ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

9 septembre 2010 (*)

« Pourvoi — Fonction publique — Comptable de la Commission — Procédure disciplinaire — Révocation — Garanties procédurales — Protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T-17/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 8 novembre 2007, Andreasen/Commission (F-40/05, RecFP p. I-A-1-337 et II-A-1-1859), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Marta Andreasen, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Barcelone (Espagne), représentée par MB. Marthoz, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et G. Wilms, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. J. Forwood (rapporteur), Mme M. E. Martins Ribeiro, M. O Czúcz et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, la requérante, Mme Marta Andreasen, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 8 novembre 2007, Andreasen/Commission (F-40/05, RecFP p. I-A-1-337 et II-A-1-1859, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 13 octobre 2004 par laquelle la Commission des Communautés européennes a prononcé sa révocation de son poste de directeur de la direction C « Exécution du budget » de la direction générale (DG) « Budget », lequel incluait la fonction de comptable de la Commission, sans réduction de ses droits à pension (ci-après la « décision attaquée »), et, d’autre part, à la réparation du préjudice prétendument causé par cet acte.

 Cadre juridique

2        Pour un exposé du cadre juridique applicable au présent litige, lequel comprend, d’une part, les dispositions pertinentes du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après l’« ancien statut »), et, d’autre part, les dispositions pertinentes du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « nouveau statut »), il est renvoyé aux points 2 à 27 de l’arrêt attaqué.

 Antécédents du litige

3        Les faits ayant donné lieu à l’adoption de la décision attaquée sont énoncés aux points 28 à 105 de l’arrêt attaqué, auxquels il est ici renvoyé.

4        Par la décision attaquée, adoptée par le collège des commissaires en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») compétente à l’égard des fonctionnaires de grades (anciens) A *16 — A *14 lors de la séance de la Commission du 13 octobre 2004, la requérante a été révoquée de son poste de directeur de la direction C « Exécution du budget » de la DG « Budget », lequel incluait également la fonction de comptable de la Commission, sans réduction de ses droits à pension, conformément aux recommandations du conseil de discipline institué auprès de cette institution.

5        Les motifs de la révocation sont les suivants :

–        la requérante aurait tenu des propos diffamatoires et insultants à l’encontre de M. M., directeur de la DG « Budget », de Mme M. Schreyer, membre de la Commission chargé du budget, et de M. G., chef de cabinet de Mme Schreyer, portant ainsi atteinte à leur honneur, en violation des articles 11 et 12 de l’ancien statut ;

–        à l’occasion de son recrutement, la requérante aurait dissimulé des informations sur son passé professionnel, en violation de l’article 12 de l’ancien statut ;

–        la requérante aurait ignoré de façon répétée les instructions claires de ses supérieurs hiérarchiques, en violation de l’article 21 de l’ancien statut ;

–        la requérante aurait méconnu son devoir de discrétion en s’adressant directement, sans l’autorisation de ses supérieurs hiérarchiques, au président et à des membres de la Cour des comptes des Communautés européennes, à des membres du Parlement européen ainsi qu’au grand public, en violation de l’article 17 de l’ancien statut ;

–        la requérante se serait absentée sans autorisation la journée du 1er août 2002, en violation de l’article 60 de l’ancien statut ;

–        la requérante aurait, à plusieurs reprises, fait des déclarations publiques sans autorisation préalable, et ce en dépit d’instructions claires et répétées, en violation des articles 11, 12 et 21 de l’ancien statut ;

–        la requérante aurait participé à des événements publics organisés par des tiers en tant qu’intervenante et sans autorisation préalable de l’AIPN, en violation des articles 12 et 21 de l’ancien statut. Dans ce contexte, la publication d’une de ses présentations sur Internet sans autorisation préalable de l’AIPN a été considérée comme une violation de l’article 17, paragraphe 2, de l’ancien statut et sa participation sans autorisation en tant qu’intervenante à ces événements publics a été considérée par l’AIPN comme une violation de l’article 12, paragraphe 3, de l’ancien statut.

6        Le 12 novembre 2004, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du nouveau statut, contre la décision attaquée. Le 15 mars 2005, l’AIPN a rejeté cette réclamation.

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et arrêt attaqué

7        C’est dans ces circonstances que la requérante a introduit, le 6 juin 2005, un recours visant, d’une part, à l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral prétendument causé par ladite décision.

8        Le recours en première instance a initialement été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T-219/05. Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal de la fonction publique sous le numéro F-40/05.

9        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours et condamné chaque partie à supporter ses propres dépens.

10      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante avait formellement invoqué neuf moyens, que le Tribunal de la fonction publique a fusionnés et regroupés en deux groupes distincts de quatre moyens, selon qu’ils étaient dirigés contre la procédure disciplinaire ou contre la décision attaquée.

11      Dans le cadre de son premier moyen, formellement tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), la requérante commençait par souligner que les droits fondamentaux reconnus par la CEDH s’imposent à l’Union et à ses institutions.

12      Elle indiquait également que la Cour européenne des droits de l’homme soumet les procédures disciplinaires au respect des principes fondamentaux consacrés par la CEDH. Pour soutenir cette affirmation, elle citait longuement l’avis de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’affaire Juhel e.a. c. France (rapport du 1er juillet 1998, affaires nos 28713/95 à 28720/95 et no 30020/96). Elle soulignait que, au surplus, les droits nationaux des États membres intègrent dans la procédure disciplinaire certains principes fondamentaux ancrés dans la CEDH.

13      Poursuivant son argumentation, la requérante considérait qu’il est donc légitime d’exiger de la Commission impartialité et équité tout au long de la procédure disciplinaire, d’autant que, lorsqu’elle est amenée à statuer disciplinairement à l’égard des membres de son personnel, la Commission devrait être considérée comme une véritable juridiction soumise aux principes de la CEDH.

14      Or, elle soulignait que, en l’espèce, le collège des commissaires qui avait pris la décision attaquée était constitué de l’ensemble des commissaires européens, y compris de Mme Schreyer et de M. Kinnock, vice-président de la Commission, qui étaient à l’origine des accusations portées à son encontre. Elle en concluait que, ses accusateurs ayant également été ses juges en participant à l’adoption de la décision attaquée, ses droits de la défense avaient été violés.

15      En réponse à cette argumentation, le Tribunal de la fonction publique a jugé en substance, au point 127 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH aux procédures disciplinaires prévues par le statut. Il a relevé, à cet effet, que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981, série A no 43, § 51), la prise de décision initiale concernant de telles procédures n’est pas obligatoirement soumise aux exigences posées par ladite disposition. Il suffit qu’une telle décision puisse faire l’objet d’un contrôle, par la voie d’un recours, devant un tribunal remplissant les conditions de ladite disposition. Or, en l’espèce, la requérante n’avait pas soutenu que le recours devant le Tribunal de la fonction publique ne constituait pas l’exercice d’un tel droit à un tribunal indépendant et impartial.

16      Selon le Tribunal de la fonction publique, cette conclusion ne saurait être remise en cause par le rapport de la Commission européenne des droits de l’homme invoqué par la requérante (point 12 ci-dessus). En effet, d’après le Tribunal de la fonction publique, les considérations présentées dans ce rapport sur l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH devant le conseil régional de l’ordre des médecins de l’Ile-de-France (France) et la section disciplinaire du conseil national du même ordre ne sont pas pertinentes en l’espèce, dès lors que les affaires examinées dans ce rapport concernaient des cas où le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État français, qui était le seul recours légalement ouvert contre les décisions de la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des médecins, ne constituait pas un recours « adéquat » et « effectif » (voir point 44 dudit rapport de la Commission européenne des droits de l’homme, qui renvoie au point 38 de l’arrêt de la Cour eur. D. H. du 20 mai 1998, Gautrin e.a. c. France, Recueil des arrêts et décisions 1998-III). Or, en l’espèce et contrairement à l’affaire soumise à la Commission européenne des droits de l’homme, tant les questions de droit que les questions de fait pouvaient être examinées par le Tribunal de la fonction publique.

17      Le Tribunal de la fonction publique a conclu, au point 129 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne saurait soutenir, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, que le conseil de discipline et le collège des commissaires avaient manqué d’indépendance et d’impartialité, au sens de ladite disposition.

18      Par ses deuxième, troisième et quatrième moyens, respectivement tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphes 1 et 4, et de l’article 6, paragraphe 5, de l’annexe IX du nouveau statut, la requérante faisait essentiellement valoir que le conseil de discipline avait été constitué selon les dispositions de l’ancien statut, alors que, selon elle, il aurait dû l’être selon les dispositions du nouveau statut. Il en était résulté, d’après elle, une violation des dispositions invoquées. Dans ce contexte, elle faisait plus particulièrement valoir que : a) tous les membres du conseil de discipline, à l’exception d’un seul, étaient d’un grade équivalent au sien, et ce en violation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe IX du nouveau statut ; b) tandis que l’article 6 de l’annexe IX du nouveau statut prévoit la possibilité pour la Commission et les membres du conseil de discipline de prendre des mesures en vue d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts, ni la Commission ni les membres du conseil de discipline n’en avaient fait usage ; c) la Commission avait choisi de composer le conseil de discipline avec des membres de l’institution et non des personnes extérieures, ainsi que l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe IX du nouveau statut lui en donne la faculté, ce pour garantir l’impartialité de cet organe et d) les conditions d’impartialité et d’indépendance prévues à l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe IX du nouveau statut n’avaient pas été remplies dans le cadre de la procédure disciplinaire, étant donné que tous les membres du conseil de discipline connaissaient les problèmes comptables mis en évidence par elle.

19      Après avoir rejeté les exceptions d’irrecevabilité formulées par la Commission à l’encontre de ces trois moyens, au regard de la règle de concordance entre la réclamation précontentieuse et la requête subséquente, le Tribunal de la fonction publique a notamment jugé, au point 153 de l’arrêt attaqué, que l’examen au fond de l’argumentation de la requérante exigeait que l’on détermine préalablement si les dispositions du nouveau statut, et non celles de l’ancien statut, étaient applicables en l’espèce. Au point 154 de l’arrêt attaqué, il a relevé que le conseil de discipline ainsi que l’AIPN dans la décision attaquée avaient appliqué, en partie, des dispositions de l’ancien statut, notamment pour ce qui concerne la constitution et la composition du conseil de discipline, et, en partie, des dispositions de l’annexe IX du nouveau statut, après l’entrée en vigueur de celles-ci.

20      Pour ce qui concerne l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe IX du nouveau statut, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 157 de l’arrêt attaqué, que sa disposition relative à l’indépendance du conseil de discipline est en substance identique à celle de l’article 6, premier alinéa, de l’annexe II de l’ancien statut. D’ailleurs, il ressort du point 7 sous la partie « Procédure » de l’avis du conseil de discipline que ce conseil a appliqué la nouvelle disposition.

21      Pour déterminer l’applicabilité dans le temps de l’article 5, paragraphes 1 et 4, et de l’article 6, paragraphe 5, de l’annexe IX du nouveau statut, dont les règles sont en revanche partiellement différentes de celles découlant des dispositions de l’ancien statut, le Tribunal de la fonction publique a estimé, au point 158 de l’arrêt attaqué, qu’il fallait d’abord situer le moment de la constitution du conseil de discipline par rapport à l’entrée en vigueur de ces dispositions et, en général, des dispositions relatives à la constitution et à la composition du conseil de discipline.

22      Aux points 159 à 161 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le conseil de discipline avait été constitué avant le 1er mai 2004, soit à une époque où les seules dispositions en vigueur et applicables étaient celles de l’ancien statut.

23      Le Tribunal de la fonction publique s’est ensuite attaché à examiner si ce conseil de discipline devait modifier sa composition après le 1er mai 2004 pour que sa constitution et sa composition soient conformes aux dispositions du nouveau statut.

24      À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a tout d’abord rappelé, au point 163 de l’arrêt attaqué, que, selon un principe généralement reconnu, une réglementation nouvelle s’applique, sauf dérogation, immédiatement, non seulement aux situations à naître, mais également aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure.

25      Le Tribunal de la fonction publique a ensuite relevé, au point 164 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte également d’une jurisprudence constante que les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur.

26      Le Tribunal de la fonction publique a encore relevé, au point 165 de l’arrêt attaqué, que l’application de nouvelles dispositions relatives à la constitution et à la composition du conseil de discipline, telles que celles en question, pourrait avoir pour conséquence que la procédure disciplinaire devant un conseil de discipline constitué avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions doive être recommencée. Il ne s’agirait donc pas seulement d’appliquer immédiatement une nouvelle règle à la partie de la procédure disciplinaire faisant suite à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

27      Le Tribunal de la fonction publique a estimé, au point 166 de l’arrêt attaqué, qu’une telle application des dispositions du nouveau statut relatives à la constitution et à la composition du conseil de discipline, entrées en vigueur postérieurement à la constitution du conseil de discipline devant statuer sur le cas de la requérante, ne concernerait pas seulement les effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne, mais reviendrait nécessairement à faire produire à ces dispositions un effet rétroactif. En effet, le point de départ de la portée des dispositions du nouveau statut serait, dans cette hypothèse, forcément fixé à une date antérieure à leur entrée en vigueur, à savoir celle de la constitution du conseil de discipline.

28      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal de la fonction publique a vérifié, aux points 167 à 170 de l’arrêt attaqué, si l’article 5, paragraphes 1 et 4, et l’article 6, paragraphe 5, de l’annexe IX du nouveau statut avaient vocation à s’appliquer de façon rétroactive. Il a conclu, au point 171 de l’arrêt attaqué, que tel n’était pas le cas dans le silence du législateur sur les modalités d’une telle application et, au point 178 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’était pas fondée à prétendre que la Commission avait violé les dispositions de l’article 8, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphes 1 et 4, et de l’article 6, paragraphe 5, de l’annexe IX du nouveau statut lors de la constitution du conseil de discipline.

29      Le rejet par le Tribunal de la fonction publique des cinquième et sixième moyens de la requérante, respectivement tirés de la violation de l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe IX du nouveau statut et du principe non bis in idem, et de la violation de l’article 24 de l’annexe IX du nouveau statut et de l’article 6 de la CEDH, n’est pas remis en cause dans le cadre du présent pourvoi.

30      Par son septième moyen, formellement tiré de la violation de l’article 22 de l’annexe IX du nouveau statut, la requérante critiquait en réalité, outre l’absence de motivation de la décision attaquée, la matérialité et l’appréciation de certains des faits qui lui étaient reprochés, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a relevé au point 218 de l’arrêt attaqué.

31      Sur la matérialité et l’appréciation des faits reprochés à la requérante, le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 223 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne contestait la matérialité des faits qu’en ce qui concernait le grief pris de la dissimulation de sa suspension de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) lors de son recrutement auprès de la Commission. Quant aux autres griefs, la requérante soulevait en réalité l’erreur commise par l’AIPN dans l’appréciation des faits qui lui étaient reprochés.

32      Sur la dissimulation d’informations lors du recrutement, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 225 à 231 de l’arrêt attaqué, que l’AIPN était fondée à considérer que la requérante avait dissimulé, lors de son recrutement par la Commission, la mesure de suspension dont elle faisait l’objet au sein de l’OCDE.

33      Sur la méconnaissance des devoirs de loyauté et de discrétion du fait de certains propos tenus par la requérante, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 232 à 244 de l’arrêt attaqué, que l’AIPN avait pu légitimement considérer que la requérante avait tenu des propos mettant en cause Mme Schreyer, M. M. et M. G., en violation des articles 11 et 12 de l’ancien statut.

34      Sur l’absence, sans autorisation, le 1er août 2002, et les propos ou apparitions publics sans autorisation, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 245 à 256 de l’arrêt attaqué, que l’AIPN, d’une part, avait pu légalement considérer que les faits reprochés à la requérante étaient établis et, d’autre part, n’avait pas commis d’erreur manifeste dans leur appréciation.

35      Quant à l’absence alléguée de motivation de la décision attaquée, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 258 à 262 de l’arrêt attaqué, que celle-ci et le contexte dans lequel elle avait été adoptée avaient fourni à la requérante les indications nécessaires lui permettant de connaître les motifs à l’origine de ladite décision attaquée, de sorte que le grief tiré de l’absence de motivation de cette décision n’était pas fondé.

36      Par son huitième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, la requérante prétendait que la sanction de révocation était disproportionnée par rapport à la faute commise. Au soutien de ce moyen, elle affirmait, d’abord, qu’aucune preuve n’avait été rapportée par la Commission concernant les faits reprochés. Ensuite, elle soutenait, s’appuyant sur la jurisprudence, que dans des affaires où les faits reprochés étaient plus graves les sanctions infligées par la Commission avaient été d’une sévérité moindre.

37      Le premier de ces griefs a été rejeté par le Tribunal de la fonction publique, au point 273 de l’arrêt attaqué, au motif qu’il avait déjà été examiné et rejeté dans le cadre du septième moyen.

38      Le second grief a été rejeté par le Tribunal de la fonction publique, au point 272 de l’arrêt attaqué, en raison du principe d’autonomie des procédures disciplinaires.

39      Pour le surplus, le Tribunal de la fonction publique a observé, en premier lieu, au point 268 de l’arrêt attaqué, que l’AIPN avait fait valoir plusieurs circonstances aggravantes figurant parmi la liste des critères énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, à savoir que : a) la requérante était un haut fonctionnaire dont la fonction comportait d’importantes responsabilités ; b) elle avait enfreint de façon répétée les instructions de ses supérieurs hiérarchiques ainsi que les procédures internes de la Commission ; c) ses déclarations publiques avaient nui à la réputation de la Commission et de plusieurs de ses membres, dont certains hauts fonctionnaires, et d) au vu du grade de la requérante et du caractère répété de ses actes, ces derniers devaient être vus comme intentionnels.

40      Le Tribunal de la fonction publique a relevé, en second lieu, au point 269 de l’arrêt attaqué, que, selon l’avis du conseil de discipline, dont l’analyse était partagée par l’AIPN, même si les agissements de la requérante pouvaient en partie traduire son souci légitime quant à la réputation du système comptable de l’institution et aux risques financiers qu’il présentait, l’effet cumulatif de sa conduite justifierait que l’AIPN considère que la relation de confiance qui existait entre l’institution et l’intéressée était irrémédiablement rompue.

41      Le Tribunal de la fonction publique a constaté, en troisième lieu, au point 270 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait fait valoir, au regard de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, aucune circonstance atténuante, tenant à sa situation personnelle, de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction de révocation.

42      Au vu de ce qui précède, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 271 de l’arrêt attaqué, d’une part, que les agissements de la requérante constituaient des manquements aux obligations statutaires auxquelles elle était tenue et, d’autre part, que, eu égard à la gravité des griefs retenus contre l’intéressée, sans qu’il ait été établi que la Commission ait omis de prendre en considération les critères énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, la sanction infligée ne saurait être considérée comme étant disproportionnée. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a observé que la sanction infligée ne s’était accompagnée d’aucune réduction des droits à pension.

43      Quant à la demande en indemnité, le Tribunal de la fonction publique l’a rejetée comme non fondée, sans se prononcer sur sa recevabilité, au point 278 de l’arrêt attaqué, au motif qu’elle présentait un lien étroit avec la demande en annulation qui avait, elle-même, été rejetée comme non fondée.

 Procédure devant le Tribunal

44      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 14 janvier 2008, la requérante a introduit le présent pourvoi.

45      La Commission a déposé son mémoire en réponse le 4 avril 2008.

46      La requérante a été autorisée à déposer un mémoire en réplique, qui est parvenu au greffe le 14 juillet 2008.

47      La Commission a déposé son mémoire en duplique le 1er octobre 2008.

48      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé de statuer sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal.

49      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler l’arrêt attaqué, faire droit aux conclusions présentées par elle en première instance, en ce compris la demande en indemnité, et condamner la Commission aux dépens, y compris ceux de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’arrêt attaqué, renvoyer la cause devant le Tribunal de la fonction publique et réserver les dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

51      Dans son pourvoi, la requérante invoque cinq moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut. Le second est tiré de la violation des principes de légalité des actes de l’Union, d’application dans le temps de ces actes et de sécurité juridique. Le troisième est tiré de la dénaturation des éléments qui ont été soumis au Tribunal de la fonction publique. Le quatrième est tiré d’une erreur d’appréciation et de la violation des articles 11, 12, 17 et 21 de l’ancien statut. Le cinquième est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 13 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1).

52      Il convient d’examiner en premier lieu le troisième moyen, dont la solution légale apparaît déterminante pour l’examen du premier moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la dénaturation des éléments soumis au Tribunal de la fonction publique

 Arguments des parties

53      Premièrement, la requérante soutient, en se référant aux points 227 et 230 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal de la fonction publique s’est fié aux allégations de la Commission pour fonder son argumentation, sans vérifier la véracité de celles-ci au regard des éléments versés aux débats.

54      En effet, le Tribunal de la fonction publique se serait fondé sur l’allégation de la Commission, énoncée au point 227 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la requérante aurait expressément déclaré, dans une interview à la BBC, qu’elle n’avait pas informé la Commission de la suspension dont elle faisait l’objet au sein de l’OCDE lors des entretiens préalables à son recrutement, pour conclure, au point 230, que l’AIPN était fondée à considérer que la requérante avait dissimulé ladite suspension. Or, il ressortirait expressément de la retranscription de cette interview (annexe B.64 au mémoire en défense de première instance) que la requérante y avait déclaré avoir informé verbalement la Commission de ce fait.

55      Deuxièmement, la requérante soutient que, aux points 205 et 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a fondé son appréciation erronée exclusivement sur la version des faits alléguée par la Commission.

56      Troisièmement, la requérante fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir indiqué, au point 176 de l’arrêt attaqué, que deux membres du conseil de discipline s’étaient désistés, alors qu’en réalité l’un d’eux avait été récusé à la demande de la requérante.

57      Quatrièmement, la requérante fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir indiqué, au point 196 de l’arrêt attaqué, qu’elle se limitait à contester le délai de 26 mois séparant la prise d’effet de la décision de suspension de la date de sa révocation, sans identifier les étapes de la procédure disciplinaire qui n’auraient pas été accomplies dans un délai raisonnable, alors que, dans sa requête en première instance, elle avait précisément identifié ces étapes, notamment en ce qui concerne le délai de 19 mois ayant précédé sa suspension.

58      Cinquièmement, la requérante fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir indiqué, au point 43 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait fait certaines « insinuations » dans sa note à la commissaire Schreyer du 15 avril 2002, alors qu’il ressortirait d’une simple lecture de cette note que la requérante n’avait rien insinué, mais avait fait état concrètement des dysfonctionnements constatés par elle.

59      Sixièmement, enfin, la requérante estime que le point 90 de l’arrêt attaqué est entaché d’une dénaturation, en ce qu’il permettrait de considérer qu’elle a exercé son droit d’être entendue avant d’être suspendue, alors qu’il n’en fut rien.

60      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

61      Il résulte de l’article 225 A CE (devenu article 257 TFUE) et de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi formé devant le Tribunal est limité aux questions de droit et peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant ledit Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie concernée, ainsi que de la violation du droit communautaire (devenu droit de l’Union) par le Tribunal de la fonction publique.

62      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier les faits. Lorsque le juge de première instance a constaté ou apprécié les faits, le juge du pourvoi est compétent pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le premier juge (arrêts de la Cour du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C-551/03 P, Rec. p. I-3173, point 51, et du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C-167/04 P, Rec. p. I-8935, point 106).

63      Le juge du pourvoi n’est donc pas compétent pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le juge de première instance a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul juge de première instance d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve de dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C-440/07 P, Rec. p. I-6413, point 103, et arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Sundholm/Commission, T-164/07 P, RecFP p. I-B-1-23 et II-B-1-175, point 32, et la jurisprudence citée).

64      En d’autres termes, la constatation des faits et l’appréciation des éléments de preuve par le juge de première instance constituent des questions de droit soumises au contrôle du juge du pourvoi dans le cadre d’un pourvoi, respectivement, lorsque l’inexactitude matérielle des constatations du premier juge ressort des documents versés au dossier et en cas de dénaturation des éléments de preuve (voir arrêt Commission/Schneider Electric, précité, point 104, et la jurisprudence citée).

65      Il importe, par ailleurs, de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts General Motors/Commission, précité, point 54, et JCB Service/Commission, précité, point 108).

66      Dans le cadre du présent moyen, la requérante invoque six cas de dénaturation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal de la fonction publique.

67      S’agissant, premièrement, du grief de dénaturation dirigé contre les points 227 et 230 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche au Tribunal de la fonction publique de s’être fondé sur l’allégation de la Commission, énoncée à la dernière phrase du point 227, selon laquelle elle aurait expressément déclaré, dans une interview accordée à la BBC le 3 octobre 2002, qu’elle n’avait pas informé la Commission de la suspension dont elle faisait l’objet au sein de l’OCDE, pour conclure, au point 230, que l’AIPN était fondée à considérer que la requérante avait dissimulé ladite suspension, alors qu’il ressort de la retranscription de cette interview, jointe en annexe B.64 au mémoire en défense de première instance, que la requérante y avait plus exactement admis ne pas avoir informé la Commission par écrit de cette suspension dans son acte de candidature, tout en ajoutant l’avoir mentionnée verbalement au cours de son entretien de recrutement.

68      Force est toutefois de relever d’emblée que la dernière phrase du point 227 de l’arrêt attaqué n’énonce pas une constatation de fait opérée par le Tribunal de la fonction publique, mais se borne à résumer la version des faits de la Commission. Au point 229 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a ajouté que la requérante n’avait fait aucune observation relative au contenu de son interview accordée à la BBC le 3 octobre 2002.

69      Par ailleurs, cette version des faits de la Commission ainsi résumée par le Tribunal de la fonction publique doit être comprise à la lumière du point 245 du mémoire en défense de première instance, qui se lit comme suit :

« […] À une occasion au moins, [la requérante] a effectivement admis en public qu’elle n’avait pas informé la Commission de sa suspension à l’OCDE dans des circonstances très similaires, du moins pas par écrit : voir la retranscription de l’interview qu’elle a accordée à la BBC le 3 octobre 2002 […] En fait, aux pages 6 et 7, elle fournit même une ‘explication’ des raisons de cette dissimulation : elle ‘ne pouvait pas la mentionner dans l’acte de candidature écrit’ ; elle a certes écrit une lettre, mais n’a pas mentionné la suspension par l’OCDE au motif que c’était ‘son droit’ (sic). Ce serait ‘son droit’ parce que ‘je ne suis pas d’accord avec la décision de suspension’ (!). En d’autres termes, si la requérante n’est pas d’accord avec une décision, cette décision n’existe pas. C’est difficile à prendre au sérieux. L’argument de la requérante signifie que, puisqu’elle n’était pas d’accord avec la suspension opérée par l’OCDE, la Commission n’avait pas le droit d’en être informée […] »

70      Ainsi, la Commission n’a pas soutenu, dans ses écritures de première instance, que la requérante avait reconnu ne pas l’avoir informée, même verbalement, de sa suspension de l’OCDE, au cours de l’interview accordée à la BBC le 3 octobre 2002. Elle s’est bornée à citer et à commenter la retranscription de cette interview, pour en inférer certains arguments, sans aucunement en dénaturer le contenu. C’est sur d’autres éléments du dossier que la Commission s’est appuyée pour réfuter la thèse de la requérante selon laquelle celle-ci aurait verbalement mentionné la mesure de suspension dont elle faisait l’objet, lors des entretiens préalables à son recrutement.

71      La requérante ne saurait dès lors reprocher au Tribunal de la fonction publique de s’être fié aux allégations de la Commission pour fonder son argumentation sans vérifier la véracité de celles-ci au regard des éléments versés aux débats.

72      Au demeurant, loin de constituer le seul support probatoire à la conclusion énoncée au point 230 de l’arrêt attaqué, la dernière phrase du point 227 ne concerne qu’un élément secondaire et non nécessaire dans le faisceau d’indices à partir duquel le Tribunal de la fonction publique, prenant appui sur le raisonnement proposé par le conseil de discipline et retenu par l’AIPN, a déduit la réalité de la dissimulation alléguée d’informations lors du recrutement, en particulier aux points 225, 226 et 228 à 230 de l’arrêt attaqué. Or, la requérante ne critique pas ces motifs de l’arrêt attaqué, qui justifient à eux seuls la conclusion à laquelle le Tribunal de la fonction publique est parvenu, au point 230 de l’arrêt attaqué.

73      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la formulation de la dernière phrase du point 227 de l’arrêt attaqué, pour malheureuse qu’elle soit au vu du libellé du document sur lequel elle s’appuie, ne reflète pas un cas de véritable dénaturation et n’affecte, en tout état de cause, qu’un élément de preuve qui a joué un rôle marginal dans l’appréciation d’ensemble à laquelle s’est livré le Tribunal de la fonction publique, aux points 225 à 231 de l’arrêt attaqué. Il s’ensuit également que la conclusion énoncée au point 230 de l’arrêt attaqué n’est pas entachée d’une erreur de fait causée par une dénaturation des éléments de preuve.

74      Partant, le premier grief de dénaturation doit être rejeté comme non fondé.

75      S’agissant, deuxièmement, du grief de dénaturation dirigé contre les points 205 et 206 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que ceux-ci concernent le prétendu dépassement du délai raisonnable, allégué par la requérante dans le cadre de son sixième moyen de première instance, tiré de la violation de l’article 24 de l’annexe IX du nouveau statut et de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Or, le pourvoi ne porte pas sur le rejet de ce moyen par le Tribunal de la fonction publique. Dès lors, le grief de dénaturation en question est inopérant et ne peut qu’être rejeté.

76      S’agissant, troisièmement, du grief de dénaturation dirigé contre le point 176 de l’arrêt attaqué, celui-ci doit être considéré comme inopérant dès lors que la requérante ne tire aucune conséquence juridique de la dénaturation alléguée.

77      S’agissant, quatrièmement, du grief de dénaturation dirigé contre le point 196 de l’arrêt attaqué, celui-ci doit être rejeté comme inopérant pour des motifs identiques à ceux exposés au point 75 ci-dessus.

78      S’agissant, cinquièmement, du grief de dénaturation dirigé contre le point 43 de l’arrêt attaqué, il suffit, pour le rejeter, de relever que celui-ci vise un jugement de valeur exprimé par le Tribunal de la fonction publique, sans qu’il en soit résulté une quelconque constatation matérielle inexacte ou dénaturation des éléments de preuve.

79      S’agissant, sixièmement, du grief de dénaturation dirigé contre le point 90 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever que celui-ci a trait à la prétendue absence d’audition préalable de la requérante, alléguée par celle-ci dans le cadre de son recours en annulation de la décision de la suspendre de ses fonctions, adoptée par la Commission le 28 août 2002. À supposer même cette circonstance établie, cela n’affecterait en rien la légalité de la décision attaquée, qui fait seule l’objet du recours ayant donné lieu à l’arrêt attaqué. Dès lors, le grief de dénaturation en question est inopérant et doit être rejeté.

80      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut

 Arguments des parties

81      La requérante soutient, en renvoyant plus particulièrement aux points 270 et 271 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal de la fonction publique n’a pas correctement apprécié si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes avait été effectuée par l’AIPN de façon proportionnée et si celle-ci avait tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce au regard des critères d’appréciation énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, notamment sous a, b), et d) à g), ainsi qu’elle y était tenue.

82      Elle commence par souligner, dans ce contexte, que la procédure disciplinaire engagée à son égard a pour origine la dénonciation faite par elle, dans le cadre de ses fonctions de comptable de la Commission, de la vulnérabilité du système comptable gérant les fonds communautaires, qui aurait mis l’institution à la merci d’abus et de scandales financiers. En l’absence de suite concrète quant aux problèmes dénoncés, elle se serait adressée, avec toute l’indépendance qui lui revenait de par sa fonction, successivement et à mesure que cela s’imposait, compte tenu de l’inertie manifestée par les destinataires de ses alertes et interpellations, au président et aux vice-présidents de la Commission, à la Cour des comptes et à certains membres du Parlement.

83      Elle fait ensuite valoir, en premier lieu, que, la Commission étant chargée de l’exécution du budget des Communautés européennes, la fonction de comptable de la Commission implique, par nature, de nombreuses responsabilités, parmi lesquelles la gestion du trésor, celle des comptes bancaires ainsi que la préparation et la présentation des comptes, et se caractérise par sa transversalité par rapport aux DG ainsi que par sa totale indépendance, consacrées par l’article 279 CE et par les règlements financiers successifs. Dans l’arrêt du 10 décembre 1969, Mulders/Commission (8/69, Rec. p. 561, point 15), la Cour aurait souligné que cette indépendance fonctionnelle du comptable à l’égard de ceux dont il doit contrôler les ordonnancements, si elle ne suppose pas l’absence de toute différence hiérarchique, implique l’absence réelle de subordination en ce qui concerne l’exercice des fonctions.

84      La requérante précise, dans sa réplique, qu’elle avait été engagée pour remplir deux fonctions distinctes, à savoir celle de comptable de la Commission et celle de directeur de l’exécution du budget. Les actes qui lui ont été reprochés auraient été posés uniquement dans le cadre de sa fonction de comptable. Or, en agissant comme elle l’a fait, la requérante n’aurait fait que se conformer, avec probité, rigueur et loyauté, mais aussi avec la liberté d’action dont elle bénéficiait dans l’exercice de cette fonction, aux obligations qui s’imposaient à elle en tant que comptable, sans aucunement violer les articles 11, 12, 17 et 21 de l’ancien statut. Selon elle, la fonction de comptable lui imposait en effet de surveiller et de contrôler, en toute liberté, les flux financiers de la Commission et les systèmes de gestion desdits flux.

85      La requérante souligne encore qu’elle bénéficiait du droit de communiquer directement et en toute indépendance avec les autres autorités communautaires. Elle invoque, en ce sens, l’arrêt Mulders/Commission, précité, ainsi que les termes de l’avis de vacance sur la base duquel elle avait été recrutée, qui indiquait que le comptable serait en charge des contacts avec la Cour des comptes dans le cadre de la déclaration d’assurance et du rapport financier. Après s’être adressée à ses supérieurs hiérarchiques directs, à savoir les directeurs généraux, et après avoir épuisé les voies hiérarchiques usuelles, elle aurait dû trouver d’autres solutions, alors qu’elle était confrontée à une inertie et à une inaction volontaires des responsables qui auraient été tenus d’agir. Elle aurait dès lors usé des prérogatives de sa fonction en communiquant directement et en toute indépendance avec d’autres autorités, sans être soumise à un lien de subordination.

86      Dans leur appréciation des circonstances de l’espèce, tant l’AIPN, dans la décision attaquée, que le Tribunal de la fonction publique, dans l’arrêt attaqué, auraient totalement omis de prendre en considération cette indépendance reconnue à la fonction de comptable ainsi que les responsabilités professionnelles découlant de ce poste, lesquelles constitueraient pourtant l’un des éléments à décharge les plus importants et auraient été invoquées avec force par la requérante tout au long de la procédure disciplinaire et de première instance.

87      La requérante fait valoir, en deuxième lieu, que, en relevant, aux points 268 et 269 de l’arrêt attaqué, que les actes posés par elle, compte tenu de son grade et de leur caractère répété, devaient être vus comme intentionnels, « même si [ses] agissements […] pouvaient en partie traduire son souci légitime quant à la réputation du système comptable de l’institution et aux risques financiers qu’il présentait », le Tribunal de la fonction publique a omis de considérer que cette dernière circonstance était atténuante, et non pas aggravante.

88      La requérante fait valoir, en troisième lieu, que le Tribunal de la fonction publique a omis de prendre en considération la circonstance que l’ensemble des problèmes qu’elle a dénoncés ont été officiellement confirmés tant par la Cour des comptes que par le Parlement, dans leurs rapports annuels sur les comptes de l’Union.

89      La requérante fait valoir, en quatrième lieu, que le Tribunal de la fonction publique n’a aucunement justifié en quoi les faits qui lui sont reprochés auraient pu affecter l’intégrité, la réputation ou les intérêts de l’institution. Bien au contraire, ces faits auraient été accomplis dans l’unique but légitime de préserver l’intégrité, la réputation et les intérêts de la Commission, dans une situation où ceux-ci étaient gravement menacés et face à l’inertie manifestée par les directeurs généraux.

90      Enfin, la requérante fait valoir, en cinquième lieu, que le Tribunal de la fonction publique a omis de prendre d’autres circonstances déterminantes en considération, à savoir : l’environnement hostile dans lequel elle a dû dénoncer les problèmes du système comptable, caractérisé par le refus de donner suite à sa demande de faire procéder à un audit externe et de tenir compte de l’urgence qu’il y avait à adapter le système comptable ; la pression mise sur elle pour qu’elle assume ses responsabilités en approuvant des opérations caractérisées par un manque de contrôle manifeste ; l’opinion émise par la Cour des comptes dans ses rapports annuels, concernant le manque de progrès substantiel du système comptable durant les dix dernières années, et les communications qui lui ont été envoyées directement par la Cour des comptes, par lesquelles il lui aurait été demandé d’être particulièrement vigilante et active dans son contrôle des affaires financières.

91      Dès lors, en estimant, au point 270 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait fait valoir, au regard de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, aucune circonstance atténuante, tenant à sa situation personnelle, de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction de révocation, le Tribunal de la fonction publique aurait manqué à son obligation de contrôle et contrevenu à cette disposition.

92      La Commission soutient, à titre principal, que le premier moyen est irrecevable, car fondé sur une argumentation nouvelle, et, à titre subsidiaire, que ce moyen manque en fait.

 Appréciation du Tribunal

93      La question de la proportionnalité d’une sanction disciplinaire constitue une question de droit qui est, par conséquent, soumise au contrôle du juge du pourvoi dans le cadre d’un pourvoi, pour autant que ce contrôle puisse être réalisé sans remise en cause des constats et des appréciations des faits opérés par le premier juge (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 16 juillet 1998, N/Commission, C-252/97 P, Rec. p. I-4871, points 58 à 64, et arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, points 127 et 128).

94      Dans le cadre du pourvoi, le contrôle du Tribunal a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal de la fonction publique a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, les critères énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal de la fonction publique a répondu à suffisance de droit aux arguments invoqués par la requérante tendant à l’appréciation de la proportionnalité de la sanction disciplinaire infligée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 29 avril 2004, British Sugar/Commission, C-359/01 P, Rec. p. I-4933, point 47, et du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C-554/08 P, non publié au Recueil, point 71).

95      S’agissant, par ailleurs, de l’exception d’irrecevabilité tirée du caractère nouveau du moyen avancé par la requérante à l’appui de son pourvoi en vue de démontrer les erreurs de droit dont seraient entachés les points 266 à 274 de l’arrêt attaqué, elle ne saurait être accueillie.

96      S’il est exact, ainsi qu’il sera indiqué ci-après, que la requérante n’a pas soutenu, devant le Tribunal de la fonction publique, que l’AIPN avait mal apprécié l’ensemble des circonstances de l’espèce au regard des critères d’appréciation énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, notamment sous a), b), et d) à g), cette circonstance n’est pas de nature à rendre irrecevable le présent moyen. La requérante est en effet recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant le Tribunal, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé. Le Tribunal de la fonction publique ayant, dans l’arrêt attaqué, recherché si l’AIPN avait dûment pris en considération les critères énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, la requérante est, dès lors, recevable à soulever devant le Tribunal un moyen visant à critiquer en droit la solution ainsi retenue par le premier juge, indépendamment de la circonstance qu’elle n’avait pas, elle-même, développé devant celui-ci une argumentation fondée sur la mauvaise application de ces critères (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C-176/06 P, non publié au Recueil, point 17, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C-348/06 P, Rec. p. I-833, point 50, et la jurisprudence citée).

97      Il y a toutefois lieu d’ajouter que, dans le cadre du moyen de première instance tiré de la disproportion de la sanction disciplinaire infligée (points 146 à 155 de la requête de première instance), la requérante s’était bornée à soutenir, d’une part, qu’aucune preuve n’avait été rapportée par la Commission concernant les faits reprochés et, d’autre part, que, dans des affaires où les faits reprochés étaient plus graves, notamment celle ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 10 juin 2004, Eveillard/Commission (T-258/01, RecFP p. I-A-167 et II-747), les sanctions infligées par la Commission avaient été d’une sévérité moindre. Pour le surplus, la requérante n’avait nullement soutenu que l’AIPN se serait illégalement abstenue d’analyser le cas à la lumière de chacun des critères d’appréciation énumérés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut, ni que l’AIPN aurait incorrectement effectué la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce au regard desdits critères. Il en va tout particulièrement ainsi des arguments invoqués au stade du pourvoi et tirés de l’indépendance de la fonction de comptable, du souci de la requérante quant à la réputation du système comptable de la Commission et quant aux risques financiers qu’il présentait, de la confirmation par la Cour des comptes et par le Parlement des problèmes dénoncés par la requérante, de l’absence d’atteinte à l’intégrité, à la réputation et aux intérêts de la Commission, et de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes tenant à la situation personnelle de la requérante.

98      Le Tribunal de la fonction publique ayant répondu à suffisance de droit aux deux griefs avancés en première instance par la requérante, en rejetant le premier comme non fondé, au point 273 de l’arrêt attaqué, et le second comme inopérant, au point 272 du même arrêt, et la requérante ne remettant pas spécifiquement en cause, dans le cadre du présent pourvoi, la solution légale ainsi donnée au moyen tel que débattu devant le premier juge, le présent moyen du pourvoi doit être considéré comme étant dirigé contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué et, dès lors, rejeté comme inopérant (voir, en ce sens, arrêt Connolly/Commission, précité, point 77).

99      En tout état de cause, les divers éléments et circonstances invoqués dans le cadre du présent pourvoi par la requérante ne permettent pas de considérer que, en confirmant le bien-fondé de la décision de la Commission lui infligeant la sanction disciplinaire de révocation sans réduction de ses droits à pension, le Tribunal de la fonction publique a pris en considération, d’une manière juridiquement incorrecte, les critères énoncés à l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut ou violé le principe de proportionnalité.

100    Ainsi, en premier et deuxième lieux, les arguments tirés de l’indépendance de la fonction de comptable et du souci de la requérante quant à la réputation du système comptable de la Commission et quant aux risques financiers qu’il présentait ont été examinés et rejetés à bon droit par le Tribunal de la fonction publique aux points 239 à 244 ainsi que 269 et 270 de l’arrêt attaqué.

101    C’est, en effet, à bon droit que le Tribunal de la fonction publique s’est référé, au point 239 de l’arrêt attaqué, aux principes, appliqués par le conseil de discipline dans son avis, puis par l’AIPN dans la décision attaquée, selon lesquels l’indépendance attachée à la fonction de comptable de la Commission ne concerne que l’accomplissement des tâches relevant de cette fonction et ne peut exempter ledit comptable de son obligation de respecter les procédures internes de la Commission ainsi que les dispositions statutaires. Il ne saurait donc être fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir confirmé la décision attaquée, en tant que celle-ci était fondée sur une conduite fautive de la requérante consistant, ainsi qu’il ressort des points 239 à 244, 269 et 270 de l’arrêt attaqué, à avoir, en violation de l’article 11 et de l’article 12 de l’ancien statut, tenu, de manière intempestive, cumulative et disproportionnée, des propos mettant nommément en cause d’autres fonctionnaires de l’institution. Quand bien même lesdits propos auraient été en rapport avec les tâches relevant de sa fonction de comptable, pour l’accomplissement desquelles elle jouissait d’une certaine indépendance au sein de la Commission. il n’était pas admissible, dans ce contexte, que la requérante se contente d’affirmations d’ordre général, aussi vagues que péremptoires et non autrement étayées par des éléments de dossier, ni qu’elle s’engage dans une escalade de communications, d’un contenu toujours aussi vague, successivement adressées aux président et vice-présidents de la Commission, aux membres de la Cour des comptes, à certains membres du Parlement et, enfin, au grand public.

102    Le Tribunal relève, par ailleurs, qu’aucun élément du dossier soumis au Tribunal de la fonction publique n’indique que la requérante ait jamais fourni à l’AIPN le moindre élément substantiel de preuve de ses griefs concernant le système comptable de la Commission, ce qui ne pouvait être toléré compte tenu de la gravité des allégations proférées. C’est ainsi, notamment, que la requérante n’a donné aucune suite utile à la note de la commissaire Schreyer du 29 mai 2002 (point 78 de l’arrêt attaqué), lui signifiant qu’elle portait des accusations non étayées et qu’elle était priée de les retirer ou d’en rapporter la preuve dans les 48 heures. Dans son courriel en réponse du 30 mai 2002 (point 79 de l’arrêt attaqué), la requérante a réitéré, en substance, ses accusations, mais a ajouté qu’elle n’était disposée à en fournir les preuves que lors d’une audience publique devant le Parlement ou le Conseil de l’Union. Outre que cette réponse conditionnelle était, en soi, injustifiable au regard des obligations que le statut impose à tout fonctionnaire envers sa hiérarchie, les preuves en question n’ont été présentées ni à ces deux institutions de l’Union ni aux instances de la Commission ayant eu pour mission de diligenter la procédure disciplinaire.

103    En troisième lieu, l’argument tiré de la confirmation ultérieure, par la Cour des comptes et par le Parlement, des problèmes dénoncés par la requérante est inopérant puisque, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a relevé à bon droit dans l’arrêt attaqué, la procédure disciplinaire visait uniquement le comportement de la requérante au regard de ses obligations statutaires, et non le point de savoir si ses critiques concernant la fiabilité du système comptable étaient ou non fondées.

104    En quatrième lieu, l’argument tiré de l’absence d’atteinte à l’intégrité, à la réputation et aux intérêts de la Commission est manifestement non fondé au regard des constatations de fait opérées par le Tribunal de la fonction publique, notamment aux points 268 et 271 de l’arrêt attaqué, qu’il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause dans le cadre du pourvoi.

105    En cinquième lieu, enfin, l’argument tiré de l’absence de prise en compte de certaines autres circonstances atténuantes tenant à la situation personnelle de la requérante ne saurait prospérer dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 270 de l’arrêt attaqué, la requérante n’en avait pas fait état au cours de la procédure disciplinaire ou de première instance.

106    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut ne peut, en tout état de cause, être accueilli.

 Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de légalité des actes de l’Union, d’application dans le temps de ces actes et de sécurité juridique

 Arguments des parties

107    Dans une première branche du moyen, la requérante fait valoir que, en jugeant, au point 171 de l’arrêt attaqué, que les dispositions du nouveau statut n’avaient pas vocation à s’appliquer de façon rétroactive dans le silence du législateur sur les modalités d’une telle application, puis en fondant la totalité de son contrôle de la légalité de la décision attaquée sur les dispositions du nouveau statut, le Tribunal de la fonction publique a fait une application distributive des règles contenues dans l’ancien et dans le nouveau statut, en violation des principes généraux de légalité, d’applicabilité dans le temps des actes de l’Union et de sécurité juridique. Selon elle, le Tribunal de la fonction publique aurait dû conclure à l’applicabilité exclusive des dispositions soit de l’ancien, soit du nouveau statut.

108    Elle insiste, dans sa réplique, sur le fait que les situations juridiques caractérisant la présente espèce sont nées et ont été entièrement constituées sous l’empire de l’ancien statut. Seules les dispositions de l’ancien statut avaient donc, selon elle, vocation à gouverner la procédure disciplinaire et l’analyse des faits qui lui étaient reprochés.

109    À titre d’illustration, elle expose que, dans sa version anglaise, l’article 5, paragraphe 3, de l’annexe II de l’ancien statut permettait au fonctionnaire concerné de récuser plusieurs membres du conseil de discipline (any of its members), tandis que l’article 6, paragraphe 5, de l’annexe IX du nouveau statut ne lui permet plus d’en récuser qu’un seul (one of the Board members).

110    En l’espèce, la requérante aurait sollicité la récusation de plusieurs membres du conseil de discipline, lors de la mise en place de celui-ci en avril 2004, mais ce sont les dispositions du nouveau statut qui, d’après elle, ont été appliquées à son droit de récusation, tant par l’AIPN que par le Tribunal de la fonction publique.

111    Dans une seconde branche du moyen, la requérante fait valoir que, en faisant une mauvaise application dans le temps des dispositions applicables, aux points 172 à 176 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a violé les règles de la procédure disciplinaire, notamment celles relatives à la composition du conseil de discipline.

112    La Commission estime que, bien que subdivisé en deux branches, le moyen vise dans son ensemble à démontrer que le Tribunal de la fonction publique a commis des erreurs de droit en appliquant des dispositions qui soit n’étaient plus en vigueur, soit ne l’étaient pas encore, en violation des principes relatifs à la succession des lois dans le temps.

113    L’articulation des arguments avancés dans le cadre de la première branche du moyen serait à ce point imprécise et confuse qu’elle soulève, selon la Commission, des doutes quant à sa recevabilité. Quant aux arguments avancés dans le cadre de la seconde branche, et dirigés contre les points 172 à 176 de l’arrêt attaqué, ils ne concerneraient pas une question d’applicabilité de la loi dans le temps et seraient, dès lors, soit inopérants, soit irrecevables pour cause d’imprécision.

114    En tout état de cause, le moyen devrait être rejeté dans son ensemble comme non fondé, la Commission renvoyant à cet égard, en substance, aux motifs indiqués par le Tribunal de la fonction publique aux points 153 à 178 de l’arrêt attaqué, notamment pour ce qui concerne les règles applicables à la composition du conseil de discipline.

 Appréciation du Tribunal

115    C’est à juste titre que la Commission relève le caractère confus et contradictoire de l’argumentation de la requérante.

116    D’une part, en effet, celle-ci fait grief au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir appliqué les dispositions de l’ancien statut, qui d’après elle avaient seules vocation à gouverner la procédure disciplinaire et l’analyse des faits qui lui étaient reprochés, alors que, dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens de première instance, la requérante avait au contraire soutenu que le conseil de discipline avait, à tort, fait application des dispositions de l’ancien statut (voir point 18 ci-dessus).

117    D’autre part, la requérante fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir, en réponse à ces mêmes moyens, fondé la totalité de son contrôle de la légalité de la décision attaquée sur les dispositions du nouveau statut, alors que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 20 à 28 ci-dessus, celui-ci a, au contraire, exercé l’essentiel de ce contrôle au regard des dispositions pertinentes de l’ancien statut, pour ce qui concerne la constitution et la composition du conseil de discipline.

118    En tout état de cause, la requérante n’a pas fait état d’éléments susceptibles de permettre d’identifier des erreurs de droit dont serait entaché le raisonnement, résumé aux points 19 à 28 ci-dessus, par lequel le Tribunal de la fonction publique a justifié l’application des dispositions soit de l’ancien, soit du nouveau statut, aux points 153 à 178 de l’arrêt attaqué. Dans ces conditions, le deuxième moyen du recours, considéré en chacune de ses deux branches, ne saurait en aucun cas être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 11, 12, 17 et 21 de l’ancien statut

 Arguments des parties

119    Par une première branche du moyen, la requérante soutient que, contrairement à la conclusion énoncée par le Tribunal de la fonction publique au point 256 de l’arrêt attaqué, il ressort des trois premiers moyens que tant l’AIPN que le Tribunal de la fonction publique ont commis des erreurs manifestes d’appréciation des faits qui leur ont été soumis.

120    Par une seconde branche du moyen, la requérante soutient que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait arriver à la conclusion que, par ses actes et son attitude, elle avait violé les articles 11, 12, 17 et 21 de l’ancien statut, après avoir expressément reconnu, d’une part, au point 215 de l’arrêt attaqué, qu’il ne lui avait pas été reproché d’avoir exprimé des préoccupations au sujet du système comptable de l’institution, et, d’autre part, au point 269 de l’arrêt attaqué, que ses agissements pouvaient en partie traduire son souci légitime quant à la réputation du système comptable de l’institution et aux risques financiers qu’il présentait.

121    Sur la base de ces constatations et considérations, le Tribunal de la fonction publique aurait dû, selon elle, arriver à la conclusion qu’il n’avait jamais été dans son intention de porter atteinte à la considération ou à la réputation de quiconque ni à la dignité de sa fonction, mais bien de sauvegarder l’intérêt des Communautés, conformément à l’article 11 de l’ancien statut, et d’assurer dignement l’exécution des fonctions qui lui avaient été confiées, conformément à l’article 12 dudit statut.

122    Il serait, par ailleurs, erroné d’avoir considéré que la requérante avait violé l’article 17 de l’ancien statut, alors qu’il ressortirait des trois premiers moyens que les informations qu’elle avait transmises n’étaient pas soumises à une obligation de non-divulgation, dès lors qu’elle exerçait sa fonction de comptable en toute indépendance. Dans ces conditions, la référence à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 1999, Connolly/Commission (T-34/96 et T-163/96, RecFP p. I-A-87 et II-463), contenue au point 233 de l’arrêt attaqué, serait dénuée de pertinence.

123    La même conclusion s’imposerait en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 21 de l’ancien statut, dans la mesure où la requérante n’aurait été tenue directement envers aucun supérieur dans l’exercice de ses fonctions de comptable. En tout état de cause, elle aurait œuvré dans le but d’assister et de conseiller ses supérieurs les plus impliqués dans la gestion des problèmes qu’elle avait constatés.

124    La Commission soutient, à titre principal, que le quatrième moyen est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’il est dénué de tout fondement.

 Appréciation du Tribunal

125    S’agissant de la première branche du moyen, il suffit, pour la rejeter, de constater qu’aucune dénaturation des faits par le Tribunal de la fonction publique ne ressort de l’examen des trois premiers moyens du présent pourvoi.

126    S’agissant de la seconde branche du moyen, il convient de rappeler que, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le premier juge, les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être discutés au cours d’un pourvoi (arrêt de la Cour du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C-210/98 P, Rec. p. I-5843, point 43). En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le juge de première instance, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt de la Cour du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C-41/00 P, Rec. p. I-2125, point 17).

127    Cependant, selon une jurisprudence constante, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir ordonnance de la Cour du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C-488/01 P, Rec. p. I-13355, point 40, et la jurisprudence citée).

128    Or, en l’espèce, force est de constater que, sous couvert de la critique d’une prétendue contradiction dans le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, la requérante n’identifie aucune erreur de droit ou irrégularité de procédure prétendument commise par celui-ci, mais se borne à répéter les griefs avancés par elle en première instance. De surcroît, ces griefs reposent sur la prémisse selon laquelle les constatations et appréciations de fait opérées par le Tribunal de la fonction publique sont erronées. Or, ces constatations et appréciations, qui ont amené le Tribunal de la fonction publique à rejeter lesdits griefs, relèvent de la compétence de cette juridiction, sauf allégation d’une dénaturation des éléments de preuve qui n’a pas été avancée en l’espèce. Dans ces conditions, il convient de rejeter la seconde branche du quatrième moyen comme étant irrecevable.

129    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des articles 6 et 13 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union

 Arguments des parties

130    La requérante rappelle qu’elle a critiqué la décision attaquée, au cours de la procédure de première instance, notamment en ce qu’elle aurait été prise à l’issue d’une procédure disciplinaire non conforme aux principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et aux articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union. Elle aurait considéré, en particulier, que le respect des droits fondamentaux énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH doit être assuré à l’occasion de toute procédure mettant en cause des droits civils, en ce compris les procédures disciplinaires.

131    Elle rappelle ensuite que le Tribunal de la fonction publique a répondu à cette argumentation, au point 127 de l’arrêt attaqué, en soulignant que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la prise de décision initiale concernant des contestations sur des droits ou obligations de caractère civil n’est pas obligatoirement soumise aux exigences posées par ladite disposition. Il suffirait, selon cette jurisprudence, qu’une telle décision puisse faire l’objet d’un contrôle, par la voie d’un recours, devant un tribunal remplissant les conditions de ladite disposition.

132    Il s’ensuit, selon la requérante, que le recours ainsi envisagé par ladite jurisprudence ne peut être qu’un « recours effectif », en pratique comme en droit, au sens de l’article 13 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union. Elle invoque, en ce sens, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, du 26 avril 2007 (CEDH 2007-5).

133    Or, selon la jurisprudence de l’Union, dans le cadre des recours en annulation devant le Tribunal de la fonction publique, l’examen du juge se trouverait limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée.

134    La requérante déduit de ce qui précède, d’une part, que les droits qu’elle tire de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH n’ont pas été respectés au cours de la procédure disciplinaire et, d’autre part, que le recours qu’elle a pu exercer contre la décision attaquée, devant le Tribunal de la fonction publique, ne pouvait pas être considéré comme « effectif », au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’ensuit, selon elle, que tant le conseil de discipline que le Tribunal de la fonction publique ont violé l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH.

135    La requérante ajoute, dans sa réplique, que pour que son recours devant le Tribunal de la fonction publique puisse être considéré comme « effectif », au sens de l’article 13 de la CEDH, il aurait fallu que celui-ci exerce un contrôle effectif et complet sur la procédure disciplinaire ainsi que sur la motivation de la décision attaquée, au regard des griefs allégués par elle d’irrégularités procédurales, de dénaturation des faits et de partialité de l’AIPN.

136    À titre principal, la Commission fait valoir que l’argumentation développée par la requérante dans le cadre du présent moyen est nouvelle et, partant, irrecevable, la requérante n’ayant jamais évoqué l’article 13 de la CEDH devant le Tribunal de la fonction publique et son argumentation ayant été fondée exclusivement sur l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH à la procédure disciplinaire elle-même. Elle renvoie, à cet égard, au point 127 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal de la fonction publique a relevé que, en l’espèce, la requérante n’avait pas soutenu que le recours devant le Tribunal de la fonction publique ne constituait pas l’exercice d’un droit à un tribunal indépendant et impartial. Plus spécifiquement, dans sa requête de première instance, la requérante aurait soutenu que la Commission était une « véritable juridiction », soumise aux exigences de la CEDH lorsqu’elle statue en matière disciplinaire, que la Cour européenne des droits de l’homme avait jugé contraire à l’article 6 de la CEDH une procédure disciplinaire menée par un ordre des médecins, que les membres de la Commission à l’origine de la procédure la concernant avaient également pris part à la décision de révocation, alors qu’une autorité ne saurait être juge et partie dans la même procédure, et que la composition et le fonctionnement du conseil de discipline ne garantissaient pas une indépendance suffisante de cette instance. La Commission souligne, par ailleurs, qu’elle a exposé dans sa défense de première instance les considérations qui ont ensuite été reprises par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, mais que la requérante s’est abstenue de faire valoir, dans sa réplique de première instance, que le contrôle exercé par le juge de l’Union sur la procédure disciplinaire administrative ne répondait pas aux exigences de l’article 13 de la CEDH. Quant à la charte des droits fondamentaux de l’Union, la Commission relève qu’elle est mentionnée dans le titre du cinquième moyen, mais nulle part dans l’exposé de celui-ci. Enfin, la requérante n’identifierait pas clairement les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend critiquer.

137    Subsidiairement, quant au fond, la Commission estime que la requérante se limite à des affirmations de principe, sans parvenir à démontrer que le contrôle exercé par le juge de l’Union ne répond pas à l’exigence d’effectivité posée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité du moyen

138    Les fins de non-recevoir soulevées par la Commission doivent être rejetées dès lors que, premièrement, la prétendue violation de l’article 13 de la CEDH est invoquée non pas en tant que nouveau moyen de fond — non invoqué devant le Tribunal de la fonction publique — dirigé contre la décision attaquée, mais en tant que moyen de cassation directement dirigé contre l’arrêt attaqué en ce qu’il répond au moyen de première instance. En d’autres termes, il ne saurait être fait grief à la requérante d’invoquer, pour la première fois devant le Tribunal, une violation de l’article 13 de la CEDH qui, selon elle, résulte non pas de la décision attaquée, mais directement du contrôle limité exercé sur cette décision par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué.

139    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la Commission, les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union sont invoqués non seulement dans le titre du cinquième moyen, mais aussi dans l’exposé de celui-ci, tel qu’il figure dans le pourvoi.

140    Troisièmement, le Tribunal considère que la requérante a identifié avec suffisamment de précision, dans ses écritures, les éléments de l’arrêt attaqué qu’elle entend critiquer dans le cadre de son pourvoi.

–       Sur le fond du moyen

141    Selon la jurisprudence de la Cour, en tant que principe général du droit de l’Union, le droit consacré par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission (voir arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland/Commission, C-385/07 P, Rec. p. I-6155, point 178, et la jurisprudence citée).

142    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH, ce principe ayant d’ailleurs été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union (voir arrêts de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351, point 335, et Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland/Commission, précité, point 179, et la jurisprudence citée).

143    Le Tribunal constate cependant que l’argumentation développée par la requérante dans le cadre du présent pourvoi ne révèle aucune violation de ce principe dans les circonstances de l’espèce, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui a précisé les conditions dans lesquelles une procédure disciplinaire peut être considérée comme satisfaisant aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir Cour eur. D.H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, précité, § 51 ; arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, § 29 ; arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A no 325-A, § 34, et la jurisprudence citée ; arrêt Kingsley c. Royaume-Uni [GC], no 35605/97, du 28 mai 2002, CEDH 2002-IV, § 32 à 34, et arrêt Mérigaud c. France, no 32976/04, du 24 septembre 2009, § 67 à 69, et la jurisprudence citée).

144    En l’espèce, en effet, la requérante concentre toute son argumentation sur la nature du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal de la fonction publique dans le cadre d’un recours en annulation au titre de l’article 236 CE. En raison du contrôle limité que le juge de l’Union exerce, notamment, sur les décisions de révocation dans le contentieux de la fonction publique, ce recours n’est pas, selon elle, « adéquat » et « effectif », au sens de l’article 13 de la CEDH, tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, et n’est pas conforme aux articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union. Il ne permet donc pas de remédier aux insuffisances et défaillances de l’instance et de la procédure disciplinaires au regard des exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Il en résulte, d’après elle, une violation de l’ensemble de ces dispositions.

145    Or, cette argumentation manque en droit dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, le contrôle juridictionnel opéré par le juge communautaire (devenu juge de l’Union) dans le cadre d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE (devenu article 263 TFUE) ou au titre de l’article 236 CE (devenu article 270 TFUE), permet bien d’exercer un recours adéquat et effectif devant un tribunal indépendant et impartial, au sens l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de sorte qu’il permet en l’espèce de remédier en tout état de cause aux insuffisances et défaillances alléguées s’agissant de la procédure ayant précédé la saisine du Tribunal de la fonction publique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T-351/03, Rec. p. II-2237, point 184).

146    En particulier, et à la différence, notamment, du pourvoi en cassation devant la Cour de cassation belge, qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, précité, du pourvoi en cassation devant le Conseil d’État français, qui était en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de cette même Cour Diennet. c. France, précité, et Mérigaud c. France, précité, ainsi que de la procédure de contrôle juridictionnel devant la High Court (England & Wales) qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kingsley c. Royaume-Uni, précité, le recours en annulation devant le Tribunal de la fonction publique permet à celui-ci de corriger tant les erreurs de fait que les erreurs de droit et de contrôler la proportionnalité entre la faute reprochée et la sanction contestée.

147    En l’occurrence, il ressort des termes mêmes de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a fait porter son contrôle juridictionnel, au regard des moyens avancés par la requérante, sur « la légalité du déroulement de la procédure disciplinaire ainsi que la réalité, la portée et la gravité des faits retenus par l’AIPN aux fins de la sanction disciplinaire attaquée » (point 111 de l’arrêt attaqué) ou, selon une autre formule, sur la « vérification de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits » (point 220 de l’arrêt attaqué). Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen du présent pourvoi, le Tribunal de la fonction publique a également dûment contrôlé, au regard des arguments avancés par la requérante, le caractère proportionné de la sanction disciplinaire infligée. Un tel contrôle juridictionnel est entièrement conforme à celui défini par une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal et répond aux exigences de la CEDH.

148    Pour le surplus, la requérante n’a développé aucune autre argumentation, dans le cadre du présent pourvoi, au soutien de son allégation de violation des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union. Cette allégation ne peut donc qu’être rejetée.

149    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen du pourvoi comme non fondé.

150    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

151    Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

152    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

153    La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, la requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme Marta Andreasen supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Forwood

Martins Ribeiro

Czúcz

 

       Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et arrêt attaqué

Procédure devant le Tribunal

Sur le pourvoi

Sur le troisième moyen, tiré de la dénaturation des éléments soumis au Tribunal de la fonction publique

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du nouveau statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de légalité des actes de l’Union, d’application dans le temps de ces actes et de sécurité juridique

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 11, 12, 17 et 21 de l’ancien statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des articles 6 et 13 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la recevabilité du moyen

– Sur le fond du moyen

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.