point 34).
29 La Cour a ainsi jugé que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 s’oppose à ce que les obligations contenues dans une réglementation de l’Union qui n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d’un nouvel État membre, alors que celle-ci est une langue officielle de l’Union, puissent être imposées à des particuliers dans cet État, alors même que ces personnes auraient pu prendre connaissance de cette réglementation par d’autres moyens (arrêts précités Skoma-Lux, point 51, et Balbiino, point 30).
30 À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 23 à 29 du présent arrêt, inspirée par les principes de sécurité juridique et de non-discrimination, il convient de vérifier si, par leur contenu, les lignes directrices de 2002 imposent des obligations aux particuliers. Si tel devait être le cas, faute d’une publication en langue polonaise au Journal officiel de l’Union européenne, ces lignes directrices seraient inopposables aux particuliers en Pologne.
31 Les articles 15 et 16 de la directive 2002/21, qui s’adressent expressément aux ARN, constituent la base juridique sur laquelle sont fondées les lignes directrices de 2002. Ces dernières orientent les ARN lors de la définition et de l’analyse des marchés pertinents afin de déterminer s’ils doivent être soumis à une réglementation ex ante. En effet, selon le point 1 de ces lignes directrices, celles-ci énoncent les principes sur lesquels les ARN doivent fonder leur analyse des marchés et de la concurrence effective en application du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques. Le point 6 des mêmes lignes directrices indique également qu’elles ont pour but de guider les ARN dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités en matière de définition des marchés et d’évaluation de la puissance sur ces marchés (arrêt du 3 décembre 2009, Commission/Allemagne, C‑424/07, Rec. p. I‑11431, points 75 et 76).
32 Les lignes directrices de 2002 contiennent, dans leurs trois premières sections, un exposé synthétique des méthodes et des critères utiles à la définition du marché, à l’évaluation de la puissance sur celui-ci et à la désignation des entreprises puissantes sur le marché. Il s’agit essentiellement d’un résumé de la jurisprudence en la matière, complété par un aperçu de trois communications de la Commission ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne en langue polonaise, à savoir, respectivement, la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ainsi que édition spéciale du Journal officiel de l’Union européenne en langue polonaise, tome 1, chapitre 8, p. 155), les lignes directrices concernant l’application des règles de concurrence de la Communauté au secteur des télécommunications (JO 1991, C 233, p. 2, ainsi que édition spéciale du Journal officiel de l’Union européenne en langue polonaise, tome 1, chapitre 8, p. 43), et la communication de la Commission relative à l’application des règles de concurrence aux accords d’accès dans le secteur des télécommunications (JO 1998, C 265, p. 2, ainsi que édition spéciale du Journal officiel de l’Union européenne en langue polonaise, tome 1, chapitre 8, p. 255).
33 Les trois dernières sections ont plus directement trait à la mise en œuvre de la directive 2002/21. La quatrième section, intitulée «Imposition, maintien, modification ou suppression d’obligations au titre du cadre réglementaire», vise à donner aux ARN des indications sur les mesures à prendre à la suite de l’analyse du caractère concurrentiel du marché. Les cinquième et sixième sections concernent, d’une part, les pouvoirs d’investigation et les procédures de coopération aux fins de l’analyse du marché et, d’autre part, les procédures de consultation et de publication concernant les projets de décisions des ARN. Outre un rappel des dispositions pertinentes du cadre réglementaire applicable, ces trois sections visent à préciser le fonctionnement des mécanismes de coopération entre les ARN, les autorités nationales de la concurrence et la Commission.
34 Il ressort de ces éléments que les lignes directrices de 2002 ne contiennent aucune obligation susceptible d’être imposée, directement ou indirectement, à des particuliers. Dès lors, l’absence de publication de ces lignes directrices au Journal officiel de l’Union européenne en langue polonaise ne fait pas obstacle à ce que l’ARN de la République de Pologne s’y réfère dans une décision adressée à un particulier.
35 Par ailleurs, il y a lieu de relever que lesdites lignes directrices ont été publiées en 2002 dans la série «C» du Journal officiel de l’Union européenne. Or, contrairement à la série «L» de celui-ci, la série «C» a pour objet de publier non des actes juridiquement contraignants, mais seulement des informations, des recommandations et des avis concernant l’Union.
36 PTC estime néanmoins que ces mêmes lignes directrices ayant été publiées en 2002 au Journal officiel des Communautés européennes, elles devaient, conformément à l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003, être publiées également dans les langues officielles des nouveaux États membres, notamment dans la langue polonaise.
37 Il convient toutefois de relever que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 n’impose pas au Conseil, à la Commission ou à la Banque centrale européenne de traduire dans les neuf langues nouvelles énumérées à cet article tous les actes des institutions et de la Banque centrale européenne adoptés avant l’adhésion des nouveaux États membres. Ledit article, qui régit le régime linguistique et les conditions de publication des actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne, se borne en effet à prévoir que, parmi ces actes, seuls ceux dont les textes ont été établis dans les langues des nouveaux États membres constituant des langues officielles de l’Union font foi, dès l’adhésion, dans les mêmes conditions que les textes établis dans les autres langues officielles et sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne dans les cas où ces derniers ont fait l’objet d’une telle publication. Ainsi, ledit article implique que les États membres et institutions procèdent à une sélection des actes devant faire l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne et n’exclut pas que certains actes puissent ne pas être publiés. Par conséquent, l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 n’exigeait pas la publication audit Journal officiel des lignes directrices de 2002 dans leur version en langue polonaise.
38 Au demeurant, il convient de souligner que la Cour a déjà écarté l’existence d’un principe général du droit de l’Union en vertu duquel tout ce qui serait susceptible d’affecter les intérêts d’un citoyen de l’Union devrait être rédigé dans sa langue en toute circonstance (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, Kik/OHMI, C‑361/01 P, Rec. p. I‑8283, points 82 et 83).
39 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une ARN puisse se référer aux lignes directrices de 2002 dans une décision par laquelle cette autorité impose certaines obligations réglementaires à un opérateur de services de communications électroniques, et ce nonobstant le fait que ces lignes directrices n’ont pas été publiées au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question, alors même que celle-ci est une langue officielle de l’Union.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
L’article 58 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une autorité réglementaire nationale puisse se référer aux lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques dans une décision par laquelle cette autorité impose certaines obligations réglementaires à un opérateur de services de communications électroniques, et ce nonobstant le fait que ces lignes directrices n’ont pas été publiées au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question, alors même que celle-ci est une langue officielle de l’Union.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.