ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
6 mai 2009


Affaire T-12/08 P


M

contre

Agence européenne des médicaments (EMEA)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Invalidité – Demande de réexamen d’une décision de rejet d’une première demande visant à la convocation de la commission d’invalidité – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Acte confirmatif – Faits nouveaux et substantiels – Recevabilité – Responsabilité non contractuelle – Préjudice moral »

Objet : Pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 19 octobre 2007, M/EMEA (F‑23/07, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance.

Décision : L’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 19 octobre 2007, M/EMEA (F‑23/07, non encore publiée au Recueil), est annulée. La décision de l’Agence européenne des médicaments (EMEA) du 25 octobre 2006 est annulée, en ce qu’elle a rejeté la demande de M. M, du 8 août 2006, tendant à saisir la commission d’invalidité de son cas. L’EMEA est condamnée au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au requérant. Le recours est rejeté pour le surplus. L’EMEA est condamnée aux dépens de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique ainsi que de la présente instance.


Sommaire


Fonctionnaires – Invalidité – Agents temporaires – Demande de réexamen d’une décision refusant l’ouverture de la procédure d’invalidité – Prolongation non négligeable du congé de maladie de l’intéressé après le rejet de sa première demande – Fait nouveau justifiant le réexamen et l’ouverture de la procédure

(Régime applicable aux autres agents, art. 33)


En cas d’introduction, par un agent temporaire, d’une demande de réexamen d’une décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement ayant rejeté une première demande dudit agent tendant à saisir la commission d’invalidité, ladite autorité doit procéder au réexamen de cette décision, si la nouvelle demande est fondée sur des faits nouveaux et substantiels, et doit accéder à cette demande si, à la lumière desdits faits, il est désormais impossible d’exclure, sur la base d’éléments objectifs et non contestés en possession de cette autorité, que les conditions de fond de l’article 33 du régime applicable aux autres agents soient réunies.

L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement est tenue de procéder à un tel réexamen non seulement dans l’hypothèse où l’état de santé de l’agent temporaire concerné est différent de celui dont elle avait connaissance lors de l’adoption de la décision visée par la demande de réexamen ou dans celle où l’incapacité de travail dudit agent ressort d’une pathologie différente de celle constatée et prise en considération dans cette même décision. En effet, il ne saurait être exclu que certaines circonstances nouvelles soient susceptibles, même si elles ne démontrent pas un état de santé différent de l’agent temporaire concerné, de modifier substantiellement les conditions ayant régi la décision antérieure portant refus de saisir la commission d’invalidité et, partant, d’être qualifiées de faits nouveaux et substantiels exigeant le réexamen de ladite décision.

Constitue un tel fait, notamment, la prolongation du congé de maladie de l’intéressé pendant une période non négligeable après le rejet de sa première demande de saisine de la commission d’invalidité, quand bien même ce nouveau congé serait justifié par la même pathologie que celle prise en considération lors du rejet de la première demande. En effet, s’il est, certes, envisageable que l’institution concernée puisse conclure qu’une absence d’un agent temporaire de son poste de travail pour cause de maladie ne justifie pas la saisine de la commission d’invalidité lorsque ladite institution dispose d’éléments objectifs et non contestés démontrant que l’agent en cause sera, dans un avenir assez proche, en mesure d’exercer de nouveau ses fonctions, il n’en reste pas moins qu’une prolongation pendant une période non négligeable de l’absence pour maladie de cette personne constitue, incontestablement, un indice sérieux susceptible de faire naître un doute sur ses perspectives de reprise de ses fonctions et de remettre ainsi en cause le bien‑fondé du refus initial de saisir la commission d’invalidité de son cas.

(voir points 59 et 63 à 66)




ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

6 mai 2009 (*)

« Pourvoi − Fonction publique − Agents temporaires − Invalidité − Demande de réexamen d’une décision de rejet d’une première demande visant à la convocation de la commission d’invalidité – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Acte confirmatif – Faits nouveaux et substantiels – Recevabilité – Responsabilité non contractuelle – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑12/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 19 octobre 2007, M/EMEA (F‑23/07, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

M, ancien agent temporaire de l’Agence européenne des médicaments, demeurant à Londres (Royaume‑Uni), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Agence européenne des médicaments (EMEA), représentée par M. V. Salvatore et Mme N. Rampal Olmedo, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Vilaras (rapporteur), N. J. Forwood, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. M, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 19 octobre 2007, M/EMEA (F‑23/07, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci, en application de l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, applicable mutatis mutandis au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique (JO L 333, p. 7), a rejeté comme irrecevable le recours du requérant, ayant pour objet, d’une part, un recours en annulation et, d’autre part, un recours en responsabilité non contractuelle.

 Cadre juridique

2        L’article 9, paragraphe 1, sous b), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut ») prévoit l’institution, pour les Communautés, d’une commission d’invalidité, qui exerce les attributions prévues au statut.

3        L’article 59, paragraphes 1 et 4, du statut énonce :

« 1.      Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

         […]

4.      L’autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans. »

4        En vertu de l’article 16, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents des Communautés (ci‑après le « RAA »), l’article 59 du statut, est applicable par analogie aux agents temporaires. Toutefois, selon le deuxième alinéa du même article, « le congé de maladie avec rémunération prévu à l’article 59 du statut ne dépasse pas trois mois ou la durée des services accomplis par l’agent lorsque celle-ci est plus longue. Ce congé ne peut se prolonger au-delà de la durée du contrat de l’intéressé ».

5        Les articles 31, 33 et 47 du RAA sont ainsi libellés :

« Article 31

L’agent temporaire est couvert, dans les conditions prévues ci-dessous, contre les risques de décès et d’invalidité pouvant survenir pendant la durée de son engagement.

Les prestations et garanties prévues à la présente section sont suspendues si les effets pécuniaires de l’engagement de l’agent se trouvent temporairement suspendus en vertu des dispositions du présent régime.

Article 33

1.      L’agent atteint d’une invalidité considérée comme totale et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service auprès de l’institution, bénéficie, aussi longtemps que dure cette invalidité, d’une allocation d’invalidité dont le montant est établi comme suit.

         […]

2.      L’état d’invalidité est déterminé par la commission d’invalidité prévue à l’article 9 du statut.

3.      L’institution visée à l’article 40 de l’annexe VIII du statut peut faire examiner périodiquement le titulaire d’une allocation d’invalidité en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette allocation. Si la commission d’invalidité constate que ces conditions ne sont plus remplies, l’agent reprend son service dans l’institution, pour autant que son contrat ne soit pas expiré.

Toutefois, s’il s’avère impossible de reprendre l’intéressé au service des Communautés, son contrat peut être résilié moyennant une indemnité d’un montant correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue pendant son préavis et, le cas échéant, à l’indemnité de résiliation du contrat prévue à l’article 47. Il bénéficie également de l’application de l’article 39. 

Article 47

Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

a)      à la fin du mois au cours duquel l’agent atteint l’âge de 65 ans, ou

b)      pour les contrats à durée déterminée :

i)      à la date fixée dans le contrat ;

ii)      à l’issue du préavis fixé dans le contrat et donnant à l’agent ou à l’institution la faculté de résilier celui-ci avant son échéance. Le préavis ne peut être inférieur à un mois par année de service, avec un minimum d’un mois et un maximum de trois mois. Pour l’agent temporaire dont l’engagement a été renouvelé, le maximum est de six mois. Toutefois, le préavis ne peut commencer à courir pendant la durée du congé de maternité ou d’un congé de maladie, pour autant que ce dernier ne dépasse pas une période de trois mois. Il est d’autre part suspendu dans la limite visée ci-dessus pendant la durée de ces congés. En cas de résiliation du contrat par l’institution, l’agent a droit à une indemnité égale au tiers de son traitement de base pour la période comprise entre la date de cessation de ses fonctions et la date à laquelle expirait son contrat ;

[…]

c)      pour les contrats à durée indéterminée :

i)      à l’issue du préavis prévu dans le contrat, le préavis ne pouvant être inférieur à un mois par année de service accompli avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. Toutefois, le préavis ne peut commencer à courir pendant la durée du congé de maternité ou d’un congé de maladie, pour autant que ce dernier ne dépasse pas une période de trois mois. Il est d’autre part suspendu dans la limite visée ci-dessus pendant la durée de ces congés ;

[…] »

 Faits et procédure en première instance

6        Les antécédents du litige et le déroulement de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique, tels qu’ils ressortent de l’ordonnance attaquée (points 8 à 26), sont les suivants :

« 8      Le requérant est entré au service de l’[Agence européenne des médicaments (EMEA)] en qualité d’agent temporaire de grade C 5 le 16 octobre 1996. Son contrat, conclu pour cinq ans, a été renouvelé pour une même durée le 16 octobre 2001.

9      Le 17 mars 2005, le requérant a été victime d’un accident de travail. Depuis lors, il est placé en congé de maladie.

10      Par courrier du 14 février 2006, le directeur exécutif de l’[EMEA] a informé le requérant que son contrat ne serait pas renouvelé au-delà de sa date d’expiration, soit le 15 octobre 2006.

11      Par courrier du 17 février 2006, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision et a demandé la constitution d’une commission d’invalidité.

12      Par lettre du 31 mars 2006, le directeur exécutif de l’[EMEA] a rejeté cette réclamation. Il a également, par la même lettre, refusé de constituer une commission d’invalidité.

13      Le 3 juillet 2006, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de ce refus.

14      Par lettre du 25 octobre 2006 […], reçue le 31 octobre suivant par le conseil du requérant, le directeur exécutif de l’[EMEA] a rejeté ladite réclamation au motif, notamment, qu’elle avait été transmise après le délai prévu à cet effet par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

15      Par ailleurs, le 8 août 2006, le requérant avait introduit une nouvelle demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à la constitution d’une commission d’invalidité. À cette demande était joint un rapport du docteur W., établi le 31 juillet 2006, concluant que le requérant était dans l’incapacité de travailler.

16      Par courrier du 21 novembre 2006, le requérant a demandé au directeur exécutif de l’[EMEA] de préciser si la lettre de ce dernier en date du 25 octobre 2006, confirmant sa décision de ne pas saisir la commission d’invalidité, constituait un rejet de la demande du 8 août 2006.

17      Par lettre du 29 novembre 2006, le chef du service juridique de l’[EMEA] a répondu au requérant que le directeur exécutif de l’[EMEA] avait dûment considéré, dans sa décision du 25 octobre 2006, que la demande du 8 août 2006 n’était pas une nouvelle demande au sens de l’article 59, paragraphe 4, du statut et qu’elle devait donc être rejetée, pour les raisons mentionnées dans ladite décision.

18      Par lettre du 25 janvier 2007, le requérant a présenté une deuxième réclamation, dans laquelle il a sollicité le retrait de la décision du 25 octobre 2006, en tant qu’elle rejetait sa demande du 8 août 2006. Dans cette réclamation, le requérant a attiré l’attention du directeur exécutif de l’[EMEA] sur la portée de l’arrêt du 16 janvier 2007, Gesner/OHMI (F‑119/05, non encore publié au Recueil), par lequel le Tribunal [de la fonction publique] a considéré que les agents temporaires avaient droit à la couverture du risque d’invalidité et que l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] ne pouvait légalement se fonder sur la condition de durée de congé de maladie énoncée à l’article 59, paragraphe 4, du statut, pour refuser de convoquer une commission d’invalidité.

19      Par courrier du 26 janvier 2007, le requérant a adressé à l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] une demande tendant à l’indemnisation des préjudices matériels et moraux qu’il aurait subis.

20      Par lettre du 31 janvier 2007 […], le directeur exécutif de l’[EMEA] a rejeté la réclamation du 25 janvier 2007 et la demande d’indemnisation du 26 janvier suivant, au motif, notamment, que la procédure au titre de l’article 90 du statut avait été clôturée le 25 octobre 2006, par la décision de rejet de la première réclamation. 

21      Par requête parvenue au greffe le 7 février 2007 par télécopie, le dépôt de l’original étant intervenu le 16 février suivant, enregistrée sous le numéro F‑13/07, le requérant a demandé au Tribunal [de la fonction publique] l’annulation de la décision du 31 mars 2006 par laquelle l’[EMEA] avait rejeté sa demande tendant à la constitution d’une commission d’invalidité ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision du 25 octobre 2006. Ce recours a été rejeté par le Tribunal [de la fonction publique] comme manifestement irrecevable pour tardiveté de la réclamation préalable par ordonnance du 20 avril 2007, L/EMEA (F‑13/07, non encore publiée au Recueil).

22      Par lettre du 12 février 2007, le requérant a introduit une troisième réclamation, dirigée cette fois contre la décision du 31 janvier 2007.

23      Par courrier du 19 février 2007, le directeur exécutif de l’[EMEA] a rejeté cette nouvelle réclamation pour les mêmes raisons que celles exposées dans la décision du 31 janvier 2007.

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal [de la fonction publique] :

–        annuler la décision du 25 octobre 2006 ;

–        annuler la décision du 31 janvier 2007, en tant qu’elle rejette la demande d’indemnisation du préjudice subi ;

–        condamner l’[EMEA] à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour fautes de service ;

–        condamner l’[EMEA] aux dépens.

25      Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal [de la fonction publique] le 14 juin 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 juin suivant), l’[EMEA] a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal […], applicable mutatis mutandis au Tribunal [de la fonction publique], en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752 […], jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

26      Par acte parvenu au greffe du Tribunal [de la fonction publique] le 6 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 13 juillet suivant), le requérant a fait part de ses observations sur cette exception d’irrecevabilité. »

 Sur l’ordonnance attaquée

7        Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, examiné la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la lettre du directeur exécutif de l’Agence européenne des médicaments (EMEA) du 25 octobre 2006 (ci-après la « décision du 25 octobre 2006 »).

8        À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a estimé, d’une part, que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006, en tant que celle-ci rejette la réclamation du requérant, du 3 juillet 2006, contre la décision contenue dans la lettre de l’EMEA du 31 mars 2006 (ci-après la « décision du 31 mars 2006 »), étaient irrecevables, au motif que le recours par lequel le requérant avait conclu à l’annulation de ces décisions avait été déclaré manifestement irrecevable dans l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 20 avril 2007, L/EMEA (F‑13/07, non encore publiée au Recueil), en raison de la tardivité de ladite réclamation (points 32 à 34 de l’ordonnance attaquée).

9        D’autre part, le Tribunal de la fonction publique a également considéré, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que les conclusions dirigées contre la décision du 25 octobre 2006, en tant que celle-ci constitue le rejet de la demande du requérant, du 8 août 2006, tendant à nouveau à la constitution d’une commission d’invalidité, n’étaient pas davantage recevables, pour les motifs exposés aux points 36 à 40 de cette ordonnance, reproduits ci‑après :

« 36      En effet, la décision du 25 octobre 2006, en tant qu’elle rejette la demande du requérant du 8 août 2006, est purement confirmative de la décision du 31 mars 2006 par laquelle l’[EMEA] a, une première fois, refusé de constituer une commission d’invalidité.

37      D’abord, la décision du 25 octobre 2006, comme celle du 31 mars 2006, rejette une demande du requérant tendant à la constitution d’une commission d’invalidité. Ces deux décisions ont donc le même objet.

38      Ensuite, la décision du 25 octobre 2006 est fondée sur le même motif de refus que celui opposé au requérant dans la décision du 31 mars 2006, tiré de l’article 59, paragraphe 4, du statut. Ces deux décisions sont donc fondées sur la même cause juridique (voir en ce sens, a contrario, arrêt du Tribunal […] du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T‑130/96, RecFP p. I‑A‑351 et II‑1017, points 34 et 35).

39      Par ailleurs, la décision du 25 octobre 2006 se présente clairement comme une décision confirmative. Elle contient l’indication selon laquelle le requérant n’a pas respecté les délais statutaires auxquels la contestation d’une décision est subordonnée, ce qui constitue un premier indice du refus de l’administration de procéder à un réexamen effectif du dossier du requérant. Elle se termine par la mention : ‘je confirme ma décision du 31 mars 2006 de ne pas saisir la commission d’invalidité dans le cas de [M]’.

40      Enfin, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que l’état de santé du requérant, au vu duquel l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] s’est prononcée, le 25 octobre 2006, aurait été différent de celui dont l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] avait connaissance le 31 mars 2006. À cette dernière date, l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] était saisie d’une réclamation du requérant, datée du 17 février 2006, dans laquelle celui-ci soulignait qu’il était dans l’incapacité d’exercer ses fonctions et placé en congé de maladie depuis l’accident dont il avait été victime, le 17 mars 2005, accident qui lui avait laissé d’importantes séquelles. Le 25 octobre 2006, l’[autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement] a été destinataire d’une pièce médicale complémentaire de celles qu’elle avait déjà reçues consécutivement audit accident, à savoir le rapport du docteur W., daté du 31 juillet 2006, duquel il ressortait le même constat d’incapacité de travail, au titre du même accident. Mais la circonstance que ce rapport constitue une pièce nouvelle, qui n’était pas disponible à la date de la décision du 31 mars 2006, n’est pas de nature à donner le caractère d’une décision nouvelle à la décision du 25 octobre 2006. En effet, une décision par laquelle l’administration se borne à réitérer sa prise de position initiale, même prise au vu d’éléments médicaux complémentaires, constitue un acte purement confirmatif, non une décision nouvelle ayant pour effet de rouvrir le délai de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 mai 1987, Gherardi Dandolo/Commission, 214/85, Rec. p. 2163, points 15 à 17). »

10      Eu égard à ces considérations, le Tribunal de la fonction publique a conclu, au point 43 de l’ordonnance attaquée, que les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 25 octobre 2006 étaient irrecevables.

11      Le Tribunal de la fonction publique a ensuite rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l’annulation de la lettre du 31 janvier 2007 (ci-après la « décision du 31 janvier 2007 ») et à l’octroi d’une indemnité, pour les motifs évoqués aux points 44 à 47 de l’ordonnance attaquée, reproduits ci‑après :

« 44      Il ressort des termes de la lettre du 26 janvier 2007 que le requérant sollicite la réparation des conséquences dommageables que le refus de constitution d’une commission d’invalidité lui aurait fait subir. Dans cette lettre, le dédommagement sollicité est présenté comme lié à l’illégalité dont la décision qui fait grief au requérant, en date du 31 mars 2006, serait entachée.

45      Or, en vertu d’une jurisprudence constante, une demande en indemnité n’est pas recevable lorsque le fonctionnaire cherche ainsi à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation qu’il a omis d’intenter en temps utile (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 32). Un fonctionnaire qui a omis d’introduire, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation contre un acte lui faisant prétendument grief ne saurait, par le biais d’une demande d’indemnisation du préjudice causé par cet acte, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours (arrêt du Tribunal […] du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 46 ; ordonnance du Tribunal […] du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, RecFP p. I‑A‑171 et II‑771, point 48).

46      Dès lors, les conclusions dirigées contre la décision du 31 janvier 2007, par laquelle la demande en indemnité du requérant a été rejetée, sont irrecevables.

47      Quant aux conclusions tendant à l’octroi d’une indemnité, elles sont étroitement liées aux conclusions en annulation examinées ci-dessus et ne peuvent donc qu’être rejetées, elles aussi, comme irrecevables (voir, par exemple, arrêts du Tribunal […] du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T‑207/95, RecFP p. I‑A‑13 et II‑31, point 88, et du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1117, point 43). »

12      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal de la fonction publique a conclu, au point 48 de l’ordonnance attaquée, que le recours devait être rejeté dans son intégralité comme étant irrecevable.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2008, le requérant a formé le présent pourvoi.

14      L’EMEA a présenté son mémoire en réponse le 8 avril 2008.

15      Par lettre du 27 mai 2008, le requérant a présenté une demande motivée, au titre de l’article 146 du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à cette demande et a ouvert la procédure orale.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 23 janvier 2009.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        annuler la décision de l’EMEA du 25 octobre 2006, en tant qu’elle rejette la demande du 8 août 2006 tendant à la convocation de la commission d’invalidité ainsi que la décision de l’EMEA rejetant la demande d’indemnisation du préjudice subi présentée par le requérant ;

–        condamner l’EMEA aux dépens des deux instances.

19      L’EMEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme manifestement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Arguments des parties

20      Le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation du droit communautaire par le Tribunal de la fonction publique.

21      En premier lieu, le requérant relève que son recours ne visait la décision du 25 octobre 2006 qu’en tant que celle‑ci a rejeté sa demande du 8 août 2006, tendant à la convocation de la commission d’invalidité. Il n’aurait donc pas saisi le Tribunal de la fonction publique de la décision du 25 octobre 2006 en tant qu’elle a rejeté sa réclamation, introduite le 3 juillet 2006. Dès lors, le Tribunal de la fonction publique aurait statué ultra petita en déclarant irrecevable le chef de conclusions en annulation du requérant prétendument dirigé contre le rejet, par la décision du 25 octobre 2006, de la réclamation du 3 juillet 2006.

22      En deuxième lieu, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit, en jugeant que la décision du directeur exécutif de l’EMEA du 31 mars 2006, d’une part, et sa décision du 25 octobre 2006 en ce qu’elle a rejeté la demande du requérant du 8 août 2006, d’autre part, avaient le même objet et étaient fondées sur la même cause juridique.

23      Selon le requérant, la décision du 31 mars 2006 était fondée sur l’article 59, paragraphe 4, du statut. Faisant usage du pouvoir d’appréciation discrétionnaire que lui reconnaîtrait cette dernière disposition, l’EMEA aurait estimé, en tenant également compte des perspectives de reprise du travail du requérant dans un délai raisonnable, qu’il n’était pas dans l’intérêt du service de saisir la commission d’invalidité du cas du requérant, dans le cadre du contrôle de ses congés de maladie, et ce malgré le fait que ses absences cumulées auraient dépassé les 12 mois.

24      En revanche, la demande du requérant du 8 août 2006 aurait été introduite sur le fondement des articles 31 et 33 du RAA. Par conséquent, la décision du 25 octobre 2006 constituerait, en ce qu’elle a rejeté cette seconde demande, une décision autonome et non un simple acte confirmatif de la décision du 31 mars 2006. La lettre du chef du service juridique de l’EMEA, du 29 novembre 2006, mentionnée au point 17 de l’ordonnance attaquée, confirmerait cette interprétation.

25      À cet égard, le requérant fait valoir que les articles 31 et 33 du RAA constituent l’expression du droit des agents des Communautés à la protection contre les risques de décès et d’invalidité résultant, notamment, d’accidents survenus sur les lieux de travail. Ce droit découlerait de l’article 12 de la charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961 et du point 10 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, mentionnées à l’article 136 CE, ainsi que de l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1).

26      Compte tenu de ces considérations, du libellé de l’article 33 du RAA ainsi que de la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 16 janvier 2007, Gesner/OHMI, F‑119/05, non encore publié au Recueil, points 29 et 30), le requérant estime que, en présence d’une demande de saisine de la commission d’invalidité présentée par un de ses agents, qui a été tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions en raison de son état de santé, l’institution concernée ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de cette saisine, mais doit, dans l’exercice d’une compétence liée, saisir ladite commission. Pour le même motif, l’agent concerné ne serait pas tenu de motiver une telle demande.

27      Or, le Tribunal de la fonction publique aurait jugé, dans l’ordonnance attaquée, que toute nouvelle demande de convocation de la commission d’invalidité devait être motivée par l’évolution de l’état de santé de l’agent concerné. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait, en violation du droit communautaire, limité le droit d’un agent à l’ouverture d’une procédure d’examen de son état d’invalidité par une commission d’experts. De plus, il aurait conféré à l’institution concernée le pouvoir d’apprécier elle‑même l’existence de motifs d’ordre médical justifiant l’ouverture d’une telle procédure, en méconnaissance de l’effet utile des dispositions prévoyant l’intervention de la commission d’invalidité, qui seule est compétente pour statuer sur le prétendu état d’invalidité d’un fonctionnaire ou d’un agent communautaire.

28      En l’espèce, dès lors que la commission d’invalidité n’aurait jamais été saisie du cas du requérant, le Tribunal de la fonction publique ne saurait juger que ce n’est que si le requérant justifiait d’une évolution de son état de santé que l’EMEA serait tenue de saisir ladite commission en réponse à la demande du 8 août 2006.

29      Par ailleurs, le requérant rappelle qu’il avait joint à sa demande du 8 août 2006 le rapport du docteur W., d’où il ressortait que le requérant était dans l’incapacité totale de travailler et le demeurerait aussi longtemps que sa situation médicochirurgicale resterait inchangée et que, partant, une incapacité permanente partielle importante était envisagée dans son cas.

30      Ce rapport aurait porté à la connaissance de l’EMEA, pour la première fois, l’incapacité du requérant, considérée comme totale, en raison de laquelle celui‑ci serait tenu de suspendre son service, au sens de l’article 33 du RAA. En effet, les certificats médicaux que le requérant avait produit jusqu’à cette date établiraient seulement qu’il était empêché, au sens de l’article 59 du statut, d’exercer ses fonctions à la suite de l’accident de travail dont il avait été victime.

31      En troisième lieu, le requérant conteste le rejet, par l’ordonnance attaquée, de sa demande indemnitaire. Cette demande serait liée à la décision du 25 octobre 2006, par laquelle l’EMEA aurait placé le requérant dans un état d’incompréhension et d’inquiétude quant à sa situation administrative, dès lors qu’elle aurait refusé d’engager la procédure d’invalidité au titre de l’article 33 du RAA, alors qu’elle ne pouvait ignorer qu’elle était tenue de le faire et de s’abstenir de se prononcer elle‑même sur l’invalidité alléguée du requérant.

32      Par conséquent, en jugeant dans l’ordonnance attaquée que la conclusion indemnitaire était liée à l’illégalité de la décision du 31 mars 2006 et en la rejetant pour ce motif comme irrecevable, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit.

33      L’EMEA fait valoir qu’il est évident, à la lecture des chefs de conclusions des recours du requérant rejetés par l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra, et par l’ordonnance attaquée, que celui-ci avait adressé deux fois au Tribunal de la fonction publique la même demande d’annulation de la décision du 25 octobre 2006, en méconnaissance du principe ne bis in idem.

34      Ce serait, donc, à juste titre que le Tribunal de la fonction publique aurait à nouveau déclaré irrecevable le recours du requérant ayant donné lieu à l’ordonnance attaquée au vu de la tardivité de la réclamation ainsi que de la nature confirmative de la décision du 25 octobre 2006 par rapport à la décision du 31 mars 2006. Par ailleurs, le requérant n’ayant pas introduit un pourvoi contre l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra, il n’aurait plus la possibilité d’invoquer, dans le cadre de la présente procédure, des moyens qui auraient dû être invoqués dans le cadre d’un tel pourvoi.

35      En réponse à l’argument du requérant selon lequel la décision du 25 octobre 2006 aurait rejeté la demande du 8 août 2006 visant à la saisine de la commission d’invalidité, l’EMEA relève que ladite demande ne constituait pas une nouvelle demande, au sens de l’article 59, paragraphe 4, du statut. Cela aurait été dûment pris en compte par le directeur de l’EMEA lorsqu’il a adopté la décision du 25 octobre 2006, ce dont le requérant aurait été informé par la lettre du chef du service juridique de l’EMEA du 29 novembre 2006.

36      Ce serait donc à bon droit que le Tribunal de la fonction publique aurait, dans l’ordonnance attaquée, qualifié la décision du 25 octobre 2006 d’acte simplement confirmatif de la décision du 31 mars 2006. Dès lors, et compte tenu de la jurisprudence, le Tribunal de la fonction publique aurait correctement conclu que la décision du 25 octobre 2006 n’était pas un acte susceptible de recours.

37      S’agissant de l’argumentation du requérant relative au rejet de sa demande indemnitaire, l’EMEA relève que la décision du 31 janvier 2007 ayant rejeté cette demande n’a pas été attaquée devant le Tribunal de la fonction publique dans les délais et que, par conséquent, elle est dépourvue de pertinence pour la présente procédure.

38      En conclusion, l’EMEA souligne que la décision du 31 mars 2006 a été arrêtée en tenant compte de tous les éléments disponibles au moment de son adoption. Dès lors que le requérant aurait omis d’attaquer cette décision dans les délais, toute tentative de sa part de bénéficier d’une réouverture du délai pour l’attaquer serait vouée à l’échec.

 Appréciation du Tribunal

39      Ainsi que l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au point 11 de l’ordonnance attaquée, le requérant a introduit, par le courrier du 17 février 2006, à la fois une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du directeur de l’EMEA, du 14 février 2006, de ne pas renouveler son contrat au‑delà de sa date d’expiration et une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à saisir la commission d’invalidité à propos de son cas.

40      Par sa décision du 31 mars 2006, le directeur de l’EMEA a rejeté tant la réclamation que la demande susvisées.

41      Le requérant n’a pas contesté, par l’introduction d’un recours devant le Tribunal de la fonction publique, la décision de ne pas renouveler son contrat, laquelle est ainsi devenue définitive. En revanche, il a contesté, par l’introduction, le 3 juillet 2006, d’une réclamation, la décision du 31 mars 2006 en ce qu’elle a rejeté sa demande tendant à la saisine de la commission d’invalidité.

42      Cette réclamation a été rejetée comme tardive par la décision du directeur exécutif de l’EMEA du 25 octobre 2006. Sur recours du requérant, le Tribunal de la fonction publique a, par l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra, confirmé le caractère tardif de la réclamation du requérant contre la décision du 31 mars 2006 et il a, ainsi, rejeté le recours comme manifestement irrecevable. Cette ordonnance est, entre‑temps, coulée en force de chose jugée. La décision du 31 mars 2006 est donc devenue définitive également en ce qu’elle a rejeté la demande du requérant, du 17 février 2006, visant à la convocation de la commission d’invalidité.

43      Le 8 août 2006, le requérant a introduit une seconde demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à la saisine de la commission d’invalidité. C’est cette seconde demande qui est à l’origine du recours rejeté comme irrecevable par l’ordonnance attaquée. Ainsi qu’il ressort de la lecture des points 36 à 43 de cette ordonnance, ce rejet est fondé sur la considération que la décision du 25 octobre 2006, en tant qu’elle a rejeté la demande du 8 août 2006, est purement confirmative de celle du 31 mars 2006, par laquelle l’EMEA avait, une première fois, refusé de saisir la commission d’invalidité du cas du requérant.

44      À titre liminaire, il convient de répondre à l’argumentation de l’EMEA exposée aux points 33 et 34 ci‑dessus et tirée, en substance, de ce que ce serait à bon droit que, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique aurait rejeté comme irrecevable le recours du requérant contre la décision du 25 octobre 2006, en tant qu’elle a rejeté la demande du 8 août 2006, sur le fondement non seulement du caractère confirmatif de cette décision, mais également sur celui de l’autorité de la chose jugée dont serait revêtue l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra.

45      À cet égard, force de constater que l’ordonnance attaquée ne se réfère aucunement à une irrecevabilité du recours en annulation du requérant dirigé contre la décision du 25 octobre 2006, en tant qu’elle rejette la demande du 8 août 2006, fondée sur une prétendue violation de l’autorité de la chose jugée découlant de l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra, mais fonde sa conclusion sur le fait que ladite décision présenterait le caractère d’un acte confirmatif (voir le point 36 de l’ordonnance attaquée). Dès lors, l’argumentation susvisée de l’EMEA est fondée sur une prémisse erronée et doit être rejetée.

46      Pour autant que l’argumentation de l’EMEA doive être comprise en ce sens qu’elle invite le Tribunal à rejeter le présent pourvoi en se fondant sur une violation alléguée de l’autorité de la chose jugée découlant de l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra, et en procédant ainsi à une substitution de motifs de l’ordonnance attaquée, elle ne saurait non plus prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance L/EMEA, point 8 supra (point 19), dans le recours ayant donné lieu à cette ordonnance, le requérant concluait uniquement à l’annulation de la décision du 31 mars 2006, « ainsi que, pour autant que de besoin, [de] la décision [du 25 octobre 2006] rejetant la réclamation formée à son encontre ». Cette ordonnance ne fait donc nullement état d’une conclusion visant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006 en ce qu’elle portait rejet de la demande du requérant du 8 août 2006. Il s’ensuit que l’argumentation en cause de l’EMEA doit être rejetée.

47      S’agissant, d’abord, du rejet comme irrecevables, par le Tribunal de la fonction publique, des conclusions du recours du requérant tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006 en ce qu’elle a rejeté sa demande du 8 août 2006, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, Rec. p. II‑557, point 44, et la jurisprudence citée).

48      Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (voir arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

49      À cet égard, il convient de souligner que l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive (arrêt de la Cour du 26 septembre 1985, Valentini/Commission, 231/84, Rec. p. 3027, point 14 ; voir également arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

50      Si un acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur les prétendus faits nouveaux et substantiels et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (voir arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

51      Il s’ensuit que, si une demande visant au réexamen d’une décision devenue définitive est fondée sur des faits nouveaux et substantiels, l’institution concernée est tenue d’y procéder. À la suite de ce réexamen, l’institution devra prendre une nouvelle décision, dont la légalité peut, le cas échéant, être contestée devant le juge communautaire. En revanche, à défaut de faits nouveaux et substantiels, l’institution n’est pas tenue de faire droit à la demande de réexamen (arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 48).

52      Dès lors, s’il apparaît qu’une demande tendant au réexamen d’une décision devenue définitive était effectivement basée sur des faits nouveaux et substantiels, un recours introduit contre une décision refusant de procéder à un tel réexamen doit être déclaré recevable (arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 49).

53      Selon la jurisprudence, un fait postérieur à l’adoption de la décision visée par la demande de réexamen constitue, en toute hypothèse, un fait nouveau (arrêt Inpesca/Commission, point 47 supra, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, points 11 et 12).

54      Pour être qualifié de substantiel, il est nécessaire que le fait concerné soit susceptible de modifier de façon substantielle les conditions qui ont régi l’acte antérieur dont le réexamen est demandé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 11, et du Tribunal du 28 avril 1994, Cucchiara e.a./Commission, T‑35/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑413, point 16), tel que, notamment, le fait suscitant des doutes quant au bien‑fondé de la solution adoptée par ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Hagleitner/Commission, T‑94/96, RecFP p. I‑A‑489 et II‑1467, points 31 et 32).

55      En second lieu, il convient de relever que, selon l’article 33 du RAA, un agent temporaire qui est reconnu par la commission d’invalidité comme atteint d’une invalidité considérée comme totale et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service auprès de son institution, bénéficie, aussi longtemps que dure cette invalidité, d’une allocation d’invalidité.

56      En vue d’assurer l’effectivité du droit à une allocation d’invalidité, qui ne peut être reconnu qu’au terme de la procédure d’invalidité, il y a lieu de considérer que ce droit comporte nécessairement, pour un agent temporaire qui est tenu de suspendre son service auprès de son institution à cause de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer ce service en raison de son état d’invalidité, le droit de demander l’ouverture de la procédure d’invalidité (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 26 novembre 2008, OHMI/López Teruel, T‑284/07 P, non encore publié au Recueil, point 66).

57      Ce droit de demander l’ouverture d’une procédure d’invalidité revêt, en pratique, dans le cas d’un agent temporaire, une importance d’autant plus grande que, à la différence d’un fonctionnaire, l’agent temporaire, du fait même de son statut, court le risque, alors même qu’il se trouve en congé de maladie, de voir sa relation d’emploi se terminer en vertu de l’article 47, sous b), i) et ii), et sous c), i), du RAA.

58      Quant à l’article 59, paragraphe 4, du statut, il n’est applicable que dans l’hypothèse où l’administration prend l’initiative de saisir la commission d’invalidité. Lorsque la demande de saisine de la commission d’invalidité émane de l’agent temporaire concerné, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC ») tient sa compétence directement de l’article 33 du RAA. Dès lors qu’elle n’est pas compétente pour effectuer des appréciations médicales, l’AHCC n’est fondée à rejeter une telle demande que dans l’hypothèse où elle disposerait d’éléments objectifs et non contestés excluant que les conditions de fond de l’article 33 du RAA soient réunies (voir, par analogie, arrêt OHMI/López Teruel, point 56 supra, points 77 et 78).

59      Il ressort des considérations et de la jurisprudence évoquées ci‑dessus que, en cas d’introduction, par un agent temporaire, d’une demande de réexamen d’une décision de l’AHCC ayant rejeté une première demande dudit agent tendant à saisir la commission d’invalidité, l’AHCC doit procéder au réexamen de cette décision, si la nouvelle demande est fondée sur des faits nouveaux et substantiels, et doit accéder à cette demande si, à la lumière desdits faits, il est désormais impossible d’exclure, sur la base d’éléments objectifs et non contestés en possession de l’AHCC, que les conditions de fond de l’article 33 du RAA soient réunies.

60      Dans ces conditions, le moyen unique du requérant, qui reproche au Tribunal de la fonction publique une erreur de droit en ce qu’il aurait, à tort, considéré que l’EMEA n’était pas tenue d’examiner sa nouvelle demande de saisine de la commission d’invalidité, du 8 août 2006, ne saurait être accueilli que dans l’hypothèse où il serait démontré que ladite demande était fondée sur des faits nouveaux et substantiels, au sens susvisé.

61      Le Tribunal de la fonction publique a considéré que tel n’était pas le cas. En substance, cette conclusion est fondée sur l’estimation, figurant au point 40 de l’ordonnance attaquée, que l’état de santé du requérant, au vu duquel l’AHCC s’était prononcée, le 25 octobre 2006, n’aurait pas été différent de celui dont l’AHCC avait connaissance le 31 mars 2006, lors du rejet de la première demande de saisine de la commission d’invalidité. Le Tribunal de la fonction publique a ajouté que le rapport médical du docteur W., daté du 31 juillet 2006, constituait, certes, une pièce nouvelle, mais qu’il n’était pas susceptible de remettre en cause le caractère confirmatif de la décision du 25 octobre 2006, dès lors qu’il constaterait la même incapacité de travail du requérant que celle ayant fait l’objet de la décision du 31 mars 2006.

62       Il y a dès lors lieu d’examiner si cette conclusion est, comme l’affirme le requérant, entachée d’une erreur de droit.

63      Il ne saurait être admis que l’AHCC n’est tenue de procéder au réexamen d’une décision portant refus de constitution d’une commission d’invalidité, devenue définitive, que dans l’hypothèse où l’état de santé de l’agent temporaire concerné est différent de celui dont elle avait connaissance lors de l’adoption de la décision visée par la demande de réexamen ou dans celle où l’incapacité de travail dudit agent ressort d’une pathologie différente de celle constatée et prise en considération par l’AHCC dans cette même décision.

64      À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, dès lors que, l’AHCC n’est pas compétente pour effectuer elle‑même des appréciations médicales et qu’elle n’est fondée à rejeter une demande d’un agent temporaire tendant à la saisine de la commission d’invalidité que dans l’hypothèse où elle dispose d’éléments objectifs et non contestés excluant que les conditions de fond de l’article 33 du RAA soient réunies, il ne saurait être exclu que certains faits nouveaux soient susceptibles, même s’ils ne démontrent pas un état de santé différent de l’agent temporaire concerné, de modifier substantiellement les conditions ayant régi la décision antérieure de l’AHCC portant refus de saisir la commission d’invalidité et, partant, d’être qualifiés de faits nouveaux et substantiels exigeant le réexamen de ladite décision.

65      Constitue un tel fait, notamment, la prolongation du congé de maladie de l’intéressé pendant une période non négligeable après le rejet da sa première demande de saisine de la commission d’invalidité, quand bien même ce nouveau congé serait justifié par la même pathologie que celle prise en considération lors du rejet de la première demande.

66      En effet, s’il est, certes, envisageable que l’institution concernée puisse conclure qu’une absence d’un agent temporaire de son poste de travail pour cause de maladie ne justifie pas la saisine de la commission d’invalidité lorsque ladite institution dispose d’éléments objectifs et non contestés démontrant que l’agent en cause sera, dans un avenir assez proche, en mesure d’exercer de nouveau ses fonctions, il n’en reste pas moins qu’une prolongation pendant une période non négligeable de l’absence pour maladie de cette personne constitue, incontestablement, un indice sérieux susceptible de faire naître un doute sur ses perspectives de reprise de ses fonctions et de remettre ainsi en cause le bien‑fondé du refus initial de saisir la commission d’invalidité de son cas.

67      Deuxièmement, l’appréciation, par le Tribunal de la fonction publique, du rapport médical du docteur W., daté du 31 juillet 2006 et joint par le requérant à sa demande du 8 août 2006, est également entachée d’une erreur de droit. En effet, tout en qualifiant cette pièce de nouvelle, le Tribunal de la fonction publique l’a néanmoins écartée au seul motif qu’il en ressortait « le même constat d’incapacité de travail [du requérant], au titre du même accident » (point 40 de l’ordonnance attaquée).

68      Or, ce seul constat ne saurait suffire pour exclure que le rapport médical en question révèle des faits nouveaux et substantiels, au sens de la jurisprudence évoquée ci‑dessus, susceptibles de justifier le réexamen de la décision du 31 mars 2006.

69      Tel serait notamment le cas si ce rapport, outre une constatation de l’incapacité de travail du requérant au titre de la pathologie déjà connue de l’AHCC, justifiant seulement l’octroi au requérant d’un congé de maladie au titre de l’article 59 du statut, contenait également, comme le fait valoir le requérant dans son pourvoi, des appréciations médicales sur les perspectives futures de reprise de ses fonctions par le requérant ainsi que sur la nature permanente ou non de son incapacité de travail, au sens de l’article 33 du RAA. Or, le Tribunal de la fonction publique n’a nullement examiné si le rapport en question contenait effectivement de telles appréciations.

70      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’ordonnance attaquée, en ce qu’elle a rejeté comme irrecevables les conclusions du recours du requérant tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006, dans la mesure où elle portait rejet de sa demande du 8 août 2006, est entachée d’une erreur de droit et doit être annulée.

71      S’agissant, ensuite, de la considération, au point 34 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006, en ce que celle‑ci a rejeté la réclamation du requérant, du 3 juillet 2006, contre la décision du 31 mars 2006, étaient également irrecevables, force est de constater que la lecture de la requête en première instance révèle que celle‑ci concluait seulement à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006 « rejetant la demande du requérant de saisir la [c]ommission d’invalidité ».

72      Il convient donc de conclure que, comme le fait valoir à juste titre le requérant, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, dans la mesure où, en se méprenant sur l’objet du litige, il a considéré que celui‑ci englobait également l’aspect de la décision du 25 octobre 2006 en ce qu’elle a rejeté la réclamation du requérant du 3 juillet 2006 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, non encore publié au Recueil, points 74 et 75 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, points 44 à 50). Par conséquent, l’ordonnance attaquée doit également être annulée en ce qu’elle a rejeté comme irrecevables les conclusions susvisées, qui ne faisaient pas partie de l’objet du litige soumis au Tribunal de la fonction publique.

73       S’agissant, enfin, de l’argumentation du requérant par laquelle il conteste le rejet, par l’ordonnance attaquée, des conclusions indemnitaires de son recours, il convient de relever que, aux points 44 à 46 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, rejeté les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision du 31 janvier 2007, au motif, en substance, qu’elles étaient irrecevables dès lors que le requérant cherchait à obtenir, par cet intermédiaire, un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès du recours en annulation de la décision du 31 mars 2006, qu’il avait omis d’attaquer dans les délais. Ensuite, au point 47 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le chef de conclusions du recours tendant à l’octroi d’une indemnité, au motif qu’il était étroitement lié aux conclusions en annulation rejetées comme irrecevables et qu’il était donc, lui aussi, irrecevable.

74      Le requérant conteste cette appréciation, en faisant valoir, en substance, que sa demande indemnitaire serait liée à l’illégalité alléguée de la décision du 25 octobre 2006 et non de la décision du 31 mars 2006.

75      À cet égard, il convient de constater, d’abord, que bien que le requérant énonce, dans la partie introductive de sa requête en première instance, que l’objet de son recours était, notamment, de « soumettre à [la] censure [du Tribunal de la fonction publique …] la décision du 31 janvier 2007 du directeur exécutif de l’[EMEA] », il a seulement présenté, à la fin de cette même requête, un premier chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006 « rejetant la demande […] de saisir la [c]ommission d’invalidité », un deuxième chef de conclusions, visant à la condamnation de l’EMEA à lui verser des dommages et intérêts pour fautes de service et un troisième chef de conclusions concernant les dépens. Contrairement, donc, à ce qu’affirme le Tribunal de la fonction publique au point 24 de l’ordonnance attaquée, le requérant n’a pas présenté un chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 31 janvier 2007.

76      Ensuite, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable, qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal, et, par conséquent, les conclusions en annulation dirigées contre cette décision ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, RecFP p. I‑A‑471 et II‑1231, point 45 ; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 32).

77      Il s’ensuit que, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique n’avait pas à se prononcer sur un éventuel chef de conclusions en annulation de la décision du 31 janvier 2007, à supposer même qu’un tel chef de conclusions ait été présenté dans le recours, mais devait uniquement se prononcer sur le chef de conclusions indemnitaire dudit recours.

78      Ce dernier chef de conclusions visait, ainsi que le fait valoir à juste titre le requérant, la réparation du préjudice que celui‑ci aurait prétendument subi du fait du rejet, par la décision du 25 octobre 2006, de sa demande du 8 août 2006 tendant à la saisine de la commission d’invalidité.

79      Le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 47 de l’ordonnance attaquée, que les conclusions en indemnité étaient irrecevables compte tenu de leur lien étroit avec les conclusions en annulation préalablement déclarées irrecevables. À cet égard, il suffit de relever que, pour les motifs exposés ci‑dessus, c’est à la suite d’une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a estimé que le chef de conclusions du recours tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2006, en ce qu’elle a rejeté la demande du requérant du 8 août 2006, était irrecevable. Le rejet des conclusions indemnitaires du recours est donc également entaché d’une erreur de droit.

80      Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée doit également être annulée tant en ce qu’elle a rejeté le chef de conclusions en annulation de la décision du 31 janvier 2007 qu’en ce qu’elle a rejeté le chef de conclusions indemnitaire du recours.

81      Il ressort de tout ce qui précède qu’il convient de faire droit au pourvoi et d’annuler l’ordonnance attaquée dans son intégralité.

 Sur le recours en première instance

82      Il ressort de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, que, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique, le Tribunal statue lui‑même sur le litige, si celui‑ci est en état d’être jugé.

83      En l’espèce, l’affaire étant en état d’être jugée, il y a lieu pour le Tribunal de statuer définitivement sur le litige.

 Sur la demande en annulation

84      Ainsi qu’il a été relevé au point 60 ci‑dessus, le chef de conclusions du requérant en annulation de la décision du 25 octobre 2006, par laquelle sa demande de saisine de la commission d’invalidité du 8 août 2006 a été rejetée, ne saurait être considéré comme recevable que dans l’hypothèse où cette dernière demande serait fondée sur des faits nouveaux et substantiels justifiant un réexamen de la décision de l’EMEA du 31 mars 2006.

85      Or, il est constant que, après cette décision, le requérant n’a pas repris son travail, mais qu’il était, au contraire, toujours placé en congé de maladie à la date de l’introduction de sa nouvelle demande de saisine de la commission d’invalidité, le 8 août 2006, ainsi qu’à celle de l’expiration de son contrat, le 15 octobre 2006.

86      La prolongation de l’absence du requérant de son poste de travail pour cause de maladie tout au long de cette période constituait, pour les motifs exposés aux points 65 et 66 ci‑dessus, un fait nouveau et substantiel, imposant à l’EMEA de réexaminer sa décision du 31 mars 2006 afin de déterminer si le refus de saisine de la commission d’invalidité pouvait être maintenu ou si, compte tenu de la prolongation de l’absence du requérant pour cause de maladie pendant une période aussi longue, une telle saisine s’imposait.

87      Un tel réexamen était d’autant plus nécessaire que le directeur de l’EMEA a relevé, dans la décision du 25 octobre 2006, que sa décision, du 31 mars 2006, de ne pas saisir la commission d’invalidité, avait été prise à la suite d’informations, reçues par le requérant lui-même, indiquant une perspective de reprise du travail dans un délai raisonnable. Or, la prolongation de l’absence pour cause de maladie du requérant pour l’ensemble de la période comprise entre la décision du 31 mars 2006 et celle du 25 octobre 2006 était, précisément, susceptible de jeter un doute sérieux sur les perspectives de reprise de son travail.

88      En outre, ainsi que le requérant le fait en substance valoir, le rapport médical du docteur W., joint à sa demande du 8 août 2006, révélait également des faits nouveaux et substantiels, au sens susvisé.

89      À cet égard, il convient de relever que la conclusion finale du rapport médical du docteur W., du 31 juillet 2006, rédigé après examen du requérant effectué le 26 juillet 2006, est ainsi libellée :

« Le patient est dans l’incapacité totale de travailler actuellement et le demeurera aussi longtemps que sa situation médicochirurgicale n’aura pas changé.

Une incapacité permanente partielle importante est envisagée dans son cas. »

90      Cette conclusion va bien au-delà d’une simple constatation d’incapacité de travail, justifiant seulement une absence de l’intéressé pour maladie, conformément à l’article 59 du statut. Le docteur W. ne se limite pas à constater que le requérant était, au moment de la rédaction du rapport, incapable de travailler, mais ajoute que cette incapacité est susceptible de durer pour une période future non déterminable, « aussi longtemps que sa situation médicochirurgicale n’aura pas changé », et que, de surcroît, une incapacité permanente partielle est envisagée dans le cas du requérant.

91      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal de la fonction publique au point 40 de l’ordonnance attaquée, le rapport du docteur W. n’est pas simplement un nouvel élément de preuve, qui ne fait que confirmer des faits déjà connus de l’AHCC, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 20 mai 1987, Gherardi Dandolo/Commission (214/85, Rec. p. 2163). En effet, outre la confirmation de l’incapacité de travail du requérant déjà connue de l’AHCC, ce rapport a indiqué à cette dernière que l’incapacité du requérant était susceptible de durer pour une période non déterminable et qu’une incapacité permanente partielle importante était envisagée.

92      Il ne ressort pas du dossier que les pièces qui étaient à la disposition de l’EMEA lors de l’adoption de sa décision du 31 mars 2006, ayant rejeté la première demande du requérant, permettaient de parvenir à des conclusions identiques ou analogues à celles figurant dans le rapport du docteur W. Par ailleurs, les conclusions dudit rapport concernent l’état de santé du requérant à une date postérieure à la décision attaquée. Elles constituaient donc à la fois des faits nouveaux et substantiels, en ce sens qu’elles rendaient nécessaire le réexamen de la décision du 31 mars 2006 en vue de déterminer si la possibilité que les conditions de fond de l’article 33 du RAA soient réunies en l’espèce pouvait toujours être exclue ou si, au contraire, la saisine de la commission d’invalidité à propos du cas du requérant s’imposait.

93      Il résulte des considérations qui précèdent que, dès lors que l’EMEA était tenue, à la suite de la demande du requérant, du 8 août 2006, fondée sur des faits nouveaux et substantiels, de procéder à un réexamen de sa décision du 31 mars 2006, la décision du 25 octobre 2006 rejetant la demande du 8 août 2006 n’était pas un acte purement confirmatif de la décision du 31 mars 2006, mais constituait un acte faisant grief au requérant, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Le chef de conclusions en annulation de la décision du 25 octobre 2006, en ce qu’elle a rejeté la demande du requérant du 8 août 2006, est donc recevable.

94      À l’appui de sa demande en annulation, le requérant invoque trois moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, d’une violation de l’article 31, premier alinéa, et de l’article 33, paragraphes 1 et 2, du RAA et d’une erreur manifeste d’appréciation et, troisièmement, d’une violation de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950.

95      Par le deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le requérant reproche à l’EMEA, en substance, une erreur de droit en ce qu’elle a refusé, par la décision du 25 octobre 2006, de procéder au réexamen de sa décision du 31 mars 2006 et, partant, de saisir la commission d’invalidité de son cas.

96      Dès lors que cette demande était fondée, ainsi qu’il a déjà été relevé, sur des faits nouveaux et substantiels, l’EMEA était tenue de procéder à un tel réexamen. Or, il ressort clairement de la décision du 25 octobre 2006, ainsi que de celle du 31 janvier 2007 ayant rejeté la réclamation du requérant contre ladite décision, que l’EMEA n’a pas procédé au réexamen de sa décision du 31 mars 2006, ce qu’elle a d’ailleurs confirmé lors de l’audience. Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être déclaré fondé et que, partant, la décision de l’EMEA du 25 octobre 2006 doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par le requérant à l’appui du chef de conclusions en annulation.

 Sur la demande en indemnité

97      Dès lors que le chef de conclusions en annulation est, ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, recevable, le chef de conclusions indemnitaire, par lequel le requérant entend obtenir la réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’illégalité de la décision du 25 octobre 2006, est également recevable et doit être examiné quant au fond.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté et, notamment, dans les litiges relevant, comme en l’espèce, des relations entre la Communauté et ses agents, un droit à réparation n’est reconnu par le droit communautaire que si trois conditions sont réunies, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, Rec. p. II‑3315, point 99, et du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1477, point 202).

99      En l’espèce, dès lors que, pour les motifs exposés ci‑dessus, le rejet par l’EMEA de la nouvelle demande du requérant du 8 août 2006, tendant à la saisine de la commission d’invalidité, était entaché d’une illégalité, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à l’EMEA par le requérant doit être considérée comme étant remplie.

100    En ce qui concerne les conditions relatives à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement critiqué et le préjudice invoqué, il y a lieu de relever que, dans sa requête devant le Tribunal de la fonction publique, le requérant fait valoir que, en maintenant son refus d’engager la procédure d’invalidité, l’EMEA l’a placé dans un état d’inquiétude et d’incertitude. Il réclame, pour ce motif, la condamnation de l’EMEA à lui payer la somme de 100 000 euros « à titre de dommages matériels et moraux ».

101    Pour ce qui est du préjudice matériel, la requête ne contient aucun élément permettant de l’identifier et de déterminer son caractère réel et son éventuel lien de causalité avec l’illégalité commise par l’EMEA.

102    En tout état de cause, il convient de relever qu’un préjudice matériel subi par le requérant du fait du rejet de sa nouvelle demande de saisine de la commission d’invalidité ne pourrait concerner que l’allocation d’invalidité, au sens de l’article 33 du RAA, à laquelle le requérant pourrait prétendre si, à la suite de la saisine de la commission d’invalidité, il s’avérait qu’il était effectivement atteint d’une invalidité considérée comme totale, au sens du même article. Or, dès lors que la décision de l’EMEA du 25 octobre 2006, ayant rejeté la demande du requérant du 8 août 2006 tendant à la saisine de la commission d’invalidité, doit être annulée, l’AHCC devra réexaminer cette dernière demande, saisir, le cas échéant, ladite commission et, dans l’hypothèse ou celle‑ci conclurait que le requérant est effectivement atteint d’une invalidité considérée comme totale au sens de l’article 33 du RAA, lui octroyer l’allocation en question. Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande indemnitaire du requérant, pour autant qu’elle vise la réparation du préjudice matériel prétendument subi, est prématurée et doit être rejetée.

103    S’agissant de la demande d’indemnisation du préjudice moral prétendument subi, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du Tribunal du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, RecFP p. I‑A‑2‑129 et II‑A‑2‑609, point 131, et la jurisprudence citée).

104    Le Tribunal considère que, en l’espèce, le requérant a subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de l’acte attaqué, au sens de la jurisprudence susvisée. En effet, le refus illégal de l’EMEA de procéder, à la suite de la demande du requérant du 8 août 2006, à un réexamen de la décision du 31 mars 2006, par laquelle elle avait refusé de saisir la commission d’invalidité du cas du requérant, alors que le contrat d’agent temporaire de ce dernier arrivait à échéance et qu’il était dans l’impossibilité de travailler et, par conséquent, de trouver un nouvel emploi, a placé le requérant dans un état d’inquiétude et d’incertitude quant à ses perspectives financières et, pour ce motif, lui a causé un préjudice moral réel.

105    Il convient donc de condamner l’EMEA au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi par le requérant.

 Sur les dépens

106    Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

107    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

108    Il y a lieu, dès lors, de condamner l’EMEA aux dépens de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique ainsi que de la présente instance, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 19 octobre 2007, M/EMEA (F‑23/07, non encore publiée au Recueil), est annulée.

2)      La décision de l’Agence européenne des médicaments (EMEA) du 25 octobre 2006 est annulée, en ce qu’elle a rejeté la demande de M. M, du 8 août 2006, tendant à saisir la commission d’invalidité de son cas.

3)      L’EMEA est condamnée au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au requérant.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      L’EMEA est condamnée aux dépens de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique ainsi que de la présente instance.

Jaeger

Vilaras

Forwood

Martins Ribeiro

 

      Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 2009.

Signatures


* Langue de procédure : le français.