Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑541/08,

Sasol, établie à Rosebank (Afrique du Sud),

Sasol Holding in Germany GmbH, établie à Hambourg (Allemagne),

Sasol Wax International AG, établie à Hambourg,

Sasol Wax GmbH, établie à Hambourg,

représentées par M es  W. Bosch, U. Denzel et C. von Köckritz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de M e  M. Gray, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1 er  octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’amende infligée aux requérantes ou de réduction de son montant,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, M me  I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits à l’origine du litige

1. Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

1. Par la décision C (2008) 5476 final, du 1 er  octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les requérantes, Sasol Wax GmbH, Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol (ci-après « Sasol Ltd ») (ci-après, les requérantes prises ensemble, « Sasol »), avaient, avec d’autres entreprises, enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant à une entente sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE et sur le marché allemand du gatsch.

2. Les destinataires de la décision attaquée sont, outre Sasol, les sociétés suivantes : l’ENI SpA, Esso Deutschland GmbH, Esso Société anonyme française, ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et Exxon Mobil Corp. (ci-après, prises ensemble, « ExxonMobil »), H & R ChemPharm GmbH, la H & R Wax Company Vertrieb GmbH et Hansen & Rosenthal KG (ci-après, prises ensemble, « H & R »), Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG, MOL Nyrt., Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA, Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA (ci-après, prises ensemble, « Repsol »), Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, la Shell International Petroleum Company Ltd, The Shell Petroleum Company Ltd, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Ltd (ci-après, prises ensemble, « Shell »), RWE Dea AG et RWE AG (ci-après, prises ensemble, « RWE »), ainsi que Total SA et Total France SA (ci-après, prises ensemble, « Total ») (considérant 1 de la décision attaquée).

3. Les cires de paraffine sont fabriquées en raffinerie à partir de pétrole brut. Elles sont utilisées pour la production de produits tels que des bougies, des produits chimiques, des pneus et des produits automobiles, ainsi que pour les industries du caoutchouc, de l’emballage, des adhésifs et du chewing-gum (considérant 4 de la décision attaquée).

4. Le gatsch est la matière première nécessaire à la fabrication de cires de paraffine. Il est produit dans les raffineries en tant que sous-produit de la production d’huiles de base à partir de pétrole brut. Il est également vendu aux clients finaux, par exemple aux producteurs de panneaux de particules (considérant 5 de la décision attaquée).

5. La Commission a commencé son enquête après que Shell Deutschland Schmierstoff l’a informée, par lettre du 17 mars 2005, de l’existence d’une entente en la saisissant d’une demande d’immunité en vertu de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») (considérant 72 de la décision attaquée).

6. Les 28 et 29 avril 2005, la Commission a procédé, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n o  1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des vérifications sur place dans les locaux de « H & R/Tudapetrol », de l’ENI, de MOL, ainsi que dans ceux appartenant aux sociétés des groupes Sasol, ExxonMobil, Repsol et Total (considérant 75 de la décision attaquée).

7. Entre le 25 et le 29 mai 2007, la Commission a adressé une communication des griefs à chacune des sociétés figurant au point 2 ci-dessus, donc également aux requérantes (considérant 85 de la décision attaquée). Par lettre du 13 août 2007, Sasol Wax et Sasol Wax International ont conjointement répondu à la communication des griefs. Par une lettre du même jour, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ont également répondu conjointement à la communication des griefs.

8. Les 10 et 11 décembre 2007, la Commission a organisé une audition à laquelle les requérantes ont participé (considérant 91 de la décision attaquée).

9. Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les destinataires, constituant la majorité des producteurs de cires de paraffine et de gatsch au sein de l’EEE, avaient pris part à une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui couvrait le territoire de l’EEE. Cette infraction consistait en des accords ou en des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant les cires de paraffine (ci-après le « volet principal de l’infraction »). En ce qui concerne RWE (par la suite Shell), ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol et Total, l’infraction affectant les cires de paraffine concernait également la répartition de clients ou de marchés (ci-après le « deuxième volet de l’infraction »). En outre, l’infraction commise par RWE, ExxonMobil, Sasol et Total portait également sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand (ci-après le « volet gatsch de l’infraction ») (considérants 2, 95, 328 et article 1 er de la décision attaquée).

10. Les pratiques infractionnelles se sont matérialisées lors de réunions anticoncurrentielles appelées « réunions techniques » ou parfois réunions « Blauer Salon » par les participants et lors des « réunions gatsch » dédiées spécifiquement aux questions relatives au gatsch.

11. Les amendes infligées en l’espèce ont été calculées sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n o  1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), en vigueur au moment de la notification de la communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus.

12. La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à partir du 1 er  janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur des cires de paraffine dans le marché commun et, à partir du 1 er  janvier 1994, dans l’EEE :

[…]

Sasol Wax GmbH : du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005 ;

Sasol Wax International AG : du 1 er  mai 1995 au 28 avril 2005 ;

Sasol Holding in Germany GmbH : du 1 er  mai 1995 au 28 avril 2005 ;

Sasol [Ltd] : du 1 er  mai 1995 au 28 avril 2005 ;

[…]

En ce qui concerne les entreprises suivantes, l’infraction concerne également, pour les périodes indiquées, le gatsch vendu à des clients finals sur le marché allemand :

[…]

Sasol Wax GmbH : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol Wax International AG : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol Holding in Germany GmbH : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol [Ltd] : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1 er  :

ENI SpA : 29 120 000 EUR ;

Esso Société anonyme française : 83 588 400 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et ExxonMobi1 Corporation pour 34 670 400 EUR dont conjointement et solidairement avec Esso Deutschland GmbH pour 27 081 600 EUR ;

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG : 12 000 000 EUR ;

Hansen & Rosenthal KG conjointement et solidairement avec H & R Wax Company Vertrieb GmbH : 24 000 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

H & R ChemPharm GmbH pour 22 000 000 EUR ;

MOL Nyrt. : 23 700 000 EUR ;

Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA conjointement et solidairement avec Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA : 19 800 000 EUR ;

Sasol Wax GmbH : 318 200 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol [Ltd] pour 250 700 000 EUR ;

Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, Shell International Petroleum Company Limited, the Shell Petroleum Company Limited, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Limited : 0 EUR ;

RWE-Dea AG conjointement et solidairement avec RWE AG : 37 440 000 EUR ;

Total France SA conjointement et solidairement avec Total SA : 128 163 000 EUR. »

2. Sur la structure du groupe Sasol et de Vara et sur l’imputation de la responsabilité aux sociétés mères dans la décision attaquée

13. Au considérant 449 de la décision attaquée, la Commission a d’abord identifié, en ce qui concernait le groupe Sasol, la société directement responsable de l’infraction. Ainsi, elle a conclu que parmi les personnes participant aux réunions techniques figuraient des employés de Hans-Otto Schümann GmbH & Co. KG (ci-après « HOS »), et ce depuis le début de l’infraction, le 3 septembre 1992, jusqu’au 30 avril 1995. Du 1 er  mai 1995 au 31 décembre 2002, il s’agissait ensuite de Schümann Sasol GmbH & Co. KG, devenue en 2000 Schümann Sasol GmbH (ci-après, prises ensemble, « Schümann Sasol »). À compter du 1 er  janvier 2003, l’employeur des employés en cause était Sasol Wax.

14. Dès lors, au considérant 452 de la décision attaquée, Sasol Wax, successeur de HOS et de Schümann Sasol, était tenue pour responsable de l’infraction en tant que participante directe à celle-ci pour la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

15. La Commission a également examiné l’évolution dans le temps de la détention du capital de HOS, de Schümann Sasol et de Sasol Wax. Elle a distingué trois périodes à cet égard (considérant 454 de la décision attaquée).

16. S’agissant de la première période, allant du 3 septembre 1992 au 30 avril 1995 (ci-après la « période Schümann »), la Commission a constaté que HOS était ultimement contrôlée par M. Schümann en personne, à travers Vara Holding GmbH & Co. KG (ci-après « Vara »), qui était l’unique commanditaire de HOS (considérants 450 et 457 de la décision attaquée). Le capital de Vara était détenu majoritairement par M. Schümann, les autres détenteurs étant les membres de sa famille. Dans la décision attaquée, ni Vara ni M. Schümann n’étaient tenus pour responsables de l’infraction commise par HOS.

17. La deuxième période a duré du 1 er  mai 1995 au 30 juin 2002 (ci-après la « période d’entreprise commune »). Le 1 er  mai 1995, Sasol Ltd a acquis les deux tiers de HOS. À la suite d’une réorganisation, HOS est devenue Schümann Sasol et continuait à être la société directement responsable de l’infraction. Schümann Sasol était une filiale à 99,9 % de Schümann Sasol International AG, dont un tiers du capital demeurait détenu par Vara et, ultimement, par la famille Schümann. Deux tiers du capital de Schümann Sasol International étaient détenus par Sasol Holding in Germany, elle-même filiale à 100 % de Sasol Ltd. Au titre de cette période, la Commission a tenu pour solidairement responsables Sasol Wax (en tant que successeur en droit de Schümann Sasol), Sasol Wax International (en tant que successeur en droit de Schümann Sasol International, société mère de Schümann Sasol), Sasol Holding in Germany (en tant que société mère détenant deux tiers du capital de Schümann Sasol International) et Sasol Ltd (en tant que société mère de Sasol Holding in Germany) (considérants 451 et 478 de la décision attaquée). En effet, elle a considéré que les trois dernières avaient exercé une influence déterminante sur Schümann Sasol (point 453 de la décision attaquée). Ni Vara, détentrice d’un tiers du capital de Schümann Sasol International, ni la famille Schümann, propriétaire de Vara, ne se sont vu attribuer la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, qui était alors détenue par Schümann Sasol International (ci-après « Schümann Sasol International » ou l’« entreprise commune »), la société détenue conjointement par Vara et le groupe Sasol.

18. La troisième période a duré du 1 er  juillet 2002 au 28 avril 2005, date de fin de l’infraction (ci-après la « période Sasol »). Le 30 juin 2002, le groupe Sasol a acquis le tiers restant du capital de Schümann Sasol International, jusque-là détenu par Vara. Schümann Sasol, rebaptisée Sasol Wax, demeurait la filiale de Schümann Sasol International, à son tour rebaptisée Sasol Wax International. La totalité du capital de Sasol Wax International était désormais détenue par Sasol Holding in Germany et, ultimement, par Sasol Ltd. Au titre de cette période, la Commission a tenu les quatre requérantes pour conjointement et solidairement responsables de l’infraction commise par Sasol Wax, en estimant que les trois premières requérantes avaient exercé une influence déterminante sur Sasol Wax (points 451 et 453 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

19. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

20. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, il a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

21. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2013.

22. Eu égard aux liens factuels avec les affaires T‑540/08, Esso e.a./Commission, T‑543/08, RWE et RWE Dea/Commission, T‑544/08, Hansen & Rosenthal et H & R Wax Company Vertrieb/Commission, T‑548/08, Total/Commission, T‑550/08, Tudapetrol/Commission, T‑551/08, H & R ChemPharm/Commission, T‑558/08, ENI/Commission, T‑562/08, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission et T‑566/08, Total Raffinage et Marketing/Commission, ainsi qu’à la proximité et à la difficulté des questions juridiques relevées, le Tribunal a décidé de ne mettre en délibéré lesdites affaires connexes qu’à la suite de la dernière audience, c’est-à-dire celle du 3 juillet 2013, tenue dans la présente affaire.

23. Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– à titre principal, annuler la décision attaquée en ce qu’elle les concerne ;

– à titre subsidiaire, annuler l’amende qui leur est infligée dans la décision attaquée ou réduire de manière appropriée son montant ;

– condamner la Commission aux dépens.

24. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours dans son intégralité, y compris les demandes subsidiaires ;

– condamner les requérantes aux dépens.

En droit

25. À l’appui de leur recours, les requérantes avancent sept moyens. Le premier moyen est tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol durant la période de l’entreprise commune. Le deuxième moyen est tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité pour l’infraction commise par Sasol Wax durant la période Sasol. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission n’a pas tenu Vara pour solidairement responsable au titre de la période Schümann et de la période d’entreprise commune. Le quatrième moyen est tiré d’une détermination erronée du montant de base de l’amende. Le cinquième moyen est tiré de la prise en compte erronée du rôle de meneur de Sasol. Le sixième moyen est tiré de l’illégalité du plafonnement indifférencié du montant de l’amende à l’égard des diverses périodes de l’infraction. Le septième moyen est tiré de l’omission illégale d’accorder une immunité totale à Sasol en ce qui concerne certaines parties de l’amende.

1. Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité de l’infraction en ce qui concerne la période de l’entreprise commune

26. Les requérantes estiment que la Commission a erronément conclu que Sasol Ltd, par le biais de Sasol Holding in Germany, sa filiale détenue à 100 %, exerçait seule une influence déterminante sur Schümann Sasol International et a alors erronément imputé à Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International la responsabilité afférente à la période d’entreprise commune. Les liens organisationnels, économiques et juridiques entre Schümann Sasol et lesdites sociétés, sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée, ne soutiendraient pas une telle conclusion.

27. Les requérantes estiment, à titre principal, que Vara, l’autre société mère, a exercé seule une influence déterminante sur Schümann Sasol International durant la période d’entreprise commune. À titre subsidiaire, elles considèrent que cette influence déterminante était exercée conjointement par les deux sociétés mères.

28. La Commission rétorque que Sasol a bien été sanctionnée eu égard à sa propre responsabilité et conformément aux lignes directrices de 2006. En outre, il serait de jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de motiver le fait de ne pas avoir adopté de décision d’infraction adressée à des parties tierces et qu’une entreprise ne peut contester une sanction qui lui a été infligée au motif qu’une autre entreprise a échappé à une amende.

Observations liminaires

29. S’agissant de la responsabilité solidaire d’une société mère pour le comportement de sa filiale ou d’une entreprise commune détenue par elle, il convient de rappeler que la circonstance qu’une filiale ou une entreprise commune a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 132).

30. En effet, le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 54, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, Rec. p. II‑4977, point 53).

31. Le juge de l’Union a également précisé que la notion d’entreprise, dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 55, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T‑234/95, Rec. p. II‑2603, point 124). Il a ainsi souligné que, aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, n’était pas déterminante, ce qui s’imposait étant l’uniformité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux ou plusieurs sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, point 140 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 54).

32. Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 56, et arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 55).

33. Le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, en raison de leur appartenance à la même entreprise, lorsque cette filiale ne définit pas de façon indépendante son comportement sur le marché, parce qu’elle est sous l’influence déterminante de la société mère à cet égard, compte tenu en particulier des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 58, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 527).

34. Le comportement sur le marché de la filiale est sous l’influence déterminante de la société mère notamment dans le cas où la filiale applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère à cet égard (arrêt de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, points 133, 137 et 138 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 27).

35. Le comportement sur le marché de la filiale est, en principe, également sous l’influence déterminante de la société mère lorsque celle-ci ne retient que le pouvoir de définir ou d’approuver certaines décisions commerciales stratégiques, le cas échéant par ses représentants dans les organes de la filiale, tandis que le pouvoir de définir la politique commerciale stricto sensu de la filiale est délégué aux dirigeants chargés de la gestion opérationnelle de celle-ci, choisis par la société mère et qui représentent et promeuvent ses intérêts commerciaux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, Rec. p. II‑5741, points 138 et 139, confirmé par ordonnance de la Cour du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, non publiée au Recueil, point 30).

36. Lorsque l’uniformité du comportement sur le marché de la filiale et de sa société mère est assurée, notamment dans les cas décrits aux points 34 et 35 ci-dessus ou par d’autres liens économiques, organisationnels et juridiques unissant les sociétés en cause, celles-ci font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, selon la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus. Le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 59).

37. La jurisprudence reprise aux points 29 à 36 ci-dessus est également applicable à l’imputation de la responsabilité à une ou à plusieurs sociétés mères pour une infraction commise par leur entreprise commune (arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 52 à 56).

38. C’est à la lumière de ces règles qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes et l’exactitude des constatations contenues dans la décision attaquée à l’égard de l’imputation de la responsabilité de l’infraction en cause aux requérantes pour les agissements de Schümann Sasol et de sa société mère Schümann Sasol International, détenue, durant la période d’entreprise commune, aux deux tiers par Sasol Holding in Germany et à un tiers par Vara.

Décision attaquée

39. Dans la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argumentation des requérantes tendant à démontrer que, durant la période d’entreprise commune, Schümann Sasol International était effectivement contrôlée par Vara. Elle a fondé cette conclusion, en substance, sur les considérations suivantes :

« […]

(471) La Commission considère que Sasol, via sa filiale à 100 % Sasol Holding in Germany GmbH, exerçait une influence déterminante sur Schümann Sasol International.

(472) Comme l’explique Sasol, le [directoire], responsable des activités courantes, était composé d’un représentant de Sasol, d’un représentant de Vara et d’un président. En vertu du règlement du [directoire], ce dernier prend, dans la mesure du possible, ses décisions à l’unanimité ou à la majorité simple. En cas de partage des voix, le président du [directoire] dispose d’une voix prépondérante. Sasol allègue que le président était, pour la plus grande partie de la période d’entreprise commune, un représentant de Vara. À la suite de recherches plus approfondies, la Commission conteste les allégations de Sasol sur ce point. La personne en question devait plus son titre de président à ses connaissances de l’activité et au fait que Sasol aussi souhaitait le voir présider le [directoire] de l’entreprise commune. Il était important pour Sasol, en tant qu’actionnaire majoritaire, de disposer au [directoire] d’une personne qui connaissait déjà les activités antérieures de HOS. La personne en question avait travaillé pour le compte du prédécesseur allemand de Schümann Sasol International et connaissait par conséquent parfaitement le fonctionnement de la société, absorbée par la suite par Sasol. Par ailleurs, à l’époque où la personne en question est devenue président (le 2 mai 1995), elle n’était pas employée par Vara. De fait, cette personne n’a pas été employée par Vara avant 1997. Elle a été président de l’entreprise commune du 2 mai 1995 au 30 juin 2001, date de son remplacement par M. [D. S. R.], de Sasol.

(473) Le conseil de surveillance de l’entreprise commune était composé de six membres, quatre représentants de Sasol et deux de Vara. Comme l’a expliqué Sasol, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote conclu entre Sasol et Vara prévoyait que Sasol et Vara adopteraient les résolutions à l’unanimité, chacune d’entre elles disposant d’une voix, la majorité de Sasol au sein du conseil de surveillance étant de ce fait supprimée. En l’absence de consensus, la proposition était réputée rejetée. Toutefois, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote établissait également à l’article 3, relatif aux résolutions du conseil de surveillance, que l’article 1 er du pacte était applicable mutatis mutandis. L’article 1.5 du pacte prévoit que si une décision unanime ne peut être obtenue sur les questions énumérées aux points a) à d) dudit article, la proposition de Sasol, tant que celle-ci détiendrait plus de 50 % du capital de la société, prévaudrait et que Vara voterait conformément à la décision de Sasol. Les questions dont il est fait référence aux points a) à d) de l’article 1.5 sont les suivantes : l’établissement des comptes annuels, la nomination des commissaires aux comptes, la nomination de commissaires aux comptes spéciaux et l’approbation des investissements [en capitaux par la société] ou l’une quelconque de ses filiales.

(474) [En ce qui concerne l’assemblée générale], Sasol explique que Vara disposait d’une minorité de blocage, les résolutions requérant une majorité de trois quarts des voix exprimées, Vara disposant d’un tiers des voix. En outre, d’après Sasol, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote prévoyait que Sasol et Vara s’engageaient à entreprendre conjointement toute décision d’actionnaire et à voter à l’unanimité en toutes circonstances, chacune disposant d’une voix, et que si l’unanimité ne pouvait être obtenue, ni Sasol ni Vara ne devait agir, Vara ne pouvant dès lors être mise en minorité. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote dresse, à l’article 1.5 qui s’applique à l’assemblée [générale], une liste de certains sujets sur lesquels les souhaits de Sasol devaient prévaloir [voir considérant 473].

(475) Concernant la situation décrite aux considérants (472)-(474) et, notamment, l’aptitude de Sasol à imposer sa volonté dans le cadre d’importantes décisions stratégiques si un consensus ne pouvait être obtenu, telles qu’énumérées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires sur les droits de vote (par exemple, l’approbation des investissements en capitaux), Sasol doit être considérée comme ayant de fait contrôlé l’entreprise commune. Le fait que, comme l’allègue Sasol, les gérants de [Schümann Sasol] aient auparavant travaillé au sein de HOS ne contredit pas cette conclusion, l’autorisation du conseil de surveillance étant requise pour de telles décisions de recrutement concernant des postes de direction supérieure (article 2, paragraphe 2, [sous] c), du règlement du directoire), et Sasol étant, dès lors, en mesure de s’opposer à ces décisions.

[…]

(481)Pour les motifs développés ci-dessus, la Commission considère non seulement la société agissante, [Schümann Sasol], mais également ses sociétés mères Sasol International AG, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany GmbH comme responsables pendant la période d’entreprise commune, le contrôle par Sasol de l’entreprise commune ayant été établi […] Comme il est établi aux considérants (329)-(333), différentes sociétés appartenant au même groupe forment une unité économique et, en conséquence, une entreprise au sens de l’article 81 [CE] si les sociétés concernées ne décident pas de leur comportement sur le marché de manière autonome. Dans le cas d’une entreprise commune, il est possible de conclure que l’entreprise commune et les sociétés mères forment une unité économique aux fins de l’application de l’article 81 [CE] si l’entreprise commune n’a pas décidé de manière autonome de son propre comportement sur le marché. Que l’entreprise commune doive ou non être considérée comme une entreprise commune de plein exercice [est sans pertinence] dans ce contexte, [puisque] les preuves factuelles démontr[e]nt l’exercice d’une influence déterminante. Le fait que les sociétés mères d’une entreprise commune puissent être considérées comme responsables est conforme à la pratique de la Commission sur cette question spécifique, suivant les principes juridiques généraux expliqués au considérant (340) et définis par les juridictions communautaires. Le fait qu’en d’autres circonstances, la décision n’ait pas été adressée aux sociétés mères d’une entreprise commune ne signifie pas, dans les circonstances présentes, que Sasol International AG, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany GmbH, en tant que sociétés mères appartenant au groupe Sasol, ne puissent être tenues [pour] responsables des activités de leur filiale, la Commission disposant en effet d’une marge de discrétion quant à sa décision d’imputer la responsabilité d’une infraction à certaines entités d’une entreprise et réalisant ses appréciations au cas par cas. »

Sur la différenciation de la notion de contrôle de celle de l’exercice effectif d’une influence déterminante, telle qu’appliquée dans le contexte de l’article 81 CE

40. À titre liminaire, il convient d’indiquer que, lors de l’examen de l’imputabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, filiale de l’entreprise commune, la Commission n’a pas explicitement différencié les notions de « contrôle » et de « pouvoir de contrôle », d’une part, et d’« unité économique » et d’« exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial », d’autre part.

41. Les requérantes font valoir que cette approche est incorrecte, étant donné que la notion de contrôle n’implique pas un exercice effectif d’une influence déterminante.

42. En premier lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n o  139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO L 24, p. 1), « [l]e contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise ».

43. Selon la jurisprudence, la Commission ne saurait, pour imputer le comportement anticoncurrentiel d’une société à une autre en application de l’article 81 CE, se fonder sur la simple capacité d’influence déterminante, telle qu’elle est retenue dans le cadre de l’application du règlement n o  139/2004 lors de l’établissement du contrôle, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée (arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 69).

44. Au contraire, il lui incombe en principe de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 136, et la jurisprudence citée). Figurent parmi ces éléments le cumul de postes, par les mêmes personnes physiques, dans la direction de la société mère et celle de sa filiale ou entreprise commune (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, Rec. p. II‑4091, point 184 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 119 et 120), ou le fait que lesdites sociétés étaient tenues de suivre les directives émises par leur direction unique sans pouvoir adopter sur le marché un comportement indépendant (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 527).

45. En l’espèce, la Commission ne s’est pas fondée sur une telle démonstration directe de l’exercice d’une influence déterminante par Sasol Ltd et par Sasol Holding in Germany sur Schümann Sasol International.

46. En effet, la Commission a, en substance, examiné le pouvoir décisionnel que Sasol pouvait exercer dans les organes de l’entreprise commune par le biais de ses représentants. L’analyse à cet égard repose essentiellement sur un examen abstrait des modalités de prise de décision au sein desdits organes, fondé sur les stipulations du pacte d’actionnaires et du règlement du directoire, qui reprenaient les modalités de vote prévues dans les statuts de la structure commune. En outre, la Commission fonde sa conclusion relative à l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de la responsabilité pour les agissements de Schümann Sasol International notamment sur l’affirmation selon laquelle « le contrôle de Sasol sur l’entreprise commune [a] été établi » (considérant 481 de la décision attaquée).

47. Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission a conclu à l’exercice par Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany d’une influence déterminante sur le comportement commercial de Schümann Sasol International essentiellement sur la base d’une analyse abstraite des documents signés avant le début du fonctionnement de Schümann Sasol International, à l’instar d’une analyse menée selon les règles régissant l’autorisation des concentrations.

48. En deuxième lieu, le Tribunal est ainsi appelé à examiner dans quelle mesure une telle analyse abstraite et prospective, effectuée dans le domaine des concentrations où l’adoption de la décision d’autorisation précède le début du fonctionnement de l’entreprise commune, peut également servir à la démonstration de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune dans une décision qui impute aux sociétés mères la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE commise dans le passé par ladite entreprise commune.

49. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, même si le pouvoir ou la possibilité de déterminer les décisions commerciales de l’entreprise commune ne relève, en soi, que de la simple capacité d’exercer une influence déterminante sur son comportement commercial, et, ainsi, de la notion du « contrôle » au sens du règlement n o  139/2004, la Commission et le juge de l’Union peuvent présumer que les dispositions législatives et les stipulations des accords relatifs au fonctionnement de ladite entreprise, en particulier celles du contrat établissant l’entreprise commune et du pacte d’actionnaires sur les votes, ont été mises en œuvre et respectées. Dans une telle mesure, l’examen de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune peut consister en une analyse abstraite des documents signés avant le début de son fonctionnement, à l’instar de l’analyse concernant le contrôle. En particulier, lorsque lesdites dispositions et stipulations prévoient que les votes de chaque société mère étaient nécessaires à l’adoption d’une résolution au sein d’un organe de l’entreprise commune, la Commission et le juge de l’Union peuvent établir, en l’absence de preuves contraires, que lesdites résolutions étaient déterminées conjointement par les sociétés mères (voir, en ce sens, arrêts Avebe/Commission, point 44 supra, points 137 à 139 ; Fuji Electric/Commission, point 44 supra, points 186 à 193, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 112 et 113). De même, lorsque les stipulations en cause permettent à une seule société mère de déterminer les décisions des organes de l’entreprise commune, la Commission et le juge de l’Union peuvent établir, en l’absence de preuve contraire, que ladite société mère exerçait une influence déterminante sur lesdites décisions.

50. Cependant, étant donné que l’examen concernant l’exercice effectif d’une influence déterminante est rétrospectif et peut alors reposer sur des éléments concrets, tant la Commission que les parties intéressées peuvent apporter la preuve que les décisions commerciales de l’entreprise commune ont été déterminées selon des modalités différentes de celles qui découlaient du seul examen abstrait des accords relatifs au fonctionnement de l’entreprise commune (voir, en ce sens, arrêts Fuji Electric/Commission, point 44 supra, points 194 et 195, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 115 à 117). En particulier, la Commission ou les parties intéressées peuvent apporter la preuve que, nonobstant le pouvoir d’une seule société mère d’adopter les décisions en question par l’intermédiaire de ses représentants occupant des postes dans les organes de l’entreprise commune, elles étaient prises, dans les faits, par plusieurs ou par toutes les sociétés mères de façon unanime.

Sur le bien-fondé de la constatation de la Commission concernant l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Schümann Sasol International

51. Les requérantes contestent, en substance, l’analyse de la Commission relative à l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Schümann Sasol International à un double titre. D’une part, elles estiment que la Commission a commis une erreur d’appréciation en ne reconnaissant pas que M. B. I., président du directoire de Schümann Sasol International, était le représentant de Vara. En effet, selon elles, Vara pouvait, par le biais de son représentant, M. B. I., déterminer seule les décisions du directoire durant la majeure partie de la période d’entreprise commune, dès lors que, selon le règlement du directoire, le président disposait d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix des membres au sein dudit directoire. D’autre part, elles font valoir que, selon les statuts de l’entreprise commune et le pacte d’actionnaires, Vara pouvait bloquer l’essentiel des décisions au sein de l’assemblée générale et du conseil de surveillance de l’entreprise commune, de sorte que Sasol Holding in Germany ne pouvait pas arrêter seule ces décisions, par le biais du vote de ses représentants. Sur cette base, les requérantes estiment que Sasol Holding in Germany ne pouvait pas exercer une influence déterminante sur le comportement commercial de Schümann Sasol International.

52. À titre liminaire, il convient de rappeler que, quant à l’imputation de la responsabilité pour une infraction commise par une entreprise commune à plusieurs sociétés mères, la Commission peut démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante en établissant la direction conjointe de l’entreprise commune par ses sociétés mères. Quant à la nature de cette direction conjointe, dans son arrêt Avebe/Commission, point 44 supra (points 136 à 138), le Tribunal a jugé pertinents les indices tirés du fait que les membres des organes de l’entreprise commune désignés par chacune des sociétés mères, représentant leurs intérêts commerciaux, devaient travailler en étroite collaboration lors de la définition et de la mise en œuvre de la politique commerciale de l’entreprise commune et que les décisions adoptées par ceux-ci devaient nécessairement refléter une concordance des volontés de chacune des sociétés mères tenues pour responsables par la Commission. Le Tribunal a examiné non seulement la prise des décisions stratégiques au sein de l’entreprise commune, mais aussi la gestion des affaires courantes, et a indiqué que les deux directeurs désignés par les deux sociétés mères devaient travailler en étroite collaboration aussi à cet égard (arrêt Avebe/Commission, point 44 supra, points 136 à 138).

53. Cependant, en l’espèce, la Commission n’a pas attribué la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol International aux deux sociétés mères, mais uniquement à Sasol Holding in Germany et à sa société mère Sasol Ltd.

54. Or, dans le cas où la Commission impute la responsabilité de l’infraction commise par une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères, il lui incombe de démontrer que l’influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune était exercée unilatéralement par cette société mère.

55. Il ressort de la décision attaquée et des écritures de la Commission dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que celle-ci estime que la condition décrite au point 54 ci-dessus était remplie en l’espèce. En effet, elle a constaté au considérant 471 de la décision attaquée que « Sasol [Ltd], via sa filiale à 100 % Sasol Holding in Germany GmbH, exerçait une influence déterminante sur Schümann Sasol International AG ». En outre, la Commission affirme, au point 49 du mémoire en défense, que « Sasol [Ltd] (par l’intermédiaire de Sasol Holding) avait exercé un contrôle exclusif sur [Schümann Sasol International] » et, au point 67 du même mémoire, que « Vara ne devait pas se voir imputer l’infraction parce que Sasol a été la seule à exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune ».

56. Ainsi, il convient d’examiner si la Commission pouvait valablement conclure, sur la base des éléments réunis dans la décision attaquée et malgré les arguments des requérantes exprimés au cours de la procédure administrative en ce qui concerne l’importance de Vara dans la direction de l’entreprise commune, que Sasol a exercé de manière unilatérale une influence déterminante sur Schümann Sasol International.

Sur le directoire de Schümann Sasol International

57. Les requérantes relèvent que les résolutions du directoire de Schümann Sasol International étaient adoptées à la majorité simple et que, en cas de partage des voix, celle du président du directoire était prépondérante. Or, le président du directoire, M. B. I., aurait représenté les intérêts de Vara.

58. Elles font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation des éléments de preuve dont elle disposait, en ce qu’elle a conclu que M. B. I. ne représentait pas Vara, mais présidait l’entreprise commune à la demande de Sasol. La Commission aurait fondé sa constatation sur la déclaration de Vara du 11 octobre 2007, dans lequel M. B. I. répondait au nom de Vara aux interrogations de la Commission et aurait déclaré paradoxalement, alors même qu’il se désignait en tant que représentant de Vara pour toute autre question que la Commission pourrait se poser, ne pas avoir représenté Vara durant la période d’entreprise commune.

59. Par ailleurs, les requérantes renvoient à leur déclaration du 18 avril 2008, selon laquelle M. B. I. aurait en réalité agi en permanence comme le bras droit de M. Schümann et aurait représenté Vara dans l’entreprise commune avec Sasol. Avant la période d’entreprise commune, M. B. I. aurait été la personne physique exerçant une fonction dominante au sein de HOS, contrôlée par Vara, dont il aurait été directeur général depuis 1987, et il aurait agi comme confident de M. Schümann. En outre, M. B. I. aurait également exercé des postes de direction dans Vara et d’autres sociétés détenues par M. Schümann durant et après la période d’entreprise commune. Le rattachement étroit de M. B. I. à Vara et à M. Schümann ressortirait également de l’annonce de la constitution de la structure commune du 6 juin 1995.

60. Les requérantes affirment que la Commission avait connaissance de ces faits durant la procédure administrative, mais que, néanmoins, elle les a ignorés et a donné sans motif sa préférence à la déclaration de Vara, qui provenait de M. B. I. personnellement, c’est à dire d’une personne qui détenait elle-même une partie du capital de Vara comme associé commanditaire.

61. La Commission soulève, tout d’abord, le fait que la notion d’influence déterminante ne vise pas la gestion opérationnelle de l’entreprise commune, mais les orientations fondamentales concernant sa politique commerciale. Or, ainsi qu’il ressort des statuts de Schümann Sasol International, le directoire agissait sous le contrôle du conseil de surveillance et les actes du directoire relatifs à des aspects importants de sa politique commerciale étaient soumis à l’approbation préalable du conseil de surveillance.

62. Ensuite, la Commission maintient que M. B. I. n’a pas représenté Vara, mais qu’il devait son titre à ses connaissances dans le domaine dans lequel Schümann Sasol était active et que sa nomination correspondait à la volonté de Sasol. Vara aurait informé la Commission par sa déclaration du 11 octobre 2007 que M. B. I. avait été désigné comme directeur de Sasol International, parce que Sasol souhaitait exploiter sa connaissance approfondie des activités de HOS et donc le placer au directoire. Selon la Commission, cette information est crédible, Sasol ayant particulièrement intérêt à ce que l’entreprise commune soit bien gérée et ayant souhaité assurer la continuité de sa gestion en en confiant l’exploitation quotidienne à un membre du directoire connaissant le secteur des cires de paraffine et les anciennes activités de HOS en particulier. En tout état de cause, au point 10 de la duplique, la Commission a considéré que ses constatations, telles qu’elles figurent au considérant 472 de la décision attaquée, impliquent que M. B. I. a représenté Sasol et non Vara dans le directoire de Schümann Sasol International.

63. Le Tribunal estime utile d’examiner tout d’abord le rôle de M. B. I. dans le directoire de Schümann Sasol International et, ensuite, la question plus générale de savoir si Sasol pouvait unilatéralement déterminer les résolutions adoptées au sein dudit directoire.

Sur le rôle de M. B. I.

64. Il y a lieu de rappeler que pendant presque toute la durée de la période d’entreprise commune, M. B. I. était le président du directoire de Schümann Sasol International.

65. Durant la procédure administrative, les requérantes ont affirmé que M. B. I. avait été représentant de Vara, tandis que Vara déclarait que sa nomination correspondait à la volonté de Sasol, de sorte qu’il ne la représentait pas.

66. À titre liminaire, il y a lieu de relever que les constatations figurant au considérant 472 de la décision attaquée reflètent précisément le contenu d’une déclaration de Vara du 11 octobre 2007. En revanche, la position exprimée dans la déclaration de Sasol du 18 avril 2008 selon laquelle M. B. I. représentait Vara de même que les documents la soutenant ont été écartés par la Commission.

67. S’agissant de la teneur des affirmations de la Commission concernant le rôle de M. B. I., les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en ne reconnaissant pas qu’il représentait Vara dans le directoire.

68. En premier lieu, il y a lieu de relever que M. B. I. a occupé d’importants postes dans les sociétés détenues par M. Schümann et le groupe Vara avant, durant et après la période d’entreprise commune.

69. Il y a lieu de rappeler que M. B. I. est devenu le 29 novembre 1996 associé commanditaire de Vara, une des sociétés mères directes de Schümann Sasol International. Cette qualité impliquait qu’il détenait une partie du capital de Vara, les autres propriétaires de Vara étant les membres de la famille Schümann. Le Tribunal estime à cet égard que la détention d’une partie du capital social constitue une circonstance susceptible de démontrer que M. B. I. pouvait s’identifier aux intérêts commerciaux spécifiques de Vara.

70. De même, M. B. I., durant au moins une partie de la période d’entreprise commune et parallèlement à l’exercice de ses fonctions de président du directoire de Schümann Sasol International, était directeur général de Vara.

71. Or, il ressort de la jurisprudence que le cumul de postes de direction dans une des sociétés mères et dans l’entreprise commune de ces dernières constitue un indice important de ce que ladite société mère exerce une influence sur les décisions commerciales de l’entreprise commune, à travers l’exercice du pouvoir décisionnel détenu par un tel membre de la direction de l’entreprise commune (voir, en ce sens, arrêt Fuji Electric/Commission, point 44 supra, point 199).

72. Ensuite, M. B. I. était, à partir du 15 juin 1995, gérant de Vara Beteiligungsgesellschaft mbH. Selon un des éléments de preuve produit par les requérantes, il occupait toujours ce poste en 2011, avec M. Schümann. En outre, il a été gérant de Beteiligungsgesellschaft Hans-Otto Schümann mbH du 4 avril 1989 à la date de dissolution de cette société, le 13 septembre 1996. Cette dernière société est également associée à M. Schümann, fondateur et propriétaire principal de Vara.

73. Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, le 1 er  juillet 2001, quand M. D. S. R. a remplacé M. B. I. comme président du directoire de Schümann Sasol International, celui-ci est devenu un des six membres du conseil de surveillance de ladite société. Ce faisant, M. B. I. a remplacé M. E. B. R, qui était aussi selon la Commission le représentant de Vara, la composition du conseil de surveillance demeurant pour le reste inchangée. Cela indique que M. B. I. représentait Vara au sein du conseil de surveillance. Cet élément est d’ailleurs en soi suffisant pour rejeter la thèse de la Commission selon laquelle M. B. I. représentait Sasol au sein du directoire, dès lors qu’il est inconcevable que, dans un tel cas, immédiatement après la fin de son mandat, il ait pu commencer à représenter Vara au sein du conseil de surveillance.

74. Enfin, il y a lieu de relever que, dans le courrier en date du 2 février 1995 adressé à l’ensemble des salariés de HOS, M. Schümann et M. B. I. ont informé lesdits salariés des négociations qu’ils étaient en train de conduire avec Sasol. Ils y indiquent : « [N]ous pourrons exercer notre influence sur [la nouvelle direction de l’entreprise commune] dans le futur tout comme par le passé. »

75. Sur cette base, le Tribunal constate que les requérantes ont apporté dès le stade de la procédure administrative des éléments de preuve susceptibles de démontrer que M. B. I. entretenait des liens étroits avec le groupe Vara et M. Schümann, qu’il pouvait s’identifier avec les intérêts commerciaux spécifiques de Vara, notamment en raison de sa qualité d’associé commanditaire, et que Vara pouvait exercer une influence importante sur les décisions du directoire de l’entreprise commune en raison du cumul de postes par M. B. I., ce qui pouvait causer l’alignement de la politique commerciale de Schümann Sasol International sur celle de Vara.

76. Dès lors, la Commission a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a écarté de son analyse cet ensemble de preuves pertinentes et a uniquement souligné, dans la décision attaquée, que la nomination de M. B. I. reflétait la volonté de Sasol. Une telle présentation donne une image déformée des circonstances pertinentes de l’affaire et ne répond pas au critère selon lequel la responsabilité pour une infraction à l’article 81 CE doit être ét ablie sur la base de preuves précises et concordantes, et selon lequel la Commission doit prendre en considération, d’une manière impartiale, tous les éléments de droit et de fait pertinents qui lui sont soumis (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 59 à 63 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑450/98 P, Rec. p. I‑3947, point 57, et la jurisprudence citée).

77. Les arguments de la Commission ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

78. Premièrement, la Commission se réfère au fait que Sasol a donné son consentement à la nomination de M. B. I. comme président du directoire.

79. Il convient d’observer à cet égard que, selon les statuts de Schümann Sasol International et le pacte d’actionnaires, tous les membres du directoire et son président devaient être nommés par le conseil de surveillance, par un vote à l’unanimité effectué par les représentants de Vara et de Sasol. Dès lors, d’une part, la composition du directoire devait refléter un accord entre les deux sociétés mères, c’est-à-dire la volonté de chacune d’elles. D’autre part, Vara devait aussi donner son consentement à la nomination des membres, désignés par Sasol, que la Commission considérait comme les représentants de cette dernière.

80. Par conséquent, le fait que Sasol a donné son consentement à la nomination de M. B. I. comme président du directoire ne permet ni de constater qu’il a représenté les intérêts commerciaux de Sasol, au-delà de ce qui est requis dans le cadre d’une gestion loyale d’une entreprise commune détenue par deux sociétés mères, ni de réfuter les preuves apportées par les requérantes qui tendent à démontrer que Vara exerçait une influence au sein du directoire par le biais du pouvoir décisionnel de M. B. I.

81. Deuxièmement, il y a lieu de relever que le seul élément de preuve concret sur lequel la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle M. B. I. n’a pas représenté Vara, mais que sa nomination reflétait la volonté de Sasol, est la déclaration de Vara du 11 octobre 2007, mentionnée au point 66 ci-dessus.

82. Selon la Commission, cette déclaration est particulièrement fiable, dès lors qu’elle a été envoyée en réponse à une demande de renseignements de la Commission. Or, Vara aurait eu un intérêt primordial à présenter correctement la situation, étant donné qu’une fausse déclaration pouvait être sanctionnée par une amende procédurale, telle que prévue à l’article 23, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003.

83. À cet égard, il y a lieu de relever que la première page de la réponse du 11 octobre 2007 à la demande de renseignement, contenant la déclaration en cause, indique que la personne responsable pour les réponses était en premier lieu M. B. I. Il est également constant, ainsi que les requérantes le relèvent, que, à ce moment, M. B. I. était toujours associé commanditaire de Vara.

84. En outre, force est de constater que la Commission n’a pas défini dans sa demande de renseignement adressée à Vara ni, par ailleurs, dans la décision attaquée ce qu’elle entendait par le terme « représentation ». Dès lors, M. B. I. n’ayant pas été formellement mandaté pour représenter Vara dans le directoire de l’entreprise commune, Vara pouvait affirmer, dans sa déclaration, l’absence de représentation sans risquer une amende procédurale.

85. En outre, il convient de souligner que l’examen des liens organisationnels entre l’entreprise commune et la société mère ne porte pas nécessairement sur la question de la représentation de la société mère découlant d’un mandat formel donné par cette dernière au dirigeant de l’entreprise commune. Il est plus pertinent de prendre en considération la représentation, au sens large, des intérêts commerciaux de la société mère (voir point 35 ci-dessus) et l’influence sur les décisions des organes de l’entreprise commune en vue d’aligner la politique commerciale de ladite entreprise sur celle de la société mère, dont témoigne notamment le cumul de postes dans la direction de la société mère et dans l’entreprise commune, ainsi que la détention d’une partie du capital de la société mère par un dirigeant de l’entreprise commune (voir point 44 ci-dessus).

86. Dans cette optique, il y lieu d’ajouter que la question de la représentation des intérêts commerciaux d’une société mère au sein du directoire d’une entreprise commune n’est pas un simple fait dont la négation peut raisonnablement entraîner une amende procédurale, sous réserve du cas de dénaturation des faits. Au contraire, cette question relève de l’appréciation que la Commission doit effectuer en prenant en considération, d’une manière impartiale, tous les éléments de droit et de fait pertinents soumis à elle par les sociétés mères qui ont souvent des intérêts contraires les amenant à accentuer l’un ou l’autre des éléments pertinents. Il convient par ailleurs d’observer que, en l’espèce, la Commission n’a imposé d’amende procédurale ni à Sasol ni à Vara, même si elles ont déposé des déclarations entièrement opposées sur ce point.

87. Eu égard à ce qui précède, il convient d’examiner si l’erreur d’appréciation commise par la Commission lors de l’examen du rôle de M. B. I. (voir point 76 ci-dessus) est susceptible d’affecter l’appréciation de l’influence exercée par Sasol sur le directoire de Schümann Sasol International.

Sur la détermination des décisions du directoire de Schümann Sasol International

88. Les requérantes font valoir que, en raison du rôle dominant des membres du directoire représentant Vara, en particulier celui de M. B. I., Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany ne pouvaient pas déterminer les décisions dudit directoire.

89. En premier lieu, il y a lieu de relever que, dans son annonce du 6 juin 1995 aux collaborateurs de Schümann Sasol AG (devenue Schümann Sasol International), M. B. I. a décrit les rôles du directoire de l’entreprise commune. Il a précisé qu’il « restera[it] responsable, à côté de la coordination du travail du directoire, de la mercatique, des ventes et acquisitions et du contrôle des filiales », tandis que M. D. S. R. (de Sasol) maintiendrait son poste de service en Afrique du Sud et s’occuperait de la production et des aspects techniques. M. B. I. a également signalé qu’un troisième membre serait appelé à Hambourg (Allemagne).

90. Force est de constater que les compétences décisionnelles de M. B. I. sont un indice de son rôle central dans le directoire de Schümann Sasol International.

91. En deuxième lieu, il convient de relever que, dans le courrier du 2 février 1995 que M. B. I. et M. Schümann ont adressé à l’ensemble des salariés de HOS, ils ont signalé qu’ils pourraient influencer la nouvelle direction de l’entreprise commune tout comme par le passé, lorsque Vara était le seul actionnaire de HOS (voir point 74 ci-dessus).

92. Il ressort également de ce courrier que, selon les attentes de M. B. I. et de M. Schümann, ce dernier et Vara pouvaient, à travers M. B. I., jouer un rôle central dans la direction de Schümann Sasol International.

93. En troisième lieu, il convient de relever que la Commission n’a mentionné dans la décision attaquée aucun élément qui serait susceptible de démontrer que, malgré les compétences décisionnelles de M. B. I. et sa voix prépondérante en cas d’égalité des voix découlant de son poste de président, Sasol pouvait unilatéralement définir les décisions du directoire, pour le cas où il se serait avéré que, en réalité, M. B. I. représentait Vara et M. Schümann au sein du directoire de Schümann Sasol International.

94. En quatrième lieu, une telle capacité de Sasol à déterminer de manière décisive les décisions du directoire ne ressort pas davantage des éléments concernant les diverses compositions du directoire qui ont été présentés par les requérantes durant la procédure administrative.

95. Entre le 2 mai et le 31 octobre 1995, le directoire de Schümann Sasol International était composé de M. B. I. et de M. D. S. R., représentant Sasol. Ainsi que les requérantes le relèvent à bon droit, M. B. I. pouvait imposer ses propres décisions dans le directoire en raison de sa voix prépondérante.

96. Durant la période allant du 1 er  novembre 1995 au 30 juin 2001, le directoire de Schümann Sasol International était composé de son président, M. B. I., de M. D. S. R. et de M. H. G. B. Les requérantes considèrent que ce dernier était le représentant de Vara, alors que la Commission est d’avis qu’il était le représentant de Sasol.

97. Force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné la question de savoir si M. H. G. B. avait, dans les faits, représenté les intérêts commerciaux de l’une ou de l’autre société mère. En outre, il existe des indications selon lesquelles M. H. G. B. représentait les intérêts de Vara (voir point 99 ci-dessous). Dès lors, cette composition du directoire ne permet pas davantage de conclure que Sasol a unilatéralement déterminé les décisions de ce dernier.

98. Entre le 1 er  juillet 2001 et le 16 mai 2002, M. D. S. R. (de Sasol) était président du directoire, l’autre membre étant M. H. G. B.

99. Tout d’abord, il y a lieu de relever que cette composition du directoire témoigne de ce que M. H. G. B. était le représentant de Vara. En effet, il n’est pas raisonnable de penser que Vara, détenant un tiers du capital de Schümann Sasol International, ait consenti à un directoire composé uniquement de représentants de Sasol.

100. Les requérantes font valoir que, durant cette période, toutes les résolutions du directoire auraient été prises à l’unanimité.

101. Il y a lieu de souligner que la décision attaquée ne contient pas la moindre analyse à l’égard de la période en cause. Étant donné que l’entière responsabilité de l’infraction commise par l’entreprise commune a été imputée à Sasol seule, il aurait incombé à la Commission de démontrer que Sasol avait unilatéralement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Schümann Sasol International (voir point 54 ci-dessus).

102. Cependant, il y a lieu de rappeler (voir point 52 ci-dessus) que la prise de résolutions à l’unanimité dans le directoire témoigne d’une étroite collaboration des représentants des sociétés mères et, ainsi, d’une direction conjointe de l’entreprise commune, ce qui constitue un indice de l’exercice conjoint d’une influence déterminante et non de l’exercice d’une influence déterminante par une seule des sociétés mères (voir, en ce sens, arrêts Avebe/Commission, point 44 supra, points 137 et 138, et Fuji Electric/Commission, point 44 supra, point 194).

103. Dès lors, cette composition du directoire ne saurait davantage sous-tendre la conclusion selon laquelle Sasol aurait unilatéralement défini les décisions de Schümann Sasol International.

104. Enfin, entre le 17 mai et le 24 septembre 2002, le directoire de Schümann Sasol International était composé de M. D. S. R., de M. H. G. B. et de M. C. D. I.

105. Les requérantes font valoir que les deux derniers membres du directoire mentionnés ci-dessus étaient les représentants de Vara, de sorte que M. D. S. R., même en tant que président, pouvait être mis en minorité par ceux-ci.

106. Force est de constater que la décision attaquée ne contient aucun examen relatif à l’exercice d’une influence déterminante par l’une ou l’autre des sociétés mères par le biais de M. H. G. B. et M. C. D. I., ni même la présentation générale de cette composition du directoire. En outre, il existe des indications tendant à démontrer que M. H. G. B. représentait les intérêts de Vara (voir point 99 ci-dessus). Dès lors, il ne ressort pas de la décision attaquée que, durant la période en cause, Sasol pouvait unilatéralement définir, par ses représentants dans le directoire, les décisions de celui-ci.

107. Eu égard à l’examen qui précède, force est de constater que la Commission n’a pas démontré dans la décision attaquée que, au regard du pouvoir décisionnel de M. B. I. et des autres membres du directoire qui pouvaient être associés à Vara, Sasol avait, dans les faits, unilatéralement défini le contenu des décisions du directoire de Schümann Sasol International par le biais des membres qui représentaient ses intérêts commerciaux et veillaient à l’alignement de la conduite de Schümann Sasol International sur la sienne. La décision attaquée ne contient pas davantage de preuves directes (voir point 44 ci-dessus) qui seraient susceptibles de démontrer une telle influence déterminante par Sasol.

Sur la pertinence de la gestion opérationnelle

108. La Commission soulève le fait que le directoire de Schümann Sasol International était chargé de la gestion des affaires courantes de cette société. Or, selon l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 63 à 65, 82 et 83), la gestion opérationnelle d’une filiale serait dépourvue de pertinence lors de l’appréciation de l’existence d’une unité économique entre une filiale et sa société mère, le contrôle exercé sur la politique commerciale stricto sensu n’étant pas une condition requise pour considérer qu’une société mère forme une entreprise avec une filiale. Il suffirait, au contraire, que la société mère joue un rôle significatif dans les questions qui définissent la politique commerciale de la filiale.

109. Il y a lieu de souligner que l’arrêt auquel se réfère la Commission concerne une situation factuelle dans laquelle la société mère détenait 100 % du capital de la filiale.

110. Il est vrai que la question de la direction opérationnelle peut être dépourvue de pertinence dans la mesure où il s’agit d’une filiale détenue à 100 % par une seule société mère, étant donné que la démonstration de l’autonomie opérationnelle de la filiale n’est pas en soi susceptible de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante (voir la jurisprudence citée au point 153 ci-après).

111. Cependant, dans le cas d’un actionnariat unique, toutes les décisions – y compris celles concernant la direction opérationnelle de la filiale – sont prises par des gestionnaires qui sont désignés et nommés soit directement soit indirectement (par les organes dont les membres ont été désignés par la société mère) par la seule société mère. De même, en l’absence d’autre actionnaire, les seuls intérêts commerciaux qui se manifestent au sein de la filiale sont en principe ceux de l’actionnaire unique. Ainsi, la Commission peut présumer l’exercice effectif d’une influence déterminante même dans les cas où la direction opérationnelle est effectuée par les gestionnaires de la filiale d’une façon autonome.

112. En revanche, dans le cas d’entreprises communes, il existe une pluralité d’actionnaires et les décisions des organes de l’entreprise commune sont prises par les membres représentant les intérêts commerciaux des différentes sociétés mères, qui peuvent coïncider, mais aussi diverger. Dès lors, reste pertinente la question de savoir si la société mère a exercé une influence réelle sur la direction opérationnelle de l’entreprise commune, notamment par le biais des dirigeants qui ont été désignés par elle ou qui occupent simultanément des postes dans la direction de la société mère.

113. Enfin, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a examiné en détail les modalités de prise de décisions relevant de la direction opérationnelle dans les arrêts Fuji Electric/Commission, point 44 supra (point 195), et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra (points 112 à 117), afin d’apprécier l’exercice d’une influence déterminante par les requérantes dans lesdites affaires au regard du comportement sur le marché de leurs entreprises communes.

114. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel la détermination de la politique commerciale stricto sensu de l’entreprise commune par sa société mère est dépourvue de pertinence lors de l’examen de l’existence d’une unité économique entre celles-ci.

Conclusion sur le directoire de Schümann Sasol International

115. Premièrement, il convient de rappeler que la Commission a commis une erreur d’appréciation dans la décision attaquée lorsqu’elle a examiné le rôle de M. B. I. (voir point 76 ci-dessus). Il n’est pas exclu que, en l’absence de cette erreur, elle aurait conclu que Vara exerçait une influence déterminante sur les décisions du directoire de Schümann Sasol International durant une partie considérable de la période d’entreprise commune. Deuxièmement, en tout état de cause, la Commission n’a pas démontré que Sasol avait, dans les faits, unilatéralement défini le contenu des décisions du directoire de Schümann Sasol International (voir point 107 ci-dessus). Troisièmement, il y a lieu de souligner que l’influence exercée sur les décisions du directoire de l’entreprise commune est pleinement pertinente du point de vue de l’imputabilité à ses sociétés mères de la responsabilité au titre d’une infraction commise par celle-ci (voir point 114 ci-dessus).

Sur le conseil de surveillance et l’assemblée générale de Schümann Sasol International

116. Les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas valablement retenir que Sasol avait influencé de manière décisive les décisions prises au sein du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International en raison des pouvoirs décisionnels détenus par Vara.

117. Il y a lieu de relever que les éléments réunis par la Commission aux considérants 473 et 474 de la décision attaquée indiquent que tant Sasol que Vara pouvaient bloquer toutes les décisions au s ein de l’assemblée générale et du conseil de surveillance de Schümann Sasol International, à l’exception de celles qui relèvent de l’article 1.5 du pacte d’actionnaires.

118. Parmi les décisions visées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires, seule l’approbation des investissements relève de la catégorie des décisions commerciales stratégiques affectant l’entreprise commune selon la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement n o  139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1).

119. En outre, il convient de relever que, selon le point 69 de la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement n o  139/2004, les droits de veto les plus importants portent sur la nomination et la révocation de l’encadrement supérieur ainsi que sur l’approbation du budget de l’entreprise commune. Il y est également précisé que le pouvoir de participer aux décisions relatives à la structure de l’encadrement supérieur (les membres du conseil d’administration, par exemple) habilite généralement son détenteur à exercer une influence déterminante sur la politique commerciale d’une entreprise. Il en est de même des décisions relatives au budget, car celui-ci délimite le cadre précis des activités de l’entreprise commune et, en particulier, les investissements qu’elle peut réaliser.

120. Or, selon les dispositions législatives et les stipulations des accords régissant le fonctionnement de l’entreprise commune Schümann Sasol International, Sasol Holding in Germany n’avait le pouvoir de déterminer, d’une façon unilatérale, que les décisions quant à l’approbation des investissements et non les décisions commerciales stratégiques les plus importantes, à savoir celles relatives au budget, à la nomination et à la révocation des dirigeants, ni celles relatives au plan d’entreprise.

121. Dès lors, la Commission n’a pas démontré, par une analyse abstraite fondée sur la législation et les stipulations des accords régissant le fonctionnement de l’entreprise commune (voir point 49 ci-dessus), que Sasol pouvait elle seule déterminer, au sein du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International, l’ensemble des décisions commerciales stratégiques affectant celle-ci. Au contraire, il ressort de l’analyse abstraite que l’essentiel desdites décisions devait être adopté en commun par Sasol Holding in Germany et Vara.

122. En outre, la décision attaquée ne contient aucune démonstration reposant sur des éléments concrets (voir point 50 ci-dessus) dont il ressortirait que, dans les faits, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany auraient déterminé seules, malgré le pouvoir de blocage détenu par Vara, les décisions commerciales stratégiques de l’entreprise commune Schümann Sasol International.

123. Eu égard à ce qui précède, le Tribunal conclut que la Commission n’a pas démontré que Sasol avait unilatéralement déterminé l’essentiel des décisions du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International et, en particulier, les décisions commerciales stratégiques relatives au budget, au plan d’entreprise et à la nomination de l’encadrement supérieur concernant celle-ci.

Sur l’exercice effectif par Sasol Holding in Germany d’une influence déterminante sur le comportement sur le marché de Schümann Sasol International

124. Il convient de rappeler que, selon le considérant 475 de la décision attaquée, « eu égard à la situation décrite aux considérants 472‑474 et, notamment, à l’aptitude de Sasol à imposer sa volonté dans le cadre d’importantes décisions stratégiques si un consensus ne pouvait être obtenu, telles qu’énumérées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires sur les droits de vote (par exemple, l’approbation des investissements en capitaux), Sasol doit être considérée comme ayant de fait contrôlé l’entreprise commune ». Au considérant 481 de la décision attaquée, la Commission a retenu que « le contrôle de Sasol sur l’entreprise commune [avait] été établi » et que « les preuves factuelles démontr[aie]nt l’exercice d’une influence déterminante » par Sasol Holding in Germany sur Schümann Sasol International.

125. Il ressort de l’analyse ci-dessus que la Commission n’a pas démontré, dans la décision attaquée, que Sasol avait déterminé, d’une manière unilatérale, les résolutions du directoire de Schümann Sasol International et l’essentiel des décisions stratégiques prises par l’assemblée générale et le conseil de surveillance de celle-ci (voir points 115 et 123 ci-dessus).

126. De même, il convient de rappeler que la Commission n’a pas démontré, par des preuves directes, l’exercice d’une influence déterminante de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd sur le comportement commercial de Schümann Sasol International.

127. Par conséquent, l’analyse de la Commission amenant à imputer la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, filiale de Schümann Sasol International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd est viciée par des erreurs d’appréciation. Dès lors, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle impute à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol.

128. La décision attaquée doit ainsi être annulée pour autant que la Commission a constaté que Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd avaient pris part à l’infraction avant le 1 er  juillet 2002.

Sur l’offre de preuve des requérantes

129. Les requérantes proposent que M. C. D. I. (membre actuel du conseil d’administration de Sasol Wax International) soit entendu comme témoin sur le fait que, au cours de la période d’entreprise commune, l’orientation fondamentale de la stratégie et des opérations commerciales de la structure commune était fixée par Vara, par l’intermédiaire de M. Schümann et de M. B. I.

130. Eu égard à l’analyse qui précède, le Tribunal estime que ce témoignage n’est pas nécessaire, de sorte que l’offre de preuve est rejetée.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité pour l’infraction en ce qui concerne la période Sasol

131. Les requérantes font valoir que la Commission a illégalement imputé la responsabilité des agissements de Sasol Wax à sa société mère, Sasol Wax International, à la société mère de cette dernière, Sasol Holding in Germany, et à la société faîtière du groupe, Sasol Ltd, en ce qui concerne la période Sasol allant du 1 er  juillet 2002 au 28 avril 2005.

Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne la possibilité d’imputer une infraction commise par une filiale à sa société mère sur la seule base d’une présomption fondée sur la détention de 100 % du capital

132. Au considérant 494 de la décision attaquée, la Commission a estimé ce qui suit :

« [L]a jurisprudence a établi que la Commission peut présumer que les sociétés mères exercent une influence déterminante sur leurs filiales à 100 %. Lorsqu’une telle présomption s’applique, comme c’est le cas ici pour Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol Ltd, il incombe aux sociétés mères de réfuter la présomption en produisant les preuves que leur filiale a décidé de son comportement sur le marché de manière autonome. »

133. Selon les requérantes, la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a appliqué une norme juridique incorrecte. Aucune base juridique valable ne permettrait de présumer qu’une participation à 100 % suffit à elle seule à établir qu’une société mère est responsable de l’entente à laquelle a pris part sa filiale. Une telle présomption viole le principe de responsabilité juridique personnelle et la présomption d’innocence.

134. Il y a lieu de rappeler que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon indépendante sur le marché (voir arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, points 60 et 61, et la jurisprudence citée).

135. En outre, selon la jurisprudence, la présomption de responsabilité tirée de la détention, par une société, de l’entièreté du capital d’une autre société s’applique non seulement dans les cas où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas où, comme en l’espèce, cette relation est indirecte eu égard à l’interposition d’une autre société (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 90).

136. Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que, dans le cas de la détention par la société mère de 100 % du capital de la filiale, elle peut présumer que ladite société mère ainsi que les sociétés mères indirectes ont effectivement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de la filiale.

137. Lorsque la présomption d’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur la filiale n’est pas renversée, la Commission peut établir que la filiale et les sociétés mères directes et indirectes font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus. Le fait que les sociétés mères et la filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes aux sociétés mères, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de ces dernières dans l’infraction (voir la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus).

138. Une telle démarche ne viole pas le principe de responsabilité personnelle. En effet, Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ont été personnellement sanctionnées pour l’infraction qu’elles sont censées avoir commise elles-mêmes en raison des liens économiques et juridiques étroits qui les unissaient à Sasol Wax et qui résultaient de la détention de la totalité du capital de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, point 34 supra, point 34).

139. En ce qui concerne la prétendue violation du principe de présomption d’innocence, il convient de rappeler que, selon celui-ci, toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s’oppose ainsi à tout constat formel, et même à toute allusion, ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’instance, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 76).

140. L’application du principe de présomption d’innocence en matière de droit de la concurrence doit être adaptée au fait que, contrairement à la procédure pénale visant nécessairement une personne juridique (personne physique ou personne morale), le droit de la concurrence s’applique à l’entreprise, qui désigne une unité économique constituée, le cas échéant, de plusieurs personnes morales. De plus, les sociétés en tête de groupe sont libres de réorganiser leurs structures internes, notamment en créant des sociétés dotées d’une personnalité morale distincte pour certaines activités.

141. Dans de telles circonstances, afin de préserver l’effet utile du droit de la concurrence de l’Union, le seul fait pour une société mère d’avoir une filiale détenue à 100 %, ou presque, qui a participé directement à l’infraction peut suffire à la Commission pour fonder sa responsabilité. Une fois ce grief communiqué par la Commission, il appartient à la société mère d’apporter les preuves contraires afin de démontrer l’absence d’unité économique entre elle et sa filiale. En l’espèce, la Commission a suivi cette approche, en examinant attentivement les preuves avancées par les requérantes, et a ainsi respecté le principe de présomption d’innocence.

142. Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée de la constatation prétendument erronée de l’absence du renversement de la présomption

143. Les requérantes estiment que, par les éléments de preuve figurant dans leurs réponses à la communication des griefs, elles ont démontré que, dans les faits, Sasol Wax International n’avait pas exercé une influence déterminante sur Sasol Wax, puisqu’elle ne s’était ingérée ni dans les décisions commerciales stratégiques ni dans la direction opérationnelle de celle-ci.

Sur la décision attaquée

144. En ce qui concerne les éléments de preuve produits par les requérantes dans le cadre de leurs réponses à la communication des griefs, la Commission a affirmé, dans la décision attaquée, ce qui suit :

« […]

(498) En ce qui concerne les administrateurs gérants ainsi que la composition et le rôle du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH, Sasol reconnaît que Sasol Wax International AG avait autorité pour désigner les administrateurs gérants et les membres du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH. Il est également confirmé que plusieurs membres du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH ont été au fil des années des membres du conseil d’administration de Sasol Wax International AG. Toutefois, Sasol allègue que ces faits sont infondés, puisque le conseil de surveillance ne jouait pas un rôle important (aucun contrôle effectif sur la gestion et/ou la stratégie de Sasol Wax GmbH), qu’il se trouvait entre les mains d’anciens employés de Vara et qu’il n’exerçait aucune influence sur le comportement de Sasol Wax GmbH. En premier lieu, il suffit que Sasol International AG ait eu autorité pour désigner les administrateurs gérants et les membres du conseil de surveillance pour qu’il soit sans objet de savoir s’il continuait à dépendre d’anciens employés de Vara. En second lieu, en ce qui concerne le rôle du conseil de surveillance, les statuts dressent la liste de certaines questions pour lesquelles le conseil de surveillance est compétent, par exemple la désignation, la démission et la supervision de la direction, l’approbation des comptes annuels et des budgets, l’approbation des investissements supérieurs à 0,5 million d’euros et des changements relatifs à l’organisation commerciale. Bien que Sasol allègue qu’aucun de ces pouvoirs n’ait joué un rôle significatif dans le comportement commercial de Sasol Wax GmbH, qu’il n’y a jamais eu aucun exemple de circonstances où le conseil de surveillance aurait exercé une quelconque influence sur la gestion des activités de Sasol Wax GmbH et que les administrateurs de Sasol Wax GmbH avaient pour habitude de décider des mesures essentielles au comportement commercial stratégique de Sasol Wax GmbH sans demander l’accord du conseil de surveillance, les pouvoirs conférés au conseil de surveillance montrent qu’il était prévu que le conseil de surveillance joue effectivement un rôle stratégique et financier et exerce des responsabilités distinctes de la gestion des affaires courantes de la société normalement gérées par le conseil d’administration et les administrateurs de la société.

(499) Sasol argue également que l’absence d’influence de Sasol Wax International AG est confirmée par le fait que les représentants de Sasol présents aux réunions techniques continuaient à être d’anciens employés de Vara et que les gérants des unités commerciales dont les activités étaient affectées par les réunions techniques n’entretenaient aucune relation avec Sasol Ltd. En ce qui concerne le comportement des soi-disant anciens employés de Vara, ces personnes étaient, au moment où elles ont commis les activités illicites, des salariés du groupe Sasol, et le fait qu’elles aient été d’anciens employés de Vara ou que leur employeur direct ait été une filiale de Sasol Wax International AG, de Sasol Holding in Germany GmbH ou de Sasol Ltd est sans objet dans la mesure où il est possible de prouver que les sociétés mères exerçaient une influence déterminante sur cette filiale. »

Observations générales

145. Selon la jurisprudence, afin de renverser la présomption d’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale telle qu’elle est décrite au point 134 ci-dessus, il incombait aux requérantes de soumettre tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre Sasol Wax et Sasol Wax International qu’elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique. Lors de son appréciation, le Tribunal doit en effet tenir compte de l’ensemble des éléments soumis, dont le caractère et l’importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 108 supra, point 65, confirmé par arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, et du 13 juillet 2011, Eni/Commission, T‑39/07, Rec. p. II‑4457, point 95).

146. La présomption en cause repose sur le constat selon lequel, d’une part, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles la présomption opère (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 60).

147. De plus, l’application d’une telle présomption se justifie par le fait que, lorsque la société mère est l’unique actionnaire de la filiale, elle dispose de tous les instruments possibles pour assurer l’alignement du comportement commercial de la filiale sur le sien. En particulier, c’est l’actionnaire unique qui définit en principe l’étendue de l’autonomie de la filiale par l’établissement du statut de celle-ci, qui choisit ses gestionnaires et qui prend ou approuve les décisions commerciales stratégiques de la filiale, le cas échéant par la présence de ses représentants au sein des organes de celle-ci. De même, l’unité économique entre la société mère et sa filiale est habituellement davantage sauvegardée par des obligations résultant du droit des sociétés des États membres, telles que la tenue de comptes consolidés, l’obligation pour la filiale de rendre compte périodiquement de ses activités à la société mère, ai nsi que l’établissement des comptes annuels de la filiale par l’assemblée générale constituée par la seule société mère, ce qui implique nécessairement que la société mère suive, au moins dans les grandes lignes, les activités commerciales de la filiale.

148. En outre, il convient de souligner que, dans le cas d’une filiale détenue à 100 %, ou presque, par une seule société mère, il y a en principe un seul intérêt commercial et les membres des organes de la filiale sont désignés et nommés par l’actionnaire unique, qui peut leur donner des instructions au moins de façon informelle et leur imposer des critères de performance. Dès lors, dans un tel cas, il existe nécessairement une relation de confiance entre les dirigeants de la filiale et ceux de la société mère et lesdits dirigeants agissent nécessairement en représentant et en promouvant le seul intérêt commercial existant, à savoir celui de la société mère (voir, également, point 35 ci-dessus). Ainsi, l’unicité de comportement sur le marché de la société mère et de sa filiale est assurée en dépit de toute autonomie accordée aux dirigeants de la filiale en ce qui concerne la direction opérationnelle de cette dernière, laquelle relève de la définition de la politique commerciale stricto sensu de celle-ci. De plus, en règle générale, c’est l’actionnaire unique qui définit seul et selon ses propres intérêts les modalités de prise de décision de la filiale et qui décide de l’étendue de l’autonomie opérationnelle de celle-ci, ce qu’il peut changer de sa propre volonté en modifiant les règles régissant le fonctionnement de la filiale ou dans le cadre d’une restructuration, voire par la création de structures informelles de prise de décision.

149. Ainsi, l’application de la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement commercial de sa filiale est justifiée dans la mesure où elle recouvre des situations caractéristiques en ce qui concerne les relations entre une filiale et sa seule société mère, en prévoyant que la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale par une seule société mère implique en principe l’unicité de comportement de celles-ci sur le marché.

150. Il n’en reste pas moins que les sociétés intéressées ont, à la suite de la communication des griefs, pleinement l’occasion de démontrer que les mécanismes décrits aux points 147 et 148 ci-dessus, conduisant habituellement à l’alignement du comportement commercial de la filiale sur celui de sa société mère, n’ont pas fonctionné ordinairement, de sorte que l’unité économique du groupe a été rompue.

Sur la direction opérationnelle de Sasol Wax

151. Les requérantes estiment avoir démontré que le groupe Sasol avait pour politique de ne pas s’immiscer dans le comportement autonome de sa filiale Sasol Wax. Elles invoquent à cet égard une communication que les dirigeants de Sasol Wax International ont signée le 9 avril 2001.

152. Ainsi, selon les requérantes, « les sujets relevant du quotidien opérationnel devaient être traités par Sasol Wax […] en tant qu’entité autonome », tandis que les « visions, missions et stratégies » devaient être développées par Sasol Wax International. En outre, les gérants de Sasol Wax n’auraient été à aucun moment confrontés à l’exercice d’un veto par Sasol Wax International et les dirigeants de cette dernière, au cours de la période Sasol, n’ont le souvenir d’aucune instruction donnée aux gérants de Sasol Wax.

153. À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le fait qu’une filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouve pas, en soi, qu’elle définisse son comportement sur le marché de manière indépendante par rapport à sa société mère. La division des tâches entre les filiales et leurs sociétés mères et, en particulier, le fait de confier la gestion des activités courantes à la direction locale d’une filiale à 100 %, est une pratique habituelle des entreprises de grande taille et composées d’une multitude de filiales détenues, ultimement, par la même société faîtière. Dès lors, dans le cas de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale directement impliquée dans l’infraction, les éléments de preuve apportés à cet égard ne sont pas susceptibles de renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement de la filiale par la société mère et par la société faîtière (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International/Commission, point 35 supra, points 130 et 131).

154. Une telle solution est d’ailleurs justifiée par les considérations figurant aux points 35, 147 et 148 ci-dessus, dont il découle que les dirigeants de la filiale détenue à 100 % ou presque par une seule société mère agissent habituellement en représentant et en promouvant les seuls intérêts commerciaux présents, à savoir ceux de l’unique société mère. Ils assurent ainsi la conformité du comportement commercial de la filiale avec celui du reste du groupe dans l’exercice de leurs compétences autonomes.

155. Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de l’autonomie opérationnelle de Sasol Wax, qui ne sont pas susceptibles de démontrer que l’unité économique entre celle-ci et Sasol Wax International ait été rompue, doivent être rejetés.

Sur les décisions commerciales stratégiques

156. En premier lieu, les requérantes relèvent que Sasol Wax International n’a pas fait usage de son pouvoir de désigner les gérants de Sasol Wax et n’avait pas remplacé l’ancienne direction de HOS. Sasol Wax aurait été dirigée comme une unité économique indépendante dans la tradition de la famille Schümann par trois gérants hérités de HOS. La Commission aurait commis une erreur de droit en niant la pertinence de cet élément dans la décision attaquée et en considérant qu’il suffisait que Sasol Wax International ait eu le pouvoir de désigner les gérants.

157. Il y a lieu de relever qu’un tel argument a déjà été rejeté par le Tribunal dans son arrêt Alliance One/Commission, point 35 supra (point 137). Eu égard au pouvoir du seul associé, en l’occurrence Sasol Wax International, de choisir les gérants de Sasol Wax après l’acquisition de l’ensemble du capital de celle-ci, le maintien en fonction desdits gérants ne peut qu’être attribué à une décision de l’unique société mère et indique l’affiliation desdits gérants à celle-ci. Dès lors, cet élément n’est pas susceptible de renverser la présomption de l’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

158. En second lieu, les requérantes soulignent avoir produit les procès-verbaux de toutes les réunions du conseil de surveillance de Sasol Wax et de Sasol Wax International. Aucun de ces documents ne contiendrait l’indication d’une quelconque influence significative exercée sur Sasol Wax par ses sociétés mères directe et indirectes. De plus, les gérants de Sasol Wax auraient eu pour habitude de prendre des initiatives en ce qui concerne le comportement commercial stratégique de cette dernière, sans demander l’accord du conseil de surveillance ou des associés. Tel aurait été le cas des contrats d’approvisionnement sur le long terme avec ExxonMobil et Shell, qui ont été négociés et conclus par les seuls gérants de Sasol Wax, de l’affectation du personnel des centres de profit de Sasol Wax, de même que d’un programme de réduction des coûts et de la sous-traitance à des tiers des services de logistique de Sasol Wax.

159. Force est de constater que les initiatives des gérants de Sasol Wax ne concernent pas les décisions commerciales stratégiques les plus importantes du point de vue de l’appréciation de l’unicité du comportement sur le marché de la filiale et de sa société mère, telles que celles portant sur le budget, sur le plan d’entreprise, sur les grands investissements ou encore sur la nomination de l’encadrement supérieur. De même, les requérantes ne contestent pas que le conseil de surveillance était compétent pour l’approbation des comptes annuels de Sasol Wax.

160. Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les arguments des requérantes ne démontrent pas que les mécanismes habituels assurant l’unicité du comportement sur le marché de la société mère et de sa filiale détenue à 100 %, fournissant la base de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, aient été rompus (voir points 147 et 148 ci-dessus), de sorte que la Commission pouvait valablement établir la présence d’une entité économique correspondant à la notion d’entreprise, telle que prévue à l’article 81 CE.

Sur le caractère irréfragable de la présomption

161. Selon les requérantes, dans l’hypothèse où il serait considéré que, en dépit de l’ensemble des éléments que les requérantes ont présentés, ceux-ci ne suffisent pas à renverser la présomption de contrôle effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, cette présomption serait de fait irréfragable, en violation de l’article 2 du règlement n o  1/2003, de l’obligation de motivation, du principe de responsabilité personnelle et de la présomption d’innocence.

162. À cet égard, il y a lieu de noter que les arguments des requérantes qui ont été rassemblés afin de renverser la présomption en cause décrivent le fonctionnement habituel d’une grande entreprise internationale dont l’unité locale, Sasol Wax, est dirigée par les gérants maintenus dans leur postes par décision de Sasol Wax International, sa société mère à 100 %, qui a également décidé de déléguer les pouvoirs de définir la politique commerciale stricto sensu audits gestionnaires et a retenu le pouvoir d’adopter les décisions stratégiques commerciales dans le conseil de surveillance et l’assemblée générale de Sasol Wax.

163. Le renversement de la présomption de l’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale n’est cependant pas une question de quantité et de détail de preuves dans le cas où celles-ci font état d’une situation habituelle d’organisation dans une grande entreprise multinationale, où les pouvoirs de la direction opérationnelle sont délégués aux gérants de ses unités locales. Afin de renverser cette présomption, il convient de présenter des circonstances inhabituelles qui démontrent que, malgré la détention de l’entièreté du capital des filiales du groupe par leurs sociétés mères, l’unité économique du groupe a été rompue, puisque les mécanismes assurant l’alignement du comportement commercial des filiales et des sociétés mères ne fonctionnaient pas ordinairement.

164. Or, les requérantes n’ont pas apporté de tels éléments en l’espèce.

165. Il y a également lieu de rappeler que la Cour et le Tribunal ont déjà constaté que la présomption de l’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale n’est pas irréfragable. Selon la jurisprudence, une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 146 supra, point 62, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 54). Tel est le cas en ce qui concerne la présomption relative à l’existence d’une unité économique entre la filiale et sa société mère unique, eu égard également aux considérations figurant aux points 147 à 150 ci-dessus.

166. Dès lors, le grief des requérantes tiré de la nature irréfragable de la présomption en cause doit être rejetée.

Conclusion

167. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission a retenu à bon droit que Sasol Wax et Sasol Wax International formaient une unité économique au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, les sociétés composant cette unité pouvant être tenues pour solidairement responsables de l’infraction en cause.

168. Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucun argument spécifique en ce qui concerne le renversement de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de Sasol Wax International par Sasol Holding in Germany ni par Sasol Ltd sur cette dernière.

169. Dès lors, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

Sur l’offre de preuve des requérantes

170. Les requérantes proposent que M. C. D. I. et M. R. G. S., gérants de Sasol Wax au cours de la période Sasol, soient entendus comme témoins sur le fait que ni Sasol Wax International ni Sasol Ltd n’ont donné d’instructions à leur filiale et que Sasol Wax a déterminé de manière autonome son comportement commercial.

171. Eu égard à l’analyse qui précède, le Tribunal considère que lesdits témoignages ne sont pas susceptibles d’influer sur la question de l’imputation à Sasol Wax International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Sasol Wax. Dès lors, il n’y pas lieu d’accueillir l’offre de preuve des requérantes.

3. Sur le troisième moyen, concernant l’absence de responsabilité solidaire de Vara durant la période Schümann et la période d’entreprise commune

172. Les requérantes relèvent que, au cours de la période Schümann, la société directement impliquée dans l’infraction, HOS, était contrôlée par Vara et ultimement par M. Schümann personnellement. De même, au cours de la période d’entreprise commune, Vara aurait également exercé au moins un contrôle conjoint sur l’entité opérationnelle, Schümann Sasol. En n’imputant pas à Vara la responsabilité des agissements de HOS et de Schümann Sasol et en retenant uniquement la responsabilité solidaire de Sasol au titre de la période d’entreprise commune, la Commission aurait discriminé Sasol par rapport à Vara.

173. La Commission n’expliquerait nullement les raisons pour lesquelles, elle a traité différemment Sasol, d’une part, et Vara/M. Schümann, d’autre part. En outre, les requérantes rappellent les principes dégagés dans l’arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra (point 105).

174. Cette démarche de la Commission compromettrait sérieusement les moyens de recours dont Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International disposent pour engager une action récursoire à l’encontre de M. Schümann ou de Vara, puisque Sasol devrait démontrer que ces derniers ont pris part à l’infraction. Or, une telle démonstration serait particulièrement difficile, étant donné que les requérantes devraient expliquer les raisons pour lesquelles la Commission n’a retenu la responsabilité ni de Vara ni de M. Schümann. En outre, la constatation de la responsabilité solidaire de ces derniers aurait été d’autant plus importante pour Sasol que l’entente était fondée, notamment, par HOS et M. Schümann, à un moment où Sasol n’exerçait aucune activité dans le secteur européen des cires de paraffine.

175. Enfin, en raison de l’absence de constatation de la responsabilité solidaire de Vara, la Commission n’aurait pas appliqué le plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 par rapport au chiffre d’affaires de Vara.

176. La Commission fait valoir qu’elle jouit d’un pouvoir d’appréciation pour décider quelles entités d’une entreprise elle juge responsables d’une infraction, son appréciation étant réalisée au cas par cas, et qu’elle n’est pas tenue de motiver le fait de ne pas avoir adopté à l’égard de parties tierces d’actes similaires à ceux adressés aux entités jugées responsables.

177. En tout état de cause, la Commission relève que, selon la jurisprudence, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’une autre entreprise ne se serait pas vu infliger d’amende. Même si la Commission avait commis une erreur, en n’imputant pas l’infraction à Vara, le respect du principe d’égalité de traitement devrait se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui.

178. À titre liminaire, il convient de relever que, le premier moyen ayant été accueilli, il n’y a pas lieu d’examiner la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la période d’entreprise commune, dès lors que la décision attaquée est annulée à cet égard.

179. Dans les développements qui suivent, le Tribunal examinera uniquement le grief des requérantes portant sur la discrimination par rapport à Vara et à M. Schümann pour ce qui est de la période Schümann.

180. Tout d’abord, il y a lieu de relever que la Commission a expressément admis, au considérant 457 de la décision attaquée, que « HOS, la société directement impliquée dans l’infraction, était en dernier lieu détenue par M. […] Schümann en personne et que la responsabilité de l’infraction commise pendant cette période incomb[ait], au final, à M. Schümann ». Cependant, la Commission n’a solidairement condamné, au titre de l’infraction commise par HOS, ni Vara, sa société mère directe, ni M. Schümann.

181. Selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ordonnance de la Cour du 15 juin 2012, Otis Luxembourg e.a./Commission, C‑494/11 P, non publiée au Recueil, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, Rec. p. I‑8301, points 54 et 55).

182. En outre, il y a lieu de relever que la possibilité, prévue par la jurisprudence mentionnée au point 36 ci-dessus, d’infliger à une société mère la sanction relative au comportement infractionnel de sa filiale ne s’oppose pas, en soi, à ce que la filiale elle-même soit sanctionnée. En effet, une entreprise – c’est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels (arrêt de la Cour du 13 juillet 1962, Mannesmann/Haute Autorité, 19/61, Rec. p. 675, 705 et 706) – est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l’entreprise (directoire, comité directeur, président, gérant, etc.), même si les conséquences financières en sont finalement supportées par ses propriétaires. Cette règle serait méconnue si l’on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d’une entreprise, de vérifier toujours qui est le propriétaire exerçant une influence décisive sur celle-ci, pour lui permettre de ne sanctionner que ce propriétaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/ 01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, points 279 à 281). La faculté de sanctionner la société mère pour le comportement d’une filiale étant donc sans incidence sur la légalité d’une décision adressée à la seule filiale ayant participé à l’infraction, la Commission a le choix de sanctionner soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui l’a contrôlée pendant cette période (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 331).

183. Ce choix appartient également à la Commission dans l’hypothèse d’une succession économique dans le contrôle de la filiale. Si, dans cette hypothèse, la Commission peut imputer le comportement de la filiale à l’ancienne société mère, pour la période antérieure à la cession, et à la nouvelle société mère pour la suite, elle n’est pas tenue de le faire et peut choisir de ne sanctionner que la filiale pour son propre comportement (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 182 supra, point 332).

184. En l’espèce, les requérantes ne contestent pas l’imputation de l’infraction commise par HOS à Sasol Wax en raison de la succession juridique entre sociétés. Une telle imputation est d’ailleurs justifiée par la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une entité ayant commis une infraction aux règles de la concurrence fait l’objet d’un changement juridique ou organisationnel, ce changement n’a pas nécessairement pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements contraires aux règles de la concurrence de la précédente entité si, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entités (voir arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 79, et la jurisprudence citée).

185. Cependant, les requérantes estiment que, la Commission ayant tenu pour solidairement responsables Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd avec Sasol Wax au titre de la période Sasol, elle ne pouvait pas, sans violer le principe d’égalité de traitement, exonérer de responsabilité solidaire les sociétés mères de HOS en ce qui concerne la période Schümann.

186. Force est de constater que Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd, en détenant la totalité du capital de la société directement impliquée dans l’infraction durant la période Sasol, se trouvaient dans une situation identique à celle de Vara et de M. Schümann en ce qui concerne la période Schümann.

187. Dès lors, la Commission a traité deux situations comparables d’une manière différente.

188. Les autres arguments de la Commission ne sauraient mettre en question cette constatation.

189. En premier lieu, la Commission fait valoir que les règles relatives à la prescription prévues à l’article 25 du règlement n o  1/2003 l’ont empêchée d’établir la responsabilité solidaire de Vara et de M. Schümann pour l’infraction commise par HOS, étant donné que ceux-ci n’ont détenu l’ensemble du capital de HOS que jusqu’au 30 avril 1995.

190. À cet égard, sans que le Tribunal soit appelé à déterminer, dans le cadre de la présente procédure, la responsabilité de Vara et de M. Schümann au titre de l’infraction commise par Schümann Sasol, il y a lieu de relever qu’il est possible que la question de l’existence d’une telle responsabilité ait été examinée par la Commission, en l’absence d’erreurs d’appréciation commises par elle telles qu’elles ont été révélées lors de l’examen du premier moyen. Or, dans l’hypothèse où la Commission aurait retenu que la responsabilité de Vara et de M. Schümann concernait la période d’entreprise commune, allant en l’occurrence jusqu’au 30 juin 2002, aucun des délais de prescription prévus à l’article 25 du règlement n o  1/2003 n’aurait expiré le 17 mars 2005 lorsque la Commission a été informée de l’entente et de l’implication de HOS.

191. Il s’ensuit que les arguments de la Commission tirés de la prescription doivent être rejetés, étant donné qu’elle ne saurait valablement invoquer, afin de justifier un traitement inégal, une différence entre la situation de Vara et de M. Schümann, d’une part, et celle des requérantes, d’autre part, qui aurait pu ne pas se présenter en l’absence d’erreurs d’appréciation commises par elle.

192. En second lieu, la jurisprudence invoquée par la Commission ne saurait remédier au traitement inégal révélé au point 187 ci-dessus. En effet, dans son arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 182 supra (point 331), le Tribunal a confirmé que la Commission pouvait valablement tenir pour responsable « soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui l’a contrôlée pendant cette période », mais il n’a pas mentionné que la Commission pouvait tenir pour solidairement responsable la nouvelle société mère, au titre de la période suivant la cession de la filiale et, en même temps, exonérer de responsabilité solidaire l’ancienne société mère au titre de la période précédant la cession. De même, la jurisprudence admet la pratique de la Commission de tenir pour responsable soit seulement la société participant directement à l’entente, soit tant l’ancienne que la nouvelle société mère, solidairement avec la filiale (arrêts du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, Rec. p. II‑4893, point 72, et du 3 mars 2011, Areva e.a./Commission, T‑117/07 et T‑121/07, Rec. p. II‑633, point 137). En revanche, la Commission n’invoque aucun précédent jurisprudentiel qui aurait entériné une répartition de la responsabilité comme celle qu’elle a retenue en l’espèce.

193. Il convient alors d’examiner les conséquences du traitement inégal constaté au point 187 ci-dessus.

194. Selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une éventuelle illégalité commise en faveur d’une autre entreprise, qui n’est pas partie à la procédure devant le Tribunal, ne peut amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » et à imposer à la Commission l’obligation d’ignorer les éléments de preuve dont elle dispose pour sanctionner l’entreprise ayant commis une infraction punissable, au seul motif qu’une autre entreprise se trouvant éventuellement dans une situation comparable a illégalement échappé à une telle sanction. En outre, dès lors qu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 197, et arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 77).

195. Or, force est de constater que la Commission a valablement constaté que Sasol Wax était responsable de l’infraction commise par HOS, à laquelle elle a succédé comme société participant directement à l’entente (voir point 184 ci-dessus), de sorte qu’elle pouvait légitimement être condamnée pour la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

196. De même, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, la Commission n’a pas commis d’erreur en imputant à Sasol Wax International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise directement par Sasol Wax durant la période Sasol. Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission les a tenues pour responsables, de manière solidaire, au titre de la période allant du 1 er  juillet 2002 au 28 avril 2005 de sorte que, dans une telle mesure, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

197. Cependant, l’inégalité de traitement constatée au point 187 ci-dessus justifie la réformation de la décision attaquée dans la mesure où elle a pour résultat l’aggravation de la responsabilité de Sasol Wax International, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd pour ce qui est de la fraction de l’amende infligée au titre de la période Schümann (voir point 452 ci-après).

198. En outre, il convient de souligner que l’absence d’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne le défaut de condamnation de Vara et de M. Schümann au titre des agissements de HOS n’a pas d’incidence sur l’éventuel droit des requérantes d’engager une action récursoire devant le juge national.

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une détermination erronée du montant de base de l’amende

Sur la première branche, tirée de l’absence d’une base légale valable de la décision attaquée

199. En premier lieu, les requérantes font valoir que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 ne constitue pas une base légale valable pour l’adoption de la décision attaquée.

200. En effet, cette disposition ne répondrait pas à l’exigence d’une « base claire et non ambiguë » qui s’impose aux décisions de la Commission de caractère répressif, notamment au regard de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et de la charte des droits fondamentaux, puisqu’elle donnerait à la Commission toute liberté pour infliger des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée.

201. Il convient de rappeler que le Tribunal a déjà examiné et rejeté de tels arguments.

202. Tout d’abord, il convient de relever que l’argument des requérantes tenant à l’absence de « base légale claire et non ambiguë » doit être compris en ce sens que celles-ci invoquent le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), tel que consacré notamment à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux. Ce principe exige qu’une réglementation de l’Union définisse clairement les infractions et les sanctions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 80).

203. En outre, selon la jurisprudence, en adoptant des décisions imposant des amendes pour participation à des ententes illicites, la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation illimitée pour la fixation du montant d’une telle amende, dans la mesure où les dispositions applicables prévoyaient un plafond des amendes en fonction du chiffre d’affaires des entreprises concernées, c’est-à-dire en fonction d’un critère objectif. Ainsi, bien qu’il n’existe pas de plafond absolu applicable à la globalité des infractions aux règles de concurrence, l’amende pouvant être imposée connaît toutefois un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d’infraction, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, points 74 à 76 ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, points 35 et 36, et du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié au Recueil, point 28).

204. Par ailleurs, tout en admettant que les critères de la gravité et de la durée de l’infraction, mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003, laissent à la Commission une large marge d’appréciation, il s’agit de critères retenus par d’autres législateurs pour des dispositions similaires, permettant à la Commission d’adopter des sanctions en tenant compte du degré d’illégalité du comportement en cause (arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, point 76 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 37, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 29).

205. En outre, pour fixer des amendes telles que celle en cause en l’espèce, la Commission était tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par sa propre jurisprudence et par celle de la Cour. De même, la pratique administrative de la Commission est soumise au plein contrôle du juge de l’Union. Ce contrôle a précisément permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n o  1/2003 (arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, points 77 et 79 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 41, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 30).

206. Par ailleurs, il y a lieu de souligner, que même si le droit de la concurrence a, certes, un caractère quasi pénal, il ne fait toutefois pas partie du « cœur » du droit pénal. Or, en dehors du « noyau dur » du droit pénal, les garanties en matière pénale consacrées à l’article 6 de la CEDH n’ont pas nécessairement vocation à s’appliquer dans toute leur rigueur (voir Cour eur. D. H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, Recueil des arrêts et des décisions , 2006‑XIV, § 43).

207. Il y a également lieu de noter dans ce contexte que, dans le domaine du droit de la concurrence et contrairement au droit pénal, tant les bénéfices que les sanctions des activités illégales sont purement pécuniaires, tout comme la motivation des contrevenants qui suivent d’ailleurs une logique économique dans leurs actions. Dès lors, la prédictibilité plus ou moins précise du montant de l’amende à infliger en raison de la participation à une entente illégale aurait des conséquences fort dommageables sur l’efficacité de la politique de concurrence de l’Union, dans la mesure où les entreprises commettant les infractions pourraient directement comparer les coûts et les bénéfices de leurs activités illégales, ainsi que prendre en compte les chances de la découverte, et ainsi tenter d’assurer la profitabilité desdites activités (voir, en ce sens, arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, point 83 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 45, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 32).

208. Sur la base des considérations qui précèdent, il convient de considérer que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 constitue à la fois un moyen permettant à la Commission de mettre en œuvre la politique de concurrence de l’Union avec l’efficacité nécessaire et une base légale suffisamment claire et précise pour l’adoption des décisions infligeant des amendes aux participants aux ententes. Dès lors, il convient de rejeter le grief des requérantes soulevé à cet égard.

209. En deuxième lieu, les requérantes estiment que la Commission a violé le principe de non-rétroactivité en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision attaquée, alors même que l’infraction en cause avait pris fin en avril 2005.

210. À cet égard, la Cour a déjà jugé que le fait que la Commission avait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement n o  1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l’Union. En effet, l’application efficace des règles de concurrence de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109 ; du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, Rec. p. I‑11005, point 81, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, point 169).

211. En effet, la mission de surveillance que confèrent à la Commission les articles 81 CE et 82 CE ne comprend pas seulement la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 210 supra, point 105, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, point 170).

212. Par conséquent, les entreprises en cause doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, points 229 et 230).

213. Dès lors, le remplacement des lignes directrices de 1998 par une nouvelle méthode de calcul des amendes, contenue dans les lignes directrices de 2006, à supposer qu’elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, était raisonnablement prévisible par les participants à l’entente eu égard à l’époque où celle-ci a été mise en œuvre. En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 206 ci-dessus, les garanties en matière pénale consacrées à l’article 6 de la CEDH n’ont pas nécessairement vocation à s’appliquer dans toute leur rigueur dans le domaine du droit de la concurrence. La portée de cette jurisprudence doit être élargie, par analogie, à l’article 7 de la CEDH. En tout état de cause, l’introduction de nouvelles lignes directrices n’a pas modifié le niveau maximal de l’amende, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, qui constitue le seul cadre législatif applicable. Partant, en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision litigieuse à des infractions commises avant leur adoption, la Commission n’a pas violé le principe de non-rétroactivité (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, points 231 et 232).

214. Enfin, il y a lieu de relever que, si la Commission avait pour obligation d’appliquer les lignes directrices en vigueur à l’époque où l’infraction a été commise, s’étendant à treize années en l’espèce, une telle contrainte viderait de contenu le droit de la Commission, reconnu par la jurisprudence citée au point 210 ci-dessus, d’adapter les méthodes de calcul de l’amende au regard de son obligation d’application efficace des règles de concurrence de l’Union.

215. Il s’ensuit que le second grief des requérantes doit également être rejeté et, par conséquent, la première branche du quatrième moyen dans son ensemble.

Sur la deuxième branche, tirée d’une inclusion erronée de la vente des microcires dans la valeur des ventes de Sasol

216. Selon le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise, dans le cadre direct ou indirect de l’infraction, dans le secteur géographique concerné, à l’intérieur du territoire de l’EEE. Selon la note en bas de page afférente à ce paragraphe, les ventes indirectes sont prises en compte, par exemple, pour les accords de prix horizontaux portant sur un produit donné, lorsque le prix de ce produit sert ensuite de base pour le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure.

217. Les requérantes estimen t que les microcires n’ont pas été concernées par l’entente, de sorte que la Commission a erronément inclus le chiffre d’affaires relatif à ces produits dans la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul de l’amende.

Sur les principes d’appréciation des preuves

218. Selon la jurisprudence, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

219. S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

220. Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 60, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec. p. II‑3871, point 58).

221. En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, lequel fait partie des droits fondamentaux qui constituent des principes généraux du droit de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause, ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à l’imposition d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 59 ; voir, en ce sens, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

222. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction. Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, points 62 et 63, et la jurisprudence citée).

223. Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

224. Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées en ce qui concerne le fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation, pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 203).

225. En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 64).

226. Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 225 supra, point 72).

227. Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 70).

228. Lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par elle et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par elle pour conclure à l’existence d’une violation des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 186).

229. En revanche, dans les cas où la Commission s’est fondée sur des preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées non de présenter simplement une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 187). Une telle administration des preuves ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

230. Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57 ; voir, également, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

231. Lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 207).

232. L’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 124 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 86).

233. Il ressort du principe de libre administration des preuves que, même si l’absence de preuves documentaires peut s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqués par la Commission, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence de permettre à l’entreprise concernée de mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication alternative des faits. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

234. En outre, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises auxquelles il est reproché d’avoir participé à l’entente. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 192, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 67).

235. Une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 71 ; voir également, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 205 à 210).

236. Toutefois, la déclaration d’une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 219 et 220, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 68).

237. En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné qu’il est possible que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 194 supra, point 70).

238. En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 59).

239. La jurisprudence précitée est applicable, par analogie, à l’article 53 de l’accord EEE.

Sur la décision attaquée et les déclarations des participants à l’entente

240. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 111 de la décision attaquée :

« Lors de la plupart des réunions techniques, les discussions sur les prix concernaient généralement les cires de paraffine et rarement seulement les différentes sortes de cire de paraffine (comme les cires de paraffine entièrement raffinées, les cires de paraffine semi-raffinées, les mélanges de cires/spécialités, les cires de paraffine solides ou les hydrocires). De plus, il était clair pour toutes les entreprises que les prix pour toutes les sortes de cire de paraffine augmenteraient du même montant ou du même pourcentage. »

241. La déclaration de Shell du 26 avril 2005, à laquelle la Commission se réfère au considérant 111 de la décision attaquée, indique que tous les types de cires de paraffine étaient concernés par les pratiques visant à la fixation des prix. En effet, Shell a déclaré que, lors des réunions techniques, il était généralement compris par les participants que les prix de tous les types de cires de paraffine seraient augmentés du même montant ou pourcentage.

242. En outre, dans sa déclaration orale du 21 mars 2007, Shell a également affirmé que ce n’était qu’en de rares occasions que les différents types de cires de paraffine (par exemple les cires de paraffine totalement raffinées, semi-raffinées, solides, et les mélanges/spécialités) avaient été mentionnés. Les participants étaient d’accord pour que les prix de tous les types de cires de paraffine augmentent du même montant ou du même pourcentage.

243. Ensuite, Total a déclaré que les hausses de prix portaient principalement sur les paraffines de qualité courante principalement utilisées dans le secteur des bougies, seules paraffines qui intéressaient véritablement Sasol et les autres producteurs allemands (DEA et Hansen & Rosenthal). La bougie étant un des principaux débouchés de la paraffine en Europe, une variation de prix sur ce marché entraînait une variation des prix dans les autres applications.

244. Sasol a également confirmé cette pratique en déclarant que les accords conclus lors des réunions techniques fixaient plus ou moins la tendance pour d’autres segments de produit, les participants ayant fréquemment tenté de transposer de manière approximative les augmentations de prix qui étaient décidées aux autres catégories de produits.

245. Dès lors, les déclarations concordantes des participants à l’entente soutiennent et confirment le contenu du considérant 111 de la décision attaquée.

Sur l’absence alléguée d’accord sur les prix des microcires

246. Les requérantes ne contestent pas que les microcires ont été mentionnées de manière occasionnelle lors des réunions techniques. Cependant, il ressortirait des déclarations des entreprises participant à l’entente, recueillies au cours de la procédure administrative, que les cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées étaient au cœur des réunions « Blauer Salon ». De plus, il n’y aurait eu aucune réunion au cours de la période infractionnelle pendant laquelle les participants se seraient entendus sur les prix de la microcire ou se seraient réparti les clients en ce qui concerne ces produits. Ce point serait confirmé par les déclarations de Shell.

247. En premier lieu, il convient de noter que la déclaration de Shell du 14 juin 2006, à laquelle les requérantes se réfèrent, se borne à décrire les caractéristiques des microcires et à fournir des précisions sur les matières premières les composant. Elle ne porte pas sur l’absence ou la présence de pratiques infractionnelles à l’égard de ces produits.

248. En second lieu, il importe d’observer que l’infraction concernant les cires de paraffine imputée aux requérantes consistait en des accords ou des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial, affectant les cires de paraffine (le volet principal de l’infraction) et la répartition de clients ou de marchés (le deuxième volet de l’infraction).

249. Les requérantes ne contestent pas que le volet principal de l’entente est complexe, c’est-à-dire combine des accords sur les prix, les pratiques concertées et l’échange d’informations sensibles.

250. Or, aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, « sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun ».

251. Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 199). Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec. p. II‑3355 point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra, points 151 à 157 et 206).

252. La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre les entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pra tique entre elles aux risques de la concurrence (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

253. À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature à soit influer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter, lorsque ses contacts ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence (arrêt Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 251 supra, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 252 supra, points 116 et 117).

254. Dès lors, afin d’inclure le chiffre d’affaires réalisé par la vente des microcires dans la valeur de ventes des participants, la Commission n’était pas tenue de démontrer que des accords concernant leur prix étaient conclus lors des réunions techniques. Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de la prétendue absence d’accords en ce qui concerne la fixation du prix de la microcire et la répartition des clients à l’égard de ces produits doivent être rejetés comme inopérants.

Sur les preuves documentaires relatives aux microcires

255. Il convient d’examiner les preuves documentaires relatives aux microcires, présentées dans la décision attaquée, ainsi que dans la documentation à laquelle ladite décision se réfère et qui a été communiquée aux requérantes durant la procédure administrative.

256. Premièrement, la note de MOL concernant la réunion technique du 24 juin 1994 à Budapest (Hongrie), à laquelle la Commission fait référence dans les notes en bas de page sous le considérant 132 de la décision attaquée, mentionne, sous le titre « Repsol » :

« ventes : 60 000 t [20 000 t importations]

Cepsa/Elf 15‑2000 t incl. 3 000 t micro

ERT seulement gatsch 15 000 to »

257. Ces indications, non reprises dans la décision attaquée, mais communiquées aux requérantes durant la procédure administrative, témoignent de ce que les participants ont indiqué les tonnages de cires de paraffine, y compris les microcires, vendus ou destinés à être vendus aux différents clients, en vue de la répartition des marchés et des clients.

258. Deuxièmement, la note de MOL relative à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg, citée au considérant 145 de la décision attaquée, indique :

« Pénurie 50/52 micro - > Repsol Mobil Agip

[...]

microcire – prix français 1500‑1600 augmentation 10 % »

259. Troisièmement, la note de MOL relative à la réunion des 5 et 6 mai 1998 à Budapest, à laquelle la Commission fait référence dans une note en bas de page sous le considérant 147 de la décision attaquée, indique :

« Total – [illisible] 5 500 – 6 500 micro [viscosité] 14‑15 [ ;] à Cepsa 4900 emu [illisible] + 4 % Total/E »

260. Compte tenu également des autres éléments de preuve mentionnés par la Commission au considérant 147 de la décision attaquée, ces différentes mentions témoignent de ce que les participants ont indiqué les tonnages de cires de paraffine, y compris les microcires, vendus ou destinés à être vendus aux différents clients, en vue de la répartition des marchés et des clients.

261. Quatrièmement, la note de MOL relative à la réunion des 13 et 14 avril 1999 à Munich (Allemagne), citée au considérant 153 de la décision attaquée, comporte un tableau dont une colonne complète est intitulée « Micro ». Les indications relatives aux autres colonnes, classifiant les autres types de cires de paraffine selon leur point de fusion, ne laissent pas de doute sur le fait qu’il s’agit des microcires.

262. Cinquièmement, un compte rendu de réunion « Blauer Salon » de Sasol relatif à la réunion des 26 et 27 juin 2001 à Paris (France), cité au considérant 163 de la décision attaquée, contient les indications suivantes :

« En juillet : annuler les prix des clients spéciaux (= ceux qui n’achètent pas ou qui ont acheté très bas l’année dernière/budget) le plus vite possible, par exemple 30 jours. Objectif : fixer un point de repère !

Fin août [:] annuler tous les prix au 30/9.01.

Au 1/10.01 + 7,- euros

Bois/émulsions + caoutchouc/pneus = plus tard

Si les clients réclament la tendance de prix pour la seconde moitié de l’année :

La tendance est à la hausse car tous les chiffres du budget, par ex. l’huile brut à 25,- $ / Taux de change du dollar à 2 DM, sont dépassés de manière significative. De plus, les microcires + environ 30 % / paraffines de qualité supérieure très rares et chères. »

263. Ces indications démontrent, d’une part, que les participants à l’entente ont considéré que les hausses des prix de tous les types de cires de paraffine étaient liées et, d’autre part, qu’ils ont également élaboré des justifications à ces hausses vis-à-vis des clients.

264. Sixièmement, une note manuscrite découverte chez Total concernant la réunion des 11 et 12 mai 2004, citée au considérant 174 de la décision attaquée, mentionne « 1 er  juillet – [...] + Microcire : 25 - > 50 $/T ». Dès lors, il s’agit d’une trace directe se référant à une discussion, voire à un accord, concernant les prix des microcires.

265. Ainsi qu’il a été rappelé au point 222 ci-dessus, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à des critères de précision et de concordance pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution de l’Union, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

266. En outre, au regard de la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes.

267. Par ailleurs, les notes de MOL ont été rédigées durant les réunions par la personne y assistant et leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, la valeur probante de ces notes est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus « Blauer Salon » de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après chaque réunion technique. Même si la personne qui les a rédigées n’était pas présente aux réunions techniques, elle s’est fondée sur les informations obtenues d’un participant. Dès lors, la valeur probante de ces comptes rendus est élevée.

268. Eu égard à l’ensemble des preuves réunies par la Commission, force est de constater que les prix, les volumes produits et d’autres informations commercialement sensibles relatifs aux microcires, ainsi que les volumes de microcires vendues ou destinées à être vendues aux clients, étaient discutés lors des réunions techniques.

Sur les autres arguments des requérantes

269. Les requérantes estiment que les prix des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées (produits qui faisaient l’objet des accords en cause) n’ont pas « servi de base pour le prix des » microcires en tant que « produits de qualité supérieure ou inférieure » au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, de sorte que leur prix ne pouvait pas être influencé par les accords concernant les prix des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. En effet, les microcires (contrairement aux mélanges de cires ou aux spécialités) ne seraient pas fabriquées à partir de cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Elles ne contiendraient même pas les mêmes matières premières que les cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Alors que ces dernières seraient élaborées à partir de pétrole brut léger, la microcire serait fabriquée à partir de base lubrifiante de forte viscosité. La matière première des microcires et les microcires elles-mêmes se distingueraient nettement du gatsch et des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Tous ces éléments auraient été portés à l’attention de la Commission de manière détaillée aux pages 2 à 4 de la demande de clémence de Sasol.

270. Enfin, les requérantes se réfèrent au tableau figurant dans leur réponse à la communication des griefs. Il en ressortirait que la courbe du prix des cires de paraffine semi-raffinées et celle du prix des cires entièrement raffinées ont connu une évolution très similaire, tandis que les prix de la microcire se sont montrés « plus irréguliers ». Ainsi, le prix des microcires ne dépendrait pas du marché des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées, de sorte que la Commission n’aurait pas été en droit de tenir compte des ventes de microcire de Sasol pour calculer le montant de base de l’amende.

271. S’agissant des caractéristiques différentes des microcires par rapport aux autres cires de paraffine, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, l’éventuelle appartenance des produits cartellisés aux divers marchés de produit n’affectent pas la légalité de la décision attaquée lorsque la Commission dispose des preuves matérielles que les activités anticoncurrentielles concernaient directement ou indirectement l’ensemble des produits visés par la décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, ci-après arrêt l’« arrêt Tokai II », point 90).

272. Eu égard à la démonstration directe concernant l’existence de discussions relatives aux prix et aux données commerciales sensibles relatives aux microcires ainsi qu’à la répartition des marchés quant aux microcires (voir points 255 et suivants), il convient de considérer que ces arguments des requérantes ne sauraient compromettre la validité de l’approche de la Commission, prenant en compte le chiffre d’affaires résultant de la vente de microcires lors du calcul du montant de base de l’amende.

273. Enfin, les requérantes font valoir qu’elles sont capables de produire des cires de paraffine à partir de gatsch, mais qu’elles sont incapables de produire des microcires à partir de bases lubrifiantes de forte viscosité. Dès lors, Sasol serait elle-même acheteur de microcires et, par conséquent, n’aurait eu aucun intérêt à l’augmentation de leur prix.

274. Cet argument ne saurait prospérer.

275. Tout d’abord, il convient de relever qu’il ressort du dossier que les prix artificiellement élevés du gatsch ne s’appliquaient pas aux fournitures croisées de ce produit entre participants à l’entente. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont fourni des données détaillées sur les volumes de leurs achats et de leurs ventes de microcires effectués entre 2002 et 2005 et exprimés tant en euros qu’en tonnes. Il en ressort que leur prix de revente a excédé en moyenne de 63,7 % le prix auquel elles ont acheté des microcires. Dès lors, il est raisonnable d’envisager que les prix artificiels résultant de l’entente ne s’appliquaient pas davantage aux fournitures croisées de microcires entre les participants à l’entente, tout comme dans le cas du gatsch. Ainsi, même si Sasol ne produisait pas elle-même de microcires, elle pouvait pleinement profiter des effets de l’entente sur le prix des microcires, étant donné qu’elle pouvait s’en procurer auprès des producteurs participant à l’entente ou auprès d’autres sources à un prix correspondant à un prix concurrentiel et les revendre aux prix artificiellement élevés résultant de l’entente.

276. Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lors de l’inclusion des ventes de microcires dans la valeur des ventes.

277. Par conséquent, la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

Sur la troisième branche, tirée des erreurs entachant le calcul du montant de base de l’amende en ce qui concerne le gatsch

278. Les requérantes font valoir que la Commission n’a identifié dans la décision attaquée qu’une seule réunion technique au cours de laquelle la vente de gatsch à des clients finals a été évoquée et qu’elle n’a même pas fermement affirmé que Sasol avait participé à ladite réunion. Dès lors, la gravité de l’infraction relative au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand ne saurait justifier un taux de 15 % de la valeur de ventes. De même, la Commission aurait commis une erreur en ce qu’elle a présumé que l’infraction avait duré six ans et six mois.

Sur la participation des requérantes au volet de l’infraction concernant le gatsch entre le 30 octobre 1997 et le 12 mai 2004

279. La Commission a affirmé, au considérant 288 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Tant Sasol que Shell admettent expressément que les prix du gatsch ont fait l’objet de discussions entre concurrents, plus spécialement à partir de la fin des années 1990, et elles ont fourni des détails sur certains des contacts en cause (voir aussi le considérant 112). Lors d’une réunion qui s’est tenue les 30 et 31 octobre 1997 (voir considérant 145), des discussions au sujet du gatsch ont réuni au moins l’ENI, H & R/Tudapetrol, MOL, Repsol, Sasol, Dea (après 2002, Shell) et Total qui [s]ont [...] convenu[es] d’une augmentation des prix. La représentation de Shell et Total à au moins une réunion spécifiquement consacrée au gatsch, les 8 et 9 mars 1999, a été établie (voir considérant 152). Sasol et ExxonMobil ne nient pas leur présence à cette réunion dans leur réponse à la communication des griefs et leur présence apparaît effectivement probable au vu d’une note manuscrite sur un message électronique interne de Shell envoyé le lendemain et faisant référence à ‘tous les producteurs’. Sasol, Shell et Total ont également été représentées à une réunion technique des 11 et 12 mai 2004 (voir considérant 174) lors de laquelle un accord a été atteint au sujet du prix du gatsch. La Commission fait remarquer en outre que le gatsch a fait 1’objet de discussions lors de certaines réunions techniques qui ont eu lieu en présence d’ExxonMobil, Sasol, Shell et Total. ExxonMobil a concédé avoir participé à ces discussions entre 1993 et 1996. ExxonMobil a également concédé que M. [T. H.], représentant d’ExxonMobil, a participé à des discussions sur le gatsch pour le compte de producteurs de panneaux de particules dans la partie germanophone de l’Europe entre 1999 et 2001 et confirme en général que des discussions ont été menées dans le cadre des arrangements de l’entente au sujet du gatsch vendu aux clients finals. De même, Total rapporte que des discussions sur l’augmentation des prix du gatsch ont eu lieu. Shell et ExxonMobil confirment également que des réunions ayant trait au gatsch avaient lieu en dehors des réunions techniques. Bien que l’ENI, H & R/Tudapetrol, MOL et Repsol aient également été représentées à certaines de ces réunions, la Commission considère que les preuves disponibles ne sont pas suffisantes pour retenir la responsabilité de ces entreprises dans l’infraction relative au gatsch. De plus, bien que certains éléments de preuve semblent se rapporter à d’autres périodes et marchés, la Commission considère que les preuves disponibles permettent seulement de conclure à une infraction relativement au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand dans les années 1997 à 2004. »

280. En outre, la Commission a affirmé au considérant 112 de la décision attaquée ce qui suit :

« La question du gatsch a été abordée au cours de certaines réunions techniques [note en bas de page : considérants 144, 145, 152, 157, 174 et 175 de la décision attaquée]. De plus, des accords portant sur le gatsch vendu à des clients finals sur le marché allemand ont été passés au moins une fois en dehors des réunions techniques lorsque des représentants de Shell, Sasol, ExxonMobil et Total, et peut-être d’autres, se sont réunis et ont approfondi la discussion sur le gatsch, autrement dit, ont fixé les prix et échangé des informations sensibles sur le plan commercial. Par exemple, il est prouvé qu’une telle réunion s’est tenue à Düsseldorf les 8 et 9 mars 1999. Les personnes représentant les entreprises lors de la réunion spécifique consacrée au gatsch étaient, pour la majorité des entreprises, les mêmes que celles qui assistaient aux réunions techniques, à l’exception de Total. »

281. Il convient de relever que les considérants 144, 145, 152, 157, 174 et 175 de la décision attaquée concernent respectivement les réunions des 19 et 20 juin 1997, 30 et 31 octobre 1997, 8 et 9 mars 1999, 3 et 4 février 2000, 11 et 12 mai 2004 et 3 et 4 août 2004.

282. Dans la décision attaquée, la Commission a justifié sa décision de n’établir l’existence de pratiques anticoncurrentielles pour le gatsch qu’en ce qui concernait les ventes aux clients finals en Allemagne de la façon suivante :

« […]

(289) La Commission considère par ailleurs que ces discussions avaient exclusivement trait au gatsch vendu par des entreprises liées aux clients finals tels que les producteurs de panneaux de particules et non, par exemple, aux cires de paraffines. Si les déclarations des entreprises n’établissent la plupart du temps aucune distinction entre les différents usages du gatsch, le courriel visé au considérant 152 [relatif à la réunion à Düsseldorf des 8 et 9 mars 1999] mentionne exclusivement le gatsch vendu aux producteurs de panneaux de particules. Par conséquent, la Commission considère qu’il existe un doute sur le point de savoir si la vente de gatsch à des clients autres que les clients finals a fait l’objet de l’infraction et limite ses conclusions au gatsch vendu aux clients finals. Ces considérations sont confirmées par Shell et ExxonMobil.

(290) Les preuves disponibles laissent entendre que les discussions occasionnelles sur le gatsch portaient essentiellement sur le marché allemand. ExxonMobil, Sasol, Shell et Total vendent toutes du gatsch sur le marché allemand et les réunions où le gatsch faisait l’objet de discussions ont eu lieu en Allemagne. La Commission considère qu’il n’existe pas suffisamment d’indications permettant de conclure que les arrangements applicables au gatsch portaient également sur le gatsch vendu aux clients finals d’autres pays.

(291) La Commission considère que l’infraction, dans la mesure où elle porte sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand, a débuté lors de la réunion des 30 et 31 octobre 1997 et a pris fin lors de la réunion des 11 et 12 mai 2004.

(292) La Commission considère par conséquent que les discussions relatives au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand donnaient lieu à des accords et/ou des pratiques concertées au sens de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE. Cette conclusion s’appuie sur les déclarations indépendantes et concordantes de Shell et de Sasol, soutenues par les déclarations d’ExxonMobil et de Total. Cette conclusion est confirmée par les preuves écrites. »

283. Premièrement, s’agissant de la réunion des 30 et 31 octobre 1997, à laquelle Sasol était présente, la Commission s’appuie, au considérant 145 de la décision attaquée, sur une note de MOL comportant la mention « slack wax : DM 550 - > 600 ». Cette note contient d’ailleurs des indications détaillées au sujet des augmentations des prix des cires de paraffine, en précisant les chiffres et les dates prévues de la mise en œuvre des augmentations par producteur, membre de l’entente.

284. La Commission en a déduit que « étant donné que la ligne ‘Augmentation de prix en janvier’ renvo[yait] au futur, cette note confirm[ait] que les entreprises participantes [étaient] convenu[es] d’une stratégie pour harmoniser et augmenter les prix » et que « [l]a note concern[ait] à la fois les cires de paraffine et le gatsch ».

285. Les requérantes font valoir que la note concerne du gatsch fourni aux membres de l’entente aux fins de la production de cires de paraffine.

286. À cet égard, il convient de relever que, selon les déclarations de participants à l’entente, les prix du gatsch, dans la mesure où celui-ci faisait l’objet de fournitures croisées entre participants, ne faisaient pas l’objet des réunions techniques, mais étaient définis par les négociations bilatérales entre les entreprises. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

287. Ensuite, les requérantes observent que MOL ne fournissait pas de gatsch aux clients allemands, de sorte que la note ne concerne pas le volet gatsch de l’infraction. De plus, il ne saurait être déduit de ces indications qu’un accord relatif aux prix a été conclu.

288. Il y a lieu de relever que ces arguments sont sans pertinence, étant donné qu’une fixation de prix en général s’applique à tous les clients, y compris, comme en l’espèce, aux clients finals allemands. En outre, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait décidé de limiter l’étendue des pratiques anticoncurrentielles concernant le gatsch aux ventes aux clients finals allemands, aux considérants 289 à 292 de la décision attaquée, repris au point 282 ci-dessus. Les requérantes n’ont pas présenté d’arguments concernant ces passages de la décision attaquée.

289. En outre, la Commission a mis à la charge des requérantes une infraction complexe, consistant en des « accords et/ou des pratiques concertées », de sorte qu’une démonstration concernant la conclusion d’un accord sur les prix particuliers n’est pas exigée.

290. Enfin, les requérantes font valoir que le compte rendu de réunion « Blauer Salon » relatif à cette réunion technique ne fait pas état des discussions concernant le gatsch.

291. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, les éléments fragmentaires et épars dont la Commission pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes, et l’appréciation porte sur l’ensemble des preuves accessibles. Dès lors, il ne peut pas être raisonnablement exigé de la Commission de prouver chaque détail de l’infraction par plusieurs preuves documentaires concordantes.

292. Eu égard à ces considérations, la Commission a retenu à juste titre que la note de MOL relative à cette réunion technique, en particulier à la lumière des déclarations des participants, faisait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des « accords et/ou des pratiques concertées » concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

293. Deuxièmement, s’agissant de la réunion des 8 et 9 mars 1999, évoquée au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a affirmé ce qui suit :

« Shell soumet une note manuscrite écrite, selon ses dires, par M. [S. R.] pour préparer cette réunion. Ceci expliquerait la dernière ligne de la note qui indique ‘8/9.3.99 PM – panneau de particules’. Shell déclare que ‘PM’ signifie ‘paraffin Mafia’ [(maffia de la paraffine)], le nom que Shell donnait aux entreprises qui participaient normalement aux réunions techniques. La note contient la date à laquelle la réunion a eu lieu, ce qui rend l’explication de Shell sur la note produite en préparation de la réunion plausible et cohérente avec les autres preuves. La note de M. [S. R.] montre que celui-ci s’attendait à ce que les personnes représentant les différentes entreprises échangent des informations sur l’approvisionnement en gatsch de certains gros clients. Le jour suivant cette réunion, M. [S. R.] a envoyé un courriel à son supérieur, M. [S. T.], déclarant [qu’un des participants] avait l’intention d’augmenter les prix du gatsch utilisé dans le secteur des panneaux de particules, de 8 à 10 pour cent dès le 1 er  juin 1999. Une note manuscrite concernant ce courriel indique que ‘tous les producteurs voient la nécessité d’augmenter (les prix)’. Ceci montre que les personnes représentant les sociétés lors de la réunion [s]ont convenu[es] d’une augmentation des prix du gatsch dans l’industrie des panneaux de particules, et [qu’un des participants] allait mettre cet accord en application à partir de juin 1999. La référence à ‘tous les producteurs’ montre aussi que les autres entreprises, en dehors de Total et Shell, doivent avoir participé à la réunion. »

294. Selon le considérant 151 de la décision attaquée, Sasol n’exclut pas sa présence à cette réunion.

295. De même, selon le considérant 152 de la décision attaquée, ExxonMobil ne nie pas avoir participé et admet que son représentant a participé à quelques discussions multilatérales avec Sasol, Shell/Dea et Total consacrées de manière spécifique au gatsch destiné aux producteurs de panneaux de particules dans la partie germanophone de l’Europe, « peut-être entre 1999 et 2001 ».

296. Le Tribunal constate que les déclarations d’ExxonMobil et de Shell, ainsi que la note de Shell, citées aux considérants 151 et 152 de la décision attaquée font partie de l’ensemble de preuves dont le Tribunal peut déduire que Sasol participait, durant la période 1999 à 2001, à au moins une réunion visant les « accords et/ou pratiques concertées » relatifs à la fixation du prix du gatsch destiné au client finaux allemands.

297. Troisièmement, s’agissant de la réunion technique des 17 et 18 décembre 2002 à laquelle Sasol était présente, la Commission, examinant une note de Total, parvenait au considérant 168 de la décision attaquée aux constatations suivantes :

« Il y a également un graphique daté intitulé ‘Marché européen’ qui a été distribué lors de la réunion. La copie découverte chez Total contient des annotations manuscrites montrant que les chiffres ont été discutés lors de la réunion. Cette note contient également d’autres commentaires manuscrits qui indiquent, entre autres : ‘Maintenance en mars chez Petrogal. Le gatsch en-dessous de 500 €. Situation de maintenance de 3 semaines en juillet chez MOL.’ Cela montre que le prix du gatsch a fait l’objet de discussions lors de cette réunion. »

298. Il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucune argumentation en ce qui concerne les passages en cause de la décision attaquée.

299. Dès lors, ledit graphique découvert chez Total fait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des « accords et/ou pratiques concertées » relatifs à la fixation de prix du gatsch destiné au client finals allemands.

300. Quatrièmement, s’agissant de la réunion des 11 et 12 mai 2004 à laquelle Sasol était présente, la Commission évoque, au considérant 174 de la décision attaquée, une note manuscrite retrouvée chez Total et contenant les indications suivantes :

« - > Sasol 40 €/50 $. - Fin juillet.

- > Mer : 38 - 28.

- > 1 er  juillet -

+ FRP : 70 - > 6000 €/T

+ Bougie chauffe-plat : 50 - > 500 €/T

+ Microcire : 25 - > 50 $/T

[...]

- > 40 €/T gatsch. »

301. Selon le considérant 174 de la décision attaquée, « la dernière ligne indique qu’une augmentation de prix a également été convenue pour le gatsch » et « [i]l ressort du contexte général de la note qu’une flèche précédant le prix indique l’existence d’une stratégie convenue pour l’avenir, c’est-à-dire qu’une augmentation de prix est envisagée ».

302. Selon les requérantes, rien n’indique que ce passage visait effectivement un accord portant sur le gatsch vendu aux clients finals en Allemagne. Aucune des autres entreprises qui ont pris part à la réunion des 11 et 12 mai 2004 n’aurait mentionné la conclusion d’un tel accord. De plus, ExxonMobil, qui constitue l’un des plus gros vendeurs de gatsch aux clients finals, ne figurant pas parmi les entreprises participantes énumérées au point 174 de la décision, il serait fort peu probable que la question du gatsch vendu aux clients finals ait été abordée au cours de cette réunion.

303. Il convient de rejeter ces arguments sur la base des considérations déjà exposées aux points 289 et 291 ci-dessus et de considérer que la note en question fait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des « accords et/ou des pratiques concertées » concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

304. En résumé, il y a lieu de conclure que la Commission a réuni un ensemble de preuves documentaires qui démontre l’existence des « accords et/ou des pratiques concertées » concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

305. Les requérantes font néanmoins valoir que ces éléments de preuve ne démontrent pas d’accords conclus avec Sasol.

306. S’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, la Cour a déjà jugé qu’une infraction à l’article 81 CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 230 supra, point 81, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 47).

307. La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 230 supra, point 82, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 306 supra, point 48).

308. Dès lors, la présence des requérantes aux réunions anticoncurrentielles et leur absence de distanciation à l’égard du contenu infractionnel justifie que la Commission leur impute ce dernier, sans qu’il soit nécessaire qu’elle démontre spécifiquement qu’elles ont conclu des accords lors de ces réunions. Dès lors, l’argument des requérantes soulevé à cet égard est dépourvu de pertinence.

309. Enfin, les requérantes font valoir que les réunions techniques des 30 et 31 octobre 1997 et des 11 et 12 mai 2004 n’étaient pas citées dans la communication des griefs comme étant des « réunions sur le gatsch ».

310. Cet argument ne saurait prospérer. En effet, les preuves concernant le volet gatsch de l’infraction, citées dans la décision attaquée, figuraient déjà dans la communication des griefs. De même, ladite communication indiquait clairement que le volet gatsch de l’infraction était imputé aux requérantes.

311. Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes ne contestent pas la constatation de la Commission selon laquelle les pratiques relatives aux cires de paraffine et celles relatives au gatsch constituent une seule infraction, unique et continue. Dès lors, les preuves relatives aux pratiques concernant le gatsch doivent être appréciées dans le contexte de l’ensemble des preuves réunies par la Commission et relatives à l’infraction unique. Ces preuves démontrent l’existence des contacts continus entre les entreprises participant aux pratiques relatives au gatsch.

312. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de confirmer la constatation de la décision attaquée selon laquelle les requérantes ont participé au volet gatsch de l’infraction complexe, unique et continue, telle que visée par la décision attaquée, durant la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004.

313. Il en résulte que la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant en compte, lors du calcul du montant de base de l’amende infligée aux requérantes, la valeur de ventes réalisées par la fourniture de gatsch et en appliquant le coefficient multiplicateur correspondant à la durée en cause.

Sur le caractère disproportionné du coefficient de 15 % appliqué sur le chiffre d’affaires réalisé par les ventes de gatsch

314. Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir méconnu le principe de proportionnalité, dans la mesure où celle-ci a calculé le montant de l’amende en retenant un taux de 15 % à l’égard des ventes de gatsch de Sasol aux clients finals en Allemagne.

315. Selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96 ; arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

316. Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est à dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 315 supra, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 171).

317. En premier lieu, il convient de relever que le volet gatsch de l’infraction consistait notamment en des activités collusoires concernant la fixation de prix entre concurrents et relevait ainsi de la catégorie des infractions les plus nuisibles à la libre concurrence.

318. Dès lors, le Tribunal considère que l’application du coefficient de 15 % à la valeur des ventes de gatsch aux fins du calcul du montant de l’amende est proportionnée à la gravité de ce volet de l’infraction.

319. En deuxième lieu, il y a lieu de souligner que la Commission a pris en compte les éléments pertinents de façon cohérente et objectivement justifiée. En effet, le volet gatsch de l’infraction relève du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 présentant les formes les plus graves des infractions, pour lesquelles l’application d’un coefficient « en haut de l’échelle », c’est-à-dire entre 15 et 30 % de la valeur des ventes, est généralement justifiée. En fixant le coefficient à 15 % de la valeur des ventes de gatsch, la Commission a pleinement respecté lesdites lignes directrices, puisqu’elle a retenu le coefficient le plus bas pouvant être appliqué, selon la règle générale établie par les lignes directrices de 2006, aux accords ou pratiques concertées horizontaux visant à la fixation des prix.

320. En troisième lieu, les requérantes considèrent néanmoins que ledit coefficient est disproportionné, eu égard au nombre restreint des réunions et des participants, à l’étendue limitée du volet gatsch de l’infraction, ainsi qu’à la part de marché relativement faible des participants.

321. S’agissant du nombre prétendument restreint des réunions lors desquelles la question du gatsch a été abordée, force est de constater que, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 283 à 310 ci-dessus, il s’agit d’un nombre d’occasions bien plus élevé que deux, nombre des réunions admises par les requérantes,. De plus, la Commission a établi à suffisance de droit la participation des requérantes au volet gatsch de l’infraction complexe, unique et continue, visée par la décision attaquée, durant la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 (voir point 312 ci-dessus). Dès lors, l’argument tiré du nombre limité des réunions concernant le gatsch doit être rejeté.

322. Pour ce qui est de l’étendue réduite du volet gatsch de l’infraction en ce qu’il ne concerne que les ventes aux clients finals allemands et la part de marché prétendument limitée de Sasol, il y a lieu de relever que ces éléments sont déjà pris en compte dans le calcul du montant de base de l’amende. En effet, seul le chiffre d’affaires de l’entreprise Sasol (reflétant sa part de marché exacte) réalisé à partir des ventes au groupe de clients en cause (reflétant l’étendue réduite du volet gatsch de l’infraction) a été pris en compte lors du calcul de la valeur des ventes à laquelle le coefficient de 15 % a été par la suite appliqué au titre de la gravité de l’infraction.

323. Dès lors, il convient de rejeter ces arguments des requérantes.

324. En quatrième lieu, les requérantes invoquent le fait qu’elles ne produisaient pas de gatsch.

325. À cet égard, il convient de rappeler que les prix artificiellement élevés du gatsch ne s’appliquaient pas aux fournitures croisées entre participants. Dès lors, malgré le fait que Sasol n’a pas produit elle-même de gatsch, elle pouvait profiter du volet gatsch de l’infraction, étant donné qu’elle pouvait s’en procurer à un prix concurrentiel et le revendre aux clients finals allemands aux prix artificiellement élevés qui résultaient de l’entente.

326. Ainsi, cet argument doit également être rejeté.

327. Par conséquent, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en retenant comme coefficient multiplicateur le taux de 15 % de la valeur des ventes au titre de la gravité du volet gatsch de l’infraction.

328. Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le présent grief et, par conséquent, la troisième branche du quatrième moyen.

Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de détermination différenciée du montant de base de l’amende en fonction des diverses périodes de participation à l’entente par les diverses sociétés

329. Les requérantes relèvent que, selon la pratique décisionnelle de la Commission, lorsque différents destinataires sont condamnés à des amendes pour différentes périodes d’infraction, la Commission doit fixer le montant de base de l’amende à infliger en divisant la fraction dudit montant de base calculé en fonction des ventes par le nombre de périodes différentes.

330. Or, en l’espèce, la Commission aurait appliqué, au titre de la durée de l’infraction, un coefficient de 13 à l’égard de Sasol Wax pour l’ensemble de la période de l’infraction, d’une part, et un coefficient de 10 pour les périodes pour lesquelles l’ensemble des requérantes ont été considérées comme solidairement responsables, d’autre part, tout en prenant en compte la même valeur des ventes pour ces différentes périodes.

331. La Commission aurait adopté cette démarche sans avoir expliqué pourquoi la bonne application des règles du droit de la concurrence de l’Union exigeait une sanction particulièrement sévère à l’encontre d’un groupe sud-africain de sociétés, pour les périodes d’une infraction pendant lesquelles ledit groupe n’était pas du tout présent en Europe, en l’occurrence pendant la période Schümann, ou n’était présent que par le biais d’une entreprise commune, en l’occurrence pendant la période d’entreprise commune, alors que la Commission ne voyait aucune raison de sanctionner Vara, la précédente société mère de HOS, détentrice d’un tiers du capital de Schümann Sasol.

332. Ce faisant, la Commission aurait violé les principes d’interdiction des amendes excessives et d’individualité des peines.

333. À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, la combinaison de la valeur des ventes se rapportant à l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. En outre, selon le paragraphe 13 desdites lignes directrices, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, se rapportant directement ou indirectement à l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE.

334. Selon la jurisprudence, dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d’affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. Il en résulte qu’une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu’à condition qu’elle démontre que le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 42, et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié au Recueil, point 142).

335. Au considérant 634 de la décision attaquée, la Commission a affirmé qu’elle reconnaissait que l’année 2004 représentait, du fait de l’élargissement de l’Union en mai, une année exceptionnelle et qu’elle considérait qu’il était approprié de ne pas utiliser la valeur des ventes réalisées au cours de l’année 2004 comme base de calcul unique du montant de l’amende, mais d’utiliser la valeur des ventes des trois derniers exercices de participation de l’entité à l’infraction.

336. Dès lors, à l’égard du volet principal et du deuxième volet de l’infraction, relatifs aux cires de paraffine, la Commission a utilisé la moyenne de la valeur des ventes de cires de paraffine par Sasol durant les années 2002 à 2004. Ainsi, elle est parvenue à un chiffre correspondant à 167 326 016 euros. En ce qui concerne le troisième volet, concernant le gatsch, elle a utilisé la moyenne de la valeur des ventes de Sasol durant les exercices 2001 à 2003. Elle a ainsi retenu un montant correspondant à 5 404 922 euros pour le gatsch.

337. En premier lieu, il convient d’examiner les arguments des requérantes du point de vue de la situation de Sasol Wax.

338. Les requérantes font valoir que la fraction de l’amende à l’égard de laquelle Sasol Wax est seule tenue pour responsable s’élève à 67,5 millions d’euros, ce qui représente environ 22 % de son chiffre d’affaires en 2007. Une amende d’un tel montant serait de nature à détruire la substance économique de Sasol Wax, à moins que le groupe Sasol ne prenne volontairement l’amende à sa charge, en l’absence de toute culpabilité et de toute responsabilité en ce qui concerne la période Schümann.

339. Dans la mesure où cet argument concerne le plafonnement de l’amende, il est renvoyé à l’analyse relative au sixième moyen.

340. Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucun argument tendant à démontrer que la valeur des ventes ayant servi de fondement au calcul du montant de base de l’amende infligée à Sasol Wax ne reflétait pas de manière appropriée l’importance économique de l’infraction commise par celle-ci ni son poids relatif dans l’entente, au sens des lignes directrices de 2006 et de la jurisprudence citée au point 334 ci-dessus.

341. De même, les requérantes ne contestent pas que Sasol Wax est responsable, en ce qu’elle a succédé juridiquement aux sociétés précédentes ayant participé directement à l’entente, des agissements infractionnels de HOS et de Schümann Sasol.

342. Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de concurrence de l’Union (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 44, et la jurisprudence citée). Les requérantes n’invoquent en revanche aucune règle de droit qui obligerait la Commission à individualiser la valeur de ventes au sein d’un groupe.

343. Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une quelconque erreur en utilisant la moyenne de la valeur des ventes réalisées par l’entreprise Sasol durant la période comprise entre 2002 et 2004 pour calculer le montant de base de l’amende infligée à chacune des sociétés la composant, pour la période entière de sa participation aux volets de l’infraction concernant les cires de paraffine, c’est-à-dire la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

344. Pour les mêmes raisons, les requérantes n’ont pas davantage démontré que la Commission avait commis une quelconque erreur en utilisant la moyenne de la valeur des ventes de l’entreprise Sasol réalisées durant la période comprise entre 2001 et 2003 pour calculer le montant de base de l’amende infligée à chacune des sociétés la composant, pour la période entière de sa participation aux volets de l’infraction concernant le gatsch, c’est-à-dire la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004.

345. S’agissant de la nécessité pour le groupe Sasol de prendre en charge, d’un point de vue économique, la partie de l’amende infligée à Sasol Wax excédant 10 % de son chiffre d’affaires, le Tribunal estime que cette question ne relève pas du calcul du montant de base de l’amende, mais plutôt de l’examen effectué dans le cadre du sixième moyen.

346. Dès lors, les arguments des requérantes doivent être rejetés, sans préjudice du résultat de l’examen du sixième moyen.

347. En deuxième lieu, il convient de relever que l’imputation des agissements de Schümann Sasol à Schümann Sasol International, durant la période d’entreprise commune, doit être confirmée en raison de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur le comportement de sa filiale dont elle détient l’ensemble du capital, qui n’a pas été renversée par les requérantes.

348. En outre, les requérantes ne contestent pas l’imputation de la responsabilité de Schümann Sasol International à Sasol Wax International en raison de la succession juridique entre ces deux personnes morales.

349. Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait erronément utilisé la même valeur des ventes pour Sasol Wax et pour son unique société mère, Sasol Wax International.

350. En troisième lieu, il y a lieu de rappeler l’accueil du premier moyen et l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de la responsabilité au titre des agissements de Schümann Sasol durant la période d’entreprise commune (voir point 127 ci-dessus). Dès lors, la question de l’illégalité alléguée en raison de la valeur des ventes utilisée pour le calcul du montant de l’amende, telle qu’elle a été imposée à ces dernières pour la période d’entreprise commune, ne se présente plus.

351. Au demeurant, en ce qui concerne la période Sasol, durant laquelle l’intégralité du capital de Sasol Wax était indirectement détenue par Sasol Holding in Germany et par Sasol Ltd, aucune règle de droit n’empêchait la Commission d’utiliser la même valeur des ventes pour calculer le montant de l’amende infligée à la filiale directement impliquée dans l’infraction et à ses sociétés mères.

352. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que la Commission n’a pas violé, dans le contexte de l’établissement de la valeur des ventes, les principes d’interdiction des amendes excessives et d’individualité des peines. Ainsi, il convient de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen et, par conséquent, le quatrième moyen dans son ensemble, sans préjudice des conséquences attachées à l’accueil des premier et sixième moyens.

5. Sur le cinquième moyen, tiré de l’établissement erroné du rôle de meneur de Sasol

353. Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation des éléments de preuve en ce qu’elle a conclu que la fraction de l’amende relative aux cires de paraffine à infliger à Sasol devait être majorée de 50 % (soit de 210 millions d’euros), au motif que Sasol jouait le rôle de meneur de l’entente dans le domaine des cires de paraffine.

Sur la décision attaquée

354. La Commission a présenté ses constatations s’agissant le rôle de meneur de Sasol aux considérants 681 à 686 de la décision attaquée :

« […]

(681) Le [paragraphe] 28 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes dispose que ‘Le montant de base de l’amende peut être augmenté lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes telles que : (...) Rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction (...).’ Dans la communication des griefs, la Commission a [affirmé] qu’elle ‘porterait également une attention particulière au rôle de chef de file que Sasol a pu jouer, comme il ressort des faits décrits ci-dessus’. Dans sa réponse à la communication des griefs, Sasol conteste avoir joué un tel rôle de meneur de l’infraction. Sasol allègue n’avoir joué un rôle de meneur qu’en ce qui concerne la partie technique des réunions techniques, en raison de la supériorité de sa connaissance des activités ; en outre, Sasol, dépendant des approvisionnements de ses concurrents, n’était pas en mesure de diriger une entente, quoiqu’elle admette avoir initié des discussions sur les prix; même si HOS – de petite envergure en termes de chiffre d’affaires en comparaison de ses concurrents – a pu jouer un rôle de meneur, son influence a diminué avec le temps. Enfin, Sasol allègue que son rôle de meneur n’est pas reflété par les preuves disponibles. Sasol semble suggérer que Total et ExxonMobil ont joué un rôle de meneur concernant certaines périodes et/ou certains aspects de l’infraction.

(682) Les arguments de Sasol ne sauraient être acceptés. Les éléments de preuve mentionnés au chapitre 4 montrent que :

1) Sasol a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressant des invitations et proposant des ordres du jour, et a organisé nombre d’entre elles, réservant des chambres d’hôtel, louant des salles de réunion et organisant les dîners ;

2) Sasol a présidé les réunions techniques et a initié et organisé les discussions sur les prix ;

3) Sasol a, au moins occasionnellement, établi des contacts bilatéraux suite aux réunions techniques ;

4) Sasol a, au moins une fois, représenté l’une des autres entreprises en cause (voir considérant 129).

(683) L’argument selon lequel Sasol aurait uniquement convoqué, organisé et présidé la partie technique des réunions techniques ne saurait être accepté. Rien n’indique que Sasol ait abandonné son rôle de meneur lorsque les discussions des réunions techniques faisaient place aux questions anticoncurrentielles, partie intégrante de ces réunions techniques, et Sasol elle-même admet avoir initié les discussions sur les prix. Aucune des notes de l’époque n’indique un changement de structure entre les deux parties des réunions. La Commission considère en tout état de cause que les deux parties des réunions étaient étroitement liées et qu’il n’est pas possible d’établir une distinction nette entre les deux. Enfin, les autres participants aux réunions techniques ont perçu Sasol comme jouant le rôle de meneur de l’entente. Ceci ressort notamment du courriel adressé par le représentant d’ExxonMobil (voir considérant 600) pour mettre fin à sa participation à l’entente. Rien n’indique que Sasol ait jamais tenté de contrecarrer l’impression des autres participants quant à sa position de meneur de l’entente. Le fait que Sasol puisse avoir été dépendante des autres sociétés pour l’approvisionnement n’exclut pas qu’elle ait joué un rôle de meneur dans l’entente. Compte tenu de la position de leader de Sasol sur le marché des cires de paraffine, la dépendance aux approvisionnements n’est qu’un aspect de la situation, les autres étant que Sasol était dans une certaine mesure capable d’influencer le marché des cires de paraffine et qu’elle constituait un acheteur puissant. Alors que Sasol et ses prédécesseurs peuvent apparaître comme étant de faible envergure par rapport aux autres destinataires de la présente décision en termes de chiffre d’affaires mondial, il convient de ne pas oublier qu’il s’agit de l’acteur le plus important sur le marché des cires de paraffine en termes de valeur des ventes. Le fait que l’entreprise concernée ait été économiquement indépendante de ses concurrents ou qu’elle ait été en mesure d’exercer une pression sur ceux-ci ne constitue en outre pas une condition préalable à la constatation d’un rôle de meneur. La jurisprudence n’exige pas, pour que l’existence d’un meneur puisse être constatée, que celui-ci dicte leur comportement aux autres. La Commission ne considère par conséquent pas que ce rôle de meneur puisse être exclu sur le fondement des extraits des déclarations mentionnées par Sasol.

(684) Le rôle de meneur de Sasol n’ayant pu être établi concernant le gatsch, la Commission conclut que la circonstance aggravante liée au fait d’avoir joué un rôle de meneur ne peut être appliquée qu’aux autres produits en relation avec l’infraction.

(685) Dans la mesure où Sasol suggère que les autres entreprises ont joué un rôle de meneur, eu égard à certaines périodes ou certains aspects de l’infraction, la Commission fait remarquer que ces allégations ne sont pas fondées sur des preuves et ne peuvent, de ce fait, être prises en considération.

(686) Au vu de ce qui précède, le montant de base de l’amende pour Sasol doit être augmenté de 50 % de la part du montant de base fondé sur les ventes par Sasol de cires de paraffine entièrement raffinées, de cires de paraffine semi-raffinés, de mélanges de cires, de spécialité s, de cires hydro-raffinées et de cires de paraffine dures. »

Sur la jurisprudence-cadre

355. Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’établir leurs rôles respectifs lors de l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 252 supra, point 150). Il en résulte, notamment, que le rôle de « chef de file » (meneur) joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C‑298/98 P, Rec. p. I‑10157, point 45).

356. Conformément à ces principes, le paragraphe 28 des lignes directrices de 2006 établit, sous le titre « Circonstances aggravantes », une liste non exhaustive de circonstances pouvant amener à une augmentation du montant de base de l’amende, parmi lesquelles figure le rôle de meneur de l’infraction (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, points 280 à 282, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 197).

357. Pour être qualifiée de meneur d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Cette circonstance doit être appréciée d’un point de vue global au regard du contexte de l’espèce. Elle peut, notamment, être inférée de ce que l’entreprise, par des initiatives ponctuelles, a donné spontanément une impulsion fondamentale à l’entente, ou d’un ensemble d’indices révélant le dévouement de l’entreprise à assurer la stabilité et la réussite de l’entente (arrêts BASF/Commission, point 356 supra, points 299, 300, 351, 370 à 375 et 427, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 198).

358. Il en va ainsi lorsque l’entreprise a participé aux réunions de l’entente au nom d’une autre entreprise qui n’y assistait pas et a communiqué les résultats desdites réunions à celle-ci. Il en va de même lorsqu’il est avéré que ladite entreprise a joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente et en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente (arrêts BASF/Commission, point 356 supra, points 404, 439 et 461, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 199). Lors de l’établissement d’un tel rôle central, sont également pertinentes la présidence de réunions ainsi que la prise d’initiative dans le but de créer l’entente ou d’amener un nouveau participant à y adhérer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, Rec. p. II‑4077, points 333 et 335).

359. En revanche, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. La position sur le marché d’une entreprise ou les ressources dont elle dispose ne peuvent pas davantage constituer des indices d’un rôle de meneur de l’infraction, même s’ils font partie du contexte au regard duquel de tels indices doivent être appréciés (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2012, Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, T‑357/06, point 286, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 201 ; voir également, en ce sens, arrêt BASF/Commission, point 356 supra, points 299 et 374).

360. Par ailleurs, selon la jurisprudence, eu égard aux importantes conséquences quant au montant de l’amende à infliger au meneur de l’entente, il appartient à la Commission de mettre en avant, dans la communication des griefs, les éléments qu’elle estime pertinents, afin de permettre à l’entreprise incriminée susceptible d’être qualifiée de meneur de répondre à un tel grief. Toutefois, eu égard au fait qu’une telle communication demeure une étape dans l’adoption de la décision finale et qu’elle ne constitue dès lors pas la position définitive de la Commission, il ne peut être exigé que cette dernière procède déjà à ce stade à une qualification juridique des éléments sur lesquels elle se fondera dans sa décision finale pour qualifier une entreprise de meneur de l’entente (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, points 70 et 71).

361. Enfin, il y a lieu de souligner que les passages des documents et de déclarations qui, le cas échéant, n’ont été cités expressément par la Commission ni dans la décision attaquée ni dans la communication des griefs peuvent néanmoins être pris en compte par le Tribunal dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, pourvu que lesdits documents et déclarations aient été rendus accessibles aux requérantes dans la procédure administrative après la communication des griefs (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, point 55 ; voir, en ce sens, arrêts BASF/Commission, point 356 supra, point 354, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 176).

Sur le respect de l’obligation de motivation quant à la constatation concernant le rôle de meneur de Sasol

362. Les requérantes estiment que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa constatation selon laquelle Sasol jouait un rôle de meneur de l’entente.

363. À cet égard, il importe de relever qu’il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision individuelle doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

364. En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué de manière suffisamment précise, aux considérants 681 à 686 de la décision attaquée, les éléments sur lesquels elle s’est fondée pour qualifier Sasol de meneur du volet de l’infraction concernant les cires de paraffine. En effet, la Commission a exposé les faits qu’elle a estimés pertinents à cet égard et a précisé les documents à l’appui de ces constatations factuelles.

365. Partant, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé.

Sur l’appréciation au fond des éléments réunis par la Commission pour soutenir la conclusion concernant le rôle de meneur de Sasol

366. À titre liminaire, les requérantes estiment que les éléments réunis dans la décision attaquée ne sauraient fonder la conclusion selon laquelle Sasol était le meneur de l’entente, de sorte que la Commission a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit à cet égard.

367. En premier lieu, il convient d’examiner les éléments figurant aux considérant 682 de la décision attaquée selon lesquels Sasol a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressait des invitations et proposait des ordres du jour en ce qui concernait lesdites réunions, organisait nombre d’entre elles, réservant des chambres d’hôtel, louant des salles de réunion et organisant les dîners, et selon lesquels elle a présidé ces réunions et a lancé et organisé les discussions sur les prix.

368. Les requérantes ne contestent pas l’exactitude des faits mentionnés ci-dessus.

369. Elles font cependant valoir que Sasol n’a pas établi l’ordre du jour relatif à la discussion de l’entente, mais uniquement pour la partie technique et légitime des réunions. En outre, les dates et lieux des réunions du « Blauer Salon » n’auraient pas été fixées unilatéralement par Sasol, mais décidés par l’ensemble des participants.

370. En outre, Sasol n’aurait ni organisé ni structuré d’une quelconque manière la discussion sur les prix des participants à l’entente. Après avoir présidé la partie technique de la réunion, Sasol aurait lancé généralement la discussion sur les prix, mais la fixation des prix était ensuite discutée de manière ouverte et les décisions à ce sujet étaient prises par l’ensemble des participants sous la forme d’un « tour de table » ouvert. Rien n’indiquerait que Sasol ait exercé la moindre pression sur l’un quelconque des autres participants en vue d’obtenir que les discussions aboutissent à un résultat déterminé.

371. Le Tribunal considère que les arguments avancés par les requérantes ne sauraient atténuer l’importance du fait que c’est Sasol qui a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressé les invitations aux participants, réservé des chambres d’hôtel, loué des salles de réunion et organisé les dîners. Ces éléments démontrent que Sasol était organisateur des réunions anticoncurrentielles du point de vue pratique.

372. En outre, le fait que Sasol a envoyé les invitations a une importance particulière, allant au-delà de celle de l’organisation pratique, étant donné que, lorsque certains participants à l’entente étaient absents d’une ou de plusieurs réunions techniques successives, et n’avaient ainsi pas appris le lieu et la date de la prochaine réunion technique sur place, ils pouvaient rejoindre les réunions ultérieures sur invitation de Sasol.

373. De même, le fait que Sasol a établi l’ordre du jour relatif au moins à la partie technique et légitime des discussions est l’indice d’une certaine prééminence parmi les participants aux réunions techniques, susceptible de renforcer l’autorité de Sasol déjà détenue en raison de sa qualité de plus grand producteur de cires de paraffine dans l’EEE, détenant une part de marché de 22,4 % en 2004.

374. Par ailleurs, le fait que c’était Sasol qui lançait généralement la discussion sur les prix est également d’importance, puisque, ainsi, c’était généralement Sasol qui faisait basculer les discussions légitimes de nature technique vers celles de nature anticoncurrentielle. Ainsi, même en l’absence d’indications relatives à des discussions anticoncurrentielles dans l’ordre du jour établi par Sasol, conséquence naturelle de la nature clandestine des ententes, c’était généralement Sasol qui déterminait la place des discussions anticoncurrentielles parmi les sujets débattus. En outre, il ressort du dossier que c’était généralement Sasol qui était la première à annoncer le prix ciblé des cires de paraffine ou la mesure de la hausse, ainsi que la date de début d’application des nouveaux prix vis-à-vis des clients.

375. Au demeurant, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 359 ci-dessus, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. Dès lors, les requérantes ne sauraient utilement invoquer que Sasol n’exerçait pas de pression sur les autres participants lors des réunions techniques.

376. En deuxième lieu, les requérantes ne contestent pas que Sasol a, au moins une fois, représenté l’une des autres entreprises en cause, à savoir Wintershall. En outre, Sasol informait les autres participants à l’entente, dont les représentants n’avaient pu assister à une réunion, des résultats de celle-ci, ainsi qu’il est démontré au considérant 103 de la décision attaquée et au point 185 de l’annexe de la décision attaquée en ce qui concerne MOL, Eni et Repsol.

377. En troisième lieu, la Commission relève également, au considérant 683 de la décision attaquée, que les autres participants aux réunions techniques ont perçu Sasol comme jouant le rôle de meneur de l’entente. Cela ressort notamment du courriel adressé par le représentant d’ExxonMobil afin de mettre fin à sa participation à l’entente.

378. Les requérantes estiment que les éléments de preuve réunis par la Commission n’étayent pas la conclusion de cette dernière selon laquelle les autres participants ont perçu Sasol comme meneur de l’entente. Le courriel d’ExxonMobil aurait été adressé à Sasol pour la seule raison que c’est cette dernière qui avait envoyé le courriel précédent comportant l’ordre du jour de la réunion proposée.

379. Le courriel d’ExxonMobil a été examiné au considérant 600 de la décision attaquée. La Commission a établi ce qui suit :

« ExxonMobil déclare que la dernière réunion à laquelle l’un de ses représentants a assisté est la réunion technique des 27 et 28 février à Munich. En réaction à l’invitation à la réunion […] du 15 janvier 2004 par [M. M.], de Sasol, [M. Hu] d’ExxonMobil répond, entre autres : ‘Les points à l’ordre du jour semblent présenter un intérêt pour notre entreprise. Toutefois, il nous semble que ce groupe de concurrents se réunit sans le soutien d’une association professionnelle et n’a dès lors ni structure ni statut. Cette situation nous gêne et nous souhaiterions suggérer que ces réunions se déroulent sous la houlette de l’EWF soit au sein du comité technique, soit en tant que sous-comité distinct. ExxonMobil ne participera pas à cette réunion en l’absence du soutien d’une association professionnelle réglementaire.’ »

380. Eu égard au contexte de ce courriel, le Tribunal constate que la mention de réunions « entre concurrents […] sans le soutien d’une association professionnelle » indique qu’ExxonMobil souhaitait mettre fin à sa participation à l’entente, comme la Commission l’a d’ailleurs retenu à juste titre. L’utilisation d’un langage plus explicite n’aurait pas été raisonnable, compte tenu de la nature clandestine des ententes et des risques d’amende découlant de la mention explicite d’agissements anticoncurrentiels dans un courriel.

381. Le fait que ce courriel ait été adressé seulement à Sasol et non pas à tous les participants indique, sans doute raisonnable, qu’ExxonMobil considérait Sasol comme le meneur de l’entente.

382. Les déclarations de Shell et de Sasol auxquelles le considérant 107 de la décision attaquée se réfère contiennent des indications convergentes, en ce que les deux entreprises ont affirmé que les réunions étaient généralement organisées et présidées par le représentant de Sasol.

383. Dès lors, il convient de rejeter les arguments des requérantes à cet égard et de confirmer la constatation de la Commission selon laquelle les autres participants percevaient Sasol comme le meneur de l’entente.

384. Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la Commission a réuni un ensemble de preuves convergentes qui, au regard de la jurisprudence-cadre, justifie la conclusion selon laquelle Sasol était une force motrice significative pour l’entente et portait une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci, de sorte que la Commission a valablement retenu qu’elle était le meneur des volets de l’entente concernant les cires de paraffine.

385. Les autres arguments des requérantes ne sauraient remettre en cause la validité de cette constatation.

386. En premier lieu, selon les requérantes, la seule différence existant entre Sasol et les autres participants est le fait que Sasol organisait et présidait les réunions, qu’elle lançait plus souvent les discussions sur les prix et la mise en œuvre des hausses de prix convenues et qu’elle était généralement la première à mettre en œuvre les prix convenus avec l’ensemble des participants.

387. Tout d’abord, force est de constater que la décision attaquée n’est pas fondée uniquement sur ces affirmations, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’examen ci-dessus.

388. Ensuite, ainsi que la Commission l’observe à bon droit, aucune autre entreprise que Sasol ne réunit autant d’éléments concourant à établir son rôle de meneur. En effet, il ressort de l’annexe de la décision attaquée qu’il n’existe de preuves explicites de réunions organisées par les autres participants que pour cinq réunions, en l’occurrence une par MOL, trois par Total et une par Shell, sur un total de 51, alors que des invitations et des ordres du jour transmis par courrier électronique permettent d’imputer à Sasol l’initiative et l’organisation de onze réunions.

389. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

390. En deuxième lieu, les requérantes font valoir que Sasol n’était pas capable de diriger l’entente, puisqu’elle dépendait des autres participants à l’entente verticalement intégrés auprès desquels elle s’est procuré du gatsch, matière première des cires de paraffine.

391. Cet argument ne saurait prospérer. La part de marché de Sasol sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE était de 22,4 % en 2004, de sorte que Sasol était, comme les requérantes l’admettent, le fournisseur le plus important de cires de paraffine et le « meneur de marché ». De plus, elle était un acheteur important de gatsch, par exemple, selon ses propres dires, l’acheteur le plus important du gatsch produit par Shell et ExxonMobil. Ainsi, elle détenait une forte position de négociation vis-à-vis des producteurs de gatsch en raison de son pouvoir d’acheteur. Au demeurant, le fait que Sasol n’a été soumis à aucune pression quant au prix du gatsch par les producteurs verticalement intégrés est suffisamment démontré par le fait que même la revente du gatsch qu’elle a effectuée vers les clients finals allemands était une activité commerciale profitable. Il en ressort que le poids commercial de Sasol parmi les participants à l’entente n’était pas affecté par le fait qu’elle n’était pas verticalement intégrée.

392. En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission ne pouvait pas valablement retenir, à la fois, que les accords et pratiques anticoncurrentiels relatifs au gatsch et aux cires de paraffine constituaient une infraction unique et continue et que le rôle de meneur de Sasol n’avait pas pu être établi concernant le gatsch. Étant donné qu’il ne serait pas possible de diriger seulement partiellement une entente, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation à cet égard.

393. Ainsi que la Commission le relève à bon droit, les notions d’« infraction unique et continue » et de « meneur de l’infraction » ne répondent pas aux mêmes critères. La notion d’« infraction unique et continue » repose sur l’idée d’un objectif anticoncurrentiel unique, alors que la notion de « meneur de l’infraction » repose sur le fait qu’une entreprise constitue une force motrice importante au sein de l’entente.

394. Dès lors, aucune règle de droit n’impose à la Commission l’obligation d’établir que le rôle de meneur de Sasol s’étendait à tous les volets de l’infraction. Au contraire, le fait que la Commission n’a pas retenu le rôle de meneur de Sasol quant au volet concernant le gatsch, malgré le rôle d’organisateur de Sasol en ce qui concerne les réunions techniques, au cours desquelles le gatsch était également discuté, reflète une approche équitable de la part de la Commission.

395. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a apporté plusieurs éléments de preuve concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de retenir que Sasol a constitué une force motrice significative pour l’entente.

396. Dès lors, la Commission n’a commis ni d’erreur d’appréciation ni d’erreur de droit en concluant, sur la base d’un faisceau d’indices cohérents et convergents, que la requérante avait assumé le rôle de meneur de l’entente dans le domaine des cires de paraffine.

397. Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

Sur le caractère prétendument excessif, disproportionné et discriminatoire de la majoration de 50 % du montant de base de l’amende au titre du rôle de meneur

398. Les requérantes estiment que la majoration du montant de base de l’amende à hauteur de 210 millions d’euros est indûment excessive et disproportionnée. Par conséquent, elles demandent au Tribunal d’annuler la majoration de l’amende de 50 % ou, à tout le moins, de réduire substantiellement le taux de majoration pour qu’il reflète de manière adéquate et proportionnée la gravité de l’infraction commise par Sasol au regard de celles commises par les autres participants à l’entente.

399. En premier lieu, selon les requérantes, la Commission a déduit le rôle de meneur allégué de Sasol exclusivement de circonstances qui, dans une moindre mesure, concernent également les autres participants à l’entente, de sorte qu’il n’existerait pas de différence qualitative entre la contribution de Sasol à l’entente et celle des autres participants. Dès lors, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle ne fait grief de ces faits qu’à Sasol et non aux autres participants à l’entente.

400. Il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il découle de l’analyse figurant aux points 367 à 396 ci-dessus, la Commission a démontré que Sasol était, eu égard à son rôle de meneur au sein de l’entente, dans une situation différente de celle des autres participants. Il a été possible de parvenir à cette conclusion sur la base d’éléments tant quantitatifs que qualitatifs, étant donné que certains comportements, indicateurs du rôle de meneur ne sauraient être valablement reprochés qu’à Sasol. La Commission peut en tout cas valablement différencier le montant de base de l’amende infligée aux différents participants en prenant en compte l’intensité particulière des activités organisatrices d’un seul participant au sein de l’entente.

401. Par conséquent, eu égard à la situation particulière de Sasol par rapport à celle des autres participants, au regard de la jurisprudence citée au point 181 ci-dessus, la Commission n’a pas violé le principe d’égalité de traitement.

402. En second lieu, les requérantes avancent que l’infraction commise par Sasol n’est pas plus grave que celle commise par les autres participants dans une mesure qui justifie une majoration de 50 % de l’amende. La capacité financière de Sasol serait en outre sensiblement plus faible que celle des autres membres de l’entente, de sorte qu’elle est déjà affectée par le montant de base de l’amende bien plus sévèrement que tous les autres participants à l’entente.

403. Le taux de majoration de 50 % ajouté au montant de base de l’amende représenterait 125 % des ventes annuelles de cires de paraffine réalisées par Sasol Wax dans l’EEE. Cela correspondrait également à 75 % du montant de base cumulé des amendes infligées à tous les autres participants à l’entente, alors même que la part de marché de Sasol Wax est d’environ 25 à 30 %.

404. Selon la jurisprudence, le montant de l’amende doit être modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal Degussa/Commission, point 203 supra, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379).

405. Selon la jurisprudence citée au point 316 ci-dessus, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence de l’Union, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.

406. En l’espèce, il y a lieu de relever que le fait que le montant de base de l’amende représente 125 % des ventes annuelles de cires de paraffine réalisées par Sasol Wax dans l’EEE découle essentiellement du simple fait qu’elle a participé à l’entente durant treize ans et que la durée de participation est un multiplicateur appliqué à la valeur des ventes.

407. De même, le fait que l’augmentation en raison du rôle de meneur corresponde à 75 % du montant de base cumulé des amendes infligées à tous les autres membres de l’entente s’explique par le fait que Sasol, leader du marché des cires de paraffine détenant 22,4 % de celui-ci, a réalisé des ventes d’une valeur beaucoup plus importante que celle des ventes des autres participants.

408. Aucune des comparaisons effectuées par les requérantes n’entre, dès lors, dans la ligne d’analyse de la proportionnalité quant à la majoration du montant de base de 50 % en raison du rôle de meneur de l’entente.

409. En revanche, le Tribunal a déjà confirmé, dans des circonstances analogues à celles de l’espèce et dans son exercice de pleine juridiction, qu’une majoration de 50 % du montant de base de l’amende reflétait de manière appropriée le caractère nuisible additionnel de l’infraction qui résultait du rôle de meneur de l’entente (arrêt Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, point 359 supra, point 302).

410. Au demeurant, il y a lieu de relever que la majoration du montant de base de l’amende ne concerne pas la question de la capacité financière de l’entreprise tenue pour responsable de l’infraction. L’élément de calcul utilisé à cet effet est le plafonnement du montant total de l’amende à 10 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Dès lors, les arguments avancés par les requérantes à cet égard sont inopérants.

411. Par conséquent, eu égard aux circonstances de l’espèce et aux éléments réunis par la Commission démontrant le rôle de meneur de l’entente de Sasol, il convient de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité et n’a pas augmenté d’une façon excessive le montant de base de l’amende en appliquant une majoration de ce montant de base de 50 % en raison de ce rôle de meneur.

412. Par conséquent, il y a lieu de rejeter les griefs tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

413. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

6. Sur le septième moyen, tiré de l’omission d’accorder une immunité totale à Sasol en ce qui concerne certaines parties de l’amende

414. Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et violé le paragraphe 23 de la communication sur la coopération de 2002 en ce qu’elle a fondé l’amende à infliger à Sasol sur plusieurs éléments qui ont été volontairement fournis par cette dernière, qui étaient ignorés de la Commission avant les déclarations de Sasol et qui ont eu une incidence significative et directe sur la gravité et sur la durée de l’infraction.

415. Au considérant 741 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les éléments de preuve fournis par Sasol après les inspections, par deux communications déposées en avril et en mai 2005 et dans les annexes qui les accompagnaient, apportaient une valeur ajoutée significative au sens de la communication sur la coopération de 2002, du fait qu’ils renforçaient la capacité de la Commission à prouver les faits afférents à l’entente.

416. En outre, au considérant 743 de la décision attaquée, la Commission affirme que les premiers éléments de preuve ayant un impact direct sur la détermination de la durée de l’entente n’ont pas été fournis par Sasol, mais ont été découverts pendant les inspections, à savoir les notes de MOL et les comptes rendus de réunions « Blauer Salon » de Sasol, et étaient contenus dans la demande d’immunité de Shell.

417. Sur cette base, selon le considérant 749 de la décision attaquée, la Commission a appliqué une réduction de 50 % au montant de l’amende imposée à Sasol, soit le taux maximal de réduction qui peut être accordé en vertu de la communication sur la coopération de 2002 à une entreprise qui n’est pas la première à révéler l’existence d’une entente, celle-ci étant Shell en l’espèce.

Sur la première branche, concernant les réunions techniques antérieures à 2000

418. Les requérantes font valoir que la réunion la plus ancienne mentionnée par Shell dans sa demande de clémence est celle qui s’est tenue à Budapest les 3 et 4 février 2000. La déclaration de Shell n’aurait contenu aucun élément de preuve concret quant aux réunions qui se sont tenues avant cette date. Ainsi, la Commission aurait dû se fonder sur les déclarations de Sasol pour démontrer la tenue de certaines réunions, en particulier pour la période comprise entre 1995 et 2000.

419. Pour ce qui est des notes de MOL et des comptes rendus de réunions « Blauer Salon », retrouvés lors des inspections, et qui constitueraient alors des preuves antérieures aux communications volontaires de Sasol, les requérantes estiment que ces sources ne couvraient pas toutes les réunions mentionnées dans la décision de la Commission et que les informations données par ces notes n’étaient pas, pour la plupart, suffisamment explicites pour prouver la durée de l’infraction. En outre, les requérantes font référence à sept réunions techniques tenues entre 1996 et 2001 dont les éléments essentiels, tels que les dates, les lieux, l’identité des participants et les contenus anticoncurrentiels, n’ont pu être établis par la Commission avec le degré de certitude requis que grâce aux demandes de clémence de Sasol.

420. Dès lors, les requérantes considèrent que c’est sur la base des éléments fournis par Sasol que la Commission a pu démontrer à suffisance de droit l’existence d’une infraction entre 1992 et 1999. Elles demandent en conséquence au Tribunal de réformer la décision attaquée et de leur accorder la pleine immunité pour la partie de l’infraction se rapportant à la période située entre 1992 et 1999.

421. Force est de constater que les arguments des requérantes ne sont corroborés ni par le contenu de la décision attaquée ni par les documents qui y sont cités.

422. En premier lieu, en ce qui concerne la période comprise entre la première réunion, en 1992, et la huitième, qui s’est tenue le 27 janvier 1995, la Commission disposait des informations sur l’entente provenant de sources autres que la demande de clémence de Sasol, à savoir des notes de MOL et des comptes rendus de réunions « Blauer Salon » de Sasol, retrouvés lors des inspections. Il s’agit des réunions techniques des 3 et 4 septembre 1992 (considérant 126 de la décision attaquée), du 26 mars 1993 (considérant 129 de la décision attaquée), du 2 juin 1993 (considérant 130 de la décision attaquée), du 25 octobre 1993 (considérant 131 de la décision attaquée), du 24 juin 1994 (considérant 132 de la décision attaquée), du 30 septembre 1994 (considérant 133 de la décision attaquée) et du 27 janvier 1995 (considérant 134 de la décision attaquée). Les notes de MOL et les comptes rendus de réunions « Blauer Salon » relatifs à ces réunions, mentionnés dans la décision attaquée, ont permis à la Commission d’établir l’identité des participants, la date et le lieu des réunions, voire, pour la plupart, le contenu des discussions et leur nature anticoncurrentielle.

423. En ce qui concerne la période comprise entre la neuvième réunion, qui s’est tenue les 16 et 17 mars 1995, et la vingt-deuxième réunion, qui s’est tenue les 27 et 28 octobre 1999, les déclarations de Sasol n’ont permis de porter à la connaissance de la Commission que trois réunions, à savoir celles des 12 et 13 janvier 1999 (considérant 150 de la décision attaquée), des 2 et 3 mars 1999 (considérant 151 de la décision attaquée) et des 23 et 24 septembre 1999 (considérant 155 de la décision attaquée). En revanche, la Commission pouvait établir la tenue de quatre réunions, celles des 22 et 23 juin 1995 (considérant 136 de la décision attaquée), des 14 et 15 mai 1996 (considérant 140 de la décision attaquée), des 12 et 13 février 1998 (considérant 146 de la décision attaquée) et des 8 et 9 juillet 1999 (considérant 154 de la décision attaquée) sur la base des notes de MOL retrouvées lors des inspections. En outre, la Commission pouvait également reconstruire le contenu de deux de ces réunions sur la base des éléments de preuve recueillis lors des inspections.

424. Il s’ensuit que les éléments de preuve dont la Commission disposait avant le dépôt des déclarations de Sasol lui ont permis d’établir l’existence de l’infraction pour la période qui précédait le 3 février 2000. Dès lors, les allégations des requérantes manquent en fait.

425. En deuxième lieu, les requérantes ne sauraient davantage se prévaloir du caractère fragmentaire de l’information contenue dans les notes de MOL et les comptes rendus de réunions « Blauer Salon ».

426. Il y a lieu de relever que les notes de MOL sont des notes manuscrites préparées durant les réunions par la personne y assistant et que leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, leur valeur probante est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus de réunions « Blauer Salon » de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque de l’infraction et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après la réunion technique à laquelle elles se réfèrent. Dès lors, leur valeur probante est élevée.

427. En outre, selon la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, eu égard à la nature clandestine des ententes, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

428. Or, les notes et comptes rendus mentionnés ci-dessus constituent un ensemble de preuves sur lequel la Commission pouvait valablement fonder la constatation selon laquelle l’entente était déjà en place entre 1992 et 1999.

429. Certes, les deux communications de Sasol ont facilité le travail de la Commission en fournissant des éléments de preuve additionnels et des clarifications relatives à l’interprétation des autres preuves disponibles. Cependant, cette contribution est reflétée, d’une manière appropriée, par le taux de réduction de l’amende de 50 % accordé à Sasol au titre de sa coopération.

430. Dès lors, il convient de rejeter la première branche du septième moyen.

Sur la seconde branche, concernant la répartition des marchés et des clients

431. Il convient de rappeler que, selon le considérant 653 de la décision attaquée, dès lors qu’il a été établi qu’ExxonMobil, MOL, Repsol, RWE, Sasol, Shell et Total avaient également pris part à une répartition de clients ou de marchés, constituant le deuxième volet de l’infraction, la proportion de la valeur des ventes prise en considération pour ces entreprises a été fixée à 18 % au lieu de 17 %, taux qui a été appliqué aux entreprises qui ne participaient qu’au premier volet de l’infraction.

432. Les requérantes relèvent que les informations fournies sur cette question par Shell avant leurs déclarations se sont avérées fragmentaires, selon le considérant 741 de la décision attaquée. De même, elles allèguent que les éléments de preuve détaillés quant à la répartition de clients ou de marchés découlent des déclarations de Sasol des 30 avril et 12 mai 2005.

433. À cet égard, il suffit de relever que les éléments, pointant clairement une répartition des clients lors des réunions techniques, étaient présents dans les notes de MOL citées dans la décision attaquée aux considérants 145 et 147, dans un compte rendu de Sasol, cité au considérant 168 de la décision attaquée, et dans une note de Total, mentionnée au considérant 170 de la même décision. Ces éléments de preuve avaient été obtenus lors des inspections, c’est-à-dire avant le dépôt des déclarations de Sasol.

434. Dès lors, les allégations des requérantes manquent en fait.

435. S’agissant du caractère fragmentaire des informations contenues dans lesdites notes, il suffit de renvoyer aux considérations figurant aux points 426 et 427 ci-dessus.

436. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche et, par conséquent, le septième moyen dans son ensemble.

Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

437. Il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement n o  1/2003, conformément à l’article 229 CE et, désormais, à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée. Le contrôle prévu par les traités implique donc, conformément aux exigences du droit à une protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il a le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 181).

438. Il appartient, dès lors, au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date à laquelle il adopte sa décision, si les parties requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause, de sorte que lesdites amendes revêtent un caractère proportionné par rapport aux critères prévus à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec. p. II‑645, points 584 à 586, et du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 93).

439. Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec. p. I‑13085, point 64)

1. Sur la première branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période Schümann

440. Les requérantes rappellent que Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International n’ont pas été tenues pour responsables de la fraction de l’amende afférente à la période Schümann (soit 67,5 millions d’euros), qui correspond à 22 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax, seule société responsable de l’infraction au titre de la période Schümann, en tant que successeur juridique de HOS. La Commission aurait cependant omis à tort d’établir et d’appliquer le plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 en ce qui concerne la période Schümann.

441. L’amende infligée à Sasol Wax au titre de la période Schümann serait excessive et de nature à détruire sa substance, sauf à ce que Sasol Ltd choisisse volontairement de prendre l’amende à sa charge, ce qui l’amènerait à supporter indirectement la responsabilité afférente à la période Schümann.

442. Dès lors, la Commission aurait violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 et le principe d’individualité des peines. Par conséquent, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle inflige à Sasol Wax une amende qui dépasse le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé en 2007 par M. Schümann et le groupe de sociétés sous son contrôle. À l’audience, les requérantes ont demandé, à titre alternatif, une réduction de cette partie de l’amende en plafonnant son montant à 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax.

443. La Commission estime que, lors du calcul du plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, elle doit prendre en compte l’unité économique telle qu’elle existe au moment de l’adoption de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence. Au demeurant, la Commission relève que ni M. Schümann ni Vara ne sont destinataires de la décision attaquée et, ne serait-ce que pour cette raison, elle ne peut pas appliquer le plafond de 10 % à leurs chiffres d’affaires.

444. Selon la jurisprudence, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires vise le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d’affaires donne une indication de l’importance et de l’influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 227 supra, point 5022, et la jurisprudence citée). En outre, ledit plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêts du Tribunal Tokai II, point 271 supra, point 389, et du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, Rec. p. II‑4819, point 193).

445. Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l’entreprise au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date d’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêts du Tribunal Tokai II, point 271 supra, point 390 ; du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T‑26/06, non publié au Recueil, point 113, et du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission, T‑54/06, non publié au Recueil, point 92).

446. En premier lieu, en l’espèce, il est constant que, durant la période Schümann de l’infraction, HOS, devenue Sasol Wax, ne formait pas une entité économique avec Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International. Cependant, au moment de l’adoption de la décision attaquée, Sasol Wax formait une unité économique avec les autres requérantes.

447. En deuxième lieu, il y a lieu de noter que les arrêts invoqués par la Commission dans ses écrits (arrêts du Tribunal HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 528 ; du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission, T‑52/03, non publié au Recueil, point 353, et Tokai II, point 271 supra, point 389) ne concernent pas des situations dans lesquelles, durant une période couverte par l’infraction, la société directement responsable ne formait pas encore une unité économique avec les sociétés mères détenant son capital au moment de l’adoption de la décision. Dès lors, les solutions dégagées dans lesdits arrêts ne sauraient littéralement être suivies dans une situation factuelle qui est différente sur ce point crucial.

448. En troisième lieu, il y a lieu d’ajouter qu’une des conséquences positives des règles selon lesquelles il convient de faire abstraction de la séparation formelle entre deux sociétés et d’imposer des amendes solidairement à la filiale et à sa société mère formant la même entreprise (voir points 31 et 36 ci-dessus) est l’élimination du risque qu’une société puisse éviter ou minimiser les amendes en concentrant les activités illégales dans une filiale ayant un chiffre d’affaires négligeable. La règle selon laquelle le plafond de l’amende doit être établi à l’égard du chiffre d’affaires global de l’entreprise peut être regardée comme assurant un tel résultat. Or, un tel objectif n’est pas compromis par le plafonnement différencié de l’amende au titre d’une période de l’infraction ayant précédé la création d’une unité économique entre la filiale participant directement à l’entente et la société mère la détenant au moment de l’adoption de la décision de la Commission, lorsque les actifs de la filiale ne sont pas réalloués aux autres entités juridiques à la suite de son acquisition et, ensuite, après la découverte de l’entente.

449. En quatrième lieu, la Commission ne conteste pas l’affirmation des requérantes selon laquelle, Sasol Wax n’étant pas en mesure de payer la fraction de l’amende pour la période Schümann correspondant à 22 % de son chiffre d’affaires annuel, Sasol Ltd, société faîtière, devrait payer une partie de l’amende à la place de Sasol Wax, à savoir la partie au-delà du plafond de 10 %, qui n’est pas censée être supportable par Sasol Wax.

450. En cinquième lieu, il convient également de souligner que, durant la période Schümann, Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ne pouvaient pas profiter des activités infractionnelles, dès lors qu’elles n’étaient pas encore propriétaires de Sasol Wax.

451. En sixième lieu, il convient de prendre en compte le fait que, dans les droits nationaux, la responsabilité solidaire du paiement de l’amende infligée en raison d’une infraction à l’article 81 CE confère à chacun des codébiteurs actionnés en paiement le droit de demander à l’autre de contribuer au paiement de la part de l’amende payée en son nom (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 avril 2013, Mindo/Commission, C‑652/11 P, points 36 et 37). Or, en l’espèce, les requérantes arguent précisément des difficultés à engager une action récursoire contre Vara et M. Schümann en l’absence de leur condamnation par la Commission, sans être contredites sur ce point par celle-ci.

452. Dès lors, l’inégalité de traitement opérée par la Commission (voir points 187 et 197 ci-dessus), en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à la période Schümann, est susceptible d’aggraver la responsabilité financière de Sasol Wax International, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd pour l’infraction commise par HOS. En effet, la partie de l’amende excédant 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax est censée être supportée par ses sociétés mères, alors que l’absence de condamnation solidaire de Vara et de M. Schümann est susceptible d’affecter la répartition finale du montant de l’amende devant les juges nationaux, au détriment des requérantes et, en particulier, des trois sociétés mères actuelles de Sasol Wax.

453. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à Sasol Wax au titre de l’infraction commise durant la période Schümann à 10 % de son chiffre d’affaires en 2007. Celui-ci s’élevant à 308 600 000 euros, la partie de l’amende infligée à Sasol Wax pour cette période de l’infraction est fixée à 30 860 000 euros.

454. La partie du montant de l’amende ainsi fixée est sans préjudice d’une appréciation ultérieure de la Commission quant à l’incidence, à cet égard, du présent arrêt.

2. Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période d’entreprise commune, examinée en combinaison avec l’accueil du premier moyen

455. Les requérantes réitèrent que Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ne sauraient se voir attribuer la responsabilité de la période d’entreprise commune et de la période Sasol. Il s’ensuivrait que la fraction de l’amende relative à ces périodes aurait dû être plafonnée à 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax ou, dans l’hypothèse où le Tribunal estime que Schümann Sasol et Schümann Sasol International ainsi que Sasol Wax et Sasol Wax International ont formé une entité économique unique au cours de ces périodes respectives, à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en 2007 par Sasol Wax International.

456. Ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, il convient de confirmer la décision attaquée dans la mesure où la Commission a retenu l’existence d’une unité économique entre Schümann Sasol et Schümann Sasol International, ainsi qu’entre leurs successeurs, Sasol Wax et Sasol Wax International.

457. Cependant, il convient de rappeler que, sur la base des conclusions finales concernant le premier moyen, la décision attaquée doit être réformée dans la mesure où la Commission attribue à Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise par l’entité économique unique constituée par Schümann Sasol et Schümann Sasol International.

458. En premier lieu, il convient de relever que la partie de l’amende imposée à Sasol Wax et à Sasol Wax International, afférente à la période d’entreprise commune (179 657 803 euros), dépasse largement 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax International (480 800 000 euros en 2007).

459. En deuxième lieu, la Commission ne conteste pas l’affirmation des requérantes selon laquelle, Sasol Wax International n’étant pas en mesure de payer la totalité de l’amende afférente à la période d’entreprise commune, Sasol Ltd, société faîtière, devrait payer une partie de l’amende à sa place, à savoir la partie au-delà du plafond de 10 %, qui n’est pas censée être supportable par Sasol Wax International.

460. En troisième lieu, force est de constater que l’erreur d’appréciation révélée dans le cadre du premier moyen met en cause le périmètre de l’entreprise ayant commis l’infraction durant la période d’entreprise commune. En outre, la condamnation solidaire de différentes sociétés au titre de l’infraction commise par Schümann Sasol dépend de la constatation préalable selon laquelle elles formaient ensemble une seule entreprise au sens de l’article 81 CE à l’époque de la commission de l’infraction. La définition de l’entreprise étant en l’espèce viciée, il n’est pas exclu que, en l’absence des erreurs d’appréciation en cause, la Commission aurait établi la responsabilité solidaire de Vara et de M. Schümann au titre de l’infraction commise directement par Schümann Sasol.

461. En quatrième lieu, eu égard à la jurisprudence citée au point 451 ci-dessus, le Tribunal constate que les erreurs d’appréciation concernant la définition de l’entreprise ayant commis l’infraction durant la période d’entreprise commune, en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à ladite période, sont susceptibles d’aggraver les conséquences financières de l’infraction commise directement par Schümann Sasol sur les requérantes. En effet, la partie de l’amende excédant 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax International est censée être supportée par ses sociétés mères, alors que l’absence de condamnation solidaire de Vara et de M. Schümann est susceptible d’affecter la répartition finale du montant de l’amende devant les juges nationaux, au détriment des requérantes et, en particulier, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd.

462. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à Sasol Wax et à Schümann Sasol International au titre de l’infraction commise durant la période d’entreprise commune à 10 % du chiffre d’affaires de cette dernière en 2007. Celui-ci étant de 480 800 000 euros, la partie de l’amende en cause, infligée à Sasol Wax et à Sasol Wax International, doit être réduite à 48 080 000 euros.

463. La partie du montant de l’amende ainsi fixée est sans préjudice d’une appréciation ultérieure de la Commission quant à l’incidence, à cet égard, du présent arrêt.

3. Sur la partie du montant de l’amende afférente à la période Sasol

464. Enfin, en ce qui concerne la période Sasol de l’infraction et la partie de l’amende s’y rapportant, s’élevant à 71 042 197 euros, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, que le montant de l’amende infligée aux requérantes est approprié, compte tenu de la gravité et de la durée de l’infraction commise.

Sur les dépens

465. Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

466. En l’espèce, trois moyens parmi les sept ayant été avancés par les requérantes ont été accueillis et le montant de l’amende infligée à chacune d’entre elles a été substantiellement réduit. Dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supporte ses propres dépens ainsi que deux tiers de ceux exposés par les requérantes, qui supporteront ainsi un tiers de leurs propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) L’article 1 er de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1 er  octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie), est annulé en tant que la Commission européenne y a constaté que Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol avaient participé à l’infraction avant le 1 er juillet 2002.

2) Le montant de l’amende infligée à Sasol Wax GmbH est réduit à la somme de 149 982 197 euros, au paiement de laquelle sont tenues solidairement, d’une part, Sasol Wax International AG, à hauteur de 119 122 197 euros, et, d’autre part, Sasol et Sasol Holding in Germany, à hauteur de 71 042 197 euros.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission supportera ses propres dépens et deux tiers de ceux exposés par Sasol, Sasol Holding in Germany, Sasol Wax International et Sasol Wax.

5) Sasol, Sasol Holding in Germany, Sasol Wax International et Sasol Wax supporteront un tiers de leurs propres dépens.


ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 juillet 2014 ( *1 )

«Concurrence — Ententes — Marché des cires de paraffine — Marché du gatsch — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Fixation des prix et répartition des marchés — Responsabilité d’une société mère pour les infractions aux règles de la concurrence commises par ses filiales et par une entreprise commune partiellement détenue par elle — Influence déterminante exercée par la société mère — Présomption en cas de détention d’une participation de 100 % — Succession d’entreprises — Proportionnalité — Égalité de traitement — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 — Circonstances aggravantes — Rôle de meneur — Plafonnement de l’amende — Pleine juridiction»

Dans l’affaire T‑541/08,

Sasol, établie à Rosebank (Afrique du Sud),

Sasol Holding in Germany GmbH, établie à Hambourg (Allemagne),

Sasol Wax International AG, établie à Hambourg,

Sasol Wax GmbH, établie à Hambourg,

représentées par Mes W. Bosch, U. Denzel et C. von Köckritz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de Me M. Gray, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’amende infligée aux requérantes ou de réduction de son montant,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1. Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

1

Par la décision C (2008) 5476 final, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci-après la «décision attaquée»), la Commission des Communautés européennes a constaté que les requérantes, Sasol Wax GmbH, Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol (ci-après «Sasol Ltd») (ci-après, les requérantes prises ensemble, «Sasol»), avaient, avec d’autres entreprises, enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant à une entente sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE et sur le marché allemand du gatsch.

2

Les destinataires de la décision attaquée sont, outre Sasol, les sociétés suivantes : l’ENI SpA, Esso Deutschland GmbH, Esso Société anonyme française, ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et Exxon Mobil Corp. (ci-après, prises ensemble, «ExxonMobil»), H&R ChemPharm GmbH, la H&R Wax Company Vertrieb GmbH et Hansen & Rosenthal KG (ci-après, prises ensemble, «H&R»), Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG, MOL Nyrt., Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA, Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA (ci-après, prises ensemble, «Repsol»), Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, la Shell International Petroleum Company Ltd, The Shell Petroleum Company Ltd, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Ltd (ci-après, prises ensemble, «Shell»), RWE Dea AG et RWE AG (ci-après, prises ensemble, «RWE»), ainsi que Total SA et Total France SA (ci-après, prises ensemble, «Total») (considérant 1 de la décision attaquée).

3

Les cires de paraffine sont fabriquées en raffinerie à partir de pétrole brut. Elles sont utilisées pour la production de produits tels que des bougies, des produits chimiques, des pneus et des produits automobiles, ainsi que pour les industries du caoutchouc, de l’emballage, des adhésifs et du chewing-gum (considérant 4 de la décision attaquée).

4

Le gatsch est la matière première nécessaire à la fabrication de cires de paraffine. Il est produit dans les raffineries en tant que sous-produit de la production d’huiles de base à partir de pétrole brut. Il est également vendu aux clients finaux, par exemple aux producteurs de panneaux de particules (considérant 5 de la décision attaquée).

5

La Commission a commencé son enquête après que Shell Deutschland Schmierstoff l’a informée, par lettre du 17 mars 2005, de l’existence d’une entente en la saisissant d’une demande d’immunité en vertu de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la coopération de 2002») (considérant 72 de la décision attaquée).

6

Les 28 et 29 avril 2005, la Commission a procédé, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des vérifications sur place dans les locaux de «H&R/Tudapetrol», de l’ENI, de MOL, ainsi que dans ceux appartenant aux sociétés des groupes Sasol, ExxonMobil, Repsol et Total (considérant 75 de la décision attaquée).

7

Entre le 25 et le 29 mai 2007, la Commission a adressé une communication des griefs à chacune des sociétés figurant au point 2 ci-dessus, donc également aux requérantes (considérant 85 de la décision attaquée). Par lettre du 13 août 2007, Sasol Wax et Sasol Wax International ont conjointement répondu à la communication des griefs. Par une lettre du même jour, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ont également répondu conjointement à la communication des griefs.

8

Les 10 et 11 décembre 2007, la Commission a organisé une audition à laquelle les requérantes ont participé (considérant 91 de la décision attaquée).

9

Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les destinataires, constituant la majorité des producteurs de cires de paraffine et de gatsch au sein de l’EEE, avaient pris part à une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui couvrait le territoire de l’EEE. Cette infraction consistait en des accords ou en des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant les cires de paraffine (ci-après le «volet principal de l’infraction»). En ce qui concerne RWE (par la suite Shell), ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol et Total, l’infraction affectant les cires de paraffine concernait également la répartition de clients ou de marchés (ci-après le «deuxième volet de l’infraction»). En outre, l’infraction commise par RWE, ExxonMobil, Sasol et Total portait également sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand (ci-après le «volet gatsch de l’infraction») (considérants 2, 95, 328 et article 1er de la décision attaquée).

10

Les pratiques infractionnelles se sont matérialisées lors de réunions anticoncurrentielles appelées «réunions techniques» ou parfois réunions «Blauer Salon» par les participants et lors des «réunions gatsch» dédiées spécifiquement aux questions relatives au gatsch.

11

Les amendes infligées en l’espèce ont été calculées sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les «lignes directrices de 2006»), en vigueur au moment de la notification de la communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus.

12

La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

«Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur des cires de paraffine dans le marché commun et, à partir du 1er janvier 1994, dans l’EEE :

[…]

Sasol Wax GmbH : du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005 ;

Sasol Wax International AG : du 1er mai 1995 au 28 avril 2005 ;

Sasol Holding in Germany GmbH : du 1er mai 1995 au 28 avril 2005 ;

Sasol [Ltd] : du 1er mai 1995 au 28 avril 2005 ;

[…]

En ce qui concerne les entreprises suivantes, l’infraction concerne également, pour les périodes indiquées, le gatsch vendu à des clients finals sur le marché allemand :

[…]

Sasol Wax GmbH : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol Wax International AG : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol Holding in Germany GmbH : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

Sasol [Ltd] : du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

ENI SpA : 29120000 EUR ;

Esso Société anonyme française : 83588400 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et ExxonMobi1 Corporation pour 34670400 EUR dont conjointement et solidairement avec Esso Deutschland GmbH pour 27081600 EUR ;

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG : 12000000 EUR ;

Hansen & Rosenthal KG conjointement et solidairement avec H&R Wax Company Vertrieb GmbH : 24000000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

H&R ChemPharm GmbH pour 22000000 EUR ;

MOL Nyrt. : 23700000 EUR ;

Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA conjointement et solidairement avec Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA : 19800000 EUR ;

Sasol Wax GmbH : 318200000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol [Ltd] pour 250700000 EUR ;

Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, Shell International Petroleum Company Limited, the Shell Petroleum Company Limited, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Limited : 0 EUR ;

RWE-Dea AG conjointement et solidairement avec RWE AG : 37440000 EUR ;

Total France SA conjointement et solidairement avec Total SA : 128163000 EUR.»

2. Sur la structure du groupe Sasol et de Vara et sur l’imputation de la responsabilité aux sociétés mères dans la décision attaquée

13

Au considérant 449 de la décision attaquée, la Commission a d’abord identifié, en ce qui concernait le groupe Sasol, la société directement responsable de l’infraction. Ainsi, elle a conclu que parmi les personnes participant aux réunions techniques figuraient des employés de Hans-Otto Schümann GmbH & Co. KG (ci-après «HOS»), et ce depuis le début de l’infraction, le 3 septembre 1992, jusqu’au 30 avril 1995. Du 1er mai 1995 au 31 décembre 2002, il s’agissait ensuite de Schümann Sasol GmbH & Co. KG, devenue en 2000 Schümann Sasol GmbH (ci-après, prises ensemble, «Schümann Sasol»). À compter du 1er janvier 2003, l’employeur des employés en cause était Sasol Wax.

14

Dès lors, au considérant 452 de la décision attaquée, Sasol Wax, successeur de HOS et de Schümann Sasol, était tenue pour responsable de l’infraction en tant que participante directe à celle-ci pour la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

15

La Commission a également examiné l’évolution dans le temps de la détention du capital de HOS, de Schümann Sasol et de Sasol Wax. Elle a distingué trois périodes à cet égard (considérant 454 de la décision attaquée).

16

S’agissant de la première période, allant du 3 septembre 1992 au 30 avril 1995 (ci-après la «période Schümann»), la Commission a constaté que HOS était ultimement contrôlée par M. Schümann en personne, à travers Vara Holding GmbH & Co. KG (ci-après «Vara»), qui était l’unique commanditaire de HOS (considérants 450 et 457 de la décision attaquée). Le capital de Vara était détenu majoritairement par M. Schümann, les autres détenteurs étant les membres de sa famille. Dans la décision attaquée, ni Vara ni M. Schümann n’étaient tenus pour responsables de l’infraction commise par HOS.

17

La deuxième période a duré du 1er mai 1995 au 30 juin 2002 (ci-après la «période d’entreprise commune»). Le 1er mai 1995, Sasol Ltd a acquis les deux tiers de HOS. À la suite d’une réorganisation, HOS est devenue Schümann Sasol et continuait à être la société directement responsable de l’infraction. Schümann Sasol était une filiale à 99,9 % de Schümann Sasol International AG, dont un tiers du capital demeurait détenu par Vara et, ultimement, par la famille Schümann. Deux tiers du capital de Schümann Sasol International étaient détenus par Sasol Holding in Germany, elle-même filiale à 100 % de Sasol Ltd. Au titre de cette période, la Commission a tenu pour solidairement responsables Sasol Wax (en tant que successeur en droit de Schümann Sasol), Sasol Wax International (en tant que successeur en droit de Schümann Sasol International, société mère de Schümann Sasol), Sasol Holding in Germany (en tant que société mère détenant deux tiers du capital de Schümann Sasol International) et Sasol Ltd (en tant que société mère de Sasol Holding in Germany) (considérants 451 et 478 de la décision attaquée). En effet, elle a considéré que les trois dernières avaient exercé une influence déterminante sur Schümann Sasol (point 453 de la décision attaquée). Ni Vara, détentrice d’un tiers du capital de Schümann Sasol International, ni la famille Schümann, propriétaire de Vara, ne se sont vu attribuer la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, qui était alors détenue par Schümann Sasol International (ci-après «Schümann Sasol International» ou l’«entreprise commune»), la société détenue conjointement par Vara et le groupe Sasol.

18

La troisième période a duré du 1er juillet 2002 au 28 avril 2005, date de fin de l’infraction (ci-après la «période Sasol»). Le 30 juin 2002, le groupe Sasol a acquis le tiers restant du capital de Schümann Sasol International, jusque-là détenu par Vara. Schümann Sasol, rebaptisée Sasol Wax, demeurait la filiale de Schümann Sasol International, à son tour rebaptisée Sasol Wax International. La totalité du capital de Sasol Wax International était désormais détenue par Sasol Holding in Germany et, ultimement, par Sasol Ltd. Au titre de cette période, la Commission a tenu les quatre requérantes pour conjointement et solidairement responsables de l’infraction commise par Sasol Wax, en estimant que les trois premières requérantes avaient exercé une influence déterminante sur Sasol Wax (points 451 et 453 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

19

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

20

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, il a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

21

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2013.

22

Eu égard aux liens factuels avec les affaires T‑540/08, Esso e.a./Commission, T‑543/08, RWE et RWE Dea/Commission, T‑544/08, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, T‑548/08, Total/Commission, T‑550/08, Tudapetrol/Commission, T‑551/08, H&R ChemPharm/Commission, T‑558/08, ENI/Commission, T‑562/08, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission et T‑566/08, Total Raffinage et Marketing/Commission, ainsi qu’à la proximité et à la difficulté des questions juridiques relevées, le Tribunal a décidé de ne mettre en délibéré lesdites affaires connexes qu’à la suite de la dernière audience, c’est-à-dire celle du 3 juillet 2013, tenue dans la présente affaire.

23

Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, annuler la décision attaquée en ce qu’elle les concerne ;

à titre subsidiaire, annuler l’amende qui leur est infligée dans la décision attaquée ou réduire de manière appropriée son montant ;

condamner la Commission aux dépens.

24

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours dans son intégralité, y compris les demandes subsidiaires ;

condamner les requérantes aux dépens.

En droit

25

À l’appui de leur recours, les requérantes avancent sept moyens. Le premier moyen est tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol durant la période de l’entreprise commune. Le deuxième moyen est tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité pour l’infraction commise par Sasol Wax durant la période Sasol. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission n’a pas tenu Vara pour solidairement responsable au titre de la période Schümann et de la période d’entreprise commune. Le quatrième moyen est tiré d’une détermination erronée du montant de base de l’amende. Le cinquième moyen est tiré de la prise en compte erronée du rôle de meneur de Sasol. Le sixième moyen est tiré de l’illégalité du plafonnement indifférencié du montant de l’amende à l’égard des diverses périodes de l’infraction. Le septième moyen est tiré de l’omission illégale d’accorder une immunité totale à Sasol en ce qui concerne certaines parties de l’amende.

1. Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité de l’infraction en ce qui concerne la période de l’entreprise commune

26

Les requérantes estiment que la Commission a erronément conclu que Sasol Ltd, par le biais de Sasol Holding in Germany, sa filiale détenue à 100 %, exerçait seule une influence déterminante sur Schümann Sasol International et a alors erronément imputé à Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International la responsabilité afférente à la période d’entreprise commune. Les liens organisationnels, économiques et juridiques entre Schümann Sasol et lesdites sociétés, sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée, ne soutiendraient pas une telle conclusion.

27

Les requérantes estiment, à titre principal, que Vara, l’autre société mère, a exercé seule une influence déterminante sur Schümann Sasol International durant la période d’entreprise commune. À titre subsidiaire, elles considèrent que cette influence déterminante était exercée conjointement par les deux sociétés mères.

28

La Commission rétorque que Sasol a bien été sanctionnée eu égard à sa propre responsabilité et conformément aux lignes directrices de 2006. En outre, il serait de jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de motiver le fait de ne pas avoir adopté de décision d’infraction adressée à des parties tierces et qu’une entreprise ne peut contester une sanction qui lui a été infligée au motif qu’une autre entreprise a échappé à une amende.

Observations liminaires

29

S’agissant de la responsabilité solidaire d’une société mère pour le comportement de sa filiale ou d’une entreprise commune détenue par elle, il convient de rappeler que la circonstance qu’une filiale ou une entreprise commune a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 132).

30

En effet, le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. p. I-8237, point 54, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T-141/07, T-142/07, T-145/07 et T-146/07, Rec. p. II-4977, point 53).

31

Le juge de l’Union a également précisé que la notion d’entreprise, dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 55, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T-234/95, Rec. p. II-2603, point 124). Il a ainsi souligné que, aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, n’était pas déterminante, ce qui s’imposait étant l’uniformité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux ou plusieurs sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, point 140 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T-325/01, Rec. p. II-3319, point 85, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 54).

32

Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 56, et arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 55).

33

Le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, en raison de leur appartenance à la même entreprise, lorsque cette filiale ne définit pas de façon indépendante son comportement sur le marché, parce qu’elle est sous l’influence déterminante de la société mère à cet égard, compte tenu en particulier des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 58, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9/99, Rec. p. II-1487, point 527).

34

Le comportement sur le marché de la filiale est sous l’influence déterminante de la société mère notamment dans le cas où la filiale applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère à cet égard (arrêt de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, points 133, 137 et 138 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C-294/98 P, Rec. p. I-10065, point 27).

35

Le comportement sur le marché de la filiale est, en principe, également sous l’influence déterminante de la société mère lorsque celle-ci ne retient que le pouvoir de définir ou d’approuver certaines décisions commerciales stratégiques, le cas échéant par ses représentants dans les organes de la filiale, tandis que le pouvoir de définir la politique commerciale stricto sensu de la filiale est délégué aux dirigeants chargés de la gestion opérationnelle de celle-ci, choisis par la société mère et qui représentent et promeuvent ses intérêts commerciaux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T-25/06, Rec. p. II-5741, points 138 et 139, confirmé par ordonnance de la Cour du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, non publiée au Recueil, point 30).

36

Lorsque l’uniformité du comportement sur le marché de la filiale et de sa société mère est assurée, notamment dans les cas décrits aux points 34 et 35 ci-dessus ou par d’autres liens économiques, organisationnels et juridiques unissant les sociétés en cause, celles-ci font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, selon la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus. Le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, point 59).

37

La jurisprudence reprise aux points 29 à 36 ci-dessus est également applicable à l’imputation de la responsabilité à une ou à plusieurs sociétés mères pour une infraction commise par leur entreprise commune (arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 52 à 56).

38

C’est à la lumière de ces règles qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes et l’exactitude des constatations contenues dans la décision attaquée à l’égard de l’imputation de la responsabilité de l’infraction en cause aux requérantes pour les agissements de Schümann Sasol et de sa société mère Schümann Sasol International, détenue, durant la période d’entreprise commune, aux deux tiers par Sasol Holding in Germany et à un tiers par Vara.

Décision attaquée

39

Dans la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argumentation des requérantes tendant à démontrer que, durant la période d’entreprise commune, Schümann Sasol International était effectivement contrôlée par Vara. Elle a fondé cette conclusion, en substance, sur les considérations suivantes :

«[…]

(471)

La Commission considère que Sasol, via sa filiale à 100 % Sasol Holding in Germany GmbH, exerçait une influence déterminante sur Schümann Sasol International.

(472)

Comme l’explique Sasol, le [directoire], responsable des activités courantes, était composé d’un représentant de Sasol, d’un représentant de Vara et d’un président. En vertu du règlement du [directoire], ce dernier prend, dans la mesure du possible, ses décisions à l’unanimité ou à la majorité simple. En cas de partage des voix, le président du [directoire] dispose d’une voix prépondérante. Sasol allègue que le président était, pour la plus grande partie de la période d’entreprise commune, un représentant de Vara. À la suite de recherches plus approfondies, la Commission conteste les allégations de Sasol sur ce point. La personne en question devait plus son titre de président à ses connaissances de l’activité et au fait que Sasol aussi souhaitait le voir présider le [directoire] de l’entreprise commune. Il était important pour Sasol, en tant qu’actionnaire majoritaire, de disposer au [directoire] d’une personne qui connaissait déjà les activités antérieures de HOS. La personne en question avait travaillé pour le compte du prédécesseur allemand de Schümann Sasol International et connaissait par conséquent parfaitement le fonctionnement de la société, absorbée par la suite par Sasol. Par ailleurs, à l’époque où la personne en question est devenue président (le 2 mai 1995), elle n’était pas employée par Vara. De fait, cette personne n’a pas été employée par Vara avant 1997. Elle a été président de l’entreprise commune du 2 mai 1995 au 30 juin 2001, date de son remplacement par M. [D. S. R.], de Sasol.

(473)

Le conseil de surveillance de l’entreprise commune était composé de six membres, quatre représentants de Sasol et deux de Vara. Comme l’a expliqué Sasol, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote conclu entre Sasol et Vara prévoyait que Sasol et Vara adopteraient les résolutions à l’unanimité, chacune d’entre elles disposant d’une voix, la majorité de Sasol au sein du conseil de surveillance étant de ce fait supprimée. En l’absence de consensus, la proposition était réputée rejetée. Toutefois, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote établissait également à l’article 3, relatif aux résolutions du conseil de surveillance, que l’article 1er du pacte était applicable mutatis mutandis. L’article 1.5 du pacte prévoit que si une décision unanime ne peut être obtenue sur les questions énumérées aux points a) à d) dudit article, la proposition de Sasol, tant que celle-ci détiendrait plus de 50 % du capital de la société, prévaudrait et que Vara voterait conformément à la décision de Sasol. Les questions dont il est fait référence aux points a) à d) de l’article 1.5 sont les suivantes : l’établissement des comptes annuels, la nomination des commissaires aux comptes, la nomination de commissaires aux comptes spéciaux et l’approbation des investissements [en capitaux par la société] ou l’une quelconque de ses filiales.

(474)

[En ce qui concerne l’assemblée générale], Sasol explique que Vara disposait d’une minorité de blocage, les résolutions requérant une majorité de trois quarts des voix exprimées, Vara disposant d’un tiers des voix. En outre, d’après Sasol, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote prévoyait que Sasol et Vara s’engageaient à entreprendre conjointement toute décision d’actionnaire et à voter à l’unanimité en toutes circonstances, chacune disposant d’une voix, et que si l’unanimité ne pouvait être obtenue, ni Sasol ni Vara ne devait agir, Vara ne pouvant dès lors être mise en minorité. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, le pacte d’actionnaires sur les droits de vote dresse, à l’article 1.5 qui s’applique à l’assemblée [générale], une liste de certains sujets sur lesquels les souhaits de Sasol devaient prévaloir [voir considérant 473].

(475)

Concernant la situation décrite aux considérants (472)-(474) et, notamment, l’aptitude de Sasol à imposer sa volonté dans le cadre d’importantes décisions stratégiques si un consensus ne pouvait être obtenu, telles qu’énumérées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires sur les droits de vote (par exemple, l’approbation des investissements en capitaux), Sasol doit être considérée comme ayant de fait contrôlé l’entreprise commune. Le fait que, comme l’allègue Sasol, les gérants de [Schümann Sasol] aient auparavant travaillé au sein de HOS ne contredit pas cette conclusion, l’autorisation du conseil de surveillance étant requise pour de telles décisions de recrutement concernant des postes de direction supérieure (article 2, paragraphe 2, [sous] c), du règlement du directoire), et Sasol étant, dès lors, en mesure de s’opposer à ces décisions.

[…]

(481)

Pour les motifs développés ci-dessus, la Commission considère non seulement la société agissante, [Schümann Sasol], mais également ses sociétés mères Sasol International AG, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany GmbH comme responsables pendant la période d’entreprise commune, le contrôle par Sasol de l’entreprise commune ayant été établi […] Comme il est établi aux considérants (329)-(333), différentes sociétés appartenant au même groupe forment une unité économique et, en conséquence, une entreprise au sens de l’article 81 [CE] si les sociétés concernées ne décident pas de leur comportement sur le marché de manière autonome. Dans le cas d’une entreprise commune, il est possible de conclure que l’entreprise commune et les sociétés mères forment une unité économique aux fins de l’application de l’article 81 [CE] si l’entreprise commune n’a pas décidé de manière autonome de son propre comportement sur le marché. Que l’entreprise commune doive ou non être considérée comme une entreprise commune de plein exercice [est sans pertinence] dans ce contexte, [puisque] les preuves factuelles démontr[e]nt l’exercice d’une influence déterminante. Le fait que les sociétés mères d’une entreprise commune puissent être considérées comme responsables est conforme à la pratique de la Commission sur cette question spécifique, suivant les principes juridiques généraux expliqués au considérant (340) et définis par les juridictions communautaires. Le fait qu’en d’autres circonstances, la décision n’ait pas été adressée aux sociétés mères d’une entreprise commune ne signifie pas, dans les circonstances présentes, que Sasol International AG, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany GmbH, en tant que sociétés mères appartenant au groupe Sasol, ne puissent être tenues [pour] responsables des activités de leur filiale, la Commission disposant en effet d’une marge de discrétion quant à sa décision d’imputer la responsabilité d’une infraction à certaines entités d’une entreprise et réalisant ses appréciations au cas par cas.»

Sur la différenciation de la notion de contrôle de celle de l’exercice effectif d’une influence déterminante, telle qu’appliquée dans le contexte de l’article 81 CE

40

À titre liminaire, il convient d’indiquer que, lors de l’examen de l’imputabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, filiale de l’entreprise commune, la Commission n’a pas explicitement différencié les notions de «contrôle» et de «pouvoir de contrôle», d’une part, et d’«unité économique» et d’«exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial», d’autre part.

41

Les requérantes font valoir que cette approche est incorrecte, étant donné que la notion de contrôle n’implique pas un exercice effectif d’une influence déterminante.

42

En premier lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24, p. 1), «[l]e contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise».

43

Selon la jurisprudence, la Commission ne saurait, pour imputer le comportement anticoncurrentiel d’une société à une autre en application de l’article 81 CE, se fonder sur la simple capacité d’influence déterminante, telle qu’elle est retenue dans le cadre de l’application du règlement no 139/2004 lors de l’établissement du contrôle, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée (arrêt General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, point 69).

44

Au contraire, il lui incombe en principe de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, Rec. p. II-3085, point 136, et la jurisprudence citée). Figurent parmi ces éléments le cumul de postes, par les mêmes personnes physiques, dans la direction de la société mère et celle de sa filiale ou entreprise commune (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T-132/07, Rec. p. II-4091, point 184 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, points 119 et 120), ou le fait que lesdites sociétés étaient tenues de suivre les directives émises par leur direction unique sans pouvoir adopter sur le marché un comportement indépendant (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 527).

45

En l’espèce, la Commission ne s’est pas fondée sur une telle démonstration directe de l’exercice d’une influence déterminante par Sasol Ltd et par Sasol Holding in Germany sur Schümann Sasol International.

46

En effet, la Commission a, en substance, examiné le pouvoir décisionnel que Sasol pouvait exercer dans les organes de l’entreprise commune par le biais de ses représentants. L’analyse à cet égard repose essentiellement sur un examen abstrait des modalités de prise de décision au sein desdits organes, fondé sur les stipulations du pacte d’actionnaires et du règlement du directoire, qui reprenaient les modalités de vote prévues dans les statuts de la structure commune. En outre, la Commission fonde sa conclusion relative à l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de la responsabilité pour les agissements de Schümann Sasol International notamment sur l’affirmation selon laquelle «le contrôle de Sasol sur l’entreprise commune [a] été établi» (considérant 481 de la décision attaquée).

47

Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission a conclu à l’exercice par Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany d’une influence déterminante sur le comportement commercial de Schümann Sasol International essentiellement sur la base d’une analyse abstraite des documents signés avant le début du fonctionnement de Schümann Sasol International, à l’instar d’une analyse menée selon les règles régissant l’autorisation des concentrations.

48

En deuxième lieu, le Tribunal est ainsi appelé à examiner dans quelle mesure une telle analyse abstraite et prospective, effectuée dans le domaine des concentrations où l’adoption de la décision d’autorisation précède le début du fonctionnement de l’entreprise commune, peut également servir à la démonstration de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune dans une décision qui impute aux sociétés mères la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE commise dans le passé par ladite entreprise commune.

49

À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, même si le pouvoir ou la possibilité de déterminer les décisions commerciales de l’entreprise commune ne relève, en soi, que de la simple capacité d’exercer une influence déterminante sur son comportement commercial, et, ainsi, de la notion du «contrôle» au sens du règlement no 139/2004, la Commission et le juge de l’Union peuvent présumer que les dispositions législatives et les stipulations des accords relatifs au fonctionnement de ladite entreprise, en particulier celles du contrat établissant l’entreprise commune et du pacte d’actionnaires sur les votes, ont été mises en œuvre et respectées. Dans une telle mesure, l’examen de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune peut consister en une analyse abstraite des documents signés avant le début de son fonctionnement, à l’instar de l’analyse concernant le contrôle. En particulier, lorsque lesdites dispositions et stipulations prévoient que les votes de chaque société mère étaient nécessaires à l’adoption d’une résolution au sein d’un organe de l’entreprise commune, la Commission et le juge de l’Union peuvent établir, en l’absence de preuves contraires, que lesdites résolutions étaient déterminées conjointement par les sociétés mères (voir, en ce sens, arrêts Avebe/Commission, point 44 supra, points 137 à 139 ; Fuji Electric/Commission, point 44 supra, points 186 à 193, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 112 et 113). De même, lorsque les stipulations en cause permettent à une seule société mère de déterminer les décisions des organes de l’entreprise commune, la Commission et le juge de l’Union peuvent établir, en l’absence de preuve contraire, que ladite société mère exerçait une influence déterminante sur lesdites décisions.

50

Cependant, étant donné que l’examen concernant l’exercice effectif d’une influence déterminante est rétrospectif et peut alors reposer sur des éléments concrets, tant la Commission que les parties intéressées peuvent apporter la preuve que les décisions commerciales de l’entreprise commune ont été déterminées selon des modalités différentes de celles qui découlaient du seul examen abstrait des accords relatifs au fonctionnement de l’entreprise commune (voir, en ce sens, arrêts Fuji Electric/Commission, point 44 supra, points 194 et 195, et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra, points 115 à 117). En particulier, la Commission ou les parties intéressées peuvent apporter la preuve que, nonobstant le pouvoir d’une seule société mère d’adopter les décisions en question par l’intermédiaire de ses représentants occupant des postes dans les organes de l’entreprise commune, elles étaient prises, dans les faits, par plusieurs ou par toutes les sociétés mères de façon unanime.

Sur le bien-fondé de la constatation de la Commission concernant l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Schümann Sasol International

51

Les requérantes contestent, en substance, l’analyse de la Commission relative à l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Schümann Sasol International à un double titre. D’une part, elles estiment que la Commission a commis une erreur d’appréciation en ne reconnaissant pas que M. B. I., président du directoire de Schümann Sasol International, était le représentant de Vara. En effet, selon elles, Vara pouvait, par le biais de son représentant, M. B. I., déterminer seule les décisions du directoire durant la majeure partie de la période d’entreprise commune, dès lors que, selon le règlement du directoire, le président disposait d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix des membres au sein dudit directoire. D’autre part, elles font valoir que, selon les statuts de l’entreprise commune et le pacte d’actionnaires, Vara pouvait bloquer l’essentiel des décisions au sein de l’assemblée générale et du conseil de surveillance de l’entreprise commune, de sorte que Sasol Holding in Germany ne pouvait pas arrêter seule ces décisions, par le biais du vote de ses représentants. Sur cette base, les requérantes estiment que Sasol Holding in Germany ne pouvait pas exercer une influence déterminante sur le comportement commercial de Schümann Sasol International.

52

À titre liminaire, il convient de rappeler que, quant à l’imputation de la responsabilité pour une infraction commise par une entreprise commune à plusieurs sociétés mères, la Commission peut démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante en établissant la direction conjointe de l’entreprise commune par ses sociétés mères. Quant à la nature de cette direction conjointe, dans son arrêt Avebe/Commission, point 44 supra (points 136 à 138), le Tribunal a jugé pertinents les indices tirés du fait que les membres des organes de l’entreprise commune désignés par chacune des sociétés mères, représentant leurs intérêts commerciaux, devaient travailler en étroite collaboration lors de la définition et de la mise en œuvre de la politique commerciale de l’entreprise commune et que les décisions adoptées par ceux-ci devaient nécessairement refléter une concordance des volontés de chacune des sociétés mères tenues pour responsables par la Commission. Le Tribunal a examiné non seulement la prise des décisions stratégiques au sein de l’entreprise commune, mais aussi la gestion des affaires courantes, et a indiqué que les deux directeurs désignés par les deux sociétés mères devaient travailler en étroite collaboration aussi à cet égard (arrêt Avebe/Commission, point 44 supra, points 136 à 138).

53

Cependant, en l’espèce, la Commission n’a pas attribué la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol International aux deux sociétés mères, mais uniquement à Sasol Holding in Germany et à sa société mère Sasol Ltd.

54

Or, dans le cas où la Commission impute la responsabilité de l’infraction commise par une entreprise commune à une seule de ses sociétés mères, il lui incombe de démontrer que l’influence déterminante sur le comportement commercial de l’entreprise commune était exercée unilatéralement par cette société mère.

55

Il ressort de la décision attaquée et des écritures de la Commission dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que celle-ci estime que la condition décrite au point 54 ci-dessus était remplie en l’espèce. En effet, elle a constaté au considérant 471 de la décision attaquée que «Sasol [Ltd], via sa filiale à 100 % Sasol Holding in Germany GmbH, exerçait une influence déterminante sur Schümann Sasol International AG». En outre, la Commission affirme, au point 49 du mémoire en défense, que «Sasol [Ltd] (par l’intermédiaire de Sasol Holding) avait exercé un contrôle exclusif sur [Schümann Sasol International]» et, au point 67 du même mémoire, que «Vara ne devait pas se voir imputer l’infraction parce que Sasol a été la seule à exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune».

56

Ainsi, il convient d’examiner si la Commission pouvait valablement conclure, sur la base des éléments réunis dans la décision attaquée et malgré les arguments des requérantes exprimés au cours de la procédure administrative en ce qui concerne l’importance de Vara dans la direction de l’entreprise commune, que Sasol a exercé de manière unilatérale une influence déterminante sur Schümann Sasol International.

Sur le directoire de Schümann Sasol International

57

Les requérantes relèvent que les résolutions du directoire de Schümann Sasol International étaient adoptées à la majorité simple et que, en cas de partage des voix, celle du président du directoire était prépondérante. Or, le président du directoire, M. B. I., aurait représenté les intérêts de Vara.

58

Elles font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation des éléments de preuve dont elle disposait, en ce qu’elle a conclu que M. B. I. ne représentait pas Vara, mais présidait l’entreprise commune à la demande de Sasol. La Commission aurait fondé sa constatation sur la déclaration de Vara du 11 octobre 2007, dans lequel M. B. I. répondait au nom de Vara aux interrogations de la Commission et aurait déclaré paradoxalement, alors même qu’il se désignait en tant que représentant de Vara pour toute autre question que la Commission pourrait se poser, ne pas avoir représenté Vara durant la période d’entreprise commune.

59

Par ailleurs, les requérantes renvoient à leur déclaration du 18 avril 2008, selon laquelle M. B. I. aurait en réalité agi en permanence comme le bras droit de M. Schümann et aurait représenté Vara dans l’entreprise commune avec Sasol. Avant la période d’entreprise commune, M. B. I. aurait été la personne physique exerçant une fonction dominante au sein de HOS, contrôlée par Vara, dont il aurait été directeur général depuis 1987, et il aurait agi comme confident de M. Schümann. En outre, M. B. I. aurait également exercé des postes de direction dans Vara et d’autres sociétés détenues par M. Schümann durant et après la période d’entreprise commune. Le rattachement étroit de M. B. I. à Vara et à M. Schümann ressortirait également de l’annonce de la constitution de la structure commune du 6 juin 1995.

60

Les requérantes affirment que la Commission avait connaissance de ces faits durant la procédure administrative, mais que, néanmoins, elle les a ignorés et a donné sans motif sa préférence à la déclaration de Vara, qui provenait de M. B. I. personnellement, c’est à dire d’une personne qui détenait elle-même une partie du capital de Vara comme associé commanditaire.

61

La Commission soulève, tout d’abord, le fait que la notion d’influence déterminante ne vise pas la gestion opérationnelle de l’entreprise commune, mais les orientations fondamentales concernant sa politique commerciale. Or, ainsi qu’il ressort des statuts de Schümann Sasol International, le directoire agissait sous le contrôle du conseil de surveillance et les actes du directoire relatifs à des aspects importants de sa politique commerciale étaient soumis à l’approbation préalable du conseil de surveillance.

62

Ensuite, la Commission maintient que M. B. I. n’a pas représenté Vara, mais qu’il devait son titre à ses connaissances dans le domaine dans lequel Schümann Sasol était active et que sa nomination correspondait à la volonté de Sasol. Vara aurait informé la Commission par sa déclaration du 11 octobre 2007 que M. B. I. avait été désigné comme directeur de Sasol International, parce que Sasol souhaitait exploiter sa connaissance approfondie des activités de HOS et donc le placer au directoire. Selon la Commission, cette information est crédible, Sasol ayant particulièrement intérêt à ce que l’entreprise commune soit bien gérée et ayant souhaité assurer la continuité de sa gestion en en confiant l’exploitation quotidienne à un membre du directoire connaissant le secteur des cires de paraffine et les anciennes activités de HOS en particulier. En tout état de cause, au point 10 de la duplique, la Commission a considéré que ses constatations, telles qu’elles figurent au considérant 472 de la décision attaquée, impliquent que M. B. I. a représenté Sasol et non Vara dans le directoire de Schümann Sasol International.

63

Le Tribunal estime utile d’examiner tout d’abord le rôle de M. B. I. dans le directoire de Schümann Sasol International et, ensuite, la question plus générale de savoir si Sasol pouvait unilatéralement déterminer les résolutions adoptées au sein dudit directoire.

Sur le rôle de M. B. I.

64

Il y a lieu de rappeler que pendant presque toute la durée de la période d’entreprise commune, M. B. I. était le président du directoire de Schümann Sasol International.

65

Durant la procédure administrative, les requérantes ont affirmé que M. B. I. avait été représentant de Vara, tandis que Vara déclarait que sa nomination correspondait à la volonté de Sasol, de sorte qu’il ne la représentait pas.

66

À titre liminaire, il y a lieu de relever que les constatations figurant au considérant 472 de la décision attaquée reflètent précisément le contenu d’une déclaration de Vara du 11 octobre 2007. En revanche, la position exprimée dans la déclaration de Sasol du 18 avril 2008 selon laquelle M. B. I. représentait Vara de même que les documents la soutenant ont été écartés par la Commission.

67

S’agissant de la teneur des affirmations de la Commission concernant le rôle de M. B. I., les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en ne reconnaissant pas qu’il représentait Vara dans le directoire.

68

En premier lieu, il y a lieu de relever que M. B. I. a occupé d’importants postes dans les sociétés détenues par M. Schümann et le groupe Vara avant, durant et après la période d’entreprise commune.

69

Il y a lieu de rappeler que M. B. I. est devenu le 29 novembre 1996 associé commanditaire de Vara, une des sociétés mères directes de Schümann Sasol International. Cette qualité impliquait qu’il détenait une partie du capital de Vara, les autres propriétaires de Vara étant les membres de la famille Schümann. Le Tribunal estime à cet égard que la détention d’une partie du capital social constitue une circonstance susceptible de démontrer que M. B. I. pouvait s’identifier aux intérêts commerciaux spécifiques de Vara.

70

De même, M. B. I., durant au moins une partie de la période d’entreprise commune et parallèlement à l’exercice de ses fonctions de président du directoire de Schümann Sasol International, était directeur général de Vara.

71

Or, il ressort de la jurisprudence que le cumul de postes de direction dans une des sociétés mères et dans l’entreprise commune de ces dernières constitue un indice important de ce que ladite société mère exerce une influence sur les décisions commerciales de l’entreprise commune, à travers l’exercice du pouvoir décisionnel détenu par un tel membre de la direction de l’entreprise commune (voir, en ce sens, arrêt Fuji Electric/Commission, point 44 supra, point 199).

72

Ensuite, M. B. I. était, à partir du 15 juin 1995, gérant de Vara Beteiligungsgesellschaft mbH. Selon un des éléments de preuve produit par les requérantes, il occupait toujours ce poste en 2011, avec M. Schümann. En outre, il a été gérant de Beteiligungsgesellschaft Hans-Otto Schümann mbH du 4 avril 1989 à la date de dissolution de cette société, le 13 septembre 1996. Cette dernière société est également associée à M. Schümann, fondateur et propriétaire principal de Vara.

73

Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, le 1er juillet 2001, quand M. D. S. R. a remplacé M. B. I. comme président du directoire de Schümann Sasol International, celui-ci est devenu un des six membres du conseil de surveillance de ladite société. Ce faisant, M. B. I. a remplacé M. E. B. R, qui était aussi selon la Commission le représentant de Vara, la composition du conseil de surveillance demeurant pour le reste inchangée. Cela indique que M. B. I. représentait Vara au sein du conseil de surveillance. Cet élément est d’ailleurs en soi suffisant pour rejeter la thèse de la Commission selon laquelle M. B. I. représentait Sasol au sein du directoire, dès lors qu’il est inconcevable que, dans un tel cas, immédiatement après la fin de son mandat, il ait pu commencer à représenter Vara au sein du conseil de surveillance.

74

Enfin, il y a lieu de relever que, dans le courrier en date du 2 février 1995 adressé à l’ensemble des salariés de HOS, M. Schümann et M. B. I. ont informé lesdits salariés des négociations qu’ils étaient en train de conduire avec Sasol. Ils y indiquent : «[N]ous pourrons exercer notre influence sur [la nouvelle direction de l’entreprise commune] dans le futur tout comme par le passé.»

75

Sur cette base, le Tribunal constate que les requérantes ont apporté dès le stade de la procédure administrative des éléments de preuve susceptibles de démontrer que M. B. I. entretenait des liens étroits avec le groupe Vara et M. Schümann, qu’il pouvait s’identifier avec les intérêts commerciaux spécifiques de Vara, notamment en raison de sa qualité d’associé commanditaire, et que Vara pouvait exercer une influence importante sur les décisions du directoire de l’entreprise commune en raison du cumul de postes par M. B. I., ce qui pouvait causer l’alignement de la politique commerciale de Schümann Sasol International sur celle de Vara.

76

Dès lors, la Commission a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a écarté de son analyse cet ensemble de preuves pertinentes et a uniquement souligné, dans la décision attaquée, que la nomination de M. B. I. reflétait la volonté de Sasol. Une telle présentation donne une image déformée des circonstances pertinentes de l’affaire et ne répond pas au critère selon lequel la responsabilité pour une infraction à l’article 81 CE doit être établie sur la base de preuves précises et concordantes, et selon lequel la Commission doit prendre en considération, d’une manière impartiale, tous les éléments de droit et de fait pertinents qui lui sont soumis (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 59 à 63 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C-450/98 P, Rec. p. I-3947, point 57, et la jurisprudence citée).

77

Les arguments de la Commission ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

78

Premièrement, la Commission se réfère au fait que Sasol a donné son consentement à la nomination de M. B. I. comme président du directoire.

79

Il convient d’observer à cet égard que, selon les statuts de Schümann Sasol International et le pacte d’actionnaires, tous les membres du directoire et son président devaient être nommés par le conseil de surveillance, par un vote à l’unanimité effectué par les représentants de Vara et de Sasol. Dès lors, d’une part, la composition du directoire devait refléter un accord entre les deux sociétés mères, c’est-à-dire la volonté de chacune d’elles. D’autre part, Vara devait aussi donner son consentement à la nomination des membres, désignés par Sasol, que la Commission considérait comme les représentants de cette dernière.

80

Par conséquent, le fait que Sasol a donné son consentement à la nomination de M. B. I. comme président du directoire ne permet ni de constater qu’il a représenté les intérêts commerciaux de Sasol, au-delà de ce qui est requis dans le cadre d’une gestion loyale d’une entreprise commune détenue par deux sociétés mères, ni de réfuter les preuves apportées par les requérantes qui tendent à démontrer que Vara exerçait une influence au sein du directoire par le biais du pouvoir décisionnel de M. B. I.

81

Deuxièmement, il y a lieu de relever que le seul élément de preuve concret sur lequel la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle M. B. I. n’a pas représenté Vara, mais que sa nomination reflétait la volonté de Sasol, est la déclaration de Vara du 11 octobre 2007, mentionnée au point 66 ci-dessus.

82

Selon la Commission, cette déclaration est particulièrement fiable, dès lors qu’elle a été envoyée en réponse à une demande de renseignements de la Commission. Or, Vara aurait eu un intérêt primordial à présenter correctement la situation, étant donné qu’une fausse déclaration pouvait être sanctionnée par une amende procédurale, telle que prévue à l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

83

À cet égard, il y a lieu de relever que la première page de la réponse du 11 octobre 2007 à la demande de renseignement, contenant la déclaration en cause, indique que la personne responsable pour les réponses était en premier lieu M. B. I. Il est également constant, ainsi que les requérantes le relèvent, que, à ce moment, M. B. I. était toujours associé commanditaire de Vara.

84

En outre, force est de constater que la Commission n’a pas défini dans sa demande de renseignement adressée à Vara ni, par ailleurs, dans la décision attaquée ce qu’elle entendait par le terme «représentation». Dès lors, M. B. I. n’ayant pas été formellement mandaté pour représenter Vara dans le directoire de l’entreprise commune, Vara pouvait affirmer, dans sa déclaration, l’absence de représentation sans risquer une amende procédurale.

85

En outre, il convient de souligner que l’examen des liens organisationnels entre l’entreprise commune et la société mère ne porte pas nécessairement sur la question de la représentation de la société mère découlant d’un mandat formel donné par cette dernière au dirigeant de l’entreprise commune. Il est plus pertinent de prendre en considération la représentation, au sens large, des intérêts commerciaux de la société mère (voir point 35 ci-dessus) et l’influence sur les décisions des organes de l’entreprise commune en vue d’aligner la politique commerciale de ladite entreprise sur celle de la société mère, dont témoigne notamment le cumul de postes dans la direction de la société mère et dans l’entreprise commune, ainsi que la détention d’une partie du capital de la société mère par un dirigeant de l’entreprise commune (voir point 44 ci-dessus).

86

Dans cette optique, il y lieu d’ajouter que la question de la représentation des intérêts commerciaux d’une société mère au sein du directoire d’une entreprise commune n’est pas un simple fait dont la négation peut raisonnablement entraîner une amende procédurale, sous réserve du cas de dénaturation des faits. Au contraire, cette question relève de l’appréciation que la Commission doit effectuer en prenant en considération, d’une manière impartiale, tous les éléments de droit et de fait pertinents soumis à elle par les sociétés mères qui ont souvent des intérêts contraires les amenant à accentuer l’un ou l’autre des éléments pertinents. Il convient par ailleurs d’observer que, en l’espèce, la Commission n’a imposé d’amende procédurale ni à Sasol ni à Vara, même si elles ont déposé des déclarations entièrement opposées sur ce point.

87

Eu égard à ce qui précède, il convient d’examiner si l’erreur d’appréciation commise par la Commission lors de l’examen du rôle de M. B. I. (voir point 76 ci-dessus) est susceptible d’affecter l’appréciation de l’influence exercée par Sasol sur le directoire de Schümann Sasol International.

Sur la détermination des décisions du directoire de Schümann Sasol International

88

Les requérantes font valoir que, en raison du rôle dominant des membres du directoire représentant Vara, en particulier celui de M. B. I., Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany ne pouvaient pas déterminer les décisions dudit directoire.

89

En premier lieu, il y a lieu de relever que, dans son annonce du 6 juin 1995 aux collaborateurs de Schümann Sasol AG (devenue Schümann Sasol International), M. B. I. a décrit les rôles du directoire de l’entreprise commune. Il a précisé qu’il «restera[it] responsable, à côté de la coordination du travail du directoire, de la mercatique, des ventes et acquisitions et du contrôle des filiales», tandis que M. D. S. R. (de Sasol) maintiendrait son poste de service en Afrique du Sud et s’occuperait de la production et des aspects techniques. M. B. I. a également signalé qu’un troisième membre serait appelé à Hambourg (Allemagne).

90

Force est de constater que les compétences décisionnelles de M. B. I. sont un indice de son rôle central dans le directoire de Schümann Sasol International.

91

En deuxième lieu, il convient de relever que, dans le courrier du 2 février 1995 que M. B. I. et M. Schümann ont adressé à l’ensemble des salariés de HOS, ils ont signalé qu’ils pourraient influencer la nouvelle direction de l’entreprise commune tout comme par le passé, lorsque Vara était le seul actionnaire de HOS (voir point 74 ci-dessus).

92

Il ressort également de ce courrier que, selon les attentes de M. B. I. et de M. Schümann, ce dernier et Vara pouvaient, à travers M. B. I., jouer un rôle central dans la direction de Schümann Sasol International.

93

En troisième lieu, il convient de relever que la Commission n’a mentionné dans la décision attaquée aucun élément qui serait susceptible de démontrer que, malgré les compétences décisionnelles de M. B. I. et sa voix prépondérante en cas d’égalité des voix découlant de son poste de président, Sasol pouvait unilatéralement définir les décisions du directoire, pour le cas où il se serait avéré que, en réalité, M. B. I. représentait Vara et M. Schümann au sein du directoire de Schümann Sasol International.

94

En quatrième lieu, une telle capacité de Sasol à déterminer de manière décisive les décisions du directoire ne ressort pas davantage des éléments concernant les diverses compositions du directoire qui ont été présentés par les requérantes durant la procédure administrative.

95

Entre le 2 mai et le 31 octobre 1995, le directoire de Schümann Sasol International était composé de M. B. I. et de M. D. S. R., représentant Sasol. Ainsi que les requérantes le relèvent à bon droit, M. B. I. pouvait imposer ses propres décisions dans le directoire en raison de sa voix prépondérante.

96

Durant la période allant du 1er novembre 1995 au 30 juin 2001, le directoire de Schümann Sasol International était composé de son président, M. B. I., de M. D. S. R. et de M. H. G. B. Les requérantes considèrent que ce dernier était le représentant de Vara, alors que la Commission est d’avis qu’il était le représentant de Sasol.

97

Force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné la question de savoir si M. H. G. B. avait, dans les faits, représenté les intérêts commerciaux de l’une ou de l’autre société mère. En outre, il existe des indications selon lesquelles M. H. G. B. représentait les intérêts de Vara (voir point 99 ci-dessous). Dès lors, cette composition du directoire ne permet pas davantage de conclure que Sasol a unilatéralement déterminé les décisions de ce dernier.

98

Entre le 1er juillet 2001 et le 16 mai 2002, M. D. S. R. (de Sasol) était président du directoire, l’autre membre étant M. H. G. B.

99

Tout d’abord, il y a lieu de relever que cette composition du directoire témoigne de ce que M. H. G. B. était le représentant de Vara. En effet, il n’est pas raisonnable de penser que Vara, détenant un tiers du capital de Schümann Sasol International, ait consenti à un directoire composé uniquement de représentants de Sasol.

100

Les requérantes font valoir que, durant cette période, toutes les résolutions du directoire auraient été prises à l’unanimité.

101

Il y a lieu de souligner que la décision attaquée ne contient pas la moindre analyse à l’égard de la période en cause. Étant donné que l’entière responsabilité de l’infraction commise par l’entreprise commune a été imputée à Sasol seule, il aurait incombé à la Commission de démontrer que Sasol avait unilatéralement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Schümann Sasol International (voir point 54 ci-dessus).

102

Cependant, il y a lieu de rappeler (voir point 52 ci-dessus) que la prise de résolutions à l’unanimité dans le directoire témoigne d’une étroite collaboration des représentants des sociétés mères et, ainsi, d’une direction conjointe de l’entreprise commune, ce qui constitue un indice de l’exercice conjoint d’une influence déterminante et non de l’exercice d’une influence déterminante par une seule des sociétés mères (voir, en ce sens, arrêts Avebe/Commission, point 44 supra, points 137 et 138, et Fuji Electric/Commission, point 44 supra, point 194).

103

Dès lors, cette composition du directoire ne saurait davantage sous-tendre la conclusion selon laquelle Sasol aurait unilatéralement défini les décisions de Schümann Sasol International.

104

Enfin, entre le 17 mai et le 24 septembre 2002, le directoire de Schümann Sasol International était composé de M. D. S. R., de M. H. G. B. et de M. C. D. I.

105

Les requérantes font valoir que les deux derniers membres du directoire mentionnés ci-dessus étaient les représentants de Vara, de sorte que M. D. S. R., même en tant que président, pouvait être mis en minorité par ceux-ci.

106

Force est de constater que la décision attaquée ne contient aucun examen relatif à l’exercice d’une influence déterminante par l’une ou l’autre des sociétés mères par le biais de M. H. G. B. et M. C. D. I., ni même la présentation générale de cette composition du directoire. En outre, il existe des indications tendant à démontrer que M. H. G. B. représentait les intérêts de Vara (voir point 99 ci-dessus). Dès lors, il ne ressort pas de la décision attaquée que, durant la période en cause, Sasol pouvait unilatéralement définir, par ses représentants dans le directoire, les décisions de celui-ci.

107

Eu égard à l’examen qui précède, force est de constater que la Commission n’a pas démontré dans la décision attaquée que, au regard du pouvoir décisionnel de M. B. I. et des autres membres du directoire qui pouvaient être associés à Vara, Sasol avait, dans les faits, unilatéralement défini le contenu des décisions du directoire de Schümann Sasol International par le biais des membres qui représentaient ses intérêts commerciaux et veillaient à l’alignement de la conduite de Schümann Sasol International sur la sienne. La décision attaquée ne contient pas davantage de preuves directes (voir point 44 ci-dessus) qui seraient susceptibles de démontrer une telle influence déterminante par Sasol.

Sur la pertinence de la gestion opérationnelle

108

La Commission soulève le fait que le directoire de Schümann Sasol International était chargé de la gestion des affaires courantes de cette société. Or, selon l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (T-112/05, Rec. p. II-5049, points 63 à 65, 82 et 83), la gestion opérationnelle d’une filiale serait dépourvue de pertinence lors de l’appréciation de l’existence d’une unité économique entre une filiale et sa société mère, le contrôle exercé sur la politique commerciale stricto sensu n’étant pas une condition requise pour considérer qu’une société mère forme une entreprise avec une filiale. Il suffirait, au contraire, que la société mère joue un rôle significatif dans les questions qui définissent la politique commerciale de la filiale.

109

Il y a lieu de souligner que l’arrêt auquel se réfère la Commission concerne une situation factuelle dans laquelle la société mère détenait 100 % du capital de la filiale.

110

Il est vrai que la question de la direction opérationnelle peut être dépourvue de pertinence dans la mesure où il s’agit d’une filiale détenue à 100 % par une seule société mère, étant donné que la démonstration de l’autonomie opérationnelle de la filiale n’est pas en soi susceptible de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante (voir la jurisprudence citée au point 153 ci-après).

111

Cependant, dans le cas d’un actionnariat unique, toutes les décisions – y compris celles concernant la direction opérationnelle de la filiale – sont prises par des gestionnaires qui sont désignés et nommés soit directement soit indirectement (par les organes dont les membres ont été désignés par la société mère) par la seule société mère. De même, en l’absence d’autre actionnaire, les seuls intérêts commerciaux qui se manifestent au sein de la filiale sont en principe ceux de l’actionnaire unique. Ainsi, la Commission peut présumer l’exercice effectif d’une influence déterminante même dans les cas où la direction opérationnelle est effectuée par les gestionnaires de la filiale d’une façon autonome.

112

En revanche, dans le cas d’entreprises communes, il existe une pluralité d’actionnaires et les décisions des organes de l’entreprise commune sont prises par les membres représentant les intérêts commerciaux des différentes sociétés mères, qui peuvent coïncider, mais aussi diverger. Dès lors, reste pertinente la question de savoir si la société mère a exercé une influence réelle sur la direction opérationnelle de l’entreprise commune, notamment par le biais des dirigeants qui ont été désignés par elle ou qui occupent simultanément des postes dans la direction de la société mère.

113

Enfin, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a examiné en détail les modalités de prise de décisions relevant de la direction opérationnelle dans les arrêts Fuji Electric/Commission, point 44 supra (point 195), et General Technic-Otis e.a./Commission, point 30 supra (points 112 à 117), afin d’apprécier l’exercice d’une influence déterminante par les requérantes dans lesdites affaires au regard du comportement sur le marché de leurs entreprises communes.

114

Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel la détermination de la politique commerciale stricto sensu de l’entreprise commune par sa société mère est dépourvue de pertinence lors de l’examen de l’existence d’une unité économique entre celles-ci.

Conclusion sur le directoire de Schümann Sasol International

115

Premièrement, il convient de rappeler que la Commission a commis une erreur d’appréciation dans la décision attaquée lorsqu’elle a examiné le rôle de M. B. I. (voir point 76 ci-dessus). Il n’est pas exclu que, en l’absence de cette erreur, elle aurait conclu que Vara exerçait une influence déterminante sur les décisions du directoire de Schümann Sasol International durant une partie considérable de la période d’entreprise commune. Deuxièmement, en tout état de cause, la Commission n’a pas démontré que Sasol avait, dans les faits, unilatéralement défini le contenu des décisions du directoire de Schümann Sasol International (voir point 107 ci-dessus). Troisièmement, il y a lieu de souligner que l’influence exercée sur les décisions du directoire de l’entreprise commune est pleinement pertinente du point de vue de l’imputabilité à ses sociétés mères de la responsabilité au titre d’une infraction commise par celle-ci (voir point 114 ci-dessus).

Sur le conseil de surveillance et l’assemblée générale de Schümann Sasol International

116

Les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas valablement retenir que Sasol avait influencé de manière décisive les décisions prises au sein du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International en raison des pouvoirs décisionnels détenus par Vara.

117

Il y a lieu de relever que les éléments réunis par la Commission aux considérants 473 et 474 de la décision attaquée indiquent que tant Sasol que Vara pouvaient bloquer toutes les décisions au sein de l’assemblée générale et du conseil de surveillance de Schümann Sasol International, à l’exception de celles qui relèvent de l’article 1.5 du pacte d’actionnaires.

118

Parmi les décisions visées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires, seule l’approbation des investissements relève de la catégorie des décisions commerciales stratégiques affectant l’entreprise commune selon la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement no 139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1).

119

En outre, il convient de relever que, selon le point 69 de la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement no 139/2004, les droits de veto les plus importants portent sur la nomination et la révocation de l’encadrement supérieur ainsi que sur l’approbation du budget de l’entreprise commune. Il y est également précisé que le pouvoir de participer aux décisions relatives à la structure de l’encadrement supérieur (les membres du conseil d’administration, par exemple) habilite généralement son détenteur à exercer une influence déterminante sur la politique commerciale d’une entreprise. Il en est de même des décisions relatives au budget, car celui-ci délimite le cadre précis des activités de l’entreprise commune et, en particulier, les investissements qu’elle peut réaliser.

120

Or, selon les dispositions législatives et les stipulations des accords régissant le fonctionnement de l’entreprise commune Schümann Sasol International, Sasol Holding in Germany n’avait le pouvoir de déterminer, d’une façon unilatérale, que les décisions quant à l’approbation des investissements et non les décisions commerciales stratégiques les plus importantes, à savoir celles relatives au budget, à la nomination et à la révocation des dirigeants, ni celles relatives au plan d’entreprise.

121

Dès lors, la Commission n’a pas démontré, par une analyse abstraite fondée sur la législation et les stipulations des accords régissant le fonctionnement de l’entreprise commune (voir point 49 ci-dessus), que Sasol pouvait elle seule déterminer, au sein du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International, l’ensemble des décisions commerciales stratégiques affectant celle-ci. Au contraire, il ressort de l’analyse abstraite que l’essentiel desdites décisions devait être adopté en commun par Sasol Holding in Germany et Vara.

122

En outre, la décision attaquée ne contient aucune démonstration reposant sur des éléments concrets (voir point 50 ci-dessus) dont il ressortirait que, dans les faits, Sasol Ltd et Sasol Holding in Germany auraient déterminé seules, malgré le pouvoir de blocage détenu par Vara, les décisions commerciales stratégiques de l’entreprise commune Schümann Sasol International.

123

Eu égard à ce qui précède, le Tribunal conclut que la Commission n’a pas démontré que Sasol avait unilatéralement déterminé l’essentiel des décisions du conseil de surveillance et de l’assemblée générale de Schümann Sasol International et, en particulier, les décisions commerciales stratégiques relatives au budget, au plan d’entreprise et à la nomination de l’encadrement supérieur concernant celle-ci.

Sur l’exercice effectif par Sasol Holding in Germany d’une influence déterminante sur le comportement sur le marché de Schümann Sasol International

124

Il convient de rappeler que, selon le considérant 475 de la décision attaquée, «eu égard à la situation décrite aux considérants 472‑474 et, notamment, à l’aptitude de Sasol à imposer sa volonté dans le cadre d’importantes décisions stratégiques si un consensus ne pouvait être obtenu, telles qu’énumérées à l’article 1.5 du pacte d’actionnaires sur les droits de vote (par exemple, l’approbation des investissements en capitaux), Sasol doit être considérée comme ayant de fait contrôlé l’entreprise commune». Au considérant 481 de la décision attaquée, la Commission a retenu que «le contrôle de Sasol sur l’entreprise commune [avait] été établi» et que «les preuves factuelles démontr[aie]nt l’exercice d’une influence déterminante» par Sasol Holding in Germany sur Schümann Sasol International.

125

Il ressort de l’analyse ci-dessus que la Commission n’a pas démontré, dans la décision attaquée, que Sasol avait déterminé, d’une manière unilatérale, les résolutions du directoire de Schümann Sasol International et l’essentiel des décisions stratégiques prises par l’assemblée générale et le conseil de surveillance de celle-ci (voir points 115 et 123 ci-dessus).

126

De même, il convient de rappeler que la Commission n’a pas démontré, par des preuves directes, l’exercice d’une influence déterminante de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd sur le comportement commercial de Schümann Sasol International.

127

Par conséquent, l’analyse de la Commission amenant à imputer la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol, filiale de Schümann Sasol International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd est viciée par des erreurs d’appréciation. Dès lors, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle impute à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise par Schümann Sasol.

128

La décision attaquée doit ainsi être annulée pour autant que la Commission a constaté que Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd avaient pris part à l’infraction avant le 1er juillet 2002.

Sur l’offre de preuve des requérantes

129

Les requérantes proposent que M. C. D. I. (membre actuel du conseil d’administration de Sasol Wax International) soit entendu comme témoin sur le fait que, au cours de la période d’entreprise commune, l’orientation fondamentale de la stratégie et des opérations commerciales de la structure commune était fixée par Vara, par l’intermédiaire de M. Schümann et de M. B. I.

130

Eu égard à l’analyse qui précède, le Tribunal estime que ce témoignage n’est pas nécessaire, de sorte que l’offre de preuve est rejetée.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité pour l’infraction en ce qui concerne la période Sasol

131

Les requérantes font valoir que la Commission a illégalement imputé la responsabilité des agissements de Sasol Wax à sa société mère, Sasol Wax International, à la société mère de cette dernière, Sasol Holding in Germany, et à la société faîtière du groupe, Sasol Ltd, en ce qui concerne la période Sasol allant du 1er juillet 2002 au 28 avril 2005.

Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne la possibilité d’imputer une infraction commise par une filiale à sa société mère sur la seule base d’une présomption fondée sur la détention de 100 % du capital

132

Au considérant 494 de la décision attaquée, la Commission a estimé ce qui suit :

«[L]a jurisprudence a établi que la Commission peut présumer que les sociétés mères exercent une influence déterminante sur leurs filiales à 100 %. Lorsqu’une telle présomption s’applique, comme c’est le cas ici pour Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol Ltd, il incombe aux sociétés mères de réfuter la présomption en produisant les preuves que leur filiale a décidé de son comportement sur le marché de manière autonome.»

133

Selon les requérantes, la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a appliqué une norme juridique incorrecte. Aucune base juridique valable ne permettrait de présumer qu’une participation à 100 % suffit à elle seule à établir qu’une société mère est responsable de l’entente à laquelle a pris part sa filiale. Une telle présomption viole le principe de responsabilité juridique personnelle et la présomption d’innocence.

134

Il y a lieu de rappeler que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon indépendante sur le marché (voir arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, points 60 et 61, et la jurisprudence citée).

135

En outre, selon la jurisprudence, la présomption de responsabilité tirée de la détention, par une société, de l’entièreté du capital d’une autre société s’applique non seulement dans les cas où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas où, comme en l’espèce, cette relation est indirecte eu égard à l’interposition d’une autre société (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90/09 P, Rec. p. I-1, point 90).

136

Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que, dans le cas de la détention par la société mère de 100 % du capital de la filiale, elle peut présumer que ladite société mère ainsi que les sociétés mères indirectes ont effectivement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de la filiale.

137

Lorsque la présomption d’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur la filiale n’est pas renversée, la Commission peut établir que la filiale et les sociétés mères directes et indirectes font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus. Le fait que les sociétés mères et la filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes aux sociétés mères, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de ces dernières dans l’infraction (voir la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus).

138

Une telle démarche ne viole pas le principe de responsabilité personnelle. En effet, Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ont été personnellement sanctionnées pour l’infraction qu’elles sont censées avoir commise elles-mêmes en raison des liens économiques et juridiques étroits qui les unissaient à Sasol Wax et qui résultaient de la détention de la totalité du capital de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, point 34 supra, point 34).

139

En ce qui concerne la prétendue violation du principe de présomption d’innocence, il convient de rappeler que, selon celui-ci, toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s’oppose ainsi à tout constat formel, et même à toute allusion, ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’instance, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T-474/04, Rec. p. II-4225, point 76).

140

L’application du principe de présomption d’innocence en matière de droit de la concurrence doit être adaptée au fait que, contrairement à la procédure pénale visant nécessairement une personne juridique (personne physique ou personne morale), le droit de la concurrence s’applique à l’entreprise, qui désigne une unité économique constituée, le cas échéant, de plusieurs personnes morales. De plus, les sociétés en tête de groupe sont libres de réorganiser leurs structures internes, notamment en créant des sociétés dotées d’une personnalité morale distincte pour certaines activités.

141

Dans de telles circonstances, afin de préserver l’effet utile du droit de la concurrence de l’Union, le seul fait pour une société mère d’avoir une filiale détenue à 100 %, ou presque, qui a participé directement à l’infraction peut suffire à la Commission pour fonder sa responsabilité. Une fois ce grief communiqué par la Commission, il appartient à la société mère d’apporter les preuves contraires afin de démontrer l’absence d’unité économique entre elle et sa filiale. En l’espèce, la Commission a suivi cette approche, en examinant attentivement les preuves avancées par les requérantes, et a ainsi respecté le principe de présomption d’innocence.

142

Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée de la constatation prétendument erronée de l’absence du renversement de la présomption

143

Les requérantes estiment que, par les éléments de preuve figurant dans leurs réponses à la communication des griefs, elles ont démontré que, dans les faits, Sasol Wax International n’avait pas exercé une influence déterminante sur Sasol Wax, puisqu’elle ne s’était ingérée ni dans les décisions commerciales stratégiques ni dans la direction opérationnelle de celle-ci.

Sur la décision attaquée

144

En ce qui concerne les éléments de preuve produits par les requérantes dans le cadre de leurs réponses à la communication des griefs, la Commission a affirmé, dans la décision attaquée, ce qui suit :

«[…]

(498)

En ce qui concerne les administrateurs gérants ainsi que la composition et le rôle du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH, Sasol reconnaît que Sasol Wax International AG avait autorité pour désigner les administrateurs gérants et les membres du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH. Il est également confirmé que plusieurs membres du conseil de surveillance de Sasol Wax GmbH ont été au fil des années des membres du conseil d’administration de Sasol Wax International AG. Toutefois, Sasol allègue que ces faits sont infondés, puisque le conseil de surveillance ne jouait pas un rôle important (aucun contrôle effectif sur la gestion et/ou la stratégie de Sasol Wax GmbH), qu’il se trouvait entre les mains d’anciens employés de Vara et qu’il n’exerçait aucune influence sur le comportement de Sasol Wax GmbH. En premier lieu, il suffit que Sasol International AG ait eu autorité pour désigner les administrateurs gérants et les membres du conseil de surveillance pour qu’il soit sans objet de savoir s’il continuait à dépendre d’anciens employés de Vara. En second lieu, en ce qui concerne le rôle du conseil de surveillance, les statuts dressent la liste de certaines questions pour lesquelles le conseil de surveillance est compétent, par exemple la désignation, la démission et la supervision de la direction, l’approbation des comptes annuels et des budgets, l’approbation des investissements supérieurs à 0,5 million d’euros et des changements relatifs à l’organisation commerciale. Bien que Sasol allègue qu’aucun de ces pouvoirs n’ait joué un rôle significatif dans le comportement commercial de Sasol Wax GmbH, qu’il n’y a jamais eu aucun exemple de circonstances où le conseil de surveillance aurait exercé une quelconque influence sur la gestion des activités de Sasol Wax GmbH et que les administrateurs de Sasol Wax GmbH avaient pour habitude de décider des mesures essentielles au comportement commercial stratégique de Sasol Wax GmbH sans demander l’accord du conseil de surveillance, les pouvoirs conférés au conseil de surveillance montrent qu’il était prévu que le conseil de surveillance joue effectivement un rôle stratégique et financier et exerce des responsabilités distinctes de la gestion des affaires courantes de la société normalement gérées par le conseil d’administration et les administrateurs de la société.

(499)

Sasol argue également que l’absence d’influence de Sasol Wax International AG est confirmée par le fait que les représentants de Sasol présents aux réunions techniques continuaient à être d’anciens employés de Vara et que les gérants des unités commerciales dont les activités étaient affectées par les réunions techniques n’entretenaient aucune relation avec Sasol Ltd. En ce qui concerne le comportement des soi-disant anciens employés de Vara, ces personnes étaient, au moment où elles ont commis les activités illicites, des salariés du groupe Sasol, et le fait qu’elles aient été d’anciens employés de Vara ou que leur employeur direct ait été une filiale de Sasol Wax International AG, de Sasol Holding in Germany GmbH ou de Sasol Ltd est sans objet dans la mesure où il est possible de prouver que les sociétés mères exerçaient une influence déterminante sur cette filiale.»

Observations générales

145

Selon la jurisprudence, afin de renverser la présomption d’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale telle qu’elle est décrite au point 134 ci-dessus, il incombait aux requérantes de soumettre tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre Sasol Wax et Sasol Wax International qu’elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique. Lors de son appréciation, le Tribunal doit en effet tenir compte de l’ensemble des éléments soumis, dont le caractère et l’importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 108 supra, point 65, confirmé par arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 30 supra, et du 13 juillet 2011, Eni/Commission, T-39/07, Rec. p. II-4457, point 95).

146

La présomption en cause repose sur le constat selon lequel, d’une part, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles la présomption opère (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09 P, Rec. p. I-8947, point 60).

147

De plus, l’application d’une telle présomption se justifie par le fait que, lorsque la société mère est l’unique actionnaire de la filiale, elle dispose de tous les instruments possibles pour assurer l’alignement du comportement commercial de la filiale sur le sien. En particulier, c’est l’actionnaire unique qui définit en principe l’étendue de l’autonomie de la filiale par l’établissement du statut de celle-ci, qui choisit ses gestionnaires et qui prend ou approuve les décisions commerciales stratégiques de la filiale, le cas échéant par la présence de ses représentants au sein des organes de celle-ci. De même, l’unité économique entre la société mère et sa filiale est habituellement davantage sauvegardée par des obligations résultant du droit des sociétés des États membres, telles que la tenue de comptes consolidés, l’obligation pour la filiale de rendre compte périodiquement de ses activités à la société mère, ainsi que l’établissement des comptes annuels de la filiale par l’assemblée générale constituée par la seule société mère, ce qui implique nécessairement que la société mère suive, au moins dans les grandes lignes, les activités commerciales de la filiale.

148

En outre, il convient de souligner que, dans le cas d’une filiale détenue à 100 %, ou presque, par une seule société mère, il y a en principe un seul intérêt commercial et les membres des organes de la filiale sont désignés et nommés par l’actionnaire unique, qui peut leur donner des instructions au moins de façon informelle et leur imposer des critères de performance. Dès lors, dans un tel cas, il existe nécessairement une relation de confiance entre les dirigeants de la filiale et ceux de la société mère et lesdits dirigeants agissent nécessairement en représentant et en promouvant le seul intérêt commercial existant, à savoir celui de la société mère (voir, également, point 35 ci-dessus). Ainsi, l’unicité de comportement sur le marché de la société mère et de sa filiale est assurée en dépit de toute autonomie accordée aux dirigeants de la filiale en ce qui concerne la direction opérationnelle de cette dernière, laquelle relève de la définition de la politique commerciale stricto sensu de celle-ci. De plus, en règle générale, c’est l’actionnaire unique qui définit seul et selon ses propres intérêts les modalités de prise de décision de la filiale et qui décide de l’étendue de l’autonomie opérationnelle de celle-ci, ce qu’il peut changer de sa propre volonté en modifiant les règles régissant le fonctionnement de la filiale ou dans le cadre d’une restructuration, voire par la création de structures informelles de prise de décision.

149

Ainsi, l’application de la présomption d’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement commercial de sa filiale est justifiée dans la mesure où elle recouvre des situations caractéristiques en ce qui concerne les relations entre une filiale et sa seule société mère, en prévoyant que la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale par une seule société mère implique en principe l’unicité de comportement de celles-ci sur le marché.

150

Il n’en reste pas moins que les sociétés intéressées ont, à la suite de la communication des griefs, pleinement l’occasion de démontrer que les mécanismes décrits aux points 147 et 148 ci-dessus, conduisant habituellement à l’alignement du comportement commercial de la filiale sur celui de sa société mère, n’ont pas fonctionné ordinairement, de sorte que l’unité économique du groupe a été rompue.

Sur la direction opérationnelle de Sasol Wax

151

Les requérantes estiment avoir démontré que le groupe Sasol avait pour politique de ne pas s’immiscer dans le comportement autonome de sa filiale Sasol Wax. Elles invoquent à cet égard une communication que les dirigeants de Sasol Wax International ont signée le 9 avril 2001.

152

Ainsi, selon les requérantes, «les sujets relevant du quotidien opérationnel devaient être traités par Sasol Wax […] en tant qu’entité autonome», tandis que les «visions, missions et stratégies» devaient être développées par Sasol Wax International. En outre, les gérants de Sasol Wax n’auraient été à aucun moment confrontés à l’exercice d’un veto par Sasol Wax International et les dirigeants de cette dernière, au cours de la période Sasol, n’ont le souvenir d’aucune instruction donnée aux gérants de Sasol Wax.

153

À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le fait qu’une filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouve pas, en soi, qu’elle définisse son comportement sur le marché de manière indépendante par rapport à sa société mère. La division des tâches entre les filiales et leurs sociétés mères et, en particulier, le fait de confier la gestion des activités courantes à la direction locale d’une filiale à 100 %, est une pratique habituelle des entreprises de grande taille et composées d’une multitude de filiales détenues, ultimement, par la même société faîtière. Dès lors, dans le cas de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale directement impliquée dans l’infraction, les éléments de preuve apportés à cet égard ne sont pas susceptibles de renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement de la filiale par la société mère et par la société faîtière (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International/Commission, point 35 supra, points 130 et 131).

154

Une telle solution est d’ailleurs justifiée par les considérations figurant aux points 35, 147 et 148 ci-dessus, dont il découle que les dirigeants de la filiale détenue à 100 % ou presque par une seule société mère agissent habituellement en représentant et en promouvant les seuls intérêts commerciaux présents, à savoir ceux de l’unique société mère. Ils assurent ainsi la conformité du comportement commercial de la filiale avec celui du reste du groupe dans l’exercice de leurs compétences autonomes.

155

Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de l’autonomie opérationnelle de Sasol Wax, qui ne sont pas susceptibles de démontrer que l’unité économique entre celle-ci et Sasol Wax International ait été rompue, doivent être rejetés.

Sur les décisions commerciales stratégiques

156

En premier lieu, les requérantes relèvent que Sasol Wax International n’a pas fait usage de son pouvoir de désigner les gérants de Sasol Wax et n’avait pas remplacé l’ancienne direction de HOS. Sasol Wax aurait été dirigée comme une unité économique indépendante dans la tradition de la famille Schümann par trois gérants hérités de HOS. La Commission aurait commis une erreur de droit en niant la pertinence de cet élément dans la décision attaquée et en considérant qu’il suffisait que Sasol Wax International ait eu le pouvoir de désigner les gérants.

157

Il y a lieu de relever qu’un tel argument a déjà été rejeté par le Tribunal dans son arrêt Alliance One/Commission, point 35 supra (point 137). Eu égard au pouvoir du seul associé, en l’occurrence Sasol Wax International, de choisir les gérants de Sasol Wax après l’acquisition de l’ensemble du capital de celle-ci, le maintien en fonction desdits gérants ne peut qu’être attribué à une décision de l’unique société mère et indique l’affiliation desdits gérants à celle-ci. Dès lors, cet élément n’est pas susceptible de renverser la présomption de l’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

158

En second lieu, les requérantes soulignent avoir produit les procès-verbaux de toutes les réunions du conseil de surveillance de Sasol Wax et de Sasol Wax International. Aucun de ces documents ne contiendrait l’indication d’une quelconque influence significative exercée sur Sasol Wax par ses sociétés mères directe et indirectes. De plus, les gérants de Sasol Wax auraient eu pour habitude de prendre des initiatives en ce qui concerne le comportement commercial stratégique de cette dernière, sans demander l’accord du conseil de surveillance ou des associés. Tel aurait été le cas des contrats d’approvisionnement sur le long terme avec ExxonMobil et Shell, qui ont été négociés et conclus par les seuls gérants de Sasol Wax, de l’affectation du personnel des centres de profit de Sasol Wax, de même que d’un programme de réduction des coûts et de la sous-traitance à des tiers des services de logistique de Sasol Wax.

159

Force est de constater que les initiatives des gérants de Sasol Wax ne concernent pas les décisions commerciales stratégiques les plus importantes du point de vue de l’appréciation de l’unicité du comportement sur le marché de la filiale et de sa société mère, telles que celles portant sur le budget, sur le plan d’entreprise, sur les grands investissements ou encore sur la nomination de l’encadrement supérieur. De même, les requérantes ne contestent pas que le conseil de surveillance était compétent pour l’approbation des comptes annuels de Sasol Wax.

160

Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les arguments des requérantes ne démontrent pas que les mécanismes habituels assurant l’unicité du comportement sur le marché de la société mère et de sa filiale détenue à 100 %, fournissant la base de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, aient été rompus (voir points 147 et 148 ci-dessus), de sorte que la Commission pouvait valablement établir la présence d’une entité économique correspondant à la notion d’entreprise, telle que prévue à l’article 81 CE.

Sur le caractère irréfragable de la présomption

161

Selon les requérantes, dans l’hypothèse où il serait considéré que, en dépit de l’ensemble des éléments que les requérantes ont présentés, ceux-ci ne suffisent pas à renverser la présomption de contrôle effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, cette présomption serait de fait irréfragable, en violation de l’article 2 du règlement no 1/2003, de l’obligation de motivation, du principe de responsabilité personnelle et de la présomption d’innocence.

162

À cet égard, il y a lieu de noter que les arguments des requérantes qui ont été rassemblés afin de renverser la présomption en cause décrivent le fonctionnement habituel d’une grande entreprise internationale dont l’unité locale, Sasol Wax, est dirigée par les gérants maintenus dans leur postes par décision de Sasol Wax International, sa société mère à 100 %, qui a également décidé de déléguer les pouvoirs de définir la politique commerciale stricto sensu audits gestionnaires et a retenu le pouvoir d’adopter les décisions stratégiques commerciales dans le conseil de surveillance et l’assemblée générale de Sasol Wax.

163

Le renversement de la présomption de l’exercice effectif par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale n’est cependant pas une question de quantité et de détail de preuves dans le cas où celles-ci font état d’une situation habituelle d’organisation dans une grande entreprise multinationale, où les pouvoirs de la direction opérationnelle sont délégués aux gérants de ses unités locales. Afin de renverser cette présomption, il convient de présenter des circonstances inhabituelles qui démontrent que, malgré la détention de l’entièreté du capital des filiales du groupe par leurs sociétés mères, l’unité économique du groupe a été rompue, puisque les mécanismes assurant l’alignement du comportement commercial des filiales et des sociétés mères ne fonctionnaient pas ordinairement.

164

Or, les requérantes n’ont pas apporté de tels éléments en l’espèce.

165

Il y a également lieu de rappeler que la Cour et le Tribunal ont déjà constaté que la présomption de l’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale n’est pas irréfragable. Selon la jurisprudence, une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 146 supra, point 62, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 54). Tel est le cas en ce qui concerne la présomption relative à l’existence d’une unité économique entre la filiale et sa société mère unique, eu égard également aux considérations figurant aux points 147 à 150 ci-dessus.

166

Dès lors, le grief des requérantes tiré de la nature irréfragable de la présomption en cause doit être rejetée.

Conclusion

167

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission a retenu à bon droit que Sasol Wax et Sasol Wax International formaient une unité économique au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, les sociétés composant cette unité pouvant être tenues pour solidairement responsables de l’infraction en cause.

168

Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucun argument spécifique en ce qui concerne le renversement de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement commercial de Sasol Wax International par Sasol Holding in Germany ni par Sasol Ltd sur cette dernière.

169

Dès lors, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

Sur l’offre de preuve des requérantes

170

Les requérantes proposent que M. C. D. I. et M. R. G. S., gérants de Sasol Wax au cours de la période Sasol, soient entendus comme témoins sur le fait que ni Sasol Wax International ni Sasol Ltd n’ont donné d’instructions à leur filiale et que Sasol Wax a déterminé de manière autonome son comportement commercial.

171

Eu égard à l’analyse qui précède, le Tribunal considère que lesdits témoignages ne sont pas susceptibles d’influer sur la question de l’imputation à Sasol Wax International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Sasol Wax. Dès lors, il n’y pas lieu d’accueillir l’offre de preuve des requérantes.

3. Sur le troisième moyen, concernant l’absence de responsabilité solidaire de Vara durant la période Schümann et la période d’entreprise commune

172

Les requérantes relèvent que, au cours de la période Schümann, la société directement impliquée dans l’infraction, HOS, était contrôlée par Vara et ultimement par M. Schümann personnellement. De même, au cours de la période d’entreprise commune, Vara aurait également exercé au moins un contrôle conjoint sur l’entité opérationnelle, Schümann Sasol. En n’imputant pas à Vara la responsabilité des agissements de HOS et de Schümann Sasol et en retenant uniquement la responsabilité solidaire de Sasol au titre de la période d’entreprise commune, la Commission aurait discriminé Sasol par rapport à Vara.

173

La Commission n’expliquerait nullement les raisons pour lesquelles, elle a traité différemment Sasol, d’une part, et Vara/M. Schümann, d’autre part. En outre, les requérantes rappellent les principes dégagés dans l’arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra (point 105).

174

Cette démarche de la Commission compromettrait sérieusement les moyens de recours dont Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International disposent pour engager une action récursoire à l’encontre de M. Schümann ou de Vara, puisque Sasol devrait démontrer que ces derniers ont pris part à l’infraction. Or, une telle démonstration serait particulièrement difficile, étant donné que les requérantes devraient expliquer les raisons pour lesquelles la Commission n’a retenu la responsabilité ni de Vara ni de M. Schümann. En outre, la constatation de la responsabilité solidaire de ces derniers aurait été d’autant plus importante pour Sasol que l’entente était fondée, notamment, par HOS et M. Schümann, à un moment où Sasol n’exerçait aucune activité dans le secteur européen des cires de paraffine.

175

Enfin, en raison de l’absence de constatation de la responsabilité solidaire de Vara, la Commission n’aurait pas appliqué le plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 par rapport au chiffre d’affaires de Vara.

176

La Commission fait valoir qu’elle jouit d’un pouvoir d’appréciation pour décider quelles entités d’une entreprise elle juge responsables d’une infraction, son appréciation étant réalisée au cas par cas, et qu’elle n’est pas tenue de motiver le fait de ne pas avoir adopté à l’égard de parties tierces d’actes similaires à ceux adressés aux entités jugées responsables.

177

En tout état de cause, la Commission relève que, selon la jurisprudence, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’une autre entreprise ne se serait pas vu infliger d’amende. Même si la Commission avait commis une erreur, en n’imputant pas l’infraction à Vara, le respect du principe d’égalité de traitement devrait se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui.

178

À titre liminaire, il convient de relever que, le premier moyen ayant été accueilli, il n’y a pas lieu d’examiner la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la période d’entreprise commune, dès lors que la décision attaquée est annulée à cet égard.

179

Dans les développements qui suivent, le Tribunal examinera uniquement le grief des requérantes portant sur la discrimination par rapport à Vara et à M. Schümann pour ce qui est de la période Schümann.

180

Tout d’abord, il y a lieu de relever que la Commission a expressément admis, au considérant 457 de la décision attaquée, que «HOS, la société directement impliquée dans l’infraction, était en dernier lieu détenue par M. […] Schümann en personne et que la responsabilité de l’infraction commise pendant cette période incomb[ait], au final, à M. Schümann». Cependant, la Commission n’a solidairement condamné, au titre de l’infraction commise par HOS, ni Vara, sa société mère directe, ni M. Schümann.

181

Selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ordonnance de la Cour du 15 juin 2012, Otis Luxembourg e.a./Commission, C‑494/11 P, non publiée au Recueil, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C-550/07 P, Rec. p. I-8301, points 54 et 55).

182

En outre, il y a lieu de relever que la possibilité, prévue par la jurisprudence mentionnée au point 36 ci-dessus, d’infliger à une société mère la sanction relative au comportement infractionnel de sa filiale ne s’oppose pas, en soi, à ce que la filiale elle-même soit sanctionnée. En effet, une entreprise – c’est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels (arrêt de la Cour du 13 juillet 1962, Mannesmann/Haute Autorité, 19/61, Rec. p. 675, 705 et 706) – est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l’entreprise (directoire, comité directeur, président, gérant, etc.), même si les conséquences financières en sont finalement supportées par ses propriétaires. Cette règle serait méconnue si l’on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d’une entreprise, de vérifier toujours qui est le propriétaire exerçant une influence décisive sur celle-ci, pour lui permettre de ne sanctionner que ce propriétaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181, points 279 à 281). La faculté de sanctionner la société mère pour le comportement d’une filiale étant donc sans incidence sur la légalité d’une décision adressée à la seule filiale ayant participé à l’infraction, la Commission a le choix de sanctionner soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui l’a contrôlée pendant cette période (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, Rec. p. II-5169, point 331).

183

Ce choix appartient également à la Commission dans l’hypothèse d’une succession économique dans le contrôle de la filiale. Si, dans cette hypothèse, la Commission peut imputer le comportement de la filiale à l’ancienne société mère, pour la période antérieure à la cession, et à la nouvelle société mère pour la suite, elle n’est pas tenue de le faire et peut choisir de ne sanctionner que la filiale pour son propre comportement (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 182 supra, point 332).

184

En l’espèce, les requérantes ne contestent pas l’imputation de l’infraction commise par HOS à Sasol Wax en raison de la succession juridique entre sociétés. Une telle imputation est d’ailleurs justifiée par la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une entité ayant commis une infraction aux règles de la concurrence fait l’objet d’un changement juridique ou organisationnel, ce changement n’a pas nécessairement pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements contraires aux règles de la concurrence de la précédente entité si, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entités (voir arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, Rec. p. I-8681, point 79, et la jurisprudence citée).

185

Cependant, les requérantes estiment que, la Commission ayant tenu pour solidairement responsables Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd avec Sasol Wax au titre de la période Sasol, elle ne pouvait pas, sans violer le principe d’égalité de traitement, exonérer de responsabilité solidaire les sociétés mères de HOS en ce qui concerne la période Schümann.

186

Force est de constater que Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd, en détenant la totalité du capital de la société directement impliquée dans l’infraction durant la période Sasol, se trouvaient dans une situation identique à celle de Vara et de M. Schümann en ce qui concerne la période Schümann.

187

Dès lors, la Commission a traité deux situations comparables d’une manière différente.

188

Les autres arguments de la Commission ne sauraient mettre en question cette constatation.

189

En premier lieu, la Commission fait valoir que les règles relatives à la prescription prévues à l’article 25 du règlement no 1/2003 l’ont empêchée d’établir la responsabilité solidaire de Vara et de M. Schümann pour l’infraction commise par HOS, étant donné que ceux-ci n’ont détenu l’ensemble du capital de HOS que jusqu’au 30 avril 1995.

190

À cet égard, sans que le Tribunal soit appelé à déterminer, dans le cadre de la présente procédure, la responsabilité de Vara et de M. Schümann au titre de l’infraction commise par Schümann Sasol, il y a lieu de relever qu’il est possible que la question de l’existence d’une telle responsabilité ait été examinée par la Commission, en l’absence d’erreurs d’appréciation commises par elle telles qu’elles ont été révélées lors de l’examen du premier moyen. Or, dans l’hypothèse où la Commission aurait retenu que la responsabilité de Vara et de M. Schümann concernait la période d’entreprise commune, allant en l’occurrence jusqu’au 30 juin 2002, aucun des délais de prescription prévus à l’article 25 du règlement no 1/2003 n’aurait expiré le 17 mars 2005 lorsque la Commission a été informée de l’entente et de l’implication de HOS.

191

Il s’ensuit que les arguments de la Commission tirés de la prescription doivent être rejetés, étant donné qu’elle ne saurait valablement invoquer, afin de justifier un traitement inégal, une différence entre la situation de Vara et de M. Schümann, d’une part, et celle des requérantes, d’autre part, qui aurait pu ne pas se présenter en l’absence d’erreurs d’appréciation commises par elle.

192

En second lieu, la jurisprudence invoquée par la Commission ne saurait remédier au traitement inégal révélé au point 187 ci-dessus. En effet, dans son arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 182 supra (point 331), le Tribunal a confirmé que la Commission pouvait valablement tenir pour responsable «soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui l’a contrôlée pendant cette période», mais il n’a pas mentionné que la Commission pouvait tenir pour solidairement responsable la nouvelle société mère, au titre de la période suivant la cession de la filiale et, en même temps, exonérer de responsabilité solidaire l’ancienne société mère au titre de la période précédant la cession. De même, la jurisprudence admet la pratique de la Commission de tenir pour responsable soit seulement la société participant directement à l’entente, soit tant l’ancienne que la nouvelle société mère, solidairement avec la filiale (arrêts du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T-40/06, Rec. p. II-4893, point 72, et du 3 mars 2011, Areva e.a./Commission, T-117/07 et T-121/07, Rec. p. II-633, point 137). En revanche, la Commission n’invoque aucun précédent jurisprudentiel qui aurait entériné une répartition de la responsabilité comme celle qu’elle a retenue en l’espèce.

193

Il convient alors d’examiner les conséquences du traitement inégal constaté au point 187 ci-dessus.

194

Selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une éventuelle illégalité commise en faveur d’une autre entreprise, qui n’est pas partie à la procédure devant le Tribunal, ne peut amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de «l’égalité de traitement dans l’illégalité» et à imposer à la Commission l’obligation d’ignorer les éléments de preuve dont elle dispose pour sanctionner l’entreprise ayant commis une infraction punissable, au seul motif qu’une autre entreprise se trouvant éventuellement dans une situation comparable a illégalement échappé à une telle sanction. En outre, dès lors qu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 197, et arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 77).

195

Or, force est de constater que la Commission a valablement constaté que Sasol Wax était responsable de l’infraction commise par HOS, à laquelle elle a succédé comme société participant directement à l’entente (voir point 184 ci-dessus), de sorte qu’elle pouvait légitimement être condamnée pour la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

196

De même, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, la Commission n’a pas commis d’erreur en imputant à Sasol Wax International, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise directement par Sasol Wax durant la période Sasol. Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission les a tenues pour responsables, de manière solidaire, au titre de la période allant du 1er juillet 2002 au 28 avril 2005 de sorte que, dans une telle mesure, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

197

Cependant, l’inégalité de traitement constatée au point 187 ci-dessus justifie la réformation de la décision attaquée dans la mesure où elle a pour résultat l’aggravation de la responsabilité de Sasol Wax International, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd pour ce qui est de la fraction de l’amende infligée au titre de la période Schümann (voir point 452 ci-après).

198

En outre, il convient de souligner que l’absence d’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne le défaut de condamnation de Vara et de M. Schümann au titre des agissements de HOS n’a pas d’incidence sur l’éventuel droit des requérantes d’engager une action récursoire devant le juge national.

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une détermination erronée du montant de base de l’amende

Sur la première branche, tirée de l’absence d’une base légale valable de la décision attaquée

199

En premier lieu, les requérantes font valoir que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne constitue pas une base légale valable pour l’adoption de la décision attaquée.

200

En effet, cette disposition ne répondrait pas à l’exigence d’une «base claire et non ambiguë» qui s’impose aux décisions de la Commission de caractère répressif, notamment au regard de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), et de la charte des droits fondamentaux, puisqu’elle donnerait à la Commission toute liberté pour infliger des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée.

201

Il convient de rappeler que le Tribunal a déjà examiné et rejeté de tels arguments.

202

Tout d’abord, il convient de relever que l’argument des requérantes tenant à l’absence de «base légale claire et non ambiguë» doit être compris en ce sens que celles-ci invoquent le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), tel que consacré notamment à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux. Ce principe exige qu’une réglementation de l’Union définisse clairement les infractions et les sanctions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C-352/09 P, Rec. p. I-2359, point 80).

203

En outre, selon la jurisprudence, en adoptant des décisions imposant des amendes pour participation à des ententes illicites, la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation illimitée pour la fixation du montant d’une telle amende, dans la mesure où les dispositions applicables prévoyaient un plafond des amendes en fonction du chiffre d’affaires des entreprises concernées, c’est-à-dire en fonction d’un critère objectif. Ainsi, bien qu’il n’existe pas de plafond absolu applicable à la globalité des infractions aux règles de concurrence, l’amende pouvant être imposée connaît toutefois un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d’infraction, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, points 74 à 76 ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, Rec. p. II-2567, points 35 et 36, et du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié au Recueil, point 28).

204

Par ailleurs, tout en admettant que les critères de la gravité et de la durée de l’infraction, mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, laissent à la Commission une large marge d’appréciation, il s’agit de critères retenus par d’autres législateurs pour des dispositions similaires, permettant à la Commission d’adopter des sanctions en tenant compte du degré d’illégalité du comportement en cause (arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, point 76 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 37, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 29).

205

En outre, pour fixer des amendes telles que celle en cause en l’espèce, la Commission était tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par sa propre jurisprudence et par celle de la Cour. De même, la pratique administrative de la Commission est soumise au plein contrôle du juge de l’Union. Ce contrôle a précisément permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003 (arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, points 77 et 79 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 41, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 30).

206

Par ailleurs, il y a lieu de souligner, que même si le droit de la concurrence a, certes, un caractère quasi pénal, il ne fait toutefois pas partie du «cœur» du droit pénal. Or, en dehors du «noyau dur» du droit pénal, les garanties en matière pénale consacrées à l’article 6 de la CEDH n’ont pas nécessairement vocation à s’appliquer dans toute leur rigueur (voir Cour eur. D. H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, Recueil des arrêts et des décisions, 2006‑XIV, § 43).

207

Il y a également lieu de noter dans ce contexte que, dans le domaine du droit de la concurrence et contrairement au droit pénal, tant les bénéfices que les sanctions des activités illégales sont purement pécuniaires, tout comme la motivation des contrevenants qui suivent d’ailleurs une logique économique dans leurs actions. Dès lors, la prédictibilité plus ou moins précise du montant de l’amende à infliger en raison de la participation à une entente illégale aurait des conséquences fort dommageables sur l’efficacité de la politique de concurrence de l’Union, dans la mesure où les entreprises commettant les infractions pourraient directement comparer les coûts et les bénéfices de leurs activités illégales, ainsi que prendre en compte les chances de la découverte, et ainsi tenter d’assurer la profitabilité desdites activités (voir, en ce sens, arrêts Degussa/Commission, point 203 supra, point 83 ; Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 203 supra, point 45, et Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, point 203 supra, point 32).

208

Sur la base des considérations qui précèdent, il convient de considérer que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 constitue à la fois un moyen permettant à la Commission de mettre en œuvre la politique de concurrence de l’Union avec l’efficacité nécessaire et une base légale suffisamment claire et précise pour l’adoption des décisions infligeant des amendes aux participants aux ententes. Dès lors, il convient de rejeter le grief des requérantes soulevé à cet égard.

209

En deuxième lieu, les requérantes estiment que la Commission a violé le principe de non-rétroactivité en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision attaquée, alors même que l’infraction en cause avait pris fin en avril 2005.

210

À cet égard, la Cour a déjà jugé que le fait que la Commission avait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement no 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l’Union. En effet, l’application efficace des règles de concurrence de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109 ; du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-196/99 P, Rec. p. I-11005, point 81, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, point 169).

211

En effet, la mission de surveillance que confèrent à la Commission les articles 81 CE et 82 CE ne comprend pas seulement la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 210 supra, point 105, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, point 170).

212

Par conséquent, les entreprises en cause doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, points 229 et 230).

213

Dès lors, le remplacement des lignes directrices de 1998 par une nouvelle méthode de calcul des amendes, contenue dans les lignes directrices de 2006, à supposer qu’elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, était raisonnablement prévisible par les participants à l’entente eu égard à l’époque où celle-ci a été mise en œuvre. En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 206 ci-dessus, les garanties en matière pénale consacrées à l’article 6 de la CEDH n’ont pas nécessairement vocation à s’appliquer dans toute leur rigueur dans le domaine du droit de la concurrence. La portée de cette jurisprudence doit être élargie, par analogie, à l’article 7 de la CEDH. En tout état de cause, l’introduction de nouvelles lignes directrices n’a pas modifié le niveau maximal de l’amende, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui constitue le seul cadre législatif applicable. Partant, en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision litigieuse à des infractions commises avant leur adoption, la Commission n’a pas violé le principe de non-rétroactivité (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 44 supra, points 231 et 232).

214

Enfin, il y a lieu de relever que, si la Commission avait pour obligation d’appliquer les lignes directrices en vigueur à l’époque où l’infraction a été commise, s’étendant à treize années en l’espèce, une telle contrainte viderait de contenu le droit de la Commission, reconnu par la jurisprudence citée au point 210 ci-dessus, d’adapter les méthodes de calcul de l’amende au regard de son obligation d’application efficace des règles de concurrence de l’Union.

215

Il s’ensuit que le second grief des requérantes doit également être rejeté et, par conséquent, la première branche du quatrième moyen dans son ensemble.

Sur la deuxième branche, tirée d’une inclusion erronée de la vente des microcires dans la valeur des ventes de Sasol

216

Selon le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise, dans le cadre direct ou indirect de l’infraction, dans le secteur géographique concerné, à l’intérieur du territoire de l’EEE. Selon la note en bas de page afférente à ce paragraphe, les ventes indirectes sont prises en compte, par exemple, pour les accords de prix horizontaux portant sur un produit donné, lorsque le prix de ce produit sert ensuite de base pour le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure.

217

Les requérantes estiment que les microcires n’ont pas été concernées par l’entente, de sorte que la Commission a erronément inclus le chiffre d’affaires relatif à ces produits dans la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul de l’amende.

Sur les principes d’appréciation des preuves

218

Selon la jurisprudence, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

219

S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41/96, Rec. p. II-3383, point 62, et la jurisprudence citée).

220

Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 60, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T-112/07, Rec. p. II-3871, point 58).

221

En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, lequel fait partie des droits fondamentaux qui constituent des principes généraux du droit de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause, ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à l’imposition d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 59 ; voir, en ce sens, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

222

Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction. Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, points 62 et 63, et la jurisprudence citée).

223

Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53/03, Rec. p. II-1333, point 185, et la jurisprudence citée).

224

Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées en ce qui concerne le fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation, pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, Rec. p. II-2501, point 203).

225

En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50/00, Rec. p. II-2395, point 72, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 64).

226

Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 225 supra, point 72).

227

Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, points 1053 et 1838, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 70).

228

Lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par elle et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par elle pour conclure à l’existence d’une violation des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 186).

229

En revanche, dans les cas où la Commission s’est fondée sur des preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées non de présenter simplement une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 187). Une telle administration des preuves ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C-235/92 P, Rec. p. I-4539, point 181).

230

Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 55 à 57 ; voir, également, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 76 supra, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

231

Lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T-157/94, Rec. p. II-707, point 312, et du16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T-5/00 et T-6/00, Rec. p. II-5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 207).

232

L’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T-217/03 et T-245/03, Rec. p. II-4987, point 124 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, point 86).

233

Il ressort du principe de libre administration des preuves que, même si l’absence de preuves documentaires peut s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqués par la Commission, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence de permettre à l’entreprise concernée de mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication alternative des faits. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

234

En outre, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises auxquelles il est reproché d’avoir participé à l’entente. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, point 192, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 67).

235

Une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 71 ; voir également, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 205 à 210).

236

Toutefois, la déclaration d’une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 219 et 220, et Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 68).

237

En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné qu’il est possible que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 220 supra, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 194 supra, point 70).

238

En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 224 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109/02, T-118/02, T-122/02, T-125/02, T-126/02, T-128/02, T-129/02, T-132/02 et T-136/02, Rec. p. II-947, point 166, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 59).

239

La jurisprudence précitée est applicable, par analogie, à l’article 53 de l’accord EEE.

Sur la décision attaquée et les déclarations des participants à l’entente

240

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 111 de la décision attaquée :

«Lors de la plupart des réunions techniques, les discussions sur les prix concernaient généralement les cires de paraffine et rarement seulement les différentes sortes de cire de paraffine (comme les cires de paraffine entièrement raffinées, les cires de paraffine semi-raffinées, les mélanges de cires/spécialités, les cires de paraffine solides ou les hydrocires). De plus, il était clair pour toutes les entreprises que les prix pour toutes les sortes de cire de paraffine augmenteraient du même montant ou du même pourcentage.»

241

La déclaration de Shell du 26 avril 2005, à laquelle la Commission se réfère au considérant 111 de la décision attaquée, indique que tous les types de cires de paraffine étaient concernés par les pratiques visant à la fixation des prix. En effet, Shell a déclaré que, lors des réunions techniques, il était généralement compris par les participants que les prix de tous les types de cires de paraffine seraient augmentés du même montant ou pourcentage.

242

En outre, dans sa déclaration orale du 21 mars 2007, Shell a également affirmé que ce n’était qu’en de rares occasions que les différents types de cires de paraffine (par exemple les cires de paraffine totalement raffinées, semi-raffinées, solides, et les mélanges/spécialités) avaient été mentionnés. Les participants étaient d’accord pour que les prix de tous les types de cires de paraffine augmentent du même montant ou du même pourcentage.

243

Ensuite, Total a déclaré que les hausses de prix portaient principalement sur les paraffines de qualité courante principalement utilisées dans le secteur des bougies, seules paraffines qui intéressaient véritablement Sasol et les autres producteurs allemands (DEA et Hansen & Rosenthal). La bougie étant un des principaux débouchés de la paraffine en Europe, une variation de prix sur ce marché entraînait une variation des prix dans les autres applications.

244

Sasol a également confirmé cette pratique en déclarant que les accords conclus lors des réunions techniques fixaient plus ou moins la tendance pour d’autres segments de produit, les participants ayant fréquemment tenté de transposer de manière approximative les augmentations de prix qui étaient décidées aux autres catégories de produits.

245

Dès lors, les déclarations concordantes des participants à l’entente soutiennent et confirment le contenu du considérant 111 de la décision attaquée.

Sur l’absence alléguée d’accord sur les prix des microcires

246

Les requérantes ne contestent pas que les microcires ont été mentionnées de manière occasionnelle lors des réunions techniques. Cependant, il ressortirait des déclarations des entreprises participant à l’entente, recueillies au cours de la procédure administrative, que les cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées étaient au cœur des réunions «Blauer Salon». De plus, il n’y aurait eu aucune réunion au cours de la période infractionnelle pendant laquelle les participants se seraient entendus sur les prix de la microcire ou se seraient réparti les clients en ce qui concerne ces produits. Ce point serait confirmé par les déclarations de Shell.

247

En premier lieu, il convient de noter que la déclaration de Shell du 14 juin 2006, à laquelle les requérantes se réfèrent, se borne à décrire les caractéristiques des microcires et à fournir des précisions sur les matières premières les composant. Elle ne porte pas sur l’absence ou la présence de pratiques infractionnelles à l’égard de ces produits.

248

En second lieu, il importe d’observer que l’infraction concernant les cires de paraffine imputée aux requérantes consistait en des accords ou des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial, affectant les cires de paraffine (le volet principal de l’infraction) et la répartition de clients ou de marchés (le deuxième volet de l’infraction).

249

Les requérantes ne contestent pas que le volet principal de l’entente est complexe, c’est-à-dire combine des accords sur les prix, les pratiques concertées et l’échange d’informations sensibles.

250

Or, aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, «sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun».

251

Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 256, et HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 199). Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T-240/07, Rec. p. II-3355 point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 33 supra, points 151 à 157 et 206).

252

La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre les entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199/92 P, Rec. p. I-4287, point 158).

253

À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature à soit influer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter, lorsque ses contacts ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence (arrêt Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 251 supra, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 252 supra, points 116 et 117).

254

Dès lors, afin d’inclure le chiffre d’affaires réalisé par la vente des microcires dans la valeur de ventes des participants, la Commission n’était pas tenue de démontrer que des accords concernant leur prix étaient conclus lors des réunions techniques. Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de la prétendue absence d’accords en ce qui concerne la fixation du prix de la microcire et la répartition des clients à l’égard de ces produits doivent être rejetés comme inopérants.

Sur les preuves documentaires relatives aux microcires

255

Il convient d’examiner les preuves documentaires relatives aux microcires, présentées dans la décision attaquée, ainsi que dans la documentation à laquelle ladite décision se réfère et qui a été communiquée aux requérantes durant la procédure administrative.

256

Premièrement, la note de MOL concernant la réunion technique du 24 juin 1994 à Budapest (Hongrie), à laquelle la Commission fait référence dans les notes en bas de page sous le considérant 132 de la décision attaquée, mentionne, sous le titre «Repsol» :

«ventes : 60000 t [20000 t importations]

Cepsa/Elf 15‑2000 t incl. 3000 t micro

ERT seulement gatsch 15000 to»

257

Ces indications, non reprises dans la décision attaquée, mais communiquées aux requérantes durant la procédure administrative, témoignent de ce que les participants ont indiqué les tonnages de cires de paraffine, y compris les microcires, vendus ou destinés à être vendus aux différents clients, en vue de la répartition des marchés et des clients.

258

Deuxièmement, la note de MOL relative à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg, citée au considérant 145 de la décision attaquée, indique :

«Pénurie 50/52 micro -> Repsol Mobil Agip

[...]

microcire – prix français 1500‑1600 augmentation 10 %»

259

Troisièmement, la note de MOL relative à la réunion des 5 et 6 mai 1998 à Budapest, à laquelle la Commission fait référence dans une note en bas de page sous le considérant 147 de la décision attaquée, indique :

«Total – [illisible] 5500 – 6500 micro [viscosité] 14‑15 [ ;] à Cepsa 4900 emu [illisible] + 4 % Total/E»

260

Compte tenu également des autres éléments de preuve mentionnés par la Commission au considérant 147 de la décision attaquée, ces différentes mentions témoignent de ce que les participants ont indiqué les tonnages de cires de paraffine, y compris les microcires, vendus ou destinés à être vendus aux différents clients, en vue de la répartition des marchés et des clients.

261

Quatrièmement, la note de MOL relative à la réunion des 13 et 14 avril 1999 à Munich (Allemagne), citée au considérant 153 de la décision attaquée, comporte un tableau dont une colonne complète est intitulée «Micro». Les indications relatives aux autres colonnes, classifiant les autres types de cires de paraffine selon leur point de fusion, ne laissent pas de doute sur le fait qu’il s’agit des microcires.

262

Cinquièmement, un compte rendu de réunion «Blauer Salon» de Sasol relatif à la réunion des 26 et 27 juin 2001 à Paris (France), cité au considérant 163 de la décision attaquée, contient les indications suivantes :

«En juillet : annuler les prix des clients spéciaux (= ceux qui n’achètent pas ou qui ont acheté très bas l’année dernière/budget) le plus vite possible, par exemple 30 jours. Objectif : fixer un point de repère !

Fin août [:] annuler tous les prix au 30/9.01.

Au 1/10.01 + 7,- euros

Bois/émulsions + caoutchouc/pneus = plus tard

Si les clients réclament la tendance de prix pour la seconde moitié de l’année :

La tendance est à la hausse car tous les chiffres du budget, par ex. l’huile brut à 25,- $ / Taux de change du dollar à 2 DM, sont dépassés de manière significative. De plus, les microcires + environ 30 % / paraffines de qualité supérieure très rares et chères.»

263

Ces indications démontrent, d’une part, que les participants à l’entente ont considéré que les hausses des prix de tous les types de cires de paraffine étaient liées et, d’autre part, qu’ils ont également élaboré des justifications à ces hausses vis-à-vis des clients.

264

Sixièmement, une note manuscrite découverte chez Total concernant la réunion des 11 et 12 mai 2004, citée au considérant 174 de la décision attaquée, mentionne «1er juillet – [...] + Microcire : 25 -> 50 $/T». Dès lors, il s’agit d’une trace directe se référant à une discussion, voire à un accord, concernant les prix des microcires.

265

Ainsi qu’il a été rappelé au point 222 ci-dessus, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à des critères de précision et de concordance pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution de l’Union, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

266

En outre, au regard de la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes.

267

Par ailleurs, les notes de MOL ont été rédigées durant les réunions par la personne y assistant et leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, la valeur probante de ces notes est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus «Blauer Salon» de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après chaque réunion technique. Même si la personne qui les a rédigées n’était pas présente aux réunions techniques, elle s’est fondée sur les informations obtenues d’un participant. Dès lors, la valeur probante de ces comptes rendus est élevée.

268

Eu égard à l’ensemble des preuves réunies par la Commission, force est de constater que les prix, les volumes produits et d’autres informations commercialement sensibles relatifs aux microcires, ainsi que les volumes de microcires vendues ou destinées à être vendues aux clients, étaient discutés lors des réunions techniques.

Sur les autres arguments des requérantes

269

Les requérantes estiment que les prix des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées (produits qui faisaient l’objet des accords en cause) n’ont pas «servi de base pour le prix des» microcires en tant que «produits de qualité supérieure ou inférieure» au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, de sorte que leur prix ne pouvait pas être influencé par les accords concernant les prix des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. En effet, les microcires (contrairement aux mélanges de cires ou aux spécialités) ne seraient pas fabriquées à partir de cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Elles ne contiendraient même pas les mêmes matières premières que les cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Alors que ces dernières seraient élaborées à partir de pétrole brut léger, la microcire serait fabriquée à partir de base lubrifiante de forte viscosité. La matière première des microcires et les microcires elles-mêmes se distingueraient nettement du gatsch et des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées. Tous ces éléments auraient été portés à l’attention de la Commission de manière détaillée aux pages 2 à 4 de la demande de clémence de Sasol.

270

Enfin, les requérantes se réfèrent au tableau figurant dans leur réponse à la communication des griefs. Il en ressortirait que la courbe du prix des cires de paraffine semi-raffinées et celle du prix des cires entièrement raffinées ont connu une évolution très similaire, tandis que les prix de la microcire se sont montrés «plus irréguliers». Ainsi, le prix des microcires ne dépendrait pas du marché des cires de paraffine entièrement raffinées et semi-raffinées, de sorte que la Commission n’aurait pas été en droit de tenir compte des ventes de microcire de Sasol pour calculer le montant de base de l’amende.

271

S’agissant des caractéristiques différentes des microcires par rapport aux autres cires de paraffine, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, l’éventuelle appartenance des produits cartellisés aux divers marchés de produit n’affectent pas la légalité de la décision attaquée lorsque la Commission dispose des preuves matérielles que les activités anticoncurrentielles concernaient directement ou indirectement l’ensemble des produits visés par la décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, ci-après arrêt l’«arrêt Tokai II», point 90).

272

Eu égard à la démonstration directe concernant l’existence de discussions relatives aux prix et aux données commerciales sensibles relatives aux microcires ainsi qu’à la répartition des marchés quant aux microcires (voir points 255 et suivants), il convient de considérer que ces arguments des requérantes ne sauraient compromettre la validité de l’approche de la Commission, prenant en compte le chiffre d’affaires résultant de la vente de microcires lors du calcul du montant de base de l’amende.

273

Enfin, les requérantes font valoir qu’elles sont capables de produire des cires de paraffine à partir de gatsch, mais qu’elles sont incapables de produire des microcires à partir de bases lubrifiantes de forte viscosité. Dès lors, Sasol serait elle-même acheteur de microcires et, par conséquent, n’aurait eu aucun intérêt à l’augmentation de leur prix.

274

Cet argument ne saurait prospérer.

275

Tout d’abord, il convient de relever qu’il ressort du dossier que les prix artificiellement élevés du gatsch ne s’appliquaient pas aux fournitures croisées de ce produit entre participants à l’entente. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont fourni des données détaillées sur les volumes de leurs achats et de leurs ventes de microcires effectués entre 2002 et 2005 et exprimés tant en euros qu’en tonnes. Il en ressort que leur prix de revente a excédé en moyenne de 63,7 % le prix auquel elles ont acheté des microcires. Dès lors, il est raisonnable d’envisager que les prix artificiels résultant de l’entente ne s’appliquaient pas davantage aux fournitures croisées de microcires entre les participants à l’entente, tout comme dans le cas du gatsch. Ainsi, même si Sasol ne produisait pas elle-même de microcires, elle pouvait pleinement profiter des effets de l’entente sur le prix des microcires, étant donné qu’elle pouvait s’en procurer auprès des producteurs participant à l’entente ou auprès d’autres sources à un prix correspondant à un prix concurrentiel et les revendre aux prix artificiellement élevés résultant de l’entente.

276

Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lors de l’inclusion des ventes de microcires dans la valeur des ventes.

277

Par conséquent, la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

Sur la troisième branche, tirée des erreurs entachant le calcul du montant de base de l’amende en ce qui concerne le gatsch

278

Les requérantes font valoir que la Commission n’a identifié dans la décision attaquée qu’une seule réunion technique au cours de laquelle la vente de gatsch à des clients finals a été évoquée et qu’elle n’a même pas fermement affirmé que Sasol avait participé à ladite réunion. Dès lors, la gravité de l’infraction relative au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand ne saurait justifier un taux de 15 % de la valeur de ventes. De même, la Commission aurait commis une erreur en ce qu’elle a présumé que l’infraction avait duré six ans et six mois.

Sur la participation des requérantes au volet de l’infraction concernant le gatsch entre le 30 octobre 1997 et le 12 mai 2004

279

La Commission a affirmé, au considérant 288 de la décision attaquée, ce qui suit :

«Tant Sasol que Shell admettent expressément que les prix du gatsch ont fait l’objet de discussions entre concurrents, plus spécialement à partir de la fin des années 1990, et elles ont fourni des détails sur certains des contacts en cause (voir aussi le considérant 112). Lors d’une réunion qui s’est tenue les 30 et 31 octobre 1997 (voir considérant 145), des discussions au sujet du gatsch ont réuni au moins l’ENI, H&R/Tudapetrol, MOL, Repsol, Sasol, Dea (après 2002, Shell) et Total qui [s]ont [...] convenu[es] d’une augmentation des prix. La représentation de Shell et Total à au moins une réunion spécifiquement consacrée au gatsch, les 8 et 9 mars 1999, a été établie (voir considérant 152). Sasol et ExxonMobil ne nient pas leur présence à cette réunion dans leur réponse à la communication des griefs et leur présence apparaît effectivement probable au vu d’une note manuscrite sur un message électronique interne de Shell envoyé le lendemain et faisant référence à ‘tous les producteurs’. Sasol, Shell et Total ont également été représentées à une réunion technique des 11 et 12 mai 2004 (voir considérant 174) lors de laquelle un accord a été atteint au sujet du prix du gatsch. La Commission fait remarquer en outre que le gatsch a fait 1’objet de discussions lors de certaines réunions techniques qui ont eu lieu en présence d’ExxonMobil, Sasol, Shell et Total. ExxonMobil a concédé avoir participé à ces discussions entre 1993 et 1996. ExxonMobil a également concédé que M. [T. H.], représentant d’ExxonMobil, a participé à des discussions sur le gatsch pour le compte de producteurs de panneaux de particules dans la partie germanophone de l’Europe entre 1999 et 2001 et confirme en général que des discussions ont été menées dans le cadre des arrangements de l’entente au sujet du gatsch vendu aux clients finals. De même, Total rapporte que des discussions sur l’augmentation des prix du gatsch ont eu lieu. Shell et ExxonMobil confirment également que des réunions ayant trait au gatsch avaient lieu en dehors des réunions techniques. Bien que l’ENI, H&R/Tudapetrol, MOL et Repsol aient également été représentées à certaines de ces réunions, la Commission considère que les preuves disponibles ne sont pas suffisantes pour retenir la responsabilité de ces entreprises dans l’infraction relative au gatsch. De plus, bien que certains éléments de preuve semblent se rapporter à d’autres périodes et marchés, la Commission considère que les preuves disponibles permettent seulement de conclure à une infraction relativement au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand dans les années 1997 à 2004.»

280

En outre, la Commission a affirmé au considérant 112 de la décision attaquée ce qui suit :

«La question du gatsch a été abordée au cours de certaines réunions techniques [note en bas de page : considérants 144, 145, 152, 157, 174 et 175 de la décision attaquée]. De plus, des accords portant sur le gatsch vendu à des clients finals sur le marché allemand ont été passés au moins une fois en dehors des réunions techniques lorsque des représentants de Shell, Sasol, ExxonMobil et Total, et peut-être d’autres, se sont réunis et ont approfondi la discussion sur le gatsch, autrement dit, ont fixé les prix et échangé des informations sensibles sur le plan commercial. Par exemple, il est prouvé qu’une telle réunion s’est tenue à Düsseldorf les 8 et 9 mars 1999. Les personnes représentant les entreprises lors de la réunion spécifique consacrée au gatsch étaient, pour la majorité des entreprises, les mêmes que celles qui assistaient aux réunions techniques, à l’exception de Total.»

281

Il convient de relever que les considérants 144, 145, 152, 157, 174 et 175 de la décision attaquée concernent respectivement les réunions des 19 et 20 juin 1997, 30 et 31 octobre 1997, 8 et 9 mars 1999, 3 et 4 février 2000, 11 et 12 mai 2004 et 3 et 4 août 2004.

282

Dans la décision attaquée, la Commission a justifié sa décision de n’établir l’existence de pratiques anticoncurrentielles pour le gatsch qu’en ce qui concernait les ventes aux clients finals en Allemagne de la façon suivante :

«[…]

(289)

La Commission considère par ailleurs que ces discussions avaient exclusivement trait au gatsch vendu par des entreprises liées aux clients finals tels que les producteurs de panneaux de particules et non, par exemple, aux cires de paraffines. Si les déclarations des entreprises n’établissent la plupart du temps aucune distinction entre les différents usages du gatsch, le courriel visé au considérant 152 [relatif à la réunion à Düsseldorf des 8 et 9 mars 1999] mentionne exclusivement le gatsch vendu aux producteurs de panneaux de particules. Par conséquent, la Commission considère qu’il existe un doute sur le point de savoir si la vente de gatsch à des clients autres que les clients finals a fait l’objet de l’infraction et limite ses conclusions au gatsch vendu aux clients finals. Ces considérations sont confirmées par Shell et ExxonMobil.

(290)

Les preuves disponibles laissent entendre que les discussions occasionnelles sur le gatsch portaient essentiellement sur le marché allemand. ExxonMobil, Sasol, Shell et Total vendent toutes du gatsch sur le marché allemand et les réunions où le gatsch faisait l’objet de discussions ont eu lieu en Allemagne. La Commission considère qu’il n’existe pas suffisamment d’indications permettant de conclure que les arrangements applicables au gatsch portaient également sur le gatsch vendu aux clients finals d’autres pays.

(291)

La Commission considère que l’infraction, dans la mesure où elle porte sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand, a débuté lors de la réunion des 30 et 31 octobre 1997 et a pris fin lors de la réunion des 11 et 12 mai 2004.

(292)

La Commission considère par conséquent que les discussions relatives au gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand donnaient lieu à des accords et/ou des pratiques concertées au sens de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE. Cette conclusion s’appuie sur les déclarations indépendantes et concordantes de Shell et de Sasol, soutenues par les déclarations d’ExxonMobil et de Total. Cette conclusion est confirmée par les preuves écrites.»

283

Premièrement, s’agissant de la réunion des 30 et 31 octobre 1997, à laquelle Sasol était présente, la Commission s’appuie, au considérant 145 de la décision attaquée, sur une note de MOL comportant la mention «slack wax : DM 550 -> 600». Cette note contient d’ailleurs des indications détaillées au sujet des augmentations des prix des cires de paraffine, en précisant les chiffres et les dates prévues de la mise en œuvre des augmentations par producteur, membre de l’entente.

284

La Commission en a déduit que «étant donné que la ligne ‘Augmentation de prix en janvier’ renvo[yait] au futur, cette note confirm[ait] que les entreprises participantes [étaient] convenu[es] d’une stratégie pour harmoniser et augmenter les prix» et que «[l]a note concern[ait] à la fois les cires de paraffine et le gatsch».

285

Les requérantes font valoir que la note concerne du gatsch fourni aux membres de l’entente aux fins de la production de cires de paraffine.

286

À cet égard, il convient de relever que, selon les déclarations de participants à l’entente, les prix du gatsch, dans la mesure où celui-ci faisait l’objet de fournitures croisées entre participants, ne faisaient pas l’objet des réunions techniques, mais étaient définis par les négociations bilatérales entre les entreprises. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

287

Ensuite, les requérantes observent que MOL ne fournissait pas de gatsch aux clients allemands, de sorte que la note ne concerne pas le volet gatsch de l’infraction. De plus, il ne saurait être déduit de ces indications qu’un accord relatif aux prix a été conclu.

288

Il y a lieu de relever que ces arguments sont sans pertinence, étant donné qu’une fixation de prix en général s’applique à tous les clients, y compris, comme en l’espèce, aux clients finals allemands. En outre, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait décidé de limiter l’étendue des pratiques anticoncurrentielles concernant le gatsch aux ventes aux clients finals allemands, aux considérants 289 à 292 de la décision attaquée, repris au point 282 ci-dessus. Les requérantes n’ont pas présenté d’arguments concernant ces passages de la décision attaquée.

289

En outre, la Commission a mis à la charge des requérantes une infraction complexe, consistant en des «accords et/ou des pratiques concertées», de sorte qu’une démonstration concernant la conclusion d’un accord sur les prix particuliers n’est pas exigée.

290

Enfin, les requérantes font valoir que le compte rendu de réunion «Blauer Salon» relatif à cette réunion technique ne fait pas état des discussions concernant le gatsch.

291

À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, les éléments fragmentaires et épars dont la Commission pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes, et l’appréciation porte sur l’ensemble des preuves accessibles. Dès lors, il ne peut pas être raisonnablement exigé de la Commission de prouver chaque détail de l’infraction par plusieurs preuves documentaires concordantes.

292

Eu égard à ces considérations, la Commission a retenu à juste titre que la note de MOL relative à cette réunion technique, en particulier à la lumière des déclarations des participants, faisait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des «accords et/ou des pratiques concertées» concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

293

Deuxièmement, s’agissant de la réunion des 8 et 9 mars 1999, évoquée au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a affirmé ce qui suit :

«Shell soumet une note manuscrite écrite, selon ses dires, par M. [S. R.] pour préparer cette réunion. Ceci expliquerait la dernière ligne de la note qui indique ‘8/9.3.99 PM – panneau de particules’. Shell déclare que ‘PM’ signifie ‘paraffin Mafia’ [(maffia de la paraffine)], le nom que Shell donnait aux entreprises qui participaient normalement aux réunions techniques. La note contient la date à laquelle la réunion a eu lieu, ce qui rend l’explication de Shell sur la note produite en préparation de la réunion plausible et cohérente avec les autres preuves. La note de M. [S. R.] montre que celui-ci s’attendait à ce que les personnes représentant les différentes entreprises échangent des informations sur l’approvisionnement en gatsch de certains gros clients. Le jour suivant cette réunion, M. [S. R.] a envoyé un courriel à son supérieur, M. [S. T.], déclarant [qu’un des participants] avait l’intention d’augmenter les prix du gatsch utilisé dans le secteur des panneaux de particules, de 8 à 10 pour cent dès le 1er juin 1999. Une note manuscrite concernant ce courriel indique que ‘tous les producteurs voient la nécessité d’augmenter (les prix)’. Ceci montre que les personnes représentant les sociétés lors de la réunion [s]ont convenu[es] d’une augmentation des prix du gatsch dans l’industrie des panneaux de particules, et [qu’un des participants] allait mettre cet accord en application à partir de juin 1999. La référence à ‘tous les producteurs’ montre aussi que les autres entreprises, en dehors de Total et Shell, doivent avoir participé à la réunion.»

294

Selon le considérant 151 de la décision attaquée, Sasol n’exclut pas sa présence à cette réunion.

295

De même, selon le considérant 152 de la décision attaquée, ExxonMobil ne nie pas avoir participé et admet que son représentant a participé à quelques discussions multilatérales avec Sasol, Shell/Dea et Total consacrées de manière spécifique au gatsch destiné aux producteurs de panneaux de particules dans la partie germanophone de l’Europe, «peut-être entre 1999 et 2001».

296

Le Tribunal constate que les déclarations d’ExxonMobil et de Shell, ainsi que la note de Shell, citées aux considérants 151 et 152 de la décision attaquée font partie de l’ensemble de preuves dont le Tribunal peut déduire que Sasol participait, durant la période 1999 à 2001, à au moins une réunion visant les «accords et/ou pratiques concertées» relatifs à la fixation du prix du gatsch destiné au client finaux allemands.

297

Troisièmement, s’agissant de la réunion technique des 17 et 18 décembre 2002 à laquelle Sasol était présente, la Commission, examinant une note de Total, parvenait au considérant 168 de la décision attaquée aux constatations suivantes :

«Il y a également un graphique daté intitulé ‘Marché européen’ qui a été distribué lors de la réunion. La copie découverte chez Total contient des annotations manuscrites montrant que les chiffres ont été discutés lors de la réunion. Cette note contient également d’autres commentaires manuscrits qui indiquent, entre autres : ‘Maintenance en mars chez Petrogal. Le gatsch en-dessous de 500 €. Situation de maintenance de 3 semaines en juillet chez MOL.’ Cela montre que le prix du gatsch a fait l’objet de discussions lors de cette réunion.»

298

Il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucune argumentation en ce qui concerne les passages en cause de la décision attaquée.

299

Dès lors, ledit graphique découvert chez Total fait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des «accords et/ou pratiques concertées» relatifs à la fixation de prix du gatsch destiné au client finals allemands.

300

Quatrièmement, s’agissant de la réunion des 11 et 12 mai 2004 à laquelle Sasol était présente, la Commission évoque, au considérant 174 de la décision attaquée, une note manuscrite retrouvée chez Total et contenant les indications suivantes :

«-> Sasol 40 €/50 $. - Fin juillet.

-> Mer : 38 - 28.

-> 1er juillet -

+ FRP : 70 -> 6000 €/T

+ Bougie chauffe-plat : 50 -> 500 €/T

+ Microcire : 25 -> 50 $/T

[...]

-> 40 €/T gatsch.»

301

Selon le considérant 174 de la décision attaquée, «la dernière ligne indique qu’une augmentation de prix a également été convenue pour le gatsch» et «[i]l ressort du contexte général de la note qu’une flèche précédant le prix indique l’existence d’une stratégie convenue pour l’avenir, c’est-à-dire qu’une augmentation de prix est envisagée».

302

Selon les requérantes, rien n’indique que ce passage visait effectivement un accord portant sur le gatsch vendu aux clients finals en Allemagne. Aucune des autres entreprises qui ont pris part à la réunion des 11 et 12 mai 2004 n’aurait mentionné la conclusion d’un tel accord. De plus, ExxonMobil, qui constitue l’un des plus gros vendeurs de gatsch aux clients finals, ne figurant pas parmi les entreprises participantes énumérées au point 174 de la décision, il serait fort peu probable que la question du gatsch vendu aux clients finals ait été abordée au cours de cette réunion.

303

Il convient de rejeter ces arguments sur la base des considérations déjà exposées aux points 289 et 291 ci-dessus et de considérer que la note en question fait partie de l’ensemble de preuves démontrant la présence des «accords et/ou des pratiques concertées» concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

304

En résumé, il y a lieu de conclure que la Commission a réuni un ensemble de preuves documentaires qui démontre l’existence des «accords et/ou des pratiques concertées» concernant le gatsch vendu aux clients finals allemands.

305

Les requérantes font néanmoins valoir que ces éléments de preuve ne démontrent pas d’accords conclus avec Sasol.

306

S’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, la Cour a déjà jugé qu’une infraction à l’article 81 CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 230 supra, point 81, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, point 47).

307

La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 230 supra, point 82, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 306 supra, point 48).

308

Dès lors, la présence des requérantes aux réunions anticoncurrentielles et leur absence de distanciation à l’égard du contenu infractionnel justifie que la Commission leur impute ce dernier, sans qu’il soit nécessaire qu’elle démontre spécifiquement qu’elles ont conclu des accords lors de ces réunions. Dès lors, l’argument des requérantes soulevé à cet égard est dépourvu de pertinence.

309

Enfin, les requérantes font valoir que les réunions techniques des 30 et 31 octobre 1997 et des 11 et 12 mai 2004 n’étaient pas citées dans la communication des griefs comme étant des «réunions sur le gatsch».

310

Cet argument ne saurait prospérer. En effet, les preuves concernant le volet gatsch de l’infraction, citées dans la décision attaquée, figuraient déjà dans la communication des griefs. De même, ladite communication indiquait clairement que le volet gatsch de l’infraction était imputé aux requérantes.

311

Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes ne contestent pas la constatation de la Commission selon laquelle les pratiques relatives aux cires de paraffine et celles relatives au gatsch constituent une seule infraction, unique et continue. Dès lors, les preuves relatives aux pratiques concernant le gatsch doivent être appréciées dans le contexte de l’ensemble des preuves réunies par la Commission et relatives à l’infraction unique. Ces preuves démontrent l’existence des contacts continus entre les entreprises participant aux pratiques relatives au gatsch.

312

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de confirmer la constatation de la décision attaquée selon laquelle les requérantes ont participé au volet gatsch de l’infraction complexe, unique et continue, telle que visée par la décision attaquée, durant la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004.

313

Il en résulte que la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant en compte, lors du calcul du montant de base de l’amende infligée aux requérantes, la valeur de ventes réalisées par la fourniture de gatsch et en appliquant le coefficient multiplicateur correspondant à la durée en cause.

Sur le caractère disproportionné du coefficient de 15 % appliqué sur le chiffre d’affaires réalisé par les ventes de gatsch

314

Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir méconnu le principe de proportionnalité, dans la mesure où celle-ci a calculé le montant de l’amende en retenant un taux de 15 % à l’égard des ventes de gatsch de Sasol aux clients finals en Allemagne.

315

Selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume Uni/Commission, C-180/96, Rec. p. I-2265, point 96 ; arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

316

Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est à dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 315 supra, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43/02, Rec. p. II-3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T-446/05, Rec. p. II-1255, point 171).

317

En premier lieu, il convient de relever que le volet gatsch de l’infraction consistait notamment en des activités collusoires concernant la fixation de prix entre concurrents et relevait ainsi de la catégorie des infractions les plus nuisibles à la libre concurrence.

318

Dès lors, le Tribunal considère que l’application du coefficient de 15 % à la valeur des ventes de gatsch aux fins du calcul du montant de l’amende est proportionnée à la gravité de ce volet de l’infraction.

319

En deuxième lieu, il y a lieu de souligner que la Commission a pris en compte les éléments pertinents de façon cohérente et objectivement justifiée. En effet, le volet gatsch de l’infraction relève du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 présentant les formes les plus graves des infractions, pour lesquelles l’application d’un coefficient «en haut de l’échelle», c’est-à-dire entre 15 et 30 % de la valeur des ventes, est généralement justifiée. En fixant le coefficient à 15 % de la valeur des ventes de gatsch, la Commission a pleinement respecté lesdites lignes directrices, puisqu’elle a retenu le coefficient le plus bas pouvant être appliqué, selon la règle générale établie par les lignes directrices de 2006, aux accords ou pratiques concertées horizontaux visant à la fixation des prix.

320

En troisième lieu, les requérantes considèrent néanmoins que ledit coefficient est disproportionné, eu égard au nombre restreint des réunions et des participants, à l’étendue limitée du volet gatsch de l’infraction, ainsi qu’à la part de marché relativement faible des participants.

321

S’agissant du nombre prétendument restreint des réunions lors desquelles la question du gatsch a été abordée, force est de constater que, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 283 à 310 ci-dessus, il s’agit d’un nombre d’occasions bien plus élevé que deux, nombre des réunions admises par les requérantes,. De plus, la Commission a établi à suffisance de droit la participation des requérantes au volet gatsch de l’infraction complexe, unique et continue, visée par la décision attaquée, durant la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004 (voir point 312 ci-dessus). Dès lors, l’argument tiré du nombre limité des réunions concernant le gatsch doit être rejeté.

322

Pour ce qui est de l’étendue réduite du volet gatsch de l’infraction en ce qu’il ne concerne que les ventes aux clients finals allemands et la part de marché prétendument limitée de Sasol, il y a lieu de relever que ces éléments sont déjà pris en compte dans le calcul du montant de base de l’amende. En effet, seul le chiffre d’affaires de l’entreprise Sasol (reflétant sa part de marché exacte) réalisé à partir des ventes au groupe de clients en cause (reflétant l’étendue réduite du volet gatsch de l’infraction) a été pris en compte lors du calcul de la valeur des ventes à laquelle le coefficient de 15 % a été par la suite appliqué au titre de la gravité de l’infraction.

323

Dès lors, il convient de rejeter ces arguments des requérantes.

324

En quatrième lieu, les requérantes invoquent le fait qu’elles ne produisaient pas de gatsch.

325

À cet égard, il convient de rappeler que les prix artificiellement élevés du gatsch ne s’appliquaient pas aux fournitures croisées entre participants. Dès lors, malgré le fait que Sasol n’a pas produit elle-même de gatsch, elle pouvait profiter du volet gatsch de l’infraction, étant donné qu’elle pouvait s’en procurer à un prix concurrentiel et le revendre aux clients finals allemands aux prix artificiellement élevés qui résultaient de l’entente.

326

Ainsi, cet argument doit également être rejeté.

327

Par conséquent, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en retenant comme coefficient multiplicateur le taux de 15 % de la valeur des ventes au titre de la gravité du volet gatsch de l’infraction.

328

Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le présent grief et, par conséquent, la troisième branche du quatrième moyen.

Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de détermination différenciée du montant de base de l’amende en fonction des diverses périodes de participation à l’entente par les diverses sociétés

329

Les requérantes relèvent que, selon la pratique décisionnelle de la Commission, lorsque différents destinataires sont condamnés à des amendes pour différentes périodes d’infraction, la Commission doit fixer le montant de base de l’amende à infliger en divisant la fraction dudit montant de base calculé en fonction des ventes par le nombre de périodes différentes.

330

Or, en l’espèce, la Commission aurait appliqué, au titre de la durée de l’infraction, un coefficient de 13 à l’égard de Sasol Wax pour l’ensemble de la période de l’infraction, d’une part, et un coefficient de 10 pour les périodes pour lesquelles l’ensemble des requérantes ont été considérées comme solidairement responsables, d’autre part, tout en prenant en compte la même valeur des ventes pour ces différentes périodes.

331

La Commission aurait adopté cette démarche sans avoir expliqué pourquoi la bonne application des règles du droit de la concurrence de l’Union exigeait une sanction particulièrement sévère à l’encontre d’un groupe sud-africain de sociétés, pour les périodes d’une infraction pendant lesquelles ledit groupe n’était pas du tout présent en Europe, en l’occurrence pendant la période Schümann, ou n’était présent que par le biais d’une entreprise commune, en l’occurrence pendant la période d’entreprise commune, alors que la Commission ne voyait aucune raison de sanctionner Vara, la précédente société mère de HOS, détentrice d’un tiers du capital de Schümann Sasol.

332

Ce faisant, la Commission aurait violé les principes d’interdiction des amendes excessives et d’individualité des peines.

333

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, la combinaison de la valeur des ventes se rapportant à l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. En outre, selon le paragraphe 13 desdites lignes directrices, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, se rapportant directement ou indirectement à l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE.

334

Selon la jurisprudence, dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d’affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. Il en résulte qu’une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu’à condition qu’elle démontre que le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T-319/94, Rec. p. II-1331, point 42, et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié au Recueil, point 142).

335

Au considérant 634 de la décision attaquée, la Commission a affirmé qu’elle reconnaissait que l’année 2004 représentait, du fait de l’élargissement de l’Union en mai, une année exceptionnelle et qu’elle considérait qu’il était approprié de ne pas utiliser la valeur des ventes réalisées au cours de l’année 2004 comme base de calcul unique du montant de l’amende, mais d’utiliser la valeur des ventes des trois derniers exercices de participation de l’entité à l’infraction.

336

Dès lors, à l’égard du volet principal et du deuxième volet de l’infraction, relatifs aux cires de paraffine, la Commission a utilisé la moyenne de la valeur des ventes de cires de paraffine par Sasol durant les années 2002 à 2004. Ainsi, elle est parvenue à un chiffre correspondant à 167 326 016 euros. En ce qui concerne le troisième volet, concernant le gatsch, elle a utilisé la moyenne de la valeur des ventes de Sasol durant les exercices 2001 à 2003. Elle a ainsi retenu un montant correspondant à 5 404 922 euros pour le gatsch.

337

En premier lieu, il convient d’examiner les arguments des requérantes du point de vue de la situation de Sasol Wax.

338

Les requérantes font valoir que la fraction de l’amende à l’égard de laquelle Sasol Wax est seule tenue pour responsable s’élève à 67,5 millions d’euros, ce qui représente environ 22 % de son chiffre d’affaires en 2007. Une amende d’un tel montant serait de nature à détruire la substance économique de Sasol Wax, à moins que le groupe Sasol ne prenne volontairement l’amende à sa charge, en l’absence de toute culpabilité et de toute responsabilité en ce qui concerne la période Schümann.

339

Dans la mesure où cet argument concerne le plafonnement de l’amende, il est renvoyé à l’analyse relative au sixième moyen.

340

Au demeurant, il y a lieu d’observer que les requérantes n’avancent aucun argument tendant à démontrer que la valeur des ventes ayant servi de fondement au calcul du montant de base de l’amende infligée à Sasol Wax ne reflétait pas de manière appropriée l’importance économique de l’infraction commise par celle-ci ni son poids relatif dans l’entente, au sens des lignes directrices de 2006 et de la jurisprudence citée au point 334 ci-dessus.

341

De même, les requérantes ne contestent pas que Sasol Wax est responsable, en ce qu’elle a succédé juridiquement aux sociétés précédentes ayant participé directement à l’entente, des agissements infractionnels de HOS et de Schümann Sasol.

342

Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de concurrence de l’Union (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76/06 P, Rec. p. I-4405, point 44, et la jurisprudence citée). Les requérantes n’invoquent en revanche aucune règle de droit qui obligerait la Commission à individualiser la valeur de ventes au sein d’un groupe.

343

Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une quelconque erreur en utilisant la moyenne de la valeur des ventes réalisées par l’entreprise Sasol durant la période comprise entre 2002 et 2004 pour calculer le montant de base de l’amende infligée à chacune des sociétés la composant, pour la période entière de sa participation aux volets de l’infraction concernant les cires de paraffine, c’est-à-dire la période allant du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

344

Pour les mêmes raisons, les requérantes n’ont pas davantage démontré que la Commission avait commis une quelconque erreur en utilisant la moyenne de la valeur des ventes de l’entreprise Sasol réalisées durant la période comprise entre 2001 et 2003 pour calculer le montant de base de l’amende infligée à chacune des sociétés la composant, pour la période entière de sa participation aux volets de l’infraction concernant le gatsch, c’est-à-dire la période allant du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004.

345

S’agissant de la nécessité pour le groupe Sasol de prendre en charge, d’un point de vue économique, la partie de l’amende infligée à Sasol Wax excédant 10 % de son chiffre d’affaires, le Tribunal estime que cette question ne relève pas du calcul du montant de base de l’amende, mais plutôt de l’examen effectué dans le cadre du sixième moyen.

346

Dès lors, les arguments des requérantes doivent être rejetés, sans préjudice du résultat de l’examen du sixième moyen.

347

En deuxième lieu, il convient de relever que l’imputation des agissements de Schümann Sasol à Schümann Sasol International, durant la période d’entreprise commune, doit être confirmée en raison de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur le comportement de sa filiale dont elle détient l’ensemble du capital, qui n’a pas été renversée par les requérantes.

348

En outre, les requérantes ne contestent pas l’imputation de la responsabilité de Schümann Sasol International à Sasol Wax International en raison de la succession juridique entre ces deux personnes morales.

349

Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait erronément utilisé la même valeur des ventes pour Sasol Wax et pour son unique société mère, Sasol Wax International.

350

En troisième lieu, il y a lieu de rappeler l’accueil du premier moyen et l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de la responsabilité au titre des agissements de Schümann Sasol durant la période d’entreprise commune (voir point 127 ci-dessus). Dès lors, la question de l’illégalité alléguée en raison de la valeur des ventes utilisée pour le calcul du montant de l’amende, telle qu’elle a été imposée à ces dernières pour la période d’entreprise commune, ne se présente plus.

351

Au demeurant, en ce qui concerne la période Sasol, durant laquelle l’intégralité du capital de Sasol Wax était indirectement détenue par Sasol Holding in Germany et par Sasol Ltd, aucune règle de droit n’empêchait la Commission d’utiliser la même valeur des ventes pour calculer le montant de l’amende infligée à la filiale directement impliquée dans l’infraction et à ses sociétés mères.

352

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que la Commission n’a pas violé, dans le contexte de l’établissement de la valeur des ventes, les principes d’interdiction des amendes excessives et d’individualité des peines. Ainsi, il convient de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen et, par conséquent, le quatrième moyen dans son ensemble, sans préjudice des conséquences attachées à l’accueil des premier et sixième moyens.

5. Sur le cinquième moyen, tiré de l’établissement erroné du rôle de meneur de Sasol

353

Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation des éléments de preuve en ce qu’elle a conclu que la fraction de l’amende relative aux cires de paraffine à infliger à Sasol devait être majorée de 50 % (soit de 210 millions d’euros), au motif que Sasol jouait le rôle de meneur de l’entente dans le domaine des cires de paraffine.

Sur la décision attaquée

354

La Commission a présenté ses constatations s’agissant le rôle de meneur de Sasol aux considérants 681 à 686 de la décision attaquée :

«[…]

(681)

Le [paragraphe] 28 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes dispose que ‘Le montant de base de l’amende peut être augmenté lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes telles que : (...) Rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction (...).’ Dans la communication des griefs, la Commission a [affirmé] qu’elle ‘porterait également une attention particulière au rôle de chef de file que Sasol a pu jouer, comme il ressort des faits décrits ci-dessus’. Dans sa réponse à la communication des griefs, Sasol conteste avoir joué un tel rôle de meneur de l’infraction. Sasol allègue n’avoir joué un rôle de meneur qu’en ce qui concerne la partie technique des réunions techniques, en raison de la supériorité de sa connaissance des activités ; en outre, Sasol, dépendant des approvisionnements de ses concurrents, n’était pas en mesure de diriger une entente, quoiqu’elle admette avoir initié des discussions sur les prix; même si HOS – de petite envergure en termes de chiffre d’affaires en comparaison de ses concurrents – a pu jouer un rôle de meneur, son influence a diminué avec le temps. Enfin, Sasol allègue que son rôle de meneur n’est pas reflété par les preuves disponibles. Sasol semble suggérer que Total et ExxonMobil ont joué un rôle de meneur concernant certaines périodes et/ou certains aspects de l’infraction.

(682)

Les arguments de Sasol ne sauraient être acceptés. Les éléments de preuve mentionnés au chapitre 4 montrent que :

1)

Sasol a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressant des invitations et proposant des ordres du jour, et a organisé nombre d’entre elles, réservant des chambres d’hôtel, louant des salles de réunion et organisant les dîners ;

2)

Sasol a présidé les réunions techniques et a initié et organisé les discussions sur les prix ;

3)

Sasol a, au moins occasionnellement, établi des contacts bilatéraux suite aux réunions techniques ;

4)

Sasol a, au moins une fois, représenté l’une des autres entreprises en cause (voir considérant 129).

(683)

L’argument selon lequel Sasol aurait uniquement convoqué, organisé et présidé la partie technique des réunions techniques ne saurait être accepté. Rien n’indique que Sasol ait abandonné son rôle de meneur lorsque les discussions des réunions techniques faisaient place aux questions anticoncurrentielles, partie intégrante de ces réunions techniques, et Sasol elle-même admet avoir initié les discussions sur les prix. Aucune des notes de l’époque n’indique un changement de structure entre les deux parties des réunions. La Commission considère en tout état de cause que les deux parties des réunions étaient étroitement liées et qu’il n’est pas possible d’établir une distinction nette entre les deux. Enfin, les autres participants aux réunions techniques ont perçu Sasol comme jouant le rôle de meneur de l’entente. Ceci ressort notamment du courriel adressé par le représentant d’ExxonMobil (voir considérant 600) pour mettre fin à sa participation à l’entente. Rien n’indique que Sasol ait jamais tenté de contrecarrer l’impression des autres participants quant à sa position de meneur de l’entente. Le fait que Sasol puisse avoir été dépendante des autres sociétés pour l’approvisionnement n’exclut pas qu’elle ait joué un rôle de meneur dans l’entente. Compte tenu de la position de leader de Sasol sur le marché des cires de paraffine, la dépendance aux approvisionnements n’est qu’un aspect de la situation, les autres étant que Sasol était dans une certaine mesure capable d’influencer le marché des cires de paraffine et qu’elle constituait un acheteur puissant. Alors que Sasol et ses prédécesseurs peuvent apparaître comme étant de faible envergure par rapport aux autres destinataires de la présente décision en termes de chiffre d’affaires mondial, il convient de ne pas oublier qu’il s’agit de l’acteur le plus important sur le marché des cires de paraffine en termes de valeur des ventes. Le fait que l’entreprise concernée ait été économiquement indépendante de ses concurrents ou qu’elle ait été en mesure d’exercer une pression sur ceux-ci ne constitue en outre pas une condition préalable à la constatation d’un rôle de meneur. La jurisprudence n’exige pas, pour que l’existence d’un meneur puisse être constatée, que celui-ci dicte leur comportement aux autres. La Commission ne considère par conséquent pas que ce rôle de meneur puisse être exclu sur le fondement des extraits des déclarations mentionnées par Sasol.

(684)

Le rôle de meneur de Sasol n’ayant pu être établi concernant le gatsch, la Commission conclut que la circonstance aggravante liée au fait d’avoir joué un rôle de meneur ne peut être appliquée qu’aux autres produits en relation avec l’infraction.

(685)

Dans la mesure où Sasol suggère que les autres entreprises ont joué un rôle de meneur, eu égard à certaines périodes ou certains aspects de l’infraction, la Commission fait remarquer que ces allégations ne sont pas fondées sur des preuves et ne peuvent, de ce fait, être prises en considération.

(686)

Au vu de ce qui précède, le montant de base de l’amende pour Sasol doit être augmenté de 50 % de la part du montant de base fondé sur les ventes par Sasol de cires de paraffine entièrement raffinées, de cires de paraffine semi-raffinés, de mélanges de cires, de spécialités, de cires hydro-raffinées et de cires de paraffine dures.»

Sur la jurisprudence-cadre

355

Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’établir leurs rôles respectifs lors de l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 252 supra, point 150). Il en résulte, notamment, que le rôle de «chef de file» (meneur) joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C-298/98 P, Rec. p. I-10157, point 45).

356

Conformément à ces principes, le paragraphe 28 des lignes directrices de 2006 établit, sous le titre «Circonstances aggravantes», une liste non exhaustive de circonstances pouvant amener à une augmentation du montant de base de l’amende, parmi lesquelles figure le rôle de meneur de l’infraction (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II-497, points 280 à 282, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 197).

357

Pour être qualifiée de meneur d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Cette circonstance doit être appréciée d’un point de vue global au regard du contexte de l’espèce. Elle peut, notamment, être inférée de ce que l’entreprise, par des initiatives ponctuelles, a donné spontanément une impulsion fondamentale à l’entente, ou d’un ensemble d’indices révélant le dévouement de l’entreprise à assurer la stabilité et la réussite de l’entente (arrêts BASF/Commission, point 356 supra, points 299, 300, 351, 370 à 375 et 427, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 198).

358

Il en va ainsi lorsque l’entreprise a participé aux réunions de l’entente au nom d’une autre entreprise qui n’y assistait pas et a communiqué les résultats desdites réunions à celle-ci. Il en va de même lorsqu’il est avéré que ladite entreprise a joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente et en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente (arrêts BASF/Commission, point 356 supra, points 404, 439 et 461, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 199). Lors de l’établissement d’un tel rôle central, sont également pertinentes la présidence de réunions ainsi que la prise d’initiative dans le but de créer l’entente ou d’amener un nouveau participant à y adhérer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T-29/05, Rec. p. II-4077, points 333 et 335).

359

En revanche, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. La position sur le marché d’une entreprise ou les ressources dont elle dispose ne peuvent pas davantage constituer des indices d’un rôle de meneur de l’infraction, même s’ils font partie du contexte au regard duquel de tels indices doivent être appréciés (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2012, Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, T‑357/06, point 286, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 201 ; voir également, en ce sens, arrêt BASF/Commission, point 356 supra, points 299 et 374).

360

Par ailleurs, selon la jurisprudence, eu égard aux importantes conséquences quant au montant de l’amende à infliger au meneur de l’entente, il appartient à la Commission de mettre en avant, dans la communication des griefs, les éléments qu’elle estime pertinents, afin de permettre à l’entreprise incriminée susceptible d’être qualifiée de meneur de répondre à un tel grief. Toutefois, eu égard au fait qu’une telle communication demeure une étape dans l’adoption de la décision finale et qu’elle ne constitue dès lors pas la position définitive de la Commission, il ne peut être exigé que cette dernière procède déjà à ce stade à une qualification juridique des éléments sur lesquels elle se fondera dans sa décision finale pour qualifier une entreprise de meneur de l’entente (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C-511/06 P, Rec. p. I-5843, points 70 et 71).

361

Enfin, il y a lieu de souligner que les passages des documents et de déclarations qui, le cas échéant, n’ont été cités expressément par la Commission ni dans la décision attaquée ni dans la communication des griefs peuvent néanmoins être pris en compte par le Tribunal dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, pourvu que lesdits documents et déclarations aient été rendus accessibles aux requérantes dans la procédure administrative après la communication des griefs (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 55 ; voir, en ce sens, arrêts BASF/Commission, point 356 supra, point 354, et Shell Petroleum e.a./Commission, point 356 supra, point 176).

Sur le respect de l’obligation de motivation quant à la constatation concernant le rôle de meneur de Sasol

362

Les requérantes estiment que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa constatation selon laquelle Sasol jouait un rôle de meneur de l’entente.

363

À cet égard, il importe de relever qu’il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision individuelle doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée).

364

En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué de manière suffisamment précise, aux considérants 681 à 686 de la décision attaquée, les éléments sur lesquels elle s’est fondée pour qualifier Sasol de meneur du volet de l’infraction concernant les cires de paraffine. En effet, la Commission a exposé les faits qu’elle a estimés pertinents à cet égard et a précisé les documents à l’appui de ces constatations factuelles.

365

Partant, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé.

Sur l’appréciation au fond des éléments réunis par la Commission pour soutenir la conclusion concernant le rôle de meneur de Sasol

366

À titre liminaire, les requérantes estiment que les éléments réunis dans la décision attaquée ne sauraient fonder la conclusion selon laquelle Sasol était le meneur de l’entente, de sorte que la Commission a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit à cet égard.

367

En premier lieu, il convient d’examiner les éléments figurant aux considérant 682 de la décision attaquée selon lesquels Sasol a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressait des invitations et proposait des ordres du jour en ce qui concernait lesdites réunions, organisait nombre d’entre elles, réservant des chambres d’hôtel, louant des salles de réunion et organisant les dîners, et selon lesquels elle a présidé ces réunions et a lancé et organisé les discussions sur les prix.

368

Les requérantes ne contestent pas l’exactitude des faits mentionnés ci-dessus.

369

Elles font cependant valoir que Sasol n’a pas établi l’ordre du jour relatif à la discussion de l’entente, mais uniquement pour la partie technique et légitime des réunions. En outre, les dates et lieux des réunions du «Blauer Salon» n’auraient pas été fixées unilatéralement par Sasol, mais décidés par l’ensemble des participants.

370

En outre, Sasol n’aurait ni organisé ni structuré d’une quelconque manière la discussion sur les prix des participants à l’entente. Après avoir présidé la partie technique de la réunion, Sasol aurait lancé généralement la discussion sur les prix, mais la fixation des prix était ensuite discutée de manière ouverte et les décisions à ce sujet étaient prises par l’ensemble des participants sous la forme d’un «tour de table» ouvert. Rien n’indiquerait que Sasol ait exercé la moindre pression sur l’un quelconque des autres participants en vue d’obtenir que les discussions aboutissent à un résultat déterminé.

371

Le Tribunal considère que les arguments avancés par les requérantes ne sauraient atténuer l’importance du fait que c’est Sasol qui a convoqué la quasi-totalité des réunions techniques, adressé les invitations aux participants, réservé des chambres d’hôtel, loué des salles de réunion et organisé les dîners. Ces éléments démontrent que Sasol était organisateur des réunions anticoncurrentielles du point de vue pratique.

372

En outre, le fait que Sasol a envoyé les invitations a une importance particulière, allant au-delà de celle de l’organisation pratique, étant donné que, lorsque certains participants à l’entente étaient absents d’une ou de plusieurs réunions techniques successives, et n’avaient ainsi pas appris le lieu et la date de la prochaine réunion technique sur place, ils pouvaient rejoindre les réunions ultérieures sur invitation de Sasol.

373

De même, le fait que Sasol a établi l’ordre du jour relatif au moins à la partie technique et légitime des discussions est l’indice d’une certaine prééminence parmi les participants aux réunions techniques, susceptible de renforcer l’autorité de Sasol déjà détenue en raison de sa qualité de plus grand producteur de cires de paraffine dans l’EEE, détenant une part de marché de 22,4 % en 2004.

374

Par ailleurs, le fait que c’était Sasol qui lançait généralement la discussion sur les prix est également d’importance, puisque, ainsi, c’était généralement Sasol qui faisait basculer les discussions légitimes de nature technique vers celles de nature anticoncurrentielle. Ainsi, même en l’absence d’indications relatives à des discussions anticoncurrentielles dans l’ordre du jour établi par Sasol, conséquence naturelle de la nature clandestine des ententes, c’était généralement Sasol qui déterminait la place des discussions anticoncurrentielles parmi les sujets débattus. En outre, il ressort du dossier que c’était généralement Sasol qui était la première à annoncer le prix ciblé des cires de paraffine ou la mesure de la hausse, ainsi que la date de début d’application des nouveaux prix vis-à-vis des clients.

375

Au demeurant, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 359 ci-dessus, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. Dès lors, les requérantes ne sauraient utilement invoquer que Sasol n’exerçait pas de pression sur les autres participants lors des réunions techniques.

376

En deuxième lieu, les requérantes ne contestent pas que Sasol a, au moins une fois, représenté l’une des autres entreprises en cause, à savoir Wintershall. En outre, Sasol informait les autres participants à l’entente, dont les représentants n’avaient pu assister à une réunion, des résultats de celle-ci, ainsi qu’il est démontré au considérant 103 de la décision attaquée et au point 185 de l’annexe de la décision attaquée en ce qui concerne MOL, Eni et Repsol.

377

En troisième lieu, la Commission relève également, au considérant 683 de la décision attaquée, que les autres participants aux réunions techniques ont perçu Sasol comme jouant le rôle de meneur de l’entente. Cela ressort notamment du courriel adressé par le représentant d’ExxonMobil afin de mettre fin à sa participation à l’entente.

378

Les requérantes estiment que les éléments de preuve réunis par la Commission n’étayent pas la conclusion de cette dernière selon laquelle les autres participants ont perçu Sasol comme meneur de l’entente. Le courriel d’ExxonMobil aurait été adressé à Sasol pour la seule raison que c’est cette dernière qui avait envoyé le courriel précédent comportant l’ordre du jour de la réunion proposée.

379

Le courriel d’ExxonMobil a été examiné au considérant 600 de la décision attaquée. La Commission a établi ce qui suit :

«ExxonMobil déclare que la dernière réunion à laquelle l’un de ses représentants a assisté est la réunion technique des 27 et 28 février à Munich. En réaction à l’invitation à la réunion […] du 15 janvier 2004 par [M. M.], de Sasol, [M. Hu] d’ExxonMobil répond, entre autres : ‘Les points à l’ordre du jour semblent présenter un intérêt pour notre entreprise. Toutefois, il nous semble que ce groupe de concurrents se réunit sans le soutien d’une association professionnelle et n’a dès lors ni structure ni statut. Cette situation nous gêne et nous souhaiterions suggérer que ces réunions se déroulent sous la houlette de l’EWF soit au sein du comité technique, soit en tant que sous-comité distinct. ExxonMobil ne participera pas à cette réunion en l’absence du soutien d’une association professionnelle réglementaire.’ »

380

Eu égard au contexte de ce courriel, le Tribunal constate que la mention de réunions «entre concurrents […] sans le soutien d’une association professionnelle» indique qu’ExxonMobil souhaitait mettre fin à sa participation à l’entente, comme la Commission l’a d’ailleurs retenu à juste titre. L’utilisation d’un langage plus explicite n’aurait pas été raisonnable, compte tenu de la nature clandestine des ententes et des risques d’amende découlant de la mention explicite d’agissements anticoncurrentiels dans un courriel.

381

Le fait que ce courriel ait été adressé seulement à Sasol et non pas à tous les participants indique, sans doute raisonnable, qu’ExxonMobil considérait Sasol comme le meneur de l’entente.

382

Les déclarations de Shell et de Sasol auxquelles le considérant 107 de la décision attaquée se réfère contiennent des indications convergentes, en ce que les deux entreprises ont affirmé que les réunions étaient généralement organisées et présidées par le représentant de Sasol.

383

Dès lors, il convient de rejeter les arguments des requérantes à cet égard et de confirmer la constatation de la Commission selon laquelle les autres participants percevaient Sasol comme le meneur de l’entente.

384

Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la Commission a réuni un ensemble de preuves convergentes qui, au regard de la jurisprudence-cadre, justifie la conclusion selon laquelle Sasol était une force motrice significative pour l’entente et portait une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci, de sorte que la Commission a valablement retenu qu’elle était le meneur des volets de l’entente concernant les cires de paraffine.

385

Les autres arguments des requérantes ne sauraient remettre en cause la validité de cette constatation.

386

En premier lieu, selon les requérantes, la seule différence existant entre Sasol et les autres participants est le fait que Sasol organisait et présidait les réunions, qu’elle lançait plus souvent les discussions sur les prix et la mise en œuvre des hausses de prix convenues et qu’elle était généralement la première à mettre en œuvre les prix convenus avec l’ensemble des participants.

387

Tout d’abord, force est de constater que la décision attaquée n’est pas fondée uniquement sur ces affirmations, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’examen ci-dessus.

388

Ensuite, ainsi que la Commission l’observe à bon droit, aucune autre entreprise que Sasol ne réunit autant d’éléments concourant à établir son rôle de meneur. En effet, il ressort de l’annexe de la décision attaquée qu’il n’existe de preuves explicites de réunions organisées par les autres participants que pour cinq réunions, en l’occurrence une par MOL, trois par Total et une par Shell, sur un total de 51, alors que des invitations et des ordres du jour transmis par courrier électronique permettent d’imputer à Sasol l’initiative et l’organisation de onze réunions.

389

Dès lors, cet argument doit être rejeté.

390

En deuxième lieu, les requérantes font valoir que Sasol n’était pas capable de diriger l’entente, puisqu’elle dépendait des autres participants à l’entente verticalement intégrés auprès desquels elle s’est procuré du gatsch, matière première des cires de paraffine.

391

Cet argument ne saurait prospérer. La part de marché de Sasol sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE était de 22,4 % en 2004, de sorte que Sasol était, comme les requérantes l’admettent, le fournisseur le plus important de cires de paraffine et le «meneur de marché». De plus, elle était un acheteur important de gatsch, par exemple, selon ses propres dires, l’acheteur le plus important du gatsch produit par Shell et ExxonMobil. Ainsi, elle détenait une forte position de négociation vis-à-vis des producteurs de gatsch en raison de son pouvoir d’acheteur. Au demeurant, le fait que Sasol n’a été soumis à aucune pression quant au prix du gatsch par les producteurs verticalement intégrés est suffisamment démontré par le fait que même la revente du gatsch qu’elle a effectuée vers les clients finals allemands était une activité commerciale profitable. Il en ressort que le poids commercial de Sasol parmi les participants à l’entente n’était pas affecté par le fait qu’elle n’était pas verticalement intégrée.

392

En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission ne pouvait pas valablement retenir, à la fois, que les accords et pratiques anticoncurrentiels relatifs au gatsch et aux cires de paraffine constituaient une infraction unique et continue et que le rôle de meneur de Sasol n’avait pas pu être établi concernant le gatsch. Étant donné qu’il ne serait pas possible de diriger seulement partiellement une entente, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation à cet égard.

393

Ainsi que la Commission le relève à bon droit, les notions d’«infraction unique et continue» et de «meneur de l’infraction» ne répondent pas aux mêmes critères. La notion d’«infraction unique et continue» repose sur l’idée d’un objectif anticoncurrentiel unique, alors que la notion de «meneur de l’infraction» repose sur le fait qu’une entreprise constitue une force motrice importante au sein de l’entente.

394

Dès lors, aucune règle de droit n’impose à la Commission l’obligation d’établir que le rôle de meneur de Sasol s’étendait à tous les volets de l’infraction. Au contraire, le fait que la Commission n’a pas retenu le rôle de meneur de Sasol quant au volet concernant le gatsch, malgré le rôle d’organisateur de Sasol en ce qui concerne les réunions techniques, au cours desquelles le gatsch était également discuté, reflète une approche équitable de la part de la Commission.

395

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a apporté plusieurs éléments de preuve concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de retenir que Sasol a constitué une force motrice significative pour l’entente.

396

Dès lors, la Commission n’a commis ni d’erreur d’appréciation ni d’erreur de droit en concluant, sur la base d’un faisceau d’indices cohérents et convergents, que la requérante avait assumé le rôle de meneur de l’entente dans le domaine des cires de paraffine.

397

Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

Sur le caractère prétendument excessif, disproportionné et discriminatoire de la majoration de 50 % du montant de base de l’amende au titre du rôle de meneur

398

Les requérantes estiment que la majoration du montant de base de l’amende à hauteur de 210 millions d’euros est indûment excessive et disproportionnée. Par conséquent, elles demandent au Tribunal d’annuler la majoration de l’amende de 50 % ou, à tout le moins, de réduire substantiellement le taux de majoration pour qu’il reflète de manière adéquate et proportionnée la gravité de l’infraction commise par Sasol au regard de celles commises par les autres participants à l’entente.

399

En premier lieu, selon les requérantes, la Commission a déduit le rôle de meneur allégué de Sasol exclusivement de circonstances qui, dans une moindre mesure, concernent également les autres participants à l’entente, de sorte qu’il n’existerait pas de différence qualitative entre la contribution de Sasol à l’entente et celle des autres participants. Dès lors, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle ne fait grief de ces faits qu’à Sasol et non aux autres participants à l’entente.

400

Il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il découle de l’analyse figurant aux points 367 à 396 ci-dessus, la Commission a démontré que Sasol était, eu égard à son rôle de meneur au sein de l’entente, dans une situation différente de celle des autres participants. Il a été possible de parvenir à cette conclusion sur la base d’éléments tant quantitatifs que qualitatifs, étant donné que certains comportements, indicateurs du rôle de meneur ne sauraient être valablement reprochés qu’à Sasol. La Commission peut en tout cas valablement différencier le montant de base de l’amende infligée aux différents participants en prenant en compte l’intensité particulière des activités organisatrices d’un seul participant au sein de l’entente.

401

Par conséquent, eu égard à la situation particulière de Sasol par rapport à celle des autres participants, au regard de la jurisprudence citée au point 181 ci-dessus, la Commission n’a pas violé le principe d’égalité de traitement.

402

En second lieu, les requérantes avancent que l’infraction commise par Sasol n’est pas plus grave que celle commise par les autres participants dans une mesure qui justifie une majoration de 50 % de l’amende. La capacité financière de Sasol serait en outre sensiblement plus faible que celle des autres membres de l’entente, de sorte qu’elle est déjà affectée par le montant de base de l’amende bien plus sévèrement que tous les autres participants à l’entente.

403

Le taux de majoration de 50 % ajouté au montant de base de l’amende représenterait 125 % des ventes annuelles de cires de paraffine réalisées par Sasol Wax dans l’EEE. Cela correspondrait également à 75 % du montant de base cumulé des amendes infligées à tous les autres participants à l’entente, alors même que la part de marché de Sasol Wax est d’environ 25 à 30 %.

404

Selon la jurisprudence, le montant de l’amende doit être modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal Degussa/Commission, point 203 supra, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410/03, Rec. p. II-881, point 379).

405

Selon la jurisprudence citée au point 316 ci-dessus, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence de l’Union, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.

406

En l’espèce, il y a lieu de relever que le fait que le montant de base de l’amende représente 125 % des ventes annuelles de cires de paraffine réalisées par Sasol Wax dans l’EEE découle essentiellement du simple fait qu’elle a participé à l’entente durant treize ans et que la durée de participation est un multiplicateur appliqué à la valeur des ventes.

407

De même, le fait que l’augmentation en raison du rôle de meneur corresponde à 75 % du montant de base cumulé des amendes infligées à tous les autres membres de l’entente s’explique par le fait que Sasol, leader du marché des cires de paraffine détenant 22,4 % de celui-ci, a réalisé des ventes d’une valeur beaucoup plus importante que celle des ventes des autres participants.

408

Aucune des comparaisons effectuées par les requérantes n’entre, dès lors, dans la ligne d’analyse de la proportionnalité quant à la majoration du montant de base de 50 % en raison du rôle de meneur de l’entente.

409

En revanche, le Tribunal a déjà confirmé, dans des circonstances analogues à celles de l’espèce et dans son exercice de pleine juridiction, qu’une majoration de 50 % du montant de base de l’amende reflétait de manière appropriée le caractère nuisible additionnel de l’infraction qui résultait du rôle de meneur de l’entente (arrêt Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, point 359 supra, point 302).

410

Au demeurant, il y a lieu de relever que la majoration du montant de base de l’amende ne concerne pas la question de la capacité financière de l’entreprise tenue pour responsable de l’infraction. L’élément de calcul utilisé à cet effet est le plafonnement du montant total de l’amende à 10 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Dès lors, les arguments avancés par les requérantes à cet égard sont inopérants.

411

Par conséquent, eu égard aux circonstances de l’espèce et aux éléments réunis par la Commission démontrant le rôle de meneur de l’entente de Sasol, il convient de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité et n’a pas augmenté d’une façon excessive le montant de base de l’amende en appliquant une majoration de ce montant de base de 50 % en raison de ce rôle de meneur.

412

Par conséquent, il y a lieu de rejeter les griefs tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

413

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

6. Sur le septième moyen, tiré de l’omission d’accorder une immunité totale à Sasol en ce qui concerne certaines parties de l’amende

414

Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit et violé le paragraphe 23 de la communication sur la coopération de 2002 en ce qu’elle a fondé l’amende à infliger à Sasol sur plusieurs éléments qui ont été volontairement fournis par cette dernière, qui étaient ignorés de la Commission avant les déclarations de Sasol et qui ont eu une incidence significative et directe sur la gravité et sur la durée de l’infraction.

415

Au considérant 741 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les éléments de preuve fournis par Sasol après les inspections, par deux communications déposées en avril et en mai 2005 et dans les annexes qui les accompagnaient, apportaient une valeur ajoutée significative au sens de la communication sur la coopération de 2002, du fait qu’ils renforçaient la capacité de la Commission à prouver les faits afférents à l’entente.

416

En outre, au considérant 743 de la décision attaquée, la Commission affirme que les premiers éléments de preuve ayant un impact direct sur la détermination de la durée de l’entente n’ont pas été fournis par Sasol, mais ont été découverts pendant les inspections, à savoir les notes de MOL et les comptes rendus de réunions «Blauer Salon» de Sasol, et étaient contenus dans la demande d’immunité de Shell.

417

Sur cette base, selon le considérant 749 de la décision attaquée, la Commission a appliqué une réduction de 50 % au montant de l’amende imposée à Sasol, soit le taux maximal de réduction qui peut être accordé en vertu de la communication sur la coopération de 2002 à une entreprise qui n’est pas la première à révéler l’existence d’une entente, celle-ci étant Shell en l’espèce.

Sur la première branche, concernant les réunions techniques antérieures à 2000

418

Les requérantes font valoir que la réunion la plus ancienne mentionnée par Shell dans sa demande de clémence est celle qui s’est tenue à Budapest les 3 et 4 février 2000. La déclaration de Shell n’aurait contenu aucun élément de preuve concret quant aux réunions qui se sont tenues avant cette date. Ainsi, la Commission aurait dû se fonder sur les déclarations de Sasol pour démontrer la tenue de certaines réunions, en particulier pour la période comprise entre 1995 et 2000.

419

Pour ce qui est des notes de MOL et des comptes rendus de réunions «Blauer Salon», retrouvés lors des inspections, et qui constitueraient alors des preuves antérieures aux communications volontaires de Sasol, les requérantes estiment que ces sources ne couvraient pas toutes les réunions mentionnées dans la décision de la Commission et que les informations données par ces notes n’étaient pas, pour la plupart, suffisamment explicites pour prouver la durée de l’infraction. En outre, les requérantes font référence à sept réunions techniques tenues entre 1996 et 2001 dont les éléments essentiels, tels que les dates, les lieux, l’identité des participants et les contenus anticoncurrentiels, n’ont pu être établis par la Commission avec le degré de certitude requis que grâce aux demandes de clémence de Sasol.

420

Dès lors, les requérantes considèrent que c’est sur la base des éléments fournis par Sasol que la Commission a pu démontrer à suffisance de droit l’existence d’une infraction entre 1992 et 1999. Elles demandent en conséquence au Tribunal de réformer la décision attaquée et de leur accorder la pleine immunité pour la partie de l’infraction se rapportant à la période située entre 1992 et 1999.

421

Force est de constater que les arguments des requérantes ne sont corroborés ni par le contenu de la décision attaquée ni par les documents qui y sont cités.

422

En premier lieu, en ce qui concerne la période comprise entre la première réunion, en 1992, et la huitième, qui s’est tenue le 27 janvier 1995, la Commission disposait des informations sur l’entente provenant de sources autres que la demande de clémence de Sasol, à savoir des notes de MOL et des comptes rendus de réunions «Blauer Salon» de Sasol, retrouvés lors des inspections. Il s’agit des réunions techniques des 3 et 4 septembre 1992 (considérant 126 de la décision attaquée), du 26 mars 1993 (considérant 129 de la décision attaquée), du 2 juin 1993 (considérant 130 de la décision attaquée), du 25 octobre 1993 (considérant 131 de la décision attaquée), du 24 juin 1994 (considérant 132 de la décision attaquée), du 30 septembre 1994 (considérant 133 de la décision attaquée) et du 27 janvier 1995 (considérant 134 de la décision attaquée). Les notes de MOL et les comptes rendus de réunions «Blauer Salon» relatifs à ces réunions, mentionnés dans la décision attaquée, ont permis à la Commission d’établir l’identité des participants, la date et le lieu des réunions, voire, pour la plupart, le contenu des discussions et leur nature anticoncurrentielle.

423

En ce qui concerne la période comprise entre la neuvième réunion, qui s’est tenue les 16 et 17 mars 1995, et la vingt-deuxième réunion, qui s’est tenue les 27 et 28 octobre 1999, les déclarations de Sasol n’ont permis de porter à la connaissance de la Commission que trois réunions, à savoir celles des 12 et 13 janvier 1999 (considérant 150 de la décision attaquée), des 2 et 3 mars 1999 (considérant 151 de la décision attaquée) et des 23 et 24 septembre 1999 (considérant 155 de la décision attaquée). En revanche, la Commission pouvait établir la tenue de quatre réunions, celles des 22 et 23 juin 1995 (considérant 136 de la décision attaquée), des 14 et 15 mai 1996 (considérant 140 de la décision attaquée), des 12 et 13 février 1998 (considérant 146 de la décision attaquée) et des 8 et 9 juillet 1999 (considérant 154 de la décision attaquée) sur la base des notes de MOL retrouvées lors des inspections. En outre, la Commission pouvait également reconstruire le contenu de deux de ces réunions sur la base des éléments de preuve recueillis lors des inspections.

424

Il s’ensuit que les éléments de preuve dont la Commission disposait avant le dépôt des déclarations de Sasol lui ont permis d’établir l’existence de l’infraction pour la période qui précédait le 3 février 2000. Dès lors, les allégations des requérantes manquent en fait.

425

En deuxième lieu, les requérantes ne sauraient davantage se prévaloir du caractère fragmentaire de l’information contenue dans les notes de MOL et les comptes rendus de réunions «Blauer Salon».

426

Il y a lieu de relever que les notes de MOL sont des notes manuscrites préparées durant les réunions par la personne y assistant et que leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, leur valeur probante est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus de réunions «Blauer Salon» de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque de l’infraction et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après la réunion technique à laquelle elles se réfèrent. Dès lors, leur valeur probante est élevée.

427

En outre, selon la jurisprudence citée au point 230 ci-dessus, eu égard à la nature clandestine des ententes, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

428

Or, les notes et comptes rendus mentionnés ci-dessus constituent un ensemble de preuves sur lequel la Commission pouvait valablement fonder la constatation selon laquelle l’entente était déjà en place entre 1992 et 1999.

429

Certes, les deux communications de Sasol ont facilité le travail de la Commission en fournissant des éléments de preuve additionnels et des clarifications relatives à l’interprétation des autres preuves disponibles. Cependant, cette contribution est reflétée, d’une manière appropriée, par le taux de réduction de l’amende de 50 % accordé à Sasol au titre de sa coopération.

430

Dès lors, il convient de rejeter la première branche du septième moyen.

Sur la seconde branche, concernant la répartition des marchés et des clients

431

Il convient de rappeler que, selon le considérant 653 de la décision attaquée, dès lors qu’il a été établi qu’ExxonMobil, MOL, Repsol, RWE, Sasol, Shell et Total avaient également pris part à une répartition de clients ou de marchés, constituant le deuxième volet de l’infraction, la proportion de la valeur des ventes prise en considération pour ces entreprises a été fixée à 18 % au lieu de 17 %, taux qui a été appliqué aux entreprises qui ne participaient qu’au premier volet de l’infraction.

432

Les requérantes relèvent que les informations fournies sur cette question par Shell avant leurs déclarations se sont avérées fragmentaires, selon le considérant 741 de la décision attaquée. De même, elles allèguent que les éléments de preuve détaillés quant à la répartition de clients ou de marchés découlent des déclarations de Sasol des 30 avril et 12 mai 2005.

433

À cet égard, il suffit de relever que les éléments, pointant clairement une répartition des clients lors des réunions techniques, étaient présents dans les notes de MOL citées dans la décision attaquée aux considérants 145 et 147, dans un compte rendu de Sasol, cité au considérant 168 de la décision attaquée, et dans une note de Total, mentionnée au considérant 170 de la même décision. Ces éléments de preuve avaient été obtenus lors des inspections, c’est-à-dire avant le dépôt des déclarations de Sasol.

434

Dès lors, les allégations des requérantes manquent en fait.

435

S’agissant du caractère fragmentaire des informations contenues dans lesdites notes, il suffit de renvoyer aux considérations figurant aux points 426 et 427 ci-dessus.

436

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche et, par conséquent, le septième moyen dans son ensemble.

Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

437

Il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 229 CE et, désormais, à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée. Le contrôle prévu par les traités implique donc, conformément aux exigences du droit à une protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il a le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3/06 P, Rec. p. I-1331, points 60 à 62, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T-368/00, Rec. p. II-4491, point 181).

438

Il appartient, dès lors, au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date à laquelle il adopte sa décision, si les parties requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause, de sorte que lesdites amendes revêtent un caractère proportionné par rapport aux critères prévus à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T-156/94, Rec. p. II-645, points 584 à 586, et du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220/00, Rec. p. II-2473, point 93).

439

Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C-386/10 P, Rec. p. I-13085, point 64)

1. Sur la première branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période Schümann

440

Les requérantes rappellent que Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International n’ont pas été tenues pour responsables de la fraction de l’amende afférente à la période Schümann (soit 67,5 millions d’euros), qui correspond à 22 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax, seule société responsable de l’infraction au titre de la période Schümann, en tant que successeur juridique de HOS. La Commission aurait cependant omis à tort d’établir et d’appliquer le plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ce qui concerne la période Schümann.

441

L’amende infligée à Sasol Wax au titre de la période Schümann serait excessive et de nature à détruire sa substance, sauf à ce que Sasol Ltd choisisse volontairement de prendre l’amende à sa charge, ce qui l’amènerait à supporter indirectement la responsabilité afférente à la période Schümann.

442

Dès lors, la Commission aurait violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et le principe d’individualité des peines. Par conséquent, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle inflige à Sasol Wax une amende qui dépasse le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé en 2007 par M. Schümann et le groupe de sociétés sous son contrôle. À l’audience, les requérantes ont demandé, à titre alternatif, une réduction de cette partie de l’amende en plafonnant son montant à 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax.

443

La Commission estime que, lors du calcul du plafond de 10 % prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, elle doit prendre en compte l’unité économique telle qu’elle existe au moment de l’adoption de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence. Au demeurant, la Commission relève que ni M. Schümann ni Vara ne sont destinataires de la décision attaquée et, ne serait-ce que pour cette raison, elle ne peut pas appliquer le plafond de 10 % à leurs chiffres d’affaires.

444

Selon la jurisprudence, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires vise le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d’affaires donne une indication de l’importance et de l’influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 227 supra, point 5022, et la jurisprudence citée). En outre, ledit plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêts du Tribunal Tokai II, point 271 supra, point 389, et du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T-138/07, Rec. p. II-4819, point 193).

445

Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l’entreprise au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date d’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêts du Tribunal Tokai II, point 271 supra, point 390 ; du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T‑26/06, non publié au Recueil, point 113, et du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission, T‑54/06, non publié au Recueil, point 92).

446

En premier lieu, en l’espèce, il est constant que, durant la période Schümann de l’infraction, HOS, devenue Sasol Wax, ne formait pas une entité économique avec Sasol Ltd, Sasol Holding in Germany et Sasol Wax International. Cependant, au moment de l’adoption de la décision attaquée, Sasol Wax formait une unité économique avec les autres requérantes.

447

En deuxième lieu, il y a lieu de noter que les arrêts invoqués par la Commission dans ses écrits (arrêts du Tribunal HFB e.a./Commission, point 33 supra, point 528 ; du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission, T‑52/03, non publié au Recueil, point 353, et Tokai II, point 271 supra, point 389) ne concernent pas des situations dans lesquelles, durant une période couverte par l’infraction, la société directement responsable ne formait pas encore une unité économique avec les sociétés mères détenant son capital au moment de l’adoption de la décision. Dès lors, les solutions dégagées dans lesdits arrêts ne sauraient littéralement être suivies dans une situation factuelle qui est différente sur ce point crucial.

448

En troisième lieu, il y a lieu d’ajouter qu’une des conséquences positives des règles selon lesquelles il convient de faire abstraction de la séparation formelle entre deux sociétés et d’imposer des amendes solidairement à la filiale et à sa société mère formant la même entreprise (voir points 31 et 36 ci-dessus) est l’élimination du risque qu’une société puisse éviter ou minimiser les amendes en concentrant les activités illégales dans une filiale ayant un chiffre d’affaires négligeable. La règle selon laquelle le plafond de l’amende doit être établi à l’égard du chiffre d’affaires global de l’entreprise peut être regardée comme assurant un tel résultat. Or, un tel objectif n’est pas compromis par le plafonnement différencié de l’amende au titre d’une période de l’infraction ayant précédé la création d’une unité économique entre la filiale participant directement à l’entente et la société mère la détenant au moment de l’adoption de la décision de la Commission, lorsque les actifs de la filiale ne sont pas réalloués aux autres entités juridiques à la suite de son acquisition et, ensuite, après la découverte de l’entente.

449

En quatrième lieu, la Commission ne conteste pas l’affirmation des requérantes selon laquelle, Sasol Wax n’étant pas en mesure de payer la fraction de l’amende pour la période Schümann correspondant à 22 % de son chiffre d’affaires annuel, Sasol Ltd, société faîtière, devrait payer une partie de l’amende à la place de Sasol Wax, à savoir la partie au-delà du plafond de 10 %, qui n’est pas censée être supportable par Sasol Wax.

450

En cinquième lieu, il convient également de souligner que, durant la période Schümann, Sasol Wax International, Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ne pouvaient pas profiter des activités infractionnelles, dès lors qu’elles n’étaient pas encore propriétaires de Sasol Wax.

451

En sixième lieu, il convient de prendre en compte le fait que, dans les droits nationaux, la responsabilité solidaire du paiement de l’amende infligée en raison d’une infraction à l’article 81 CE confère à chacun des codébiteurs actionnés en paiement le droit de demander à l’autre de contribuer au paiement de la part de l’amende payée en son nom (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 avril 2013, Mindo/Commission, C‑652/11 P, points 36 et 37). Or, en l’espèce, les requérantes arguent précisément des difficultés à engager une action récursoire contre Vara et M. Schümann en l’absence de leur condamnation par la Commission, sans être contredites sur ce point par celle-ci.

452

Dès lors, l’inégalité de traitement opérée par la Commission (voir points 187 et 197 ci-dessus), en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à la période Schümann, est susceptible d’aggraver la responsabilité financière de Sasol Wax International, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd pour l’infraction commise par HOS. En effet, la partie de l’amende excédant 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax est censée être supportée par ses sociétés mères, alors que l’absence de condamnation solidaire de Vara et de M. Schümann est susceptible d’affecter la répartition finale du montant de l’amende devant les juges nationaux, au détriment des requérantes et, en particulier, des trois sociétés mères actuelles de Sasol Wax.

453

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à Sasol Wax au titre de l’infraction commise durant la période Schümann à 10 % de son chiffre d’affaires en 2007. Celui-ci s’élevant à 308 600 000 euros, la partie de l’amende infligée à Sasol Wax pour cette période de l’infraction est fixée à 30 860 000 euros.

454

La partie du montant de l’amende ainsi fixée est sans préjudice d’une appréciation ultérieure de la Commission quant à l’incidence, à cet égard, du présent arrêt.

2. Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période d’entreprise commune, examinée en combinaison avec l’accueil du premier moyen

455

Les requérantes réitèrent que Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd ne sauraient se voir attribuer la responsabilité de la période d’entreprise commune et de la période Sasol. Il s’ensuivrait que la fraction de l’amende relative à ces périodes aurait dû être plafonnée à 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax ou, dans l’hypothèse où le Tribunal estime que Schümann Sasol et Schümann Sasol International ainsi que Sasol Wax et Sasol Wax International ont formé une entité économique unique au cours de ces périodes respectives, à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en 2007 par Sasol Wax International.

456

Ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, il convient de confirmer la décision attaquée dans la mesure où la Commission a retenu l’existence d’une unité économique entre Schümann Sasol et Schümann Sasol International, ainsi qu’entre leurs successeurs, Sasol Wax et Sasol Wax International.

457

Cependant, il convient de rappeler que, sur la base des conclusions finales concernant le premier moyen, la décision attaquée doit être réformée dans la mesure où la Commission attribue à Sasol Holding in Germany et Sasol Ltd la responsabilité de l’infraction commise par l’entité économique unique constituée par Schümann Sasol et Schümann Sasol International.

458

En premier lieu, il convient de relever que la partie de l’amende imposée à Sasol Wax et à Sasol Wax International, afférente à la période d’entreprise commune (179657803 euros), dépasse largement 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax International (480800000 euros en 2007).

459

En deuxième lieu, la Commission ne conteste pas l’affirmation des requérantes selon laquelle, Sasol Wax International n’étant pas en mesure de payer la totalité de l’amende afférente à la période d’entreprise commune, Sasol Ltd, société faîtière, devrait payer une partie de l’amende à sa place, à savoir la partie au-delà du plafond de 10 %, qui n’est pas censée être supportable par Sasol Wax International.

460

En troisième lieu, force est de constater que l’erreur d’appréciation révélée dans le cadre du premier moyen met en cause le périmètre de l’entreprise ayant commis l’infraction durant la période d’entreprise commune. En outre, la condamnation solidaire de différentes sociétés au titre de l’infraction commise par Schümann Sasol dépend de la constatation préalable selon laquelle elles formaient ensemble une seule entreprise au sens de l’article 81 CE à l’époque de la commission de l’infraction. La définition de l’entreprise étant en l’espèce viciée, il n’est pas exclu que, en l’absence des erreurs d’appréciation en cause, la Commission aurait établi la responsabilité solidaire de Vara et de M. Schümann au titre de l’infraction commise directement par Schümann Sasol.

461

En quatrième lieu, eu égard à la jurisprudence citée au point 451 ci-dessus, le Tribunal constate que les erreurs d’appréciation concernant la définition de l’entreprise ayant commis l’infraction durant la période d’entreprise commune, en combinaison avec l’absence de plafonnement séparé pour la fraction de l’amende afférente à ladite période, sont susceptibles d’aggraver les conséquences financières de l’infraction commise directement par Schümann Sasol sur les requérantes. En effet, la partie de l’amende excédant 10 % du chiffre d’affaires de Sasol Wax International est censée être supportée par ses sociétés mères, alors que l’absence de condamnation solidaire de Vara et de M. Schümann est susceptible d’affecter la répartition finale du montant de l’amende devant les juges nationaux, au détriment des requérantes et, en particulier, de Sasol Holding in Germany et de Sasol Ltd.

462

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il est approprié de plafonner la partie de l’amende infligée à Sasol Wax et à Schümann Sasol International au titre de l’infraction commise durant la période d’entreprise commune à 10 % du chiffre d’affaires de cette dernière en 2007. Celui-ci étant de 480800000 euros, la partie de l’amende en cause, infligée à Sasol Wax et à Sasol Wax International, doit être réduite à 48 080 000 euros.

463

La partie du montant de l’amende ainsi fixée est sans préjudice d’une appréciation ultérieure de la Commission quant à l’incidence, à cet égard, du présent arrêt.

3. Sur la partie du montant de l’amende afférente à la période Sasol

464

Enfin, en ce qui concerne la période Sasol de l’infraction et la partie de l’amende s’y rapportant, s’élevant à 71 042 197 euros, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, que le montant de l’amende infligée aux requérantes est approprié, compte tenu de la gravité et de la durée de l’infraction commise.

Sur les dépens

465

Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

466

En l’espèce, trois moyens parmi les sept ayant été avancés par les requérantes ont été accueillis et le montant de l’amende infligée à chacune d’entre elles a été substantiellement réduit. Dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supporte ses propres dépens ainsi que deux tiers de ceux exposés par les requérantes, qui supporteront ainsi un tiers de leurs propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

L’article 1er de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie), est annulé en tant que la Commission européenne y a constaté que Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol avaient participé à l’infraction avant le 1er juillet 2002.

 

2)

Le montant de l’amende infligée à Sasol Wax GmbH est réduit à la somme de 149982197 euros, au paiement de laquelle sont tenues solidairement, d’une part, Sasol Wax International AG, à hauteur de 119122197 euros, et, d’autre part, Sasol et Sasol Holding in Germany, à hauteur de 71042197 euros.

 

3)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

4)

La Commission supportera ses propres dépens et deux tiers de ceux exposés par Sasol, Sasol Holding in Germany, Sasol Wax International et Sasol Wax.

 

5)

Sasol, Sasol Holding in Germany, Sasol Wax International et Sasol Wax supporteront un tiers de leurs propres dépens.

 

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2014.

Signatures

Table des matières

 

Faits à l’origine du litige

 

1. Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

 

2. Sur la structure du groupe Sasol et de Vara et sur l’imputation de la responsabilité aux sociétés mères dans la décision attaquée

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

1. Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité de l’infraction en ce qui concerne la période de l’entreprise commune

 

Observations liminaires

 

Décision attaquée

 

Sur la différenciation de la notion de contrôle de celle de l’exercice effectif d’une influence déterminante, telle qu’appliquée dans le contexte de l’article 81 CE

 

Sur le bien-fondé de la constatation de la Commission concernant l’imputation à Sasol Holding in Germany et à Sasol Ltd de l’infraction commise par Schümann Sasol International

 

Sur le directoire de Schümann Sasol International

 

Sur le rôle de M. B. I.

 

Sur la détermination des décisions du directoire de Schümann Sasol International

 

Sur la pertinence de la gestion opérationnelle

 

Conclusion sur le directoire de Schümann Sasol International

 

Sur le conseil de surveillance et l’assemblée générale de Schümann Sasol International

 

Sur l’exercice effectif par Sasol Holding in Germany d’une influence déterminante sur le comportement sur le marché de Schümann Sasol International

 

Sur l’offre de preuve des requérantes

 

2. Sur le deuxième moyen, tiré de l’imputation erronée à Sasol Ltd, à Sasol Holding in Germany et à Sasol Wax International de la responsabilité pour l’infraction en ce qui concerne la période Sasol

 

Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne la possibilité d’imputer une infraction commise par une filiale à sa société mère sur la seule base d’une présomption fondée sur la détention de 100 % du capital

 

Sur la seconde branche, tirée de la constatation prétendument erronée de l’absence du renversement de la présomption

 

Sur la décision attaquée

 

Observations générales

 

Sur la direction opérationnelle de Sasol Wax

 

Sur les décisions commerciales stratégiques

 

Sur le caractère irréfragable de la présomption

 

Conclusion

 

Sur l’offre de preuve des requérantes

 

3. Sur le troisième moyen, concernant l’absence de responsabilité solidaire de Vara durant la période Schümann et la période d’entreprise commune

 

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une détermination erronée du montant de base de l’amende

 

Sur la première branche, tirée de l’absence d’une base légale valable de la décision attaquée

 

Sur la deuxième branche, tirée d’une inclusion erronée de la vente des microcires dans la valeur des ventes de Sasol

 

Sur les principes d’appréciation des preuves

 

Sur la décision attaquée et les déclarations des participants à l’entente

 

Sur l’absence alléguée d’accord sur les prix des microcires

 

Sur les preuves documentaires relatives aux microcires

 

Sur les autres arguments des requérantes

 

Sur la troisième branche, tirée des erreurs entachant le calcul du montant de base de l’amende en ce qui concerne le gatsch

 

Sur la participation des requérantes au volet de l’infraction concernant le gatsch entre le 30 octobre 1997 et le 12 mai 2004

 

Sur le caractère disproportionné du coefficient de 15 % appliqué sur le chiffre d’affaires réalisé par les ventes de gatsch

 

Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de détermination différenciée du montant de base de l’amende en fonction des diverses périodes de participation à l’entente par les diverses sociétés

 

5. Sur le cinquième moyen, tiré de l’établissement erroné du rôle de meneur de Sasol

 

Sur la décision attaquée

 

Sur la jurisprudence-cadre

 

Sur le respect de l’obligation de motivation quant à la constatation concernant le rôle de meneur de Sasol

 

Sur l’appréciation au fond des éléments réunis par la Commission pour soutenir la conclusion concernant le rôle de meneur de Sasol

 

Sur le caractère prétendument excessif, disproportionné et discriminatoire de la majoration de 50 % du montant de base de l’amende au titre du rôle de meneur

 

6. Sur le septième moyen, tiré de l’omission d’accorder une immunité totale à Sasol en ce qui concerne certaines parties de l’amende

 

Sur la première branche, concernant les réunions techniques antérieures à 2000

 

Sur la seconde branche, concernant la répartition des marchés et des clients

 

Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

 

1. Sur la première branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période Schümann

 

2. Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée de l’absence de plafonnement séparé en ce qui concerne la période d’entreprise commune, examinée en combinaison avec l’accueil du premier moyen

 

3. Sur la partie du montant de l’amende afférente à la période Sasol

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.