Affaire C-263/09 P
Edwin Co. Ltd
contre
Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et
modèles) (OHMI)
«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) nº 40/94 — Article 52, paragraphe 2, sous a) — Marque communautaire verbale ELIO FIORUCCI — Demande en nullité fondée sur un droit au nom selon le droit national — Contrôle par la Cour de l’interprétation et de l’application du droit national par le Tribunal — Pouvoir du Tribunal de réformer la décision de la chambre de recours — Limites»
Sommaire de l'arrêt
1. Marque communautaire — Renonciation, déchéance et nullité — Causes de nullité relative — Usage de la marque pouvant être interdit en vertu d'un autre droit antérieur — Droit au nom
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 52, § 2, a))
2. Pourvoi — Moyens — Erreur de droit — Violation d'une règle de droit national rendue applicable au litige par le renvoi opéré par l'article 52, paragraphe 2, du règlement nº 40/94
(Art. 256, § 1, al. 2, TFUE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1; règlement du Conseil nº 40/94, art. 63, § 2, et 52, § 2, a); règlement de la Commission nº 2868/95, art. 1, règle 37)
3. Marque communautaire — Procédure de recours — Recours devant le juge de l'Union — Faculté pour le Tribunal de réformer la décision attaquée — Limites
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 63, § 2 et 3)
1. Le libellé et la structure de l’article 52, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire ne permettent pas, dans le cas où un droit au nom est invoqué, de limiter l’application de cette disposition aux seules hypothèses où l’enregistrement d’une marque communautaire se trouve en conflit avec un droit visant exclusivement à protéger le nom en tant qu’attribut de la personnalité de l’intéressé.
Selon cette disposition, la nullité d’une marque communautaire peut être prononcée à la demande d’un intéressé faisant valoir «un autre droit antérieur». Afin de préciser la nature d’un tel droit antérieur, ladite disposition énumère quatre droits, tout en indiquant, par l’utilisation de l’adverbe «notamment», que cette liste n’est pas exhaustive. Il ressort de cette énumération non limitative que les droits cités à titre d’exemples tendent à protéger des intérêts de différente nature. Pour certains d’entre eux, tels le droit d’auteur et le droit de propriété industrielle, les aspects économiques sont protégés tant par les ordres juridiques nationaux que par le droit de l’Union contre les atteintes commerciales.
(cf. points 34-36)
2. Il ressort du libellé de l’article 52, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire que celui-ci, lorsqu’il fait référence à la situation dans laquelle un droit antérieur permet d’interdire l’usage d’une marque communautaire, distingue clairement deux hypothèses, selon que le droit antérieur est protégé par la réglementation communautaire «ou» par le droit national.
S’agissant du régime procédural défini par le règlement nº 2868/95, portant modalités d’application du règlement nº 40/94, dans le cas d’une demande présentée au titre de l’article 52, paragraphe 2, du règlement nº40/94, sur le fondement d’un droit antérieur protégé dans le cadre juridique national, la règle 37 du règlement nº 2868/95 fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) non seulement les éléments démontrant qu'il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l'application, afin de pouvoir faire interdire l'usage d'une marque communautaire en vertu d'un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation.
Dans le cas où une demande en nullité d’une marque communautaire est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle de droit national, il incombe, en premier lieu, aux instances compétentes de l’Office d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. En second lieu, conformément à l'article 63, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, un recours contre les décisions des chambres de recours est ouvert devant le Tribunal pour violation du traité, du règlement nº 40/94 ou de toute règle de droit relative à leur application. Il en découle que le Tribunal est compétent pour exercer un plein contrôle de légalité sur l’appréciation portée par l’Office sur les éléments présentés par le demandeur pour établir le contenu de la législation nationale dont il invoque la protection.
Pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations faites par le Tribunal à l’égard de ladite législation nationale, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de doctrine qui les concernent, ensuite si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressorte de façon manifeste des pièces du dossier.
(cf. points 48-53)
3. Le contrôle que le Tribunal exerce conformément à l’article 63 du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles). Il ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 63, paragraphe 2, de ce règlement.
Il s’ensuit que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre.
(cf. points 71-72)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
5 juillet 2011 (*)
«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 52, paragraphe 2, sous a) – Marque communautaire verbale ELIO FIORUCCI – Demande en nullité fondée sur un droit au nom selon le droit national – Contrôle par la Cour de l’interprétation et de l’application du droit national par le Tribunal – Pouvoir du Tribunal de réformer la décision de la chambre de recours – Limites»
Dans l’affaire C‑263/09 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 14 juillet 2009,
Edwin Co. Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes D. Rigatti, M. Bertani, S. Verea, K. Muraro et M. Balestriero, avvocati,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant:
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto, L. Rampini et J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Elio Fiorucci, demeurant à Milan (Italie), représenté par Mes A. Vanzetti et A. Colmano, avvocati,
partie demanderesse en première instance,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.‑C. Bonichot, K. Schiemann et D. Šváby, présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, T. von Danwitz, Mmes M. Berger (rapporteur), A. Prechal et M. E. Jarašiũnas, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2010,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Edwin Co. Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI) (T‑165/06, Rec. p. II‑1375, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement accueilli le recours formé par M. Fiorucci, tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 6 avril 2006 (affaire R 238/2005-1) relative à une procédure de nullité et de déchéance entre M. Fiorucci et Edwin (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le statut de la Cour de justice
2 L’article 58 du statut de la Cour de justice dispose:
«Le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.
Un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens.»
Le règlement de procédure du Tribunal
3 L’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.
Le règlement (CE) n° 40/94
4 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1). Toutefois, ce premier règlement, tel que modifié par le règlement (CE) n° 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004 (JO L 70, p. 1, ci-après le «règlement n° 40/94»), demeure applicable au présent litige.
5 L’article 50, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 disposait, sous l’intitulé «Causes de déchéance»:
«Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:
[…]
c) si, par suite de l’usage qui en est fait par le titulaire de la marque ou avec son consentement pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, la marque est propre à induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits ou de ces services».
6 Sous l’intitulé «Causes de nullité relative», l’article 52, paragraphe 2, dudit règlement prévoyait:
«La marque communautaire est également déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si son usage peut être interdit en vertu d’un autre droit antérieur et notamment:
a) d’un droit au nom;
b) d’un droit à l’image;
c) d’un droit d’auteur;
d) d’un droit de propriété industrielle,
selon la réglementation communautaire ou selon le droit national qui en régit la protection.»
7 L’article 63 du règlement n° 40/94, relatif aux recours devant la Cour disposait:
«1. Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.
2. Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.
3. La Cour de justice a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.
[…]
6. L’[OHMI] est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice.»
Le règlement (CE) n° 2868/95
8 Le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4, ci-après le «règlement d’application»), fixe notamment les règles applicables au déroulement devant l’OHMI des procédures de déchéance ou d’annulation d’une marque communautaire.
9 À cet égard, la règle 37, sous b), iii), du règlement d’application, dans sa version d’origine demeurée inchangée, dispose:
«Une demande en déchéance ou en nullité de la marque communautaire, introduite auprès de l’[OHMI] […] contient les renseignements suivants:
[…]
b) en ce qui concerne les causes invoquées dans la demande:
[…]
iii) dans le cas d’une demande présentée en application de l’article 52 paragraphe 2 du règlement, des précisions sur le droit sur lequel est fondée la demande en nullité, ainsi que des éléments démontrant que le demandeur est titulaire de l’un des droits antérieurs énoncés à l’article 52 paragraphe 2 du règlement ou qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir ce droit».
Le droit national
10 Dans sa version applicable à la date de la décision de la chambre de recours, l’article 8, paragraphe 3, du code de la propriété industrielle italien (Codice della Proprietà Industriale, ci-après le «CPI») prévoyait:
«S’ils sont notoires, […] peuvent être enregistrés comme marque seulement par le titulaire, ou avec le consentement de ce dernier ou des sujets mentionnés au paragraphe 1: les noms de personne, les signes utilisés dans les domaines artistique, littéraire, scientifique, politique ou sportif, les dénominations et sigles de manifestations et ceux d’organismes et d’associations sans but lucratif, ainsi que les emblèmes caractéristiques de ceux-ci.»
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
11 Fiorucci SpA, société de droit italien constituée par M. Fiorucci, un styliste qui avait acquis dans les années 70 une certaine notoriété en Italie, a cédé le 21 décembre 1990 à la requérante l’intégralité de son «patrimoine créatif», en ce compris toutes les marques dont elle était titulaire, parmi lesquelles de nombreuses marques comportant l’élément «FIORUCCI».
12 Le 6 avril 1999, à la demande de la requérante, l’OHMI a enregistré la marque verbale ELIO FIORUCCI pour une série de produits relevant des classes 3, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
13 Le 3 février 2003, M. Fiorucci a présenté une demande en déchéance et une demande en nullité de cette marque, fondées respectivement sur les articles 50, paragraphe 1, sous c), et 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94.
14 Par décision du 23 décembre 2004, la division d’annulation de l’OHMI a fait droit à la demande de nullité, aux motifs, d’une part, que, selon l’article 8, paragraphe 3, du CPI, le consentement de M. Fiorucci pour l’enregistrement de son nom en tant que marque communautaire était requis et, d’autre part, que ce consentement faisait défaut. Ladite division a considéré que, dans ces conditions, il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la demande de déchéance.
15 La requérante a formé un recours contre cette décision. Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’OHMI a fait droit à ce recours et a annulé la décision de la division d’annulation. S’agissant, en premier lieu, de la demande en nullité introduite par M. Fiorucci, la chambre de recours a jugé que le cas de ce dernier ne relevait pas du champ d’application de l’article 8, paragraphe 3, du CPI, dont l’objectif serait d’empêcher l’exploitation à des fins commerciales par des tiers du nom d’une personne devenue célèbre dans un secteur non commercial et que, dès lors, M. Fiorucci ne pouvait pas se prévaloir d’un droit au nom au titre de cette disposition. En ce qui concerne, en second lieu, la demande en déchéance présentée par M. Fiorucci, la chambre de recours, après avoir rappelé que l’article 50, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 a pour objectif de protéger la confiance du public, a jugé que ni la marque en cause en elle-même ni l’usage qui en était fait étaient de nature à induire le public en erreur.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2006, M. Fiorucci a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
17 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a partiellement accueilli ce recours.
18 Après avoir écarté, aux points 21 à 25 de l’arrêt attaqué, plusieurs moyens comme irrecevables parce que nouveaux, le Tribunal a constaté, au point 27 dudit arrêt, que M. Fiorucci invoquait en substance deux moyens tirés de la violation, respectivement, de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 et de l’article 50, paragraphe 1, sous c), du même règlement.
19 Examinant, tout d’abord, le second moyen, relatif à la demande de déchéance, le Tribunal a confirmé l’appréciation portée par la chambre de recours en jugeant, aux points 33 à 35 de l’arrêt attaqué, que la marque ELIO FIORUCCI n’est pas, en elle-même, de nature à induire le public en erreur sur la provenance de la marchandise qu’elle désigne au sens de l’article 50, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Par ailleurs, il a constaté, aux points 36 et 37 dudit arrêt, que, faute de preuve établissant un usage quelconque de la marque en cause, il ne pouvait être question d’un usage susceptible d’induire le public en erreur. Le Tribunal a donc rejeté ce moyen.
20 Procédant, ensuite, à l’examen du premier moyen, relatif à la demande de nullité, le Tribunal a confirmé, au point 41 de l’arrêt attaqué, que conformément à l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, l’OHMI peut déclarer la nullité d’une marque communautaire, sur demande de l’intéressé, si son usage peut être interdit en vertu, notamment, d’un droit au nom protégé par un droit national. S’agissant de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du CPI, le Tribunal a, en revanche, rejeté l’analyse effectuée par la chambre de recours. À cet égard, il a jugé:
«50 Premièrement, il convient de constater que l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du [CPI], telle que retenue par la chambre de recours, n’est pas confirmée par le libellé de cette disposition, qui vise les noms de personnes notoires, sans faire de distinction selon le domaine dans lequel cette notoriété a été acquise.
[…]
53 Deuxièmement, contrairement à ce que laisse entendre la chambre de recours […], même dans l’hypothèse où un nom de personne notoire aurait déjà été enregistré ou utilisé en tant que marque de fait, la protection accordée par l’article 8, paragraphe 3, du [CPI] n’est aucunement superflue ou dépourvue de sens.
[…]
55 [En effet], il n’est pas exclu qu’un nom de personne notoire, enregistré ou utilisé en tant que marque pour certains produits ou services, puisse faire l’objet d’un nouvel enregistrement, pour des produits ou des services différents, ne présentant aucune similitude avec ceux couverts par l’enregistrement antérieur. […]
[…]
57 Troisièmement, les extraits des écrits d’une partie de la doctrine cités aux points 41 à 43 de la décision [litigieuse] ne permettent pas non plus de conclure que l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du [CPI], telle que retenue par la chambre de recours dans la décision [litigieuse], est correcte.
58 Ainsi, M. Vanzetti, auteur […] de l’ouvrage cité au point 41 de la décision [litigieuse], a participé à l’audience en tant qu’avocat [de M. Fiorucci] et a déclaré que la thèse adoptée par la chambre de recours ne découlait aucunement de ce qu’il avait écrit dans l’ouvrage en question […]
59 S’agissant de M. Ricolfi, […] celui-ci se réfère, selon la chambre de recours, à ‘la notoriété [d’un nom de personne] résultant d’une utilisation primaire très souvent de caractère non entrepreneurial’, ce qui n’exclut nullement la notoriété résultant d’une utilisation ‘entrepreneuriale’, quand bien même celle-ci serait moins fréquente.
60 Seul M. Ammendola […] évoque une utilisation dans un ‘domaine hors marché’, sans pour autant énoncer expressément la conclusion selon laquelle l’article 8, paragraphe 3, du [CPI] ne saurait être invoqué pour protéger un nom de personne dont la notoriété n’a pas été acquise dans un tel domaine. En tout état de cause, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal ne saurait, sur la seule base de l’opinion de ce seul auteur, soumettre l’application de la disposition en question à une condition qui ne découle pas de son libellé.»
21 Au point 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a conclu que la chambre de recours avait commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du CPI et avait écarté à tort l’application de cette disposition dans le cas de M. Fiorucci.
22 Enfin, s’agissant de l’argumentation présentée à titre subsidiaire par la requérante et par l’OHMI, selon laquelle la marque ELIO FIORUCCI aurait été incluse dans la cession, par M. Fiorucci à la requérante, de toutes les marques de ce dernier, le Tribunal a relevé que la chambre de recours n’avait pas examiné cette argumentation et que, dans le cadre du contrôle de légalité qui lui incombe, il ne peut substituer sa propre motivation à celle de la chambre de recours. Pour ce motif, il a écarté, aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, cette argumentation comme inopérante.
23 Pour le même motif, le Tribunal a rejeté la demande de M. Fiorucci visant à déclarer nulle la marque ELIO FIORUCCI. S’abstenant d’exercer son pouvoir de réformation, le Tribunal, au point 67 de l’arrêt attaqué, s’est borné à annuler la décision de la chambre de recours.
24 Le dispositif de l’arrêt attaqué est libellé comme suit:
«1) La décision [litigieuse] est annulée en ce qu’elle comporte une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, du [CPI].
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que deux tiers de ceux exposés par M. Elio Fiorucci.
4) Edwin Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par M. Elio Fiorucci.»
Les conclusions des parties
25 La requérante demande à la Cour:
– à titre principal, d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, pour tous les moyens développés dans son pourvoi;
– à titre subsidiaire, d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, pour défaut de motivation;
– à titre plus subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué pour déni de justice ou violation de l’article 63 du règlement n° 40/94;
– de charger la chambre de recours de l’OHMI d’examiner l’argumentation soutenue dans les hypothèses d’annulation à titre subsidiaire, et, enfin,
– d’ordonner que lui soient intégralement remboursés les dépens afférents aux procédures tant de première instance que de pourvoi, ou du moins que soit ordonnée la compensation intégrale des dépens.
26 L’OHMI demande à la Cour:
– d’annuler l’arrêt attaqué;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour un examen ultérieur des éléments litigieux erronément non examinés, et
– de condamner M. Fiorucci aux dépens.
27 M. Fiorucci demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi et, ainsi, de confirmer les points 1, 3 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué;
– de modifier les points 33 à 35 de l’arrêt attaqué, et
– d’ordonner le remboursement des dépens encourus lors de la procédure de pourvoi.
Sur le pourvoi
28 Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque quatre moyens de fond ainsi qu’un cinquième moyen relatif à la répartition des dépens.
29 S’agissant des moyens de fond, il convient d’examiner, en premier lieu, la seconde branche du premier moyen, tirée de l’erreur qu’aurait commise le Tribunal dans l’interprétation et l’application de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, puis, en deuxième lieu et ensemble, la première branche du premier moyen et le deuxième moyen, par lesquels la requérante reproche au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée l’article 8, paragraphe 3, du CPI, ce qui, selon elle, constitue une violation de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94. Enfin, en troisième et dernier lieu, seront traités ensemble les troisième et quatrième moyens, par lesquels la requérante fait grief au Tribunal d’avoir violé l’obligation de motivation qui lui incombe et d’avoir commis un déni de justice.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94
Argumentation des parties
30 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, lorsqu’il renvoie au «droit au nom», vise un attribut de la personnalité. Or, le droit prévu à l’article 8, paragraphe 3, du CPI serait un droit destiné à protéger non pas un attribut de la personnalité, mais des intérêts purement patrimoniaux à l’exploitation économique d’une notoriété acquise en dehors du domaine commercial. En jugeant que la condition requise pour l’application de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 était remplie, le Tribunal aurait dès lors violé cette disposition.
31 Selon M. Fiorucci, cette argumentation est dénuée de fondement.
Appréciation de la Cour
32 S’agissant d’apprécier le bien-fondé de l’interprétation soutenue par la requérante, il convient de prendre en considération le libellé et la structure de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.
33 S’agissant du libellé de cette disposition, il convient de relever que les termes «droit au nom» ne donnent aucun appui à l’interprétation restrictive proposée par la requérante, selon laquelle celle-ci ne concernerait que ce droit en tant qu’attribut de la personnalité et ne couvrirait pas l’exploitation patrimoniale du nom.
34 La structure de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, quant à elle, va à l’encontre d’une telle interprétation. En effet, selon cette disposition, la nullité d’une marque communautaire peut être prononcée à la demande d’un intéressé faisant valoir «un autre droit antérieur». Afin de préciser la nature d’un tel droit antérieur, ladite disposition énumère quatre droits, tout en indiquant, par l’utilisation de l’adverbe «notamment», que cette liste n’est pas exhaustive. Parmi les exemples donnés, figurent, outre le droit au nom et le droit à l’image, le droit d’auteur et le droit de propriété industrielle.
35 Il ressort de cette énumération non limitative que les droits cités à titre d’exemples tendent à protéger des intérêts de différente nature. Il convient de relever que, pour certains d’entre eux, tels le droit d’auteur et le droit de propriété industrielle, les aspects économiques sont protégés tant par les ordres juridiques nationaux que par le droit de l’Union contre les atteintes commerciales [voir, notamment, la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO L 157, p. 45)].
36 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le libellé et la structure de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 ne permettent pas, dans le cas où un droit au nom est invoqué, de limiter l’application de cette disposition aux seules hypothèses où l’enregistrement d’une marque communautaire se trouve en conflit avec un droit visant exclusivement à protéger le nom en tant qu’attribut de la personnalité de l’intéressé.
37 Dans ces conditions, il ne peut être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94.
38 Il en résulte que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la première branche du premier moyen et sur le deuxième moyen, tirés de la violation des articles 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 et 8, paragraphe 3, du CPI
Argumentation des parties
39 Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a estimé que les conditions d’application de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 étaient réunies. Selon elle, l’article 8, paragraphe 3, du CPI ne confère pas à M. Fiorucci, du seul fait qu’il s’agit de son propre nom patronymique, le droit de faire interdire l’usage de son nom en tant que marque, mais lui réserve seulement le droit d’en demander l’enregistrement en tant que marque. Or, selon la requérante, M. Fiorucci ne peut plus exercer ce droit dès lors qu’il a déjà enregistré des marques comportant l’élément «FIORUCCI» et qu’il les lui a ultérieurement cédées.
40 Par son deuxième moyen, la requérante soutient, en premier lieu, que le Tribunal a procédé à une lecture manifestement erronée de l’article 8, paragraphe 3, du CPI, lequel ne trouverait à s’appliquer qu’aux noms ayant acquis une notoriété en dehors du domaine commercial. En jugeant, au point 50 de l’arrêt attaqué, que l’article 8, paragraphe 3, du CPI vise les noms de personnes notoires, sans faire de distinction selon le domaine dans lequel cette notoriété a été acquise, le Tribunal aurait ainsi méconnu le libellé de cette disposition.
41 En second lieu, la requérante fait valoir que, en jugeant, aux points 53 et 55 de l’arrêt attaqué, que la protection accordée par l’article 8, paragraphe 3, du CPI au nom d’une personne notoire pourrait être plus large que celle apportée par l’enregistrement d’une marque notoire, en ce qu’elle pourrait s’appliquer à des produits ou à des services différents, le Tribunal a également méconnu la portée de cette disposition. La requérante fait grief au Tribunal d’avoir, à cet égard, entièrement ignoré ou fait une lecture manifestement inexacte des écrits de la doctrine relatifs à cette disposition, tels qu’ils lui avaient été soumis.
42 L’OHMI fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en considération, dans son interprétation et son application de l’article 8, paragraphe 3, du CPI, un éventuel épuisement du droit prévu à cette disposition, épuisement résultant en l’espèce de l’enregistrement par M. Fiorucci et de la cession par celui-ci à la requérante de marques comportant l’élément «FIORUCCI». Dans la mesure où l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 renvoie au droit national, une application erronée de la disposition italienne pourrait constituer une violation dudit article 52. Toutefois, l’OHMI estime que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour sur l’application faite par le Tribunal du droit national devrait se limiter à vérifier que le Tribunal n’a pas commis d’erreur manifeste sur la base des documents et des éléments dont il disposait.
43 M. Fiorucci soutient que l’interprétation et l’application données par le Tribunal de l’article 8, paragraphe 3, du CPI sont conformes tant au libellé de cette disposition qu’à la lecture qui en est faite par la doctrine italienne. Au surplus, le renvoi opéré par une disposition du droit de l’Union à une règle de droit national ne saurait avoir pour conséquence que cette dernière devrait être considérée comme incorporée dans le droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
44 Il ressort de l’argumentation des parties que celles-ci s’opposent sur l’existence tant d’une violation par le Tribunal de la règle nationale appliquée au fond du litige que d’une compétence de la Cour pour examiner une telle violation.
45 Il convient par conséquent de vérifier si la Cour dispose effectivement d’une telle compétence.
46 La compétence de la Cour statuant sur un pourvoi formé à l’encontre d’une décision rendue par le Tribunal est définie par l’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE. Celui-ci indique que le pourvoi doit être limité aux questions de droit et qu’il doit s’inscrire «dans les conditions et limites prévues par le statut». Dans une liste énumérative des moyens pouvant être invoqués dans ce cadre, l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice précise que le pourvoi peut être fondé sur la violation du droit de l’Union par le Tribunal.
47 En l’espèce, la règle dont la violation est invoquée par la requérante est une règle de droit national rendue applicable au litige par le renvoi opéré par une disposition du droit de l’Union.
48 Il ressort du libellé de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 que celui-ci, lorsqu’il fait référence à la situation dans laquelle un droit antérieur permet d’interdire l’usage d’une marque communautaire, distingue clairement deux hypothèses, selon que le droit antérieur est protégé par la réglementation communautaire «ou» par le droit national.
49 S’agissant du régime procédural défini par le règlement d’application dans le cas d’une demande présentée au titre de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, sur le fondement d’un droit antérieur protégé dans le cadre juridique national, la règle 37 du règlement d’application prévoit, dans une situation telle que celle en l’espèce, qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments démontrant qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir ce droit.
50 Cette règle fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’OHMI non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque communautaire en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation.
51 Dans le cas où, comme en l’espèce, une demande en nullité d’une marque communautaire est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle de droit national, il incombe, en premier lieu, aux instances compétentes de l’OHMI d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle.
52 En second lieu, conformément à l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, un recours contre les décisions des chambres de recours est ouvert devant le Tribunal pour violation du traité, du règlement n° 40/94 ou de toute règle de droit relative à leur application. Il en découle, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 61 à 67 de ses conclusions, que le Tribunal est compétent pour exercer un plein contrôle de légalité sur l’appréciation portée par l’OHMI sur les éléments présentés par le demandeur pour établir le contenu de la législation nationale dont il invoque la protection.
53 Pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations faites par le Tribunal à l’égard de ladite législation nationale, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de doctrine qui les concernent, ensuite si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressorte de façon manifeste des pièces du dossier.
54 En l’espèce, la requérante a fait valoir que le Tribunal a procédé à une lecture de l’article 8, paragraphe 3, du CPI inconciliable tant avec les termes de cette disposition qu’avec les écrits de la doctrine relative à celle-ci qui ont été produits devant lui. Il convient d’examiner si son argumentation vise des erreurs qu’aurait commises le Tribunal lors de ses constatations à l’égard de la législation nationale en cause, qui seraient susceptibles d’un contrôle de la Cour sur le fondement des considérations énoncées au point précédent du présent arrêt.
55 S’agissant, en premier lieu, de l’allégation selon laquelle, en jugeant que l’article 8, paragraphe 3, du CPI confère au titulaire d’un nom le droit de faire interdire l’usage de ce nom en tant que marque, le Tribunal aurait procédé à une lecture de cette disposition inconciliable avec le libellé de celle-ci, il convient de rappeler que, selon les termes de cette dernière, les noms de personnes notoires peuvent être enregistrés comme marque «seulement par le titulaire ou avec le consentement de ce dernier». Dès lors que le libellé de l’article 8, paragraphe 3, du CPI soumet l’enregistrement comme marque des noms de personnes notoires au consentement du titulaire du nom, le Tribunal a pu, sans dénaturer ce texte, en déduire que le titulaire d’un nom notoire a le droit de s’opposer à l’usage de ce nom en tant que marque lorsqu’il soutient qu’il n’a pas donné son consentement à l’enregistrement de ladite marque.
56 S’agissant, en second lieu, du grief selon lequel, en jugeant que l’article 8, paragraphe 3, du CPI s’applique quel que soit le domaine dans lequel la notoriété du nom en question a été acquise, le Tribunal aurait procédé à une lecture de cette disposition inconciliable avec les termes de celle-ci, il y a lieu de constater que, ainsi que le Tribunal l’a observé au point 50 de l’arrêt attaqué, le libellé de cette disposition, en tant qu’il vise les noms de personnes notoires, ne fait pas de distinction selon le domaine dans lequel cette notoriété a été acquise. De même en jugeant, au point 56 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existe aucune raison justifiant l’exclusion de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du CPI dans l’hypothèse où le nom d’une personne notoire a déjà été enregistré ou utilisé comme marque, le Tribunal n’a pas non plus dénaturé le contenu de cette disposition. En effet, cette dernière, ainsi que l’a observé le Tribunal, ne pose pas d’autre condition que celle relative au caractère notoire du nom de personne concerné.
57 En ce qui concerne les écrits de la doctrine, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité, a vérifié l’appréciation qui avait été portée par la chambre de recours. Il ressort des points 58 à 60 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas méconnu le fait que certaines prises de position sur lesquelles s’est appuyée la chambre de recours pouvaient venir au soutien de la thèse de la requérante. Le Tribunal a toutefois relevé, au point 58 dudit arrêt, que l’opinion prêtée par la chambre de recours à M. Vanzetti, en tant qu’auteur d’un ouvrage, a été contestée par l’auteur lui-même lors de l’audience devant le Tribunal, à laquelle il a assisté en qualité d’avocat de M. Fiorucci. Le Tribunal a constaté par ailleurs, au point 59 du même arrêt, que les termes utilisés par M. Ricolfi dans ses écrits, notamment la référence à «la notoriété [d’un nom de personne] résultant d’une utilisation primaire très souvent de caractère non entrepreneurial», ne revêtaient pas une clarté suffisante pour étayer une interprétation restrictive de l’article 8, paragraphe 3, du CPI. Dans le cas de M. Ammendola, visé au point 60 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que l’opinion émise par cet auteur n’avait pas, à elle seule, une autorité suffisante pour soumettre l’application de l’article 8, paragraphe 3, du CPI à une condition qui ne découle pas du libellé même de cette disposition. Dans ces conditions, il ne saurait non plus être fait grief au Tribunal d’avoir dénaturé ces éléments qui lui ont été soumis.
58 Par conséquent, la première branche du premier moyen et le deuxième moyen doivent être rejetés comme non fondés.
Sur les troisième et quatrième moyens, tirés, respectivement, d’un défaut de motivation ainsi que d’une violation de l’article 63 du règlement n° 40/94 et d’un déni de justice
Argumentation des parties
59 Par son troisième moyen, la requérante rappelle que, dans son mémoire en intervention devant le Tribunal, elle a soutenu qu’il incombait à M. Fiorucci de prouver qu’il avait refusé son consentement à l’enregistrement de la marque ELIO FIORUCCI. En omettant de répondre à ce moyen, le Tribunal aurait violé l’obligation qui lui incombait de motiver sa décision.
60 À cet égard, M. Fiorucci estime que la motivation indiquée au point 64 de l’arrêt attaqué est suffisante. Au surplus, le moyen serait totalement infondé.
61 Par son quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné l’argumentation qu’elle avait présentée à titre subsidiaire, selon laquelle la marque ELIO FIORUCCI aurait été incluse dans la cession, par M. Fiorucci à elle-même, de toutes ses marques, et de s’être borné à cet égard à constater que la chambre de recours ne s’était pas prononcée sur cette question. Le Tribunal aurait dû faire usage de son pouvoir de réformation, en examinant et en accueillant cette argumentation, ce qui aurait dû le conduire à confirmer le dispositif de la décision litigieuse, tout en modifiant la motivation de celle-ci. À tout le moins, le Tribunal aurait dû renvoyer expressément l’examen de cette argumentation à la chambre de recours. En omettant de se prononcer ainsi, le Tribunal aurait méconnu l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 et commis un déni de justice.
62 M. Fiorucci observe que, en vertu du règlement de procédure des chambres de recours, si les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt de la Cour annulant une décision d’une chambre de recours incluent un nouvel examen de l’affaire, cette dernière est automatiquement renvoyée à une chambre de recours.
Appréciation de la Cour
63 La question, soulevée dans le cadre du troisième moyen, de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 90, ainsi que du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, Rec. p. I‑9761, point 76).
64 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal conformément aux articles 36 du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et 81 du règlement de procédure du Tribunal, n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, précité, point 91, ainsi que du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413, point 135).
65 Il ressort du mémoire en intervention déposé par la requérante devant le Tribunal que celle-ci a développé, à titre subsidiaire, une argumentation reposant, en substance, ainsi que le Tribunal l’a résumée au point 64 de l’arrêt attaqué, sur l’affirmation selon laquelle la marque ELIO FIORUCCI aurait été incluse dans la cession, par M. Fiorucci à la requérante, de toutes ses marques et de tous ses signes distinctifs. Parmi les arguments exposés dans le cadre de cette argumentation subsidiaire, la requérante a, entre autres, fait valoir, ainsi qu’elle le rappelle par son troisième moyen, qu’il incombait à M. Fiorucci de prouver qu’il avait refusé son consentement à l’enregistrement de la marque ELIO FIORUCCI.
66 Il est vrai que le Tribunal a rejeté comme inopérante l’intégralité de l’argumentation présentée à titre subsidiaire, sans l’examiner au fond.
67 Toutefois, ce rejet est intervenu au terme d’un raisonnement comportant deux étapes. Au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la chambre de recours n’avait pas fondé sa décision de rejeter la demande d’annulation présentée par M. Fiorucci sur les motifs exposés à titre subsidiaire par la requérante. Au point 65 dudit arrêt, le Tribunal a ajouté que, en tant qu’il effectue un contrôle de légalité des décisions des instances de l’OHMI, il ne peut pas, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’OHMI qui est l’auteur de l’acte attaqué.
68 Le Tribunal a ainsi fourni une motivation suffisante en ce qu’elle permet à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à ses arguments et à la Cour d’exercer son contrôle.
69 Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.
70 Par son quatrième moyen, la requérante met en cause le bien-fondé de la motivation fournie par le Tribunal, en ce qu’elle fait valoir que le refus du Tribunal d’examiner son argumentation subsidiaire et de réformer la motivation de la décision litigieuse est constitutif d’une violation de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 et d’un déni de justice.
71 À titre liminaire, il convient de relever que c’est à juste titre que le Tribunal a rappelé que le contrôle qu’il exerce conformément à l’article 63 du règlement n° 40/94 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI et qu’il ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 63, paragraphe 2, de ce règlement (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 123).
72 Il s’ensuit que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre.
73 En l’espèce, la chambre de recours a fondé l’annulation de la décision de la division d’annulation sur la seule constatation que M. Fiorucci, selon l’interprétation qu’elle a donnée de l’article 8, paragraphe 3, du CPI, ne pouvait pas se prévaloir d’un droit au nom au sens de l’article 52, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94. La chambre de recours ne s’est donc pas prononcée sur l’incidence que pourrait avoir, au regard de la validité de la marque litigieuse, la prétendue cession de cette dernière par la voie contractuelle à la requérante.
74 Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal n’a pas procédé à l’examen de cette partie de l’argumentation développée par la requérante à titre subsidiaire.
75 Pour autant que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir expressément renvoyé l’examen de cette argumentation à la chambre de recours, il suffit de relever que, dans le cadre d’un recours introduit devant la Cour contre la décision d’une chambre de recours, l’OHMI est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour. Au surplus, en soulignant au point 67 de l’arrêt attaqué, par un renvoi exprès au point 64 dudit arrêt, que cette argumentation n’a pas été examinée par la chambre de recours, le Tribunal a donné à cette dernière une indication claire quant aux mesures qu’il lui incombe de prendre.
76 Il découle de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le cinquième moyen, relatif à la condamnation aux dépens
77 La requérante fait valoir que sa condamnation aux dépens par le Tribunal, qui est inéquitable, doit être annulée en conséquence de l’annulation de l’arrêt attaqué. En cas de rejet du pourvoi, les dépens devraient, à tous le moins, être répartis entre les parties.
78 À cet égard, il suffit de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables, en application de l’article 58, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, aux termes duquel un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, Rec. p. I‑5603, point 31, ainsi que du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, non encore publié au Recueil, point 111).
79 Il s’ensuit que, dans la mesure où tous les autres moyens du pourvoi formé par la requérante sont rejetés, le dernier moyen concernant la répartition des dépens doit être déclaré irrecevable.
80 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi de la requérante doit être rejeté.
Sur la demande de modification de l’arrêt attaqué présentée par M. Fiorucci
Argumentation des parties
81 Dans son mémoire en réponse, M. Fiorucci invite la Cour à modifier les points 33 à 35 de l’arrêt attaqué. Selon lui, c’est à tort que le Tribunal a jugé, dans le cadre de l’examen de la demande de déchéance, que la marque ELIO FIORUCCI n’est pas, en elle-même, de nature à induire le public en erreur sur la provenance de la marchandise qu’elle désigne.
82 La requérante objecte que cette demande de modification ne satisfait pas aux exigences de l’article 116 du règlement de procédure de la Cour et doit par conséquent être déclarée irrecevable.
Appréciation de la Cour
83 Aux termes de l’article 116 du règlement de procédure de la Cour, les conclusions du mémoire en réponse doivent tendre au rejet total ou partiel du pourvoi ou à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal ou à ce qu’il soit fait droit à une demande présentée en première instance. L’article 113 du règlement de procédure de la Cour formule les mêmes exigences en ce qui concerne les conclusions d’un pourvoi.
84 Or, en l’espèce, la demande de M. Fiorucci tend à obtenir non pas une annulation, serait-elle partielle, de l’arrêt attaqué, mais la modification d’une constatation opérée par le Tribunal dans le cadre de son examen du second moyen invoqué par M. Fiorucci, moyen qu’il a au demeurant écarté.
85 Une telle demande ne peut, dès lors, qu’être rejetée comme irrecevable.
Sur les dépens
86 Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce dernier, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
87 En l’espèce, la requérante a succombé en tous ses moyens, à l’exception de la demande de modification de l’arrêt présentée par M. Fiorucci. L’OHMI a succombé sur tous les chefs. Il est fait droit aux conclusions de M. Fiorucci, à l’exception de sa demande de modification de l’arrêt.
88 Dans ces conditions, il y a lieu de décider que la requérante et l’OHMI supportent respectivement leurs propres dépens ainsi que, solidairement, les trois quarts des dépens de M. Fiorucci. M. Fiorucci supporte un quart de ses dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La demande de modification de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI) (T‑165/06), présentée par M. Fiorucci est rejetée.
3) Edwin Co. Ltd et l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supportent respectivement leurs propres dépens ainsi que, solidairement, les trois quarts des dépens de M. Fiorucci.
4) M. Fiorucci supporte un quart de ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’italien.