CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 24 juin 2010 1(1)

Affaire C‑213/09

Barsoum Chabo

contre

Hauptzollamt Hamburg-Hafen

[demande de décision préjudicielle introduite par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne)]

«Règlement (CE) n° 1719/2005 – Tarif douanier commun – Droit de douane spécifique – Conserves de champignons du genre Agaricus (champignons de couche) – Proportionnalité – Étendue du contrôle en présence d’un vaste pouvoir d’appréciation – Objectifs de politique agricole – Objectifs de politique commerciale – Nécessité – OMC – Accord sur l’agriculture – Article 4 – Tarification – Illégalité des prélèvements variables»





1.        Par la présente demande de décision préjudicielle, formée au titre de l’article 234 CE (2), le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) souhaite savoir si le fait de prélever un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté sur les conserves de champignons du genre Agaricus, c’est‑à‑dire les champignons de couche (ci-après les «conserves de champignons de couche»), importées, hors d’un contingent prévu, en provenance de la République populaire de Chine dans la Communauté européenne est compatible avec le principe de proportionnalité.

2.        La Cour a déjà eu l’occasion, dans le passé, de se prononcer sur la compatibilité avec le principe de proportionnalité de montants supplémentaires prélevés sur l’importation de conserves de champignons en provenance de pays tiers (3). Ces montants supplémentaires constituaient cependant des prélèvements agricoles autonomes de la Communauté. Dans la présente demande de décision préjudicielle, la question posée est de savoir si les critères retenus par la Cour dans le cadre de l’examen de prélèvements agricoles autonomes peuvent aussi être transposés à un droit de douane spécifique, introduit à la place desdits montants supplémentaires et dont le montant est conforme au taux maximum de droit de douane négocié et convenu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après l’«OMC»).

I –    Le droit applicable

A –    Le droit du commerce international

3.        Par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (4), la Communauté a adhéré au traité OMC et à une série d’accords multilatéraux et plurilatéraux. Parmi ces accords multilatéraux figurent notamment l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (5) (ci-après le «GATT 1994») et l’accord sur l’agriculture (6).

4.        Le GATT 1994 comprend également les dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947 (ci-après le «GATT 1947»), parmi lesquelles, la clause de la nation la plus favorisée prévue à l’article 1er, paragraphe 1, du GATT 1947. En vertu de la clause de la nation la plus favorisée, tous les avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes.

5.        L’article 2 du GATT 1947 régit les listes de concessions des membres de l’OMC. Le paragraphe 1, sous a), de cet article dispose:

«Chaque partie contractante accordera aux autres parties contractantes, en matière commerciale, un traitement qui ne sera pas moins favorable que celui qui est prévu dans la partie appropriée de la liste correspondante annexée au présent Accord.»

6.        L’article 4 de l’accord sur l’agriculture régit l’accès aux marchés et dispose:

«1.      Les concessions en matière d’accès aux marchés contenues dans les Listes se rapportent aux consolidations et aux réductions des tarifs, et aux autres engagements en matière d’accès aux marchés qui y sont spécifiés.

2.      Les Membres ne maintiendront pas de mesures du type de celles qui ont dû être converties en droits de douane proprement dits (1), ni ne recourront ni ne reviendront à de telles mesures, exception faite de ce qui est prévu à l’article 5 et à l’Annexe 5.»

7.        La note (1) relative à la notion de «mesures» de l’article 4 de l’accord sur l’agriculture précise:

«Ces mesures comprennent les restrictions quantitatives à l’importation, les prélèvements variables à l’importation, les prix minimaux à l’importation, les régimes d’importation discrétionnaires, les mesures non tarifaires appliquées par l’intermédiaire d’entreprises commerciales d’État, les autolimitations des exportations, et les mesures à la frontière similaires autres que les droits de douane proprement dits […]»

8.        L’article 5 de l’accord sur l’agriculture prévoit une clause de sauvegarde spéciale relative à l’importation de produits agricoles. Pour que cette clause de sauvegarde spéciale puisse être invoquée, il faut, notamment, que les produits concernés soient désignés dans la liste de concessions par le symbole «SGS». Sur les listes de concessions de la Communauté, les produits relevant du code NC 2003 10 30 ne sont pas désignés par ce symbole.

9.        Dans le cadre du cycle de l’Uruguay, la Communauté s’est engagée à prélever un droit de douane ad valorem maximum de 23 % sur les produits relevant du code NC 2003 10 30 dans le cadre d’un contingent de 62 660 tonnes. Elle s’est, par ailleurs, engagée, hors de ce contingent tarifaire, à prélever un droit de douane ad valorem maximum de 18,4 % et un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. Ces engagements figurent dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC. La République populaire de Chine est membre de l’OMC depuis le 1er décembre 2001. La Communauté a porté le volume contingentaire des marchandises relevant du code NC 2003 10 30 en provenance de la République populaire de Chine à 23 750 tonnes à compter du 1er janvier 2007 (7).

B –    Le droit communautaire (8)

10.      Aux termes de l’article 33, paragraphe 1, CE, la politique agricole commune a pour but:

«a)      d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre;

b)      d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture;

c)      de stabiliser les marchés;

d)      de garantir la sécurité des approvisionnements;

e)      d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.»

11.      En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (9), dans sa version modifiée par le règlement (CE) nº 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (10) (ci-après le «règlement n° 2658/87 dans sa version modifiée»), la Commission établit une nomenclature combinée (ci-après la «NC»). Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, première phrase, du règlement n° 2658/87 dans sa version modifiée, la NC figure à l’annexe I de ce règlement. Selon la deuxième phrase de ce paragraphe, cette annexe fixe, notamment, les taux des droits de douane du tarif douanier commun (ci-après le «TDC»).

12.      L’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 2658/87 dans sa version modifiée dispose:

«La Commission adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane conformément à l’article 1er, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel des Communautés européennes au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.»

13.      Conformément à l’article 9, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 2658/87 dans sa version modifiée, ces mesures ne peuvent modifier les taux des droits de douane.

14.      L’annexe I du règlement n° 2658/87 dans sa version modifiée a été remplacée par le règlement (CE) n° 1719/2005 de la Commission, du 27 octobre 2005, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (11), avec effet au 1er janvier 2006.

15.      La partie I de l’annexe I du règlement n° 1719/2005 comprend des dispositions préliminaires dont une liste des signes, des abréviations et des symboles utilisés. Ainsi, l’abréviation «kg/net eda» signifie «kilogramme poids net égoutté.»

16.      La partie II de cette annexe comprend le TDC applicable à l’époque des faits de cette affaire. Le chapitre 20 du TDC concerne les préparations de légumes, de fruits ou d’autres parties de plantes. Dans ce chapitre figurent les positions suivantes:

Code NC

Désignation des marchandises

Taux du droit conventionnel (%)

Unité supplémentaire

1

2

3

4

2003

Champignons et truffes, préparés ou conservés autrement qu’au vinaigre ou à l’acide acétique:

   

2003 10

– Champignons du genre Agaricus:

   

2003 10 20

– – conservés provisoirement, cuits à cœur

18,4 + 191 €/100 kg/net eda (1)

kg/net eda

2003 10 30

– – autres

18,4 + 222 €/100 kg/net eda (1)

kg/net eda


17.      La note (1) indique:

«Le montant spécifique est, en tant que mesure autonome, perçu sur le poids net égoutté.»

18.      Le règlement (CE) n° 1864/2004 de la Commission, du 26 octobre 2004, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons importées de pays tiers (12), régit les contingents au sein desquels un accès favorisé aux marchés est octroyé. Les premier, septième et dixième considérants de ce règlement dans sa version modifiée par le règlement (CE) n° 1995/2005 de la Commission, du 7 décembre 2005 (13) (ci-après le «règlement (CE) n° 1864/2004 dans sa version modifiée»), sont ainsi rédigés:

«(1)      À la suite de l’accord sur l’agriculture [..] conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, la Communauté s’est engagée à ouvrir, sous certaines conditions et à partir du 1er juillet 1995, des contingents tarifaires communautaires pour les conserves de champignons du genre Agaricus relevant des codes NC 0711 90 40, 2003 10 20 et 2003 10 30.

[…]

(7)      Sans préjudice de l’issue des négociations au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT (1994), et afin de préserver les courants d’échange traditionnels tout en veillant à ce que de nouveaux pays tiers fournisseurs puissent accéder au marché communautaire, il convient que le volume de conserves de champignons du genre Agaricus à importer dans la Communauté dans le cadre du régime de contingentement tarifaire tienne compte des préférences prévues dans les accords européens conclus avec la Bulgarie et la Roumanie. […]

[…]

(10)      Il importe qu’un approvisionnement suffisant du marché communautaire en produits concernés à des prix stables continue d’être assuré tout en évitant des distorsions inutiles dudit marché sous la forme d’importantes fluctuations de prix et des effets négatifs pour les producteurs communautaires. À cette fin, il y a lieu d’encourager davantage la concurrence entre importateurs et de réduire la charge administrative qui leur incombe.»

19.      L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit notamment un contingent tarifaire pour l’importation de conserves de champignons de couche relevant du code NC 2003 10 30. Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, première phrase, de ce règlement, le taux de droit ad valorem applicable est de 23 % pour les produits relevant du code NC 2003 10 30.

20.      Le règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil, du 27 juin 2005, portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées (14), prévoit en son article 1er, paragraphe 1, un schéma de préférences tarifaires généralisées. Selon le paragraphe 2 de cet article, ce schéma comprend un régime général ainsi qu’un régime spécial. L’article 2 de ce règlement dispose que les pays bénéficiaires sont énumérés à l’annexe I. À ladite annexe I, la Chine est indiquée en tant que pays auquel le régime généralisé s’applique. L’article 4 de ce règlement dispose que les produits relevant du régime généralisé sont énumérés à l’annexe II. Cette annexe II cite le chapitre 20 du TDC dont relève le code NC 2003 10 30.

21.      L’article 7, paragraphes 2, première phrase, et 5, de ce règlement dispose:

«2.      Les droits ad valorem du tarif douanier commun applicables aux produits énumérés à l’annexe II comme produits sensibles sont réduits de 3,5 points de pourcentage.

[…]

5.      Lorsque les droits du tarif douanier commun applicables aux produits énumérés à l’annexe II comme produits sensibles comprennent des droits ad valorem et des droits spécifiques, les droits spécifiques ne font pas l’objet d’une réduction.»

22.      En vertu de ladite annexe II, les produits compris dans le chapitre 20 du TDC sont classés comme produits sensibles.

II – Les faits

23.      Le 6 mars 2006, la société dont M. Chabo était propriétaire (ci-après le «demandeur au principal») a demandé la mise en libre pratique de 1 000 cartons de conserves de champignons en provenance de la République populaire de Chine. La marchandise a été déclarée en tant que «champignons, en saumure, conservés sans vinaigre» relevant du code NC 2003 90 00 (autres champignons tels ceux du genre Agaricus). Le dédouanement a été effectué conformément à la déclaration, avec application d’un taux de droit de douane ad valorem de 14,9 %.

24.      Avant le 6 mars 2006, l’entreprise du demandeur au principal avait déjà importé des marchandises, identiques au regard de leur nature, sous le couvert d’une déclaration. À l’occasion d’une importation antérieure, il avait été procédé à une vérification douanière. À la suite d’une expertise de classification de marchandises, établie dans le cadre de cette vérification douanière, il avait été constaté que pour cette importation antérieure, les marchandises ne relevaient pas du code NC 2003 90 00. Selon l’expertise de classification des marchandises, les conserves de champignons relevaient, au contraire, du code NC 2003 10 30.

25.      Par avis du 27 février 2007, le Hauptzollamt Hamburg-Hafen (bureau principal des douanes, ci-après le «défendeur au principal») a exigé du demandeur au principal le paiement a posteriori de droits d’importation d’un montant total de 27 507,13 euros au titre des importations du 6 mars 2006. Ainsi, le défendeur au principal a, sur la base de l’expertise de classification des marchandises, classé les conserves de champignons sous le code NC 2003 10 30 et appliqué un taux de droit de douane ad valorem de 14,9 %, ainsi qu’un supplément de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. Le demandeur au principal a introduit, le 5 mars 2007, une réclamation contre l’avis d’imposition, qui a été rejetée le 7 décembre 2007.

III – La procédure devant la juridiction de renvoi

26.      Le 9 janvier 2008, le demandeur au principal a introduit un recours devant la juridiction de renvoi. Il demande l’annulation de l’avis d’imposition du 21 février 2007 dans la version de la décision rendue sur réclamation le 7 décembre 2007. À cet effet, il fait notamment valoir que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté est disproportionné car il équivaut à une interdiction d’importation. Le défendeur au principal conclut au rejet du recours. Selon lui, le droit de douane spécifique constitue non pas une mesure de sauvegarde, mais un droit de douane normal. Il n’équivaut pas non plus à une interdiction d’importation.

27.      Selon les constatations de la juridiction de renvoi, les conserves de champignons importées relèvent du code NC 2003 10 30. Par conséquent, c’est le taux de droit de douane correspondant à ce code NC qui est applicable. Toutefois, la juridiction de renvoi a des doutes quant à la validité du taux de droit de douane applicable à cette position. Elle se demande si le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté n’est pas disproportionné. À cet égard, elle se réfère aux arrêts Wünsche (15) et Pietsch (16). Dans ces arrêts, la Cour a jugé que les montants supplémentaires qui étaient prélevés sur les conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers afin d’éliminer les distorsions du marché communautaire étaient disproportionnés en raison de leur niveau excessif.

28.      Se pose la question de savoir si cette jurisprudence peut être transposée au droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. Le fait que le droit de douane spécifique, tout comme les montants supplémentaires, constitue une mesure de sauvegarde en faveur des producteurs communautaires plaiderait en faveur d’une application de cette jurisprudence. Le droit de douane spécifique grevant les importations de conserves de champignons de couche hors du contingent ouvert en vertu du règlement n° 1864/2004 vise à compenser les avantages en termes de coûts dont bénéficient les conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine. Selon la juridiction de renvoi, le taux du droit de douane spécifique atteint également un niveau excédant largement ce qui est nécessaire pour assurer l’efficacité de la mesure de sauvegarde. Le taux du droit de douane spécifique équivaudrait donc en pratique à une interdiction d’importation et à une sanction économique des importateurs. Et ce, même si l’on prend en considération les variations de prix résultant des différences de qualité.

29.      À cet égard, la juridiction de renvoi indique que le prix d’achat que les négociants en conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine ont dû payer était fixé à 0,93 euro le kilogramme pendant la période en cause. Au mois de juin 2007, le prix des conserves de champignons de couche de premier choix en provenance de France était de 2,70 euros le kilogramme. Au mois de juin 2006, le prix des conserves de champignons en morceaux en provenance de la Communauté s’élevait à 2,70 euros le kilogramme. Le droit de douane spécifique s’élève à 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté, soit 2,22 euros par kilogramme.

30.      La juridiction de renvoi précise que le droit de douane spécifique représente plus de 200 % du prix à l’importation des conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine. Ainsi, il excède en principe la différence entre les coûts de production dans la Communauté et le prix à l’importation des champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine. Enfin, le droit de douane spécifique ne fait pas non plus de différence en fonction des catégories de qualité.

IV – La question préjudicielle et la procédure devant la Cour

31.      En raison de ses doutes quant à la compatibilité du droit de douane spécifique avec le principe de proportionnalité, le Finanzgericht Hamburg a, par décision du 13 mai 2009, parvenue au greffe de la Cour le 15 juin 2009, posé la question préjudicielle suivante:

«Le montant supplémentaire de 222 euros par 100 kilogrammes net de produit, résultant du taux ‘pays tiers’ et du taux préférentiel, prélevé à l’importation de conserves de champignons du genre Agaricus (code NC 20031030) est-il entaché de nullité car contraire au principe de proportionnalité ?»

32.      Le demandeur au principal, le Conseil et la Commission ont présenté des observations écrites dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice.

33.      Une audience s’est tenue le 29 avril 2010 à laquelle les représentants du demandeur au principal, du gouvernement italien, du Conseil et de la Commission ont participé.

V –    Les principaux arguments des parties

34.      Le demandeur au principal soutient que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 est disproportionné.

35.      En premier lieu, il fait valoir qu’un droit de douane de ce niveau empêche la vente de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine dans la Communauté. Du point de vue des consommateurs, les champignons chinois sont de qualité nettement moindre que les champignons en provenance de la Communauté. Les champignons chinois ne peuvent donc être vendus dans la Communauté que si leur prix est nettement inférieur à celui des champignons en provenance de la Communauté. Avec la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté, cela n’est pas possible. Par ailleurs, une différenciation en fonction des catégories de qualité de champignons de couche serait possible sans alourdir considérablement les charges. Enfin, il conviendrait, selon le demandeur au principal, d’envisager en tant que mesure moins contraignante l’octroi de subventions aux producteurs communautaires pour réduire le prix des champignons produits dans la Communauté. La perception d’un droit de douane plus bas répondrait également à l’objectif de politique agricole commune qui consiste à assurer l’approvisionnement des consommateurs à des prix raisonnables.

36.      Les données fournies par la Commission montreraient que le droit de douane spécifique combiné au droit de douane ad valorem et au taux contingentaire ont déjà atteint leur objectif. Une distorsion sérieuse du marché pour les champignons de couche dans la Communauté ne serait plus à craindre. En outre, le demandeur au principal estime que la perception du droit de douane va à l’encontre de l’objectif de la politique agricole commune visant à accroître la productivité et l’emploi optimum des facteurs de production.

37.      Le gouvernement italien soutient, pour sa part, que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 est compatible avec le principe de proportionnalité.

38.      L’objectif de ce droit de douane est de protéger les producteurs communautaires de champignons de couche. Sa perception empêche que les prix des champignons de couche dans la Communauté ne diminuent trop fortement en raison d’importations en provenance de la République populaire de Chine. Il est donc adapté à la poursuite de cet objectif. La perception de ce droit de douane spécifique est également nécessaire. Une subdivision des champignons de couche en fonction des catégories de qualité n’est pas possible. Étant donné que, du point de vue des acheteurs, les marchandises en question sont des conserves de champignons de couche, il faut se fonder sur le prix du niveau de qualité le plus élevé. Des prix plus bas pour des niveaux de qualité moindres amèneraient, en effet, les consommateurs à se tourner vers ces produits. Le droit de douane spécifique ne constitue pas non plus de facto une interdiction d’importation. Premièrement, le droit de douane spécifique a justement pour objectif d’empêcher des importations trop importantes en provenance de pays tiers. Deuxièmement, le gouvernement italien constate que, en tout état de cause, des champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine sont aussi importés dans la Communautés au-delà du contingent prévu. Le droit de douane spécifique n’a donc pas eu, de facto, l’effet d’une interdiction d’importation.

39.      Le Conseil soutient, quant à lui, que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 est compatible avec le principe de proportionnalité.

40.      Les arrêts auxquels le demandeur au principal se réfère avaient pour objet des prélèvements agricoles autonomes. Ceux-ci constituent des mesures de sauvegarde unilatérales de la Communauté afin de stabiliser les prix des marchandises communautaires. Puisque c’était l’objectif, il était possible et également nécessaire, dans le cadre des prélèvements agricoles autonomes, de fixer le niveau des montants supplémentaires en tenant compte des prix pratiqués dans le pays tiers et des différentes catégories de qualité.

41.      Le droit de douane spécifique a une nature autre, il est soumis à d’autres conditions cadres et poursuit d’autres objectifs. C’est pourquoi la jurisprudence relative aux mesures de sauvegarde autonomes ne peut pas être transposée au droit de douane spécifique. Le droit de douane spécifique poursuit non pas seulement des objectifs de politique agricole, mais également des objectifs de politique commerciale. Du point de vue de la politique agricole, le droit de douane vise à permettre aux agriculteurs communautaires d’écouler leur production à des prix qui leur garantissent un niveau de vie équitable. Parallèlement, un approvisionnement suffisant doit être assuré, permettant un accès contrôlé et approprié à des produits en provenance de pays tiers. Si seul l’objectif de protection des producteurs communautaires avait été poursuivi, des mesures allant encore plus loin auraient pu être prises. Toutefois, avec l’application du droit de douane spécifique, la Communauté poursuit également des objectifs de politique commerciale. Du fait de ces objectifs de politique commerciale, elle a considérablement réduit sa marge de manœuvre. Les prélèvements agricoles variables ont, en raison de leur opacité, été délibérément supprimés. Par ailleurs, aucun droit de douane supérieur aux taux maximaux prévus dans les listes des concessions de la Communauté ne peut plus être prélevé.

42.      Le droit de douane spécifique pour les conserves de champignons de couche a été fixé par accord à un niveau qui était de facto équivalent au statu quo, défini par le Conseil dans les années 80. Bien que le niveau soit assez élevé, le droit de douane spécifique n’est pas disproportionné. En premier lieu, il convient de rappeler que le Conseil n’est obligé ni de traiter de la même façon les producteurs communautaires et ceux des pays tiers ni de garantir aux producteurs de pays tiers un accès au marché communautaire dans des conditions telles qu’ils puissent concurrencer efficacement les producteurs communautaires. En deuxième lieu, les producteurs des pays tiers ne sont pas pénalisés au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs de politique agricole et de politique commerciale. Le niveau du droit de douane spécifique doit avoir un effet dissuasif. En troisième lieu, il faut prendre en considération la logique sous‑jacente au système des négociations dans le cadre de l’OMC qui se caractérise par la doctrine du do ut des s’agissant des accès aux marchés concédés réciproquement. Les taux maximaux de droit de douane convenus, applicables aux importations de tous les membres de l’OMC pour une durée indéterminée, ne peuvent être dépassés. La renégociation des taux de droit de douane convenus serait lourde et onéreuse. Les prix fluctuent très fortement, et par conséquent les différences entre les prix des marchandises communautaires et ceux des marchandises en provenance de la République populaire de Chine, aussi. Par conséquent, le droit de douane spécifique a été négocié à un niveau garantissant que son effet ne serait pas rapidement neutralisé du fait de la fluctuation des prix.

43.      Dans l’ensemble, il faudrait donc constater que le système global destiné à réguler l’importation de conserves de champignons de couche a atteint son objectif. À cet égard, il ne faut pas oublier qu’un contingent tarifaire, dans le cadre duquel un accès facilité au marché est rendu possible, existe. Eu égard à la baisse (bien qu’elle ait ralenti) de la production communautaire, on peut même se demander si les taux maximaux des droits de douane spécifiques convenus ne sont pas trop bas au regard des objectifs relevant de la politique agricole.

44.      Le Conseil estime que le droit de douane spécifique n’est pas non plus disproportionné du fait qu’il ne distingue pas entre différentes catégories de qualité. Il existe en réalité des effets de substitution entre les différentes catégories de qualité. Si une distinction en fonction des catégories de qualité était opérée, il existerait, en outre, un risque de violation des principes de sécurité juridique et de l’application uniforme du droit communautaire. Une telle distinction dans le but spécifique de compenser les différences de prix n’est pas non plus compatible avec les obligations en matière de droit du commerce international de la Communauté. Dans tous les cas, une distinction en fonction de catégories de qualité entraînerait une charge excessive pour les autorités et les opérateurs douaniers.

45.      Enfin, le Conseil souligne que si la Cour venait à constater que le droit de douane spécifique viole le principe de proportionnalité, la position de la Communauté dans le cadre de l’OMC s’en trouverait affaiblie. Les taux des droits de douane figurant dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC reposent sur des négociations et, donc, sur des concessions réciproques et multilatérales des États membres de l’OMC. Si la Communauté se voyait obligée d’accorder de manière unilatérale des conditions plus favorables que celles convenues sur le plan multilatéral dans le cadre des négociations pour l’accès des conserves de champignons de couche de pays tiers au marché communautaire, alors il lui serait quasiment impossible de négocier une compensation correspondante pour l’accès des producteurs communautaires aux marchés des pays tiers concernés.

46.      La Commission soutient elle aussi que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 est compatible avec le principe de proportionnalité.

47.      En premier lieu, elle précise que la jurisprudence à laquelle la juridiction de renvoi fait référence se rapporte à des mesures de sauvegarde autonomes de la Communauté antérieures à l’établissement de l’OMC et à l’entrée en vigueur de l’accord sur l’agriculture. Avant l’accord sur l’agriculture, la Communauté avait compétence pour ajuster les droits de douane afin de protéger l’industrie communautaire ainsi que pour adopter des mesures non tarifaires. Toutefois, cette jurisprudence ne peut pas être transposée aux droits de douane spécifiques.

48.      Le droit de douane spécifique n’est qu’un élément au sein d’un système global destiné à réguler l’importation de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers. En premier lieu, ce système global poursuit des objectifs de politique agricole liés à l’organisation du marché commun concerné. Un de ces objectifs est d’assurer une offre appropriée de conserves de champignons de couche sur le marché communautaire par l’ouverture d’un contingent. Un autre objectif de politique agricole est d’ajuster cette offre appropriée, en fonction des exigences du marché au regard de l’offre et de la demande. Enfin, il y a l’objectif de politique agricole visant à empêcher les effets négatifs sur la production communautaire qui pourraient résulter du fait que des conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers sont importées dans la Communauté au-delà du contingent prévu.

49.      En second lieu, des objectifs de politique commerciale sont également poursuivis. Dans le cadre du cycle de l’Uruguay, les prélèvements agricoles ont été supprimés et des droits de douane correspondants ont été convenus pour les marchandises agricoles. En outre, l’objectif de réduire les taxes sur les marchandises agricoles était également poursuivi. Avec l’organisation du système global, la Communauté a aussi rempli ces engagements.

50.      Par ailleurs, la Commission précise que les institutions communautaires ont dû prendre des décisions politiques, économiques et sociales dans les domaines de la politique agricole commune et de la politique commerciale commune. Elles disposaient donc dans ces domaines d’un vaste pouvoir d’appréciation. Pour cette raison, dans le cadre de l’examen du caractère proportionné du droit de douane spécifique, il suffit de rechercher si celui-ci est manifestement inapproprié aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis. Une telle restriction du contrôle juridictionnel s’impose également en raison du fait que le législateur communautaire doit trouver, aux fins de la réalisation des objectifs fixés, un équilibre entre les objectifs de politique agricole et les objectifs de politique commerciale.

51.      La perception du droit de douane spécifique n’est pas manifestement inappropriée au regard de la réalisation des objectifs en question. Il réduit, en effet, l’incitation économique à importer des conserves de champignons de couche hors du contingent prévu. En dehors du contingent concédé, l’importation n’est intéressante économiquement que si la demande au sein de la Communauté est tellement importante que les importateurs peuvent réaliser une marge bénéficiaire suffisante en dépit des droits.

52.      Dans le cadre des négociations du cycle de l’Uruguay, qui ont finalement conduit à l’adoption de taux de droits de douane maximaux, la Commission s’est fondée sur le montant prévu dans le règlement (CEE) n° 1796/81 du Conseil, du 30 juin 1981, relatif aux mesures applicables à l’importation de conserves de champignons cultivés (17). Celui-ci a été converti en poids net égoutté à partir de la référence en poids net, ce qui a donné 278 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. En raison de l’accord selon lequel les droits de douane existants doivent être réduits de 20 % dans un délai de cinq ans, le montant de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté a finalement été fixé. Dans le cadre des négociations sur le niveau du droit de douane spécifique, la Commission a pris en considération les importations potentielles en provenance de tous les États membres de l’OMC. À cet égard, il convient en premier lieu de tenir compte du fait que le taux du droit de douane spécifique s’applique aux importations en provenance de tous les États membres de l’OMC. En second lieu, il faut aussi garder à l’esprit que les prix des conserves de champignons de couche subissent des variations considérables. Or, le droit de douane spécifique est fixe et ne peut pas être revu à la hausse en cas de fluctuations des prix.

53.      Un taux de droit de douane spécifique de ce niveau est également nécessaire. Il faut empêcher que la production communautaire ne soit étouffée sous la pression des importations chinoises. Les données sur l’évolution des échanges commerciaux concernant les conserves de champignons de couche confirment que la perception du droit de douane spécifique n’a pas eu d’effets comparables à une interdiction d’importation. Les importations de conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine dans la Communauté ont toujours dépassé le volume contingentaire prévu. La perception du droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté n’a pas pour effet d’empêcher les opérateurs économiques d’importer des conserves de champignons de couche au-delà du contingent prévu. On ne peut donc pas conclure que la perception du droit de douane spécifique rend leurs importations généralement peu attractives sur le plan économique.

54.      Les données sur l’évolution des échanges commerciaux concernant les conserves de champignons de couche indiquent aussi que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté a, en tant qu’instrument lié au système global de régulation des importations de conserves de champignons de couche, atteint les objectifs consistant à assurer une certaine stabilisation des prix et un ralentissement de la tendance à la baisse de la production communautaire sans compromettre l’offre appropriée de conserves de champignons de couche sur le marché communautaire. On constate une corrélation, quelque peu différée en raison des voies d’acheminement, entre les fluctuations des prix et l’évolution du volume des importations. Le fait de prélever le droit de douane spécifique sur les importations de conserves de champignons de couche réalisées hors contingent permet d’adapter l’offre et ainsi, indirectement, d’assurer une certaine stabilité des prix au sein de la Communauté. Enfin, le demandeur au principal a eu la possibilité de se procurer une licence d’importation. Le contingent pour les importations en provenance de la République populaire de Chine a été augmenté à partir de l’année 2007.

55.      La Commission précise ensuite que, aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis, même des mesures entraînant des inconvénients économiques importants pour certains opérateurs économiques sont justifiées. En principe, la Communauté aurait à sa disposition des moyens bien plus radicaux tels que le relèvement du droit de douane spécifique, la réduction ou la suppression du volume contingentaire voire l’adoption d’une interdiction d’importation. Les moyens d’action de la Communauté pour réguler l’accès au marché communautaire sont cependant limités aux droits de douane en raison de l’accord sur l’agriculture. Du point de vue du droit du commerce international, il est toutefois permis, en cas de dépassement du contingent fixé, de prélever un droit de douane spécifique dont le niveau est prévu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC. Le fait que les droits de douane et les volumes contingentaires appliqués correspondent aux taux de droit de douane des listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC s’explique par le fait que l’évolution des échanges commerciaux relatifs aux conserves de champignons de couche est conforme aux intentions qui étaient celles de la Communauté lorsque ces taux de droits de douane ont été convenus.

56.      Enfin, il n’est pas possible d’opérer une différenciation en fonction des catégories de qualité au sein du code NC concerné, en raison de l’obligation qui incombe la Communauté, en vertu du droit international, de maintenir un taux de droit de douane fixe.

VI – Appréciation juridique

57.      La juridiction de renvoi a des doutes quant au caractère proportionné du droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté, prélevé en application du TDC sur les marchandises relevant du code NC 2003 10 30, à savoir les conserves de champignons de couche, lorsque celles-ci sont importées dans la Communauté en dehors du contingent ouvert, prévu par le règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée. Étant donné que la juridiction de renvoi se fonde sur la jurisprudence de la Cour relative à la proportionnalité des prélèvements agricoles, j’aborderai celle-ci en premier lieu (A). Puis, j’examinerai le point de savoir si, au regard de cette jurisprudence, le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté peut être considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité (B).

A –    Sur la jurisprudence de la Cour relative aux prélèvements agricoles

58.      Dans une série d’arrêts (18), la Cour a examiné la validité de règlements de la Commission et du Conseil par lesquels des mesures temporaires ou permanentes pour la protection des producteurs communautaires de champignons de couche avaient été prises. En vertu de ces règlements, un montant supplémentaire avait été prélevé sur les importations de conserves de champignons de couche en provenance de certains pays tiers, lorsqu’elles avaient été réalisées hors du contingent prévu.

59.      Dans ces arrêts, la Cour a, en premier lieu, précisé que la perception d’un montant supplémentaire était en principe nécessaire pour empêcher des distorsions sur le marché communautaire (19). Ensuite, la Cour a affirmé que, au regard de cet objectif, un montant supplémentaire pouvait être fixé à un niveau rendant les importations de pays tiers peu attractives sur le plan économique (20).

60.      La Cour a, toutefois, jugé dans toutes ces affaires que le niveau du montant supplémentaire n’était pas nécessaire au regard de l’objectif poursuivi. Elle a constaté que la perception du montant supplémentaire avait, en pratique, l’effet d’une sanction économique en raison de son niveau excessif. Étant donné que la mesure de sauvegarde ne visait pas à infliger une interdiction à l’importation assortie de sanctions économiques, le niveau du montant supplémentaire était excessif (21). Dans un cas où le montant supplémentaire prélevé représentait environ deux tiers des coûts de production des champignons de la première catégorie de qualité, la Cour a déjà retenu que cela avait, en pratique, l’effet d’une pénalisation économique (22).

61.      Selon la jurisprudence de la Cour, deux seuils peuvent ainsi être distingués dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité du niveau d’un prélèvement agricole avec le principe de proportionnalité.

62.      Le premier seuil est atteint lorsque le montant supplémentaire est si élevé qu’il rend l’importation de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers, hors du contingent prévu, peu attractive sur le plan économique. La perception d’un montant supplémentaire de ce niveau peut être considérée comme nécessaire pour la réalisation de l’objectif d’empêcher les distorsions sur le marché communautaire. Pour l’appréciation du point de savoir à partir de quand ce niveau est atteint, la Cour reconnaît aux institutions communautaires un vaste pouvoir d’appréciation (23).

63.      Un second seuil est toutefois atteint lorsque le montant supplémentaire est si élevé qu’il rend l’importation de conserves de champignons de couche non seulement peu attractive sur le plan économique, mais qu’il a également l’effet, en pratique, d’une pénalisation économique. La Cour considère qu’un montant supplémentaire de ce niveau ne présente alors plus le caractère nécessaire. Cela repose sur l’idée que le fait de rendre les importations peu attractives sur le plan économique suffit pour empêcher les distorsions sur le marché communautaire résultant d’importations en provenance de pays tiers. Il n’est pas impérativement nécessaire d’interdire les importations et de sanctionner toute violation de cette interdiction. La Cour a considéré qu’une pénalisation existait lorsqu’un montant supplémentaire se situait à un tel niveau qu’il avait de facto l’effet d’une pénalisation économique. De fait, la perception d’un montant supplémentaire à un niveau excessif a l’effet, en pratique, d’une interdiction d’importation assortie de sanctions économiques.

64.      Avant d’aborder l’examen du droit de douane spécifique et la question de savoir si la jurisprudence susmentionnée peut être transposée à celui-ci, je souhaiterais préciser deux aspects importants à propos des montants supplémentaires qui formaient l’objet de ces arrêts. Premièrement, ces montants supplémentaires étaient des mesures de la Communauté qui poursuivaient principalement l’objectif de politique agricole consistant à protéger les producteurs communautaires en empêchant des distorsions du marché communautaire, causées ou risquant d’être causées par des importations excessives de conserves de champignons de couche dans la Communauté en provenance de pays tiers. Deuxièmement, il s’agissait de mesures qui avaient été adoptées avant l’établissement de l’OMC et donc, avant l’entrée en vigueur de l’accord sur l’agriculture, ainsi qu’avant l’adhésion de la République populaire de Chine à l’OMC.

B –    Sur le caractère proportionné du droit de douane spécifique

65.      La juridiction de renvoi demande à la Cour si la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté sur les conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine peut être considérée comme étant proportionnée au regard des prescriptions de la jurisprudence susmentionnée relative aux montants supplémentaires.

66.      Selon une jurisprudence constante, le caractère proportionné de mesures imposant des charges financières aux opérateurs est subordonné à la condition que ces mesures soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les charges imposées ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés (24).

67.      Comme le gouvernement italien le fait à juste titre observer, l’examen du point de savoir si la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté est compatible avec le principe de proportionnalité suppose de définir d’abord les objectifs poursuivis par ces mesures (1). Étant donné qu’il s’agit d’objectifs relevant des domaines de la politique agricole commune et de la politique commerciale commune et que les institutions communautaires disposent dans ces domaines d’un vaste pouvoir d’appréciation, se pose la question de savoir quelle sera la portée du contrôle en présence d’un vaste pouvoir d’appréciation (2). Étant donné que je considère que, même en présence d’un vaste pouvoir d’appréciation des institutions communautaires, la structure du contrôle de proportionnalité n’est pas remise en cause, mais que son étendue est seulement réduite au caractère manifeste, je rechercherai ensuite si les objectifs poursuivis par le droit de douane spécifique ne sont pas manifestement illégitimes (3) et si la perception de ce droit de douane n’est pas manifestement inappropriée (4), manifestement non nécessaire (5) ou manifestement démesurée (6) au regard des objectifs poursuivis.

1.      Les objectifs poursuivis par les mesures

68.      La Commission précise, à juste titre, que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 ne constitue qu’un élément d’un système global destiné à réguler l’importation de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers. L’étroite corrélation entre le droit de douane spécifique et les autres éléments de la régulation globale doit être prise en considération dans le cadre de l’évaluation des objectifs poursuivis par ce droit de douane.

69.      Le système global applicable ratione temporis à la présente espèce est pour l’essentiel constitué:

–        des droits de douanes prévus dans le TDC pour l’importation de marchandises relevant du code NC 2003 10 30;

–        du règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons, et

–        du schéma de préférences généralisées de la Communauté en vertu du règlement n° 980/2005.

70.      En vertu du règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée, un droit de douane ad valorem de 23 % est perçu sur les conserves de champignons de couche importées dans le cadre d’un contingent ouvert par ce règlement. En revanche, un taux de droit de douane ad valorem de 18,4 %, réduit en l’espèce à 14,9 % (25) en vertu du schéma de préférences généralisées de la Communauté, ainsi qu’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté sont perçus sur les conserves de champignons de couche importées en dehors de ce contingent. Ce système global poursuit non pas seulement des objectifs de politique agricole (a), mais également des objectifs de politique commerciale (b).

a)      Objectifs de politique agricole

71.      Du point de vue de la politique agricole, l’objectif est, d’une part, de réduire les distorsions sur le marché communautaire. La perception d’un droit de douane spécifique vise à freiner l’importation de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers et, ce faisant, à éviter les fluctuations des prix, à enrayer la chute des prix sur le marché communautaire et à assurer un revenu raisonnable aux producteurs communautaires. Cependant, étant donné qu’il faut également assurer une offre appropriée de conserves de champignons à des prix stables sur le marché communautaire, les conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers se voient accorder un accès au marché dans des conditions plus favorables dans le cadre du contingent prévu par le règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée. Le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté n’est pas perçu sur de telles importations (26).

b)      Objectifs de politique commerciale

72.      Le système global poursuit cependant aussi des objectifs de politique commerciale. Le niveau des taux de droit de douane et la manière dont le système a été conçu juridiquement ont en effet pour origine les exigences du droit du commerce international, et particulièrement les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC et de l’accord sur l’agriculture.

73.      Avant la conclusion de l’accord sur l’agriculture, le commerce international des produits agricoles était caractérisé par une multitude de barrières commerciales de type tarifaire et non tarifaire. L’instrument des prélèvements variables à l’importation, institué par la Communauté pour protéger les producteurs communautaires, était notamment critiqué en raison de ses effets sur le commerce international. Du point de vue des exportateurs dans les pays tiers, cet instrument implique en effet un manque de transparence et de prévisibilité (27).

74.      L’objectif de l’accord sur l’agriculture est l’amélioration de l’accès aux marchés agricoles des membres de l’OMC. Afin d’atteindre cet objectif, les membres de l’OMC ont convenu à l’article 4, paragraphe 1, de l’accord sur l’agriculture de convertir en droits de douane toutes les barrières commerciales non tarifaires dans le secteur agricole. Les taux maximaux de ces droits de douane ont été fixés dans les listes de concessions des membres auprès de l’OMC. En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de l’accord sur l’agriculture, les membres de l’OMC ne peuvent plus adopter de mesures non tarifaires. La note 1 afférente à cette disposition précise que les mesures ainsi interdites comprennent également les prélèvements variables à l’importation.

75.      Ainsi, un objectif de politique commerciale directement poursuivi par l’article 4 de l’accord sur l’agriculture est l’organisation plus transparente et prévisible de l’accès aux marchés agricoles, en interdisant, à cet effet, aux États membres de l’OMC d’introduire d’autres barrières commerciales que les droits de douane. Sur le plan de la politique commerciale, un autre avantage du recours exclusif aux droits de douane est qu’il est techniquement plus simple de négocier une réduction des droits de douane qu’une réduction des barrières commerciales non tarifaires (28). Cependant, il convient également de prendre en considération les objectifs de politique commerciale qui étaient poursuivis indirectement par la Communauté avec l’ouverture de son marché agricole. En facilitant l’accès à son marché agricole, elle poursuit notamment l’objectif de politique commerciale d’assurer en compensation aux opérateurs économiques de la Communauté un accès facilité aux marchés des autres membres de l’OMC. Comme le Conseil l’indique, à juste titre, cette doctrine du do ut des qui caractérise les négociations conduites dans le cadre de l’OMC doit toujours être prise en considération dans le cadre de l’appréciation du droit de douane spécifique.

2.      Sur le degré de contrôle applicable

76.      Selon la Commission, l’examen de la proportionnalité doit se limiter en l’espèce à la question de savoir si le droit de douane spécifique est manifestement inapproprié aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis. Elle se fonde sur le fait que les institutions communautaires disposent d’un vaste pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole et de politique commerciale et qu’elles sont amenées à opérer un arbitrage entre des intérêts opposés.

77.      Il convient, tout d’abord, d’observer que les institutions communautaires disposent d’un vaste pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole commune et de politique commerciale commune étant donné qu’elles sont appelées à prendre des décisions politiques, économique et sociales et à effectuer des appréciations complexes (29).

78.      Cependant, cela n’implique pas que seul le caractère manifestement inapproprié du droit de douane spécifique doive être examiné.

79.      Il est vrai que, selon une jurisprudence constante, bien que non uniforme, la Cour considère que, dans le cadre du contrôle de la proportionnalité d’une mesure relevant d’un domaine où l’institution communautaire concernée dispose d’un pouvoir d’appréciation, il ne s’agit pas de savoir si la mesure adoptée par le législateur était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée (30).

80.      Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer (31), je ne suis pas convaincue par cette approche. Même dans des domaines où les institutions communautaires disposent d’un vaste pouvoir d’appréciation, l’application du principe de proportionnalité doit partir de l’idée qu’un vaste pouvoir d’appréciation n’exclut pas tout contrôle juridictionnel de leurs actes. Le fait que les institutions communautaires disposent d’un vaste pouvoir d’appréciation dans certains domaines ne justifie pas de réduire le contrôle de la proportionnalité d’une mesure à la question de savoir si elle est manifestement inappropriée. Une telle approche signifierait, en effet, que l’objectif poursuivi par les institutions communautaires et les droits concernés de l’individu ne sont plus «mis en relation» et que le principe de proportionnalité perd son aspect de protection de l’individu. Cela impliquerait que le contrôle de la proportionnalité soit réduit à un contrôle objectif de l’exercice du pouvoir d’appréciation. La prise en considération par la Cour de la marge de manœuvre des institutions communautaires ne peut pas non plus justifier une telle approche. Cette nécessaire prise en considération peut, en effet, aussi être assurée dans le cadre d’un contrôle de la proportionnalité en trois étapes. À cet effet, il suffit que, premièrement, le pouvoir d’appréciation d’une institution communautaire soit respecté en ce qui concerne le choix et la pondération des objectifs poursuivis et que, deuxièmement, l’intensité du contrôle de la proportionnalité soit réduit à la question de savoir si la mesure en cause est manifestement inappropriée, manifestement non nécessaire ou manifestement démesurée.

81.      Aux fins de la présente procédure, il peut être suffisant d’observer que la Cour ne se limite en général pas à l’examen du caractère manifestement inapproprié d’une mesure, mais qu’elle tient également compte d’éléments liés au caractère nécessaire et non disproportionné de cette mesure (32). À cet égard, on peut également relever que la Cour n’a pas restreint, dans les arrêts précités relatifs aux prélèvements agricoles (33), l’étendue du contrôle au caractère manifestement inapproprié de la mesure de sauvegarde autonome.

82.      Il serait toutefois appréciable, ne serait-ce pour des raisons de sécurité juridique, que la Cour précise expressément que, même en présence d’un vaste pouvoir d’appréciation des institutions communautaires, elle ne se borne pas à examiner le caractère manifestement inapproprié d’une mesure, mais que, de surcroît, elle examine aussi le caractère nécessaire et non disproportionné de celle-ci, avec cependant une intensité de contrôle moindre.

3.      Absence d’objectifs manifestement illégitimes

83.      Comme je l’ai expliqué plus haut (34), il faut tenir compte du vaste pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions communautaires en matière de politique agricole commune et de politique commerciale commune, notamment dans le choix des objectifs poursuivis. Par conséquent, le choix et la pondération des objectifs poursuivis dans ces domaines ne sont soumis qu’à un contrôle très restreint de la Cour. Cela vaut également pour la question de savoir comment arbitrer entre des intérêts opposés.

84.      D’un point de vue juridique, il n’y a donc rien de critiquable au fait que le Conseil et la Commission aient non seulement poursuivi des objectifs de politique agricole mais aussi des objectifs de politique commerciale en organisant un système global de régulation de l’importation des conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers. De même, on ne peut reprocher à la Communauté d’avoir, pour poursuivre les objectifs susmentionnés de politique commerciale (35), en vertu du droit international, limité ses instruments de politique agricole par la conclusion de l’accord sur l’agriculture (36).

4.      Absence de caractère manifestement inapproprié

85.      Le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté s’appliquant aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 n’est pas manifestement inapproprié aux fins de la réalisation des objectifs de politique agricole et de politique commerciale qu’il poursuit.

86.      Premièrement, la perception du droit de douane spécifique n’est pas manifestement inappropriée aux fins de l’objectif de politique agricole visant à rendre l’importation, hors du contingent ouvert par le règlement n° 1864/2004, de conserves de champignons en provenance de pays tiers peu attractive sur le plan économique et, ce faisant, à restreindre les distorsions sur le marché résultant d’importations excessives de conserves de champignons en provenance de pays tiers.

87.      Deuxièmement, le fait que ces mesures visant à protéger les producteurs communautaires prennent la forme d’un droit de douane spécifique à un taux fixe est conforme à l’approche tarifaire visant à organiser l’accès aux marchés agricoles de façon plus transparente et prévisible. Cela ne peut donc pas être considéré comme étant manifestement inapproprié au regard des objectifs de politique commerciale poursuivis par la tarification.

5.      Absence de caractère manifestement non nécessaire

88.      Il convient ensuite d’examiner si le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté applicable aux marchandises relevant du code NC 2003 10 30 est manifestement dépourvu de caractère nécessaire. S’agissant de l’examen du caractère nécessaire, il faut rechercher si, alternativement à la mesure en cause, d’autres mesures appropriées, moins contraignantes pour les intéressés, existent afin de réaliser l’objectif poursuivi, tout en le réalisant avec la même efficacité. En raison du vaste pouvoir d’appréciation des institutions communautaires, l’examen porte sur le point de savoir si une mesure alternative moins contraignante existe, mais doit être limité à un examen du caractère manifeste (37).

89.      La mesure devant être examinée est la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. Ce niveau est conforme au montant convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC. Se pose donc, en premier lieu, la question de savoir si les objectifs de politique agricole et de politique commerciale poursuivis auraient pu être réalisés avec la même efficacité en convenant d’un montant plus bas (a). En deuxième lieu, il faut examiner si le fait pour la Communauté de fixer de manière unilatérale dans le TDC un droit de douane spécifique inférieur au taux maximal convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC n’aurait pas représenté un moyen moins contraignant pour réaliser les objectifs de politique agricole et de politique commerciale de la Communauté (b). En troisième lieu, il convient d’examiner si une adaptation du niveau du droit de douane spécifique en fonction des différentes catégories de qualité constituerait une mesure moins contraignante (c). En quatrième lieu, il faut analyser l’argument du demandeur au principal selon lequel un système renforcé de subvention des producteurs communautaires serait une mesure moins contraignante (d).

a)      Accord dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC sur un taux de droit de douane inférieur à 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté

90.      Tout d’abord, se pose la question de savoir si la Communauté aurait pu atteindre ses objectifs de politique agricole et de politique commerciale avec la même efficacité si elle avait convenu d’un taux de droit de douane inférieur à 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté dans ses listes de concessions auprès de l’OMC.

91.      À mon avis, il convient de répondre par la négative à cette question.

92.      Premièrement, il faut observer que la perception d’un droit de douane spécifique à un niveau rendant peu attractives sur le plan économique les importations de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers réalisées hors du contingent prévu doit être considérée comme nécessaire au regard de l’objectif de politique agricole visant à limiter les distorsions du marché communautaire résultant des importations excessives de pays tiers (38).

93.      Deuxièmement, il faut prendre en considération le fait que la détermination du niveau du droit de douane spécifique à partir duquel les importations en provenance de pays tiers sont rendues peu attractives sur le plan économique implique un examen complexe. Par conséquent, une grande marge d’appréciation doit être reconnue aux institutions communautaires à cet effet (39). Cela vaut, à plus forte raison, lorsqu’il s’agit non pas de fixer un droit de douane spécifique, mais de convenir d’un taux de droit de douane maximal dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC. Un tel taux de droit de douane maximal ne peut en effet pas être dépassé par la Communauté et présente un caractère permanent (40), s’appliquant, en vertu du principe de la nation la plus favorisée, conformément à l’article 1er du GATT 1947, aux importations de tous les membres de l’OMC. En conséquence, les institutions communautaires compétentes doivent, dans le cadre de la négociation d’un tel taux de droit de douane maximal, rechercher ex ante dans quelle mesure un droit de douane spécifique, qui peut au maximum atteindre le taux de droit de douane maximal convenu, est apte à enrayer l’importation de conserves de champignons de couche dans la Communauté hors du contingent prévu même en cas de fluctuations des prix.

94.      Troisièmement, il convient de rappeler que la Cour considère qu’un prélèvement variable ne présente plus le caractère nécessaire lorsqu’il est si élevé qu’il a non seulement pour effet de rendre l’importation de conserves de champignons de couche peu attractive sur le plan économique, mais qu’il a, en outre, de facto l’effet d’une interdiction à l’importation assortie d’une pénalisation économique (41).

95.      Même si cette thèse devait être étendue au niveau du taux de droit de douane maximal convenu, les critères appliqués par la Cour aux prélèvements agricoles variables ne peuvent être purement et simplement transposés à un taux de droit de douane maximal convenu conventionnellement dans le cadre de l’OMC. En particulier, en raison de son application générale et permanente, un taux de droit de douane maximal convenu ne peut pas être considéré comme non nécessaire du seul fait qu’il n’a pas suffisamment pris en considération les différences qui existaient à une date déterminée entre les prix des produits communautaires et les prix pour les importations provenant d’un certain État membre de l’OMC. L’accord sur un tel droit de douane maximal ne pourrait être considéré comme étant manifestement non nécessaire au regard des objectifs de politique agricole que si, en prenant aussi en considération les importations potentielles provenant d’autres États membres de l’OMC et les possibles fluctuations des prix, ce droit de douane maximal excédait ce qui est nécessaire pour enrayer les importations en provenance de pays tiers hors du contingent prévu afin de protéger l’industrie communautaire.

96.      Au regard de ces considérations, je ne vois aucune raison en l’espèce pour conclure que l’accord sur un droit de douane maximal de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC n’était manifestement pas nécessaire. La Commission et le Conseil précisent qu’ils ont dû tenir compte de variations parfois considérables des prix des conserves de champignons de couche tant au sein qu’en dehors de la Communauté. Ils expliquent ensuite que l’accord sur un droit de douane maximal de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté était nécessaire pour empêcher que la production communautaire ne soit étouffée sous la pression des importations en provenance de pays tiers. Je ne vois aucun élément dans le dossier me permettant de conclure que cette position était manifestement erronée au moment des négociations qui ont eu lieu dans le cadre du cycle de l’Uruguay.

97.      Cette position des institutions communautaires apparaît au contraire confirmée par une analyse a posteriori. Cela ressort des données concernant le marché produites par la Commission. Le schéma sur les tendances de prix, joint par la Commission en annexe 3 de ses observations écrites, laisse ainsi apparaître que, au cours des années 2004 et 2005, la différence entre les prix moyens des conserves de champignons de couche importées de la République populaire de Chine et les prix de revente moyens des conserves de champignons de couche en provenance de la Communauté était parfois si importante que l’importation dans la Communauté de conserves de champignons de couche en provenance de la République populaire de Chine n’était pas sans attrait sur le plan économique, même avec la perception du droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté.

98.      Cela est confirmé par les données figurant à l’annexe 4 jointe aux observations écrites de la Commission, selon lesquelles les conserves de champignons en provenance de la République populaire de Chine sont non seulement importées dans la Communauté dans le cadre du contingent prévu par le règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée, mais également dans une mesure considérable en dehors de ce contingent. Selon ces données, le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté n’était, pour le moins dans certains cas, pas suffisamment élevé pour rendre peu attractive sur le plan économique l’importation de conserves de champignons en provenance de la République populaire de Chine dans la Communauté hors du contingent prévu. Dans ces circonstances, il est encore plus difficile de soutenir que le niveau du droit de douane spécifique a déjà atteint le seuil au-delà duquel il pourrait avoir l’effet d’une interdiction à l’importation assortie d’une pénalisation économique.

99.      Même si, pour apprécier la légalité d’une mesure, c’est la date de son entrée en vigueur qui doit être retenue, le développement du marché des conserves de champignons de couche porte à croire que les institutions communautaires n’ont pas excédé les limites de leur vaste pouvoir d’appréciation en fixant, dans le cadre de l’OMC, le taux de droit de douane maximal de la Communauté à 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté. L’accord sur un taux de droit de douane de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC ne peut donc pas être considéré comme n’étant manifestement pas nécessaire au regard des objectifs de politique agricole poursuivis pour protéger les producteurs communautaires d’importations excessives de conserves de champignons de couche en provenance de pays tiers.

b)      Application d’un droit de douane spécifique inférieur au taux maximal convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC

100. Lors de la procédure orale, le Conseil et la Commission ont confirmé que le droit de douane spécifique a été fixé à 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté dans le TDC car cela correspond au taux de droit de douane convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC. Aucun autre critère n’a été pris en compte.

101. Se pose donc la question de savoir si la fixation d’un droit de douane spécifique fixe de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté doit être considérée comme n’étant manifestement pas nécessaire, en raison du fait que les institutions communautaires n’ont pas limité le droit de douane spécifique au montant nécessaire, au regard des différences de prix existant entre les conserves de champignons de couche provenant de la République populaire de Chine et celles provenant de la Communauté, pour atteindre l’objectif de politique agricole consistant à réduire les distorsions du marché communautaire résultant d’importations excessives de pays tiers.

102. Certes, le caractère nécessaire du droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté ne peut pas être justifié par le fait que la Communauté s’est seulement bornée à respecter ses engagements auprès de l’OMC en appliquant un droit de douane spécifique de ce niveau. Les taux de droit de douane convenus dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC ne sont en effet que des taux de droit de douane maximaux. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous a), du GATT 1947, la Communauté ne peut certes pas modifier ce taux de droit de douane à la hausse, mais elle le peut à la baisse (42).

103. En outre, le caractère nécessaire d’un droit de douane de ce niveau ne peut pas non plus se trouver justifié par le fait que les membres de l’OMC dans le cadre du cycle de l’Uruguay ne s’y sont pas opposés. En effet, cette circonstance ne peut, en soi, avoir d’influence sur la question de la compatibilité du niveau du taux de droit de douane spécifique avec le principe de proportionnalité en droit communautaire (43).

104. Par ailleurs, le fait que, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2658/87, la Commission n’ait pas compétence pour modifier de manière autonome les tarifs douaniers ne peut être invoqué avec succès en tant qu’argument pour démontrer le caractère nécessaire d’un droit de douane de ce niveau. Le principe de proportionnalité doit, en effet, être aussi respecté par le législateur communautaire qui doit, le cas échéant, conférer les compétences correspondantes aux institutions communautaires.

105. Une approche basée exclusivement sur la définition du niveau du droit de douane spécifique le rendant nécessaire au regard des objectifs de politique agricole ne prendrait cependant pas suffisamment en compte le fait que le droit de douane spécifique poursuit aussi des objectifs de politique commerciale. Le droit de douane spécifique ne peut donc être considéré comme non nécessaire que dans le cas où des mesures alternatives permettaient également de réaliser tous les objectifs de politique commerciale avec la même efficacité (44). Or, en réduisant unilatéralement le taux maximal convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC, la Communauté ne pourrait pas poursuivre ses objectifs de politique commerciale avec la même efficacité.

106. Tout d’abord, une méthode alternative, permettant d’adapter le niveau du droit de douane spécifique variable en fonction de la différence de prix entre les conserves de champignons de couche en provenance de la Communauté et celles en provenance de la République populaire de Chine ne constituerait rien d’autre qu’un prélèvement variable incompatible avec l’article 4, paragraphe 2, de l’accord sur l’agriculture. Elle porterait atteinte à l’objectif de politique commerciale qui consiste à interdire les prélèvements variables pour organiser les conditions d’accès au marché de façon plus transparente et prévisible (45).

107. Toutefois, il est vrai qu’on pourrait concevoir une méthode en vertu de laquelle le droit de douane spécifique aurait certes, en principe, un niveau fixe, mais serait périodiquement modifié en tenant compte de la différence entre les prix des conserves de champignons de couche en provenance de la Communauté et celles en provenance de pays tiers. Il n’est cependant pas nécessaire de rechercher, en définitive, si une telle approche serait compatible avec l’article 4, paragraphe 2, de l’accord sur l’agriculture (46). En effet, elle ne permettrait pas de réaliser les objectifs de politique commerciale de la Communauté avec une efficacité comparable.

108. En premier lieu, une telle approche pourrait s’avérer être lourde, car elle impliquerait que les institutions communautaires comparent les prix dans la Communauté avec les prix des importations en provenance de tous les membres de l’OMC d’où des conserves de champignons pourraient potentiellement être importées dans la Communauté. En vertu du principe de la nation la plus favorisée figurant à l’article 1er du GATT 1947, il ne serait, en outre, pas permis de fixer le droit de douane spécifique à un niveau à chaque fois différent à l’égard de chaque membre de l’OMC (47). Pour cette raison, une approche où le niveau du taux de droit de douane spécifique tient spécialement compte des différences de prix dans certains membres de l’OMC ne peut être, a priori, suivie.

109. En deuxième lieu, une baisse unilatérale du droit de douane maximal convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC aurait pour effet que la Communauté octroie aux opérateurs économiques d’autres membres de l’OMC un accès au marché agricole de la Communauté, sans qu’il soit garanti que les autres membres de l’OMC octroient dans le même temps, en contrepartie, un accès à leurs marchés aux opérateurs économiques de la Communauté. Comme le Conseil et la Commission le notent à juste titre, il pourrait être difficile pour la Communauté de négocier a posteriori une compensation correspondante en contrepartie d’un abaissement unilatéral du droit de douane maximal convenu, intervenu en dehors d’un cycle de négociation. Un abaissement unilatéral menacerait donc l’objectif de politique commerciale de négocier, en vertu de la doctrine do ut des, des avantages au bénéfice des opérateurs économiques communautaires en matière d’accès aux marchés des autres membres de l’OMC.

110. Il peut certes être objecté à ces craintes que, en l’espèce, il n’est pas exigé d’octroyer aux opérateurs économiques des autres membres de l’OMC un accès au marché agricole communautaire par la réduction du niveau du droit de douane spécifique. Au contraire, le principe de proportionnalité exige uniquement qu’aucun droit de douane spécifique ne soit prélevé à un niveau allant largement au-delà de ce qui est nécessaire pour supprimer l’attrait économique que les importations présentent.

111. Cette objection de nature théorique et abstraite n’est toutefois pas convaincante en pratique. Comme cela a été exposé plus haut, le marché des conserves de champignons de couche se caractérise par de fortes fluctuations des prix (48). Cela a pour conséquence que le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté produit des effets différents selon l’ampleur des variations de prix. Ainsi, le droit de douane peut, dans certaines circonstances, atteindre, voire excéder, le niveau nécessaire pour rendre les importations dans la Communauté peu attractives, mais il peut également rester en deçà de ce seuil et donc rendre l’accès au marché communautaire attractif sur un plan économique. En raison de ces fortes fluctuations des prix, on ne peut donc pas exclure que la fixation unilatérale, pour une période donnée, d’un droit de douane spécifique inférieur au niveau du droit de douane maximal convenu de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté ne rende l’accès au marché attractif sur le plan économique pour des opérateurs d’autres membres de l’OMC, sans aucune garantie d’obtenir en compensation des autres membres de l’OMC un accès correspondant à leurs marchés au bénéfice des opérateurs économiques communautaires.

112. En conclusion, il convient de constater que l’application unilatérale d’un droit de douane spécifique d’un niveau inférieur au taux de droit de douane maximal convenu dans les listes de concessions de la Communauté auprès de l’OMC n’apparaît pas être un moyen moins contraignant. Cette solution ne serait pas apte à réaliser les objectifs de politique commerciale de la Communauté avec une efficacité comparable.

c)      Adaptation du niveau du droit de douane spécifique en fonction des catégories de qualité

113. Enfin, la juridiction de renvoi fait également observer que le taux de droit de douane spécifique ne prévoit aucune différenciation selon les différentes catégories de qualité de champignons de couche. Se pose donc la question de savoir si le droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté doit être considéré comme n’étant manifestement pas nécessaire, en raison du fait qu’il ne différencie pas les conserves de champignons de couche en fonction de catégories de qualité distinctes.

114. À mon avis, il convient de répondre par la négative à cette question aussi.

115. Il convient au préalable de relever qu’un droit de douane ne saurait être considéré comme étant disproportionné au seul motif qu’il prévoit un taux fixe applicable à différentes catégories de qualité du même produit. La question de savoir si un taux fixe est nécessaire dépend d’une série de circonstances et notamment de la question de savoir si celui-ci est apte à réaliser les objectifs avec efficacité (49).

116. En l’espèce, l’application d’un taux fixe n’apparaît pas comme étant manifestement non nécessaire.

117. Premièrement, le Conseil souligne que des effets de substitutions existent entre les différentes catégories de qualité de conserves de champignons. Si la Communauté prélevait un droit de douane à chaque fois différent en fonction de chaque catégorie de qualité, les importateurs seraient alors incités, lors de l’importation, à indiquer une catégorie de qualité inférieure à la réalité afin de bénéficier d’un taux de droit de douane plus bas. Il faudrait remédier à cela par un renforcement des contrôles, ce qui alourdirait le travail des autorités douanières.

118. Deuxièmement, une différenciation unilatérale en fonction des différentes catégories de qualité de conserves de champignons de couche, opérée par la Communauté ne serait, de la même manière, pas apte à la poursuite de ses objectifs de politique commerciale. Comme cela a déjà été exposé plus haut (50), du fait des fortes fluctuations des prix des conserves de champignons, on ne peut pas exclure que l’application d’un droit de douane plus bas sur les conserves de champignons de couche de qualité moindre non seulement ramène le droit de douane spécifique à un niveau rendant l’importation de conserves de champignons peu attractives sur le plan économique, mais puisse aussi avoir un impact plus fort. Elle rendrait alors l’importation de conserves de champignons de couche intéressante sur le plan économique et améliorerait ainsi l’accès au marché communautaire. Il pourrait cependant être très difficile pour la Communauté de négocier une compensation correspondante en contrepartie d’une telle amélioration de l’accès à son marché, concédée unilatéralement en dehors d’un cycle de négociations, auprès des autres membres de l’OMC.

119. Une classification en fonction des catégories de qualité ne peut donc pas apparaître comme étant manifestement un moyen moins contraignant pour réaliser les objectifs de politique commerciale de la Communauté.

d)      Un système de subvention plus important des producteurs communautaires

120. Enfin, il convient également de rejeter l’argument du demandeur au principal selon lequel davantage de subventions pour les producteurs communautaires apparaîtrait comme un moyen moins contraignant. Indépendamment de la question de la compatibilité d’une telle mesure avec l’accord sur l’agriculture, il faut noter qu’une mesure alternative propre à entraîner une charge financière considérable pour la Communauté ne peut tout simplement pas être considérée comme une mesure moins contraignante.

e)      Conclusion

121. Pour conclure sur ce point, il convient donc de constater qu’il n’existe apparemment pas, en l’espèce, de moyen manifestement moins contraignant que l’application d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté pour poursuivre les objectifs de politique agricole et de politique commerciale.

6.      Absence de caractère manifestement démesuré

122. Enfin, la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté ne peut pas non plus être considérée comme étant manifestement démesurée. L’application de ce droit de douane peut certes représenter une charge considérable pour un importateur. Cependant, dans un cas comme celui de l’espèce, le fait de donner la priorité aux objectifs de politique commerciale de la Communauté ne peut pas être considéré comme étant manifestement démesuré. D’une part, les avantages significatifs en matière de politique commerciale ayant pu être réalisés par la tarification des barrières commerciales doivent, en effet, être pris en considération (51). D’autre part, il ne peut être ignoré que, dans tous les cas, un importateur prudent n’importera des marchandises dans la Communauté que si cela est pour lui rentable économiquement. Pour cette raison, ce seront surtout les importateurs donnant intentionnellement ou par erreur des informations fausses ou inexactes sur les marchandises importées qui seront affectés. Indépendamment de la question de savoir s’il s’agit d’une opération intentionnelle ou d’une erreur, il ne m’apparaît pas manifestement démesuré de donner la priorité aux objectifs de politique commerciale de la Communauté dans un tel cas de figure.

C –    Conclusion générale

123. L’examen n’a fait ressortir aucun élément étayant la thèse selon laquelle la perception d’un droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté de conserves de champignons de couche, importées dans la Communauté hors du contingent ouvert par le règlement n° 1864/2004, violerait le principe de proportionnalité.

124. En complément, il faut souligner que le niveau du droit de douane ad valorem s’élève non pas à 18,4 %, comme la juridiction de renvoi le suppose, mais à 14,9 % (52).

VII – Conclusion

125. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre ainsi à la question de la juridiction de renvoi:

«L’examen du taux de droit de douane spécifique de 222 euros par 100 kilogrammes de poids net égoutté, applicable en vertu du règlement (CE) n° 1719/2005 de la Commission, du 27 octobre 2005, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, prélevé sur les importations de champignons conservés du genre Agaricus (position NC 2003 10 30), en dehors du contingent ouvert par le règlement (CE) n° 1864/2004 de la Commission, du 26 octobre 2004, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons importées de pays tiers, dans sa version modifiée par le règlement (CE) n° 1995/2005 de la Commission, du 7 décembre 2005, n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter sa validité au regard du principe de proportionnalité.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Conformément au traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JO C 306, p. 1), la procédure de demande de décision préjudicielle est désormais régie par l’article 267 TFUE.


3 – Voir arrêts du 15 juillet 1982, Edeka Zentrale (245/81, Rec. p. 2745); du 12 avril 1984, Wünsche (345/82, Rec. p. 1995); du 16 octobre 1991, Werner Faust (C‑24/90, Rec. p. I-4905); du 16 octobre 1991, Wünsche (C-25/90, Rec. p. I-4939); du 16 octobre 1991, Wünsche (C‑26/90, Rec. p. I-4961); du 4 juillet 1996, Hüpeden (C-295/94, Rec. p. I-3375), et Pietsch (C‑296/94, Rec. p. I-3409).


4 – JO L 336, p. 1.


5 – JO L 336, p. 20.


6 – JO L 336, p. 22.


7 –      Voir décision 2006/398/CE du Conseil, du 20 mars 2006, relative à la conclusion d’un accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, et de l’article XXVIII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 concernant la modification de concessions dans les listes d’engagements de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, dans le cadre de leur adhésion à l’Union européenne (JO L 154, p. 22).


8 –      Il sera fait usage de la notion de droit communautaire dans les présentes conclusions, dans la mesure où, ratione temporis, c’était encore le droit communautaire, et non le droit de l’Union, qui s’appliquait.


9 – JO L 256, p. 1.


10 – JO L 28, p. 16.


11 – JO L 286, p. 1.


12 – JO L 325, p. 30.


13 – JO L 320, p. 34.


14 – JO L 169, p. 1.


15 – Précité (précité à la note 3).


16 – Précité (précité à la note 3).


17 – JO L 193, p. 1.


18 – Arrêts précités du 12 avril 1984, Wünsche; Werner Faust; du 16 octobre 1991, Wünsche (C‑25/90); du 16 octobre 19991, Wünsche (C-26/90); Hüpeden, et Pietsch (cités à la note 3).


19 – Arrêts précités Werner Faust (précité à la note 3, point 19); du 16 octobre 1991, Wünsche (C-25/90, précité à la note 3, point 20); du 16 octobre 1991, Wünsche (C‑26/90, précité à la note 3, point 20); Hüpeden (précité à la note 3, point 19), et Pietsch (précité à la note 3, point 22).


20 – Arrêt Pietsch, précité (précité à la note 3, points 26 et suiv.).


21 – Arrêts précités Werner Faust (précité à la note 3, points 23 et 28); du 16 octobre 1991, Wünsche (C-25/90, précité à la note 3, points 24 et 29); du 16 octobre 1991, Wünsche (C‑26/90, précité à la note 3, points 24 et 29); Hüpeden (précité à la note 3, point 26), et Pietsch (précité à la note 3, points 29 et 34).


22 – Arrêt Pietsch, précité (précité à la note 3, point 34).


23 – Arrêt Pietsch, précité (précité à la note 3, point 29).


24 – Arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, Rec. p. 2237, point 21); arrêts précités Werner Faust (précité à la note 3, point 12); du 16 octobre 1991, Wünsche (C-25/90, précité à la note 3, point 13); du 16 octobre 1991, Wünsche (C‑26/90, précité à la note 3, point 13); Hüpeden (précité à la note 3, point 14), et Pietsch (précité à la note 3, point 15).


25 – Voir points 19 à 22 des présentes conclusions.


26 – Voir septième et dixième considérants du règlement n° 1864/2004 dans sa version modifiée.


27 – Geboye Desta, M., The Law of International Trade in Agricultural Products, Kluwer Law International, 2002, p. 9, souligne que l’acquis le plus significatif de l’accord sur l’agriculture est qu’il existe désormais un degré suffisant de sécurité, de prévisibilité et de primauté du droit dans les relations internationales relatives au domaine agricole.


28 – Voir McMahon, J., The WTO Agreement on Agriculture, Oxford University Press, 2006, p. 33, qui fait observer que la tarification constitue véritablement l’aspect le plus important de tout l’accord sur l’agriculture parce que les mesures tarifaires sont plus transparentes et plus faciles à négocier.


29 – Arrêts du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale (C-351/04, Rec. p. I-7723, point 40), ainsi que du 14 mai 2009, Azienda Agricola Disarò Antonio e.a. (C-34/08, Rec. p. I-4023, point 76).


30 – S’agissant de la politique agricole commune, voir arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a. (C‑189/01, Rec. p. I-5689, point 83); du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C-310/04, Rec. p. I-7285, point 99), ainsi que du 11 juin 2009, Agrana Zucker (C‑33/08, Rec. p. I‑5035 point 33). Pour les autres domaines, voir, en particulier, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C-491/01, Rec. p. I-11453, point 123); du 14 décembre 2004, Arnold André (C‑434/02, Rec. p. I-11825, point 46); Swedish Match (C‑210/03, Rec. p. I-11893, point 48); du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C-155/04, Rec. p. I-6451, point 52); du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a. (C-558/07, non encore publié au Recueil, point 42), ainsi que du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (C-58/08, non encore publié au Recueil, point 52).


31 – Voir points 62 et suivants de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Azienda Agricola Disarò Antonio e.a., précité (précité à la note 29), et points 65 à 72 de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker, (C‑365/08, Rec. p. I‑4341). Voir, aussi, Mosbrucker, A.-L., «Contrôle du système des quotas laitiers», Europe, Revue mensuelle NexisLexis Jurisclasseur, juillet 2009, p. 16, qui confirme l’approche en trois étapes et critique la réduction du contrôle au caractère manifestement inapproprié.


32 – Voir, notamment, arrêt Vodafone e.a., précité (précité à la note 30, points 51 et suiv.), dans lequel la Cour a examiné les éléments du caractère nécessaire aux points 61 à 68, et le caractère non démesuré de la mesure au point 69; arrêts précités Agrana Zucker (précité à la note 30, point 42), ainsi que British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (précité à la note 30, points 126 et suiv.). Voir, également, Koch, O., Der Grundsatz der Verhältnismäßigkeit in der Rechtsprechung des Gerichtshofs der Europäischen Gemeinschaften, Berlin, 2003, p. 212, qui souligne que pratiquement tous les arrêts, dans lesquels la Cour semblait avoir réduit son contrôle au «caractère inapproprié», avaient examiné les éventuelles mesures alternatives, motivant parfois longuement pour quelles raisons ces mesures n’étaient pas préférables. Selon cet auteur, la notion de «caractère manifestement inapproprié» est ainsi simplement un synonyme d’une plus faible intensité du contrôle dans le cadre du contrôle de proportionnalité en plusieurs étapes. En ce sens également, voir aussi «Die Kontrolle der Verhältnismäßigkeit durch den Europäischen Gerichtshof», Europarecht 2000, p. 380, points 398 et suiv., qui observe que la Cour ne donne à sa propre formule, selon laquelle, dans les domaines en cause, le contrôle de proportionnalité doit se restreindre à un contrôle du caractère manifestement inapproprié, pas le sens qu’elle semble avoir à première vue. D’après ce dernier auteur, il ressort, au contraire, clairement des décisions concernées que le pouvoir d’appréciation du législateur communautaire ne limite pas la proportionnalité au caractère manifestement inapproprié, mais que l’ensemble du contrôle de proportionnalité se limite aux erreurs manifestes. Voir aussi Zatschler, C., «Finding facts», European Advocate, printemps 2010, p. 11 et suiv., qui souligne qu’un pouvoir d’appréciation a une incidence sur l’intensité du contrôle, mais pas sur la structure du contrôle de proportionnalité.


33 – Voir jurisprudence citée aux points 58 à 64.


34 – Voir point 80 des présentes conclusions.


35 – Voir point 75 des présentes conclusions.


36 – Cela doit être distingué de la question de savoir si cela est également justifié au regard des charges supplémentaires ainsi impliquées pour les opérateurs économiques concernés. Cette question doit être examinée dans le cadre du caractère approprié de la mesure, voir point 122 des présentes conclusions.


37 – Voir points 66 et 80 des présentes conclusions.


38 – Voir point 59 des présentes conclusions.


39 – Voir point 62 des présentes conclusions.


40 – En l’espèce, la clause de sauvegarde de l’article 5 de l’accord sur l’agriculture ne peut, en particulier, être invoquée étant donné que les marchandises du code NC 2003 10 30 ne sont pas désignées par le symbole «SSG».


41 – Voir point 63 des présentes conclusions.


42 – Voir Geboye Desta, M., op. cit., p. 21, qui précise qu’il est possible en droit du commerce international de réviser à la baisse les droits de douane convenus.


43 – Arrêt Hüpeden, précité (précité à la note 3, point 36).


44 – Voir point 59 et jurisprudence citée des présentes conclusions.


45 – Voir points 232 à 234 du rapport de l’organe d’appel de l’OMC («Appellate Boby») du 23 septembre 2002, Chile – Price Band System, WT/DS207/AB/R.


46 – Au point 232 du rapport précité à la note 45, il est précisé que le seul fait que les droits de douane soient périodiquement adaptés n’implique pas nécessairement qu’il faille les qualifier de prélèvements à l’importation variables au sens de la note 1 afférente à l’article 4, paragraphe 2, de l’accord sur l’agriculture. Au contraire, le point 233 de ce rapport se base sur le fait que le taux de droit de douane varie automatiquement conformément à un dispositif ou une formule.


47 – Voir Geboye Desta, M., op. cit., p. 23, qui attire l’attention sur le fait que les avantages octroyés à un État membre sont universalisés par le principe de la nation la plus favorisée.


48 – Voir points 97 et suivants des présentes conclusions.


49 – Voir arrêt du 11 février 1988, The National Dried Fruit Trade Association (77/86, Rec. p. 757, point 29).


50 – Voir points 109 à 112 des présentes conclusions.


51 – Voir OECD, The Uruguay Round Agreement on Agriculture, A preliminary Evaluation of the Impacts of the Agreement on Agriculture in OECD Countries, Paris, 1995, p. 29.


52 – Voir sur ce point les règles exposées aux points 19 à 22 et 70 des présentes conclusions.